Jeudi 11 février 2021

- Présidence de M. Serge Babary, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises au ministère de l'économie, des finances et de la relance

M. Serge Babary, président. - Nous entendons aujourd'hui M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises, au ministère de l'économie, des finances et de la relance, qui nous a rejoints en visioconférence. Je rappelle que la direction générale des entreprises (DGE) conçoit et met en oeuvre les politiques publiques concourant au développement des entreprises, et qui sont au coeur de nos préoccupations.

Auditionné le 2 février dernier par la commission des affaires économiques du Sénat, M. Bruno Le Maire a estimé que l'État devait « protéger au maximum les salariés et les entreprises qui en ont besoin ».

De fait, les aides sont nombreuses et permettent, tant que notre économie est sous perfusion, de « limiter la casse ». Tous les sénateurs sont néanmoins alertés chaque semaine par les entreprises de leur département.

D'une part, il est difficile, en particulier pour les entreprises de taille moyenne ou petite, de suivre les modifications incessantes des textes en vigueur. Si l'on comprend la nécessité de s'adapter à la situation, on peut s'interroger sur l'incessante variabilité des règles et des critères. Je pense aux ordonnances qui se succèdent à une cadence rapprochée sur l'activité partielle, même si elles relèvent davantage du ministère du travail que de la DGE.

D'autre part, nous sommes tous saisis par les PME, TPE ou par les indépendants, qui peinent à accéder à certaines aides ou se plaignent de soutiens insuffisants pour leur permettre de garder la tête hors de l'eau, dans un contexte qui manque de visibilité.

Je vous remercie par avance, monsieur Courbe, pour les éclairages et les réponses que vous allez nous apporter sur la stratégie du Gouvernement à l'égard des entreprises qui irriguent nos territoires. Nous vous avons fait parvenir un questionnaire indicatif qui pourra guider votre propos liminaire. Mes collègues vous interrogeront ensuite.

Notre réunion est mixte, en présentiel et en visioconférence. Elle est également accessible aux journalistes qui peuvent suivre la vidéo à distance.

M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises au ministère de l'économie, des finances et de la relance. - Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation. À titre de propos liminaire, je dresserai le panorama des aides que nous avons mises en place pour aider les entreprises à faire face à la crise. Comme vous le savez, nous avons déployé un dispositif assez large d'aides avec les prêts garantis par l'État (PGE), le renforcement de la prise en charge de l'activité partielle que vous avez évoqué, les exonérations de charges fiscales et sociales et le fonds de solidarité, pour la mise en oeuvre duquel la DGE a joué un rôle prépondérant.

Nous avons porté une attention particulière à l'information des entreprises. Assurer une bonne information des entreprises sur les dispositifs de soutien est un défi quotidien. Depuis le début de la crise, nous avons mis en place des foires aux questions, des outils dynamiques sur nos sites internet, nous avons organisé des webinaires et, pour répondre aux questions des entreprises sur les différents dispositifs d'aide lors du premier confinement, nous avons mandaté les réseaux consulaires - chambres de commerce et d'industrie et chambres de métiers et de l'artisanat - pour assurer cet effort d'explication. Pour ce faire, plus de 2 millions de contacts ont été effectués !

En complément, nous avons mis en place dès le printemps dernier un certain nombre de dispositifs de soutien aux entreprises plus structurels et dédiés aux secteurs qui ont été les plus fragilisés par la crise. Je citerai le plan en faveur de l'hôtellerie, du commerce, de la restauration et du tourisme, créé au mois de mai et abondé à hauteur de 18 milliards d'euros, le plan de soutien au secteur automobile de 8 milliards d'euros, le plan de soutien aéronautique de 15 milliards d'euros, le plan de soutien aux start-up et aux entreprises technologiques, et le plan de soutien au commerce doté de 900 millions d'euros de crédits supplémentaires au mois de juillet dernier.

Le fonds de solidarité, qui est un outil particulièrement important pour répondre à la crise, continue d'être mobilisé. À la fin du mois de décembre, 11 milliards d'euros d'aides ont été distribués à 1,8 million d'entreprises. S'il ne répond que partiellement à l'ensemble des difficultés des entreprises, ce dispositif satisfait néanmoins à notre objectif de simplification en permettant aux entreprises d'effectuer très facilement leurs demandes sur le site internet de la direction générale des finances publiques (DGFiP). Ce dispositif, vous l'avez dit, a évolué dans le temps : l'aide de 1 500 euros initialement destinée à compenser la perte de rémunération, notamment des indépendants, s'est progressivement étoffée au moment du deuxième confinement pour prendre en charge des entreprises plus grandes, passant à 10 000 euros, puis à 20 % du chiffre d'affaires dans la limite de 200 000 euros. Nous avons ainsi voulu aider des entreprises qui, si elles avaient mieux résisté au début de la crise, commençaient à cumuler les pertes.

Une aide complémentaire du fonds de solidarité pour la prise en charge des coûts fixes a également été annoncée. Le dispositif actuel - les 10 000 euros dans la limite des pertes du chiffre d'affaires, ou les 20 % du chiffre d'affaires dans la limite de 200 000 euros - couvre les coûts fixes de la très grande majorité des entreprises. Néanmoins, certaines ayant des coûts fixes encore plus importants, nous allons mettre en place un dispositif pour y faire face. Nous discutons actuellement avec la Commission européenne pour qu'elle valide ce choix et que nous puissions le mettre en oeuvre dans les prochaines semaines. Nous essayons ainsi d'adapter le dispositif en permanence aux besoins nouveaux des entreprises liés à la durée de la crise.

Il me semble utile de mentionner un outil spécifique d'avances remboursables pour les entreprises qui ne pouvaient pas bénéficier des prêts garantis par l'État. Certes, ce dispositif est plus restreint et n'a bénéficié qu'à 81 entreprises.

Nous avons aussi engagé une action importante pour développer les réseaux d'accompagnement et simplifier les procédures, notamment mieux faire connaître les procédures amiables, souvent méconnues et plutôt utilisées par les PME de taille importante ou les entreprises de taille intermédiaire. C'est l'un des axes de travail de la mission confiée par le garde des sceaux à Georges Richelme sur la prévention et l'accompagnement des entreprises en difficulté. Cette mission devrait formuler prochainement des recommandations sur la simplification des procédures.

En parallèle, nous avons remis en service l'outil appelé « Signaux faibles » appuyé par l'intelligence artificielle, que nous avions développé avant la crise, afin d'anticiper les difficultés des entreprises douze à dix-huit mois avant qu'elles ne surviennent. Les signaux faibles des entreprises ayant été profondément bouleversés par la crise, nous avons adapté cet outil, désormais plutôt utilisé pour proposer à certaines entreprises des accompagnements en amont, et ce afin d'éviter de nouvelles difficultés, notamment en sortie de crise.

Nous avons également consenti un effort particulier dans l'accompagnement des entreprises en demandant aux réseaux consulaires, au moment du lancement du plan de relance en septembre dernier, de contacter chacune des 30 000 PME industrielles et de leur présenter les outils du plan de relance mis à leur disposition, puis, lors du deuxième confinement, d'appeler 30 000 commerçants concernés par des fermetures pour s'assurer qu'ils avaient une bonne connaissance des dispositifs de soutien, en particulier des nouvelles mesures du plan « Clique mon commerce », dont l'objet est d'accélérer la numérisation des commerces.

Nous avons aussi décidé, à la fin de l'année dernière, de mobiliser les réseaux consulaires pour garantir l'existence d'un interlocuteur privilégié en faveur des secteurs qui sont les plus lourdement affectés par la crise, à savoir l'hôtellerie, les voyagistes, les traiteurs, l'événementiel, les salles de sport ou encore les discothèques.

De plus, nous avons voulu développer le rôle de la médiation du crédit, qui a quadruplé son activité en 2020, entre les banques et les entreprises, en particulier les TPE en difficulté.

Enfin, nous travaillons également avec des réseaux associatifs d'accompagnement, par exemple le Portail du rebond, qui a reçu un prix de la Commission européenne au titre de l'année 2020 et se révèle particulièrement efficace.

Autre volet de notre action, le renforcement des fonds propres des entreprises pour les années à venir, qui doit compléter les outils de soutien financier, de compensation des pertes, de prise en charge des coûts fixes. Nous avons mis en place dans les deux secteurs industriels les plus touchés que sont l'automobile et l'aéronautique des fonds d'investissement à capitaux publics et privés pour leur permettre de se diversifier, de se déployer, éventuellement à l'international, ou de se consolider.

Nous avons en outre décidé, en liaison avec les conseils régionaux, d'abonder à hauteur de 250 millions d'euros les fonds propres régionaux que nombre de régions ont instaurés pour consolider les fonds propres des PME.

Enfin, le dispositif des prêts participatifs sera déployé prochainement et constituera un relais en quasi fonds propres des dispositifs de trésorerie qui ont déjà été mis en oeuvre.

Le plan de relance jouera un rôle important pour aider les entreprises à continuer d'investir pendant la crise, à l'image du plan que nous avons mis en place dans l'industrie avec un grand succès, comme l'a indiqué la ministre déléguée chargée de l'industrie. Le budget consacré à ces outils sera augmenté pour répondre à plusieurs objectifs : outre le projet de relocalisation de certaines productions en France, qui a été doté de 600 millions d'euros, 900 projets ont été présentés par des entreprises dans ce domaine ; des projets d'investissement portent sur l'automobile et l'aéronautique ; et un volet territorial doit permettre de financer des projets locaux. Au total, en quelques mois, 4 200 projets ont été présentés par les PME industrielles, ce qui ouvre de grandes perspectives pour notre compétitivité en sortie de crise.

Autre enjeu important que vous avez évoqué dans le questionnaire : la numérisation des entreprises. Globalement, les PME et les TPE françaises sont moins bien numérisées que les autres entreprises de l'Union européenne. Pour préserver la compétitivité de nos entreprises, nous avons lancé deux programmes : un guichet de numérisation des PME industrielles pour les orienter vers « l'industrie du futur », et un guichet de financement de l'achat d'outils numériques pour les PME industrielles, qui a lui aussi connu un très grand succès avec 7 000 projets d'investissements destinés à accélérer la numérisation des PME industrielles françaises. D'autres outils sont plus adaptés aux TPE, aux commerçants et aux artisans tel le site internet francenum.gouv.fr, qui propose des cours en ligne et des programmes télévisés de sensibilisation qui seront diffusés à partir du 15 février.

Nous allons par ailleurs établir en faveur de 30 000 TPE des diagnostics gratuits d'ici à 2022 de façon à les aider à bien identifier les solutions numériques dont elles ont besoin. Sont également prévus à cette même échéance des programmes de formation aux outils numériques en direction de 150 000 TPE, indépendants et artisans.

De plus, pour les TPE-PME qui auront démontré un investissement numérique assez significatif, nous avons mis en place en novembre et en décembre derniers, dans le cadre du plan « Clique mon commerce », des chèques numériques de 500 euros pour aider les commerçants à financer un premier développement numérique. Pour les besoins plus importants, nous pourrons accorder 30 000 prêts de numérisation, de l'ordre de 10 000 ou 20 000 euros, aux TPE-PME qui voudront réaliser des investissements numériques un peu plus significatifs. Notre objectif est d'accompagner 200 000 entreprises d'ici à la fin de 2022.

Nous avons également engagé des actions collectives pour soutenir les commerces de centre-ville et mis en place, dans le cadre du plan de relance, un fonds de foncières pour faciliter l'installation, d'ici à la fin de l'année, de 60 foncières dans 65 départements en vue de la location à bas prix de locaux en centre-ville à des commerçants.

Nos actions suivent donc une gradation afin de cibler tous les besoins des entreprises, depuis les aides d'urgence jusqu'aux investissements d'avenir (IA). C'est le sens du quatrième programme d'investissements d'avenir qu'a présenté le Premier ministre le 8 janvier dernier en faveur des start-up, des PME et des plus grandes entreprises. Il s'agit de mobiliser des financements publics pour soutenir l'innovation, selon deux approches différentes : l'approche territoriale est à l'origine du programme d'investissements d'avenir régionalisé, qui sera piloté dans chaque région par les conseils régionaux pour stimuler l'innovation au sein des PME régionales ; la seconde approche est plus orientée sur les 11 marchés clés sur lesquels nous souhaitons positionner nos entreprises et les aider à se développer - je citerai la santé digitale ou la cybersécurité.

Voilà le bref panorama de ces différents chantiers que nous avons lancés pour accompagner les entreprises, depuis les aides d'urgence jusqu'à la préparation de l'avenir.

M. Serge Babary, président. - Merci de votre propos exhaustif et très précis, notamment sur la stratégie défensive que chacun reconnaît avoir été massive et efficace pour sauver un maximum d'entreprises - attendons toutefois de voir leur sort dans les prochains mois - et les éléments du plan de relance que vous avez détaillés.

L'État a constamment adapté son dispositif de soutien aux entreprises notamment en raison du confinement.

Les acteurs des entreprises, dirigeants ou syndicats, ont salué la simplification de nombreuses procédures, qu'il s'agisse du dialogue social dans les entreprises ou des audiences des tribunaux de commerce, grâce notamment aux outils de visioconférence. Envisagez-vous de maintenir au-delà de la pandémie tout ou partie de ces simplifications qui sont demandées parfois de longue date par les entreprises ?

Il a par ailleurs été annoncé, vous l'avez évoqué, que les prêts participatifs seront sélectionnés pour l'essentiel par les agences bancaires au niveau des territoires, ce qui est, à mes yeux, une bonne chose. Pouvez-vous préciser concrètement quels sont les critères à retenir pour développer ces prêts sans favoriser les entreprises zombies, qui ne vivent plus que par des perfusions, tout en soutenant celles qui connaissent des difficultés temporaires dues à la crise ?

Est-il prévu de revoir temporairement certaines règles de notation de la Banque de France afin d'éviter l'autre biais de stigmatisation qu'est la cotation des entreprises ? Ne pourrait-on pas imaginer une mise entre parenthèses de cette période pour ne pas rendre plus difficile l'accès au crédit par les entreprises lors de la reprise, ce qui s'apparenterait pour elles à une double peine ?

J'en profite pour évoquer un point qui inquiète beaucoup les chefs d'entreprise depuis longtemps. Il s'agit de l'usage bancaire qui consiste à indiquer sur les carnets de chèques des dirigeants en difficulté la mention « RJ » - règlement judiciaire. Ne serait-il pas opportun que l'État engage un dialogue avec les banques sur ce type de pratiques qui n'ajoutent aucune garantie au débiteur, pas plus qu'au fournisseur, mais qui représentent une sorte de marque un peu « infamante » poursuivant les dirigeants qui se trouvent en règlement judiciaire ?

M. Thomas Courbe. -La simplification recouvre plusieurs aspects. Un certain nombre de dématérialisations ont été mises en oeuvre pendant la crise pour des raisons évidentes, et nous souhaitons que ces options puissent être poursuivies au-delà de la crise. Notre effort de simplification a d'ailleurs continué à être mis en oeuvre par l'État pendant la crise, notamment par le Parlement avec le vote de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, la loi ASAP. Lors du cinquième comité interministériel de la transformation publique, le Premier ministre a confirmé que la simplification des procédures restait une priorité.

Le gouverneur de la Banque de France a indiqué que ses équipes feraient la différence entre les aspects conjoncturels et structurels dans l'établissement de la notation des entreprises. Beaucoup de chefs d'entreprise ne voient guère l'utilité de la notation Banque de France et négligent de remplir les questionnaires qui leur sont envoyés. Pourtant, cette notation est très suivie par l'ensemble des acteurs.

On pourrait soumettre la question que vous évoquez de l'inscription de la mention « RJ » sur les chèques à la Fédération bancaire française et à la direction du Trésor. Toutefois, je rappelle que la procédure de redressement judiciaire est publique et que les parties prenantes en sont informées. Enfin, les prêts participatifs relèvent de la compétence de la direction du Trésor. Je leur transmettrai votre question.

Mme Martine Berthet. - Les commerçants luttent pour traverser la crise. Pour faciliter la reprise, ils souhaitent une compilation de l'ensemble de leurs dettes, aussi bien celles contractées avant la crise que pendant celle-ci, et un rééchelonnement du remboursement sur dix ans.

Le crédit d'impôt pour inciter les bailleurs à abandonner des loyers au profit des locataires de locaux professionnels sera-t-il reconduit ? Selon quelles modalités les foncières commerciales d'intérêt général seront-elles mises en place ? Chaque département en sera-t-il doté ?

On annonce aussi depuis décembre des aménagements à la règle européenne qui plafonne à 3 millions d'euros les aides d'État destinées à contribuer à prendre en charge les coûts fixes. Où en est-on à cet égard ? Les attentes sont grandes dans le tourisme, qu'il s'agisse des remontées mécaniques, qui n'ont plus perçu de recettes depuis un an, ou des résidences de tourisme.

Enfin, qu'en est-il des entreprises créées en 2020, qui n'ont pas d'antériorité de bilan. Dans le cas de reprises, le bilan de la précédente activité ne pourrait-il pas servir de base à l'indemnisation ?

M. Thomas Courbe. - Nous avons essayé d'apporter plusieurs réponses pour garantir le paiement des loyers. Les aides du fonds de solidarité ont été augmentées, avec une compensation jusqu'à 20 % du chiffre d'affaires, dans la limite de 200 000 euros, je le répète. Selon nos simulations, ce dispositif permet de couvrir les coûts fixes, loyer inclus, de la grande majorité des entreprises. Pour les activités où les coûts fixes sont supérieurs à 20 % du chiffre d'affaires - salles de sport, centres de loisirs, hôtels, etc. -, nous avons mis en place une aide spécifique, à propos de laquelle nous sommes en discussion avec la Commission européenne. Nous avons aussi instauré un crédit d'impôt au travers du projet de loi de finances de 2021 pour inciter les bailleurs à renoncer à leurs loyers. Ce dispositif est récent. Il est encore trop tôt pour en faire le bilan, mais les aides directes couvrent déjà une part importante des loyers. Enfin, les dispositifs de médiation mis en place dans les départements visent aussi à aider les entreprises à trouver des solutions avec leurs bailleurs.

Notre objectif est d'installer 65 foncières avant la fin de l'année, puis une par département à terme ; elles auront pour mission de réaliser l'achat de locaux commerciaux, leur rénovation et leur location à des tarifs maîtrisés aux commerçants.

La négociation avec la Commission européenne sur des dispositifs ad hoc, comme celui en faveur des remontées mécaniques, a bien avancé et j'espère qu'elle aboutira très vite. En outre, la Commission a prolongé jusqu'à la fin de l'année ses dérogations au régime des aides d'État, tout en augmentant leur plafond. Elle a aussi relevé le plafond des aides, au-delà de 3 millions d'euros, pour les mesures de soutien aux coûts fixes.

Les situations d'endettement des entreprises sont très variables. Les PGE fournissent, dans de très bonnes conditions financières, un apport en trésorerie, avec un remboursement progressif sur six ans. D'autres entreprises peuvent bénéficier, notamment dans le cadre du plan tourisme, de prêts de plus longue durée distribués par Bpifrance.

Vous évoquez un prêt unique regroupant toutes les dettes. Si un tel mécanisme semble intéressant, il convient de se demander si un dispositif unique est préférable à des solutions adaptées à la situation de chaque entreprise. La médiation du crédit a aussi pour rôle de conseiller les entreprises et de les aider à trouver des solutions.

Mme Marie-Christine Chauvin. - Vous vous êtes félicité en introduction du succès des sollicitations dans le cadre du plan de relance pour les entreprises industrielles. Mais un viticulteur m'a fait part de ses regrets que les premiers dossiers arrivés soient les premiers retenus lors des appels à projets du plan de relance, ce qui donne évidemment une priorité aux grandes entreprises, au détriment des PME ou des entreprises familiales, qui n'ont pas la structure administrative pour réagir rapidement. Trois jours après l'ouverture des appels à projets, il était déjà trop tard... Ne pourrait-on prévoir une procédure spécifique pour les petites entreprises ?

M. Daniel Laurent. - Les entreprises de 50 salariés et plus n'ont plus accès aux fonds mutualisés de la formation et devront financer elles-mêmes les actions inscrites au plan de développement des compétences. Si les grandes entreprises ont des structures de formation adaptées, c'est plus difficile pour les entreprises qui sont juste au-dessus du seuil. Ne peut-on pas les aider ?

M. Thomas Courbe. - Les dispositifs mis en place dans le cadre du plan de relance bénéficient avant tout aux PME : sur 4 200 projets retenus dans les appels d'offres liés à la relance de l'industrie, 85 % sont des dossiers de PME ou d'entreprises de tailles intermédiaires, voire de TPE. Nous avons fait un effort de simplification pour faciliter l'accès du dispositif à toutes les entreprises. Il est probable que le viticulteur que vous avez cité fasse allusion à un dispositif de relance du ministère de l'agriculture.

Au sujet de la formation, il est évident que des efforts d'accompagnement doivent être faits, notamment en ce qui concerne la numérisation des TPE-PME. Je vous le disais, nous avons engagé un certain nombre d'actions en la matière, et c'est un axe important de notre politique.

En ce qui concerne la prise en charge de la formation dans les entreprises de plus de 50 salariés, je vais vérifier ce point avec le ministère du travail pour vous apporter une réponse par écrit.

M. Daniel Laurent. - J'ai posé cette question il y a plus d'un mois au secrétaire d'État chargé des PME, mais il ne m'a toujours pas répondu !

M. Thomas Courbe. - Je m'engage à vous apporter une réponse le plus rapidement possible.

M. Rémi Cardon. - Je voudrais vous interroger sur les difficultés d'accès à la commande publique pour les entreprises françaises et européennes.

Dans le plan de relance européen de 750 milliards d'euros, 20 % seront consacrés au numérique, mais il faudrait que nous privilégiions des solutions fournies par des entreprises européennes. La crise sanitaire a amplifié la transition numérique, tant chez les particuliers que chez les professionnels, et vous avez évoqué les mesures qui ont été prises.

La crise sanitaire a aussi mis en avant le manque criant de souveraineté dans le domaine numérique - elle est pourtant essentielle à l'autonomie stratégique de notre continent. Dans le même temps, nos concurrents, les États-Unis ou la Chine, mettent largement en oeuvre une préférence domestique pour soutenir l'innovation.

En l'absence de chiffres précis sur la part des marchés publics qui sont attribués aux entreprises étrangères, il est difficile de mesurer l'ampleur du problème. Disposez-vous de ce type d'information ?

Plus largement, quelles sont les actions mises en oeuvre par le Gouvernement en matière de souveraineté numérique ? Le 3 février dernier, Bruno Le Maire indiquait devant la commission des affaires économiques du Sénat que les demandes d'aide à la numérisation des PME représentaient environ 800 millions d'euros, alors que 280 millions ont été budgétés.

Enfin, avez-vous prévu de sensibiliser ces entreprises à la cybersécurité ? L'actualité montre bien que ce sujet est très important.

M. Thomas Courbe. - Vous posez plusieurs questions importantes. Nous agissons à la fois sur les versants offre et demande.

En ce qui concerne l'offre numérique en France et en Europe, nous avons mis en place une action sans précédent. La France et l'Allemagne ont par exemple lancé une stratégie européenne sur le cloud avec le projet Gaïa-X ; elle va donner lieu à des projets financés par les États membres et la Commission européenne. Nous avons lancé des démarches comparables dans le domaine quantique - le Président de la République en a récemment parlé -, en matière de cybersécurité ou encore pour les applications numériques en santé. Dans le cadre du programme d'investissements d'avenir et des alliances que nous promouvons, nous soutenons fortement le développement de solutions numériques françaises et européennes.

Il est vrai que, dans un certain nombre de cas, les entreprises, les États ou les collectivités publiques recourent à des solutions non européennes par faute d'autres propositions. Soutenir le développement de l'offre est donc un impératif.

En ce qui concerne la demande, les programmes que j'ai évoqués vont soutenir le développement d'investissements numériques dans les entreprises, en particulier dans les TPE-PME. Nous avons parallèlement mené un travail de structuration de l'offre française.

Par ailleurs, nous avons organisé des sensibilisations à la cybersécurité, par exemple dans le cadre du programme sur la cybermalveillance. Dans les prochaines semaines, le Gouvernement devrait annoncer une stratégie globale sur la cybersécurité ; dans ce cadre, nous entendons soutenir les entreprises françaises qui développent des solutions de cybersécurité - plusieurs start-up françaises sont très performantes dans ce domaine.

En ce qui concerne la commande publique, il est effectivement difficile de dégager les chiffres dont vous parlez, mais nous allons essayer de vous donner des ordres de grandeur. Le Gouvernement présentera prochainement sa politique en matière de cloud. Aujourd'hui, les investissements numériques des ministères se partagent entre des solutions apportées par des entreprises françaises, souvent de grande qualité et reconnues par des labels, et des solutions non européennes, en particulier lorsqu'il n'existe pas de solution française pour répondre aux besoins en question.

En tout cas, il est très important de mettre en place des actions pour développer les deux versants, l'offre et la demande.

M. Olivier Rietmann. - De nombreux chefs d'entreprises qui sont fermées administrativement sont inquiets pour le monde d'après, c'est-à-dire pour les semaines et mois qui suivront la réouverture. Menez-vous une réflexion sur la manière d'accompagner ces entreprises une fois que la situation sanitaire sera stabilisée et qu'elles pourront rouvrir ? La clientèle ne reviendra pas immédiatement et il faudra relancer la machine, ce qui prendra du temps et demandera des moyens.

M. Serge Babary, président. - Je complète cette question par une autre qui m'a été transmise par Pascale Gruny. Un problème équivalent se pose en effet pour les entreprises qui ont été fermées administrativement pendant le premier confinement, mais pas ensuite : nombre d'entre elles ont du mal à retrouver une activité normale. On le voit, la sortie de crise ne peut pas se faire du jour au lendemain. Que comptez-vous faire en la matière ?

M. Thomas Courbe. - Ce sont des questions essentielles. Bruno Le Maire a indiqué clairement que les dispositifs de soutien resteront en place tant que la situation sanitaire imposerait des contraintes pesant sur les acteurs économiques - les cafés, les restaurants, etc.

Nous travaillons avec les organisations professionnelles sur ce sujet, des réflexions sont en cours, mais il n'est guère possible pour moi d'être plus précis à ce stade, parce que tout dépendra du calendrier et des modalités de la sortie de crise. Comme nous le faisons depuis mars dernier, nous devrons nous adapter pour faire évoluer les dispositifs de soutien.

M. Serge Babary, président. - Comme le disait Martine Berthet, de nombreuses créations d'entreprises ont eu lieu en 2020 malgré la crise. Leur situation est particulière, puisqu'on ne peut pas se référer aux années précédentes pour mesurer leur activité. Cependant, parmi ces entreprises, certaines ont racheté un fonds de commerce : elles ne reçoivent aucune aide, étant considérées comme complètement nouvelles, alors qu'en réalité il existe des références de chiffre d'affaires. D'ailleurs, les frais d'enregistrement sont calculés sur ces données.

M. Thomas Courbe. - Nous avons progressivement tenu compte des créations d'entreprises : ainsi, les aides attribuées en décembre 2020 ont aussi bénéficié aux entreprises créées jusqu'au 30 septembre 2020.

Dans le cas d'une reprise de fonds de commerce, la situation est complexe juridiquement et pratiquement, et il n'existe pas réellement de solution. En effet, le nouveau commerce peut exercer une activité différente de celui qui existait auparavant ; il n'est donc pas possible de prendre le chiffre d'affaires passé comme référence. Ce que je vous disais il y a quelques instants sur les créations d'entreprises de manière générale permet de couvrir un certain nombre de cas de reprises de fonds de commerce.

Mme Jacky Deromedi. - En décembre dernier, j'ai publié au nom de la délégation aux entreprises du Sénat un rapport d'information sur la situation des entreprises françaises à l'étranger. Nous n'avons toujours pas pu le remettre au ministre.

J'ai pris l'initiative d'écrire au Président de la République qui m'a répondu dès le 24 décembre. Dans cette lettre, il m'a indiqué que les mesures de soutien annoncées par le Gouvernement n'avaient pas vocation à ce stade à bénéficier aux entreprises établies hors de France, mais le Président de la République ajoutait que ces entreprises étaient toutefois l'objet d'un suivi très attentif. Il précisait aussi qu'il avait transmis ce dossier à M. Bruno Le Maire et que ce dernier l'examinerait attentivement et me tiendrait directement informée.

La situation des petits entrepreneurs français à l'étranger est de plus en plus dramatique, particulièrement dans ce contexte où, bloqués dans leur pays d'accueil, ils ne peuvent payer ni leur loyer ni l'école des enfants et vivre décemment. Ils en sont réduits à la solidarité entre Français, qui heureusement existe.

Monsieur le directeur général, je compte sur vous pour relayer auprès de M. Bruno Le Maire cette situation de détresse. Avec un peu de chance, nous aurons quelques bonnes nouvelles dans les semaines à venir !

M. Thomas Courbe. - Je porterai ce message.

M. Serge Babary, président. - Je vous remercie de votre participation. Nous essayons de faire remonter les expériences et les difficultés qui apparaissent dans nos territoires. Nos échanges sont précieux et nous nous réjouissons des convergences qui apparaissent.

Désignation de rapporteurs

M. Serge Babary, président. - L'autre point de notre ordre du jour nous conduit à désigner des co-rapporteurs pouvant conduire la mission que nous avons décidé de lancer sur la problématique de la cybersécurité dans les entreprises.

Il s'agit d'une suite logique des travaux conduits par notre Délégation aux entreprises en 2019 en vue d'encourager la numérisation des PME et TPE. Il s'agit aussi d'une urgence car si la crise a permis à ces entreprises de gagner deux ans en termes de maturité digitale, nous dit-on, leur retard en matière de protection est avéré. Les PME sont en effet les cibles croissantes des cyberattaques.

Plus généralement, 4 000 attaques visant des entreprises ont lieu chaque jour dans le monde ! Ce sujet est donc particulièrement important et sensible.

J'ai reçu pour cette mission la candidature de deux de nos collègues particulièrement investis sur ces questions : Rémi Cardon et Sébastien Meurant.

S'il n'y a pas d'autre(s) candidature(s), je vous propose de les désigner, sachant que leur rapport pourrait être examiné au mois de juin... Il en est ainsi décidé.

Afin de rendre leurs travaux compatibles avec les autres activités de notre Délégation, nous pourrions envisager que les auditions des rapporteurs, ouvertes à tous les membres de la Délégation, se déroulent les jeudis après-midi de 14h30 à 16h30 ; et les éventuelles tables rondes, des jeudis matins en plénière. Je vous invite naturellement tous à suivre ces auditions, car cette problématique concerne vraiment toutes les entreprises.

La délégation désigne MM. Rémi Cardon et Sébastien Meurant rapporteurs sur la problématique de la cybersécurité dans les entreprises.

La réunion est close à 10 h 50.