Mercredi 14 avril 2021
- Présidence de M. Jean-François Rapin, président -
La réunion est ouverte à 14 heures.
Questions sociales, travail, santé - Socle européen des droits sociaux - Communication de Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey
M. Jean-François Rapin, président. - La question de l'Europe sociale, comme celle de la santé, revient aujourd'hui au coeur des débats, à l'aune de la crise que nous sommes en train de vivre. Faut-il plus d'Europe en matière sociale, à l'heure où les indicateurs économiques et sociaux se dégradent, le chômage et la précarité augmentent et les inégalités se creusent ? La question se pose.
En février dernier, le taux de chômage dans l'Union européenne s'élevait à 7,5 %, soit 15,9 millions de chômeurs, près de 2 millions de plus qu'en février 2020. Avec un taux de chômage de 17,2 %, les jeunes sont tout particulièrement touchés par la crise, de même que les femmes, dont le taux de chômage atteint 8,8 %.
Au sein de notre commission, les politiques européennes en matière sociale sont suivies de longue date par nos collègues Pascale Gruny et Laurence Harribey, qui suivent également les politiques de santé. En octobre dernier, notre commission les a confirmées dans cette mission, qu'elles partagent désormais avec notre nouveau collègue Jérémy Bacchi.
C'est donc ensemble qu'ils vont nous présenter une communication sur le plan d'action relatif au socle européen des droits sociaux que la Commission européenne a publié le 4 mars dernier.
Ce plan s'inscrit dans les réponses économiques et sociales à la crise proposées par l'Union européenne. La définition des réponses que l'Europe peut apporter à l'impact social de la crise a en effet été affichée comme l'une de ses priorités par la Présidence portugaise, dont le sommet de Porto sera le point d'orgue. Cette rencontre, qui se déroulera les 7 et 8 mai prochain, devrait être l'occasion pour l'Union européenne de signifier, au plus haut niveau, son attachement au socle des droits sociaux et, pour les États membres, d'approuver le plan d'action de la Commission.
C'est dans ce contexte particulier que nos collègues ont souhaité s'intéresser à ce plan, et plus généralement, à la question sociale d'après-crise qui est, et sera sans doute, essentielle pour l'avenir de l'Union européenne.
Mme Pascale Gruny. - M. Bacchi ayant un empêchement dont il vous prie de l'excuser, nous vous présenterons cette communication à deux voix au lieu de trois. Celle-ci concerne le plan d'action de la Commission européenne relatif au socle européen des droits sociaux, publié le 4 mars dernier. Nous allons vous en présenter les principales avancées, mais également les quelques difficultés de mise en oeuvre que nous avons pu identifier. Nous terminerons notre intervention, en détaillant quelques initiatives législatives contenues dans ce plan, qui nous semblent essentielles et sur lesquelles nous pourrions travailler dans les prochains mois.
Comme vous le savez, la pandémie a conduit la Commission et les présidences croate et allemande à revoir leur agenda de l'année 2020 pour se concentrer sur la gestion de la crise, et notamment sur son volet social, avec des dispositifs de relance, de soutien au marché de l'emploi et de protection des publics les plus vulnérables, victimes collatérales de la pandémie. Plusieurs initiatives importantes, prévues par la feuille de route de la Commission européenne intitulée « une Europe sociale pour une transition juste » et publiée en janvier 2020, ont tout de même pu voir le jour, comme la proposition de directive sur les salaires minimaux, sur laquelle nous reviendrons.
Ce plan, qui nous intéresse aujourd'hui, se veut être le programme de travail de la Commission sur les cinq à dix prochaines années, avec des objectifs à horizon 2030. Il est présenté comme la traduction concrète du fameux socle européen des droits sociaux, proclamé au sommet de Göteborg en 2017. En effet, ce socle - constitué d'un ensemble de vingt principes et droits sociaux essentiels, en matière de marché du travail, de protection sociale et d'égalité - est malheureusement peu contraignant juridiquement, comme nous avions pu le souligner dans un de nos rapports sur le sujet en avril 2018.
Ce plan, qui procède d'une vaste consultation lancée il y a un an, propose des actions concrètes, à l'aune de la crise et des profonds bouleversements causés par le changement climatique, la numérisation, la mondialisation et les évolutions démographiques.
Il fixe trois objectifs à atteindre à l'horizon 2030, concernant le taux d'emploi, la formation et la réduction de la pauvreté, et il invite parallèlement les États membres à se doter d'objectifs nationaux en cohérence. Ainsi, d'ici à 2030, au moins 78 % de la population âgée de 20 à 64 ans devrait être en emploi ; au moins 60 % des adultes devraient suivre une formation chaque année ; et le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d'exclusion sociale devrait être réduit d'au moins 15 millions, dont 5 millions d'enfants. En 2019, environ 91 millions de personnes, dont près de 18 millions d'enfants, étaient concernées.
Pour atteindre ces objectifs, la Commission établit, dans son plan, une liste d'actions à mener au niveau de l'Union, et des États membres, qui se déclinent selon trois axes : emploi ; compétences et égalité ; protection sociale et inclusion.
Je ne vais pas présenter toutes les mesures, car elles sont très nombreuses - près de 70 -, sans compter les actions demandées aux États membres. Mais je vais revenir sur les plus significatives d'entre elles.
S'agissant du premier axe qui concerne l'emploi, la Commission estime qu'il est temps de préparer la relance économique par des mesures de long terme, visant la création d'emplois. Ce volet repose principalement sur les États membres, qui sont invités à se conformer à la recommandation de la Commission concernant un soutien actif et efficace à l'emploi. Ce texte met l'accent sur l'investissement dans la formation professionnelle, le service public de l'emploi et des subventions ciblées pour l'emploi.
Le volet « emploi » du plan d'action rassemble, par ailleurs, un certain nombre d'initiatives de la Commission, relatives aux conditions de travail, dont la directive relative à des salaires minimaux adéquats, présentée en octobre 2020 ; une proposition législative sur les conditions de travail des travailleurs des plateformes, qui sera présentée au quatrième trimestre 2021 ; et un nouveau cadre stratégique 2021-2027 en matière de sécurité et de santé au travail, qui sera présenté au deuxième trimestre 2021.
Concernant le deuxième axe de ce plan d'action, intitulé « compétences et égalité », la Commission insiste sur l'importance, d'une part, d'investir davantage dans l'éducation et la formation et, d'autre part, de lutter contre les stéréotypes de genre ainsi que toute discrimination.
Sur le volet « compétences », la Commission prévoit plusieurs initiatives législatives, comme celle sur les comptes de formation individuels, qui sera présentée au quatrième trimestre 2021.
Sur la question de l'égalité, la Commission annonce plusieurs mesures, telles que la stratégie sur les droits des personnes handicapées, présentée concomitamment au plan d'action en mars dernier, ou une directive relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, également présentée en mars, et une initiative législative prévue au quatrième trimestre 2021, visant à lutter contre les violences sexistes et sexuelles.
Enfin, concernant le troisième et dernier axe de ce plan relatif à la protection sociale et l'inclusion, la Commission propose plusieurs initiatives visant à atteindre l'objectif de réduction de la pauvreté d'ici 2030. Parmi ces mesures, nous pouvons citer une recommandation du Conseil sur le revenu minimum, prévue en 2022 ; une plateforme européenne sur la lutte contre le sans-abrisme, prévue au deuxième trimestre 2021; un projet pilote, qui, de 2021 à 2023, étudiera la possibilité de recourir à une solution numérique pour créer un passeport européen de sécurité sociale, que nous avions déjà évoqué dans nos travaux passés.
Pour financer ce plan, je soulignerai, pour le regretter, qu'il n'y a pas de fonds spécifiques, ni de lignes de crédits supplémentaires annoncées, à part les instruments financiers déjà en place : Cadre financier pluriannuel, NextGeneration EU, Facilité de résilience et de relance, fonds sectoriels, et notamment le FSE + (Fonds social européen), doté de 88 milliards d'euros, qui reste le principal instrument de l'Union pour soutenir la mise en oeuvre du socle des droits sociaux.
Mme Laurence Harribey. - S'il est foisonnant de mesures, ce plan n'est pas pour autant un inventaire à la Prévert : il a le mérite de mettre en cohérence des initiatives plutôt éparses, qui participent à la poursuite de l'objectif de convergence sociale de l'Union européenne. En cela, ce plan d'action constitue déjà une avancée qu'il faut souligner. Il présente également un certain nombre d'autres points positifs, sur lesquels je vais revenir. Ma collègue reviendra sur les aspects plus négatifs de ce plan qui méritent une certaine vigilance.
L'acquis social européen - initié par la déclaration de Messine en 1955, donc avant le traité de Rome, renforcé par le traité de Lisbonne, et complété dernièrement par le fameux socle - n'a, en effet, toujours pas permis d'atteindre la convergence sociale espérée, malgré l'ancienneté de la thématique, en raison notamment de la compétence hybride de l'Union européenne en matière sociale.
Les objectifs fixés par la stratégie « Europe 2020 » en matière de réduction de la pauvreté, de taux d'emploi ou de formation, n'ont globalement pas été atteints, en partie à cause de la crise, il faut le dire. Cette dernière n'a fait qu'amplifier les écarts et les inégalités sociales à l'intérieur des États membres et entre eux.
Le marché du travail européen est aujourd'hui fragmenté, fragmentation qui participe au phénomène de dumping social, dont profitent les pays d'Europe centrale et orientale, ce qui ne les conduit pas à vouloir faire avancer l'Europe sociale... Nous pouvons le regretter. Selon les derniers chiffres publiés par Eurostat, les différences de coûts horaires restent extrêmement importantes entre les États membres en 2020. Le coût horaire est ainsi de 6,5 euros en Bulgarie, de 8,1 euros en Roumanie, mais de 48,1 euros au Danemark.
De la même façon, des inégalités de revenus importantes persistent au sein de l'Union européenne. Ainsi, en 2017, les 20 % des ménages les plus riches gagnaient environ cinq fois plus que les 20 % les plus pauvres au sein de l'Union européenne. La convergence reste donc bien un objectif, et est loin d'être acquise !
Nous saluons ce plan en ce qu'il fixe de nouveaux objectifs essentiels, même si l'horizon 2030 semble un peu lointain, et que des objectifs de mi-parcours auraient pu être fixés. La fixation de tels objectifs traduit une volonté d'action de la Commission, que nous ne pouvons qu'encourager tout comme son souhait de suivre l'évolution des indicateurs et une intégration dans le cadre du Semestre européen. Cette crise aura provoqué une sorte de révolution culturelle au sein des instances européennes.
Outre ses objectifs, nous saluons globalement l'ensemble des mesures inscrites dans ce plan, et particulièrement certaines initiatives législatives.
S'agissant du financement, nous notons également positivement le fléchage du FSE + vers certaines actions prioritaires. Il est ainsi prévu qu'au moins 12,5 % de ce fonds soient utilisés pour lutter contre le chômage des jeunes, et au moins 25 % pour lutter contre la pauvreté, y compris infantile, dans les États membres les plus touchés. En outre, tous les États membres devront consacrer au moins 3 % des ressources du FSE+ à la lutte contre la privation matérielle. Il s'agit là d'une victoire obtenue notamment par la France dans les négociations relatives au Fonds européen d'aide pour les plus démunis (FEAD). Ce fonds, désormais intégré dans le FSE +, bénéficiera également d'un taux de cofinancement de 90 %, supérieur à celui de l'ancienne programmation, qui était de 85%, ce dont nous pouvons nous féliciter. Pour la prochaine programmation, la France bénéficiera ainsi de 582 millions d'euros de crédits européens pour l'aide alimentaire - les associations avaient beaucoup insisté sur ce point.
Par ailleurs, s'agissant de la programmation 2014-2020, il a été décidé, sous l'impulsion de la France notamment, que le FEAD bénéficie de crédits additionnels issus de l'initiative REACT-EU. En l'espèce, la France devrait bénéficier de 132 millions d'euros lui permettant de financer des achats complémentaires de denrées en réponse à la hausse du nombre de personnes en situation de précarité alimentaire.
L'Europe sociale est en effet celle du concret, celle dont les sujets concernent la vie quotidienne des citoyens européens, que ce soit en matière d'aide sociale, de formation, d'accès au travail, d'accès aux soins, ou de mobilité.
Un sondage d'Eurobaromètre publié début mars nous semble à cet égard révélateur : près de neuf Européens sur dix considèrent que l'Europe sociale est « importante ». C'est un changement significatif par rapport à la perception plus négative à laquelle nous étions habitués. Près des trois quarts des Européens jugent, par ailleurs, que davantage de décisions devraient être prises au niveau européen en ce qui concerne la promotion de conditions de travail « décentes » dans l'Union européenne : on commence à mieux comprendre l'interdépendance européenne et la nécessité de solutions européennes plutôt que nationales. Et cette question de l'Europe sociale est d'autant plus importante dans le contexte actuel de crise, dont nous ne connaissons pas encore précisément l'impact social. Il y a un enjeu conjoncturel mais également un intérêt structurel à renforcer les standards sociaux dans tous les pays membres de l'Union européenne.
Nous ne pouvons ainsi que saluer ce plan d'action, qui permet d'aller plus en avant sur la voie de la convergence sociale, même si la compétence de l'Union en matière sociale reste hybride, d'appui ou partagée selon les politiques concernées. Ce caractère hybride est logique, mais certains États membres sont tentés de l'utiliser pour entraver la poursuite de cette convergence sociale. Cela doit changer.
Mme Pascale Gruny. - Effectivement, ce plan recouvre un certain nombre d'avancées et de points positifs. Son ambition sera-t-elle suivie d'effets ? Les quatre cinquièmes des initiatives qu'il comporte ne constituent pas des mesures législatives, mais des initiatives peu contraignantes, et une partie d'entre elles repose sur l'action et la bonne volonté des États membres.
Parmi les actions de la Commission énumérées dans ce plan, on compte beaucoup de recommandations, par exemple, relatives au cadre de qualité pour les stages, ou au revenu minimum, et de plans d'actions ou de stratégies sur l'économie sociale, les droits des enfants, etc. Par ailleurs, une grande partie des initiatives législatives prévues étaient soit déjà engagées, soit en cours de discussion. La liste d'actions est ainsi claire jusqu'en 2022, mais un certain flou s'installe à partir de 2023. Une évaluation du plan d'action n'est prévue que pour 2025.
Pour revenir sur la question centrale de la répartition des compétences, comme vous le savez, l'Union européenne vient principalement en appui des États membres, ne disposant, en matière sociale, que d'une compétence partagée pour certains aspects définis par les traités. Comme pour le domaine de la santé, il existe un enjeu en termes de subsidiarité pour la mise en oeuvre de ces politiques. La confédération européenne des syndicats, que nous avons entendue, nous a indiqué qu'elle souhaiterait voir cette question traitée dans le cadre de la Conférence sur le futur de l'Union européenne. C'est effectivement un sujet de réflexion intéressant, qui pourrait être abordé dans ce cadre, et sur lequel nous sommes ouverts.
En l'état actuel des choses, les initiatives sociales font l'objet de négociations difficiles au sein du Conseil et du Parlement européen, avec des lignes de fractures marquées entre les États membres. Bien que tous aient fait part de leur soutien au plan lors du Conseil du 15 mars dernier, des divergences sont apparues sur le degré d'intervention de l'Union européenne et l'ambition de certains objectifs. Plusieurs États membres - la Hongrie, la Pologne, la Croatie notamment - ont estimé que certains objectifs, bien que désirables, étaient trop ambitieux compte tenu de la crise découlant de la pandémie et de leur situation nationale.
Ces tensions reflètent la diversité des modèles sociaux dans l'Union. Les États membres les plus réticents sont, comme vous vous en doutez, les pays de l'Est, globalement opposés à l'élévation des standards sociaux, les pays dits frugaux, pour qui la compétence sociale n'est pas l'objectif premier de l'Union européenne, et les pays scandinaves, attachés à leur modèle de protection sociale et de négociation collective.
Ainsi, des textes sont bloqués, en négociation depuis plusieurs années. Je pense à la révision du règlement de coordination des régimes de sécurité sociale, dont le seizième trilogue vient d'échouer, ou à la directive sur la présence des femmes dans les conseils d'administration, en négociation depuis 2012. Les nouvelles initiatives législatives prévues dans ce plan d'action pourraient ainsi souffrir de ces oppositions, aujourd'hui exacerbées dans le contexte de crise économique.
Outre cette problématique liée aux compétences de l'Union, nous nous interrogeons sur le volet financier de ce plan. Le faire reposer sur les instruments financiers suffira-t-il ? La mise en oeuvre de ces crédits et leur consommation par les États seront-elles satisfaisantes ? Le secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) nous a indiqué ne pas connaître de difficultés sur l'exécution française des crédits du FSE. On se souvient pourtant du FEAD et de ses complexités de mise en oeuvre. Certes, des améliorations ont été apportées au système de gestion français, mais nous nous faisons péniblement rembourser, aujourd'hui, les dépenses de la campagne 2017, avec un taux de corrections financières, certes en baisse, mais toujours élevé.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la prise en compte des mesures de ce plan d'action par les plans nationaux de relance et résilience qui sont en passe d'être finalisés. Le volet social de ces plans de relance est en effet primordial. À cet égard, nous ne pouvons que regretter l'absence d'objectif social chiffré dans le cadre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), contrairement aux dépenses pour l'environnement, avec un minimum de 37 %, ou le numérique, avec un minimum de 20 %.
S'agissant de la France, d'après les informations communiquées par le SGAE, environ 20 milliards d'euros seraient consacrés aux dépenses sociales dans le cadre de France Relance, dont près de 10 milliards d'euros seraient susceptibles d'être présentés au titre de la FRR.
Outre leur montant, la question de la lenteur du versement des aides européennes, dans le cadre du plan de relance, nous inquiète particulièrement pour les aspects sociaux de réponse à la crise.
Si le dispositif SURE (Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency) a rencontré un vif succès, certains acteurs, comme la Confédération européenne des syndicats, regrettent l'absence, dans ce plan d'action, de mécanismes européens de réassurance chômage pérennes. Seule une évaluation du dispositif SURE est pour l'instant prévue.
L'Europe sociale avance donc, mais souffre certainement d'un problème de lisibilité. Il est essentiel que l'Union européenne sache mettre en avant les apports européens dans ce domaine, qui est en prise directe avec la vie de nos concitoyens. Nous avons besoin d'avancées politiques fortes, comme pourrait l'être la directive sur les salaires minimaux.
Nous allons terminer cette communication en apportant quelques éclairages plus précis sur certaines initiatives législatives de ce plan, qui nous semblent essentielles et sur lesquelles nous pourrions travailler dans les prochains mois. Pour la plupart, il s'agit de textes qui pourraient être repris, voire aboutir, sous présidence française.
Mme Laurence Harribey. - Je commencerai par la proposition de règlement sur la coordination des régimes de sécurité sociale, pour laquelle les négociations butent sur la question de la notification préalable au détachement des travailleurs. L'enjeu est de restreindre les exceptions à cette notification préalable, pour limiter la fraude au détachement, qui alimente le dumping social.
Deuxième texte essentiel : la proposition de directive sur les salaires minimaux adéquats, présentée par la Commission le 28 octobre 2020. Ce texte ne vise pas à fixer un salaire minimum qui serait identique dans tous les États membres, mais bien à en poser le principe. La base juridique utilisée est contestée, pour des raisons différentes, par les pays du Nord et de l'Est. Ce texte est cependant essentiel en ce qu'il permet de lutter contre la pauvreté au travail, mais aussi contre les distorsions de concurrence au sein du marché intérieur. L'écart entre les salaires minimaux est aujourd'hui important : ceux-ci varient entre 312 euros en Bulgarie et 2 142 euros au Luxembourg. Le taux de pauvreté des travailleurs s'élevait, en 2018, au sein de l'Union européenne, à 9,4 %, soit 20,7 millions de personnes. Certains estiment que la concurrence et la pression sur les bas salaires, comme on l'a vu au Portugal par exemple, suffiront pour faire converger les salaires. Mais cela prendrait beaucoup de temps... Ce texte possède ainsi une dimension politique forte. Aussi nous y intéresserons-nous dans les prochains mois.
Deux autres sujets, contenus dans ce plan d'action, nous semblent importants : d'abord l'amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes. Deux initiatives ont été inscrites en ce sens au programme de travail de la Commission pour 2021 : une première est axée sur le droit de la concurrence, et une deuxième est relative aux conditions de travail et la protection sociale de ces travailleurs, pour laquelle une consultation des partenaires sociaux a été lancée le 24 février.
Nous avons auditionné la semaine dernière Sylvie Brunet, députée européenne, membre de la commission des affaires sociales et rapporteure de ce texte, qui a souligné que celui-ci comporte un certain nombre d'enjeux majeurs en termes de droit du travail et de protection sociale, avec notamment la problématique d'un troisième statut, entre salariat et travail indépendant, auquel beaucoup d'acteurs sont opposés.
Deuxième sujet : l'initiative législative relative aux comptes individuels de formation, prévue au quatrième trimestre 2021. Les États membres, comme la Commission, sont très intéressés par le modèle français, et de nombreux échanges ont eu lieu, notamment entre la ministre Borne et le commissaire Schmidt. Cette initiative fait, en effet, directement écho aux réformes nationales sur le compte personnel de formation, mis en oeuvre en France dans le cadre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Il s'agit d'un sujet essentiel à suivre aussi de près.
Mme Pascale Gruny. - Pour conclure, j'évoquerai brièvement les initiatives relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes, que nous suivrons de près dans ces prochains mois.
D'abord, un mot sur la proposition de directive sur l'égalité salariale. Le texte apparaît comme équilibré, puisqu'il ne se prononce pas sur les montants des salaires, mais vise à améliorer l'accès à l'information sur les écarts salariaux, qui s'élèvent actuellement à 16 % au sein de l'Union européenne. Des blocages, de la part des pays précités, sont néanmoins à attendre.
Un mot enfin, sur l'initiative législative relative à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, qui doit être adoptée en décembre 2021. Ce sujet a une actualité particulière en Europe, avec les dix ans de la Convention d'Istanbul et le retrait remarqué d'Ankara de ce texte. Cette initiative législative fera elle aussi l'objet d'un suivi attentif de notre part.
M. Richard Yung. - Ce plan d'action est ambitieux. Comment pouvons-nous procéder pour suivre son application et faire des propositions sur sa mise en oeuvre ?
Mme Pascale Gruny. - Nous suivons ces sujets pour la commission et en faisons une veille régulière. En fonction de l'actualité, nous ferons des propositions. La France est plutôt en avance sur ces sujets. C'est le cas pour l'égalité entre les femmes et les hommes, par exemple, mais aussi en matière de formation continue, ou de salaire minimum. Les États membres qui sont les plus éloignés de nous sont ceux qui ont le moins envie qu'on change, de peur de perdre leur compétitivité, avec la fin de situations de concurrence « déloyales ». Nous appelons donc à encourager ces évolutions, d'autant que la France exercera bientôt la présidence de l'Union européenne. La France a une expérience en matière sociale, qu'elle doit partager auprès des États membres les plus réticents. Une convergence sociale européenne permettrait également, en effet, de renforcer la croissance économique, en stimulant notamment la consommation par le biais d'une hausse du pouvoir d'achat.
Mme Laurence Harribey. - L'enjeu, pour la France, est de faire avancer ce socle commun, pour diminuer le risque de dumping social et de délocalisation. Le Sénat a démontré, dans les années précédentes, sa capacité à peser, par des résolutions, des avis motivés en matière de subsidiarité ou des avis politiques. Nos prises de position ont un certain impact : pour preuve, sur les technologies de santé, la Commission a demandé à nous rencontrer suite à notre avis politique, et à travailler avec nous. De même, sur la question des indemnités chômages concernant les travailleurs transfrontaliers, nous avions été écoutés. Nous travaillons, sur ces sujets, avec le SGAE, permettant ainsi au Sénat de peser dans les positions françaises.
Désignation de rapporteurs
M. Jean-François Rapin, président. - M. Jean Louis Masson a déposé une proposition de résolution européenne sur les garanties professionnelles des élus locaux qui sont travailleurs frontaliers. Conformément à l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat, notre commission dispose d'un mois pour statuer, soit jusqu'au 6 mai prochain. Je vous propose de désigner nos collègues Mme Pascale Gruny et Laurence Harribey comme rapporteurs sur cette proposition.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à 14 h 40.
Jeudi 15 avril 2021
- Présidence de M. Jean-François Rapin, président -
La réunion est ouverte à 09 h 05.
Agriculture et pêche - Table ronde sur l'actualité européenne de la pêche avec MM. Virginijus Sinkevicius, commissaire européen à l'environnement, aux océans et à la pêche, François-Xavier Bellamy, député européen, Pierre Karleskind, président de la commission de la pêche du Parlement européen, et Mme Caroline Roose, députée européenne
M. Jean-François Rapin, président. - Nous nous retrouvons aujourd'hui pour un échange de vues approfondi, sous la forme d'une table ronde consacrée à l'actualité européenne de la pêche. Notre intérêt pour ces questions trouve, pour partie, bien sûr, son origine dans le Brexit, qui nous a tous tant occupés depuis 2016 et dont les conséquences continueront à nous mobiliser à l'avenir. Mais, au-delà de ce dossier, aussi important soit-il, le Sénat a, de façon générale, toujours été particulièrement attentif à la Politique commune de la pêche (PCP), seule politique européenne intégrée avec la Politique agricole commune (PAC).
J'ajoute que l'organisation de cette table ronde me tenait d'autant plus à coeur que je suis l'élu d'un département, le Pas-de-Calais et d'une région, les Hauts-de-France, dont l'économie et la prospérité dépendent étroitement de l'avenir de la pêche et des industries de transformation des produits de la mer, notamment à Boulogne-sur-Mer.
Nous sommes nombreux sur les bancs du Sénat à être ainsi directement concernés, au premier chef, par le sort des pêcheurs français et européens.
C'est donc avec un intérêt tout particulier, que je souhaite en votre nom à tous, mes chers collègues, la bienvenue à MM. Virginijus Sinkevicius, commissaire européen à l'environnement, aux océans et à la pêche, Pierre Karleskind, Président de la commission de la pêche du Parlement européen, François-Xavier Bellamy, député européen, et à Mme Caroline Roose, députée européenne.
Afin de préparer notre table ronde, nous vous avons adressé, au préalable, un document qui regroupe, en six questions, nos principaux sujets de préoccupation. Nous souhaiterions bien sûr que vous y répondiez lors de vos interventions.
J'en résume très brièvement les termes pour mes collègues.
S'agissant, tout d'abord, de la mise en oeuvre de l'Accord de commerce et de coopération conclu avec le Royaume-Uni (l'« Accord »), nous aimerions obtenir des précisions sur les licences qui manquent encore pour permettre aux pêcheurs européens d'accéder à la bande des 6/12 milles près des côtes britanniques. Vous savez tous de quoi je parle étant donné que c'est un sujet de tensions très fortes. Le Gouvernement français nous explique régulièrement que la solution est proche, mais nos pêcheurs, quant à eux, ne voient pas d'issue à leurs difficultés.
Nous souhaiterions ensuite savoir quels ont été les principaux points d'achoppement qui ont empêché de trouver une issue favorable aux négociations avec le Royaume-Uni, en ce qui concerne les quotas de pêche des trois derniers trimestres de l'année 2021.
Troisièmement, cet échec vous semble-t-il de mauvais augure, d'une part, pour les négociations similaires qui interviendront chaque année jusqu'en 2026, et d'autre part et surtout, pour celles qui auront pour objectif de définir le statut définitif du Royaume-Uni au regard de la PCP, au-delà du 30 juin ?
Quatrièmement, quels enseignements tirez-vous des accords sur la gestion de certains Totaux Admissibles des Captures (TAC) et quotas dans les eaux de la mer du Nord, qui ont finalement été conclus pour l'année 2021 entre la Norvège, le Royaume-Uni et l'Union européenne ?
Cinquièmement, et de façon plus générale, dans quelle mesure le futur statut définitif du Royaume-Uni au regard de la PCP (au-delà du 30 juin 2026) pourrait-il s'inspirer des spécificités de la relation actuelle entre l'Union européenne et la Norvège ?
Enfin, et à titre prospectif là encore, une dernière question mérite absolument d'être clarifiée : à compter du 1er juillet 2026, la réduction de la valeur des prises dans les eaux britanniques ira-t-elle au-delà des 25 % déjà consentis et l'accès à ces eaux devra-t-il être à nouveau négocié ?
Telles sont, Monsieur le Commissaire européen, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les députés européens, les principaux points sur lesquels vos éclairages nous seront précieux.
Concernant l'organisation de notre table ronde, je vous propose que les deux heures dont nous disposons soient scindées en deux temps d'échange. Nous laisserons, pour commencer, le soin au commissaire Sinkevicius de s'exprimer durant quinze minutes environ. Suivront ensuite les interventions de nos trois collègues du Parlement européen, M. Karleskind, M. Bellamy et Mme Roose, d'une durée de dix minutes chacune tout au plus, afin de laisser une heure à une heure un quart de débat, sous forme de questions et de réponses, entre le commissaire européen, les sénateurs et les députés européens.
Je vous rappelle enfin que cette table ronde fait l'objet d'une captation vidéo et d'une retransmission en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat, consultable ultérieurement.
M. Virginijus Sinkevicius, commissaire européen à l'environnement, aux océans et à la pêche. - Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, Mesdames et Messieurs les députés, c'est un honneur pour moi d'avoir l'opportunité de m'exprimer devant vous, dans le cadre de cette table ronde sur la pêche. L'occasion apparaît tout à fait idéale, non seulement parce que mes derniers échanges avec vos collègues de l'Assemblée nationale remontent à un an, mais aussi parce que beaucoup d'évolutions sont intervenues depuis.
Avant de commencer, permettez-moi d'exprimer à nouveau ma solidarité avec les pêcheurs français. Je sais qu'en 2020, en plus de la crise sanitaire, ils ont vu leurs ventes chuter de 12 % en valeur par rapport à 2019, du fait d'une plus faible demande et de la fermeture de certaines criées, phénomènes que nous avons aussi constatés dans d'autres pays européens. À ce titre, j'aimerais saluer l'action des associations de producteurs français, qui ont contribué à limiter les répercussions de cette crise d'une ampleur extrême. En plus des aides existantes, leur rôle dans la gestion collective du secteur sera plus crucial encore au cours de la période qui succédera à la crise de la covid-19, lors de la prochaine programmation financière 2021-2027.
Je débuterai mon intervention en abordant la question de l'Atlantique nord-est, zone dans laquelle sont déterminés chaque année, pour cent cinquante espèces de poissons, des Totaux Admissibles des Captures (TAC). Depuis le Brexit, la très grande majorité des stocks doivent faire l'objet d'une gestion partagée avec le Royaume-Uni. L'Union européenne ne fixera seule des limites à la pêche que pour 25 espèces.
D'une façon générale, la situation apparaît très différente de celle que nous connaissions par le passé, puisque le Royaume-Uni agit à présent en tant qu'État côtier indépendant. Désormais interviendront chaque année des négociations trilatérales entre l'Union européenne, la Norvège et le Royaume-Uni pour de nombreux stocks de poissons. Si les défis à relever demeurent encore nombreux, retenons que les trois parties se sont mises d'accord, le 16 mars 2021, sur un ensemble de TAC et quotas représentant plus de 636 000 tonnes de poissons. Parallèlement, l'Union européenne et la Norvège sont convenues du niveau des pêches pour les espèces partagées en mer du Nord.
Depuis le mois de janvier 2021, pour ce qui concerne les stocks en gestion partagée avec le Royaume-Uni, plusieurs cycles de négociations ont eu lieu et ces dernières se poursuivent. Des progrès notables ont été enregistrés, mais je ne vous cacherai pas non plus que nous avons également traversé des moments difficiles. Malgré tout, je crois que des deux côtés, existe une volonté de parvenir prochainement à un compromis sur les sujets restant en discussion. La position de l'Union européenne, fondée sur l'objectif de la PCP tendant à rechercher le niveau de rendement maximum durable pour la pêche, est très forte.
Quelles sont les principaux points sur lesquels les négociations se poursuivent ? Le principal sujet est celui des stocks de poissons à gestion partagée, pour plusieurs espèces importantes. Nous sommes tombés d'accord sur environ 70 % des TAC à mettre en place, mais les seuils à fixer pour un certain nombre d'espèces importantes et dans certaines zones géographiques demeurent problématiques. C'est le cas notamment en mer Celtique et dans la Manche, où le Royaume-Uni cherche à fixer des TAC à un niveau plus limité que ne le souhaiterait l'Union européenne.
Une autre difficulté majeure des négociations en cours réside dans les marges de flexibilité nécessaires en ce qui concerne l'accès et les modalités de pêche dans les eaux maritimes. Cette difficulté reflète l'évolution des pratiques professionnelles intervenue au cours des dernières années. Il faut en tenir compte, car elle a des répercussions sur le quotidien de nos pêcheurs. Il nous est ainsi apparu très clairement, au cours des négociations, que Royaume-Uni entend saisir toutes les opportunités pour prendre de la distance par rapport à la Politique commune de la pêche. Au surplus, le débat politique en Ecosse tend à influer sur la position du gouvernement britannique.
Il apparaît difficile de prédire comment les relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne vont évoluer au cours des prochaines années. Cependant, l'Accord de commerce et de coopération conclu entre les deux parties comporte des obligations fortes, de nature à favoriser la coopération sur un large éventail de sujets. Jusqu'en 2026, nous bénéficierons de la période de transition prévue par cet accord : nous entendons nous appuyer sur ces dispositions pour garantir la pérennité des quotas de pêche au-delà de cette date. Nous voulons également préserver le niveau et les modalités de la réciprocité de l'accès aux eaux territoriales. Voilà, en résumé, où nous en sommes dans les négociations avec le Royaume-Uni !
J'aimerais à présent m'exprimer sur les licences de pêche, désormais nécessaires aux pêcheurs européens et français pour accéder aux eaux britanniques. Depuis la toute fin de l'année 2020, la Commission a travaillé d'arrache-pied, ce qui nous a permis d'obtenir des autorisations dans des délais extrêmement brefs. Pour les autorisations concernant, d'une part, la bande des 6/12 milles et, d'autre part, l'approche de Jersey et Guernesey, nous avons besoin de données historiques. Cela a été extrêmement chronophage et nous a demandé beaucoup de travail, en particulier pour ce qui touche à la pêche autour de Jersey et Guernesey, car les professionnels qui y opèrent traditionnellement sont de petits équipages, dépourvus d'équipement de géolocalisation. S'y ajoutent toutes les questions relatives au transfert des données électroniques : nous avons dû, à plusieurs reprises, appeler le Royaume-Uni à faire preuve de pragmatisme pour pouvoir avancer. Jersey et Guernesey ont étendu jusqu'au 15 juin 2021 la période pendant laquelle un accès dérogatoires à leurs eaux sera possible. S'agissant des plus petits navires, nous avons insisté sur le fait qu'il fallait du temps pour que les pêcheurs français puissent recueillir les données historiques qui conditionnent l'obtention de licences permanentes. Soyez assurés que nous vous soutenons et que nous continuerons à soutenir la France dans ce processus de recueil de données !
Pour atténuer les effets délétères du Brexit, qui s'apparentent à ceux d'un divorce, nous avons proposé la mise en place d'une réserve d'ajustement. Cette réserve d'ajustement a été conçue sur la base de données statistiques fiables, incluant une dimension comparative dans le domaine des échanges avec le Royaume-Uni et prenant en compte l'importance de la pêche dans les eaux britanniques. Pour la Commission européenne, il s'agit d'un outil de transition dont l'objectif consiste à permettre aux États membres d'utiliser pleinement les financements européens pour minorer l'impact négatif immédiat du Brexit sur les secteurs d'activité de l'économie. Cette réserve viendra s'ajouter aux interventions prévues dans le cadre des fonds structurels, à commencer par le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). La proposition de la Commission européenne, dont les termes sont en cours de négociation avec le Parlement européen, le Conseil et les États membres, vise à donner aux États membres toute la souplesse nécessaire pour utiliser les outils de relance et de soutien destinés à venir en aide aux secteurs affectés par le Brexit.
J'aimerais maintenant évoquer l'avenir de la pêche européenne qui, comme tous les autres secteurs de notre économie, sera ancré dans le Pacte vert de l'Union européenne oeuvrant en faveur d'une croissance verte et durable, respectueuse de notre environnement : la pêche devra donc s'adapter pour être à la hauteur de ces ambitions. Des efforts ont déjà été entrepris. Ils seront poursuivis pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. La France joue ici un rôle essentiel, en contribuant à nous amener collectivement à des niveaux d'exigences plus élevés. Par ailleurs, nous avons établi un plan d'action pour la gestion intégrée des nutriments et nous souhaitons promouvoir une aquaculture plus respectueuse de l'environnement. Dans le cadre du Pacte vert, nous serons également amenés à gérer de façon plus durable les eaux territoriales européennes. J'ai ainsi pris des engagements pour la protection de 30 % de ces eaux.
Avant de conclure, je voudrais formuler une dernière observation portant sur la mer Méditerranée. L'état des stocks de poissons dans cette zone reste très préoccupant et nous avons besoin du soutien de la France. Vous jouez ici aussi un rôle essentiel pour la mise en place de mesures ambitieuses destinées à protéger les ressources halieutiques, lesquelles ne sont pas infinies. Bien sûr, d'autres facteurs, comme les phénomènes de pollution et de changement climatique impactent également nos ressources halieutiques. Mais la surpêche demeure le principal problème empêchant la reconstitution des stocks de poissons. Dès lors, la mise en oeuvre du plan pluriannuel de gestion de la pêche, adopté en 2019 pour la Méditerranée occidentale, apparaît cruciale pour l'avenir. Notre objectif est clair : l'exploitation des ressources halieutiques doit revenir à des niveaux pérennes d'ici à 2025, au plus tard. Une pêche plus durable, cela implique plus de rentabilité pour tout le secteur concerné. Enfin, la protection de la Méditerranée apparaît également absolument capitale au regard de la richesse de la tradition culinaire et de la culture des pays de son pourtour.
Pour conclure mon propos, je serais heureux de revenir sur l'un ou l'autre des points abordés, si vous avez des questions.
M. Jean-François Rapin, président. - Merci, Monsieur le Commissaire. Nous reviendrons bien sûr sur certains points. Je passe maintenant la parole à Pierre Karleskind, président de la commission de la pêche du Parlement européen.
M. Pierre Karleskind, président de la commission de la pêche du Parlement européen. - Merci Monsieur le Président, et merci à Monsieur le Commissaire d'avoir présenté ces différents éléments. Beaucoup de choses ont été dites. Effectivement, nous sommes dans les premiers mois d'application provisoire de l'Accord de commerce et de coopération intervenu entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, lequel est venu s'ajouter aux dispositions de l'accord de retrait conclu entre les deux parties. Cela rend d'autant plus complexe la gestion de la relation avec un partenaire qui lui-même, visiblement, n'était pas préparé à la décision qu'il avait prise il y a déjà plusieurs années. Lorsque j'ai eu l'occasion de rencontrer le ministre britannique en charge de la pêche, je lui ai indiqué qu'à un moment donné il allait bien falloir envoyer certains messages aux Européens : je lui ai ainsi fait valoir que le gouvernement britannique doit mettre en oeuvre réellement, honnêtement et complètement cet accord.
Concernant la question de la délivrance des licences, que M. le Commissaire a évoquée et sur laquelle le président Rapin est revenu, il faut comprendre que si ces négociations sont longues et compliquées, c'est parce que l'Union européenne tient ferme sur ses positions, d'autant plus que celles qui ont lieu cette année, évidemment, feront jurisprudence à l'avenir. Nous avons un intérêt certain, en Europe, à nous assurer que les conditions de mise en oeuvre de cet accord soient, dès cette année, dans le droit fil de ce que nous pouvons exiger, étant donné que toute concession que nous pourrions faire à présent serait considérée comme un acquis par les Britanniques. Je pense notamment aux négociations sur les navires remplaçants et sur la question de l'accès aux 6/12 milles pour les bateaux de moins de 12 mètres, sujets ô combien importants pour la région des Hauts-de-France. Le désaccord est flagrant : nous estimons qu'il n'y a pas de lien entre ce que les Britanniques demandent et ce qui est écrit dans l'Accord. Si, dans cette zone, les navires moins de 12 mètres ne sont effectivement pas géolocalisés, les journaux de pêche peuvent tout de même attester des activités qui s'y déroulent.
Le Royaume-Uni et l'Union européenne discutent, par ailleurs, de plusieurs sujets connexes, dont les espèces hors quota, elles-mêmes soumises à des conditions un peu particulières, puisque l'on a accepté la mise en place de plafonds. Il ne faudrait cependant pas que ce dispositif devienne de facto des quotas. En traînant en longueur, ces discussions pénalisent aujourd'hui les pêcheurs - et j'en ai parfaitement conscience -, mais elles vont nous éviter de regretter, à l'avenir, de ne pas avoir été assez fermes sur la mise en oeuvre de l'Accord de commerce et de coopération.
Concernant les négociations spécifiques sur les TAC et les quotas pour l'année 2021, M. le Commissaire l'a dit, c'est un changement total du paradigme qui prévalait au sein de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne la principale zone de pêche européenne, c'est-à-dire l'Atlantique Nord-Est. On est passé d'une négociation qui se déroulait à 28 en présence de la Commission - c'était le conseil de fin décembre -, à une négociation bilatérale, Commission-gouvernement britannique, où la Commission européenne intervient avec un mandat de négociation émanant du Conseil. S'y ajoute la redéfinition des accords de pêche, en tout cas la modification du sens des négociations puisqu'avant, nous avions, pour prendre deux exemples, un accord entre l'Union européenne et la Norvège, un autre entre l'Union-Européenne et le Groenland, alors que maintenant nous avons des accords bilatéraux, (Union européenne-Norvège, Union européenne-Royaume-Uni), voire trilatéraux (Union européenne-Royaume-Uni-Norvège). Avec le Groenland, la situation est un peu similaire, ce qui rend les choses plus complexes. Malheureusement, nous en payons le prix.
La difficulté est claire : cela fait maintenant quatre ou cinq ans que nos pêcheurs disposent au maximum d'un an de visibilité, en raison des incertitudes liées aux conditions du Brexit. Depuis 2016, la filière a donc mis en attente un certain nombre d'investissements. En outre, depuis le début de cette année, c'est encore pire puisque, faute d'être parvenus à un accord sur les TAC et les quotas en 2021, ceux-ci sont reconduits tous les trois mois sur une base provisoire, ce qui réduit d'autant la visibilité des pêcheurs. Cette situation sera amenée à perdurer jusqu'à fin juillet, sachant que les Britanniques, je l'ai appris hier, ont pris une décision de leur côté. Il nous faut donc continuer à être vigilants !
Si l'on considère toutes les questions aujourd'hui non résolues - celles des licences, des 6/12 milles, des navires remplaçants et celle des mesures techniques qui ne sont parfois pas tout à fait comprises, ainsi que l'absence d'accord sur les TAC - alors que nous sommes à quinze jours de la fin de la période d'application provisoire de l'Accord de commerce et de coopération, vous comprendrez le malaise et la difficulté qu'éprouve le Parlement européen à envisager la ratification définitive de cet accord. La question des quotas n'est évidemment pas le seul sujet sur lequel nous fonderons notre vote, mais elle alimente tout un ensemble de questions sur ce que nous allons faire dans les quinze jours qui restent.
Concernant les mesures de compensation, globalement et je l'ai dit en commission pêche lundi, nous sommes plutôt d'accord sur les mesures préconisées, même s'il existe des divergences de vues au sein de l'Union sur la clé de répartition, ainsi que le souligne le rapport présenté par notre collègue François-Xavier Bellamy. En même temps, en tant que président de la commission pêche, j'ai quand même exprimé mon insatisfaction quant à la façon dont la Commission européenne nous avait sollicités, nous parlementaires, sur le sujet. Nous avions demandé à voir le projet d'accord dès septembre 2020 et l'on nous avait alors répondu que nous devrions attendre la conclusion des négociations. Nous n'en avons donc pris connaissance qu'aux alentours du 26 décembre 2020. Il aurait été préférable de pouvoir anticiper les choses, ce qui aurait évité que nous nous retrouvions, à la mi-avril 2021, dans une situation où j'ai tout de même dû écrire, avec ma collègue Stéphanie Yon-Courtin, à la vice-présidente Margrethe Vestager, afin de demander des éclaircissements sur le régime choisi d'aides aux États.
Selon moi, le Parlement européen doit avoir son mot à dire sur la manière dont cet argent va être dépensé ; accessoirement, il s'agit de celui des contribuables européens ! Cependant, il a été décidé d'établir des plans nationaux, que la Commission européenne validerait après examen par la direction générale de la concurrence. Cette approche peut apporter de la souplesse, mais j'aimerais que la Commission s'engage à ce que, là aussi, cela avance un peu plus vite, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Trop de temps a été perdu et je me réjouis qu'en commission pêche du Parlement européen nous soyons capables de prendre nos responsabilités en exprimant notre mécontentement. En tant que parlementaires - et ce n'est pas à des sénateurs que je vais expliquer cela -, nous ne pouvons pas voter des textes sans avoir un peu de visibilité sur leurs conséquences.
En ce qui concerne le Groenland et la Norvège, nous sommes en présence d'un « effet domino » du Brexit très dommageable. Là aussi, nous devons nous montrer très fermes dans les négociations menées avec ces pays. Je profite d'ailleurs de la présence du commissaire Sinkevicius à notre table ronde pour rappeler ce point, quand bien même cela pourrait occasionner du retard. Dans ce cas de figure aussi, les négociations menées aujourd'hui auront un impact significatif au cours des années à venir. Étant donné les désaccords qui existent et la confusion qui règne entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, le Groenland a visiblement cherché à profiter de la situation, en proposant une réduction de 30 % des possibilités de pêche alors que certains avis scientifiques préconisaient de les augmenter. Personnellement, je me félicite de l'accord qui a été trouvé in fine avec une réduction de seulement 5 % de ce niveau. Cependant, comme il y a des élections au Groenland et que cet accord n'est toujours pas signé, aucun bateau européen, à ce jour, ne peut pêcher dans ces eaux.
En Norvège, la situation est assez similaire. Ce pays profite des accords tripartites et bilatéraux, dont les résultats sont un peu décevants si l'on considère notamment la zone des eaux du Svalbard, où une réduction de 6 700 tonnes des possibilités de pêche du cabillaud arctique a été imposée de façon unilatérale sur une base juridique tout à fait contestable. Là encore, nous ne devons pas baisser la garde !
Je finirai avec quelques mots sur l'avenir des relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. En réalité, cela fait des décennies et même des siècles que nous pêchons dans ces eaux, dont on remarquera qu'une bonne partie n'étaient pas britanniques jusqu'à ce que le Royaume-Uni rentre dans la Communauté économique européenne et décide, dans le courant des années 1970, d'établir des zones économiques exclusives. Contrairement à ce que les Britanniques, ou tout du moins les partisans du Brexit ont voulu faire croire lors de la campagne référendaire, nous ne sommes pas totalement des étrangers dans ces eaux. Certes, la Politique commune de pêche ne s'applique plus au Royaume-Uni, mais ce qu'a dit en creux le commissaire Sinkevicius à propos de tous ces stocks que nous gérons en commun démontre que nous sommes « pieds et poings liés » ensemble pour une bonne gestion de la ressource. Il est donc impératif que la durabilité effective soit inscrite dans les pratiques de gestion de la pêche, point crucial si l'on veut pouvoir augmenter en chiffre absolu le total de pêche admissible, aujourd'hui réduit de 25 %. Enfin, cet impératif de durabilité, nous le devons aux écosystèmes et aux pêcheurs eux-mêmes, parce que c'est comme cela que nous pourrons nous sortir par le haut de cette situation que nous n'avons pas choisie, mais que nous sommes obligés d'affronter.
M. Jean-François Rapin, président. - Merci, Monsieur le Président. Je vais maintenant donner la parole à François-Xavier Bellamy, rapporteur permanent à la commission pêche, au titre des relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.
M. François-Xavier Bellamy, député européen. - Merci Monsieur le Président. C'est une joie d'échanger avec vous, ainsi qu'avec le commissaire Sinkevicius. Il apparaît en effet important que les parlementaires que vous êtes puissent se pencher sur ces questions vitales pour le secteur de la pêche en France. À cet égard, je suis très heureux d'apprendre qu'un groupe d'études sur la mer se crée au Sénat, avec notre collègue Alain Cadec, le prédécesseur de Pierre Karleskind. Tout cela est de bon augure pour entretenir un lien fort avec chacun d'entre vous sur ces sujets essentiels.
Nous abordons la question du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne et de ses conséquences dans un contexte particulièrement éprouvant pour les pêcheurs français. Le commissaire Sinkevicius le rappelait tout à l'heure, il y a non seulement l'incertitude qu'évoquait Pierre Karleskind sur l'application du Brexit et sur sa mise en oeuvre, mais également la crise du Coronavirus et ses conséquences sur l'activité des pêcheurs, auxquelles s'ajoute, en ce moment - je le mentionne, car c'est un élément de contexte crucial pour les pêcheurs -, un effondrement des prix créé par une perturbation des approvisionnements. Il est fondamental que nous puissions aussi travailler là-dessus étant donné que, de fait, la question des eaux britanniques n'est pas aujourd'hui la seule qui se pose à la pêche française. Je dirais même que les discussions que je peux avoir avec des pêcheurs montrent qu'elle n'est pas toujours au premier plan. Il apparaît crucial que nous puissions aussi travailler entre nous, entre Européens, entre Français, sur la manière dont nous valorisons le produit de la pêche et nous organisons sa distribution. C'est une discussion qui lie les pêcheurs aux agriculteurs et qu'il faut mener d'urgence, en particulier avec la grande distribution.
J'ai suivi les négociations comme rapporteur de la commission de la pêche sur le Brexit. Comme l'indiquais Pierre Karleskind, cette histoire remonte à loin, en réalité des siècles, puisque déjà au XIVè siècle, les juristes britanniques débattaient de la distinction entre les notions de mare clausum et de mare liberum. On peut dire qu'une partie du droit de la mer est née de cette friction entre les Britanniques et leurs voisins européens sur la question de la pêche, d'ailleurs à l'origine de plusieurs guerres. Si je précise ce point, c'est pour que nous prenions conscience de l'ampleur de ce qui se décide aujourd'hui dans la mise en oeuvre de l'accord avec le Royaume-Uni. Le moment est crucial parce qu'au fond, derrière les négociations actuelles, c'est l'interprétation de l'Accord de commerce et de coopération qui se joue. Cette question est presque aussi fondamentale que l'accord lui-même.
Nous avons tous été, je crois, très soulagés d'apprendre qu'un accord avait été trouvé avec le Royaume-Uni, étant donné qu'une sortie de l'Union européenne sans accord aurait été particulièrement catastrophique pour les pêcheurs européens. Bien sûr, cet accord représente un choc très lourd pour la pêche européenne, qui va tout de même perdre dans les cinq ans à venir 25 % de ses produits en valeur dans les eaux britanniques. Aucun secteur économique ne sera aussi directement et aussi violemment touché par le Brexit. Mais ne perdons pas de vue que, sans cet accord, la fermeture des eaux territoriales britanniques aux pêcheurs européens aurait été totale.
Ceci étant dit, le soulagement a vite fait place à une nouvelle inquiétude, puisque nous voyons bien qu'en réalité une fois l'accord trouvé, c'est une nouvelle négociation qui s'engage. Aujourd'hui, la Commission européenne est en butte à la volonté de confrontation permanente des Britanniques sur tous les termes de cet accord. Un travail très important a été effectué et de vrais succès ont été remportés, en particulier sur les navires de plus de 12 mètres, les licences et leur délivrance. On peut en remercier la Commission. Cependant, des inquiétudes demeurent. La question de savoir ce qui permettra de fonder la preuve des antériorités n'est toujours pas résolue, alors qu'elle est cruciale pour la France et notamment pour les pêcheurs des Hauts-de-France, de Normandie et de Bretagne : c'est le même critère qui sera employé pour l'accès des navires de moins de 12 mètres dans la bande des 6/12 milles, la baie de Granville, Jersey et Guernesey.
Arrêtons-nous un court instant sur la négociation annuelle relative aux TAC, puisqu'un certain nombre de vos interrogations portaient sur ce sujet. Là aussi se posent des questions précises sur la flexibilité entre quotas et sur les déductions. La plus importante, pour les pêcheurs français, me semble-t-il, est celle des espèces hors quota, comme l'a noté Pierre Karleskind. Aujourd'hui, les Britanniques cherchent à imposer une interprétation de l'Accord totalement opposée à la lettre du texte sur lequel nous nous sommes mis d'accord : ils nous expliquent que le plafond pour les espèces hors quota pourrait être traduit par espèce, ce qui reviendrait en réalité à fixer des quotas pour les espèces hors quota. Par conséquent, à terme, une telle interprétation viderait de son sens l'Accord tout entier, en fermant les possibilités de pêche pour des espèces qui sont particulièrement importantes pour les pêcheurs français. Et l'impact en serait très singulier sur notre propre écosystème de pêche. Nous avons là un travail majeur à mener à bien, pour faire en sorte que la lettre de l'Accord de commerce et de coopération conclu avec le Royaume-Uni soit respectée !
De quels leviers la Commission dispose-t-elle pour obliger les Britanniques à se conformer à leurs propres engagements ? C'est également une question de principe, d'autant plus que nous savons que les Britanniques ne comptent pas s'appliquer à eux-mêmes ces plafonnements par espèce, pour les espèces hors quota. Ils ont bien sûr le droit de déroger aux règles de la PCP, mais lorsqu'ils veulent appliquer des règles aux pêcheurs européens, celles-ci doivent également s'appliquer à leurs propres pêcheurs, sans quoi il y a un cas flagrant de discrimination qui va à l'encontre de l'engagement pris dans cet accord. Les éléments d'interprétation sont donc vitaux, parce que si nous perdons sur ce point, nous pourrons nous retrouver dans une situation où, in fine, l'Accord sera vidé de sa substance. La question se pose dans les mêmes termes pour les navires remplaçants, comme l'a souligné Pierre Karleskind. Si nous échouons à faire prévaloir l'esprit de l'Accord sur cette question, nous aurons peut-être gagné à court terme des possibilités de pêches pour les navires existants mais, à moyen terme, la pêche européenne disparaîtra des eaux britanniques. On voit donc bien que même si l'Accord a été signé, c'est une tout autre histoire qui commence.
Je terminerai mon propos en m'exprimant sur la réserve d'ajustement au Brexit, un autre sujet majeur. J'ai présenté avant-hier à la commission pêche du Parlement européen mon rapport sur les cinq milliards d'euros qui vont être déployés. Effectivement, le débat sur la clé de répartition est assez vif entre les trois commissions concernées au Parlement européen, celle des budgets, celle des affaires régionales et celle de la pêche. Aujourd'hui, et je partage cette observation avec le commissaire Sinkevicius, personne ne peut justifier cette clé de répartition, car personne ne peut tout simplement la comprendre : y figure notamment un critère de dépendance qui fait que par exemple, pour le secteur de la pêche, ce qui est pris en compte pour allouer les fonds, c'est l'impact du Brexit sur la pêche d'un pays considéré dans son ensemble. Pour notre part, il nous semble nécessaire de prendre en considération l'impact du Brexit sur la pêche d'un pays dans l'absolu, dans son rapport à l'ensemble de la pêche européenne dans les eaux britanniques. Concrètement, le fait que pour les pêcheurs bretons, normands ou des Hauts-de-France leurs collègues de la Réunion ne soient pas touchés par le Brexit ne change rien à la réalité du dommage économique qu'ils subissent. Il n'y a aucune raison qu'ils ne soient pas soutenus exactement de la même manière que les pêcheurs belges, néerlandais ou irlandais, tous touchés de la même manière par le Brexit.
Nous n'avons pas pour objectif de défendre l'intérêt de notre pays dans le débat européen, mais de garantir à tous les citoyens européens et français que la clé de répartition soit la plus cohérente possible afin, comme le faisait valoir Pierre Karleskind en commission pêche il y a quelques jours, qu'un euro perdu par un pêcheur soit indemnisé partout de la même manière par la réserve d'ajustement au Brexit. Le débat sera évidemment difficile et compliqué, mais nous devons le mener à bien. Nous avons réussi à rester unis dans les négociations sur la pêche grâce au travail de Michel Barnier. Aujourd'hui il ne faut pas que les pays de l'Union se divisent sur une question qui relève de la solidarité due aux pêcheurs. Nous avons le devoir de partager avec les citoyens de nos pays le travail fait sur cette réserve budgétaire, qui doit être la plus transparente et logique possible pour venir en aide aux secteurs touchés et leur permettre de préparer l'avenir.
M. Jean-François Rapin, président. - Je vais maintenant passer la parole à Mme la députée européenne Caroline Roose.
Mme Caroline Roose, députée européenne. - Merci Monsieur le Président, merci au commissaire Sinkevicius et à Mesdames et Messieurs les parlementaires. Il apparaît particulièrement bienvenu que le Sénat français s'intéresse au sujet, ô combien important, de la pêche européenne et que le Parlement européen puisse échanger avec vous, puisque nos deux assemblées concourent, chacune à leur niveau, à définir le cadre dans lequel les pêcheurs exercent leur activité. Le Brexit cause de nombreuses difficultés à ce secteur. Il nous rappelle aussi à quel point la Politique commune de pêche en particulier et l'Union européenne en règle générale sont précieuses pour la protection de l'économie et de l'environnement. On y retrouve ce qui nous occupe à la commission de la pêche : les politiques de protection des populations de poissons, la biodiversité et les questions de justice sociale.
Je commencerai par évoquer la question de la protection des populations de poissons, car sans populations de poissons en bon état, il n'y a pas de pêche et donc pas de pêcheurs. L'année 2020 devait permettre à l'Union européenne de retrouver un état environnemental adéquat des mers et d'exploiter tous ses stocks à un niveau durable. Depuis la réforme de la PCP en 2013, de réels progrès ont été accomplis, notamment dans la zone atlantique où la surpêche a diminué et où les pêcheurs commencent à récolter les fruits des efforts consentis depuis plusieurs années.
Cependant, comme l'a souligné M. le Commissaire tout à l'heure, la situation est très contrastée selon les zones géographiques. Ainsi, celle de la Méditerranée est plus qu'alarmante puisque plus de 80 % des stocks de poissons y sont encore surexploités. Nous plaçons de grands espoirs dans le plan pluriannuel pour la Méditerranée occidentale et il ne faudrait pas que la situation liée à la covid et au Brexit nous fasse perdre de vue nos objectifs de gestion durable des stocks. Le fait que le Conseil et donc les États membres - y compris la France ! - n'aient pas suivi les recommandations des scientifiques pourtant soutenues par la Commission européenne - et là, je tiens à remercier le commissaire, au sujet de la diminution des prises en Méditerranée occidentale - en leur préférant une demi-mesure, constitue un mauvais signal.
Nous serons particulièrement attentifs à ce que les TAC qui seront fixés dans le cadre de la négociation avec le Royaume-Uni soient conformes aux recommandations scientifiques et ne dépassent pas le RMD, autrement dit le Rendement Maximum Durable. Ces décisions ne sauraient être remises à plus tard car la bonne santé des populations de poissons est une question de résilience et de capacité d'adaptation aux chocs qui se profilent, notamment ceux liés au changement climatique. Il s'agit également d'une question de sécurité alimentaire sur le moyen et le long terme.
Dans ce contexte, la proposition issue de la Stratégie pour la biodiversité tendant à classer 30 % des eaux européennes en aires marines protégées, dont 10 % avec un haut niveau de protection, est une excellente proposition qui correspond aux recommandations des scientifiques. On peut se réjouir que la France ait repris ces objectifs à son compte, dans le cadre du One Planet Summit.
Cependant, si ces aires marines protégées ne sont pas dotées de vrais plans de gestion et de mesures de contrôle, tout cela ne sera qu'une vaste opération « d'écoblanchiment » (« greenwashing »). J'ai pu ainsi me rendre, avec un pêcheur, dans l'aire marine protégée du Cap Roux, sur la côte varoise. Alors que nous étions sur place, un chalutier est venu pêcher au beau milieu de cette aire protégée. Le constat du pêcheur, également entendu dans la bouche de nombre de ses collègues et d'associations de protection de l'environnement et qui est partagé par les ONG et les scientifiques est le suivant : beaucoup des aires marines européennes ne sont protégées que sur le papier. Elles ne font l'objet d'aucune surveillance ni d'aucun plan de gestion complet. On se targue d'avoir protégé 10 % des eaux européennes, mais moins de 2 % le sont effectivement. Un pourcentage de 30 % d'aires marines protégées ne signifie pas que les pêcheurs ne puissent pas pêcher dans ces zones. Dans les 10 % qui bénéficieront de fortes protections, il faudra qu'il y ait des zones où toute capture et activité économique soient interdites. Mais, dans la majorité des aires marines protégées, ce sont seulement les techniques de pêche les plus néfastes qui doivent être limitées en fonction des caractéristiques locales et selon les saisons. Au-delà, on nous annonce un plan de ressources maritimes et des mesures sur les engins de pêche de fond, que nous attendons avec impatience.
Je souhaite également m'exprimer sur le projet de révision du règlement de contrôle des pêches, qui n'est pas complètement étranger à la discussion que nous venons d'avoir. S'il y a des avancées sur plusieurs points, je pense notamment au renforcement de la géolocalisation via le système de surveillance des navires par satellite (VMS), des reculs importants sont également constatés, par exemple sur les marges de tolérance. Face à l'urgence climatique et à celle de parvenir à une gestion durable des populations de poissons, c'est insupportable.
Le Brexit a également mis en exergue la question de la justice entre la pêche artisanale et la pêche industrielle. Les petits pêcheurs sont essentiels. Ils font vivre nos territoires côtiers. Ils pêchent des produits de qualité, qui alimentent directement les étals des marchés et les restaurants. Ils utilisent des techniques de pêche plus sélectives et respectueuses de l'environnement. Pourtant, quand je vais à leur rencontre, ils disent se sentir abandonnés. La concentration économique à l'oeuvre depuis plusieurs années se poursuit et, au coeur de cette question, se trouve celle de la répartition des quotas entre les pêcheurs.
Aujourd'hui, c'est une compétence exclusivement nationale, chaque État décidant de ces clés de répartition en fonction de divers critères. L'article 17 du règlement n° 1380/2013 du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche précise que ceux-ci peuvent être économiques, sociaux ou environnementaux. Malgré tout, la plupart des États membres, dont la France, ne s'appuient pas sur cet article. C'est un sujet sur lequel j'espère pouvoir travailler durant les prochains mois au Parlement européen. Et j'invite le Sénat à s'en saisir également. En distribuant une partie des quotas selon les critères de l'article 17, des choses intéressantes peuvent être faites. Ainsi, par exemple, pour le thon rouge, dont le stock se porte bien et dont les TAC augmentent, 12 % du quota français revient à la petite pêche artisanale.
Autre point important : celui des captures de dauphins dans le golfe de Gascogne. Nous pourrions faire en sorte que 10 % ou 20 % des quotas d'espèces pélagiques dans cette zone soient attribués aux pêcheurs qui ne font pas de prises accessoires de dauphins, ce qui inciterait à mettre en place des pratiques plus vertueuses.
Enfin, pour revenir à la question de la justice entre les pêcheurs, il me semble que plusieurs initiatives doivent être lancées en relation avec le Brexit. L'Accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni prévoit que 25 % de la valeur des quotas de pêche jusqu'à présent alloués à des bateaux battant un pavillon de l'Union reviennent à des navires britanniques. Si l'on répercute cette baisse de façon indifférenciée sur tous les navires, des dizaines de petits pêcheurs vont cesser leur activité et l'on aura une concentration encore plus forte sur les mêmes zones de pêche. Voir la petite pêche française disparaître serait catastrophique d'un point de vue tant économique que social et environnemental. Il me semble anormal de traiter de la même façon un petit pêcheur qui fait vivre son territoire et protège l'environnement et des super-chalutiers qui ont certes un pavillon français, mais déchargent leurs prises à l'étranger, ne créent pas d'emploi dans nos territoires et dont les propriétaires vont bénéficier du Brexit puisqu'ils possèdent aussi des navires côté britannique. La France pourrait donc décider que la diminution des prises liée au Brexit soit uniquement répercutée sur les plus gros navires. Une telle décision repose entre les mains des États membres et j'invite également le Sénat à s'en saisir.
Un autre sujet d'importance est celui des licences pour l'accès aux 6/12 milles. Nous faisons pression sur la Commission, qui elle-même fait pression sur le Royaume-Uni, mais celui-ci ne les délivre qu'au compte-gouttes. Comme l'ont dit Pierre Karleskind et François-Xavier Bellamy, dans les Hauts-de-France seulement 22 navires ont obtenu cette autorisation, sur la centaine qui en ont besoin pour pouvoir continuer à travailler. Le problème est économique, mais aussi environnemental, car tous ces navires qui avaient pour habitude de pêcher dans les eaux britanniques se retrouvent concentrés dans les eaux européennes où la pression de pêche augmente, ce qui pourrait s'avérer néfaste pour certains écosystèmes.
Enfin, en ce qui concerne la définition des TAC pour 2021, ceux-ci sont encore provisoires comme l'a rappelé Pierre Karleskind, ce qui place les pêcheurs dans une situation d'incertitude inconfortable. Il faut donc trouver rapidement un accord définitif sur ce point, sinon, le risque serait grand que cela se répète chaque année, sans compter qu'envisager l'après 2026, représente un saut dans l'inconnu.
Pour conclure, je vais profiter de la présence du commissaire Sinkevicius pour évoquer un sujet important à mes yeux : la mise en oeuvre de l'interdiction de la pêche électrique. La période transitoire s'achève le 30 juin 2021 et j'espère que la Commission saura se montrer ferme pour que cette interdiction soit pleinement appliquée dès le 1er juillet 2021. Je vous remercie pour votre attention.
M. Didier Marie. - J'ai une remarque et deux questions. Sur les aires marines protégées que vous avez évoquées, Madame la députée, certaines sont sans aucun doute mal gérées et mal protégées, mais ces dispositifs peuvent fonctionner. J'en veux pour preuve l'exemple de la coquille Saint-Jacques en baie de Seine, où tous les partenaires se sont mis d'accord et agissent pour le mieux. Il en résulte que les quantités de coquilles augmentent, et aujourd'hui, les pêcheurs, notamment ceux de Dieppe et du littoral normand, sont satisfaits. C'est un exemple dont on pourrait s'inspirer, pour améliorer la situation là où cela ne fonctionne pas.
Je voudrais également revenir sur la question de la pêche au chalut et là je me tourne en particulier vers le commissaire Sinkevicius. De nombreuses études attestent aujourd'hui que, d'une part, ce sont souvent les gros bateaux qui la pratiquent et, d'autre part, que les effets sur la ressource et les émissions de gaz à effet de serre sont particulièrement dommageables. Va-t-on vers des restrictions du nombre de bateaux, des possibilités de prise, voire, comme en Australie ou en Chine, vers des interdictions ? J'aimerais connaître la position de la Commission européenne sur le sujet.
M. Jean-François Rapin, président. - Les questions vont être abordées les unes après les autres. Commençons par celle sur les aires marines protégées. Leur mauvaise gestion ne serait donc pas une généralité.
Mme Caroline Roose. - En effet, je suis allée à la rencontre des pêcheurs normands et je vous rejoins sur votre constat relatif à la coquille Saint-Jacques. Malgré tout, sur les 30 % d'aires marines protégées, seuls 2 % fonctionnent et c'est pour cela qu'il faut de vrais plans de gestion. Nous devons également intégrer les pêcheurs à ces plans et nous appuyer sur ce qui fonctionne, pour faire en sorte qu'on arrive à un pourcentage significatif de zones vraiment protégées.
M. Virginijus Sinkevicius. - Les informations dont nous disposons sur les effets dommageables de certaines formes de pêche sont claires. De fait, sont déjà intervenues des mesures de large restriction de la pêche aux filets dérivants dans les eaux de l'Union européenne, tout comme de la pêche électrique et de celle au chalut. Il faut trouver un équilibre entre les impératifs d'ordre économique et les mesures de protection immédiate de l'environnement. C'est pourquoi je ne pense pas qu'une approche généralisée avec une interdiction soit forcément la solution. Il nous faut plutôt trouver une solution basée sur la science permettant d'oeuvrer en faveur de la biodiversité, en nous concentrant sur les problèmes les plus urgents. Comme Mme Roose l'a proposé, les dispositions relatives aux aires marines protégées pourraient constituer une première étape d'amélioration de la réglementation européenne. Le point le plus important consiste à garantir une transition vers des rendements plus sélectifs pour la pêche, ce que nous pouvons faire en utilisant nos fonds structurels.
M. André Gattolin. - Merci Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs les eurodéputés. Je souhaite me livrer à un exercice prospectif et revenir sur ce qu'a évoqué Pierre Karleskind à propos de la stratégie groenlandaise, mais également norvégienne, dans les eaux du Svalbard. Avec le réchauffement climatique, nous constatons que les poissons les plus valorisés comme le cabillaud et le flétan remontent dans l'Atlantique nord-est, alimentant ainsi une partie de la reprise économique de l'Islande qui s'est retrouvée bénéficiaire, par là même, d'une « pêche miraculeuse ». Quand on observe l'impact du Brexit, le poids de la Norvège dans le secteur, celui de l'Islande qui négocie actuellement activement avec les Britanniques, notamment sur la question de la pêche, et les velléités d'indépendance du Groenland, qui désire profiter de la manne halieutique en revendant ses droits et ses quotas puisqu'elle l'exploite elle-même très peu, il y a de quoi s'inquiéter. Il se dessine dans l'Atlantique nord-est une sorte de sanctuaire extra-européen où il va être de plus en plus difficile pour les pêcheurs de l'Union d'opérer, soit à cause de contraintes techniques soit du fait de choix politiques. Pour avoir rédigé plusieurs rapports sur l'Arctique européen et pour m'être souvent rendu en Islande, pays sur lequel pas un seul mot n'a été prononcé jusqu'à présent dans cette table ronde, je peux vous dire que des diplomates chargés des négociations relatives à la pêche mènent des discussions très intenses avec le Royaume-Uni et beaucoup moins avec l'Union européenne. J'aimerais entendre le commissaire sur ces questions et peut-être aussi les eurodéputés.
M. Virginijus Sinkevicius. - Merci beaucoup pour cette question. Une sorte d'accord avec Groenland a presque été conclu. Toutefois, il nous faudra poursuivre ces discussions avec le nouveau gouvernement qui vient d'arriver aux affaires, pour finaliser ce projet d'accord.
Vous avez tout à fait raison quand vous parliez du cabillaud qui remonte vers l'Atlantique nord. Alors que la Norvège a eu une approche plus souple lors des négociations, le Royaume-Uni a maintenu sa position de ne réduire les TAC que de 10 %, ce qui a constitué l'un des principaux points de désaccord entre les parties, étant donné que l'Union européenne défendait, quant à elle, une réduction de 16 % pour des raisons socio-économiques. L'alternative aurait été de ne pas avoir d'accord. Malgré tout, cette réduction de 10 % permettra quand même une augmentation satisfaisante de la biomasse. L'Union européenne a travaillé dans ce sens. Elle souhaite continuer à mettre en place un certain nombre de mesures conditionnelles pour protéger les juvéniles, avec des programmes d'inspection pour réduire ce type de captures.
M. François-Xavier Bellamy. - Je reconnais bien là le regard géopolitique très aigu que porte André Gattolin sur les évolutions du moment. Effectivement, nous nous focalisons beaucoup sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, sans voir que celle-ci elle déstabilise en réalité toute la région. L'enjeu des relations entre l'Union européenne et les pays de la région de l'Atlantique nord ne se cantonne pas à la pêche, il est plus global. Concernant la Norvège, la préoccupation est immense. Ce pays donne le sentiment de chercher à tirer profit du Brexit, tout en donnant des gages, malgré tout, à l'Union européenne.
Ce qui est certain, c'est que la déstabilisation actuelle observée dans la zone pèse énormément sur les armements français. Plusieurs bateaux français ont ainsi été empêchés de travailler pendant plusieurs mois, entraînant par la même des pertes considérables. Il me semble qu'aujourd'hui, comme l'évoquait le commissaire Sinkevicius à l'instant, nous devons construire une stratégie globale, exactement comme ce qui a été fait dans l'accord avec le Royaume-Uni. Là aussi, la question consiste à savoir ce que l'on peut mettre dans la balance avec la Norvège, l'Islande et le Groenland, pour que les relations dans le domaine de la pêche se poursuivent.
Il apparaît aujourd'hui impossible de comparer l'accord actuel avec le Royaume-Uni à celui signé avec la Norvège, car ce dernier ne concerne que la pêche et ne porte que sur un nombre limité d'espèces de poissons. Il faut donc intégrer la pêche à une réflexion plus globale sur la stratégie de l'Union européenne dans cette région. Nous n'en sommes qu'aux prémices de cette réflexion, qui doit prendre en compte la protection de l'environnement, comme l'a bien souligné Caroline Roose.
M. André Gattolin. -J'ai omis de mentionner un « signal faible » très significatif : la Chambre des communes britannique vient de créer un groupe d'amitié interparlementaire avec le Groenland. Quand on sait que ce territoire appartient encore au Royaume du Danemark, il faut y voir une volonté très forte du Royaume-Uni de se rapprocher de cette partie de l'Europe du Nord.
M. Pierre Karleskind. - Ce que le sénateur Gattolin met justement en exergue, c'est que le réchauffement climatique modifie assez profondément les conditions géopolitiques du nord de l'Atlantique et de l'Arctique. La stratégie arctique que la Commission européenne doit présenter au troisième trimestre de cette année, sauf erreur de ma part, sera un élément très important. Je remarquerai juste que la Norvège et l'Islande ont toutes les deux refusé l'adhésion à l'Union européenne notamment du fait de la pêche, et que le Groenland l'a quittée dans les années 1980 pour cette même raison. Nous sommes donc au coeur d'un sujet capital au plan géopolitique. Le dégel de l'océan arctique va créer de nouvelles conditions et les États membres de l'Union à titre individuel ainsi que l'Union elle-même doivent renforcer leur présence au sein d'un certain nombre d'organisations régionales. Le Parlement européen également va devoir se saisir de cette réflexion globale sur l'Arctique qui implique tout un ensemble de sujets, notamment environnementaux.
M. Franck Menonville. - Le Sénateur lorrain que je suis n'est certes pas l'élu d'un département doté d'une façade maritime. Je m'intéresse cependant à l'Accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni et à son interprétation. Il serait intéressant de savoir comment son application sera contrôlée et vérifiée et comment les litiges potentiels seront gérés et arbitrés.
M. Virginijus Sinkevicius. - Il est clair que l'impact du Brexit ne portera pas uniquement sur les relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, mais affectera toute la région. Nos partenaires vont devoir, comme nous-mêmes, affronter cette nouvelle réalité. Cette année sera une année test : nous devons négocier avec toutes les parties prenantes dans l'intérêt des pêcheurs européens et être prêts à tirer les conclusions de ces négociations. L'Union européenne prépare une mise à jour de sa stratégie arctique pour 2021. Dans cette optique, les coopérations nationales et internationales seront bien sûr essentielles et amenées à se renforcer à l'avenir.
M. Jean-François Rapin, président. - Merci Monsieur le Commissaire. Je vais à mon tour vous poser quelques questions et formuler plusieurs remarques, auxquelles les uns et les autres pourront répondre. En préambule, je dirais que, certes, nous parlons beaucoup, mais qu'en attendant des entreprises souffrent et des pêcheurs sont empêchés de travailler. Pierre Karleskind le sait, puisque nous avons récemment eu une réunion avec le comité régional des pêches des Hauts-de-France et des représentants de la profession. Certains pêcheurs se trouvent à présent dans des situations désespérées. Nos réflexions devraient poser les bases de ce qui permettra à ces personnes de retravailler.
Pour dire les choses de façon un peu abrupte, j'en suis aujourd'hui à un stade où je me demande si, s'agissant de la pêche, l'Accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l'Union européenne est un bon accord, tout du moins pour certaines régions. Je m'interroge sur ce point pour plusieurs raisons. Tout d'abord, si nous sommes parvenus à obtenir des Britanniques un accès à leurs eaux territoriales pour une période déterminée, force est de constater que cet accès est limité, avec une efficacité qui n'est pas acquise : on l'observe avec la question des licences. S'y ajoute le problème du débarquement des produits, qui avait lieu jusqu'à présent en Angleterre, puisque certains pêcheurs hauturiers doivent dorénavant passer par le Danemark en faisant revenir leurs poissons par la route, ce qui est un non-sens environnemental. Il y a là un vrai sujet en termes de développement durable et de non compatibilité avec le Pacte vert.
Ensuite, sur la clause dite du « grand-père » déterminant l'antériorité de pêche des bateaux, je crois sincèrement quitte, à m'exprimer de façon abrupte, que, s'agissant du régime de la preuve, nous nous sommes « fait avoir » par les Britanniques, car ils savaient que nous aurions du mal à fournir les éléments justificatifs. Aujourd'hui, nous sommes obligés d'aller rechercher des certificats de capture parce que de nombreux bateaux ont changé de propriétaire au cours de la période de référence. Sur ce sujet, la situation est incontrôlable. Voilà donc pour ma première observation, qui porte sur l'Accord en lui-même.
J'en viens maintenant à ma seconde observation, qui concerne cette fois la Politique commune de la pêche : on est en droit de demander si, tout comme la Politique agricole commune avec les agriculteurs, la PCP demeure encore adaptée à tout ce que l'on exige des pêcheurs. Aujourd'hui, ces derniers doivent déjà faire face aux effets du Brexit et de la covid-19. Demander demain aux entreprises de pêche de respecter en outre le Pacte vert apparaît certes tout à fait louable, mais, dans certains domaines, cela va les obliger à redoubler leurs efforts.
La question des espèces hors quota évoquée par François-Xavier Bellamy est aussi très intéressante. En effet, beaucoup de nos professionnels avaient commencé à orienter leur activité sur ces espèces. Je pense notamment aux bulots, qui ont une belle valeur ajoutée. Or aujourd'hui on observe que les Anglais sont en train d'adapter leur flotte pour venir « rogner sur la part de gâteau » jusqu'alors réservée aux pêcheurs français.
Sur les quotas encore, certains points mériteraient d'être revus. Je suis scandalisé, je vous le dis Monsieur le Commissaire, par les photos et les films que me renvoient de nombreux pêcheurs obligés de rejeter des kilos de bars à la mer alors que la ressource n'est pas menacée. Ce n'est certainement pas bon pour l'économie et ça l'est encore moins en termes de développement durable. Je demande donc des précisions sur cette question, pour pouvoir apporter des réponses dans nos territoires.
Concernant la réserve d'ajustement au Brexit, je me demande également - vous allez trouver que j'ai l'esprit très critique, mais permettez-moi de l'avoir compte tenu de la situation dans laquelle se retrouvent certaines entreprises - si elle a été suffisamment anticipée. Il paraît clair que les cinq milliards d'euros prévus ne suffiront pas à faire face à tous les problèmes que nous avons devant nous, en particulier ceux de la pêche !
Pour conclure, je souhaite revenir sur la question du contrôle des pêches, évoqué par Caroline Roose. L'Union européenne doit bien sûr y être attentive. La situation apparaît au demeurant tellement tendue dans nos territoires et notamment sur tout ce que j'appelle « l'arc est » et la Manche que cela nécessitera probablement des infrastructures de contrôle des pêches. Mon prédécesseur Jean Bizet avait fort opportunément adressé une lettre à la Commission européenne, appelant à la mise en place à Boulogne-sur-Mer d'un bureau de contrôle des pêches européen, en particulier pour la région des Hauts-de-France. Ce dispositif aurait plus que jamais du sens. En conclusion, je dirais que j'espère que nos pêcheurs n'auront pas, contrairement à certains de leurs collègues européens, besoin d'aller chercher des pavillons anglais pour survivre.
M. Virginijus Sinkevicius. - Merci beaucoup pour ces remarques. L'Accord de commerce et de coopération intervenu entre le Royaume-Uni et l'Union européenne est-il un bon accord ? Cela dépend de ce à quoi on le compare. Si on le compare à l'alternative qui aurait été de ne pas avoir d'accord du tout, je pense que c'est un bon accord. Cependant, dès le départ, nous savions que le secteur de la pêche n'avait rien à gagner du Brexit.
Je veux témoigner ici toute ma reconnaissance au négociateur en chef Michel Barnier, aux responsables des États membres, ainsi qu'à la Présidente von der Leyen qui ont soutenu ma position tout au long du processus de négociation : les uns et les autres ont fourni d'énormes efforts pour défendre les intérêts des pêcheurs européens. L'application de cet accord va dépendre des deux parties. D'importants efforts devront encore être consentis pour s'assurer qu'il soit mis en oeuvre, respecté et qu'il fonctionne. Il apparaît encore trop tôt pour dire si tel est le cas, car il reste beaucoup à faire. Les deux parties prenantes semblent cependant vouloir s'y conformer.
S'agissant des licences de pêche, je suis pleinement conscient de la situation. Je suis en contact avec votre ministre Annick Girardin ainsi qu'avec Pierre Karleskind. S'il apparaissait que le Royaume-Uni était de mauvaise foi, nous réagirions, mais il faut aussi admettre qu'il va falloir fournir des données historiques pour obtenir ces licences permanentes. J'en profite pour remercier les services français qui travaillent d'arrache-pied pour recueillir ces données et vous assure que la Commission européenne soutient ces efforts.
En ce qui concerne la Politique commune de la pêche, vous avez absolument raison : elle ne reflète sans doute plus tout à fait la réalité actuelle. Nous avons dit que le temps était venu non pas de réformer, mais d'ajuster la PCP aux réalités contemporaines en intégrant, notamment, le changement climatique. Nous ferons cela en coopération avec le Parlement européen, mais je ne veux pas effrayer les pêcheurs avec un projet de réforme parce qu'ils ont déjà d'énormes progrès à réaliser en termes d'adaptation. Sans compter qu'il reste encore beaucoup de travail à faire, ne serait-ce que pour mettre en oeuvre la PCP actuelle.
Quant à la réserve d'ajustement au Brexit, elle a été conçue comme un outil permettant de surmonter l'impact immédiat et à court terme du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Cette réserve doit faciliter la transition et l'adaptation à la nouvelle situation. À plus long terme, d'autres mesures pourront faire l'objet d'un soutien dans le cadre de nos fonds structurels, à commencer par le FEAMP.
Caroline Roose. - Ma première remarque a trait à l'Accord de commerce et de coopération. Certes, il n'est pas idéal, mais une absence d'accord aurait été bien pire car nous n'aurions plus alors aucun accès aux eaux territoriales britanniques.
En ce qui concerne les licences, il faut avancer vite car avec seulement vingt-deux licences accordées dans les Hauts-de-France, c'est un vrai sujet d'inquiétude.
Pour ce qui est de la PCP, il ne faut effectivement pas la changer et ce d'autant plus que certaines de ses dispositions n'ont pas encore été mises en oeuvre, comme l'article 17 du règlement n° 1380/2013 du 11 décembre 2013.
Enfin, j'observe également que les Pays-Bas ont saisi la Cour de justice de l'Union européenne au sujet de la pêche électrique. J'insiste à nouveau sur le fait qu'il faut absolument mettre en oeuvre l'interdiction de cette méthode de pêche !
M. Pierre Karleskind. - Concernant la PCP, j'entends avec plaisir et satisfaction le commissaire Sinkevicius nous parler d'une révision qui irait plus loin qu'une simple réévaluation. Il apparaît effectivement nécessaire d'inclure un certain nombre d'autres facteurs qui influent sur l'état des stocks de poissons. Je crois également que le commissaire jouera un rôle clé dans cette révision, ou en tout cas dans les réflexions sur la directive-cadre Stratégie pour les milieux marins, qui fait également partie des grands textes importants et ne saurait être considérée séparément de la PCP. Tout ceci ne va pas forcément converger dans un texte unique, mais pour ainsi dire entrer en résonance, ce qui sera extrêmement important.
La Cour des comptes européenne a, pour sa part, publié un rapport sur la mise en oeuvre de la PCP, soulignant que les objectifs de cette dernière sont, en 2020, assez loin d'être atteints, notamment en ce qui concerne la santé environnementale des eaux. D'ici quelques semaines ou quelques mois, le Parlement européen réalisera également un rapport d'initiative pour évaluer de son côté la PCP, telle qu'elle a été mise en oeuvre jusqu'à présent, et pour avoir les idées claires sur les évolutions à mener à partir de 2022.
Sur la question du bar, c'est évidemment un sujet récurrent et compliqué qui montre que, quand une espèce n'est pas soumise à quota, sa gestion devient chaotique et malheureusement hasardeuse. Cela fait partie des sujets irritants dont on se passerait bien car ils conduisent les pêcheurs à s'inscrire dans une relation de défiance à l'égard des décisions européennes. À la situation du bar, je pourrais ajouter celle de la raie brunette, exaspérante pour les pêcheurs de Bretagne et des Pays de la Loire depuis au moins une décennie.
En ce qui concerne la question de savoir si l'Accord de commerce et de coopération est un bon accord, Michel Barnier, qui a résolument oeuvré pour qu'il advienne et avec qui j'en ai régulièrement discuté, vous dirait qu'il est satisfaisant. Comme l'indiquait le commissaire Sinkevicius, il faut voir d'où nous partions et regarder où nous en sommes arrivés. Malgré tout, et je l'ai déjà dit, les parlementaires européens vont devoir se prononcer d'ici quinze jours, si je ne m'abuse, sur la ratification de cet Accord alors que nous peinons encore à percevoir la réalité de sa mise en oeuvre. Mon propos n'est certainement pas de critiquer le travail de la Commission européenne, et je sais l'implication personnelle forte du commissaire Sinkevicius, que je tiens à remercier. Mais je crois aussi qu'il faut faire pression sur les Britanniques, parce nous, parlementaires européens, restons responsables de cette ratification, à laquelle il nous est demandé de procéder dans des conditions qui laissent à désirer.
M. François-Xavier Bellamy. - Je vais me concentrer sur le sujet du Brexit et sur les points évoqués précédemment. L'Accord de commerce et de coopération est-il bon ? La question nous est fréquemment renvoyée par les pêcheurs que nous avons l'occasion de rencontrer. Évidemment que non : cet accord est une mauvaise nouvelle pour eux, puisqu'ils vont perdre 25 % de leurs produits en valeur, au terme de la période de transition de cinq ans. Cependant, la situation aurait pu être infiniment pire, si bien que je pense que nous avons également un travail de pédagogie à faire et que nous ne devons pas rester les bras croisés face au discours défaitiste que l'on entend parfois dans les ports consistant à dire qu'en définitive, tout cela n'a servi à rien.
Il faut imaginer ce que cela aurait été si toute la pêche française avait été arrêtée du jour au lendemain sans aucune perspective de reprise : la situation aurait été dévastatrice ! N'oublions pas que la possibilité d'un no deal a en permanence plané au-dessus de la négociation, y compris jusqu'à la toute dernière semaine, ce qui aurait signifié une fermeture complète des eaux britanniques. Nous avons aussi entendu des propositions visant à réduire de 60 %, voire de 80 %, la pêche européenne dans les eaux britanniques. Finalement, nous sommes parvenus à limiter ce chiffre à 25 %, et pour cela, il faut le dire, les Européens ont su se montrer solidaires.
Alors, certes, les pêcheurs vivent une période difficile, mais c'est pour cela que la réserve d'ajustement au Brexit a été créée et que nous nous battons au Parlement européen, afin que la clé de répartition soit la plus efficiente possible, sachant que dans d'autres secteurs économiques l'impact sera faible, ou ambivalent, voire même gagnant, comme pour les services financiers. Inclure ces derniers dans la réserve me paraît totalement injuste, puisque ce secteur a gagné de nouveaux actifs et que des acteurs se sont relocalisés dans l'Union européenne.
Contrairement à ce que certains observateurs avaient prédit, la pêche n'a donc pas été la variable d'ajustement des négociations avec le Royaume-Uni, c'est-à-dire le sujet sur lequel des concessions majeures allaient être faites pour mieux tirer notre épingle du jeu sur les questions du commerce, des services financiers, des flux migratoires, de la sécurité, et autres enjeux cruciaux pour tous les États membres. Ceux des États membres qui n'ont pas ou peu d'activité de pêche avec le Royaume-Uni, ou aucune activité de pêche, auraient pu dire à des pays comme la France, les Pays-Bas et la Belgique que ce sujet ne devait pas mettre en danger un accord avec le Royaume-Uni. Malgré tout, cela ne s'est pas du tout passé comme cela : la pêche a fait partie des priorités de l'équipe de négociation, de la première à la dernière semaine. Pour Michel Barnier, elle a même toujours fait partie des sujets qui conditionnaient l'existence d'un accord d'ensemble, au même titre que le protocole irlandais et la question de l'équité des règles de concurrence, couramment désignée sous les termes de « level playing field » en langue anglaise.
On peut en être satisfait. Maintenant, nous devons nous battre pour que l'interprétation de l'Accord soit conforme à sa lettre et à l'esprit des engagements pris par les Britanniques. C'est pourquoi il me paraît fondamental, aujourd'hui, d'identifier les leviers d'action dont dispose la Commission européenne pour contraindre le Royaume-Uni à respecter ses engagements. Et nous devons pouvoir les actionner sur d'autres terrains que celui de la pêche au besoin. Reste à savoir à quel moment nous allons nous décider à le faire. Quand j'entends que les Britanniques s'apprêtent à soumettre à des quotas des espèces en réalité hors quota sans appliquer cette contrainte à leurs propres pêcheurs, ce qui est un cas flagrant de non-respect de l'Accord, je me demande quelle va être notre réponse. Les Britanniques sont évidemment des amis et des partenaires, et il importe de rester en bons termes avec eux. Mais, nous le savons, nous ne pouvons pas compter seulement sur leur amitié et sur leur bonne foi ; ils défendent aussi leurs intérêts et il est parfaitement légitime que nous fassions de même, en particulier quand il s'agit de faire respecter l'accord signé.
M. Jean-François Rapin, président. - Merci. Si l'on considère la difficulté de la mise en place de l'Accord de commerce et de coopération et de ses modalités d'application, qui aujourd'hui « polluent » pour ainsi dire la vie de nombreux pêcheurs, l'on se dit qu'à l'horizon 2026, la renégociation de l'accès aux eaux et probablement aussi, des quotas, sera certainement compliquée. Michel Barnier nous assure que des mesures de rétorsion pourraient s'appliquer lors cette renégociation, mais je me demande si l'on ne pourrait pas en faire usage dès à présent étant donné que la situation est intenable. Il y a un enjeu, un « taquet » à ajuster et il ne faudrait pas attendre béatement 2026 pour renégocier les points qui posent problème. Vendredi dernier, je me trouvais sur les quais à Boulogne-sur-Mer et j'entendais parler de « guerre de la pêche ». Il est donc important d'agir et la Commission européenne doit se montrer beaucoup plus ferme. À cet égard, eu égard au discours qu'il a tenu, j'ai confiance dans le commissaire Sinkevicius.
Je vous remercie tous encore grandement d'avoir pu vous libérer pour passer ces deux heures avec nous. Le Sénat a pour objectif d'organiser une réunion beaucoup plus importante, dès que la situation sanitaire le permettra. Monsieur le Commissaire, nous vous inviterons à ce moment-là, à Paris probablement. Cet événement se tiendra sur une journée au moins, avec tous les acteurs de la filière pêche, qui est un véritable écosystème en France.
Encore une fois, merci de vous être exprimés devant nous ce matin.
La réunion est close à 10 h 50.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.