- Mardi 19 janvier 2021
- Proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat - Examen des amendements au texte de la commission
- Proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d'assurer un meilleur accueil des gens du voyage - Examen des amendements au texte de la commission
- Mercredi 20 janvier 2021
- Désignation de rapporteur
- Proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels - Examen des amendements au texte de la commission
- Projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique - Examen du rapport et du texte de la commission
- Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs - Examen du rapport et du texte proposé par la commission
- Jeudi 21 janvier 2021
Mardi 19 janvier 2021
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 14 heures.
Proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat - Examen des amendements au texte de la commission
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
M. Henri Leroy, rapporteur. - Les amendements identiques nos 2 et 10 tendent à supprimer l'article 1er. L'avis ne peut être que défavorable puisque la commission a adopté l'article 1er sans modification.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 2 et 10.
M. Henri Leroy, rapporteur. - De même, l'amendement n° 11 de suppression de l'article est contraire à la position de la commission, qui a adopté l'article 2 modifié. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.
M. Henri Leroy, rapporteur. - L'amendement n° 7 assimile le locataire défaillant en retard de six mois de loyer à un occupant frauduleux. Or la commission a considéré que les locataires défaillants ne devaient pas relever du délit de squat. Demande de retrait et à défaut, avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 7 et, à défaut, y sera défavorable.
M. Henri Leroy, rapporteur. - L'amendement n° 8 applique le délit d'occupation frauduleuse aux locataires de meublé de tourisme défaillants. La disproportion me semble manifeste : deviendrait punissable d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende un touriste qui dépasse d'une semaine le temps d'occupation de son meublé... Demande de retrait et à défaut, avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 8 et, à défaut, y sera défavorable.
M. Henri Leroy, rapporteur. - Les auteurs de l'amendement n° 6 souhaitent que la peine prévue ne soit pas appliquée en cas de squat d'un immeuble appartenant à une personne publique et situé sur le territoire d'une commune ne respectant pas les obligations de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU. Cela revient à exonérer le coupable d'un délit de la peine prévue. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.
M. Henri Leroy, rapporteur. - Les amendements identiques nos 3 et 9 suppriment la peine complémentaire d'exclusion du dispositif du droit au logement opposable (DALO). Or la peine complémentaire permet d'éviter d'accorder une forme de priorité au relogement à des squatteurs ! Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 3 et 9.
M. Henri Leroy, rapporteur. - J'émets un avis défavorable à l'amendement n° 5 qui est contraire à la position de la commission.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.
M. Henri Leroy, rapporteur. - Les auteurs de l'amendement n° 4 entendent supprimer l'infraction qui réprime l'incitation à commettre le délit de squat. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
M. Henri Leroy, rapporteur. - L'amendement n° 1 rectifié bis est excellent : il permet de venir en aide aux propriétaires qui ne peuvent plus accéder à leur titre de propriété en raison de l'occupation illicite de leur logement ; la préfecture pourrait alors faire appel aux services fiscaux pour confirmer la qualité de propriétaire du requérant. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1 rectifié bis.
La commission a donné les avis suivants aux amendements de séance :
Proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d'assurer un meilleur accueil des gens du voyage - Examen des amendements au texte de la commission
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DE LA RAPPORTEURE
Article additionnel après l'article 9
L'amendement rédactionnel n° 18 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement n° 5 est irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement n° 5 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement n° 4 rectifié bis.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 4 rectifié bis.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement n° 6 vise à rétablir la taxe sur les résidences mobiles terrestres qui avait été supprimée par l'article 26 de la loi de finances pour 2019. La position de la commission des finances du Sénat avait été claire : cette taxe offre un faible rendement et sa gestion est complexe. Je demanderai donc le retrait de cet amendement et émettrai, à défaut, un avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 6.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement n° 12 est contraire à la position de la commission : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Les amendements identiques nos 13 et 16 sont contraires à la position de la commission : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 13 et 16.
Article additionnel après l'article 5
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Les auteurs de l'amendement n° 2 rectifié proposent d'étendre le champ de la mise en demeure d'évacuation du préfet à l'ensemble du département. Cela me semble disproportionné. De surcroît, le dispositif proposé n'est pas techniquement opérationnel. J'émets donc un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2 rectifié.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Mon avis est défavorable à l'amendement n° 14, qui supprime la compétence liée du préfet pour exécuter la mise en demeure si celle-ci n'a pas été suivie d'effet.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.
Articles additionnels après l'article 8
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Je suis favorable à l'amendement n° 3 rectifié quater qui a été opportunément retravaillé par son auteur.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 3 rectifié quater.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement n° 15 rectifié bis limite la durée de stationnement sur les aires permanentes d'accueil et les aires de grand passage. Je demanderai donc à son auteur de retirer cet amendement, qui me semble partiellement satisfait sur le fond ; à défaut, il recueillera de ma part un avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 15 rectifié bis.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Je suis favorable à l'amendement n° 10 rectifié qui crée une circonstance aggravante lorsqu'une dégradation de biens est commise à l'occasion de l'installation illicite de gens du voyage. Cet amendement avait déjà été adopté par notre commission et le Sénat à l'occasion de l'examen des propositions de loi de notre ancien collègue Jean-Claude Carle et de notre collègue Loïc Hervé. Même analyse pour les amendements nos 11 rectifié et 9 rectifié.
La commission émet un avis favorable aux amendements nos 10 rectifié, 11 rectifié et 9 rectifié.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - En revanche, je suis défavorable aux amendements nos 7 rectifié et 8 rectifié.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 7 rectifié et 8 rectifié.
Le sort de l'amendement du rapporteur examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Sort de l'amendement |
Article additionnel après l'article 9 |
||
Mme EUSTACHE-BRINIO, rapporteur |
18 |
Adopté |
La commission a donné les avis suivants aux autres amendements de séance :
La réunion est close à 14 h 10.
Mercredi 20 janvier 2021
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Désignation de rapporteur
La commission désigne M. Stéphane Le Rudulier rapporteur sur le projet de loi organique n° 3713 (A.N., XVe lég.) relatif à l'élection du Président de la République.
Proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels - Examen des amendements au texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous allons à présent examiner les amendements déposés sur la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - En ce qui concerne le groupe socialiste, écologiste et républicain, nous avons voulu, au travers de nos amendements, nous intéresser à trois catégories de personnes : les victimes, les auteurs et les témoins potentiels. Pour les victimes, nous présenterons un amendement visant à instaurer un seuil d'âge de 18 ans pour les cas d'inceste. Pour les auteurs, nous proposerons un amendement qui est une reprise d'un texte voté par le Sénat, prévoyant l'interruption de la prescription lorsqu'il y a pluralité de victimes. On sait bien que, en matière de crimes sexuels, c'est souvent la pluralité des victimes qui donne de la crédibilité aux accusations portées. Pour les témoins, nous proposerons une prolongation de la prescription pour non-dénonciation d'agression, qui ne s'appliquerait qu'à compter de la majorité de la victime.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 28 vise à supprimer une mention superfétatoire.
L'amendement n° 28 est adopté.
Article additionnel après l'article 4
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Depuis notre dernière réunion de commission, j'ai eu des échanges avec certains de nos collègues, et notamment avec Annick Billon, auteur de la proposition de loi, sur l'allongement du délai de prescription pour le délit de non-dénonciation. Deux amendements de séance ont été déposés, je souhaite ici en proposer une synthèse.
L'article 434-3 du code pénal punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, pour quiconque en a eu connaissance, de ne pas signaler aux autorités judiciaires ou administratives les privations, mauvais traitements, agressions ou atteintes sexuelles infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger. Actuellement, le délai de prescription de ce délit est le délai de droit commun, soit six années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise.
Afin d'inciter les personnes qui ont connaissance de violences commises sur un mineur à les signaler, cet amendement vise à allonger le délai de prescription en opérant une distinction selon la gravité de l'infraction principale : si le mineur a été victime d'un délit, le délai de prescription serait porté à dix ans à compter de la majorité de la victime ; si le mineur a été victime d'un crime, un viol par exemple, le délai de prescription serait porté à vingt ans à compter de la majorité de la victime.
Le dispositif innovant que je vous propose tient compte du temps souvent très long qui s'écoule avant que les infractions sur mineurs ne soient révélées. L'actuel délai de six ans peut paraître trop bref au regard de cette réalité.
Le dispositif introduit une gradation en fonction de la gravité de l'infraction principale, de manière à préserver une proportionnalité : à défaut, on pourrait se retrouver dans une situation où le délai de prescription appliqué à l'auteur de l'infraction principale serait plus court que celui appliqué à l'auteur du délit de non-signalement, ce qui ne serait pas cohérent.
Ce dispositif devrait contribuer à briser la loi du silence qui entoure trop souvent les infractions sur mineurs, notamment les infractions à caractère sexuel, en indiquant clairement à ceux qui en avaient connaissance que la justice passera s'ils ont fait le choix de ne rien dire, et donc de ne pas protéger le mineur.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous partageons le même objectif, même si à ce stade nous allons maintenir l'amendement COM-20. Je m'interroge sur la rédaction : ne vaudrait-il pas mieux lister tout cela dans les infractions visées à l'article 706-47 du code de procédure pénale ?
L'amendement n° 29 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Les amendements n° 3 rectifié, 4 rectifié et 14 ont déjà été examinés en commission la semaine dernière. Ils sont contraires à l'orientation retenue par la proposition de loi et au choix de la commission. Ce sont des présomptions irréfragables de contrainte.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 3 rectifié, 4 rectifié et 14.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 11, extrêmement intéressant, vise à compléter la définition du crime sexuel sur mineur afin d'y ajouter l'ensemble des actes bucco-génitaux. Vous avez sans doute entendu parler de l'arrêt très contesté de la Cour de cassation du 14 octobre 2020. Pourquoi les actes bucco-génitaux seraient un crime s'il s'agit d'un petit garçon, mais pas s'il s'agit d'une petite fille ? Je suis donc tout à fait favorable à ce complément de la définition du crime sexuel sur mineur et je regrette de ne pas y avoir pensé moi-même...
Mme Esther Benbassa. - Merci d'avoir accepté cet amendement. La position prise le 14 octobre dernier par la Cour de cassation ne faisait que creuser l'écart entre la réalité des violences sexuelles commises sur les mineurs et leur appréhension par la justice. Ces appréciations inadaptées des magistrats contribuent à hiérarchiser les crimes sexuels. Les pénétrations digitales, les cunnilingus, les fellations ne sont dans les faits presque jamais criminalisés ou traduits devant une cour d'assises. Cet amendement permettra peut-être de faire évoluer la jurisprudence.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous avons déposé un amendement analogue concernant la définition du viol.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 11.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 12 vise à porter le seuil d'âge à quinze ans, ce qui n'est pas compatible avec le seuil retenu dans la proposition de loi.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 27 a le mérite de mettre l'accent sur les violences sexuelles dont peuvent être victimes les personnes handicapées. Il me paraît malheureusement difficile de l'accepter dans cette proposition de loi, compte tenu de la complexité de ce sujet. Nous en reparlerons avec l'auteur de l'amendement, notre collègue Philippe Mouiller.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cette proposition de loi a le mérite de fixer un âge en dessous duquel ne se pose plus la question du consentement. L'amendement n° 17 rectifié vise à fixer le seuil d'âge à dix-huit ans en cas d'inceste.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Cet amendement tend à considérer comme un crime tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur jusqu'à dix-huit ans lorsque la relation présente un caractère incestueux.
Seraient concernés les parents aux premier, deuxième et troisième degrés, c'est-à-dire les parents et grands-parents, les frères et soeurs, les neveux et nièces, les oncles et tantes. Serait également concerné le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité de l'une des personnes précédemment mentionnées.
Je comprends l'intention des auteurs de cet amendement, mais je m'interroge beaucoup sur la constitutionnalité d'un tel dispositif au regard de la nécessité de caractériser l'élément intentionnel du délit. Actuellement, un mineur de plus de quinze ans peut avoir des rapports sexuels consentis avec un majeur. Avec ce dispositif, si une mineure de dix-sept ans et demi a un rapport consenti avec le concubin de sa soeur, qui n'a peut-être que quelques années de plus, cette relation enverrait automatiquement ledit concubin aux assises alors qu'ils n'ont aucun lien de sang et qu'il n'existe pas a priori de rapport d'autorité dont il aurait pu abuser.
Un tel dispositif me paraît donc poser un problème au regard du respect des droits de la défense et du principe de nécessité des délits et des peines.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est une question qui a une résonnance particulière en raison de l'actualité. En matière pénale, aucune poursuite n'est jamais automatique. Nous avons repris scrupuleusement les catégories qui existent déjà en matière de viol. Aujourd'hui, on ne peut pas prétendre que l'inceste n'est jamais punissable, mais notre choix au travers de cette proposition de loi est bien de créer une infraction autonome, qui ne soit plus soumise aux paramètres qui sont ceux du viol : la contrainte, la surprise, etc. Sur la question de l'âge limite, le débat n'est pas illégitime. Ce texte est d'ailleurs très attendu. Concernant l'inconstitutionnalité, c'est un peu l'argument type quand on veut évacuer un amendement. Pourquoi serait-ce un problème constitutionnel de fixer cet âge à dix-huit ans alors que cela n'en est pas un de le fixer à treize ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Nous aurons une autre discussion sur la question de l'inceste avec l'amendement n° 25, qui porte sur le même sujet, mais me semble plus mesuré.
M. François-Noël Buffet, président. - Nous aurons ce débat en séance, mais la question soulevée par Marie Mercier du jeune majeur ou du quasi majeur qui entretient des relations sexuelles avec un mineur est un vrai problème. Quant à l'opportunité des poursuites, c'est un argument que j'entends. Néanmoins, le texte crée une infraction spécifique, qui établit une forme de présomption. L'amendement n° 25 paraît plus pertinent.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 17 rectifié.
Articles additionnels après l'article 1er
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 13.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 5 rectifié ouvre un débat intéressant, qui est celui des rapports sexuels entre mineurs. Ce n'est cependant pas l'objet de la proposition de loi et une réflexion plus approfondie serait nécessaire pour trancher cette question.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5 rectifié.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 25 vise à punir plus sévèrement les atteintes sexuelles lorsqu'elles présentent un caractère incestueux. La grande majorité des infractions sexuelles sur mineur ont lieu dans le cadre intrafamilial. L'acte incestueux vient briser une relation de confiance qui existe normalement dans une fratrie, ce qui peut justifier une peine plus sévère. Je sais que certaines associations y voient une forme de discrimination entre les victimes. Mais la force du tabou de l'inceste est si importante que si cet amendement peut participer à briser la loi du silence, j'y suis favorable.
Mme Valérie Boyer. - Ne serait-il pas intéressant de définir le cadre de l'inceste ? L'inceste a été défini en 2010, mais il faut peut-être revenir sur cette définition, qui n'est pas forcément celle qu'attendent nos concitoyens. Dans l'affaire Kouchner, par exemple, il n'y a pas de lien de sang, mais ce sont bien des actes de pédophilies incestueux, car il s'agit du beau-père.
M. François-Noël Buffet, président. - Il me semble que l'article 227-27-2-1 du code pénal en fournit déjà une définition claire : « Les infractions définies aux articles 227-25 à 227-27 sont qualifiées d'incestueuses lorsqu'elles sont commises sur la personne d'un mineur par :
« 1° Un ascendant ;
« 2° Un frère, une soeur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ;
« 3° Le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s'il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait. »
La définition du code pénal couvre bien les différents cas de figure. L'amendement n° 25 apporte un élément supplémentaire : l'inceste deviendrait une circonstance aggravante de l'atteinte sexuelle, ce qui n'était pas toujours le cas jusqu'à présent dans le droit positif.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 25.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 19 vise à supprimer l'article. J'y suis défavorable : il s'agit d'un article additionnel adopté sur mon initiative et que le Sénat avait déjà voté. Je crois qu'il est important d'équilibrer la proposition de loi pour éviter que la création d'un nouveau seuil à treize ans ne soit interprétée comme une volonté de protéger avant tout les mineurs de moins de treize ans, au détriment de la protection que nous devons aux mineurs de treize à quinze ans.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 19.
Articles additionnels après l'article 4
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 8 rectifié tend à préciser dans le code pénal que la contrainte morale, élément constitutif du viol, peut résulter de l'état de sidération psychique de la victime. Je comprends mal le dispositif proposé : « La contrainte morale peut également résulter de l'état de sidération psychique de la victime. » Il est vrai que certaines victimes peuvent se retrouver dans un état de sidération tel au moment de leur agression qu'elles n'arrivent plus à exprimer leur refus de l'acte sexuel qui leur est imposé. L'agresseur peut en tirer argument pour affirmer que la victime était consentante. Le cerveau se met sur pause lorsqu'il y a sidération psychique, mais la sidération résulte de la contrainte ou de la violence infligée à la victime. On ne peut pas déduire la contrainte de la sidération : c'est la contrainte qui implique l'état de sidération.
Par ailleurs, il nous faut veiller à ce que les solutions retenues soient respectueuses des droits des victimes, mais aussi des droits de la défense. Jusqu'à présent, les éléments de violence, menace, contrainte ou surprise qui sont constitutifs de l'infraction sont toujours appréciés du point de vue de l'auteur : on examine son comportement pour déterminer s'il a exercé une violence ou une contrainte, ou encore pour apprécier s'il a usé d'un stratagème propre à surprendre le consentement de la victime. Se situer du point de vue de la victime, en retenant comme élément constitutif de l'infraction une donnée purement subjective, priverait la personne mise en cause de toute possibilité de se défendre.
C'est pourquoi, si je comprends l'intention de notre collègue, je ne peux donner en l'état un avis favorable à cette proposition.
Mme Valérie Boyer. - Cette phrase est de Muriel Salmona, qui sait de quoi elle parle. La sidération doit être inscrite dans la définition du viol : la plupart du temps, les violeurs disent qu'ils n'étaient pas conscients de l'âge de la personne mineure ou que celle-ci n'a pas protesté.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Muriel Salmona n'est pas juriste. Son combat est l'amnésie post-traumatique et la sidération psychique. En l'état, nous ne pouvons voter une telle rédaction.
Mme Valérie Boyer. - Ce qui compte, c'est que l'on avance et que le terme de « sidération » puisse être considéré dans le droit !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8 rectifié.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 21 complète la définition du viol pour viser les rapports bucco-génitaux. Avis favorable, par cohérence.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 21.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 2 rectifié ter vise à alourdir la peine en cas de non-signalement de mauvais traitement sur mineurs. Je pense cependant que l'auteur de l'infraction principale doit rester davantage puni que l'auteur du délit de non-signalement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2 rectifié ter.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Les amendements nos 1 rectifié ter et 20 en discussion commune sont satisfaits par l'amendement que j'ai présenté en début de réunion, qui prévoit l'allongement de la prescription pour le délit de non-dénonciation.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 1 rectifié ter et 20.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Les amendements identiques nos 6 rectifié et 26 rectifié portent sur l'imprescriptibilité. Nous en avons discuté, y compris avec l'auteur de la proposition de loi. L'imprescriptibilité est actuellement réservée aux crimes contre l'humanité. Bien que l'on comprenne toute l'horreur des crimes sexuels, il ne nous semble pas acceptable de l'étendre à ceux-ci.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 6 rectifié et 26 rectifié.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 10 vise à porter le délai de prescription de trente ans à quarante ans à compter de la majorité de la victime. Une nouvelle modification n'est pas raisonnable si peu de temps après la précédente réforme. Il est illusoire d'imaginer que les victimes pourront obtenir justice plus de quarante ans après les faits. Je me demande même si une telle disposition ne serait pas contreproductive dans la mesure où elle fait croire à la victime qu'il n'y a pas d'urgence à saisir la justice. Le fait qu'il y ait une barrière peut au contraire inciter à libérer la parole.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 22 rectifié de notre collègue Laurence Rossignol porte sur la question du délai de prescription. Il ne propose pas l'imprescriptibilité, mais pourrait parfois aboutir quasiment au même résultat.
Il s'agirait de prévoir une interruption du délai de prescription si l'auteur d'un crime sur mineur commet le même crime sur un autre mineur. Cette interruption ferait ensuite courir un nouveau délai de prescription d'une durée égale au délai initial, soit en l'occurrence trente ans. Un tel dispositif pourrait donc avoir pour effet de reporter le délai de prescription quarante, cinquante, soixante ans après la commission du premier crime. Est-ce vraiment opportun compte tenu de la difficulté à rapporter la preuve des faits après un si long délai ?
Sur un plan plus technique, cet amendement soulève plusieurs interrogations : si quelqu'un a commis un viol sur mineur, le délai de prescription repart de zéro si un nouveau viol sur mineur est commis, puisque c'est le même crime, mais pas si un autre crime est commis, peut-être plus grave encore, comme un assassinat d'enfant. Cette différence de traitement est surprenante.
Ensuite, l'élément générateur serait la « commission d'un même crime ». Comment sait-on qu'un même crime a été commis ? Seule une condamnation définitive peut permettre de l'établir avec certitude. L'amendement pose donc un nouveau problème rédactionnel.
Au total, le délai de prescription de trente ans à compter de la majorité de la victime, adopté en 2018 est déjà très protecteur. Je crois raisonnable de conserver cette règle adoptée il y a moins de trois ans.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est un amendement très important et je suis étonnée de la position de Mme la rapporteure. Nous avons repris au mot près une disposition votée par le Sénat, introduite par un amendement du Gouvernement sous-amendé par Mme Mercier, à l'époque également rapporteure. Je l'ai dit tout à l'heure, c'est souvent parce qu'il y a pluralité de victimes qu'on arrive à confondre les auteurs. Par ailleurs, il y a une distorsion entre les victimes. On l'a vu au moment de l'affaire Flavie Flament. C'est une réflexion que nous pourrions également avoir pour l'ensemble des criminels en série. Je vous enjoins vraiment à réviser votre avis pour ne pas vous contredire vous-même...
Mme Marie Mercier, rapporteur. - À l'époque, nous n'avions pas encore voté les trente ans.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Pas du tout, c'était le même texte !
M. François-Noël Buffet, président. - Il s'agissait effectivement du même texte. J'avais d'ailleurs déposé un amendement sur l'amnésie traumatique voté largement par le Sénat. Comme le Gouvernement n'en voulait pas, pour contourner la difficulté, il avait proposé ce dispositif que nous avions amendé. Telle est la réalité du parcours législatif.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 22 rectifié.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° 9 rectifié, qui porte sur la lutte contre la correctionnalisation des viols.
M. François-Noël Buffet, président. - La loi de réforme de la justice du 23 mars 2019 a mis en place l'expérimentation de la cour criminelle, qui a pour mission de traiter ce type de dossier et d'éviter les correctionnalisations. Il faut d'abord évaluer ce dispositif, qui n'est pas encore généralisé.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9 rectifié.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 7 rectifié concerne le prélèvement sur les tissus embryonnaires après une interruption volontaire de grossesse (IVG). Nous en avons discuté la semaine dernière en commission où nous avions émis un avis défavorable. Ce sont des pistes de réflexion qui méritent que l'on s'y attache, mais je demande le retrait de cet amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7 rectifié.
Article additionnel après l'article 6
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 15 vise à créer dans chaque assemblée une délégation parlementaire aux droits des enfants. Cet amendement est irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement n° 15 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Articles additionnels après l'article 7
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 23 concerne l'obligation de signalement pour les médecins. Nous avons très récemment travaillé cette question avec nos collègues Catherine Deroche, Maryse Carrère et Michelle Meunier dans le cadre d'un groupe de travail commun avec la commission des affaires sociales. Cet amendement n'est pas acceptable, car il piétine le secret professionnel, notamment le secret médical.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 24 porte sur la confidentialité de l'identité de la personne qui procède à un signalement. Je rappelle d'abord que toute personne peut faire un signalement anonyme par exemple via le numéro d'appel 3919. Cet amendement me paraît donc une mesure excessive : la confidentialité doit rester réservée à des situations de grand danger.
M. François-Noël Buffet, président. - Le code pénal prévoit en effet la possibilité d'une anonymisation en cas de danger pour le témoin.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 24.
Intitulé de la proposition de loi
Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n° 16 vise à modifier l'intitulé de la proposition de loi, ce qui ne me paraît pas opportun, car celle-ci a été enrichie, notamment d'un volet préventif.
L'amendement n° 16 n'est pas adopté.
M. François-Noël Buffet, président. - J'indique que nous disposerons d'un temps limité pour l'examen de ce texte en séance publique. Nous devrons être concis si nous voulons en achever l'examen dans le temps qui nous est imparti.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ne pourrait-on envisager de l'allonger ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Le sujet est complexe.
M. François-Noël Buffet, président. - Je vous l'accorde, mais je ne suis pas responsable de l'établissement de l'ordre du jour. Certaines dispositions constituent des avancées et méritent d'être votées. Il me paraît important que le Sénat se saisisse de ce sujet.
M. Jean-Pierre Sueur. - Si le groupe de l'Union Centriste demandait le report de l'examen du premier texte, ou du moins l'inversion de l'ordre d'examen des deux textes inscrits, nous pourrions certainement achever l'examen de celui-ci.
Les sorts des amendements du rapporteur examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :
La commission a donné les avis suivants aux autres amendements de séance :
Projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique - Examen du rapport et du texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons le rapport de notre collègue Philippe Bas sur le projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Lors du premier tour des élections municipales en mars dernier, la question de l'opportunité de la tenue d'un scrutin en période de pandémie s'était posée. En dépit des précautions sanitaires prises, beaucoup d'électeurs ont certainement hésité à se déplacer et l'abstention a été très élevée. Reporté en juin 2020, le second tour a pu se dérouler dans de meilleures conditions sanitaires.
Très vite, est apparue la question du maintien ou du report des élections régionales et départementales, prévues en mars 2021. La presse s'est aussi fait l'écho de considérations politiques sur l'opportunité de modifier le calendrier électoral. L'hypothèse d'un report de ces élections après l'élection présidentielle de 2022 a ainsi été évoquée, avec comme argument qu'il ne serait pas judicieux de renouveler les conseils régionaux au moment où ils devront participer à la mise en oeuvre du plan de relance. C'est pourquoi j'étais très réservé lorsque Jean-Louis Debré s'est vu confier une mission de réflexion sur la date des élections régionales et départementales.
Le rapport du président Debré montre qu'il existe un consensus des forces politiques pour reporter les élections régionales et départementales de mars à juin 2021, mais pas au-delà. Lors de son audition devant notre commission, le président Debré a indiqué que ses conclusions n'étaient peut-être pas celles qui étaient attendues lorsqu'on lui a commandé son rapport : à l'époque, l'exécutif semblait privilégier un report des élections régionales et départementales après l'élection présidentielle.
Nous devons être attentifs à la clause de revoyure qui prévoit que, le 1er avril 2021 au plus tard, soit quelques semaines avant la date limite de parution du décret de convocation des électeurs, le comité de scientifiques devra rendre un avis sur la tenue des élections régionales et départementales en juin prochain. S'il s'agit d'un moyen de reporter à nouveau ces scrutins, nous devons indiquer que nous sommes réticents. Un report à l'automne 2021 poserait des problèmes pratiques, car il faudrait mener campagne pendant l'été, alors que les Français sont en vacances. Autres difficultés : à l'automne, le Parlement sera concentré sur l'examen du dernier budget du quinquennat et les débats politiques concerneront principalement l'élection du Président de la République.
Un motif d'intérêt général est nécessaire pour prolonger un mandat électif, ce qui est le cas en période de pandémie. Les motifs de « convenance politique » ne font toutefois pas partie des motifs admis par le Conseil constitutionnel pour reporter une élection. La démocratie ne peut être mise entre parenthèses ni confinée !
Certes, les élections locales ne sont pas de même nature que l'élection présidentielle, mais il n'en demeure pas moins qu'elles sont aussi l'expression du suffrage universel. Si l'on considère qu'une élection ne peut pas être tenue en période de pandémie, alors le risque est grand de devoir reporter aussi l'élection présidentielle de 2022. Il existe des cas de force majeure, comme un conflit armé, mais nous avons, me semble-t-il, les moyens d'assurer la sécurité sanitaire des Français lorsqu'ils se rendent à leur bureau de vote. S'il semblait difficile d'aller voter pendant le premier confinement, alors que toutes les autres actions de la vie quotidienne étaient suspendues, on peut, hormis ce cas particulier, s'en remettre au respect des mesures de distanciation sociale et des mesures sanitaires en vigueur ; on peut aussi faciliter le vote par correspondance. La démocratie ne peut pas être suspendue à la covid-19. Reporter les élections n'est qu'une solution de court terme, qui peut même s'apparenter à une solution de facilité.
Je vous propose donc d'accepter le report des élections régionales et départementales en juin 2021 : ce report ne peut plus être évité, car nous ne nous en sommes pas donné les moyens...
Toutefois, la clause de revoyure ne doit pas constituer l'occasion de reposer la question de la date des scrutins mais doit permettre, au contraire, de sécuriser leurs conditions d'organisation. De même, le rapport prévu ne devrait pas être émis par le comité de scientifiques, mais par le Gouvernement : qu'il prenne ses responsabilités !
Pour le reste, je vous suggère des mesures, en faveur desquelles nous nous sommes déjà prononcés, pour faciliter le vote par procuration et assurer la sécurité sanitaire des bureaux de vote. Je vous propose également d'organiser une campagne officielle à la radio et à la télévision pour les élections régionales, ce qui permettra aux candidats de faire campagne malgré la crise sanitaire.
Si la situation sanitaire se dégrade fortement dans les semaines qui précèdent les élections régionales et départementales, il sera toujours possible de les reporter pour cas de force majeure. Mais donnons-nous les moyens de sécuriser ces scrutins et de définir, très en amont, les mesures sanitaires à mettre en oeuvre.
Mme Cécile Cukierman. - Je remercie le rapporteur pour ses propositions précises et pour son engagement afin que les élections régionales et départementales puissent se tenir en juin 2021.
Ces élections sont importantes pour la vie quotidienne des Français. Nous partageons l'analyse du rapporteur : les reporter à nouveau créerait de l'incertitude. Si l'on en croit le Gouvernement, la situation sanitaire devrait s'être améliorée au printemps 2021. Un report à l'automne 2021 n'est pas souhaitable à cause du « chevauchement » avec la campagne de l'élection présidentielle. Il faut aussi que la campagne pour les élections régionales et départementales puisse se dérouler normalement dans les semaines précédant immédiatement les scrutins. De plus, si un nouveau report devait intervenir, on comprendrait mal la tenue d'un référendum avant la fin du quinquennat...
Il ne m'a pas semblé, en visitant les bureaux de vote en mars dernier, qu'aller voter mettait la santé des Français en péril. Toutes les précautions sanitaires sont prises ! N'hésitons pas à le rappeler pour rassurer les électeurs... Quant à la proposition d'organiser une campagne à la radio et à la télévision pour les élections régionales, pourquoi pas, mais elle n'est pas de nature à réduire l'abstention, celle-ci ayant des raisons beaucoup plus profondes.
M. Éric Kerrouche. - Nos convergences sur ce projet de loi sont réelles.
Dans les autres pays, exception faite de la Grande-Bretagne, la plupart des échéances électorales devant se dérouler au cours du premier semestre 2021 ont été maintenues ou très légèrement décalées. Ce texte prévoit uniquement un report des élections régionales et départementales en juin 2021, assorti de quelques mesures correctives, notamment pour le financement des campagnes électorales. On a l'impression d'avoir de nouveau le débat de l'année dernière relatif aux élections municipales...
Comme le rapporteur l'a souligné, un positionnement politique ne saurait justifier le report d'une élection. Les principes de périodicité raisonnable et de loyauté qui s'attachent aux élections ne pourraient s'appliquer si la date des élections régionales et départementales était renvoyée au-delà du mois de juin 2021. Mais les incertitudes existent d'ores et déjà, ce qui est problématique d'un point de vue institutionnel et politique. Nous serions donc les seuls à ne pas savoir adapter dans l'urgence notre droit électoral, alors même qu'une telle adaptation participerait au bon fonctionnement de la démocratie en période de pandémie.
Le risque démocratique a été souligné, qu'il s'agisse du référendum ou de la prochaine élection présidentielle ; si celle-ci avait eu lieu cette année, d'autres solutions auraient à coup sûr été trouvées ! Selon le Gouvernement, ces élections locales sont sans doute accessoires... Aux États-Unis, des règles électorales fluides et adaptables ont permis d'assurer la continuité démocratique.
La situation de pandémie est certes inédite, mais cela n'empêche pas les Français de travailler. En 1944 et en 1945, des élections ont eu lieu dans des conditions catastrophiques, avec des taux de participation de l'ordre de 80 % des électeurs inscrits. Remettons les choses en perspective.
Nous ne nous faisons pas d'illusion sur le sort de notre amendement relatif au vote par correspondance « papier ». Si une réflexion avait été menée plus en amont sur cette modalité de vote alternative, nous n'en serions pas là...
Sur la campagne audiovisuelle, nous avons déposé un amendement identique à celui du rapporteur.
L'amendement de Jean-Pierre Sueur sur la nécessaire publication des marges d'erreur dans les sondages d'opinion vise à éviter les effets de réalité et de prescription que ceux-ci induisent - « dire, c'est faire », disait Bourdieu.
Nous nous abstiendrons sur l'amendement du rapporteur visant à étendre les procurations. Nous avons dénoncé les faiblesses du vote par procuration mais il faut, au regard de la crise sanitaire, une modalité alternative de vote.
M. Alain Marc. - Nous sommes globalement d'accord avec le rapporteur.
Notre mission d'information sur le vote à distance a écarté l'option d'un vote par correspondance pour les prochaines élections régionales et départementales, à laquelle nous avons préféré la « double procuration ». Cette dernière peut aussi poser des problèmes de fraude. Il faut toutefois distinguer les élections régionales des élections départementales : une fraude au niveau régional ne peut être que minime, car le territoire est vaste. Dans les départements, en revanche, certaines majorités tiennent à un seul canton. La meilleure solution à cet égard serait de prévoir des élections départementales à la proportionnelle intégrale.
M. Alain Richard. - Nous souhaitons préparer de façon effective ces élections régionales et départementales, qui seraient reportées de trois mois seulement. Au regard de la crise sanitaire, nous proposons de suppléer aux limitations inévitables des modalités de campagne : nous souhaitons que la campagne officielle dure trois semaines et que les élections régionales fassent l'objet d'une communication audiovisuelle publique, dans des conditions égalitaires entre les listes de candidats.
M. Philippe Bonnecarrère. - Le rapporteur a raison de le dire : la clause de revoyure pourrait avoir comme conséquence un nouveau report des élections régionales et départementales. Or un report de ces scrutins au-delà de l'élection présidentielle de 2022 aurait pour conséquence un « carrefour » électoral complet à l'issue de cette échéance.
La première cause de « l'hyperprésidentialisation » est le passage au quinquennat, qui s'accompagne de l'inversion de la chronologie électorale : comme l'a souligné le président du Sénat, les élections législatives sont devenues « la réplique sismique » de l'élection présidentielle. Y ajouter une inversion de la chronologie des élections régionales et départementales ne pourrait qu'accroître les déséquilibres institutionnels.
M. François Bonhomme. - Modifier le calendrier des élections ne doit pas se faire à la petite semaine. Une malédiction pèse sur les élections régionales et départementales, constamment « ballotées » en termes de calendrier. Se pose aussi le problème de la concomitance de ces deux scrutins, notamment en termes d'organisation des bureaux de vote.
Étendre l'accès aux médias pour les élections régionales risque de créer une disparité par rapport aux élections départementales.
Pour ce qui concerne la clause de revoyure, le rapport du comité de scientifiques ne pourrait-il pas faire état des modalités relatives au déroulement de la campagne électorale ? Ne permettre aux candidats que d'accéder aux moyens audiovisuels ou technologiques reviendrait à dénaturer les scrutins.
Mme Françoise Gatel. - Nous avons subi le report du second tour des élections municipales de 2020 en pensant que sa cause ne saurait se reproduire... Désormais, l'évolution de la situation sanitaire est difficile à prévoir.
La démocratie ne saurait être soumise à la volatilité d'un virus dangereux : elle doit s'adapter à des événements incertains. Il n'est pas plus dangereux d'aller voter que de faire ses courses dans un supermarché ou de prendre le métro.
Les candidats sauront inventer les moyens de faire campagne. Dans le même temps, l'État devra faire oeuvre de pédagogie pour informer nos concitoyens sur l'utilité et les compétences des départements et des régions.
M. André Reichardt. - Au rythme auquel évolue la crise sanitaire, comment un rapport remis au plus tard le 1er avril 2021 pourrait-il influer sur la tenue des élections régionales et départementales, qui devraient se tenir en juin prochain ? On parle même d'un nouveau confinement... Je suis très circonspect sur cette clause de revoyure !
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je vous remercie, chers collègues, pour cette convergence résignée... Il faudrait un véritable séisme pour nous faire accepter un nouveau report des élections régionales et départementales, après celui de mars à juin 2021.
Nous sommes tous des traumatisés du premier tour des élections municipales de mars 2020. Des mesures de restriction avaient été prises le samedi, alors que le scrutin avait lieu le dimanche... Depuis lors, nos facultés de résilience ont augmenté : nous avons appris à vivre avec l'épidémie et à réduire les risques de contagion. Puisque nous ne sommes pas entièrement confinés, pourquoi ne pourrions-nous pas assurer la sécurité sanitaire d'une élection démocratique ?
Instituer exceptionnellement une campagne audiovisuelle officielle pour les élections régionales se justifie par la distance qui existe entre l'électeur et les candidats. Dans les cantons, en revanche, on peut faire du « porte-à-porte », dans le respect des consignes sanitaires. Les modes de campagne ne sont pas les mêmes.
S'agissant de la clause de revoyure, un rapport peut être utile pour obliger le Gouvernement à présenter des mesures relatives à la sécurité des scrutins, mais il ne pourra pas porter sur la date des élections régionales et départementales. Ce rapport portera non pas seulement sur l'organisation des scrutins mais aussi sur les modalités de la campagne électorale. Ce document, dont je propose de maintenir la remise, ne sera pas de même nature que celui qui nous est proposé.
Je rappelle enfin que c'est au Gouvernement de préciser les mesures qu'il compte prendre pour assurer le bon déroulement des élections et de la campagne électorale. Nous n'avons pas, en tant que parlementaires, à entretenir un dialogue direct avec le comité de scientifiques.
M. Philippe Bas, rapporteur. - En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, il nous revient d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi.
Ce périmètre couvre l'organisation des élections régionales et départementales et de la campagne afférente et les conséquences du report de ces élections sur le fonctionnement des collectivités territoriales.
Article additionnel avant l'article 1er
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-4 de M. Masson vise à limiter à 800 le nombre d'électeurs inscrits dans un bureau de vote. C'est généralement déjà le cas. Le périmètre des bureaux de vote relève d'ailleurs du domaine règlementaire : les circulaires ministérielles préconisent de ne pas dépasser les 800 à 1 000 électeurs par bureau de vote. Je rappelle également que les files d'attente aux dernières élections municipales ont été peu nombreuses et bien gérées par les présidents des bureaux de vote.
Avis défavorable.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Le projet de loi modifie le calendrier des élections régionales et départementales jusqu'en 2033, une date bien lointaine.
Il est un problème que nous pouvons régler dès maintenant : les mandats des conseillers régionaux et départementaux s'achèveront en mars 2027, soit en pleine élection présidentielle. Nous devons éviter une telle concentration des scrutins. Mon amendement COM-25 prévoit que ces mandats prennent fin en mars 2028, et non en décembre 2027 comme le prévoyait le Gouvernement. Il permet de satisfaire les amendements de Jean Louis Masson, qui proposaient le même calendrier électoral.
L'amendement COM-25 est adopté ; les amendements COM-17 rectifié bis, COM-1 et COM-2 deviennent satisfaits ou sans objet.
Articles additionnels après l'article 1er
M. Philippe Bas, rapporteur. - Mon amendement COM-27 permet, pour les prochaines élections régionales et départementales, à chaque électeur de disposer de deux procurations, contre une seule aujourd'hui, sous le contrôle du juge pénal et du juge de l'élection.
Il autorise également l'électeur à disposer d'une procuration dans une autre commune pour voter au nom d'un membre de sa famille, et notamment de ses parents ou de ses grands-parents lorsque ceux-ci ne peuvent pas se déplacer jusqu'au bureau de vote. Les risques de fraude seraient très limités, du fait de la limitation de ce dispositif à la famille proche.
M. Alain Richard. - Le délai prévu pour la vérification du lien familial dans la commune de vote me semble trop court. Je rappelle que l'électeur peut faire une demande de procuration à tout moment, y compris le jour du scrutin.
M. François Bonhomme. - L'État fournira-t-il les équipements nécessaires au déroulement du scrutin dans de bonnes conditions sanitaires ou accordera-t-il une compensation financière aux communes ?
M. Philippe Bas, rapporteur. - En réponse à Alain Richard, je suis prêt à prévoir un délai particulier pour la vérification du lien familial : lorsque le mandant et le mandataire ne sont pas inscrits dans la même commune, la demande de procuration devrait être enregistrée au moins trois jours avant le scrutin. Je rectifie mon amendement en ce sens.
François Bonhomme, il s'agirait principalement d'une disposition financière, mais nous ne pourrons pas obtenir de l'État qu'il finance des équipements autres que ceux qu'il aura recommandés aux communes.
L'amendement COM-27 rectifié est adopté ; les amendements COM-20, COM-13 et COM-6 deviennent satisfaits ou sans objet.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-23 d'Éric Kerrouche, qui vise à instaurer un vote par correspondance « papier » pour les élections régionales et départementales de juin 2021. Nous en avons largement débattu dans le cadre de notre mission d'information sur le vote à distance.
L'amendement COM-23 n'est pas adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-5 de Jean Louis Masson vise à supprimer le rapport du comité de scientifiques. Préférant modifier la nature de ce rapport, j'émets un avis défavorable.
L'amendement COM-5 n'est pas adopté.
L'amendement COM-26 est adopté ; l'amendement COM-3 devient satisfait ou sans objet.
Article 3
L'amendement rédactionnel COM-28 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Les amendements COM-14, COM-7 et COM-29 concernent les dépenses de campagne. Dans la perspective d'élections qui devaient se tenir en mars prochain, certains candidats ont pu exposer des dépenses ; il n'y a pas de raison que celles-ci ne soient pas remboursables. D'autres candidats, qui dirigent des collectivités territoriales, ont été conduits à prendre des mesures d'ordre sanitaire ou économique pour lesquelles une communication légitime et nécessaire a été mise en place ; ils craignent que cette campagne d'information ne soit imputée à leur campagne électorale.
L'amendement COM-14 de Vincent Delahaye prévoit une application des règles de propagande et de financement à partir du 1er décembre 2020, et l'amendement COM-7 de Laure Darcos à partir du 1er janvier 2021.
Le Gouvernement a retenu un dispositif différent consistant à allonger la durée d'application de ces règles de trois mois, à majorer de 20 % le plafond des dépenses électorales et à appliquer des règles de « départage » pour déterminer ce qui relève, ou non, de la communication institutionnelle des collectivités territoriales.
Je préférerais que ce débat ait lieu en séance publique, sur des bases aussi objectives que possible. L'avis est donc défavorable sur les amendements COM-14 et COM-7. Mon amendement COM-29 est rédactionnel.
Mme Cécile Cukierman. - Le 1er septembre dernier, personne n'aurait pu dire avec certitude que les élections régionales et départementales seraient reportées. Des candidats ont même recruté des équipes dans la perspective de la campagne électorale. Il conviendrait donc de retenir un délai plus long pour la prise en compte des dépenses électorales. La majoration du plafond, prévue par l'article 4, répond à cette demande.
Les amendements COM-14 et COM-7 ne sont pas adoptés.
L'amendement COM-29 est adopté.
Articles additionnels après l'article 4
M. Philippe Bas, rapporteur. - En raison du report des élections régionales et départementales, mon amendement COM-30 vise à permettre aux candidats de déposer leur compte de campagne jusqu'au 10 septembre 2021.
L'amendement COM-30 est adopté.
L'amendement COM-18 rectifié n'est pas adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-31 vise à permettre aux candidats aux prochaines élections régionales de diffuser leurs clips de campagne sur les chaînes de télévision et de radio du service public.
Dans un amendement initial, Éric Kerrouche avait prévu d'en faire bénéficier aussi les candidats aux élections départementales, en recourant pour l'attribution des temps de parole à la règle de l'équité, qui donne une large capacité d'appréciation au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). En matière d'équité, les critères utilisés pour répartir le temps de parole sont toutefois très complexes : il faut tenir compte de la situation politique dans les régions, des résultats des élections législatives et de la représentativité régionale ou nationale de partis politiques. Je vous propose donc un principe simple : l'égalité entre les listes de candidats. Il suffira qu'une liste soit déposée pour avoir accès à la campagne audiovisuelle.
Éric Kerrouche a rectifié son amendement pour le rendre identique au mien ; il s'agit désormais de l'amendement COM-15 rectifié. Peut-être qu'Alain Richard pourrait-il faire de même avec son amendement COM-19...
M. Alain Richard. - Il n'y a qu'une seule différence avec mon amendement : je propose que ce dispositif figure dans le code électoral et qu'il s'applique à toutes les élections régionales.
Je proposais aussi que la campagne officielle débute trois semaines avant les scrutins, contre deux semaines aujourd'hui. Le calendrier des élections régionales le permettrait : les candidatures doivent être déposées au moins quatre semaines avant le premier tour. L'amendement du rapporteur reprend-il cette proposition ?
M. Philippe Bas, rapporteur. - C'est le cas, pour la campagne à la radio et à la télévision !
M. Alain Richard. - Les chaînes pourraient ainsi « étaler » la campagne audiovisuelle dans le temps, l'idée étant d'éviter qu'elle ne se concentre sur une semaine. Je proposais également que les communes mettent à disposition leurs panneaux électoraux pendant une semaine supplémentaire, soit trois semaines avant les scrutins.
Mme Nathalie Goulet. - J'écoute avec attention ce qui est dit sur les élections régionales, car j'ai commencé une campagne en Normandie.
La situation me paraît très compliquée car nos concitoyens ne sont absolument pas intéressés par ces scrutins. Je comprends les arguments sur la « non-confiscation » des élections mais je ne vois pas comment nous allons mobiliser nos concitoyens, même avec une campagne à la radio et à la télévision, alors que personne n'a encore repris sa vie normale ! Le principe du maintien de ces élections se comprend aisément du point de vue juridique, technique, institutionnel, etc. Mais sur le terrain, c'est différent. Nous allons nous heurter à deux phénomènes : une prime majeure au sortant et une désaffection complète de la population pour ces élections.
Mme Cécile Cukierman. - Je rappelle à Nathalie Goulet qu'il a été également très compliqué de faire campagne en 2015, au lendemain des attentats. Faire campagne, c'est aussi s'adapter aux réalités de notre société !
J'ai une question sur le second tour. Pourquoi la campagne à la radio et à la télévision débuterait-elle au lendemain du premier tour et non à l'issue du dépôt des listes de candidats pour le second tour ? Comment est-il matériellement possible de diffuser ce type d'émissions dès le lundi soir ?
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je veux dire à Alain Richard que je n'ai pas repris sa proposition sur l'apposition des affiches électorales pendant trois semaines (contre deux semaines aujourd'hui), pensant qu'il s'agissait d'une contrainte supplémentaire à la fois pour les candidats et les communes.
J'ai bien entendu Nathalie Goulet et j'admets que les candidats devront faire un surcroît d'effort pour intéresser le public, d'autant que les élections régionales mobilisent en général moins d'électeurs que les élections municipales.
Je remercie Cécile Cukierman, qui a soulevé un problème qui m'avait échappé. Je propose que les amendements soient rectifiés pour que les clips de campagne soient diffusés le mercredi précédant le second tour, soit au lendemain du dépôt des listes de candidats.
Les amendements identiques COM-31 rectifié et COM-15 rectifié bis sont adoptés ; l'amendement COM-19 devient satisfait ou sans objet.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement COM-16 d'Éric Kerrouche concernant l'organisation d'une campagne officielle dans la presse écrite.
M. François Bonhomme. - Il s'agit d'un vrai problème ! La presse régionale est très importante pour favoriser les enjeux lors de ce type de scrutins. Pourtant, elle ne fait l'objet d'aucune réglementation, contrairement à l'audiovisuel. Je connais un département où la presse régionale, bien que qualifiée de « journal de la démocratie », ne se prive pas de méconnaître totalement le principe d'un traitement équitable des candidats. Quant au droit de réponse, il est copieusement ignoré ou minoré, même après un contentieux onéreux !
M. Philippe Bas, rapporteur. - C'est la liberté de la presse ! Nos concitoyens sauront reconnaître les vraies valeurs, au-delà des orientations de la presse locale...
L'amendement COM-16 n'est pas adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Jean-Pierre Sueur a remarqué que certains instituts de sondages contournent habilement l'obligation qui leur a été faite de publier leurs marges d'erreur. L'amendement COM-24 vise à déjouer ce type de pratiques. Avis favorable.
L'amendement COM-24 est adopté.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je vous remercie de cette adoption. Hugues Portelli et moi-même n'avions pas vu à l'époque cette faille où se sont engouffrés les instituts de sondage...
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement COM-21 d'Alain Richard concernant le moratoire sur les machines à voter. Il me semble préférable d'en débattre en séance publique afin de recueillir les observations du Gouvernement.
De même pour les amendements COM-8 et COM-9 d'Agnès Canayer.
Les amendements COM-21, COM-8 et COM-9 ne sont pas adoptés.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je propose à Alain Richard de redéposer son amendement COM-22 en séance publique, ce qui nous donnera le temps d'y réfléchir. Attention de ne pas créer une charge indue pour La Poste et EDF. C'est à l'État d'informer les électeurs des modalités d'inscription sur les listes électorales, d'autant qu'il s'agit d'un sujet à la fois technique et délicat.
L'amendement COM-22 n'est pas adopté.
Les amendements COM-10 et COM-11 sont adoptés.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs - Examen du rapport et du texte proposé par la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons maintenant le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Lors de l'examen de la loi de programmation et de réforme pour la justice de mars 2019, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.
L'ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs qui nous est soumise pour ratification devait entrer en vigueur au 1er octobre 2020. Cette date a été reportée au 31 mars 2021 par la loi de juillet 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire.
Cette réforme est attendue. L'ordonnance du 2 février 1945 a été modifiée trente-neuf fois, si bien qu'elle n'est plus lisible ni compréhensible, et encore moins par les mineurs. De plus, ce texte a perdu de son efficacité : du fait des délais de jugement, qui sont de l'ordre de dix-huit mois en moyenne, les jeunes sont souvent majeurs au moment où ils sont jugés. Par ailleurs, sur 816 mineurs détenus en 2020, 660 étaient placés en détention provisoire dans l'attente d'un jugement.
Enfin, l'ordonnance de 1945 n'est pas conforme aux engagements internationaux de la France. L'article 40 de la Convention internationale des droits de l'enfant prévoit qu'il appartient aux États parties de fixer un âge au-dessous duquel les enfants sont présumés ne pas avoir la capacité d'enfreindre la loi pénale.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a considéré en 2011 que la procédure pénale applicable aux mineurs n'était pas respectueuse du principe constitutionnel d'impartialité du juge qui est également énoncé à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Si cette réforme est donc justifiée, force est de constater qu'elle manque d'ambition. L'enfance délinquante est souvent aussi une enfance en danger. Or ce nouveau code repose d'abord sur une réforme procédurale. Il reprend les grands principes de l'ordonnance de 1945, notamment la primauté de l'éducatif sur le répressif, l'atténuation des peines et la présomption simple de discernement. Cette dernière est précisée, puisque l'article 11 prévoit un âge pivot, fixé à 13 ans, en deçà duquel le mineur est présumé ne pas être capable de discernement.
S'il n'y a pas de consensus européen sur l'âge pivot, on constate que, en droit positif français, 13 ans est un âge reconnu, que ce soit en matière de consentement ou de violences sexuelles sur les mineurs. Notons toutefois qu'en 2019, en France, moins de 3 % des 62 568 mineurs délinquants avaient moins de 13 ans.
Cette présomption simple - et non pas irréfragable - nous paraît adaptée, car il est possible de la lever en cas de preuve contraire. Le juge est ainsi conduit à se poser la question du discernement et à adapter les jugements en fonction des situations.
Cela implique de définir ce qu'est le discernement, qui, dans le droit actuel, est visé dans le code pénal pour les adultes en lien avec les notions de troubles psychiques ou neuropsychiques. Il doit être adapté aux mineurs et prendre en compte les critères tels qu'ils découlent de la jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis 1956, notamment la notion de maturité. Je vous proposerai donc un amendement visant à inscrire dans la loi qu'« est capable de discernement le mineur dont la maturité lui permet de comprendre l'acte qui lui est reproché et sa portée ».
Le dernier principe de l'ordonnance de 1945 repris par ce nouveau code est la spécialisation des juridictions, que nous souhaitons renforcer. Je vous proposerai donc de supprimer le tribunal de police aujourd'hui compétent pour les contraventions des quatre premières classes. De même, nous estimons qu'il ne devrait pas revenir au juge des libertés et de la détention, mais à un juge des enfants, ou à défaut à un autre magistrat, par exemple à un juge aux affaires familiales (JAF), de se prononcer sur la poursuite ou la levée des mesures de détention provisoire du mineur avant la décision définitive de sanction.
Cette ordonnance instaure une procédure accélérée, puisque les affaires pourront être traitées en six mois, et simplifiée en trois actes : l'audience de culpabilité, qui doit être prononcée dans un délai de dix jours à trois mois, la période de mise à l'épreuve éducative et l'audience portant sur les sanctions, qui doit être prononcée dans un délai de six à neuf mois. Ce principe de « césure » permet au jeune d'entamer le travail de relèvement éducatif entre les deux audiences. Les délais moyens devraient ainsi être ramenés à six mois, mais il s'agit de délais indicatifs qui ne pourront être tenus à défaut de moyens suffisants. L'ensemble de la procédure se fera sous la houlette des parquets, ce qui devrait garantir une politique pénale des mineurs plus cohérente à l'échelle des juridictions. Le parquet qui oriente peut décider un classement sans suite, des alternatives aux poursuites, ou, dans le cas d'une décision de poursuite, de saisir selon le cas le juge des enfants ou le juge d'instruction.
Cette ordonnance ouvre également la possibilité de recourir à l'audience unique dès lors que le jeune est bien connu des services de la justice. En effet, plus de 50 % du contentieux concerne 5 % des jeunes. Du fait des réitérations d'actes dont ils sont fréquemment coupables, des mineurs non accompagnés seront sans doute souvent jugés par voie d'audience unique.
La réforme vise à renforcer la cohérence éducative, puisqu'il est prévu que le même magistrat suive le mineur. De plus, les mesures éducatives seront clarifiées, notamment par une rationalisation de la gamme des sanctions qui comprendra un module d'insertion, un module de placement, un module de réparation et un module de santé, ces modules pouvant être associés à d'autres types de peines, notamment des interdictions. Enfin, cette ordonnance introduit la possibilité pour le juge des enfants de prononcer un certain nombre de peines en chambre du conseil. Parmi ces peines, notons que le travail d'intérêt général (TIG) est une bonne mesure, mais que les moyens manquent pour l'appliquer.
Cette réforme est mise en oeuvre selon un calendrier peu respectueux du travail parlementaire, son entrée en vigueur étant prévue pour le 31 mars 2021, très peu de temps après l'adoption du texte et dans le contexte sanitaire que nous connaissons. Les acteurs sont un peu pris à la gorge, à commencer par les services du ministère, qui ont dû rédiger la partie réglementaire du code avant la stabilisation de sa partie législative, et envoyer aux juridictions en décembre dernier après adoption de ce texte par l'Assemblée nationale une lettre d'information sur sa mise en oeuvre pour sensibiliser les magistrats, car ces derniers n'auront pas le temps de se former.
L'entrée en vigueur de ce texte au 31 mars prochain paraît totalement irréaliste : les tribunaux ne sont pas prêts, d'autant qu'il leur faudra continuer de traiter les contentieux en cours. Par ailleurs, alors que les acteurs doivent être formés à ce nouveau code, les budgets de formation de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sont en baisse en 2021.
Enfin, les logiciels ne sont pas prêts, ni Cassiopée, ce qui est hélas ! habituel, ni Parcours, le logiciel de la PJJ. Ce dernier devrait être opérationnel le 31 mars pour la PJJ, mais seulement en septembre 2021 pour le secteur associatif habilité et en décembre 2021 pour les magistrats.
Si cette réforme est globalement positive, il paraît dangereux de la conduire ainsi à marche forcée, car elle risque de ne pas produire les effets attendus.
Mme Laurence Harribey. - Je remercie le rapporteur pour son travail. Si nous souscrivons à la nécessité d'engager une réforme d'ampleur en vue d'une meilleure lisibilité et d'une plus grande efficacité, nous estimons nécessaire de rester fidèles à la philosophie du texte de 1945, en maintenant la primauté de l'éducation sur le répressif, la spécialisation des juridictions et l'atténuation de responsabilité en fonction de l'âge.
Nous demeurons toutefois perplexes quant à la méthode : en réformant par voie d'ordonnance, on a raté l'occasion de bâtir un véritable code de l'enfance. Nous regrettons également l'engagement de la procédure accélérée et les circulaires « Canada Dry » prises avant l'examen du texte par le Sénat.
Nous serons donc très vigilants sur les six points suivants : l'entrée en vigueur de ce texte - nous vous rejoignons sur ce point, madame le rapporteur -, l'irresponsabilité des mineurs de moins de 13 ans et le caractère irréfragable de la présomption, la spécialisation des juridictions en matière de justice des mineurs, la primauté de l'éducatif, qui ne doit pas seulement être de façade du fait du manque de moyens, l'audience unique, qui ne doit pas être généralisée, et la définition du discernement. Je ne suis pas certaine que la notion de « maturité » soit préférable à celle de « discernement » ; nous ferons des propositions en ce sens.
Mme Cécile Cukierman. - Si la réforme de l'ordonnance de 1945 est nécessaire, nous ne partageons pas la philosophie du texte qui nous est soumis.
L'engorgement d'un certain nombre de juridictions, le manque criant de moyens de la protection judiciaire de la jeunesse, l'allongement d'un certain nombre de délais - en un an et demi, un jeune peut complètement se transformer -, des problèmes informatiques loin d'être anecdotiques : telles sont les difficultés auxquelles est confrontée la justice des mineurs.
Sur la forme, nous regrettons l'irrespect total du travail parlementaire par la Chancellerie. Sur le fond, si un certain nombre d'amendements de Mme le rapporteur vont dans le bon sens, ils ne transforment pas en profondeur ce texte qui, en l'état, ne nous paraît pas garantir suffisamment la primauté de l'éducatif. Nous nous y opposerons donc, car nous estimons que, quelle que soit l'infraction commise par le mineur et quel que soit son âge, il appartient à la société de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour que ce jeune s'en sorte et qu'il ne tombe pas dans la récidive.
Mme Dominique Vérien. - Je remercie le rapporteur pour son travail. Les auditions ont notamment montré à quel point cette réforme était attendue par les professionnels.
L'absence de présomption de discernement en deçà de 13 ans nous permet de nous mettre en conformité avec nos engagements internationaux. Conformément au souhait exprimé par les magistrats, le non-discernement n'est toutefois pas irréfragable.
Cette réforme devrait permettre de raccourcir les délais de prise en charge des victimes ainsi que de l'audience de culpabilité. J'espère qu'elle permettra aussi d'accélérer la prise en charge par la PJJ. Nous devrons veiller à ce que les délais soient tenus, car aucune contrainte n'est prévue pour les cas où ils ne le seraient pas.
Je vous remercie pour la correction des dispositions relatives au JLD. Ces dernières ont été adoptées par l'Assemblée nationale, sans doute du fait d'une méconnaissance de la situation des tribunaux, notamment de province, qui ne disposent pas de JLD en nombre tel que l'un d'entre eux puisse se spécialiser pour juger des mesures de détention concernant des enfants. Il est donc préférable qu'un autre juge des enfants puisse statuer sur ces mesures.
Je ne comprends pas que le ministre s'arc-boute sur la date du 31 mars. Vu le contexte, la sagesse voudrait que l'on donne quelques mois aux tribunaux pour mettre en place cette réforme dans les meilleures conditions.
Quoi qu'il en soit, le groupe Union Centriste adoptera les amendements de Mme le rapporteur et votera ce texte.
Mme Muriel Jourda. - Madame le rapporteur, vous avez indiqué que le délai moyen de jugement serait désormais de l'ordre de six mois, ce qui serait une bonne chose. Quel serait le délai dans le cas d'une audience unique ? Celui-ci doit être suffisant pour permettre de mesurer une éventuelle évolution de ces multirécidivistes, dont il ne faut pas désespérer.
Mme Esther Benbassa. - Je souhaite à mon tour insister sur la nécessité de prévoir un délai supplémentaire pour l'application de cette ordonnance.
J'ai visité lundi le centre éducatif fermé pour mineurs de Savigny-sur-Orge, où j'ai pu constater l'influence positive du personnel sur ces jeunes. A contrario, le désespoir des jeunes de la prison pour mineurs délinquants de Porcheville interpelle. C'est pourquoi je regrette vivement que l'on insiste sur la répression plutôt que sur l'éducation, qu'elle passe par la participation à des ateliers, à des stages ou même par la pédagogie assistée par l'animal.
M. Philippe Bas. - Je remercie Agnès Canayer, qui nous a présenté les lignes de force de ce texte protéiforme tout en rappelant la situation préoccupante de la délinquance juvénile dans notre pays. L'existence de délinquants multirécidivistes montre que le système est défaillant. Le système est engorgé, et la lenteur du processus favorise l'aggravation des situations. Cela justifie que le Gouvernement prenne la main, mais la priorité ne devrait-elle pas être donnée aux moyens plutôt qu'à la réforme de l'ordonnance de 1945 ?
Les principes sont saufs, et le recours à la césure du procès est positif. La possibilité de prendre des mesures éducatives rapidement et de sanctionner le jeune en tenant compte de son évolution pendant leur exécution me paraît de bon sens, de même que l'absence de couperet d'âge, ce qui permet d'apprécier la maturité de chaque jeune.
Il reste que la pratique est défaillante, et que rien ne garantit que cela changera après l'adoption de ce texte, car les moyens d'action manquent. La question de la date d'entrée en vigueur de ce texte traduit d'ailleurs cette difficulté de la Chancellerie à mobiliser les moyens pour rendre la justice plus efficace.
Les modalités d'entrée en vigueur de ce texte sont peu respectueuses du Parlement, mais aussi et d'abord des personnels et des associations concernés. Il est devenu courant en matière de droit pénal de légiférer sans tenir compte des délais nécessaires à l'entrée en vigueur des réformes ni des moyens requis pour qu'elles soient efficaces.
Nous devons engager la discussion avec le Gouvernement sur ces sujets, car nous ne pouvons pas rejeter ce texte même si, de la théorie à la pratique, il y a un pas que le Gouvernement n'a pas franchi.
Mme Marie Mercier. - Je félicite à mon tour Mme le rapporteur pour la qualité de son travail.
Je souhaite également insister sur la qualité de l'accueil proposé aux mineurs par le centre éducatif fermé de Savigny-sur-Orge, car celui-ci repose sur un vrai projet pédagogique. Dans mon département, nous n'avons malheureusement pas connu cela.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Je constate qu'il y a entre nous plusieurs points de consensus. Madame Harribey, je considère que l'irréfragabilité ne protège pas, mais enferme. J'estime qu'il faut laisser au juge suffisamment de latitude pour apprécier les situations particulières.
L'audience unique est une procédure utile, mais elle doit rester l'exception. La directrice de la PJJ estime que 20 % des affaires seraient jugées selon cette procédure. Un cadre est fixé dans l'ordonnance, il faut qu'il soit respecté.
Madame Cukierman, nous entendons vos remarques. Nous sommes toutefois convaincus que le texte assure un équilibre entre l'éducatif et le répressif.
Madame Vérien, vous avez raison de souligner qu'il n'y aura pas suffisamment de JLD et que, si nous en restons au dispositif actuel, ils seront faussement habilités ou spécialisés. Par ailleurs, les JLD risquent d'être accaparés par le contentieux relatif à la dignité des conditions de détention et ne pourront traiter les affaires de justice pénale des mineurs que de manière très accessoire.
Madame Jourda, l'audience unique concernera les affaires de mineurs dont le profil est déjà bien établi. Elle jugera de la culpabilité et de la sanction, c'est-à-dire aussi des mesures éducatives. Ces mesures seront définitives, mais le suivi éducatif du jeune pourra être mis en place.
Nous sommes d'accord sur la question du délai d'entrée en vigueur, madame Benbassa. En ce qui concerne les centres éducatifs fermés, Mme Mercier a déjà répondu partiellement. Le Gouvernement va en créer vingt, et quinze d'entre eux seront confiés au secteur associatif. Cette réponse n'est pas exclusive, nous examinerons d'ailleurs des amendements qui visent à imposer la mise en oeuvre de mesures éducatives dès lors qu'un placement est décidé.
Le Gouvernement applique la politique du Sparadrap. Il semble ne pas vouloir entendre les réticences exprimées en interne ; il veut mettre en place la réforme au 31 mars et advienne que pourra. Les acteurs judiciaires sont globalement favorables à la réforme, mais il faudra du temps pour s'en imprégner. L'écueil premier réside dans le manque d'anticipation et de moyens pour l'application effective de la loi, si bien que l'on craint de faire une réforme pour rien. Ainsi, il est nécessaire de tout de suite mettre en place les bons mécanismes. Le report du délai d'entrée en vigueur est le moyen non pas de s'opposer à la réforme, mais de faire en sorte qu'elle puisse être réalisée de façon effective.
Mme Laurence Harribey. - La question des moyens reste posée.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Elle est essentielle, en effet. Afin de parvenir à respecter les délais, il faut des moyens informatiques et en personnels adéquats.
Je relève aussi que l'un des enjeux est que la situation des victimes puisse être traitée rapidement.
M. François-Noël Buffet, président. - Cela fait maintenant plus de dix ans que cette réforme est en préparation, et pourtant deux difficultés subsistent.
Premièrement, la lettre envoyée aux juridictions en décembre dernier, informant du vote du texte à l'Assemblée nationale est tout à fait inacceptable, au-delà de l'inélégant mépris de l'institution sénatoriale. Deuxièmement, l'urgence du temps, qui commande tout aujourd'hui, conduit à imposer la date du 31 mars 2021 pour l'entrée en vigueur de la réforme. Indépendamment de toute polémique, quand on interroge des chefs de juridiction, ils affirment qu'elle sera dans certains cas inapplicable - alors qu'ils souhaitent pourtant sa réalisation -, compromettant ainsi le traitement des dossiers dans les tribunaux qui font face à la difficulté de stocks. La date du 31 mars n'est donc pas de bon aloi ; tout ce qui compte, au fond, est que la réforme fonctionne !
Là où le bât blesse, c'est que l'on n'a pas développé le numérique. Ce problème a été déjà soulevé dans notre rapport sur la justice en 2017. La numérisation de la justice est indéniablement en panne, en dépit des moyens budgétaires consentis.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Il me revient de définir le périmètre du projet de loi pour l'application de l'article 45 de la Constitution. Compte tenu du fait que ce texte contient des dispositions procédurales spécifiques relatives aux conditions de mise en cause de la responsabilité pénale d'une personne de moins de dix-huit ans, toutes les dispositions concernant les questions de procédure applicables aux mineurs en matière pénale sont recevables. En revanche, ne seront pas recevables les dispositions concernant les peines qui ne sont pas applicables aux mineurs.
EXAMEN DES ARTICLES
Articles additionnels après l'article 1er
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à créer trois seuils de responsabilité pour les mineurs : irresponsabilité en deçà de dix ans, discernement entre treize et seize ans et responsabilité pénale de plein droit au-delà de seize ans. La solution de la présomption simple de non-discernement en deçà de treize ans offre plus de souplesse aux magistrats, pour mieux s'adapter aux situations réelles. Comme il convient de ne pas multiplier les seuils, je sollicite le retrait de l'amendement, faute de quoi l'avis est défavorable.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-2 a pour objet la création d'une présomption irréfragable de discernement des mineurs entre seize et dix-huit ans. J'émets un avis défavorable pour les mêmes raisons.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-15 vise à créer une irresponsabilité pénale en deçà de treize ans. Je demande le retrait de cet amendement et, à défaut, j'émets un avis défavorable.
L'amendement COM-15 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-17 tend à supprimer toutes les mesures d'interdiction comprises dans le cadre des mesures éducatives. Plusieurs mesures d'interdiction peuvent être prises en complément d'une mesure éducative, comme l'interdiction de paraître dans certains lieux, de rentrer en contact et la confiscation de l'objet. Ces interdictions nous semblent complémentaires et jouer un véritable rôle éducatif. Je sollicite le retrait de l'amendement, faute de quoi l'avis est défavorable.
L'amendement COM-17 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-19 tend à définir la notion de discernement. J'en demande le retrait au profit de l'amendement du rapporteur.
L'amendement COM-19 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-14 propose le report d'un an de l'entrée en vigueur de la réforme. Je demande le retrait de l'amendement au profit de celui portant l'entrée en vigueur au 30 septembre 2021.
L'amendement COM-14 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-21 a pour objet un report de l'application du texte au 30 septembre 2021.
L'amendement COM-21 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Je suis favorable à l'amendement identique COM-20.
L'amendement COM-20 est adopté.
Articles additionnels après l'article 1er bis (nouveau)
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-22 vise à définir le discernement du mineur comme l'état de « maturité qui lui permet de comprendre l'acte qui lui est reproché et sa peine ».
L'amendement COM-22 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-23 a pour objet la suppression de la compétence du tribunal de police pour les contraventions des quatre premières catégories concernant les mineurs.
L'amendement COM-23 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-24 a pour objet la suppression de la compétence du juge des libertés et de la détention (JLD).
L'amendement COM-24 est adopté.
Article 2 (nouveau)
L'amendement rédactionnel COM-25 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-4 tend à inverser deux articles du code. Cela ne me paraît pas nécessaire. Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
Article additionnel après l'article 3 (nouveau)
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à ce que la gravité des faits soit prise en compte dans l'élaboration des mesures éducatives judiciaires. Ces dernières sont relatives au « relèvement éducatif et moral » du jeune concerné, et se concentrent sur son environnement. Je pense que la gravité des faits doit avant tout apparaître dans le volet « sanctions ». Je sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi l'avis est défavorable.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
Article 4 (nouveau)
L'amendement de coordination COM-26 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-11 donne des précisions sur les peines complémentaires applicables dans le cadre des quatre premières catégories de contraventions. Je demande le retrait de l'amendement, car il n'a plus d'objet avec la suppression de la compétence du tribunal de police. Il en est de même pour l'amendement COM-12.
L'amendement COM-11 n'est pas adopté ; non plus que l'amendement COM-12.
L'amendement rédactionnel COM-27 est adopté.
L'amendement de coordination COM-28 est adopté.
Articles additionnels après l'article 4 (nouveau)
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-7 vise à exclure du territoire national les mineurs ayant commis certains faits particulièrement graves. Cette disposition paraît contraire à la décision du Conseil constitutionnel du 26 juillet 2019. C'est pourquoi je sollicite le retrait de l'amendement, faute de quoi l'avis est défavorable.
Mme Valérie Boyer. - Je profite de cette occasion pour remercier Agnès Canayer pour sa bienveillance dans l'examen de ce texte. Je souligne le bel éclairage qui est fait sur ce système, qui est véritablement en grande souffrance. La prise en charge de la délinquance juvénile est douloureuse pour les mineurs et leurs familles, ainsi que pour les victimes. Il suffit de se rendre au tribunal de Bobigny pour se rendre compte à quel point notre justice est paupérisée. Il est important, surtout pour les mineurs, que la justice soit rendue dans des lieux dignes. Nous porterons bien évidemment ce débat en séance.
L'amendement COM-7 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-8 a pour objet la mise en place d'une période de sûreté pour les mineurs. Une telle modalité est déjà prévue dans le code pénal pour certains cas particulièrement graves, mais n'est cependant toujours pas applicable aux mineurs, que l'on espère pouvoir réinsérer en fonction de leur âge. Je suis très réservée sur l'idée de prévoir une peine de sûreté pour les mineurs, car c'est leur donner un avenir très fermé. À ce stade, je sollicite le retrait de l'amendement.
L'amendement COM-8 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-9 vise à inverser le principe selon lequel les atténuations de peine peuvent être exceptionnellement écartées pour les mineurs de seize à dix-huit ans. Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis est défavorable.
L'amendement COM-9 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-10 a pour objet l'exclusion de l'excuse de minorité pour certains crimes et délits commis par les mineurs de seize à dix-huit ans. Le code pénal prévoit déjà des aggravations de peine, notamment lorsque des atteintes sur des militaires de gendarmerie ou des membres de la police nationale sont commises. Ces aggravations s'appliquent aux mineurs, il ne me paraît donc pas nécessaire d'aller au-delà. J'émets un avis défavorable.
L'amendement COM-10 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-29 vise à ce que le dossier unique de personnalité soit numérisé, afin qu'il puisse être transmis entre juridictions et être accessible non seulement à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), mais aussi au secteur associatif habilité.
M. François-Noël Buffet, président. - C'est absolument nécessaire.
L'amendement COM-29 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-30 vise à réparer un oubli : en effet, aucune disposition ne prévoit le recueil préalable des réquisitions avant le placement d'un mineur de plus de seize ans.
L'amendement COM-30 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-31 est adopté.
L'amendement de coordination COM-32 est adopté.
Articles additionnels après l'article 6 (nouveau)
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-5 a pour objet le renforcement des sanctions à l'égard des représentants légaux qui refusent de déférer à une convocation. J'émets un avis favorable.
L'amendement COM-5 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-6 vise à permettre l'établissement d'un contrat entre l'autorité judiciaire et les parents. Nous comprenons la philosophie qui consiste à mieux responsabiliser les parents ne mettant pas suffisamment en oeuvre les moyens pour assurer l'accompagnement éducatif de leur enfant, et ainsi éviter qu'il ne tombe dans la délinquance. Néanmoins, la manière dont est conçu le dispositif n'est pas ici applicable, car on ne peut pas prévoir de contrat entre les magistrats et les parents en droit pénal. À ce stade, je sollicite le retrait de l'amendement.
L'amendement COM-6 n'est pas adopté.
M. François-Noël Buffet, président. - Peut-être pourrons-nous trouver, d'ici les débats en séance, une rédaction qui soit plus conforme, tout en conservant l'idée de fond sous-tendue par cet amendement.
Mme Valérie Boyer. - En effet, je crois qu'il est très important d'envoyer un signal sur ce sujet.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-13 vise à apporter des précisions sur la transmission des dossiers. J'émets un avis favorable.
L'amendement COM-13 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-33 instaure le nouveau système de remplacement du JLD par le juge des enfants, qui désormais a vocation à statuer. À défaut, un magistrat est désigné par le président du tribunal judiciaire, en raison de son expérience sur les questions de l'enfance.
L'amendement COM-33 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-34 vise à ce que la convocation des représentants légaux se fasse par tout moyen.
L'amendement COM-34 est adopté.
Articles additionnels après l'article 7 (nouveau)
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-16 est déjà satisfait.
L'amendement COM-16 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-18 tend à supprimer l'audience unique, alors qu'elle permet pourtant de répondre exceptionnellement à certaines situations. J'émets donc un avis défavorable.
L'amendement COM-18 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-35 vise à obliger à ce que l'on fixe la date de mise en place des mesures éducatives dès l'audience de culpabilité. Actuellement, il y a un délai de cinq jours pour un premier rendez-vous, et il faut attendre plus d'un mois pour la mise en oeuvre effective du premier contact entre la PJJ et le jeune concerné.
Mme Valérie Boyer. - Je considère que la fixation d'une date est une très bonne chose, surtout dans le cadre de la justice des mineurs. En revanche, que se passe-t-il si les mesures ne sont pas effectuées à la date fixée ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous avons effectivement envisagé ce cas : l'amendement concerne non pas la date de rendez-vous, mais la date de mise en oeuvre des mesures éducatives.
L'Assemblée nationale a demandé un rapport d'évaluation de la mise en place des mesures éducatives.
Mme Valérie Boyer. - Encore un !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous ne supprimerons pas cette disposition, car nous estimons qu'un véritable contrôle de l'application de cette réforme est nécessaire. De plus, la directrice de la PJJ que nous avons entendue nous a fait part de réticences exprimées en interne, s'agissant de leur présence à l'audience de culpabilité. Mais l'intervention de la PJJ à ce stade fonctionne bien dans certaines juridictions : à Evry, par exemple, la PJJ est présente dans les locaux du tribunal, ce qui facilite les choses.
Mme Valérie Boyer. - Peut-on demander sur ce sujet un bilan, pour que le contrôle soit plus contraignant ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous réaliserons un contrôle sur le délai de mise en oeuvre des mesures, car il s'agit d'un élément tangible, facile à évaluer.
L'amendement COM-35 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-36 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-37 vise à ce que les représentants légaux puissent être convoqués par tout moyen pour les audiences d'application des peines.
L'amendement COM-37 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-38 a pour objet de permettre au juge des enfants chargé de l'application des peines de prononcer des obligations en matière de sursis probatoire.
L'amendement COM-38 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-39 tend à aligner les mesures d'effacement dans le casier judiciaire, et faire en sorte que l'effacement des mesures éducatives, de dispenses éducatives et de déclarations de peine suive le même régime que les peines.
L'amendement COM-39 est adopté.
Article 10 (nouveau)
L'amendement de coordination COM-40 est adopté.
Article 11 (nouveau)
Les amendements de coordination COM-41, COM-42 et COM-43 sont adoptés.
L'amendement de clarification COM-44 est adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 12 h 40.
Jeudi 21 janvier 2021
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 10 h 45.
Projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et reportant la date de caducité des régimes institués pour faire face à la crise sanitaire - Audition de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
M. François-Noël Buffet, président. - Monsieur le ministre, nous avons souhaité vous entendre sur le projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et reportant la date de caducité des régimes institués pour faire face à la crise sanitaire, qui sera examiné mardi prochain en commission, et le lendemain en séance publique. Je vous propose de vous laisser commencer par un exposé liminaire, avant de donner à la parole au rapporteur, Philippe Bas.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. - Les mesures de police sanitaire prises depuis plusieurs mois ont permis de limiter la propagation du virus et d'éviter la saturation de nos services de réanimation. Toutefois, l'épidémie circule toujours activement en France, comme d'ailleurs en Europe et dans une large partie du monde.
Avec plus de 18 000 cas par jour en moyenne, on peut parler de plateau légèrement ascendant, mais l'épidémie tend potentiellement à s'accélérer de nouveau avec l'apparition des fameux variants, contre lesquels une véritable course contre la montre est engagée. Le risque d'une reprise épidémique est réel, en dépit des mesures prises pour limiter l'importation de ces variants sur notre sol.
Depuis le début de l'année 2020, l'épidémie a déjà causé plus de 71 000 décès dans notre pays. Ces derniers jours, on comptait encore plus de 25 000 patients hospitalisés et près de 2 800 en réanimation.
L'état d'urgence sanitaire est déclaré depuis le 17 octobre 2020 sur l'ensemble du territoire national. À la demande du Gouvernement, il avait été prorogé par le Parlement jusqu'au 16 février 2021.
Le Gouvernement a ainsi pu prendre, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, les mesures nécessaires et proportionnées à la catastrophe sanitaire, en limitant notamment les déplacements des personnes hors de leur domicile, les rassemblements sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public ainsi que l'accès à certains établissements.
Aujourd'hui, les indicateurs épidémiologiques nous amènent à demander au législateur une prorogation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er juin 2021. Tel est le sens de l'article 2 du projet de loi.
L'article 1er vise pour sa part à reporter au 31 décembre 2021 la caducité du régime juridique de l'état d'urgence sanitaire, initialement fixée au 1er avril 2021 par l'article 7 de la loi du 23 mars 2020.
Le projet de loi adopté en conseil des ministres le 21 décembre dernier visait à pérenniser dans le code de la santé publique les outils pouvant être actionnés en cas de crise sanitaire. Ce texte a finalement été retiré de l'ordre du jour ; il sera examiné par le Parlement une fois la crise derrière nous. Il n'est cependant pas possible aujourd'hui de nous priver à partir du 1er avril d'un cadre juridique dédié à la gestion des phases les plus critiques de la crise sanitaire. J'ai entendu à l'Assemblée nationale les critiques sur la longueur des délais prévus par ce projet de loi, et je comprends le souhait du Parlement d'avoir des clauses de revoyure plus fréquentes.
L'article 3 du texte, qui prévoyait initialement une prorogation jusqu'au 30 septembre du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire, a été supprimé en commission à l'Assemblée nationale, ce que nous avons accepté.
Disons toutefois les choses franchement : si la crise sanitaire devait durer, ce qui est une possibilité non négligeable, je jugerais légitime de me représenter devant les deux chambres avant l'été pour faire un point de situation et vérifier que les outils et pouvoirs dont nous disposons sont proportionnés à la situation sanitaire.
L'article 4 du texte prolonge jusqu'au 31 décembre 2021 la possibilité de recourir aux outils numériques Contact Covid et SI-DEP - système d'information de dépistage populationnel -, absolument indispensables pour déployer notre stratégie « tester, alerter, protéger ».
Enfin, l'article 5 étend aux outre-mer les dispositions qui le nécessitent.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Monsieur le ministre, vos propos vont dans le sens de l'apaisement de nos relations.
Nous avons toujours été extrêmement attentifs à ce que les restrictions nécessaires à l'exercice d'un certain nombre de libertés fondamentales pour lutter contre cette crise sanitaire soient assorties d'un contrôle régulier et approfondi du Parlement. Nous pensons que l'enchaînement de mesures prises au titre du régime de l'état d'urgence sanitaire et du régime de sortie de celui-ci ne devrait pas se faire sans un vote du Parlement. Par conséquent, nous apprécions que vous ayez accepté la suppression de l'article 3 à l'Assemblée nationale, qui permettait de continuer à prendre après le mois de juin des mesures qui, certes, ne sont ni le confinement ni le couvre-feu généralisé, mais qui sont tout de même des mesures fortement restrictives des libertés. Nous considérons que de telles mesures, quand elles sont dûment justifiées et proportionnées aux exigences du traitement de la crise sanitaire, ne doivent pouvoir être prises qu'après un vote du Parlement.
Le Sénat a accepté en mars, en mai, en juillet et en novembre derniers d'accorder au Gouvernement des pouvoirs exceptionnels face à la crise. Notre accord pour mettre en oeuvre des restrictions aux libertés suppose toutefois que celles-ci soient temporaires, que le Parlement soit appelé à voter régulièrement et, bien sûr, que les juges constitutionnel et administratif s'assurent de la proportionnalité de telles mesures.
Une course contre la montre est engagée. Pour apprécier la durée pendant laquelle nous sommes prêts à autoriser le Gouvernement à user de ces pouvoirs exceptionnels, nous avons donc besoin d'en savoir un peu plus sur le développement de la campagne de vaccination. Dans mon esprit, plus vite on aura vacciné les Français, moins longtemps on aura besoin de restreindre leur liberté.
Nous sommes donc très sensibles aux difficultés qui sont apparues dès le lancement de la campagne de vaccination. Depuis, le Gouvernement a tenu compte des premiers retours d'expérience, mais des difficultés persistent. L'accès au vaccin, y compris pour les populations cibles, ne se fait pas dans des conditions optimales. Pour atteindre vos objectifs, ne vous faudrait-il pas davantage tenir compte des offres de service qui vous sont faites par beaucoup de collectivités, de médecins et d'infirmiers ?
Nous craignons que le rationnement du vaccin, les difficultés d'accès et autres rendez-vous décommandés n'entravent le développement de la vaccination et vous forcent, dans quelques semaines ou quelques mois, à nous demander d'autoriser de nouvelles restrictions aux libertés.
Ce point me semble essentiel, et je tiendrai compte de vos réponses dans les propositions de délais que je ferai à mes collègues.
M. Olivier Véran, ministre. - La première cible de la stratégie vaccinale représente environ 8 millions de personnes - résidents dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), personnes très vulnérables, personnes âgées de plus de 75 ans et professionnels de santé. Lorsque vous devez ainsi vacciner plusieurs millions de personnes, vous n'avez que deux façons de faire, me semble-t-il.
La première méthode consiste à attendre d'avoir tous les vaccins à disposition - en l'occurrence 16 millions de doses en comptant le rappel - et à organiser ensuite une campagne éclair de vaccination, ce que l'on sait faire - pour la grippe, on est capable de vacciner 1 million de personnes par jour.
La seconder méthode consiste à vacciner à flux tendu, en utilisant les vaccins au fur et à mesure de leur livraison. C'est le choix que nous avons fait, et aussi celui de tous les pays européens. Mais cela impose bien évidemment de coordonner le rythme de livraison des vaccins avec le rythme de vaccination.
Nous avons donc 8 millions de personnes à vacciner, nous disposons pour l'instant de 2 millions de doses, nous en recevons 500 000 supplémentaires par semaine, et bientôt 1 million.
Comme la Belgique ou les Pays-Bas, mais à la différence de l'Allemagne, nous avons choisi de diviser en deux ce public prioritaire, en commençant par le million de résidents en Ehpad, jugés ultra-prioritaires.
On nous reproche de ne pas avoir commencé à recueillir le consentement des résidents avant l'arrivée des premiers vaccins. Nous y avons pensé, bien entendu, mais il était impossible de le faire pour un vaccin qui n'était pas encore validé par l'Agence européenne des médicaments (EMA), et sur lequel toutes les données scientifiques n'étaient pas encore disponibles.
La période des congés de fin d'année a pu retarder le recueil des consentements, et il faut aussi intégrer la contrainte forte du transport des vaccins, qui ne doit pas excéder douze heures pour ne pas sacrifier un brin d'ARN messager.
La campagne de vaccination en Ehpad est désormais bien lancée : 160 000 personnes seront vaccinées cette semaine, 150 000 la semaine prochaine. Nous avons par ailleurs décidé d'accélérer le début de la vaccination des soignants de plus de 50 ans et des personnes de plus de 75 ans. L'organisation en flux tendu se traduit inévitablement par des phénomènes de stop-and-go.
J'avais parlé de 300 centres de vaccination à l'échelle du pays fin janvier, et de 600 centres à terme. Or ce sont presque 1 000 centres qui ont été accrédités. On ne peut que saluer l'allant des élus locaux. J'avais exigé 6 centres de vaccination en moyenne par département ; certains en comptent 33 ! Mais ce n'est pas parce qu'on ouvrira plus de centres qu'il y aura plus de vaccins. Le redispatching dans une multitude de centres des vaccins qui avaient été provisionnés pour six centres par département peut entraîner un mécanisme de hoquet. Au total, trente départements ont procédé à du surbooking et se sont retrouvés avec un peu plus de créneaux qu'ils n'avaient de doses. Le problème a été résolu pour une quinzaine d'entre eux. Nous allons demander aux quinze autres de maintenir leurs créneaux ouverts. Dans les cas critiques, je pense à la région des Hauts-de-France, nous demandons aux centres de différer d'une à deux semaines les vaccinations, mais de n'annuler aucun rendez-vous, et d'utiliser en flux tendu, par anticipation, les doses qui auraient dû servir à la primo-vaccination en février.
Pour résumer, les centres qui ont fait preuve d'un grand enthousiasme et qui vaccinent beaucoup plus que prévu en janvier ne feront que des rappels de vaccination en février. Nous ne ferons donc quasiment plus de primo-vaccinations en février puisque l'augmentation des livraisons n'est pas linéaire ; elle se fait par paliers.
Dois-je demander aux préfets de fermer des centres dans les départements qui comptent plus de six centres ou dix centres au maximum ? Ou doit-on maintenir des centres qui ont l'avantage d'offrir de la proximité aux populations ? Dès le début, j'ai fait le choix de la proximité, car je ne voulais pas que, comme en Allemagne, nous n'ayons que cinquante centres et que l'on soit obligé de faire une heure et demie de voiture et trois heures de queue devant un grand gymnase pour être vacciné, en plein hiver, à l'âge de 85 ans. Nous pouvons tous nous entendre sur ce point.
Aujourd'hui encore, de nombreux élus nous disent qu'ils veulent ouvrir un centre, mais qu'on les en empêche. Or le problème, ce n'est pas le centre, c'est l'approvisionnement en vaccins. J'ai vu qu'un centre réalise 32 vaccinations par jour. C'est très bien, mais faut-il mobiliser des soignants, du personnel de mairie, des bâtiments pour seulement 32 vaccinations par jour ? Peut-être est-il préférable de regrouper certains centres pour gagner en efficacité ?
Hier et avant-hier, nous avons réalisé plus de 100 000 vaccinations par jour - 108 000 hier, pour être précis - soit, au quotidien, le double de l'Allemagne par exemple. J'avais annoncé au début du mois de janvier qu'il ne fallait pas s'affoler, que le rythme de vaccination en France allait s'accélérer et que nous rattraperions notre retard, si tant est qu'on puisse parler de retard, car quatre jours de décalage dans une campagne de vaccination sont sans conséquence en santé publique. J'avais annoncé que notre objectif était d'atteindre 1 million de vaccinations à la fin du mois de janvier, nous serons très au-delà, mais en flux tendu.
Les seules doses que les centres conservent sont celles qui sont indispensables pour assurer le rappel vaccinal des personnes qui ont été primo-vaccinées. Je ne garde dans le stock national que 8 000 doses sur les 2 millions. Tout le reste est déployé dans les centres sur l'ensemble du territoire. Chaque département, ainsi que les territoires ultramarins, compte au moins un centre de stockage.
Nous avons fait le choix d'une politique déconcentrée et un peu décentralisée. Nous aurions pu faire le choix d'une politique hyper-concentrée : j'aurais pu décider du nombre de vaccins envoyés dans chaque centre et organiser les plannings pour trente ou quarante centres dans le pays. Nous aurions pu choisir une politique totalement décentralisée et donner les vaccins à une collectivité, qui aurait ensuite été libre de s'organiser, mais nous avons fait le choix d'une politique déconcentrée, reposant sur l'intervention des préfets, des agences régionales de santé (ARS) et des élus, réunis au sein de cellules de coordination territoriale, chargées de la répartition entre les centres. Nous nous appuyons également énormément sur les hôpitaux, que je remercie pour leur mobilisation.
Il sera intéressant d'avoir un retour d'expérience sur cette politique déconcentrée, même si j'ai déjà une petite idée sur la question. La responsabilité incombe toujours à l'État central, même quand les choses ont été organisées au sein des territoires ! C'est ainsi...
Je suis très confiant sur notre capacité à maintenir un bon rythme de vaccination. Je demande, et je suis intransigeant sur ce point, à tous les centres d'organiser la seconde vaccination, c'est-à-dire le rappel pour les primo-vaccinés. J'anticipe le fait que nous connaîtrons, comme l'Allemagne aujourd'hui, une diminution des primo-vaccinations à mesure que les rappels de vaccination augmenteront, car ils consommeront des doses.
Enfin, nous ciblons la vaccination de 15 millions de personnes d'ici à l'été, ce qui inclut une grosse partie de la population à risque de forme grave, mais pas tous les malades chroniques, les personnes âgées de 60 ans et plus, auquel cas il faudrait avoir vacciné entre 25 et 30 millions de personnes. Avec la meilleure organisation du monde, et même si tous les approvisionnements nous parvenaient en temps et en heure, nous ne pourrons pas vacciner tous les publics fragiles d'ici à l'été. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous demandons la poursuite des mesures de protection sanitaire jusqu'à l'automne. C'est mathématiquement défendable, me semble-t-il.
J'espère avoir répondu à toutes vos questions, mais je suis à votre disposition si vous souhaitez m'en poser d'autres. Une réunion de commission se prête mieux à cet exercice que l'hémicycle.
M. François-Noël Buffet, président. - Dans quelle mesure est-il possible d'augmenter la production et la fourniture de vaccins ?
M. Olivier Véran, ministre. - J'aimerais que nous disposions d'autant de vaccins que prévu, mais cela dépendra de plusieurs paramètres : la capacité des laboratoires à honorer leurs commandes - on assiste déjà à un ralentissement des approvisionnements par rapport à ce qui était prévu de la part d'un grand laboratoire, qui affecte la France, l'Europe, le Québec - et la validation d'autres vaccins par l'Agence européenne des médicaments (EMA) ainsi que les indications pour lesquelles ils seront prescrits.
La marge d'incertitude est importante. Imaginons que, dans deux ou trois semaines, l'EMA nous dise que le vaccin d'AstraZeneca est utilisable chez les personnes âgées : ce serait le bonheur total ! Des millions de doses nous arriveraient chaque mois. Ce vaccin se conserve de manière classique, il est donc injectable en pharmacie ou chez le médecin. En revanche, si elle considère que, parce que l'étude n'inclut pas un nombre suffisant de personnes âgées, on ne peut pas utiliser ce vaccin pour cette catégorie de la population, je devrais ouvrir un nouveau circuit parallèle au circuit actuel, ciblant un autre public. J'anticipe déjà les polémiques ! Tous ces paramètres auront forcément un impact très important sur notre capacité à protéger les publics vulnérables et dans les délais.
Les commandes ont été passées par la Commission européenne - cette campagne vaccinale est une aventure européenne - des mois avant que les vaccins ne soient validés. L'Europe a fait le pari fou, que l'on aurait pu nous reprocher si les vaccins n'avaient pas abouti, de commander des centaines de millions de vaccins auprès de laboratoires qui nous disaient que leurs recherches étaient avancées, mais sur lesquels nous ne disposions pas des données nécessaires. Évidemment, un travail très sérieux a été fait avec les scientifiques, à la fois de la Commission européenne et des laboratoires, afin de déterminer quels vaccins avaient une chance d'aboutir. Pour l'instant, c'est carton plein ! Tant mieux, mais quel pari d'avoir anticipé il y a six mois l'achat de vaccins qui n'étaient ni produits ni validés ! L'Europe peut donc se targuer d'avoir bien fonctionné, ce qui n'a pas toujours été le cas en temps de crise sanitaire. Cela nous permet de couvrir largement tous les besoins de la population européenne à l'horizon de quelques mois.
Nous déployons les capacités industrielles françaises et européennes pour renforcer la production de vaccins. Trois entreprises pharmaceutiques en France vont produire des vaccins : Fareva va assurer le fill and finish du vaccin de CureVac, Recipharm produira du Moderna et Delpharm du BioNTech/Pfizer. Nous travaillons également avec une grande industrie dont le siège social est en France, Sanofi, afin qu'elle puisse nous aider à produire davantage de vaccins pour l'Europe, tout en poursuivant ses recherches sur son propre vaccin, mais cela prendra du temps. Il faut au moins deux ou trois mois avant qu'une usine de fabrication de produits pharmaceutiques puisse faire du fill and finish pour le compte d'un laboratoire. Le démarrage est aujourd'hui imminent, ce qui renforcera nos capacités d'approvisionnement.
Les laboratoires ont développé un vaccin en moins d'un an, et heureusement qu'ils ont commencé à en fabriquer en masse avant d'obtenir leur validation, mais le temps de production est, lui, incompressible. Ils produisent aujourd'hui 1 milliard et demi de vaccins par mois, et plus le temps passe, plus leurs capacités de production sont importantes. Nous sommes dans la phase initiale d'une campagne vaccinale qui va prendre de l'ampleur. Si vous regardez bien les chiffres que nous avons publiés de façon transparente sur les arrivages de vaccins, vous verrez que nous recevrons d'ici à quelques mois des millions de doses, ce qui nous permettra d'augmenter le rythme de vaccination, mais tout cela prendra du temps. J'ai dit aux Français, lorsque je les ai invités à prendre rendez-vous pour se faire vacciner, que tout le monde ne serait pas vacciné en février, ni même peut-être en mars.
Nous commençons à vacciner, en flux tendu et, chaque fois que quelqu'un est vacciné, lui est protégé contre les formes graves de la maladie et nous gagnons du terrain sur le virus.
M. Jean-Yves Leconte. - On peut se satisfaire que le Gouvernement n'ait pas mis en place de mesures d'isolement absolu et surveillé pour les personnes atteintes de la covid, comme dans certains autres pays européens, de telles mesures donnant lieu à des stratégies d'évitement et conduisant à un développement plus important de l'épidémie qu'en France. Cette position pourrait-elle évoluer avec l'apparition des variants ? Pensez-vous que nous sommes en mesure de bien identifier l'apparition de nouveaux variants ?
Un certain nombre de pays envisagent d'instaurer très vite un passeport vaccinal. Le Gouvernement pourra-t-il résister ? Comment abordez-vous les négociations européennes à cet égard ? Pensez-vous que des quarantaines seront mises en oeuvre pour ceux qui franchissent les frontières intra-européennes ? Dans ce cas, comment gérera-t-on les frontaliers ? Les frontières européennes sont-elles pertinentes pour surveiller les variants ?
Mme Cécile Cukierman. - On va nous demander la semaine prochaine de prolonger une nouvelle fois l'état d'urgence sanitaire, en raison de la situation vaccinale. J'espère que la campagne vaccinale sera une réussite et qu'elle nous permettra de reprendre une vie en tous points normale. J'ai entendu ce que vous nous avez dit hier à l'Assemblée nationale sur la suppression de l'article 3. Or, nous l'avons déjà dit : ce n'est pas un handicap de travailler avec le Parlement. Le temps sera long jusqu'au 1er juin, car nous n'aurons pas de retour pendant près de quatre mois. Associer le Parlement, ce n'est pas simplement venir lui présenter la situation ; associer les élus locaux, ce n'est pas simplement non plus les informer. Associer signifie « faire avec ».
Je ne sais pas s'il y a des vaccins cachés - je ne souhaite pas attiser les craintes à cet égard - mais une chose est sûre, c'est que nous manquons de vaccins. Même si un nouveau vaccin devait être réservé à une autre partie de la population, à une classe d'âge plus productive, ce ne serait pas incompatible avec la poursuite de la vaccination des plus âgés, car l'urgence dans notre pays est aussi d'éviter la crise économique et sociale qui menace à l'issue de cette crise sanitaire.
M. Jérôme Durain. - Je tiens à attirer votre attention sur l'épuisement moral de la population de ce pays : il y a de l'impatience, de l'inquiétude, de la frustration, et même de la colère. Nous avons compris qu'il n'y avait pas assez de vaccins, mais alors qu'il y a un risque non négligeable que la crise dure assez longtemps, il nous faut une ligne d'horizon, en attendant que tous ceux qui en ont besoin puissent être vaccinés.
Ma question porte sur l'application TousAntiCovid : cet outil a-t-il encore la moindre utilité ? Fonctionne-t-il, sachant qu'un centre médical a détecté 155 personnes porteuses du virus sans que jamais l'application ne passe du vert au rouge ?
M. Alain Richard. - Si j'ai bien compris, nous allons passer en février ou en mars d'un million environ à deux millions de vaccins supplémentaires par semaine, ce qui nous donne une chance d'atteindre l'objectif de vacciner 15 millions de personnes d'ici à la fin du printemps. Ne serait-il pas utile de diffuser ces chiffres dans le débat public ?
Disposer en moins d'un an de trois vaccins validés et efficaces à 80 % contre un virus totalement nouveau est un fait historique, que personne ne prévoyait il y a encore six mois. C'est un exploit de la part des scientifiques et des industriels, qui bénéficie à l'ensemble de l'humanité.
Notre tâche est de fixer le régime juridique de l'état d'urgence. Pour cela, nous avons besoin d'estimer l'impact de la vaccination sur la circulation du virus. Nous allons bientôt arriver à une proportion de la population vaccinée qui atteindra quelques points de pourcentage. Dans cinq ou six mois, nous devrions avoir vacciné un quart de la population. Ce taux affectera-t-il substantiellement la circulation du virus ? Ce que j'ai retenu de ce que nous ont dit les scientifiques est que l'on n'en sait rien pour le moment, mais que les premières indications tendent à montrer que la diffusion du vaccin ne freine pas substantiellement la circulation du virus. Les responsables politiques que nous sommes fixent, au nom des citoyens, des règles de limitation de toutes les interactions et de toutes les activités susceptibles de favoriser la circulation du virus ; à la différence de Philippe Bas, je ne suis pas sûr, et je crois que nous ne pouvons pas tenir pour acquis, qu'une proportion de 5 ou 10 % de la population vaccinée réduise en quoi que ce soit la circulation du virus. Qu'en dites-vous ?
M. Olivier Véran, ministre. - L'isolement contraint n'est pas à l'ordre du jour. Nous avons consulté l'ensemble des présidents de groupe des deux assemblées parlementaires et nous avons vu qu'à une exception près, l'ensemble de la classe politique était opposée à l'instauration d'un isolement contraint dans le droit commun extraordinaire qu'est l'état d'urgence sanitaire. Nous n'avons donc pas poussé les choses plus loin, et ce type de disposition n'est pas sur la table. Il peut y avoir des arrêtés préfectoraux de placement à l'isolement, pour des personnes qui, individuellement, ne respectent pas le confinement et mettent en danger la santé de la population. On l'observe notamment pour certaines personnes qui ont contracté un variant à l'étranger et qui ont fait état de leur décision de ne pas respecter l'isolement.
Il est beaucoup trop tôt pour poser la question du passeport vaccinal. Il est normal de vouloir anticiper et de se projeter dans l'avenir, mais nous ne savons pas encore si le vaccin, en plus de préserver des formes graves, fait chuter la contagiosité du virus et préserve des formes bénignes potentiellement contaminantes. Nous avons cependant des raisons d'espérer. D'ailleurs, de façon générale, on a le droit et même le devoir d'espérer, mais sans nous désarmer - et c'est exactement ce qui nous réunit aujourd'hui. Moderna a fait état - et Pfizer dira vraisemblablement la même chose - de données qui montreraient une réduction de la contamination. Et mon homologue israélien, avec lequel j'ai tenu il y a deux jours une visioconférence, m'a donné de précieuses informations : Israël a déjà atteint un taux de couverture vaccinale important, grâce à un accord avec Pfizer, selon lequel ce pays échange ses données contre un surplus de vaccins. Il commence à constater une réduction de la contamination - pas à 100 %, certes, mais c'est une très bonne nouvelle. Ce serait du reste conforme à l'histoire de la vaccination et à ce que l'on sait de l'impact des vaccins depuis qu'ils existent.
Pour l'heure, il serait très prématuré de permettre l'accès à des musées ou à des voyages à des personnes vaccinées, surtout quand on vaccine des personnes âgées en Ehpad... Nous en reparlerons si notre taux de couverture vaccinale devient élevé. Je sais que le taux d'adhésion de la population à la vaccination sera beaucoup plus fort que ce que l'on pouvait imaginer. Cela ne m'étonne pas, car je crois au bon sens français. Pour l'heure, en tout cas, parler de passeport vaccinal revient à faire du roman d'anticipation.
M. Jean-Yves Leconte. - Certains pays européens y réfléchissent déjà...
M. Olivier Véran, ministre. - Je sais, et pas seulement des pays européens. Ils demandent, puisqu'ils ont atteint un bon taux de couverture vaccinale, que nous laissions entrer leurs ressortissants sans test PCR. La réponse est non : nous ne nous désarmons pas. Le Conseil européen, aujourd'hui, portera notamment sur les politiques de tests, et abordera la question des frontières au sein de l'espace Schengen, mais aussi à l'extérieur. Nous verrons ce qui en ressortira.
Pour l'identification des variants en France, nous déployons beaucoup de moyens afin d'augmenter nos capacités de séquençage génomique. La Grande-Bretagne dispose de bonnes capacités de séquençage, et c'est heureux. Nous sommes loin d'être les derniers de l'Europe en matière d'équipement. Cela fait trente ans que cet équipement se met en place progressivement, mais nous ne sommes pas moins dotés que nos voisins allemands, par exemple. Toujours est-il qu'il nous faut amplifier nos capacités de séquençage génétique. Par ailleurs, nous travaillons d'arrache-pied avec les autorités de santé pour valider des kits PCR permettant d'identifier les variants sans avoir besoin de recourir au séquençage génétique. Nous déploierons ces kits dans les plateformes de laboratoires privés et publics, en privilégiant le territoire ultramarin, qu'il faut absolument protéger de l'arrivée des variants, et les régions dans lesquelles la dynamique épidémique est la plus forte - Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes et, en partie, Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Nous traquons ces variants. J'étais avant-hier en déplacement à l'ARS d'Île-de-France. Vous n'imaginez pas les moyens humains et technologiques qui sont mis en place à cet effet. J'ai visité une salle dans laquelle cinq personnes travaillent avec, sur les murs, les plans des cabines des différents types d'avions, Airbus ou Boeing, avec les notices de leurs systèmes de ventilation. Ces personnes épluchent les documents que remplissent les passagers sur les vols internationaux et, quand il y a une suspicion de présence du variant, ils appellent le passager concerné pour qu'il reste chez lui et contactent toutes les personnes qui, selon le plan de la cabine et la nature de la ventilation, ont pu être exposées à un risque de transmission du variant. C'est très impressionnant à voir. Ils font également du traçage rétrospectif, à la japonaise, pour identifier les personnes qui ont pu contaminer chaque cas positif identifié.
Le variant d'origine sud-africaine m'inquiète spécialement, même si on le trouve moins, à ce stade, que le variant anglais. Sur ce dernier, tous les laboratoires sont mobilisés pour nous donner des indicateurs de suivi et de croissance. Pour être clair, la propagation du variant d'origine anglaise sur le territoire français peut être un élément déterminant dans les stratégies de lutte contre l'épidémie dans les prochains jours et les prochaines semaines. Si la part de ce variant devait augmenter de façon sensible et que nous devions suivre une trajectoire à l'anglaise, le confinement deviendrait probablement une nécessité absolue. Nous le traquons, donc, avec les données qui nous proviennent au quotidien des laboratoires privés et publics, et c'est une véritable course contre la montre, car il s'agit d'un facteur déterminant pour les jours à venir.
Vous m'avez interrogé sur les campagnes vaccinales. Bien sûr, ce n'est pas une mauvaise nouvelle si l'on peut utiliser le vaccin chez d'autres publics que les personnes âgées. En termes de lisibilité, il sera certes difficile d'expliquer, si cette situation se présentait, qu'on commencera à vacciner des personnes de moins de 60 ans avant de vacciner des personnes de plus de 60 ans, alors même que les risques de formes graves sont plus importants pour ces dernières. Mais si le vaccin n'a pas toutes les garanties pour être utilisé chez les personnes de plus de 60 ans, on ne va pas l'utiliser de force sur eux. Nous mènerons donc des campagnes en parallèle, en veillant à leur lisibilité.
L'utilité de l'application TousAntiCovid n'est plus à démontrer : 12,5 millions d'utilisateurs, 56 000 notifications envoyées, 102 000 cas déclarés... Ce sont des dizaines de milliers de chaînes de contamination qui ont pu être évitées. L'application est fonctionnelle. Je l'ai sur mon téléphone - j'imagine que vous aussi - et l'on y a accès aux chiffres que je viens de vous donner.
Nous sommes déjà à un rythme d'un million de personnes vaccinées par mois. Nous aurons dépassé largement le million à la fin du mois. Bien sûr, il faudra tenir compte des rappels de vaccination : dès lors qu'on est en flux tendu et qu'on doit garder des doses pour faire des rappels vaccinaux, il y aura une période, en février, où l'on observera un creux dans la courbe des primo-vaccinations, alors qu'on aura reçu plus de vaccins. Déjà, l'Allemagne est tombée à 50 000 primo-vaccinations depuis deux jours, alors qu'elle était bien au-delà les jours précédents.
Mme Jacky Deromedi. - Vous évoquez les cas détectés par l'ARS dans les avions, et vous dites qu'on leur demande de s'isoler. Comment vous assurez-vous qu'ils le font ? Les pays qui ont réussi sont ceux qui ont obligé les personnes positives à s'isoler.
Si vous allez à Singapour, par exemple, un autobus vous attend à l'arrivée pour vous emmener dans un hôtel, et vous y restez quatorze jours ; si vous arrivez contaminé, vous allez directement à l'hôpital ; et si vous êtes cas contact, vous devez vous isoler et porter un bracelet électronique pour faciliter le contrôle.
M. Olivier Véran, ministre. - Entre thèse et antithèse, je vais essayer de proposer une synthèse. En France, au tout début, dès qu'une personne était testée positive, elle était hospitalisée. Cela n'a pas empêché la première vague. Les pays qui, autour de nous, imposent l'isolement, sont parmi les pays qui subissent la troisième vague la plus violente et la plus meurtrière : au Royaume-Uni, par exemple, qui avait adopté des mesures contraignantes, le nombre de morts dépasse 1 500 chaque jour ; l'Espagne a été obligée de confiner, et un tableau que je regardais hier montrait que, sur trente-deux pays du continent européen, nous étions depuis plusieurs jours le dernier en termes de mortalité et de nombre de cas graves.
Certains pays, en Asie, ont mobilisé l'armée dans les rues. C'est un peu anxiogène... Et j'ai vu que la Chine construisait un centre pour pouvoir isoler plusieurs dizaines de milliers de personnes. Ce n'est pas le choix que nous faisons - ce n'est pas le choix que vos présidents de groupe ont fait, puisqu'ils nous ont demandé, quasi unanimement, de ne pas recourir à ce type de mesure. Tant mieux, car je ne suis pas convaincu qu'elles soient efficaces. Nous, nous avons fait le choix de la confiance et de l'accompagnement : plus de 94 % des gens qui sont positifs ou cas contacts reçoivent dans les vingt-quatre heures un premier appel de l'assurance maladie ou de l'ARS pour les informer qu'ils n'auront pas de rupture de droits. Nous sommes le seul pays où il n'y a même pas de jour de carence, et où vous pouvez vous enregistrer directement sur internet.
Nous renforçons le système « tester, alerter, protéger » en déployant des infirmières au domicile des personnes mises à l'isolement pour aller tester jusqu'à l'entourage familial de la personne positive, avec un accompagnement qui peut être quotidien, sur le plan tant sanitaire que social. Nous avons mis en place des possibilités d'accueil et d'hébergement dans des structures hôtelières pour les personnes qui ne peuvent pas être isolées dans de bonnes conditions chez elles.
L'accompagnement est très bien fait, et l'expérience nous permet de dire avec certitude que l'isolement contraint ne protège pas un pays d'une vague ; ce n'est pas la martingale.
Mme Laurence Harribey. - Lors d'une audition tenue ce matin devant la commission des affaires européennes, M. Pierre Delsaux, directeur général adjoint de la santé et de la sécurité alimentaire à la Commission européenne, en réponse à une question sur la possibilité pour la Commission d'assurer une plus grande transparence et un meilleur contrôle démocratique sur les contrats passés avec les laboratoires pour les vaccins, a répondu, dans le langage diplomatique de Bruxelles que vous connaissez bien, qu'il n'y avait pas de problème de transparence au niveau européen, mais plutôt à l'échelle des États. Qu'en dites-vous ?
Une communication de la Commission européenne a été diffusée hier en préalable à la réunion de ce soir. Il y est question de la préparation de deux règlements qui semblent avoir pour objet de donner plus de pouvoir à la Commission européenne en matière de coordination des plans de santé, d'approvisionnement en médicaments et de plans de vaccination. Selon M. Delsaux, au-delà de l'approvisionnement, la vraie question est la transparence sur les plans de vaccination. Qu'en pensez-vous ? Quelle sera la position du Gouvernement sur ces questions ?
M. Olivier Véran, ministre. - Sont accessibles à tout un chacun, en toute transparence, les critères de responsabilité des laboratoires qui produisent et vendent les vaccins ; les prix d'acquisition des vaccins par la Commission européenne ; les volumes acquis par la Commission européenne ; les délais et les rythmes de livraison de ces différents vaccins ; et l'ensemble des données scientifiques et médicales qui ont permis à l'EMA de valider et d'autoriser ces vaccins, en open data. Honnêtement, je ne sais pas ce qui manque !
M. Alain Richard. - Il manque bien quelque chose, et les personnes qui savent ce que c'est qu'un contrat public le comprennent parfaitement : quand il y a une mise en concurrence pour passer des contrats qui représentent, en l'occurrence, des dizaines de milliards d'euros, une partie des informations industrielles et commerciales fournies par chacun des candidats n'a pas à être rendue publique. Sinon, au prochain appel d'offres, cela fausserait la concurrence. Tous les responsables publics savent cela depuis des dizaines d'années, même si certains font semblant de continuer à s'étonner.
M. Olivier Véran, ministre. - Vous avez raison. Mais du point de vue du citoyen, si je me demande ce que j'ai besoin de savoir pour être rassuré, outre les prix, les volumes, les délais, les rythmes, les données et les critères de responsabilité appliqués aux laboratoires, j'ai beau chercher, je ne vois pas ce qui est susceptible de m'intéresser.
L'Europe est une chance pour la santé. C'est même une opportunité formidable. Or l'Europe a trop longtemps mis la santé de côté, considérant que c'était l'affaire des États. Les inégalités en matière de santé sont beaucoup trop importantes en Europe. Nous partageons la même monnaie, mais pas la même espérance de vie ! Il ne s'agit certes pas d'uniformiser les systèmes de protection sociale. Historiquement, la France a le système le plus protecteur, et c'est tant mieux, mais il y a de nombreuses coopérations que nous pouvons mener ensemble à l'échelle européenne en matière de politique sanitaire ou en termes de recherche et développement. D'ailleurs, la crise actuelle l'a confirmé. On disait depuis des années qu'il fallait que nous retrouvions de l'autonomie en matière de production de médicaments, d'approvisionnement en matières premières et en matériels de protection... Nous devons nous réindustrialiser pour retrouver notre souveraineté en matière de médicaments. Nous ne pouvons pas être dépendants de trois États dans le monde, la Chine, l'Inde et le Pakistan.
Il faut une stratégie européenne marquée en la matière. La présidence française de l'Union européenne s'ouvrira dans quelques mois, et il y a matière à bâtir sur plusieurs années un plan stratégique de coopération européenne en santé. Nos objectifs sont ambitieux, car je crois profondément que ce sera beaucoup plus efficace pour la population.
M. François-Noël Buffet, président. - Merci de votre intervention.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 11 h 50.