Mercredi 27 janvier 2021
- Présidence de M. Christian Cambon, président -
La réunion est ouverte à 10 h 05.
Contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Médias Monde - Examen du rapport d'information
La réunion est ouverte à 10 h 05.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur. - Après l'audition la semaine dernière de la Présidente-Directrice générale de France Médias Monde, Mme Marie-Christine Saragosse, nous vous présentons aujourd'hui notre proposition d'avis sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Médias Monde, qui définit les orientations de notre principal opérateur de l'audiovisuel public extérieur pour les deux prochaines années.
En effet, ce projet de COM a été transmis au Sénat juste avant la suspension des travaux parlementaires et, selon l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 sur l'audiovisuel, le Parlement dispose de 6 semaines à compter de sa transmission pour formuler, s'il le souhaite, un avis sur ce document. S'il nous paraît important que la commission prenne position à ce sujet, nous regrettons la transmission tardive de ce projet, en cours d'élaboration depuis des mois et qui porte sur une période déjà entamée (2020-2022) !
C'est d'autant plus regrettable que ce nouveau COM est conclu pour une durée plus courte que les précédents (trois ans). Le gouvernement a souhaité, en effet, que sa durée soit en phase avec la trajectoire financière à l'horizon 2022 arrêtée en juillet 2018.
Cette trajectoire, on s'en souvient, a imposé un important plan d'économies au secteur de l'audiovisuel public et avait remis en cause de facto la validité du précédent COM de France Médias Monde et des autres opérateurs de l'audiovisuel public.
Nous prenons acte de la volonté de cohérence et de sincérité que manifeste cet alignement de la durée du COM sur la trajectoire financière 2018-2022.
Toutefois, comme l'a souligné la Présidente-Directrice générale de France Médias Monde lors de son audition, la question de l'après-2022 reste entière en ce qui concerne le financement. En effet, une incertitude plane sur l'avenir de la contribution à l'audiovisuel public, dite « redevance télé » qui, avec la fin annoncée de la taxe d'habitation, va être privée de son support de collecte. Pour l'instant, rien n'est décidé, mais le risque à nos yeux est que cette recette fiscale affectée, gage de sécurité et d'indépendance pour les opérateurs de l'audiovisuel public, soit remplacée à terme par une simple contribution budgétaire. C'est une réelle inquiétude pour France Médias Monde, que nous partageons. D'autant que les perspectives d'évolution des ressources propres, sur lesquelles le projet de COM met l'accent, demeurent incertaines, qu'il s'agisse des recettes publicitaires ou des apports des bailleurs de fond. Le dynamisme des recettes publicitaires est en effet affecté par la conjoncture actuelle et freiné par l'important morcellement du marché publicitaire au plan international. Quant aux contributions des bailleurs de fonds - comme l'Agence française de Développement (AFD), qui appuie la diffusion en langues régionales en Afrique, et l'Union européenne (qui va cofinancer le projet de plateforme numérique ENTR), elles sont évidemment très précieuses, mais la difficulté est qu'elles sont attribuées pour des durées limitées et doivent sans cesse être renégociées.
Au final, la question de la sécurité et de la pérennité des financements est le sujet crucial que ce projet de COM laisse pendante.
Outre sa durée plus courte, l'autre particularité de ce projet de COM est qu'il comporte une feuille de route commune et des objectifs communs avec ceux des autres opérateurs de l'audiovisuel public. Tous ces COM, qui couvrent la même période (2020-2022), s'inscrivent en effet dans la politique de transformation du secteur de l'audiovisuel public à l'ère numérique lancée par le gouvernement en 2018 dans le but - je cite l'avant-propos du COM - de « proposer un service public à haute valeur ajoutée et pleinement adapté à l'évolution des usages ».
La feuille de route énonce des priorités communes à l'ensemble des opérateurs publics, comme le soutien au secteur de la culture et de la création, le développement de l'offre destinée à la jeunesse ou encore - nous nous en réjouissons - la place donnée aux enjeux européens et au contexte international. Cette partie du COM mentionne le rôle de l'audiovisuel extérieur comme « relais essentiel du rayonnement international de la France » et indique que ses missions « font écho aux priorités de la politique extérieure française » (développement, stabilisation des zones de crise...), ce qui nous paraît un point très important. L'action et le positionnement de FMM nous paraissent ainsi explicitement consacrés.
Les objectifs communs à tous les acteurs de l'audiovisuel public sont au nombre de cinq : proposer une offre de service public s'adressant à tous les publics, développer des synergies et des partenariats entre opérateurs du secteur, réduire les coûts de structure, assurer la maîtrise de la masse salariale et faire preuve d'exemplarité en tant qu'entreprise de médias dans le champ de la responsabilité sociale et environnementale. Si ces objectifs communs ne paraissent pas soulever de problèmes particuliers, ils appellent cependant deux remarques de notre part :
- les synergies et partenariats sont évidemment des démarches positives. Ils peuvent, en effet, favoriser un enrichissement mutuel, en particulier au plan éditorial, et générer des économies d'échelle. Si le projet de COM prévoit légitimement la poursuite de coopérations structurantes engagées de longue date comme franceinfo, Culture Prime ou l'offre éducative Lumni, ainsi que le développement de mutualisations dans les fonctions support (achats, formations, sécurité informatique...), on peut s'interroger, en revanche, sur l'ambition de lancer autant de partenariats (près d'une vingtaine figurent sur la liste annexée au projet de COM) dont certains sont très vagues (par exemple « proposer des actions communes pour mieux promouvoir et faire connaître les offres de l'audiovisuel public »). Sans parler des projets de pactes « culture », « jeunesse », « visibilité des outre-mer »... Il faut prendre garde au risque d'une dispersion des efforts et des énergies, au détriment des missions fondamentales que l'opérateur doit assurer, et alors que ses moyens sont limités.
- Notre deuxième remarque concerne les objectifs de diminution des coûts de structure et de maîtrise de la masse salariale. A ce sujet, il importe de souligner les économies déjà réalisées par FMM (réduction des coûts de diffusion, renégociation de certains gros contrats de bail immobilier ou de prestations) ainsi que le plan de départs volontaires portant sur 30 personnes qui sera mis en oeuvre cette année. Je veux aussi insister sur le fait que cet opérateur n'achète pas de programmes, mais les produit en interne grâce aux journalistes qu'il emploie et qui représentent 70 % de ses personnels. Par ailleurs, la possibilité de réduire la masse salariale rencontre des limites, liées notamment à sa structure (primes d'ancienneté qui génèrent une augmentation automatique) et à la nécessité de financer de nouveaux emplois, notamment dans les fonctions administratives et le numérique.
Je passe la parole à mon collègue Jean-Noël Guérini qui va maintenant évoquer les objectifs spécifiques du COM de France Médias Monde.
M. Jean-Noël Guérini, co-rapporteur. - Monsieur le Président, chers collègues, comme les objectifs communs, les objectifs spécifiques sont au nombre de cinq. Sur le fond, ils ne constituent pas des innovations et s'inscrivent dans la continuité du précédent COM.
Le premier objectif spécifique, « assurer les missions internationales et porter les valeurs démocratiques dans le monde», est très important dans le contexte international actuel, marqué par la fragilisation des démocraties, la montée des populismes et la multiplication des campagnes de désinformation. Il constitue l'ADN de France Médias Monde et un marqueur fort de l'opérateur dans un environnement international ultra-concurrentiel. Il fonde l'exigence de production d'une information de qualité, fiable et vérifiée, à laquelle adhèrent pleinement les personnels du groupe. Il se traduit aussi par une offre spécifique d'éducation aux médias et de lutte contre la désinformation, à travers un site comme « Les Observateurs » de France 24 ou le programme « Les dessous de l'infox » de RFI. En tant que rapporteurs, nous soutenons avec force et conviction ce premier objectif ; nous préconisons de le compléter par un indicateur permettant d'apprécier l'audience des outils et programmes spécifiques de lutte contre les manipulations de l'information. Par ailleurs, nous soutenons l'idée évoquée lors de l'audition de sa Présidente-Directrice générale de doter France Médias Monde d'une rédaction numérique en turc, pour mieux lutter contre les infox relayées dans cette langue en France.
Le deuxième objectif spécifique assigné à FMM est de « promouvoir la francophonie dans un monde plurilingue ». Notre commission est traditionnellement très attachée à la diffusion en français, mais il est aussi essentiel de pouvoir toucher dans leur langue maternelle les publics qui ne parlent pas le français. Il n'y a là aucune contradiction et c'est ce que font tous les médias internationaux qui cherchent à gagner en audience et en influence. C'est la meilleure manière d'amener un public non francophone à s'intéresser à notre langue, par exemple à travers des outils comme le site « RFI savoirs » pour l'apprentissage du français. Il est intéressant de noter que les contenus en langues étrangères représentent 50 % des audiences de FMM et les contenus en français 50 % également.
Le troisième objectif spécifique, « poursuivre la transformation numérique », paraît aller de soi. Il convient de rappeler les bons résultats enregistrés dans ce domaine (+38 % d'utilisateurs numériques en 2019, +33 % en 2020), en particulier durant le premier confinement. Le projet de COM met l'accent sur une « stratégie d'hyper-distribution » des médias du groupe sur les réseaux sociaux et sur la poursuite de l'innovation technologique (en misant notamment sur l'intelligence artificielle pour la traduction).
Quatrième objectif spécifique, assurer une présence mondiale tout en développant une stratégie régionalisée. Nous nous félicitons que le projet de COM confirme la vocation mondiale de FMM - en dépit des reculs qui sont intervenus ces dernières années, aux Etats-Unis par exemple, - et les priorités régionales que nous connaissons bien : l'Afrique subsaharienne (avec notamment le projet Afri'Kibaaru soutenu par l'AFD), la région Afrique du Nord et Moyen-Orient (qui bénéficiera de synergies renforcées entre France 24 en arabe et MCD, l'Europe (grâce notamment aux partenariats avec la Deutsche Welle et à l'antenne RFI Romania) et l'Amérique latine, où la chaîne France 24 en espagnol qui est passée récemment de 6 à 12 heures de diffusion quotidienne, permettant une augmentation de l'audience de 50 % en 2020, va encore progresser.
Le COM mentionne aussi les projets destinés à renforcer la présence de FMM sur le territoire national, notamment la diffusion de RFI et de MCD en radio numérique terrestre dans les grandes agglomérations. Si ces initiatives qui permettent de toucher un public français en langues étrangères sont intéressantes, elles ne doivent pas se réaliser au détriment des missions fondamentales de FMM à l'étranger, nous insistons sur ce point.
Enfin, le dernier objectif spécifique « optimiser la gestion de l'entreprise » est de bon sens. Il s'agit d'améliorer la fiabilité des états financiers, celle des outils de gestion RH et de poursuivre la mise en conformité de la politique d'achat.
Voilà, mes chers collègues, les observations que nous voulions faire sur ce projet de COM, qui nous paraît aller dans le bon sens et qui, vous l'avez constaté lors de l'audition de sa Présidente-Directrice générale, semble donner satisfaction à France Médias Monde, la seule réserve portant sur la sécurisation des financements après 2022, c'est-à-dire au terme du COM. Nous ne manquerons pas d'insister sur cet enjeu dans notre avis écrit et nous continuerons à appuyer notre opérateur de l'audiovisuel extérieur pour qu'il dispose des moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions, essentielles au rayonnement de notre pays.
M. Édouard Courtial. - Je remercie les rapporteurs et je souhaite formuler quelques recommandations. Le groupe France Médias Monde est une vitrine, un vecteur de l'influence française dans le monde, en particulier en Afrique et en Amérique latine. Il doit se renforcer et acquérir un ancrage solide. L'enjeu en effet est de lutter contre les infox et de rétablir un rapport objectif à l'information dans un champ médiatique en proie à des luttes d'influence et pénétré par des acteurs sans véritable éthique. Dans ce contexte, il faut réaffirmer la marque France, défendre les valeurs françaises et l'engagement de notre pays dans le monde. Cela signifie aussi faire savoir ce que nous faisons. Notre contribution en matière d'aide publique au développement, les missions de sécurité que nous réalisons ne doivent plus être des sujets tabous. Par ailleurs, l'objectif 6 du projet de COM, relatif au développement de l'innovation numérique au service d'une offre éditoriale ambitieuse, me paraît tout à fait essentiel, de même que l'objectif 8 de présence mondiale avec des stratégies régionales. Enfin, il me semble que la commission devrait développer les occasions d'échange avec les acteurs des chaînes de l'audiovisuel extérieur, au-delà de l'examen des projets de loi de finances et des projets de COM.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur. - France Médias Monde est très ouvert à l'idée d'échanger davantage avec les parlementaires et sa présidente serait, j'en suis sûre, très heureuse d'accueillir une délégation de notre commission pour visiter ses locaux et rencontrer ses personnels. Par ailleurs, je partage tout à fait l'objectif de développer le rayonnement de la France.
M. Jean-Noël Guérini, co-rapporteur. - Je pense que nous sommes tous d'accord sur la stratégie et les objectifs, le problème, ce sont les moyens limités dont dispose France Médias Monde.
M. Richard Yung. - Je me félicite de la participation de l'AFD au financement de FMM, c'est un signal encourageant, et j'espère qu'elle pourra se développer encore plus à l'avenir.
M. Christian Cambon, président. - Je rappelle que nous allons bientôt examiner le projet de loi relatif à l'aide au développement, ce sera l'occasion de revenir sur ces questions.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur. - C'est notre commission qui avait émis l'idée d'une participation de l'AFD au financement de FMM et elle avait été très active pour sensibiliser son président Rémy Rioux à l'intérêt de cette mesure.
M. Christian Cambon, président. - Nous avions aussi déposé des amendements au projet de loi de finances pour transférer des crédits de l'AFD à l'audiovisuel public extérieur.
M. Pierre Laurent. - Je remercie les rapporteurs pour leur travail. Néanmoins, mon groupe s'abstiendra pour le vote de ce texte. L'alignement des termes de l'ensemble des COM des opérateurs de l'audiovisuel public en effet s'inscrit dans un contexte de restriction des moyens qui dessine un avenir incertain, d'autant que, comme l'a souligné la Présidente-Directrice générale de France Médias Monde lors de son audition, le financement de ce secteur après 2022 reste un point d'interrogation. Mon groupe votera d'ailleurs contre les projets de COM des autres opérateurs qui sont encore plus restrictifs en ce qui concerne le financement.
M. Christian Cambon, président. - Nous allons maintenant voter sur ce projet de COM pour lequel les rapporteurs proposent un avis favorable, sous réserve des observations qui figurent dans leur rapport écrit.
La commission émet un avis favorable sur le contrat d'objectifs et de moyens de France Médias Monde, le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste s'abstenant. Elle adopte le rapport d'information et en autorise la publication.
Opération Barkhane - Échanges de vues préparatoire au débat (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu sera publié ultérieurement.
La réunion est close à 12 h 20.