- Mercredi 25 novembre 2020
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Cohésion des territoires » - Crédits « Politique des territoires » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Écologie, développement et mobilité durable » - Crédits « Transition énergétique et climat » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Crédits « Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Cohésion des territoires » - Crédits « Aménagement numérique du territoire » - Examen du rapport pour avis
- Désignation des membres de la mission d'information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux
- Proposition de loi relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes français - Examen du rapport et du texte de la commission
Mercredi 25 novembre 2020
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 8 h 30.
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Cohésion des territoires » - Crédits « Politique des territoires » - Examen du rapport pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, la première partie de notre ordre du jour appelle l'examen de quatre avis budgétaires. Nous poursuivons notre travail sur le projet de loi de finances pour 2021. Nous abordons à présent la mission cohésion des territoires qui fait l'objet de deux avis « politique des territoires » et « aménagement numérique du territoire », qui est un nouvel avis.
Un autre volet relatif aux crédits relatifs à la « transition énergétique et au climat » du projet de budget pour 2021 permettra de conclure nos travaux sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Sur cet avis en particulier, je souhaiterais vous indiquer que le travail préparatoire du rapporteur François Calvet a mis en lumière la nécessité d'aborder la question des moyens mis à disposition du Haut conseil pour le climat (HCC), qui ne relèvent pas de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », mais de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Nous avons déjà eu l'occasion d'aborder cette question au sein de notre commission à l'occasion de nos travaux sur l'empreinte environnementale du numérique. L'expertise indépendante du HCC nous est précieuse pour évaluer la conformité des politiques publiques aux engagements climatiques de notre pays.
En conséquence, la commission désigne rapporteur pour avis M. François Calvet sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
Enfin, j'évoquerai un quatrième rapport pour avis qui concerne les crédits consacrés à la « recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables ».
Je cède la parole aux rapporteurs, qui ont excellemment travaillé dans des conditions qui restent délicates. Je salue notre collègue de la commission des finances, Bernard Delcros.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. - Comme chaque année depuis le budget 2018, je vous présente mon rapport pour avis sur les crédits dédiés aux politiques des territoires des programmes 112 et 162, qui concourent, avec une vingtaine d'autres programmes reliés à dix ministères, à la politique d'aménagement du territoire pour un total de 8,5 milliards d'euros.
Ces crédits sont majoritairement dédiés au fonds national d'aménagement du territoire (FNADT) pour le financement des contrats de plan État-Région et de programmes territorialisés. Ils couvrent également la subvention pour charges de service public de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) et des actions spécifiques à certaines parties de notre territoire financées à hauteur de 40 millions d'euros par an, dans le cadre du programme 162.
À cet égard, je note que l'action pour la reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire peine encore à trouver son dynamisme tandis que le plan chlordécone poursuit son action dans la lignée des annonces du Président de la République. Un premier plan a été lancé en 2008, suivi par trois plans, afin de lutter contre les contaminations provoquées par ce pesticide utilisé jusqu'en 1993 en Martinique et en Guadeloupe pour lutter contre le charançon dans les plantations de bananiers. Nous en sommes au 4e plan et l'objectif fixé par le Président de la République lors de son déplacement en Martinique en 2018 est d'aller vers le « zéro chlordécone » dans l'alimentation. Les moyens dédiés s'élèvent à 3 millions d'euros.
Je vous ferai part de quatre remarques principales avant de présenter l'amendement que je propose à la commission d'adopter concernant la prime d'aménagement du territoire, une fois encore.
D'abord, ce budget 2021 est difficilement lisible compte tenu de l'inscription de montants importants pour la politique d'aménagement du territoire dans la mission « Plan de relance », qui dépend du ministère de l'Économie. Ainsi, les crédits du programme 112 baissent de 15 % en autorisations d'engagement et de 5 % en crédits de paiement à 230 millions d'euros, mais en parallèle les AE demandées dans le plan de relance dépassent 150 millions d'euros pour le volet territorial des contrats de plan État-Régions, qui est d'ordinaire inscrit sur le programme 112.
Par ailleurs, les dotations d'investissement et d'équipement (DETR, DSIL, DCID, DPV) du programme 119 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » sont stables à environ 2 milliards d'euros pour 2021 dont 1,7 milliard d'euros, au total pour la DETR et la DSIL. Il faut également ajouter le milliard d'euros voté dans la troisième loi de finances rectificative (LFR3) qui abondera la DSIL pour 2020 et dont une partie des crédits sera reportée sur l'exercice 2021.
À ce total s'ajoutent des crédits du plan de relance, notamment la dotation régionale d'investissement à hauteur de 600 millions d'euros et plusieurs fonds fléchés sur des politiques spécifiques. Ainsi, ces nouveaux financements dépassent les deux milliards d'euros pour des politiques de cohésion et d'aménagement et je partage les priorités affichées : la rénovation thermique des bâtiments des collectivités, le recyclage des friches, l'amélioration de la résilience des réseaux électriques, la rénovation des commerces ou encore le renforcement des ouvrages d'art. Ce dernier sujet montre que l'alerte lancée par notre commission sur la sécurité des ponts a été entendue.
La ministre m'a assuré que le programme 112 retrouvera un niveau supérieur en 2022 et ses services devraient assurer la gestion directe de crédits du plan de relance, qui pourraient ensuite être inscrits dans la mission « cohésion des territoires ». En tout état de cause, une clarification s'imposera dès la fin de l'année 2021. Le plus important est que les crédits soient attribués rapidement et à une échelle territoriale fine compte tenu de l'ampleur des fractures territoriales qui demeurent.
Les députés ont adopté un amendement du Gouvernement qui constitue désormais l'article 59 du projet de loi de finances, pour recentrer la DETR sur les communes rurales, ce qui me semble positif pour faire vivre le « R » de DETR.
Je souhaite également que l'attribution des dotations soit la plus transparente possible pour les élus et que les parlementaires soient tenus informés, y compris en amont.
Deuxième remarque : la montée en puissance de l'ANCT se poursuit malgré les difficultés d'organisation liées à sa création et le contexte sanitaire qui ne facilite rien.
Les crédits d'ingénierie de l'ANCT doublent, de 10 à 20 millions d'euros, ce qui explique l'essentiel de la hausse de la subvention pour charges de service public versée à l'ANCT par le programme 112, qui atteindra 61 millions d'euros en 2021, soit environ les deux tiers de son budget. En 2020, 10 millions d'euros avaient été prévus pour le soutien à l'ingénierie : 4 millions d'euros ont été engagés et 2 millions d'euros ont été dépensés. La trésorerie permettra d'augmenter les soutiens en 2021.
Il est important que le budget de l'ANCT suive une trajectoire d'augmentation compte tenu des besoins en ingénierie des territoires sur lesquels nous insistons régulièrement auprès des ministres. Le succès de l'ANCT implique aussi de mobiliser efficacement ses partenaires pour déployer un puissant effet de levier. Les conventions pluriannuelles entre l'ANCT et ses partenaires (Ademe, Anah, Anru, Cerema) auxquelles j'ai eu accès sans que cette transmission passe par la voie officielle du secrétariat général du Gouvernement et que je tiens à votre disposition, sont plus ou moins précises sur la question des moyens.
Il faut maintenant que la méthode de l'agence se diffuse pour adapter le soutien de l'État aux besoins des collectivités et non l'inverse et que les opérateurs jouent le jeu de la coordination et de l'agglomération des moyens, pour une réponse publique efficace. Je sais que notre collègue Charles Guéné de la délégation aux collectivités territoriales y restera attentif. Il est l'auteur, avec notre ancienne collègue Josiane Costes, d'un récent rapport sur la mise en place de l'ANCT.
L'année 2021 sera un bon test. J'ai alerté la ministre, son secrétaire d'État et le directeur général de l'ANCT sur le risque de doublon entre les comités du plan de relance et les comités reliés à l'ANCT. Les mêmes interrogations leur ont déjà été adressées. J'espère qu'ils adresseront rapidement les instructions nécessaires.
Je souligne également le fait que les comités locaux de cohésion territoriale doivent être mis en place rapidement pour permettre un travail efficace dans les territoires. Le Gouvernement justifie le retard pris dans la mise en place de ces comités par la crise sanitaire et les élections municipales. Il faut accélérer.
Troisième élément : les programmes dédiés à la cohésion territoriale et à la lutte contre la désertification voient leurs crédits augmenter. Ainsi, le soutien du programme 112 au déploiement des maisons France Services augmente de 50 % à 28 millions d'euros, ce qui permettra de poursuivre le travail de maillage à un bon rythme. Aujourd'hui, 674 cantons sur 2 100 sont couverts. À l'heure actuelle, selon les indicateurs de performance, 80 % de la population est à moins de 30 minutes d'une maison France Services, par rapport à l'objectif initial de 85 % en 2020.
Les modalités de financement par l'État et les opérateurs partenaires ont été clarifiées, mais l'action de l'État pour renforcer l'accès aux services publics dans les territoires devra s'amplifier, y compris après cette phase de labélisation. Je rappelle que sur les 856 maisons « France Services » labélisées au 1er octobre, 540 maisons sont portées par des collectivités territoriales, ce qui démontre la volonté des collectivités de travailler avec l'État et d'être accompagnées financièrement pour renforcer l'accès aux services publics.
Par ailleurs, le plan « petites villes de demain » devrait mobiliser 3 milliards d'euros sur 5 ans via 30 partenaires. L'idée avait été lancée par l'agenda rural et devrait rencontrer du succès dans les territoires même si ces délais de mise en oeuvre doivent être maîtrisés, notamment pour la formalisation du projet de revitalisation avec les communes. Tous les établissements publics de coopération intercommunale bénéficieront du programme, soit jusqu'à 1 300 communes au total.
Je signale enfin à l'intention de mes collègues élus des territoires de montagne qu'en plus du programme spécifique de l'ANCT, annoncé par le Premier ministre et qui est en cours de constitution autour des thématiques du tourisme durable, de la transition climatique et de la rénovation des bâtiments, les villes de montagne seront également éligibles au programme « petites villes de demain ».
Je profite de ce sujet pour vous dire un mot de la réforme de la géographie prioritaire de la ruralité engagée entre l'Insee et l'ANCT en lien avec les associations d'élus locaux. Un consensus a été trouvé pour appliquer un critère démographique revisité qui permettra de définir positivement la ruralité et non par rapport à l'urbain, mais le travail doit se poursuivre pour définir des critères fonctionnels permettant d'appréhender les atouts et les besoins de chaque territoire.
Je demeurerai attentif à ce sujet tout comme l'est mon collègue Rémy Pointereau. La prorogation votée jusqu'en 2022 à l'Assemblée nationale pour les principaux zonages ne constitue qu'une étape pour déterminer l'avenir des dispositifs de soutien à l'attractivité des territoires ruraux. Cette prorogation est inscrite à l'article 54 ter du projet de loi de finances. Les services de la commission travaillent pour engager un marché d'étude qui permettra de tester les critères proposés par le rapport de notre commission et de la commission des finances.
Dernier sujet, et je le regrette, le Gouvernement s'apprête à enterrer définitivement la prime d'aménagement du territoire (PAT), alors qu'elle rencontre toujours un réel succès.
À titre d'illustration, la part des petites et moyennes entreprises dans les bénéficiaires est passée de 31 à 58 % en 2019 et le programme n'a pas pu satisfaire toutes les demandes qui lui ont été adressées !
Pour 2021, seuls 22 millions d'euros de CP sont inscrits et aucune AE alors même que certains zonages comme les zones d'aide à finalité régionale (AFR) viennent d'être prorogés jusqu'au 31 décembre 2022 et que l'implantation dans une telle zone est une des conditions d'accès à la prime d'aménagement du territoire.
La fin de la PAT, programmée par décret pour 2020, devrait être alignée sur la fin de son zonage support. Aussi, comme le rapporteur spécial de la commission des finances, je vous proposerai un amendement visant à augmenter les crédits de la PAT pour 2021, comme l'an dernier.
Le Gouvernement a décidé de changer de logique d'intervention à travers le programme « Territoires d'industrie » qui doit associer les élus et les entrepreneurs pour cibler 148 projets à déployer dont 60 à court terme dits « clés en main » pour lesquels les procédures d'urbanisme et environnementales sont déjà traitées. Le plan de relance renforcera ce programme avec une enveloppe totale de 400 millions d'euros pour accompagner les relocalisations industrielles stratégiques, dont environ 100 à 150 millions d'euros dès 2021. La plupart des sites industriels à haute valeur ajoutée sont implantés en zones rurales et ce programme est une opportunité pour de nombreux territoires.
Avant de conclure, je souhaitais dire un mot sur le compte d'affectation spéciale dédié au financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ).
Il y a eu une inquiétude au sujet du périmètre d'intervention du FACÉ du fait des évolutions de la carte intercommunale : 120 communes nouvelles de plus de 5 000 habitants correspondant à 620 communes historiques dont 458 bénéficiant des aides actuellement, auraient pu en être exclues.
Les députés ont adopté un amendement du Gouvernement, qui constitue désormais l'article 64 du projet de loi de finances, pour sécuriser le bénéfice du fonds aux communes nouvelles pour la partie ou les parties de leur territoire qui y étaient éligibles avant la fusion jusqu'en 2026. Les conditions de cette dérogation, prévue jusqu'aux prochaines élections municipales, seront précisées par décret en Conseil d'État.
Au-delà, le FACÉ est stable en 2021 à 360 millions d'euros et deux nouvelles actions sont créées pour la transition écologique et des projets innovants même si elles sont faiblement dotées.
Voilà mes chers collègues, les principaux éléments dont je souhaitais vous faire part. Compte tenu du renforcement des moyens de l'ANCT et du programme France Services ainsi que des sommes importantes prévues par le plan de relance pour les politiques des territoires, je propose à la commission d'émettre un avis favorable avec des réserves pour l'adoption des crédits des programmes 112 et 162 et du FACÉ.
Je rappelle les trois réserves principales que j'ai exprimées : le manque de lisibilité du plan de relance et la nécessité de rehausser les crédits des programmes 112 et 162 pour 2022, afin de régulariser les mesures prévues par le plan de relance dans le cadre des programmes budgétaires de droit commun ; une inquiétude sur la territorialisation du plan de relance et la mise en place des comités locaux de l'ANCT ; enfin, la prime d'aménagement du territoire et le soutien direct aux installations industrielles. Je vous remercie.
Mme Martine Filleul. - Je partage les analyses de notre rapporteur. Je vous ferai part de trois sources d'inquiétudes.
La première concerne l'ANCT. Cette force de frappe des territoires ne nous semble pas dotée des moyens suffisants pour pouvoir effectivement mettre en application le plan de relance sur tous les territoires et nous considérons que cet outil doit absolument prendre son envol et réaliser les objectifs que l'État veut donner aux territoires.
Un deuxième sujet d'inquiétude concerne l'application territoriale du plan de relance, à laquelle vous avez-vous-même fait référence. Aujourd'hui, 100 milliards sont prévus, mais on ne sait pas exactement quels territoires seront soutenus et comment, ni qui va les aider effectivement à répondre aux appels à projets.
Enfin, le troisième sujet d'inquiétude concerne le contrat de présence postale. Vous n'êtes pas sans savoir que la réforme fiscale fait que la mission d'aménagement du territoire de La Poste va être privée de 65 millions d'euros, ce qui veut dire que La Poste va devoir se désengager, en particulier des zones les plus éloignées, comme les zones de montagne et les zones rurales. Un accord devait être trouvé entre le Gouvernement et La Poste, en tout cas ce sont les assurances qu'on nous avait données. Finalement, le ministre Olivier Dussopt a annoncé que ce n'est pas encore le cas. Je souhaitais attirer l'attention de la commission sur cette question grave, qui concerne l'aménagement du territoire.
M. Bernard Delcros. - Merci, monsieur le président, de votre invitation. Nous nous sommes déjà rencontrés, avec le rapporteur pour avis, lors de l'examen de cette mission à la commission des finances.
Cette mission cohésion des territoires comprend deux grands volets : un volet qui concerne plus particulièrement la ville, avec la politique de la ville, et un volet qui concerne la ruralité, avec les programmes 112 et 162. Au sein de la commission des finances, nous avons partagé cette mission avec M. Philippe Dallier, qui s'occupe de la politique de la ville et moi, de la ruralité.
Je ne reviendrai pas sur la présentation qu'a faite votre rapporteur et que je partage. En complément, je dirais que l'analyse que nous faisons à la commission des finances m'amène à faire quelques observations. Nous voterons également ces crédits, avec des réserves proches de celles qui ont été évoquées.
D'abord, un volet positif, avec quelques avancées. La politique contractuelle de l'État est renforcée, notamment avec une augmentation importante des crédits rattachés aux CPER, mais aussi avec une nouvelle génération de contrats de ruralité, même si le nom va changer. Ce n'était pas gagné ; j'avais moi-même fait un rapport l'année dernière pour solliciter une seconde génération de ces contrats, qui avaient été mis en place pour la première fois en 2017. Aujourd'hui, c'est acté avec la mise en place des « contrats de relance et de transition écologique » (CRTE) et c'est un point positif.
Deuxième avancée : le programme « Petites villes de demain ». En 2018 a été mis en place le programme « Action coeur de ville », sauf qu'étant donné l'existence d'un critère de nombre d'habitants, dans nos départements ruraux la quasi-totalité des bourgs-centres se sont retrouvés exclus du dispositif alors qu'ils jouent un vrai rôle de centralité et de pôle de services sur tout un territoire rural alentour. On a défendu l'idée que le critère démographique, le nombre d'habitants, n'était pas adapté à la réalité du terrain. On peut ainsi avoir des villes périurbaines qui ont beaucoup d'habitants, mais qui ne jouent pas ce rôle de centralité et des petits bourgs ruraux qui ont moins de 1000 habitants, mais qui ont un vrai rôle d'offre de service pour 10 ou 15 communes rurales tout autour. Ce programme « petites villes de demain » n'utilisera pas ce critère, ce qui est une avancée, et je pense qu'il faut étendre ce raisonnement et cette approche à d'autres programmes.
Cela me conduit à dire un mot sur les crédits à ingénierie dédiés à l'ANCT, qui vont précisément permettre de financer l'ingénierie du programme « Petites villes de demain ». Ce sera cohérent avec la nouvelle génération de contrats de ruralité, les CRTE. Les crédits à ingénierie ont doublé pour l'ANCT, de 10 millions à 20 millions, au sein du programme 112, et le plan de relance prévoit 20 millions d'euros de plus pour ce programme. À cet égard, je partage ce qui a été dit sur la dispersion des crédits et le manque de lisibilité de ce budget.
On demandait de longue date des crédits pour l'ingénierie territoriale, cette année il y a donc une avancée dans ce domaine. L'ingénierie doit être sur les territoires, dans les intercommunalités, pour qu'elles puissent monter en compétences et être mieux armées pour capter des financements et mettre en place des politiques de développement territorial. Ces enveloppes d'ingénierie permettront de financer des postes de chefs de projets à l'échelle des territoires.
Sur les maisons France Service, on passe de 18 millions à 28 millions d'euros, c'est une bonne nouvelle. L'idée est d'en avoir une par canton, mais je pense que certains cantons méritent d'en avoir plus d'une, avec l'agrandissement des périmètres des cantons. En tout cas, la logique consistant à fédérer des services en proximité est positive.
Néanmoins la question du financement du fonctionnement de ces maisons va se poser. Je ne parle pas de l'investissement. Aujourd'hui l'aide de l'État et du fonds interopérateurs est à 30 000 euros, ce qui était déjà le cas avant, pour les maisons de services au public (MSAP). Parfois on développe de nouveaux services et on y transfère des services autrefois gérés par l'État, comme ce fut le cas pour les trésoreries. La question se pose donc de l'adéquation entre cette enveloppe de 30 000 euros, qui est un montage intéressant, avec les charges qui incombent à ces maisons « France Services ».
Ce programme 112 comporte aussi les dépenses fiscales attachées aux zonages de soutien à l'attractivité des territoires ruraux, pour environ 600 millions d'euros. Là aussi, il y a eu une belle avancée, avec la prorogation des zonages et notamment des zones de revitalisation rurale (ZRR). Nous avons un travail avec Rémy Pointereau sur ce sujet, qu'il connaît parfaitement. La prorogation pour deux ans du dispositif était notre demande l'année dernière, ainsi que pour les zones d'aides à finalité régionale, qui sont importantes, car elles permettent d'apporter une aide directe aux entreprises. Quand on regarde la configuration des départements, on voit qu'il y a des communes exclues du zonage ZRR, mais qui en revanche sont dans les AFR. Ces deux dispositifs sont donc complémentaires, au service de l'activité économique.
Nous avons adopté un amendement à l'unanimité à la commission des finances, qui est une mesure de cohérence. Comme le zonage AFR est prorogé de deux ans, il est logique que la prime d'aménagement du territoire, adossée à ce zonage, soit prorogée. Elle était programmée pour s'éteindre cette année, ce qui était cohérent avec le zonage AFR arrivant à échéance. Dans la mesure où le zonage est prorogé, il est important d'aligner et de proroger la PAT. Nous avons donc adopté un amendement pour alimenter les AE à hauteur de 10 millions d'euros, qui sont à zéro dans le projet de budget, et pour compléter les crédits de paiement. Si cet amendement passe et qu'il trouve du succès dans le parcours parlementaire du budget, on aurait une cohérence entre les zonages AFR et la PAT.
Dans les points moins satisfaisants, je rejoins ce qui a été dit, il y a une dispersion des crédits attachés à l'aménagement du territoire et, pire que cela, une dispersion des crédits dédiés à la politique contractuelle de l'État avec les territoires, qui s'aggrave cette année.
Les crédits CPER sont doublés, donc cela va dans le bon sens. En revanche, ces crédits étaient auparavant intégralement inscrits dans le programme 112, et sont désormais dispersés entre ce programme et la mission « plan de relance ».
Pour les contrats de ruralité, c'est la même chose. Quand ils ont été créés en 2017, avec une enveloppe de 216 millions d'euros, ils étaient inscrits sur le programme 112. Au fil du temps, ces crédits ont, pour partie, glissé sur le programme 119 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », et au final ce ne sont plus des crédits dédiés mais des crédits de droit commun. Avec cette dispersion des crédits dédiés à la contractualisation État-collectivités, on perd de la visibilité, de la cohérence et de l'efficacité. Cela s'accentue avec le plan de relance. On aurait intérêt à rassembler les crédits de la politique contractuelle de l'État dans une même mission, la mission « Cohésion des territoires ».
J'ai un regret : la disparition du terme « ruralité » des contrats de ruralité, dont la nouvelle génération sera des « contrats de relance et de transition écologique ». Je peux le comprendre, on est au coeur des problématiques de relance. Je trouve cela dommage même si ça ne change rien sur le fond. Ce n'est pas un bon message à envoyer à la ruralité à un moment où elle trouve toute sa place dans le débat public. Il est important de retrouver ce terme et, au-delà, comme l'a dit le rapporteur, de rapatrier les crédits sur le programme 112 dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de relance. Nous sommes en phase avec votre rapporteur pour avis.
M. Jean-François Longeot, président. - Merci, Monsieur le vice-président, pour la qualité de vos propos, la richesse de vos explications et le pragmatisme dont vous faites preuve.
M. Bruno Belin. - Au sujet des maisons « France Services » : le rapport mentionne que 95 % d'entre elles seront accessibles à moins de 30 minutes en 2021. Je ne sais pas si nous pouvons nous en satisfaire, parce que 30 minutes, c'est énorme dans certains territoires ruraux ! Pour la ruralité telle que je la connais, avec 20 habitants au kilomètre carré et avec une population âgée, 30 minutes, c'est en effet énorme. Il est temps d'avoir une véritable ambition pour l'aménagement du territoire, en s'appuyant davantage sur des critères tels que nombre d'habitants, et leurs services que sur la notion de bassins de vie. Je suis en phase avec ce qui a été dit. Il s'agit d'un sujet d'avenir, tout comme la ruralité est un sujet d'avenir. La ruralité c'est l'espace et c'est ce qu'ont voulu nos concitoyens en avril-mai. C'est une vraie chance, mettons en avant l'aménagement de cet espace, qui est attendu.
Enfin au sujet des DETR: il faut un vrai travail, en lien avec la commission des finances. Je le vois dans mon département, des communautés urbaines sont éligibles et prennent plus de la moitié des enveloppes DETR. Il faut peut-être mettre un critère de potentiel fiscal, de potentiel financier pour faire en sorte que cette forte enveloppe attribuée aux territoires soit fléchée là où il y en a vraiment besoin, c'est-à-dire sur les communes rurales. La désertification est un vrai sujet et c'est une chance d'avoir cet espace : nous devons y travailler.
M. Rémy Pointereau. - Je félicite le rapporteur Louis-Jean de Nicolaÿ, qui a beaucoup de chance, car cela fait huit ans que les crédits de la cohésion territoriale n'avaient pas été augmentés. Il aura fallu la crise des « gilets jaunes », puis cette crise sanitaire pour que l'on comprenne enfin que la ruralité avait un sens et qu'il fallait lui attribuer des crédits supplémentaires.
Concernant les « Petites villes de demain », je rappelle que c'est grâce au Sénat que nous avons obtenu que le programme « Action coeur de ville » puisse bénéficier à l'ensemble des coeurs de bourgs, de villages, en votant à l'unanimité le pacte de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. Nous avons réussi à intégrer douze articles de ce texte dans la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN). C'est ainsi qu'est née l'opération « Petites villes de demain ». J'aimerais savoir quels sont les crédits fléchés véritablement sur ce programme, car il n'est pas question de retirer des crédits susceptibles de pénaliser d'autres opérations, en prélevant sur la DETR ou la DSIL.
Au sujet des ZRR, nous avons obtenu satisfaction avec Bernard Delcros et notre collègue Frédérique Espagnac via ce report de deux ans. Il faut maintenant travailler et préparer la suite. Nous avons prévu des crédits d'étude, pour une mission qu'il faudrait démarrer le plus vite possible pour ne pas être dans l'urgence comme c'est souvent le cas avec ce zonage depuis des années. Il y a des problèmes de périmètre, car il faut maintenant que l'ensemble de l'intercommunalité soit hors ZRR ou en ZRR, ce qui pénalise beaucoup de territoires, car ces communautés de communes sont de plus en plus grandes et à l'intérieur de celles-ci il y a des communes en grande difficulté.
Il faudra étudier ce zonage avec plusieurs critères différents comme nous l'avions envisagé pour classer les territoires en ZRR1 / 2 / 3 et faire avancer ce projet qui est un formidable atout de relocalisation économique et industrielle.
Je suis favorable à un aménagement du territoire équilibré et la relocalisation doit aller vers tous les territoires ruraux, en priorité ceux en difficulté, où l'on peut faire produire des éléments sans une main d'oeuvre trop spécialisée. Je souhaite que ces ZRR puissent servir à relocaliser des industries parties au loin, y compris à l'international.
Il y aura donc un travail à faire et je suis d'accord avec notre collègue Bernard Delcros pour dire que cette politique de la ruralité est illisible : elle est dispersée, dans des fonds répartis à travers les ministères et il faudrait resserrer ces crédits sur une enveloppe consacrée à la ruralité comme nous le disons depuis des années.
M. Jean-François Longeot, président. - Il y a effectivement des crédits d'étude et un appel d'offres va être lancé pour retenir un cabinet.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. - Merci pour vos questions et remarques et à notre collègue Bernard Delcros d'avoir clarifié les inquiétudes que nous avons tous sur la politique de l'aménagement du territoire. Nous souhaitons que chaque territoire comprenne là où il peut se développer, là où il peut être aidé, et comment l'ensemble des opérateurs de l'État peuvent l'aider.
Madame Filleul, sur les inquiétudes concernant l'ANCT, nous les avons tous. Nous espérons que 2021 sera l'année qui permettra à cette agence de coordonner l'ensemble des politiques des grands opérateurs sur le territoire et apporter un soutien financier et surtout humain aux territoires qui ont des projets. Nous espérons une dynamique ascendante et non pas descendante, conforme à la promesse initiale du Gouvernement et à notre demande de longue date. Je rappelle que notre rapport de 2017 Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité mettait l'accent sur ce point. Normalement, avec l'ANCT, ce sont les territoires qui proposent des sujets d'aménagement du territoire et qui reçoivent un soutien adapté.
Sur l'application du plan de relance, des sous-préfets à la relance aideront les services déconcentrés. J'espère que cela sera efficace.
Je rappelle que la Banque des Territoires apporte 9 millions d'euros en plus au budget de l'ANCT pour financer des postes de chefs de projet dans le cadre du programme « Petites villes de demain ». Je suis néanmoins d'accord qu'il faudra renforcer les moyens de l'ANCT à l'avenir.
Sur La Poste, c'est un vrai sujet. Le secrétaire d'État Joël Giraud nous a rassurés en commission : un amendement doit intervenir pour abonder le fonds postal, on verra comment cela évolue. Cela me paraît en effet extrêmement important de maintenir la présence de La Poste sur tout le territoire et notamment les territoires ruraux. Les agences postales communales, à partir de mon expérience dans la Sarthe, fonctionnent bien aujourd'hui. Il y a eu beaucoup de réticence au début, lorsqu'il a fallu transformer La Poste en APC, mais finalement dans les communes, où elles sont souvent adossées à la mairie, elles permettent à la mairie d'avoir de nouveau ce rôle de présence sur le territoire. Nous resterons vigilants sur ce sujet.
Sur les « Petites villes de demain », il y a de nombreux financeurs. Le rôle de l'ANCT, qui sera en charge de cette politique, est de coordonner les financeurs : Anah, Cerema, Agence du numérique... Ces financeurs apporteront des soutiens. En outre, il y a une ligne de 20 millions d'euros dans le cadre du plan de relance, avec en complément 9 millions d'euros de la part de la Banque des Territoires comme je le disais, pour abonder le budget de l'ANCT.
Ce qui nous inquiète, c'est l'instabilité : on a arrêté les contrats de ruralité pour passer aux CRTE, que va-t-on inventer prochainement ? Ce que je demande, c'est qu'une fois pour toutes le Gouvernement définisse une politique de l'aménagement du territoire, sans rajouter tous les 3-4 ans de nouveaux contrats ou en annuler certains, puisqu'il s'agit des mêmes dossiers avec des critères et choix différents. C'est au total 3 milliards d'euros qui seront mis à disposition pour ce programme mais aussi avec des crédits budgétaires recyclés.
Je partage, monsieur Belin, vos remarques : les 30 minutes sont un maximum, et j'espère qu'on sera, dans certains territoires, largement en-deçà de 30 minutes pour les maisons « France Services ». Je rappelle également que la première maison « France Services » c'est la mairie. C'est sans doute la meilleure. Il faut ensuite coordonner avec les maisons « France Services » pour qu'elles apportent aux mairies les soutiens qui leur sont nécessaires.
Bien évidemment, la notion de bassin de vie est la plus pertinente mais l'organisation est faite territorialement à partir des compétences des collectivités. Il est difficile de modifier les choses. Il est vrai que les cantons correspondent de moins en moins aux bassins de vie et qu'il faut s'intéresser au rôle de centralité des communes mais cela dépend des territoires.
Je suis d'accord sur la notion de ruralité et la DETR : le « R » est extrêmement important et la DSIL peut aussi être une solution.
Je rejoins les propos de M. Pointereau et le remercie pour son travail, ainsi que celui de M. Delcros, sur les ZRR. Notre rôle est d'être vigilant à ce que les crédits soient le mieux affectés et le plus rapidement possible pour les territoires ruraux, plutôt que d'être captés par des villes qui ont déjà les services d'ingénierie, qui peuvent déjà agir sans soutien supplémentaire.
M. Jean Bacci. - Je voudrais attirer l'attention de la commission sur un sujet qui impacte un certain nombre de communes mais dont on ne parle pas. Beaucoup de crédits seront mis à disposition de la ruralité, qui est une bonne chose même si nous ne connaissons pas encore les critères d'attribution de cet argent. Il faudra veiller à prendre en compte la richesse des territoires. Aujourd'hui, les communes qui ont des bases fiscales élevées et qui ont des taux plus bas, en gérant raisonnablement leurs ressources pour que leurs concitoyens ne paient pas plus d'impôts que leurs voisins, se voient qualifiées de territoires riches et perdent leurs dotations, comme la mienne a perdu la DGF. En plus, elles cotisent au fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). L'argent collecté par les impôts locaux permet d'abonder le fonds de compensation mais pas de faire de l'autofinancement pour effectuer des projets. Je ne suis pas le seul dans ce cas-là dans le Var.
M. Bernard Delcros. - Je souhaite revenir brièvement sur La Poste. Les baisses de recettes fiscales notamment dues à la crise vont impacter l'enveloppe que La Poste attribue à sa mission d'aménagement du territoire, qui est d'environ 160-170 millions d'euros. Si La Poste met en place cette politique d'aménagement du territoire, ce n'est pas sur ses crédits mais grâce à la fiscalité d'État, des exonérations fiscales d'État. Je participe demain à une réunion de la commission supérieure du numérique et des postes, où nous sommes saisis sur la question du coût de la mission d'aménagement du territoire de La Poste. Denise Saint-Pé y participe également et ce sujet sera évoqué demain.
Nous devons absolument arriver à des solutions et que le Gouvernement, comme il a pu compenser les pertes de recettes fiscales des collectivités, à travers la loi de finances rectificative votée en juillet, compense la perte de recettes fiscales de La Poste attachées à sa mission d'aménagement du territoire.
M. Jean-François Longeot, président. - Monsieur le rapporteur, vous avez un amendement à présenter.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. - Mon amendement vise à augmenter les crédits de la prime de l'aménagement du territoire de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 4 millions d'euros en crédits de paiement, pour atteindre au total les 26,5 millions d'euros en crédits d'impôts pour 2021. Par convention, cette hausse est compensée par un prélèvement sur l'action 4 « Réglementation politique technique et qualité de construction » du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat ». L'objectif est que le Gouvernement lève le gage sur cette convention.
La commission adopte à l'unanimité l'amendement DEVDUR.1.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux politiques des territoires de la mission « Cohésion des territoires », sous réserve de l'adoption de son amendement.
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Écologie, développement et mobilité durable » - Crédits « Transition énergétique et climat » - Examen du rapport pour avis
M. François Calvet, rapporteur pour avis sur les crédits « Transition énergétique et climat » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Il me revient de vous présenter mon avis sur les crédits prévus, dans le budget 2021, en faveur de la transition énergétique et du climat.
Compte tenu de l'ampleur du sujet, qui recouvre des problématiques extrêmement larges, j'ai choisi de concentrer mon propos sur quatre thématiques : le soutien prévu en faveur du développement des énergies renouvelables, le plan hydrogène, la politique de lutte contre la pollution de l'air et les aides à la rénovation énergétique des logements.
Comme vous le savez, nos objectifs de développement des énergies renouvelables sont particulièrement ambitieux. Aux termes de l'article L. 100-4 du code de l'énergie, la politique énergétique nationale a notamment pour objectif de porter la part des énergies renouvelables à 33 % au moins de la consommation finale brute d'énergie d'ici 2030.
Cet objectif apparaît d'autant plus ambitieux que nous avons déjà pris du retard et que nous n'arriverons sans doute pas à réaliser notre objectif intermédiaire, qui consiste à porter cette part à 23 % d'ici 2020 : fin 2019, elle s'élevait à 17,2 %. La France est d'ailleurs l'un des pays les plus en retard dans l'atteinte de ses objectifs pour 2020.
Dans ce contexte, un soutien accru au développement des énergies renouvelables, électriques et thermiques, est plus que jamais nécessaire. C'est d'ailleurs pourquoi je vous présenterai un amendement visant à supprimer le dispositif proposé par le Gouvernement pour réviser d'anciens contrats photovoltaïques.
En ce qui concerne les moyens de cette politique, le budget pour 2021 prévoit 5,68 milliards d'euros au titre du soutien aux énergies renouvelables électriques, soit plus de 900 millions d'euros de plus que l'année précédente. Cette évolution s'explique par le développement du parc, mais aussi, plus mécaniquement, par la baisse importante des prix de marché de l'électricité. S'agissant des énergies renouvelables thermiques, 350 millions d'euros sont prévus pour le « Fonds chaleur » et le plan de relance prévoit un soutien à la chaleur bas-carbone des entreprises industrielles de 500 millions d'euros sur deux ans.
Le développement de l'hydrogène bas-carbone constitue par ailleurs un des axes importants du plan de relance. Je salue l'accroissement considérable des moyens publics qui lui sont alloués : alors que la première stratégie nationale pour un hydrogène bas-carbone de 2018 n'avait pas mobilisé plus de 100 millions d'euros sur trois ans, le plan de relance dédie à la filière hydrogène prévoit 2 milliards d'euros pour les années 2021 et 2022, qui seront portés à 3,4 milliards en 2023 pour finalement atteindre 7,2 milliards en 2030. Il s'agit incontestablement d'un des axes les plus ambitieux du plan de relance, alliant défense de la souveraineté économique et énergétique de notre pays et engagement déterminé à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
Je rappelle rapidement les trois principaux objectifs de la stratégie : le premier est d'installer suffisamment d'électrolyseurs pour apporter une contribution significative à la décarbonation de l'économie, l'idée du Gouvernement étant de soutenir autant l'offre via un appui au développement d'usines d'électrolyse, et la demande, via un mécanisme de complément de rémunération, déjà à l'oeuvre pour soutenir le développement des énergies renouvelables. Le deuxième objectif est de développer les mobilités propres en particulier pour les véhicules lourds. Le dernier objectif est de renforcer l'efficacité des électrolyseurs et des piles à combustible via un soutien accru à la recherche et développement (R&D).
Ces motifs de satisfaction n'écartent pas les nombreux défis qui devront être relevés pour faire de la stratégie une réussite économique et environnementale. L'hydrogène bas-carbone devra tout d'abord combler le différentiel de compétitivité avec l'hydrogène « gris ». À cet égard, le soutien envisagé dans le plan de relance pourrait être insuffisant, sans tarification appropriée du CO2. La réussite du plan hydrogène dépendra également de la capacité à assurer une production suffisante et stable d'énergie décarbonée : la bonne articulation entre la stratégie hydrogène et la trajectoire d'évolution des énergies renouvelables dans le mix énergétique constituera un nécessaire point d'attention.
Le troisième sujet que je souhaiterais aborder est celui de la lutte contre la pollution de l'air. La pollution de l'air constitue un problème de santé publique majeur en France, responsable de 48 000 décès prématurés par an. Cela fait des années que les normes de qualité de l'air ne sont pas respectées dans plusieurs agglomérations. Ces dépassements chroniques ont conduit à ce que des contentieux soient engagés contre l'État au niveau européen et au niveau national, qui pourraient bientôt déboucher sur des sanctions financières importantes.
Au plan européen, la France a été condamnée l'année dernière par la Cour de Justice de l'Union européenne pour non-respect des valeurs limites relatives au dioxyde d'azote dans 12 zones. Et la Commission européenne vient de saisir à nouveau la Cour de Justice, cette fois en raison des concentrations de particules fines PM 10 trop importantes à Paris et en Martinique.
Si la Cour considère que la France n'a pas pris des mesures suffisantes pour permettre de réduire les concentrations de polluants, elle pourrait lui infliger une amende de 100 millions d'euros la première année, puis 90 millions d'euros par année de dépassement.
Au niveau national, le Conseil d'État a ordonné cet été à l'État de prendre des mesures pour réduire la pollution de l'air dans 8 zones sous peine d'une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard. Dans sa décision, le Conseil d'État considère que les feuilles de route pour la qualité de l'air qui ont été élaborées en 2018 sont insuffisantes, car elles ne comportent ni estimation de l'amélioration de la qualité de l'air attendue ni précision sur les délais de réalisation de leurs objectifs.
C'est exactement ce qu'avait pointé du doigt notre commission dans un rapport d'information sur la lutte contre la pollution de l'air réalisé par notre ancienne collègue Nelly Tocqueville en avril 2018.
Il est temps que l'État prenne de nouvelles mesures ambitieuses, précises et évaluées de lutte contre la pollution de l'air, en procédant si besoin à une révision anticipée des plans de protection de l'atmosphère.
Pour terminer, je souhaiterais aborder la question des aides à la rénovation énergétique des logements. La loi de finances pour 2020 a décidé la transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime directe versée aux ménages qui réalisent des travaux de rénovation énergétique. Depuis le 1er janvier 2020, cette prime, appelée « MaPrimeRénov' », bénéficie aux ménages modestes et très modestes pour les travaux de rénovation énergétique qu'ils effectuent dans les logements dont ils sont propriétaires et qu'ils occupent à titre de résidence principale.
Les autres ménages continuent à bénéficier du CITE cette année, à l'exception des ménages les plus aisés qui sont exclus du dispositif, sauf pour les dépenses d'isolation des parois opaques et d'acquisition et de pose d'un système de charge pour véhicule électrique qu'ils effectuent. À compter du 1er janvier 2021, le CITE sera supprimé en totalité.
Notre commission avait salué cette réforme, qui permet de soutenir directement les ménages qui réalisent des travaux par le versement d'une prime. Mais elle s'était inquiétée de la suppression du crédit d'impôt pour les ménages aisés, qui sont ceux qui réalisent le plus de travaux de rénovation.
Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a décidé d'élargir le bénéfice de la prime à l'ensemble des propriétaires occupants ou bailleurs, quels que soient leurs revenus, ainsi qu'aux copropriétés pour les travaux réalisés dans les parties communes. Par ailleurs, le montant de la prime est bonifié lorsque les travaux permettent des gains énergétiques importants.
Deux milliards d'euros supplémentaires sont prévus sur deux ans pour accompagner l'élargissement de ces aides, qui s'ajoutent aux 740 millions d'euros prévus par la mission « Écologie » pour l'année prochaine.
Nous pouvons saluer cette augmentation importante des moyens dédiés à la rénovation énergétique des logements, qui va dans le sens de ce que notre commission avait souhaité l'année dernière.
Il conviendra de dresser rapidement un bilan du nombre de travaux de rénovation qui sont encouragés grâce à cette prime et des gains énergétiques qu'ils permettent. Au regard des objectifs très ambitieux de rénovation du parc de logements privés prévus par la loi, il sera nécessaire de maintenir un haut niveau d'investissement au-delà des deux prochaines années couvertes par le plan de relance. Le bâtiment est l'un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre et les travaux de rénovation permettent des gains de pouvoir d'achat pour les ménages et sont sources de création d'emplois non délocalisables. Ils sont donc bons pour l'économie et pour le climat.
Je vous proposerai par ailleurs un amendement visant à augmenter les moyens alloués au Haut conseil pour le climat (HCC) afin de lui permettre d'exercer pleinement son rôle d'expertise au service du Parlement. Les difficultés à répondre à la demande adressée par le président du Sénat afin évaluer l'impact environnemental de la 5G a mis en lumière l'insuffisance des effectifs du HCC.
Voilà les principaux éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. Compte tenu des crédits importants qui sont prévus pour le plan hydrogène et pour la rénovation énergétique des logements, et malgré les quelques réserves que j'ai pu exprimer, je vous propose d'émettre un avis favorable sur les crédits relatifs à la transition énergétique et climatique.
Mme Christine Herzog. - Ma question concerne « MaPrimeRénov' », qui remplace le crédit d'impôt pour la transition écologique. Son objectif de promouvoir la rénovation énergétique des bâtiments est louable, mais des oubliés demeurent comme les Sociétés civiles immobilières (SCI), ainsi que les résidences secondaires et les propriétaires en nue-propriété, tous non éligibles à la prime. La rénovation des résidences secondaires, souvent situées en milieu rural, permettrait pourtant de dynamiser l'artisanat local. Que pensez-vous de ces exclusions, alors que la prime pour les ménages sera versée sans condition de ressources ?
Mme Angèle Préville. - Je salue l'amendement du rapporteur concernant les moyens du Haut conseil pour le climat. Je souhaite évoquer un sujet qui n'a pas été abordé : l'accompagnement que le pays doit aux territoires touchés par les fermetures des centrales à charbon et des centrales nucléaires. Cela a été évoqué hier dans l'hémicycle : certains territoires se trouvent en désespérance en raison de ces fermetures, n'ont pas été suffisamment accompagnés. La transition écologique ne doit pas se traduire par des décisions de fermeture, sans qu'une planification sur le long terme et un accompagnement fort soient mis en place.
S'agissant de la rénovation thermique, comme je l'avais signalé lors de l'audition de la ministre Barbara Pompili, nous avons des inquiétudes sur le programme de rénovation thermique des logements. Au rythme actuellement prévu, il nous faudra une quinzaine d'années pour résorber les passoires thermiques.
Enfin, concernant l'hydrogène, et l'hydrogène vert, nous avons un industriel de niveau international en France, Airbus, qui a fait des annonces sur son futur avion à hydrogène. La grande question est de savoir si l'hydrogène vert sera disponible en quantité suffisante pour permettre le développement de cet avion. Nous devons être à la pointe pour garantir une telle production. Nous nous situons un peu en dessous des crédits prévus en Allemagne pour soutenir le développement de l'hydrogène. Il s'agira d'être vigilant à ce que le Gouvernement tienne ses engagements, mais que peut-être pourrions-nous aller plus vite et plus fort que ce qui est prévu.
M. Jean-Michel Houllegatte. -Ma première remarque concerne le compte d'affectation spéciale sur la transition énergétique, qui a disparu. Nous connaissons les raisons qui ont motivé cette suppression, notamment le rapport de la Cour des Comptes qui stipulait qu'il y avait un décalage entre les recettes et les dépenses, dans la mesure où ce compte était alimenté par la TICPE. Dispose-t-on néanmoins d'une vision globale de l'ensemble des coûts engendrés par la transition énergétique ? Il est évident que le soutien aux énergies renouvelables, qui représente 5,684 milliards d'euros, est en augmentation, du fait notamment que la production d'énergies renouvelables ne peut pas être pilotée ; il y a donc parfois des pics de production. On a connu cette année des prix négatifs sur le marché de l'énergie, ce qui induit une augmentation du delta financé par l'État. Au-delà du soutien aux énergies renouvelables il existe également des coûts induits par l'interconnexion des réseaux et par l'intermittence, des coûts liés aux fermetures des centrales, et des coûts liés au raccordement des énergies renouvelables. Je pense notamment à l'éolien offshore, dont le raccordement est maintenant pris en charge par RTE, et qui va donc se retrouver d'une certaine façon dans le prix de l'électricité. En toute transparence, sans remettre en cause les trajectoires de transition énergétique, il serait intéressant d'avoir une vision globale de l'ensemble des moyens qui doivent être mobilisés au service de la transition énergétique.
Ma deuxième remarque porte sur l'hydrogène. Nous avons eu un débat décevant sur le sujet avec la ministre Bérengère Abba, puisque nous n'avons pas obtenu les réponses aux questions que nous nous posions. L'hydrogène n'est pas une énergie, mais un moyen de stockage, et à l'heure actuelle, beaucoup de progrès reste à faire en matière d'efficacité, puisqu'entre l'électricité injectée dans un électrolyseur et celle récupérée dans une pile à combustible, le rendement est de 25 %. On perd donc 75 % de l'énergie, qui se dissipe, alors que pour une batterie, ce rendement est de 70 %. L'hydrogène est porteur d'avenir, mais est nécessaire, au-delà de l'ambition, d'avoir un « pilote dans l'avion ». Quand la France s'est dotée d'une ambition nucléaire, elle a créé le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), quand elle s'est dotée d'une ambition spatiale, elle s'est doté du Centre national d'études spatiales (CNES) ; quid de l'hydrogène ? On a du mal à voir quelle est la stratégie poursuivie pour franchir les obstacles techniques et pour améliorer la performance de l'hydrogène.
Mme Marie-Claude Varaillas. - Je souhaite revenir sur le sujet de la précarité énergétique. Les émissions du secteur du bâtiment résidentiel et tertiaire représentent 19 % des émissions nationales et le secteur est le premier consommateur d'énergie finale en France. Il existe plus de 5 millions de passoires thermiques, et un ménage sur cinq est en situation de précarité énergétique. 17 % des logements sont considérés comme très énergivores et les locataires modestes du privé sont les plus touchés, puisque 28 % d'entre eux vivent dans des logements dont l'étiquette énergétique est « F » ou « G ». Il y a une volonté d'abonder les crédits de soutien à la rénovation énergétique, mais ils sont répartis sur trois missions et donc peu lisibles, et l'Agence nationale de l'habitat (Anah) n'a pas les moyens humains pour traiter toutes les demandes. J'ai pu voir dans mon département qu'il y avait un retard considérable de traitement des dossiers, qui pénalise les artisans et les ménages. Lorsque l'on sait qu'un euro de subvention représente quatre euros de travaux et des emplois non délocalisables, des moyens humains supplémentaires sont nécessaires si nous voulons arriver à l'objectif de rénovation de 500 000 logements chaque année.
M. Ronan Dantec. - Je ne suivrai pas le rapporteur sur son avis favorable. Il y a un moment d'opportunité avec le plan de relance, qui met beaucoup d'argent sur la table et qui engage l'avenir de la transition énergétique. Si on prend un peu de recul, on constate que la France ne sort pas de ses « démons » : on veut construire des grosses machines. Comme l'a dit notre collègue Houllegatte, l'hydrogène est un vecteur, et on voit bien que ce vecteur vise plutôt à alimenter des grosses machines. En France, on adore les grosses machines, c'est l'histoire énergétique française, et nous allons réinvestir beaucoup d'argent dedans.
Or si on regarde à l'échelle internationale, c'est le photovoltaïque qui dispose aujourd'hui d'un avantage de compétitivité. Aujourd'hui, les prix des parcs photovoltaïques sont de l'ordre de 10 euros par mégawattheure (MW), alors que ceux de l'EPR se situent plutôt autour de 130 à 150 euros. Le plan de relance aurait dû investir beaucoup d'argent dans les nouvelles générations d'installations photovoltaïques, un secteur d'une extrême créativité qui produit de très loin l'électricité la moins chère, une électricité qui servira notamment à produire l'hydrogène. Ce secteur est absent du plan de relance, alors qu'il est constitué de start-ups et de PME, et qu'il permet une véritable décentralisation de la production énergétique.
S'agissant de la rénovation énergétique, on continue à ne pas avoir de stratégie claire. Tant que nous n'aurons pas d'obligation de rénovation, par exemple lors de la réalisation de grands travaux, et qu'une articulation des aides avec les certificats d'économies d'énergie ne sera pas faite, tant qu'il n'est pas clair si on aide tout le monde ou seulement certains, et que l'on met des moyens sans un système cohérent, on ne tiendra pas les objectifs de rénovation.
Il nous reste un moment clé, la loi « Climat » qui sera débattue au printemps. Mais je suis inquiet du fait que le plan de relance, qui implique beaucoup d'argent, ne s'appuie pas sur une doctrine aboutie, si ce n'est investir dans l'électrolyseur, la nouvelle « grosse machine ». Je ne peux pas donc suivre le rapporteur sur son avis favorable. Je soutiens néanmoins ses amendements, et je considère que le Haut conseil pour le climat doit être plus largement soutenu : c'est un progrès démocratique que d'avoir des autorités indépendantes qui éclairent la stratégie de l'État. Concernant les contrats photovoltaïques, je pense également que le message passé aux énergéticiens, qui ont pris le risque d'investir dans le photovoltaïque au moment où ça coûtait cher et qui voient remettre en cause leurs contrats de manière rétroactive, est mauvais. Je soutiendrai donc ces deux amendements.
M. François Calvet, rapporteur pour avis. - Il est vrai que les résidences secondaires ne sont pas éligibles au dispositif « MaPrimeRénov' ». Ce dispositif n'est pas parfait, mais je considère qu'un effort est fait. J'ai été responsable du logement dans ma communauté d'agglomérations, et en prenant la compétence, nous avons réalisé des efforts considérables. Nous avons notamment pu mettre en place des plateformes énergétiques entre les collectivités. Chaque fois que des travaux ont été faits pour des ménages, ils ont représenté un gain d'environ 520 euros pour sur leur facture d'énergie, un véritable gain de pouvoir d'achat.
La politique de rénovation énergétique s'appuie effectivement sur un système incitatif et non obligatoire, mais les gens deviennent conscients, petit à petit, de cet enjeu.
Les énergies renouvelables ne sont pas encore suffisamment développées, mais elles sont en train de pénétrer l'ensemble de nos activités, et je suis un optimiste. J'espère à cet égard que les efforts du plan de relance seront maintenus durablement.
Concernant la disparition du compte d'affectation spéciale et ses conséquences sur la lisibilité, je suis d'accord avec notre collègue Houllegatte. Dans mon rapport, j'ai tenté d'indiquer précisément ce qui est financé par les 5,684 milliards d'euros de crédits. Si je ne vous ai pas parlé d'éolien offshore, c'est parce qu'il n'est pas encore inclus dans les crédits concernés. Cependant, des travaux ont commencé pour la création de parcs à Fécamp et à Lorient, un débat public a eu lieu en Bretagne, et deux débats publics se tiendront en 2021-2022 pour des projets en Méditerranée. Il y a donc quelque chose qui se passe, même si beaucoup reste à faire.
Au sujet de l'hydrogène vert et d'Airbus, je suis d'accord avec ce qui a été dit sur ces gros projets ; mais il est nécessaire de s'attaquer aux activités les plus lourdes, par exemple les trains diesel.
M. Jean-François Longeot, président. - Je vous propose, Monsieur le rapporteur, de nous présenter vos amendements.
M. François Calvet, rapporteur pour avis. - Je vous avais présenté la semaine dernière un amendement visant à sécuriser le financement des associations agrées de surveillance de la qualité de l'air, confrontées à des difficultés financières depuis plusieurs années. Elles sont financées par l'État, les collectivités territoriales, et par les entreprises qui leur versent des montants déductibles de la taxe sur les activités polluantes dont elles sont redevables. Cet amendement a été adopté par le Sénat.
Mon second amendement porte sur la révision des contrats photovoltaïques signés entre 2006 et 2010. Cela concerne 800 à 850 contrats. Le Gouvernement, par un amendement adopté à l'Assemblée nationale, veut remettre en cause ces contrats. Je considère que ce n'est pas normal, qu'il s'agit d'un mauvais signal pour les investisseurs. Je me demande également dans quelle mesure cette disposition est constitutionnelle. Je propose donc de la supprimer. Notre collègue Christine Lavarde de la commission des finances le proposera également. À Perpignan, nous avons fait une opération de couverture du marché Saint-Charles à l'aide de panneaux photovoltaïques. La révision de ces contrats mettrait de nombreux propriétaires et investisseurs en difficulté.
Mon dernier amendement porte sur le Haut conseil pour le climat : nous souhaitons qu'il soit mieux doté en moyens humains afin qu'il puisse répondre aux demandes du Parlement, et souhaitons donc porter sa dotation à 2 millions d'euros. Son homologue britannique comporte 24 emplois, contre 6 pour le HCC.
M. Jean-Michel Houllegatte. - Je suis un peu mal à l'aise concernant la renégociation des contrats. L'avis du Conseil d'État souligne que les retours sur investissement sont excessifs. C'est une affaire très complexe. Il y a une dizaine d'années, les prix de rachats sur ces contrats de longue durée étaient de 50 centimes, un prix aujourd'hui divisé par 10. Certains investissements ont été rentabilisés, d'autres contrats ont été rachetés et sont devenus spéculatifs. Il y a une nécessité de clarifier. Je m'abstiendrai, car je considère que la démarche doit être la même que pour l'éolien offshore : il y a eu une négociation avec les opérateurs, qui a abouti. Cela peut être compliqué de renégocier chaque contrat, mais il est nécessité de faire le point. Ce sont par ailleurs les installations de plus de 250 kW de puissance installée qui sont concernées, qui relèvent donc plutôt de la spéculation que du complément de revenus pour les agriculteurs.
M. François Calvet, rapporteur pour avis. - En effet, il n'y a pas que des agriculteurs qui ont souscrit à ces contrats, je viens de citer un exemple, qui produit 10 % de l'électricité de Perpignan. Il s'agissait d'un dispositif innovant, un peu cher à l'époque, dans lequel avait investi la Caisse des dépôts et consignations ainsi que certains propriétaires. Il me semble donc anormal de remettre en cause la parole de l'État. Quelle confiance aurait-on sinon dans l'État ? Il faut assumer ces contrats jusqu'en 2030.
Les amendements DEVDUR.9 et DEVDUR.1 sont adoptés.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Transition énergétique et climat » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Crédits « Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » - Examen du rapport pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Nous passons maintenant aux crédits « Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et je cède la parole à M. Frédéric Marchand, rapporteur pour avis.
M. Frédéric Marchand, rapporteur pour avis sur les crédits « Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Monsieur le président, mes chers collègues, il me revient de vous présenter l'avis budgétaire relatif au programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » dans le projet de loi de finances pour 2021.
Pour rappel, ce programme 190 finance la recherche dans les domaines du développement durable, de l'énergie, des risques, des transports, de la construction et de l'aménagement.
Les crédits de ce programme ont pour objet, plus particulièrement, d'apporter des subventions à six opérateurs, dont les principaux bénéficiaires sont le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN) ainsi que la nouvelle Université Gustave Eiffel (UGE).
Les travaux de ces opérateurs sont indispensables pour respecter l'ensemble des engagements internationaux et de nature législative qu'il s'agisse, par exemple, de la loi d'orientation des mobilités de 2019, ou encore des objectifs fixés par la loi économie circulaire de 2020, deux lois examinées par notre commission. Ces travaux sont un levier important dans la mise en oeuvre de la transition écologique et énergétique qu'il importe d'encourager. Je souhaiterais cette année insister sur la qualité de la recherche française en matière de développement durable qui contribue au rayonnement de l'expertise française sur la scène internationale.
La crise sanitaire rappelle avec force la nécessité de poursuivre, et même d'accélérer, la transition énergétique. La recherche dans ces domaines constitue un enjeu clé, de plus en plus sollicité. Il importe donc de la soutenir tout en veillant à la traduire en termes d'industrialisation, à ce qu'elle aboutisse à des réalisations concrètes dans les domaines de l'énergie, des nouvelles mobilités mais également en matière de traitement des déchets.
J'en viens à l'examen de ces crédits. En 2021, les crédits du programme 190 connaîtront une augmentation marquée de de 7,3 % en autorisations d'engagement avec 1,92 milliard d'euros. Toutefois cette hausse des autorisations d'engagement demeure relative car concentrée au profit de la seule action concernant la recherche et le développement dans le domaine de l'aéronautique civile. Hormis cette évolution notable, les crédits des autres actions ont été reconduits, à l'exception de ceux dans le domaine l'énergie nucléaire qui connaissent une légère diminution. Les crédits de paiement restent quant à eux stables avec 1,76 milliard d'euros.
Ces crédits doivent être examinés à l'aune de leur utilisation concrète par les différents opérateurs concernés. C'est pourquoi, je souhaiterais faire un état des lieux de leurs récents travaux en matière de recherche conduite dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables.
Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), bénéficie, comme les années précédentes, de plus de trois quarts des crédits du programme, essentiellement pour les actions de démantèlement et d'assainissement des charges nucléaires de long terme, mais aussi pour la recherche dans le domaine de l'énergie nucléaire.
S'agissant de la recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l'énergie (NTE), je rappelle à la commission que le CEA a décidé de mettre fin au programme ASTRID initié en 2010, qui visait à concevoir un démonstrateur de réacteur à neutrons rapides (RNR). À compter de 2020, le CEA finance un programme redimensionné de recherche et développement sur la fermeture du cycle qui pèse à hauteur d'environ 30 millions d'euros par an sur sa subvention financée par le programme 190.
Je souhaiterais revenir sur les avancées du projet de réacteur Jules Horowitz (RJH) malgré un coup d'arrêt du chantier pendant trois mois en raison du confinement. Je rappelle à la commission que ce réacteur expérimental, dont la construction a débuté en 2009, vise à fournir des données scientifiques sur le comportement des matériaux et combustibles nucléaires lorsqu'ils sont exposés à de très fortes sollicitations. Le RJH poursuit comme objectif d'améliorer le rendement des centrales, en jouant notamment sur leur durée de vie.
Le projet de RJH entre dans une nouvelle phase : la phase d'études laisse désormais place à celle de sa finalisation ainsi que de son approvisionnement technique avec, en juillet dernier, le début du montage électromécanique dans le bâtiment des annexes nucléaires. Compte tenu de l'importance stratégique que revêt la construction de ce réacteur ainsi que de sa complexité, la commission devra suivre de près ses avancées dans les années à venir.
Lors de mes échanges avec le CEA, un autre sujet a retenu mon attention : l'avancement du projet ITER. Ce dernier, réunissant 35 États, a pour objectif de démontrer que le processus de fusion pourrait être utilisé comme source d'énergie à grande échelle, non émettrice de CO2. Il s'agit donc, à terme, d'obtenir une énergie propre sur le plan environnemental dans la production d'électricité. L'impact de la crise sanitaire dans la réalisation de ce projet est en cours d'estimation mais il est certain qu'elle induira au minimum un retard estimé à plusieurs mois. C'est pourquoi j'invite, là encore, la commission à la vigilance : l'avancement de ce projet aura un impact industriel et environnemental important.
Enfin, le CEA conduit de nombreux travaux dans des domaines porteurs pour les années à venir, tels que le photovoltaïque, les batteries ou encore l'hydrogène. Il a ainsi été désigné copilote du programme prioritaire de recherche sur l'hydrogène avec le CNRS.
La situation d'un autre établissement mérite également notre attention : l'IFP Énergies nouvelles. Cet opérateur, autrefois appelé « Institut français du pétrole », est l'autre acteur clé en matière de transition énergétique. Ses activités se sont développées dans les domaines de la mobilité durable et des énergies nouvelles. Pour la première fois cette année, plus de la moitié de son activité porte sur la transition écologique. Cet opérateur est, par exemple, porteur du projet européen Modalis visant à développer une chaîne d'outils numériques permettant de modéliser et concevoir des systèmes de batteries utilisant des nouveaux matériaux.
Je me réjouis que la subvention pour charge de service public soit reconduite cette année, après une diminution quasi constante depuis 2010. Cette subvention est uniquement destinée à financer ses activités de recherche en matière de développement durable, moins rentable pour cet opérateur. Il paraît donc difficile d'exiger plus de résultats de la part de cet établissement, sans qu'un niveau de ressources publiques adéquat ne lui soit alloué de façon pérenne.
Un autre opérateur emblématique en matière de recherche a récemment vu le jour : l'Université Gustave Eiffel (UGE). Cette université, constituée au 1er janvier dernier, est née de la fusion de différents organismes dont l'ancien Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar). Cette université conduit de nombreux travaux dans les domaines du transport, de la construction, de l'aménagement et des réseaux. Sa création vise à faire émerger un acteur visible à l'international. Un premier pas a été atteint en 2020. Cette année, l'université est entrée dans le classement de Shanghai, ce qui contribuera à accroître la visibilité de ses travaux et à la faire rayonner sur le plan international.
Plus particulièrement, le département « Aménagement, Mobilité et Environnement » conduit des recherches sur les répercussions de l'évolution des comportements sur les mobilités, l'usage des nouveaux modes de transport en ville ou encore en matière de mobilités tant des personnes que des marchandises. À ce titre, cet établissement possède un des rares laboratoires universitaires en France spécialisé sur les questions de fret et de logistique.
Je partage volontiers la demande de l'UGE qui souhaiterait être davantage associée dans la conception des politiques nationales d'aménagement du territoire, afin d'apporter son expertise et sa connaissance dans ces domaines. Compte tenu de la qualité de ses travaux de recherche, je soutiens particulièrement cette démarche.
Enfin, le doublement des crédits destinés à la recherche dans le domaine de l'aéronautique civile m'a conduit à entendre le Commissariat général au développement durable (CGDD) ainsi que la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). Ces derniers m'ont fait part de leur consensus quant à la nécessité de mettre en place des programmes d'avion décarboné, ou « avion vert ». Je note toutefois que ce projet soulève certaines difficultés de nature technique mais également liées à la sécurité de ce mode de transport qu'est l'avion. De plus, il s'agit un projet de long terme qui doit allier des exigences parfois contradictoires. D'un côté il faut accélérer la recherche et en même temps prendre le temps nécessaire à l'élaboration des projets de recherche. La réunion du ministre français des transports avec ses homologues anglais, espagnol et allemand, la semaine dernière, souligne un soutien politique fort pour ce projet ambitieux, qu'il conviendrait également de suivre.
Pour conclure, je souhaiterais insister sur la nécessité de maintenir les subventions publiques à ces opérateurs qui subissent les conséquences de la crise sanitaire, que ce soit par des retards projets de recherche ou d'accroissement leurs coûts de financement. Le soutien public de ces travaux s'avère plus que jamais nécessaire. La recherche, et plus spécifiquement la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables, constitue un vecteur de croissance verte à encourager pour faire face aux changements qu'impose la transition énergétique. Il importe donc de tendre vers l'idéal en passant par le réel et ces travaux en sont la parfaite illustration.
C'est pourquoi je proposerai à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits.
M. Ronan Dantec. - Le gros de l'argent va quand même pour les grosses bécanes !
M. Frédéric Marchand, rapporteur pour avis. - Derrière les grosses bécanes, il y a tout un ensemble de moyennes et de petites bécanes qui travaillent en partenariat étroit avec les grosses bécanes. On a pu noter au cours de nos auditions qu'il y a une envie partagée et un travail collectif, qui sont un particularisme français reconnu à l'international.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Cohésion des territoires » - Crédits « Aménagement numérique du territoire » - Examen du rapport pour avis
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur pour avis sur les crédits « Aménagement numérique du territoire » de la mission « Cohésion des territoires » - Je suis heureux de pouvoir vous présenter ce matin mon avis sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire. Je rappelle que ces crédits sont exclusivement inscrits dans le programme 343 « Plan France Très Haut Débit » de la mission « Économie » et, parallèlement, au sein de la mission consacrée au plan de relance. Mon avis budgétaire ne portera donc que sur le soutien au déploiement des réseaux fixes, les réseaux mobiles ne faisant pas à proprement parler l'objet d'un engagement budgétaire de l'État. J'aborderai néanmoins ce sujet en conclusion de mon intervention, par un état des lieux de l'avancement du New Deal mobile.
Je commencerai donc cette intervention par une présentation des crédits associés au déploiement des réseaux fixes sur le territoire.
Pour rappel, ces crédits s'inscrivent dans le cadre du plan France Très Haut Débit, lancé en 2013, qui vise la couverture intégrale de la population en très haut débit fixe d'ici fin 2022, dont 80 % en fibre optique jusqu'au domicile, technologie ayant vocation à être généralisée sur l'ensemble du territoire en 2025. Le plan prévoit par ailleurs un objectif intermédiaire de couverture intégrale de la population en « bon » haut débit d'ici 2020. Dans les territoires moins denses où a été constatée la carence de l'initiative privée, le très haut débit se déploie sous l'autorité des collectivités territoriales dans le cadre de réseaux d'initiative publique (RIP) lesquels font l'objet d'un soutien de l'État, via un « guichet » France Très Haut Débit, doté dès 2013 de 3,3 milliards d'euros, aujourd'hui concentrés au sein du programme 343 sur lequel porte l'avis budgétaire.
En 2019, soit 6 ans après l'ouverture du guichet, 25 départements n'avaient pas encore finalisé leur plan de financement pour la généralisation de la fibre optique d'ici 2025. Autrement dit, les crédits de l'État déployés dans ces territoires n'étaient pas suffisants pour atteindre les objectifs du plan. En février 2020, le Gouvernement a ainsi annoncé qu'une enveloppe de 280 millions d'euros serait mobilisée d'ici 2022. Notons néanmoins qu'il s'agit là de crédits « recyclés », issus de gains d'efficacité sur les premiers déploiements. Notons également que cette enveloppe était considérée comme insuffisante par les acteurs du secteur et les collectivités territoriales, qui estimaient le besoin de financement à environ 500 millions d'euros. C'est la raison pour laquelle notre commission et le Sénat avaient régulièrement alerté le Gouvernement sur la nécessité de doter le guichet de nouvelles autorisations d'engagement, sans qu'il ne soit donné de suite favorable à cette proposition.
Il a fallu une pandémie mondiale et un confinement généralisé de la population française pour que le Gouvernement accepte enfin d'écouter la demande du Parlement et des territoires. À l'initiative du Sénat, une première rallonge de 30 millions d'euros a été accordée par la troisième loi de finances rectificative. Surtout, le plan de relance prévoit aujourd'hui de nouvelles autorisations d'engagement à hauteur de 240 millions d'euros. Autrement dit, en cumulé, en ajoutant ces autorisations d'engagements supplémentaires aux crédits dégagés sur les RIP antérieurs, ce sont ainsi 550 millions d'euros qui sont mis à disposition du plan France Très Haut Débit. Cette rallonge offre enfin une visibilité aux 21 départements n'ayant pas complété à ce jour leur plan de financement pour la généralisation de la fibre d'ici 2025. Ces 550 millions d'euros correspondent peu ou prou aux moyens jugés indispensables à l'atteinte des objectifs de couverture numérique du territoire. Selon les collectivités territoriales adhérentes à l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca), l'enveloppe globale nécessaire pour assurer la couverture intégrale pourrait certes atteindre au final 620 ou 630 millions d'euros. Néanmoins, ces moyens supplémentaires pourront être débloqués en 2023 ou 2024, en fonction des besoins qui seront alors constatés. Je note que cette rallonge donne également une garantie importante au secteur, et en particulier aux sous-traitants des opérateurs d'infrastructure, affectés par l'arrêt temporaire des travaux lors du premier confinement. Ne boudons donc pas notre plaisir : il s'agit d'une victoire politique majeure pour notre assemblée et notre commission, qui ont engagé depuis plusieurs années un combat pour assurer la couverture numérique des territoires. Il aura fallu attendre de nombreux mois et années, mais nous avons finalement eu gain de cause. Je ne résiste évidemment pas à la tentation de saluer nos anciens collègues Hervé Maurey et Patrick Chaize, qui se sont tout particulièrement investis sur ce sujet.
Bien évidemment, je vous proposerai donc de donner un avis favorable aux crédits de ce projet de loi de finances relatifs à l'aménagement numérique du territoire.
L'accroissement des moyens alloués au plan France Très Haut Débit n'éteint cependant pas l'ensemble des sujets de préoccupation.
Je rappelle tout d'abord que le déploiement des crédits du plan de relance dans les territoires doit désormais s'appuyer sur un cahier des charges, qui déterminera les conditions de financement des RIP par l'État et influencera en conséquence les taux de cofinancements du secteur privé et des collectivités territoriales. Une nouvelle version de ce cahier des charges sera très prochainement publiée. Il faut espérer que ce nouveau cahier des charges se traduise par une augmentation effective du soutien de l'État dans les territoires, pour accompagner le déploiement de la fibre en zone d'initiative publique, mais également pour financer les raccordements dits « complexes », en zone publique ou privée.
Les échéances importantes du plan France Très Haut Débit qui jalonnent la fin de l'année 2020 constituent un deuxième point d'attention. Premièrement, l'objectif de couverture intégrale des zones ayant fait l'objet d'appels à manifestation d'intérêt d'investissement (zones dites « AMII ») par Orange et SFR. Je rappelle que ces zones AMII sont des zones peu denses de la zone d'initiative privée, pour lesquelles les opérateurs ont souscrit à des engagements contraignants de couverture intégrale d'ici fin 2020. À la fin du premier trimestre 2020, Orange et SFR avaient rendu respectivement 67 % et 75 % des sites des zones AMII raccordables, assez loin de l'objectif souscrit auprès de l'Arcep. Son président, Sébastien Soriano, m'a confié que SFR pourrait au final enregistrer un semestre de retard ; pour Orange, le retard pourrait être d'une année. Les retards ne semblent pas réellement imputables à la crise sanitaire : en 2020, le nombre de prises déployées sur le territoire devrait être le même que celui de 2019, année pourtant record ! Le deuxième objectif pour l'année 2020 est celui « bon » haut débit pour tous. Malheureusement, nous ne disposons pas de chiffres actualisés à ce sujet : la dernière publication disponible, estimant que 95 % des Français étaient éligibles à un raccordement avec un débit supérieur à 8 Mbit/s, remonte en effet à septembre 2019 ! Aussi, je regrette vivement que le Gouvernement et l'Arcep ne se soient pas dotés d'outils dédiés au suivi de cet objectif. Néanmoins, l'étude du déploiement du guichet « Cohésion nationale des territoires » - qui était doté de 100 millions d'euros pour atteindre cet objectif - laisse présager d'un échec du Gouvernement sur cet axe du plan France Très Haut Débit : au 30 juin 2020, il n'avait permis de financer que 6 000 équipements de réception radio pour un montant total de 600 000 euros ! On est très loin des 100 millions d'euros budgétés ! L'efficacité du guichet Cohésion nationale des territoires doit donc être accrue ; le cas échéant, si les crédits ne sont pas consommés, j'estime qu'ils devront être réalloués au déploiement de la fibre.
Le troisième sujet de préoccupation est plus étonnant : il concerne les rythmes de déploiement de la fibre dans certaines zones très denses (ZTD), à l'instar de la Seine-Saint-Denis, qui sont insatisfaisants. Selon la logique établie au début des années 2010, les zones très denses ne peuvent cependant pas faire l'objet d'une intervention financière publique, dès lors que l'initiative privée y est présumée suffisante pour atteindre les objectifs de couverture numérique. Si les difficultés venaient à persister, j'estime que de nouveaux appels à manifestation d'intérêt d'investissement (AMII) pourraient ponctuellement être organisés au sein des zones très denses pour rendre les engagements des opérateurs contraignants.
Enfin, dernier sujet de préoccupation : les remontées des territoires font état d'une dégradation importante de la qualité des raccordements finaux, particulièrement inquiétante pour des infrastructures ayant vocation à fonctionner sur plusieurs décennies ! Cette dégradation semble en partie imputable aux modalités de déploiement aujourd'hui retenues par les opérateurs d'immeuble, certes juridiquement responsables des raccordements, mais ayant pour l'essentiel recours à des sous-traitants, selon un mode dit « STOC ». L'État a diligenté une mission de contrôle pour objectiver une situation de plus en plus préoccupante. L'Arcep semble également avoir pris la mesure du problème et adapte actuellement son cadre de régulation. Nous devrons être attentifs à ces initiatives, dont toutes les conclusions devront être tirées.
Après avoir abordé les sujets relatifs au déploiement des réseaux fixes, il me semble nécessaire de faire un point rapide sur la mise en oeuvre du New Deal mobile, bien que ce programme de déploiement des réseaux mobiles ne fasse pas l'objet d'un soutien budgétaire. Je rappelle que notre commission n'est pas étrangère à cet accord important, conclu en 2018 entre l'État et les opérateurs mobiles : c'est par sa pression constante sur le Gouvernement que ce sujet a pu avancer. Le rôle moteur de la commission a d'ailleurs été reconnu par l'Arcep lors de l'audition que j'ai menée.
Concernant le dispositif de couverture ciblée pour lutter contre les zones blanches, plus de 90 % des sites du premier arrêté ont été livrés dans les temps. Les rares retards semblent s'expliquer principalement par des raisons étrangères aux opérateurs, par exemple des problèmes de disponibilité du foncier, de raccordements électriques, d'autorisations d'urbanisme, d'opposition des populations locales à l'installation d'un nouveau pylône. L'Arcep devra en tout état de cause étudier rigoureusement les raisons de ces retards et, le cas échéant, sanctionner les opérateurs en cas de manquements caractérisés à leurs obligations. Globalement cependant, on peut se féliciter de la dynamique actuelle, en phase avec les objectifs visés par le New Deal.
Concernant l'objectif de généralisation de la 4G sur les sites existants d'ici la fin de l'année et d'ici 2022 pour les sites de l'ancien programme « zones blanches centres-bourgs » : l'objectif devrait être tenu. Les efforts consentis dans le cadre du New Deal, via le programme de couverture ciblée et la généralisation de la 4G sur les sites existants, associés aux déploiements « en propre » des opérateurs, se matérialisent aujourd'hui très concrètement : 96 % du territoire est désormais desservi en 4G par au moins un opérateur et 76 % par les quatre grands opérateurs (+ 31 points par rapport à 2018).
Concernant le troisième objectif relatif à la couverture des axes routiers prioritaires d'ici la fin de l'année, nous n'avons pas pu obtenir d'état des lieux précis, mais le régulateur s'est montré confiant dans la capacité des opérateurs à honorer leurs engagements.
Seul le quatrième et dernier objectif - l'amplification des solutions de 4G fixe - obscurcit à la marge ce tableau très largement positif. Je note que cet axe du New Deal mobile est en réalité lié au plan France Très Haut Débit puisque la 4G fixe consiste à offrir une connexion fixe non filaire, dans les territoires qui ne bénéficieront pas immédiatement de la fibre. Cet axe du New Deal doit donc contribuer à la réussite de l'objectif du « bon » haut débit pour tous d'ici la fin de l'année. Je réitère ici mes remarques soulevées plus tôt : je regrette que nous ne disposions pas d'outils de suivi de l'avancement de cet objectif.
Voici mes chers collègues, les grandes lignes de mon avis sur l'aménagement numérique du territoire. Je vous rappelle que vous propose de donner un avis favorable aux crédits du plan France Très Haut Débit.
M. Hervé Gillé. - Je souhaitais poser une question concernant le New Deal. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a adressé un courrier récemment aux départements pour faire le point sur les zones de couverture, et il m'a semblé que les territoires sont considérés comme couverts quand il y a un projet d'implantation d'un pylône, que le pylône est implanté, mais pas forcément équipé. Cela veut dire qu'il y a une forte distinction entre la réalité de la couverture de la 4G et les implantations physiques qui ne sont pas toutes abouties. Je ne suis pas certain de cette analyse, pourriez-vous m'apporter des éléments complémentaires ?
M. Stéphane Demilly. - Vous dites que 96 % du territoire est couvert en 4G : est-ce que vous entendez par cela 96 % du territoire géographique ou 96 % de la population nationale ? Par ailleurs, est-ce que pour être considéré comme « couvert » il faut monter sur l'escabeau dans le grenier pour voir s'il y a un relais ou bien y a-t-il d'autres critères de mesure ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur pour avis. - Pour revenir au New Deal, et de façon globale chaque opérateur s'est engagé à déployer 5 000 pylônes par opérateur, sachant que la grande majorité des pylônes est mutualisée. Il y avait également un accord sur les axes routiers, sachant que nous avons 55 000 kilomètres d'axes routiers à couvrir. Il y avait également un engagement sur les lignes de chemin de fer. Comment cela se concrétise ? Chaque année, il y a près 600 sites qui sont choisis, et les opérateurs ont deux ans pour réaliser leur objectif. Depuis 2018, on a de la visibilité par rapport aux premiers arrêtés pris. La première vague était de 485 arrêtés pris, qui a été ensuite ramenée à 445 engagements contractualisés. Il y a à l'heure actuelle 42 sites qui ne sont pas livrés dans les temps. Les opérateurs, s'ils n'ont pas des justificatifs, seront sanctionnés par l'Arcep. Concernant le pylône non activé, je n'ai pas la réponse, mais on l'apportera. Il s'agit de savoir s'il est compris dans un des 445 arrêtés.
Je confirme qu'il s'agit bien de 96 % de la population, qui n'est pas équitablement répartie sur le territoire.
Concernant les mesures, elles sont faites par les opérateurs, sous contrôle de l'Arcep. La couverture est donc sous contrôle de l'Arcep, et beaucoup de techniques permettent aujourd'hui de mesurer de façon très précise la carte de la couverture numérique des opérateurs. L'Arcep s'est d'ailleurs engagée à améliorer la fiabilité des remontées des opérateurs.
M. Jean-François Longeot, président. - La commission entendra sans doute l'Arcep dans les mois à venir, et vous pourrez reposer votre question, monsieur Demilly, sur la couverture numérique.
M. Stéphane Demilly. - Il faudrait préciser dans le rapport qu'il s'agit bien d'une couverture de 96 % de la population, et non du territoire.
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur pour avis. - J'apporte quelques compléments, pour donner quelques chiffres sur les réseaux fixes. Le jour où l'on voudra faire la couverture numérique totale des locaux, donc à la fois des habitations, mais également des locaux commerciaux, administratifs, etc., qui sont des locaux en augmentation, il faudra en couvrir 40,4 millions d'ici 2025. On est actuellement sur des rythmes de 4,8 millions de nouvelles prises en 2019 et en 2020, malgré la crise. En fin d'année, on aura normalement couvert plus de 23 millions de prises sur les 40 millions. Il en restera 17 millions, qui seront les plus difficiles, les plus complexes, mais il s'agit d'objectifs atteignables en termes de couverture.
Un commentaire sur les zones très denses : le modèle français distingue les zones denses des zones moins denses. Les zones denses relèvent de l'initiative privée, et les zones moins denses de l'initiative publique, sauf si les opérateurs s'y engagent via des AMII. Cependant, on constate que dans certaines zones très denses, les opérateurs ne déploient pas. Pourquoi ? Pour deux raisons. La première, c'est qu'en général ces zones sont déjà couvertes par l'ADSL, et un nouveau contrat fibre ne rapporte pas plus que le contrat ADSL existant. D'autre part, la couverture ne conduit pas nécessairement à des abonnements fibre. Sur les RIP, le taux de pénétration est environ de 30 %. Ce taux peut s'expliquer dans les RIP par le fait que certains opérateurs sont moins connus, bien que performants, ce qui freine le déploiement au niveau commercial. Néanmoins, les quatre grands opérateurs français arrivent sur les RIP. Il faudra donc substituer parfois à l'initiative publique la concurrence privée.
M. Jean-François Longeot, président. - Merci Monsieur le Rapporteur. Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire de la mission « Économie » et de la mission « Plan de relance », à l'unanimité.
Désignation des membres de la mission d'information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux
M. Jean-François Longeot, président. - J'ai un dernier point d'ordre du jour à vous soumettre au titre des questions diverses afin de définir la composition de la mission d'information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, dont la création été décidée par le bureau de la commission, fin octobre.
Pour faire partie de cette mission d'information, j'ai reçu les candidatures de M. Étienne Blanc, Mme Nicole Bonnefoy, M. Guillaume Chevrollier, M. Michel Dagbert, M. Stéphane Demilly, M. Gilbert Favreau, M. Jacques Fernique, M. Éric Gold, M. Daniel Gueret, M. Olivier Jacquin, M. Gérard Lahellec, M. Frédéric Marchand, M. Pierre Médevielle, M. Rémy Pointereau, Mme Denise Saint-Pé ainsi que M. Philippe Tabarot.
Je vous propose de désigner Mme Nicole Bonnefoy et M. Rémy Pointereau en qualité de rapporteurs de cette mission d'information.
La réunion est suspendue à 10 h 40.
La réunion reprend à 11 heures.
Proposition de loi relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes français - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Jean-François Longeot, président. - Chers collègues, notre ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes français. Cette initiative législative est l'aboutissement d'un long travail, accompli entre novembre 2019 et juillet 2020.
Avant toute chose, je tiens à rendre hommage au travail de notre ancien collègue Michel Vaspart, qui a présenté cette proposition de loi et à remercier M. Didier Mandelli, notre rapporteur, qui prend la suite si je puis dire. Vous connaissez bien ces sujets, Monsieur le rapporteur, pour les avoir abordés dans le cadre de la loi pour l'économie bleue et à l'occasion de l'examen de la loi d'orientation des mobilités (LOM). Je suis certain que vous saurez enrichir le travail de M. Michel Vaspart. Le sujet de la gouvernance et de la performance des ports maritimes était un axe fort de son mandat et la mission d'information, présidée par Mme Martine Filleul, que je salue, a permis de dessiner des perspectives qui me semblent essentielles pour replacer nos ports au coeur de la compétition mondiale. La création de cette mission était une demande de longue date de M. Michel Vaspart, et je suis heureux qu'elle ait été menée à son terme malgré un contexte difficile, marqué par les grèves de l'hiver 2019-2020 et la crise sanitaire.
La mission d'information a entendu de nombreux acteurs, a procédé à une trentaine d'auditions et à une dizaine de déplacements dans des ports maritimes, en France, mais aussi à l'étranger. Les dix propositions formulées par le rapport, assorties de quatre recommandations à court terme, traitent des sujets essentiels à l'avenir de nos ports que sont l'organisation de la gouvernance, la desserte de l'arrière-pays par des modes massifiés et la compétitivité des services portuaires.
Si l'ensemble des sujets n'ont pas vocation à être traités par la voie législative, les dix-sept articles et le rapport annexé à la proposition de loi s'inscrivent fidèlement dans le prolongement des travaux de la mission d'information et traduisent les demandes formulées auprès des sénateurs par l'ensemble des acteurs, notamment économiques.
Je remercie Mme Martine Filleul pour son implication et son travail. La proposition de loi déposée par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proche de celle de M. Vaspart, témoigne de l'importance du sujet sur tous les bancs de notre assemblée.
Par ailleurs, je remarque que le Gouvernement s'est montré attentif aux travaux de cette mission puisqu'une ligne spécifique dédiée au verdissement des ports a été prévue dans le plan de relance et qu'un soutien au développement du fret ferroviaire a été proposé. Certes, ce plan de relance n'est pas aussi ambitieux que les propositions de la mission, mais il opère un premier mouvement qu'il s'agira d'amplifier.
Avant de conclure, je forme le voeu que le Gouvernement présente enfin la stratégie nationale portuaire attendue depuis 2017. Je souhaite aussi que cette proposition de loi soit discutée à l'Assemblée nationale et je compte sur un dialogue constructif entre le Sénat, le Gouvernement et l'Assemblée nationale pour que la navette parlementaire soit menée à son terme. Encore une fois, notre assemblée est force de propositions et le Gouvernement serait bien inspiré de les reprendre ! Avant que notre rapporteur ne prenne la parole, Mme Filleul va présenter brièvement sa position.
Mme Martine Filleul. -Vous l'avez rappelé, j'ai présidé la mission d'information dont M. Vaspart était rapporteur et qui a conduit à l'élaboration d'un rapport adopté à l'unanimité en juillet dernier par notre commission. Depuis, la crise sanitaire a encore souligné l'importance des ports français et des filières maritimes, fluviales et logistiques. Elles ont fait preuve d'une remarquable réactivité en demeurant pleinement opérationnelles pendant la crise de la covid et en assurant ainsi la continuité des approvisionnements et des exportations. La nécessité de traduire dans la loi les recommandations du rapport est devenue plus grande encore.
Si nous partageons l'essentiel des constats et des mesures à mettre en oeuvre, j'ai souhaité défendre dans ma proposition de loi quelques points qui font l'objet d'amendements au texte examiné aujourd'hui et dont je vais résumer la philosophie et les grandes lignes.
Mon groupe a souhaité apporter quelques nuances et mettre l'accent sur trois sujets. D'abord, j'évoquerai le verdissement des ports et de la filière logistique, qu'il s'agisse de maintenir des règles environnementales exigeantes, de favoriser une meilleure prise en compte du développement durable ou d'encourager le report modal, notamment vers le fleuve.
Ensuite, nous considérons que les grands ports maritimes (GPM) doivent rester dans le giron de l'État compte tenu des enjeux qu'ils constituent en termes de géostratégie, de souveraineté, de sécurité et de positionnement de la France dans le commerce international. Nous nous opposons à la possibilité de les régionaliser.
Enfin, nous avons tenu à encourager la coordination entre les ports et à assurer la représentation de toutes les parties prenantes dans les organismes de décision.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Je vous présente aujourd'hui mon rapport sur la proposition de loi n° 723 déposée le 24 septembre dernier par notre ancien collègue Michel Vaspart et de nombreux sénateurs issus des groupes Les Républicains et Union centriste. Ce texte vise à traduire la plupart des recommandations du rapport de la mission d'information présidée par Mme Martine Filleul, adopté à l'unanimité en commission.
D'abord, je souhaite rendre hommage à M. Michel Vaspart, ancien collègue et ami, et saluer le travail réalisé au sein de la mission d'information. Je remercie également Mme Martine Filleul. La proposition de loi n° 80 rect. est très proche de celle de M. Michel Vaspart.
J'ai mené le travail préparatoire à l'examen du texte dans le souci de préserver les propositions de M. Michel Vaspart, tout en apportant quelques ajustements et compléments.
Ce rapport a été préparé dans des conditions particulières. Au-delà de la crise sanitaire, les délais ont été très courts avant le passage en commission et n'ont pas forcément permis d'approfondir l'ensemble des sujets comme je l'aurais souhaité. De plus, certains questionnaires nous sont parvenus tardivement, je pense en particulier à ceux des ministères.
Au total, j'ai mené un nombre réduit d'auditions avec l'Union des ports de France, les manutentionnaires, les logisticiens et commissionnaires de transport, ainsi que les pilotes maritimes. J'ai également reçu une quarantaine de contributions écrites, notamment des départements, qui ont largement répondu. Ce texte est accueilli favorablement par la plupart des acteurs avec lesquels j'ai échangé, en dehors des ministères. Certains points font l'objet de débats.
La proposition de loi part d'un double constat. Tout d'abord, en dépit des atouts incontestables dont dispose la France - trois façades maritimes métropolitaines, un réseau portuaire dense, des réserves foncières importantes -, la performance de nos ports demeure décevante. Les grands ports maritimes (GPM) qui relèvent de l'État traitent 80 % des flux à destination ou en provenance de notre pays, mais le trafic a diminué après la crise de 2008, et le dynamisme retrouvé depuis lors n'a pas suffi à renouer avec un niveau satisfaisant. Par ailleurs, le port décentralisé de Calais, essentiel pour les échanges français et en particulier pour les trafics routiers, se trouve aujourd'hui confronté aux défis posés par le Brexit.
En 2020, le trafic des sept GPM métropolitains est inférieur de plus de 40 % à celui du seul port de Rotterdam, par lequel transite également un tonnage trois fois plus important de conteneurs. J'ajoute que le port de Rotterdam se situe à la onzième place du classement mondial, dont les sept premiers rangs sont occupés par des ports chinois.
Dans le segment des conteneurs, le retard accumulé par la France se traduit par un nombre important d'emplois perdus - entre 30 000 et 70 000 - et aujourd'hui plus de 40 % des conteneurs à destination de la France métropolitaine transitent encore par des ports étrangers.
Dans les documents budgétaires pour 2021, le Gouvernement a actualisé la prévision de parts de marché des GPM de 13 à 12,5 % pour 2020 par rapport aux 32 ports européens pris pour référence, avec une part de marché pour les conteneurs qui pourrait s'établir à 6,1 %, au lieu de 6,5 %. La situation ne s'améliore pas, même si cette année a été particulière en raison des mouvements sociaux et de la crise sanitaire.
Le second constat est le suivant : les réformes de 2008 et de 2016 ont conduit à l'exclusion quasi totale des acteurs économiques des instances décisionnaires des ports, afin d'intégrer les recommandations de la Cour des comptes sur la prévention des conflits d'intérêts. Cela a créé frustrations, tensions et incompréhensions. Le choix a été fait de placer ces acteurs économiques dans une instance consultative ad hoc, le conseil de développement, sans chercher à mieux prévenir les risques de conflits d'intérêts par des outils de droit commun comme le déport des membres concernés ou la tenue d'un registre d'intérêts, procédures bien connues.
Ces sujets ne sont pas nouveaux pour la commission. Nous avions notamment renforcé les prérogatives du conseil de développement dans le cadre de l'examen de la proposition de loi pour l'économie bleue dite loi « Leroy ». En pratique, ces défauts dans la gouvernance, identifiés précisément par la mission d'information de notre commission, peuvent avoir des conséquences très négatives, comme en témoigne le processus de réalisation du terminal multimodal du Havre, au sujet duquel la Cour des comptes pointe un manque d'implication de la part du conseil de développement et du conseil de surveillance, alors même que ces deux instances ne disposent que d'un rôle très limité dans le projet.
À ces défauts s'ajoute un manque criant de vision de l'État. Je rappelle que nous attendons toujours la stratégie nationale portuaire annoncée depuis 2017 et qui, par le miracle de cette proposition de loi, pourrait être présentée en décembre.
L'avenir de nos ports est étroitement corrélé à celui du modèle économique du transport de marchandises et plus largement à la structure de notre économie, fortement importatrice. À cet égard, les ports souffrent de la baisse des trafics d'hydrocarbures liée à la fermeture de nombreuses raffineries. Nos ports se retrouvent pris en étau entre la baisse de leurs recettes et la hausse de leurs charges non commerciales et fiscales (impôt sur les sociétés, fiscalité foncière et dépenses de dragage).
Les infrastructures d'accès aux GPM pâtissent également d'un sous-investissement chronique et, aujourd'hui, plus de 80 % des acheminements portuaires reposent encore sur le mode routier. Cela pose un problème en matière de compétitivité, mais aussi un problème environnemental, les modes massifiés comme le fer ou le fluvial permettant de réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre liées au transport.
Deux mesures positives sont prévues pour l'année 2021, dont nous attendons la concrétisation. D'abord, le Gouvernement s'est enfin mobilisé pour traiter l'assujettissement des GPM à la taxe foncière et cela fait l'objet de l'article 42 quaterdecies du projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Ensuite, le plan de relance comporte à la fois une enveloppe de 200 millions d'euros dédiée au verdissement des ports, et des crédits importants visant à favoriser des relocalisations industrielles qui pourraient s'effectuer dans les zones industrialo-portuaires. Toutefois, nous sommes loin des 150 millions d'euros par an pendant cinq ans proposés par la mission d'information de notre commission.
Si l'ensemble des sujets relatifs au développement des ports n'a pas vocation à être traité dans le cadre législatif, certains jalons et outils peuvent être développés par la loi pour favoriser l'attractivité, la compétitivité et la transition écologique dans ce secteur.
J'en viens à la présentation du contenu de la proposition de loi. L'article 1er vise à instituer une stratégie nationale portuaire et à créer un conseil national portuaire et logistique (CNPL), chargé du suivi de sa mise en oeuvre.
L'article 2 tend à renforcer la représentation des collectivités territoriales et des acteurs économiques de la place portuaire au sein du conseil de surveillance de chaque grand port maritime, tout en réduisant le nombre total de membres pour simplifier la gouvernance de ces établissements.
L'article 3 renforce les prérogatives du conseil de surveillance quant à la procédure de nomination et de révocation du directeur général d'un grand port maritime, et clarifie le rôle exercé par la tutelle à l'égard des directeurs généraux.
L'article 4 prévoit de renforcer les pouvoirs des conseils de développement des grands ports maritimes en permettant à ces derniers de rendre un avis conforme sur le projet stratégique de l'établissement.
L'article 5 comporte des mesures visant à clarifier le fonctionnement des conseils de coordination interportuaire, notamment en lien avec les dispositions créées par la présente proposition de loi.
L'article 6 ouvre la possibilité d'une décentralisation de la propriété, de l'aménagement, de l'entretien et de la gestion des GPM aux régions qui en feraient la demande, sous réserve de l'accord de l'État.
L'article 7 vise à favoriser le développement futur de nos ports par la mise en place de nouveaux outils au service du renforcement de leur compétitivité.
L'article 8 comporte plusieurs mesures relatives à l'exécution et à la régulation des services portuaires de pilotage et de remorquage.
Les articles 9 à 12 prévoient des demandes de rapport du Gouvernement au Parlement sur quatre sujets : l'assujettissement des GPM à la taxe foncière, les leviers permettant de dynamiser l'attractivité des zones industrialo-portuaires, la progression de la stratégie des « nouvelles routes de la soie » de la République populaire de Chine, et enfin les conséquences économiques et sociales de l'éventuelle extension de la convention collective nationale unifiée ports et manutention aux ports intérieurs, dans le contexte de l'intégration des ports de l'axe Seine.
Les articles 13 et 14 tendent à élever entre 2021 et 2027 la trajectoire d'investissement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), fixée par la LOM.
L'article 15 vise à prolonger jusqu'en 2025 le dispositif de suramortissement fiscal pour les investissements concourant au verdissement du transport maritime et des infrastructures portuaires. Enfin, les articles 16 et 17 regroupent les dispositions finales pour l'application du texte.
Sur ces articles, je vous proposerai vingt-six amendements qui s'inscrivent dans trois axes principaux.
Premier axe, il s'agit de préserver la vision de M. Michel Vaspart quant à la gouvernance du système portuaire et des établissements publics portuaires relevant de l'État, tout en apportant plus de souplesse dans la pratique, et en veillant à la représentation de l'ensemble des acteurs. Il convient notamment de renforcer l'intégration des collectivités territoriales et d'intégrer, avec discernement et mesure, les acteurs privés dans les instances de contrôle des ports de l'État.
Deuxième axe : des amendements visent à renforcer l'attractivité et la compétitivité de nos GPM et des ports des collectivités territoriales, dans le cadre de dispositifs conçus pour soutenir ce secteur dans la relance de l'économie post-crise sanitaire. À cet égard, je vous proposerai notamment de créer des zones de relance économique temporaires et des outils pour améliorer la fluidité du passage portuaire et notre compétitivité.
Enfin, troisième axe, il importe de soutenir le verdissement de ce secteur en offrant des outils supplémentaires aux acteurs pour les accompagner dans la transition écologique.
Avant de conclure, je vous propose de retenir dans le périmètre du texte de la commission, au regard de l'article 45 de la Constitution et de l'article 44 bis du Règlement du Sénat s'agissant des cavaliers législatifs, les sujets suivants : gouvernance, financement, objectifs et exploitation des établissements publics portuaires relevant de l'État et des collectivités territoriales ; gouvernance, planification et financement de la politique nationale dans les domaines portuaire, logistique et du transport terrestre de marchandises ( routier, fluvial, ferroviaire) ; relations entre les établissements publics portuaires et différentes catégories de personnes publiques ; organisation, gestion et régulation des services portuaires et dialogue social ; soutien à la compétitivité-prix et hors prix des ports maritimes relevant de l'État et des collectivités territoriales ; modèle économique et fiscal des ports maritimes ; transition écologique dans les secteurs industrialo-portuaires et du transport fluvial, ferroviaire et maritime de marchandises ; et enfin information du Parlement sur la politique nationale portuaire et de transport de marchandises.
M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie pour cette présentation très claire.
M. Gérard Lahellec. - Nouvel élu dans cette noble assemblée, je voudrais commencer par saluer l'engagement de M. Michel Vaspart. Cette initiative législative repose sur une mission parlementaire, ce qui est en soi une bonne chose. Par ailleurs, l'invitation à définir une ambition portuaire pour notre pays mérite d'être saluée. Cependant, après une lecture attentive de cette proposition de loi, celle-ci me semble souffrir d'une référence trop exclusive aux seuls GPM, sachant que ces derniers restent bien petits par rapport aux ports mondiaux, et que certaines mauvaises langues n'hésitent pas à dire que le premier port français est celui d'Anvers. Cette référence exclusive aux sept GPM à partir de laquelle nous sommes invités à travailler ne me semble pas offrir un reflet exact de la réalité de nos territoires.
Pardonnez-moi de citer l'exemple de la Bretagne, qui compte 2 700 kilomètres de côtes, trois ports décentralisés, dont aucun ne constitue une référence pour le travail conduit. Néanmoins, les flux totalisés de ces trois ports sont comparables au tonnage des GPM. De plus, ces ports jouent un rôle dans la vie des territoires. Il ne s'agit pas d'une critique négative, mais bien d'une contribution sachant que les questions que vous abordez, comme celle du remorquage, se posent dans tous les ports, quelle que soit leur taille. Cela n'hypothèque pas le travail à conduire dans le cadre de l'élaboration d'une stratégie portuaire que tout le monde appelle de ses voeux, mais le texte d'initiative législative aurait gagné à prendre en considération cette diversité.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Les sept GPM relevant de l'État assurent le traitement de 80 % des flux de notre territoire, ce n'est pas le même ordre idée. Ils méritent donc une attention particulière. Je n'oublie pas les ports relevant des collectivités territoriales, qui sont présents dans le CNPL. Par ailleurs, comme je l'ai signalé, de nombreuses contributions écrites provenaient des départements, qui ont ainsi participé à l'élaboration de ce texte. Il sera toujours possible d'ajouter des amendements en séance, mais le texte tel qu'imaginé par M. Michel Vaspart prend en compte la réalité des flux et du potentiel économique, et intègre les collectivités.
M. Ronan Dantec. - Je tiens aussi à saluer notre collègue Michel Vaspart. Il me semble que nous avons produit un véritable travail collectif et j'espère que le Gouvernement accueillera favorablement cette proposition de loi qui apporte beaucoup. Je voudrais insister sur deux points.
Tout d'abord, la question de la gouvernance me semble bien illustrée par la situation de Nantes-Saint-Nazaire, où un débat a lieu sur l'affectation de l'ancienne zone du Carnet, qui a été recolonisée par la nature en l'absence d'implantation, l'administration du port n'ayant su proposer de projet de développement précis et cohérent. Par conséquent, le département de la Loire-Atlantique et Nantes Métropole se sont désolidarisés de la direction du port. Il est temps que les collectivités prennent la responsabilité de la gestion portuaire.
Par ailleurs, derrière cette question se pose celle de la gestion des surfaces portuaires, et je suis honoré que le rapport que j'ai porté dans le cadre de la commission d'enquête sur la réalité des mesures de compensations environnementales soit cité. Nous n'avons pas l'habitude d'une gestion parcimonieuse de ces surfaces, qui sont pourtant des surfaces importantes en termes de biodiversité. Le rapport montre bien que la stratégie dans les grands ports du Nord est de gagner sur la mer plutôt que de consommer les vasières comme nous avons tendance à le faire, et je trouve nouveau et intéressant que ce texte aborde ces sujets.
Par ailleurs, nous sommes tous d'accord sur la centralité de la question ferroviaire dans l'avenir portuaire et je regrette que le plan de relance ne soit pas plus clair sur ce sujet. Nous sommes très en retard sur ce point et le développement des infrastructures de ferroutage devrait être l'une des priorités du plan.
Mme Nadège Havet. - Décidément, les sénateurs bretons prennent la parole aujourd'hui ! Nous partageons tous l'ambition de renforcer l'attractivité de nos ports et d'en augmenter les parts de marché. Cette proposition de loi, déposée par un autre sénateur breton, fait suite à la mission d'information présidée par Mme Filleul, dont je salue le travail. Je partage un certain nombre d'objectifs exposés dans ce texte, dont l'association plus étroite des parlementaires, notamment dans les circuits d'information, et l'association d'un grand nombre d'acteurs dans les stratégies du développement portuaire. Nous avons abordé le sujet avec le ministre Djebbari, notamment sur le soutien au secteur ferroviaire pour développer l'hinterland de nos ports dans le cadre du plan de relance. En effet, l'enjeu dépasse la desserte maritime. Au regard de la crise sanitaire, du Brexit et de ses conséquences incertaines, des transformations économiques et technologiques à l'oeuvre dans le secteur industrialo-portuaire, un nouvel élan est aujourd'hui nécessaire.
Je m'interroge cependant sur le calendrier puisque la stratégie nationale sera présentée prochainement. Par ailleurs, je m'interroge également sur le processus de régionalisation des GPM, proposé à l'article 6, et qui n'apparaît pas aujourd'hui comme une priorité. De même, nous ne sommes pas favorables à l'article 8, qui porte sur la disponibilité des services portuaires, en particulier du remorquage. Nous ne minimisons pas le sujet, mais il nous semble tout aussi capital de pacifier le dialogue social. Toutefois, nous nous félicitons de ce texte, qui met en lumière la problématique portuaire. Nos ports méritent un débat, des propositions concrètes et une vision stratégique !
M. Stéphane Demilly. - Tout en saluant la qualité du texte présenté, je regrette qu'on ne parle pas suffisamment du grand projet fluvial Seine-Nord-Europe, qui est le plus grand projet infrastructurel porté par l'Union européenne. Ce canal constituera un maillon central de la navigation fluviale à grand gabarit en reliant les bassins de la Seine et de l'Oise aux 20 000 kilomètres du réseau fluvial nord-européen. Le canal sera accessible à des bateaux atteignant une taille de 185 mètres de long et pouvant transporter 220 camions. Ce projet entraînera une diminution importante des émissions de CO2, permettra de décongestionner les autoroutes, pourrait créer entre 10 000 et 13 000 emplois tout au long des 100 kilomètres du canal pendant la phase des travaux, auxquels il faut ajouter 10 000 à 15 000 emplois qui pourraient voir le jour dans les domaines touristique et fluvial. À ce sujet, une phrase du rapport annexé me chagrine, qui évoque le risque avec ce canal de « détourner certains trafics des ports normands ». Toutes les études menées sur ce projet montrent que toutes les régions et tous les ports vont y gagner, y compris les Normands, et il ne faut pas opposer les territoires, même entre deux virgules.
M. Pascal Martin. - C'est au tour des sénateurs normands de s'exprimer ! Monsieur Demilly, en effet, nous nous interrogeons sur ce sujet en Normandie, notamment en Seine-Maritime. Par ailleurs, nous avons la chance de compter deux GPM, Le Havre et Rouen, le projet Haropa qui verra bientôt le jour, un port régional à Dieppe, deux ports départementaux, un port intercommunal et un port de pêche devenu départemental. Pourtant, nous sommes dans l'incapacité d'assurer efficacement la mutualisation et la concertation entre ces différents ports.
Je souhaiterais à mon tour remercier Mme Martine Filleul et M. Michel Vaspart, car j'ai eu la chance de participer à cette mission d'information. Le travail mené y a été intelligent, constructif et il nous a permis de nous rendre sur le terrain pour échanger concrètement avec l'ensemble des acteurs.
L'un des constats majeurs a bien été l'absence de synergie entre ces GPM. La création d'Haropa permettra d'améliorer la coopération entre Le Havre, Rouen et Paris, mais, d'une façon globale, on observe une absence de concertation à l'échelle nationale.
Enfin, si j'ai cosigné cette proposition de loi, l'articulation entre les articles 1er et 6 me pose problème. En effet, l'article 1er a vocation à créer une nouvelle structure, le CNPL, qui aura notamment pour mission d'assurer une stratégie à l'échelle nationale, ce que j'appelle de mes voeux. Mais comment articuler cette stratégie nationale lorsque vous autorisez à l'article 6 la possibilité d'une décentralisation des GPM pour les régions qui en feraient la demande ? Certes, l'État pourra s'y opposer, mais, lorsque le processus sera engagé, cela ne sera pas évident et nous aurons alors deux types de GPM. Certains resteront sous la tutelle de l'État et d'autres dépendront des régions ; comment définir alors une stratégie nationale ?
M. Guillaume Chevrollier. - À mon tour, je salue le travail de M. Michel Vaspart et cette proposition de loi qui, sans régler toutes les questions, pose néanmoins les vrais sujets et ouvre un débat stratégique important pour notre pays, qui est une grande nation maritime.
La nécessité de développer une vision portuaire est fondamentale pour travailler à la réindustrialisation du pays, mais aussi pour accompagner les ports et leur permettre de développer une meilleure gestion des espaces maritimes au regard de la transition écologique.
Enfin, pour des questions de souveraineté, le pilotage de ces structures stratégiques doit être assuré par l'État, afin d'assurer notamment une grande vigilance à l'égard des investissements étrangers.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Je vais répondre aux questions qui ne trouveraient pas leur réponse dans les amendements que je vous proposerai.
Tout d'abord, nous partageons tous le constat d'un manque de vision de l'État sur la politique portuaire et d'un manque de visibilité sur les moyens du plan de relance, qui permettront de renforcer durablement l'attractivité des zones industrialo-portuaires et de soutenir les trafics de nos ports.
Sur le calendrier, par rapport à la stratégie nationale portuaire du Gouvernement, nous nous sommes entretenus, le président Longeot et moi, avec le ministère et nous tenterons de faire passer l'ensemble des dispositions prévues par le texte, sous une forme ou une autre. Le Gouvernement partagera sa stratégie à la fin de l'année, la proposition de loi sera votée au Sénat le 8 décembre et si la proposition devait ne pas être inscrite à l'Assemblée nationale, il nous faudra veiller à ce que les dispositions puissent être prises en compte, au travers du PLF et d'autres textes. Malheureusement, nous ne sommes pas maîtres du calendrier.
En ce qui concerne le canal Seine-Nord-Europe, il me semble que chacun doit pouvoir exprimer ses inquiétudes et il est normal de les prendre en compte. Le canal doit permettre une plus grande fluidité parce que, aujourd'hui, un grand nombre de nos approvisionnements viennent des ports du nord de l'Europe et non des ports français. Il nous faut inverser la tendance pour favoriser nos ports, mais on ne peut le faire au détriment de certains. En 2016, la commission avait organisé une table ronde sur le sujet et il serait peut-être judicieux de prévoir une nouvelle table ronde d'étape, afin de lever les craintes. La mise en oeuvre du projet doit prendre en compte ces craintes, notamment par rapport aux ports du Nord de l'Europe, afin de développer les bonnes réponses pour l'avenir de nos ports.
Sur l'articulation entre l'article 1er et l'article 6, dans d'autres secteurs d'activité, des stratégies nationales sont déclinées localement sans pour autant que les compétences soient exercées par un acteur unique. Se référer et se tenir à la stratégie nationale peut devenir un impératif dans le cas où certaines collectivités souhaiteraient reprendre la main sur la gouvernance des ports. Par ailleurs, je vous présenterai des amendements visant à insérer des garde-fous supplémentaires par rapport à la version initiale.
M. Jean-François Longeot, président. - Passons à présent à l'examen des articles.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-28 rectifié vise à ajouter aux membres du CNPL des représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements responsables de la gestion d'un port maritime pour lequel un conseil de coordination interportuaire a été mis en place. Cette proposition rejoint les demandes des collectivités territoriales consultées. Avis favorable.
L'amendement COM-28 rectifié est adopté.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-29 rectifié vise à ajouter aux membres du CNPL des représentants de Voies navigables de France (VNF) et du gestionnaire d'infrastructure ferroviaire SNCF Réseau. Cela me paraît très pertinent et répond à un certain nombre de questions posées. Avis favorable.
L'amendement COM-29 rectifié est adopté.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-18 vise à préciser la notion de « représentants du monde économique ». Il est en effet important que les différents clients et utilisateurs des ports soient associés aux travaux du CNPL. Le présent amendement vise à intégrer leurs représentants dans la liste de ses membres.
Il me semble que cet amendement satisfait l'intention de l'amendement COM-27 de Mme Martine Filleul, qui prévoit quant à lui de préciser que France Logistique fait partie des représentants du monde économique. L'amendement COM-18, qui fait référence à l'ensemble de la chaîne portuaire et logistique prévoit explicitement la présence d'acteurs du secteur logistique au sein du CNPL, dont le détail exact des représentants sera précisé par décret. Demande de retrait ou avis défavorable pour l'amendement COM-27.
L'amendement COM-18 est adopté.
L'amendement COM-27 est retiré.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-26 ajoute le haut-commissaire au plan ou son représentant aux membres du CNPL. Il me semble tout à fait naturel que le haut-commissaire soit associé aux travaux du CNPL. Néanmoins, je ne suis pas favorable à l'inscription dans la loi de sa présence au sein de ce conseil. Nous ne savons pas quel avenir sera réservé à cette instance créée par décret. De plus, le champ d'action du haut-commissaire est si large que nous ne pouvons prévoir sa présence dans chacune des structures concernées. Cela risquerait de diluer son action. Il me semble plus pertinent de prévoir, comme le propose l'amendement COM-17, que le CNPL puisse solliciter le concours du haut-commissaire au plan dans le cadre de ses travaux. Demande de retrait au profit de l'amendement COM-17 ou avis défavorable.
L'amendement COM-26 est retiré.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-15 prévoit deux évolutions. D'une part, il précise que la mission de conseil et de soutien exercée par le CNPL auprès des ports maritimes, dans la définition et la mise en oeuvre de leurs projets, concerne les ports relevant de l'État, mais aussi des collectivités territoriales. Cela répond là encore aux questions soulevées, et va dans le sens d'une plus grande coordination entre les différents ports.
D'autre part, l'amendement précise que cette mission de soutien et de conseil du CNPL doit être mise en oeuvre en cohérence avec la stratégie nationale portuaire. En effet, l'un des problèmes fondamentaux de la stratégie nationale portuaire de 2013 réside dans son absence de suivi et de déclinaison dans les faits.
L'amendement COM-15 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-23 est adopté.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-16 précise que les missions du CNPL pourront notamment porter sur la réduction du surcoût de manutention fluviale et sur l'évaluation du niveau de service offert par les compagnies maritimes. Par ailleurs, je présenterai un autre amendement sur le sujet du surcoût de la manutention fluviale.
L'amendement COM-16 est adopté.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Nous avons déjà évoqué cet amendement COM-17, qui prévoit que le CNPL pourra solliciter le concours du haut-commissaire au plan dans le cadre de ses travaux.
L'amendement COM-17 est adopté.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-30 rectifié prévoit que la stratégie nationale portuaire fait l'objet d'une évaluation qualitative au regard des objectifs de développement durable définis par l'Organisation des Nations unies (ONU). L'un des principaux écueils de la stratégie nationale portuaire présentée en 2013 était l'absence d'évaluation de son impact en matière de performance économique, mais aussi au regard de critères environnementaux et sociaux. Cet amendement me semble très pertinent. Avis favorable.
L'amendement COM-30 rectifié est adopté.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-19 a pour objet de préciser que les membres du CNPL sont associés à l'élaboration de la stratégie nationale portuaire. Dans la mesure où le CNPL est chargé du suivi de sa mise en oeuvre, il est en effet cohérent de prévoir de l'associer à son élaboration, prévue tous les cinq ans.
L'amendement COM-19 est adopté.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-31 rectifié prévoit que le contrat d'objectifs et de performance conclu entre VNF et l'État prenne en compte la stratégie nationale portuaire, ce qui me semble indispensable dans une logique de report modal des trafics vers la voie d'eau. Avis favorable.
L'amendement COM-31 rectifié est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à remplacer la désignation directe du président de l'union maritime et commerciale locale au conseil de surveillance de chaque GPM par la désignation d'une personnalité qualifiée proposée par le président de l'union maritime et commerciale locale. L'objectif est de donner plus de souplesse aux acteurs privés pour désigner leurs représentants et de répondre à certaines critiques.
L'amendement COM-1 est adopté.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Les amendements COM-24 et COM-32 portent sur la composition du conseil de surveillance des GPM, dont la proposition de loi prévoyait de réduire le nombre des membres et de modifier la composition. L'amendement COM-32 de Mme Filleul propose d'y intégrer un représentant de SNCF Réseau et un représentant de VNF. Mon amendement COM-24 prévoit d'ajouter un représentant de SNCF Réseau, car VNF est déjà représenté au sein des conseils de développement ou des conseils de surveillance des ports. Je tiens à votre disposition une fiche récapitulative qui montre que VNF est aujourd'hui présent dans tous les ports où les enjeux fluviaux sont importants. La principale absence concerne la façade atlantique et je pense qu'il vaudrait mieux que VNF soit associé au conseil de coordination interportuaire de l'Atlantique plutôt que dans les conseils de surveillance de chacun des trois ports concernés. Il faut laisser de la souplesse. Le sujet est différent pour SNCF Réseau, qui est très peu présente. Demande de retrait ou avis défavorable pour l'amendement COM-32.
Mme Martine Filleul. - Pour inclure un représentant de SNCF Réseau vous proposez dans votre amendement une diminution du nombre de représentants du personnel. Mon groupe et moi-même ne pourrons adopter cet amendement en l'état. Dans l'absolu, nous sommes d'accord pour ajouter un représentant de SNCF Réseau, mais pas au détriment de la représentation du personnel.
L'amendement COM-24 est adopté ; l'amendement COM-32 devient sans objet.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3
L'amendement rédactionnel COM-2 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à proposer une nouvelle rédaction pour l'article 4 de la proposition de loi. L'objectif est de parvenir au consensus par une voie plus souple qui permettra de renforcer le dialogue entre le directoire et le conseil de développement, tout en répondant aux critiques formulées par l'administration sur la prévention des conflits d'intérêts.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-33 vise à préciser dans le code des transports qu'un conseil de coordination interportuaire (CCI) est mis en place obligatoirement pour chaque façade maritime et qu'il se réunit au moins deux fois par an.
Cette précision importante répond à certaines interrogations posées précédemment. Dans les faits, il existe actuellement quatre conseils de coordination interportuaire pour tous les axes et façades maritimes : axe Nord, axe Seine, axe Méditerranée-Rhône-Saône et façade atlantique. En outre, deux associations ont été mises en place : Norlink ports pour le bassin Nord Pas-de-Calais et Medlink ports pour le bassin du Rhône, dont VNF assure la présidence. Il s'agit donc d'une précision rédactionnelle qui met en valeur l'enjeu majeur de la coordination entre les ports relevant de l'État et les ports décentralisés. En revanche, la précision sur la fréquence de réunion n'est pas utile, même si je comprends votre objectif qui est de faire en sorte que ces conseils soient dynamiques. Mon sous-amendement COM-41 tend à supprimer la précision introduite par l'amendement COM-33 concernant la fréquence de réunion des CCI. Les CCI sont les mieux placés pour juger du nombre nécessaire de réunions, chaque façade ayant ses propres impératifs, projets et stratégie.
L'avis est donc favorable sur l'amendement COM-33, sous réserve de l'adoption du sous-amendement COM-41.
Mme Martine Filleul. - Certains CCI ne se réunissent pas. Imposer une fréquence minimale de réunion revient à faire pression sur eux.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Le code des transports prévoit déjà une fréquence de deux réunions par an.
M. Hervé Gillé. - Je m'apprêtais à proposer une rédaction imposant aux CCI de se réunir au moins deux fois par an : je ne savais pas que cette obligation figurait déjà dans les textes.
Le sous-amendement COM-41 est adopté.
L'amendement COM-33, ainsi modifié, est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-34 vise à supprimer la possibilité introduite par la proposition de loi de confier la gestion de certains grands ports maritimes aux régions.
Il s'agit d'un sujet sensible. M. Michel Vaspart n'était pas particulièrement favorable à cette décentralisation. Je suis moi-même assez réservé sur le sujet. Néanmoins, le débat doit avoir lieu, l'État doit prendre ses responsabilités et clarifier sa position.
Le Premier ministre avait indiqué en 2018 que « le Gouvernement examinerait de manière favorable les demandes des collectivités qui souhaiteraient [...] reprendre la gestion » des ports de la façade atlantique. L'article 6 de la proposition de loi ouvre cette possibilité, mais réserve à l'État le droit de refuser le transfert.
Mon amendement COM-4 vise à opérer deux ajustements : d'abord, il supprime les dates imposées pour le transfert ; ensuite, il laisse trois mois de plus au conseil de développement de chaque grand port maritime pour se prononcer sur l'éventuelle demande de la région. Enfin, il prévoit une procédure d'avis similaire pour le Conseil national portuaire et logistique. Je demande donc le retrait de l'amendement COM-34 ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Mme Martine Filleul. - Je maintiens mon amendement.
L'amendement COM-34 n'est pas adopté.
Mme Martine Filleul. - Nous voterons contre l'amendement COM-4.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-35 prévoit de supprimer les dérogations figurant à l'article 7 pour la mise en oeuvre de mesures de compensation.
Il est important de trouver un équilibre entre, d'une part, le fait de conserver un haut niveau de protection de l'environnement et, d'autre part, la mise en place des conditions pour le futur développement des ports. C'est pourquoi la mise en oeuvre de mesures de compensation, notamment le principe de proximité, doit être appliquée avec discernement.
Je suis opposé à la suppression totale de la dérogation. En revanche, je suis favorable à une prise en compte des projets de développement futur des ports par les mesures de compensation plutôt qu'à leur compatibilité. Tel est l'objet de mon amendement COM-22.
L'avis est donc défavorable à l'amendement COM-35.
M. Ronan Dantec. - Je voterai contre l'amendement du rapporteur. Le terme « compatible » me semble juridiquement plus adapté. Il est repris dans le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) et les autres documents d'urbanisme.
L'amendement COM-35 n'est pas adopté.
L'amendement COM-22 est adopté.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-20 vise à introduire une meilleure articulation entre les contrats d'objectifs et de performance (COP) conclus entre les grands ports maritimes et l'État et la stratégie nationale portuaire. C'est pourquoi le présent amendement prévoit une mise en cohérence des COP avec la stratégie nationale portuaire. Cela n'avait pas été le cas en 2013.
L'amendement COM-20 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 7
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-5 tend à créer un dispositif complet de soutien à l'attractivité des grands ports maritimes dans le cadre de la relance de l'économie et de la transition écologique. Seraient ainsi créées des zones de relance économique temporaires dont les ports relevant de l'État et les ports décentralisés assureraient la gestion, dans le cadre prévu par le code des douanes. Celui-ci permet de considérer les marchandises s'y trouvant comme n'étant pas sur le territoire douanier pour l'application des droits de douane et des taxes dont elles sont passibles à raison de l'importation. Une exonération d'impôt sur les sociétés serait également instituée dans ces zones. L'amendement met en place une double conditionnalité sectorielle et environnementale.
L'amendement COM-5 est adopté et devient article additionnel.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-6 complète le précédent sur les zones de relance économique temporaires. Il s'inspire du dispositif de suramortissement voté en 2015 dans le cadre de la loi dite « Macron ». Ce dispositif n'est plus en vigueur aujourd'hui, mais un mécanisme comparable a été mis en place pour soutenir le verdissement du transport maritime. L'amendement met en place un dispositif comparable pour l'acquisition de biens neufs, avec une déduction à hauteur de 30 % des investissements réalisés. Le sous-amendement COM-40 de Mme Filleul tend à demander un rapport au Gouvernement sur l'évolution de l'emploi des dockers, un sujet qui vous tient à coeur, je le sais. Cette demande permet de compléter le dispositif que je vous propose d'introduire. Avis favorable.
Le sous-amendement COM-40 est adopté.
L'amendement COM-6, ainsi modifié, est adopté et devient article additionnel.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-36 de Mme Filleul prévoit une suppression pure et simple de l'article 8, ce qui me semble excessif compte tenu des enjeux actuels en matière de maîtrise du coût du passage portuaire et de fiabilité sociale, qui ont été remis au coeur de l'actualité durant l'hiver 2019.
Mon amendement COM-7 satisfait partiellement l'amendement COM-36 puisqu'il supprime les dispositions relatives au pilotage maritime. Le cadre réglementaire est suffisamment étoffé pour cette activité.
Mon amendement COM-8 permet également de satisfaire partiellement l'amendement COM-36 puisqu'il augmente de quatre à sept ans la durée maximale de l'agrément pour les entreprises de remorquage, afin de ne pas bouleverser les conditions d'exploitation des remorqueurs et de prendre en compte la durée d'amortissement de leurs investissements. Les agréments étaient jusqu'à présent accordés pour une durée allant de cinq à quinze ans, ce qui est trop long.
En revanche, Mme Filleul et moi-même avons une divergence s'agissant de la continuité du service. Mon amendement COM-9 procède à une clarification rédactionnelle pour ne viser que le remorquage et non le lamanage, dont les conditions d'exercice sont plus proches de celles des pilotes maritimes ; mon amendement COM-10 prévoit un dispositif souple de prévention des conflits et d'organisation du dialogue social pour garantir au mieux la continuité du service. Cela me semble être un bon compromis entre ne rien faire, comme nous y invite le Gouvernement sur la plupart des sujets d'ailleurs, et tout bouleverser.
Lors des épisodes de grève liés à la réforme des retraites, le blocage des remorqueurs a été particulièrement préjudiciable à l'activité portuaire. Une charte d'engagement a été signée le 7 octobre dernier entre l'ensemble des acteurs des secteurs portuaires et logistiques.
Pour ce qui me concerne, il s'agit non pas d'agiter un « chiffon rouge » ou d'aller au-delà du raisonnable, mais de marquer notre préoccupation pour que les autorités portuaires puissent organiser au mieux les services de remorquage.
Je rappelle enfin que si les entreprises de remorquage ne sont pas chargées de la gestion d'un service public en tant que tel, l'activité de remorquage comporte de nombreux éléments qui la font entrer dans la catégorie d'un service public. Certains services de remorquage ont même pendant longtemps été organisés dans le cadre de délégations de service public. Le système de l'agrément est souple, mais peu clair sur ces questions de service public. L'objectif est de donner des outils aux ports pour mieux réguler ces services en fonction des besoins de l'activité portuaire. Je demande donc le retrait de l'amendement COM-36 ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Mme Martine Filleul. - Nous maintenons notre demande de suppression de l'article 8, qui tend à introduire une notion de service minimum pour le remorquage.
L'amendement COM-36 n'est pas adopté.
Les amendements COM-7, COM-8, COM-9 et COM-10 sont adoptés.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-11 vise à supprimer une demande de rapport. Nous disposons d'autres moyens pour vérifier la soutenabilité de l'assujettissement des grands ports maritimes à la taxe foncière et à l'impôt sur les sociétés si cette problématique devait se poser.
L'amendement de suppression COM-11 est adopté.
L'article 9 est supprimé.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-12 vise à supprimer la demande de rapport sur la création de zones franches industrialo-portuaires. Une mission d'inspection est en cours sur le sujet et nous avons introduit un article dédié sur les zones de relance économique temporaires, comme base de travail. Évitons de doublonner !
L'amendement de suppression COM-12 est adopté.
L'article 10 est supprimé.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Cet amendement COM-13 vise à supprimer une demande de rapport sur l'extension de la convention collective nationale unifiée des ports et de la manutention aux ports intérieurs. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet par d'autres voies.
L'amendement de suppression COM-13 est adopté.
L'article 11 est supprimé.
Article 12
L'article 12 est adopté sans modification.
Article 13
L'article 13 est adopté sans modification.
Article 14
L'article 14 est adopté sans modification.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-14 vise à prolonger jusqu'en 2026 le dispositif de suramortissement en faveur du verdissement du transport maritime et des infrastructures portuaires, pour tenir compte des difficultés rencontrées par les armateurs. Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une prolongation jusqu'en 2024 qui ne semble pas suffisante compte tenu des enjeux et des volumes d'investissements à réaliser.
L'amendement COM-14 est adopté.
L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 15
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-25 vise à ouvrir la possibilité pour les grands ports maritimes de mettre en place, à titre expérimental, une instance de discussion chargée d'élaborer et de mettre en oeuvre un plan d'optimisation des coûts et, le cas échéant, de réduction du surcoût de manutention fluviale.
La loi d'orientation des mobilités a ouvert la possibilité de conclure des conventions de terminal, qui peuvent prévoir une part dégressive au sein de la redevance due par l'exploitant en fonction du trafic ou de la performance environnementale de la chaîne de transport, par dérogation avec les règles de droit commun du code général de la propriété des personnes publiques. Sans remettre en cause la nature de ces contrats, l'objectif est de favoriser la réduction de ce surcoût.
Mme Martine Filleul. - Nous ne serons pas favorables à cet amendement. Sur le fond, nous rejoignons le rapporteur, mais nous avons proposé un amendement plus radical visant à généraliser l'expérimentation en cours à Dunkerque, qui a permis de doubler le transport fluvial.
L'amendement COM-25 est adopté et devient article additionnel.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-38 vise à transformer la possibilité, prévue par la LOM, pour une convention de terminal de prévoir une part dégressive du montant de la redevance due en fonction de la performance environnementale de la chaîne de transport en une obligation, et fixe, dans ces mêmes conventions, un objectif minimum de recours de 20 % aux modes massifiés pour les grands ports maritimes disposant d'un accès fluvial ou ferroviaire.
Cette obligation et l'objectif de report modal sont susceptibles d'entraîner une requalification des conventions de terminal concernées en contrats de concession, puisque cela pourrait être assimilable, en raison du caractère contraignant, à un besoin spécifique de la personne publique.
Par ailleurs, comme nous l'ont signalé plusieurs acteurs, cet objectif de 20 % n'est, en l'état, pas toujours possible, en raison de l'état dégradé des réseaux ferroviaire ou fluvial ou des besoins en matière d'infrastructures. Je pense notamment à la chatière du Havre. Même si j'en partage les objectifs, je suis défavorable à cet amendement.
L'amendement COM-38 n'est pas adopté.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-39 vise à inscrire dans la loi que les travaux de manutention portuaire réalisés par les ouvriers dockers font l'objet d'une facturation directe au donneur d'ordre.
Le mode fluvial fait l'objet d'un traitement différencié qui nuit à sa compétitivité et les transporteurs fluviaux ont peu de marges de négociation avec les entreprises de manutention.
L'expérimentation réalisée à Dunkerque est extrêmement intéressante, mais elle semble difficile à généraliser pour plusieurs raisons. D'abord, d'après la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), les surcoûts de manutention fluviale sont bien plus élevés dans les autres ports français. Enfin, il me semble plus pertinent, plutôt que de réguler des relations commerciales, de favoriser la concertation entre les acteurs : c'est dans cet esprit que je vous ai présenté mon amendement COM-25. L'avis est défavorable.
L'amendement COM-39 n'est pas adopté.
Article 16
L'article 16 est adopté sans modification.
Article 17
L'article 17 est adopté sans modification.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Longeot, président. - Je remercie le rapporteur pour l'important travail qu'il a réalisé.
La réunion est close à 12 h 25.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
La réunion est close à 12 h 25.