- Mercredi 28 octobre 2020
- Audition de Mme Gisèle Rossat-Mignod, directrice, et M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles, Réseau de la Banque des territoires, Caisse des dépôts et consignations
- Audition de M. Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme automobile (PFA)
- Audition de MM. Thierry Mallet, président de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), Étienne Chaufour, directeur Île-de-France, chargé de l'éducation, des solidarités et des mobilités, France urbaine, et Franck Claeys, directeur économie et finances territoriales, France urbaine
- Désignation de rapporteurs chargés du suivi de l'application des lois
Mercredi 28 octobre 2020
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 09 h 05.
Audition de Mme Gisèle Rossat-Mignod, directrice, et M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles, Réseau de la Banque des territoires, Caisse des dépôts et consignations
M. Jean-François Longeot, président. - Madame la directrice du réseau de la Banque des territoires, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui dans ce contexte si particulier. Il n'a pas été simple d'organiser cette audition, dont le format a plusieurs fois évolué. Nous aurons sans doute l'occasion de recevoir le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ou le directeur de la Banque des territoires en 2021 pour faire le point sur la mise en oeuvre du plan de relance.
La dernière audition de M. Éric Lombard remonte à juillet 2018, à l'occasion du lancement de la Banque des territoires.
L'audition d'aujourd'hui intervient à un moment important car la CDC a présenté son plan de relance au début du mois de septembre. Ce plan de 26 milliards d'euros de fonds propres, auxquels s'ajoutent des prêts sur Fonds d'épargne dans le cadre de votre initiative « Banque du climat », s'inscrit en complémentarité avec celui présenté par le Gouvernement et se décline autour de quatre axes, qui croisent largement les compétences notre commission : la transition écologique, le logement, le soutien aux entreprises et la cohésion sociale et territoriale.
Mes collègues vous interrogeront tout à l'heure sur ces différents aspects, qui renvoient à la rénovation énergétique des bâtiments, aux énergies renouvelables, aux nouvelles mobilités, à la rénovation des réseaux d'eau et d'assainissement, à la gestion des déchets, aux relocalisations industrielles sectorielles ou encore à l'accès aux soins et à l'inclusion numérique.
Je pense notamment à Louis Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires », à Jean-Michel Houllegatte s'agissant des crédits dédiés à l'aménagement numérique du territoire ou encore à Éric Gold, qui s'est particulièrement investi sur les questions liées à la lutte contre l'exclusion numérique.
Je rappelle enfin que le Gouvernement a indiqué que la territorialisation du plan de relance devait être la plus forte possible, pour permettre à l'ensemble des acteurs de travailler dans la même direction.
Pour ma part, en préambule, je souhaite vous interroger sur trois points de méthode pour la mise en oeuvre du plan de relance.
D'abord, pouvez-vous nous dire concrètement comment seront attribués les financements de la Caisse sur les quatre axes d'intervention de votre plan ?
Lors de son audition devant notre commission en 2018, Éric Lombard avait énoncé deux ambitions fortes, que je partage, « le projet de Banque des territoires est de faire plus, mieux et plus simple » et « je recommande à mes équipes de préférer au " non " le " oui, si " ».
Dès lors, quelles seront les modalités de sélection des projets et d'accompagnement des collectivités ? Nous connaissons les défauts des appels à projets, qui favorisent souvent les mêmes territoires bien dotés et bien organisés. Le Président de la République avait semblé vouloir changer de méthode et l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) a été conçue précisément pour partir des besoins et des projets des territoires en rompant avec le système d'appels à projets.
S'agissant de l'inclusion numérique par exemple, votre mobilisation à travers les appels à projets pour les Hubs France Connectée est très importante, et je la salue, mais aujourd'hui, 40 à 50 % du territoire ne sont pas encore couverts par une de ces structures et ce sont souvent les territoires où la fracture numérique et les difficultés d'usage sont les plus importantes.
Nous souhaitons donc connaître précisément les circuits de validation des projets qui recevront le soutien de la Caisse et la façon dont votre réseau territorial, qui compte 35 implantations, va se mobiliser au service de la relance.
Deuxième point, comment votre action s'articule-t-elle avec le plan de relance du Gouvernement sur le terrain ?
Le Premier ministre a pris une circulaire pour clarifier le rôle des préfets de département et de région dans l'attribution des fonds et détailler les modalités de contractualisation avec les collectivités et une autre circulaire est encore attendue pour expliciter les circuits budgétaires et comptables à mettre en place en appui. Le rôle de l'ANCT devra également être clarifié. Comment allez-vous travailler avec les préfets et les services de l'État ?
Enfin, dernier point, avez-vous identifié des sujets et ciblé des territoires prioritaires pour la mise en oeuvre du plan de relance ?
Notre commission est particulièrement sensible à la question des ouvrages d'art et des ponts des collectivités territoriales. Elle a diligenté une mission sur ce sujet, au soutien aux nouvelles mobilités et aux problématiques d'accès aux soins. Quels projets comptez-vous déployer pour traiter ces enjeux ?
Mme Gisèle Rossat-Mignod, directrice du réseau de la Banque des territoires, Caisse des dépôts et consignations. - Merci, Monsieur le Président pour votre invitation. C'est l'occasion pour la CDC de préciser de manière ciblée le plan de relance qui a été présenté début septembre par Éric Lombard.
Pour ma part, je dirige le réseau territorial de la Banque des territoires. Je suis donc la Directrice des directions régionales, qui constituent la force de frappe territoriale de la CDC.
Le groupe CDC est un acteur majeur de la relance puisqu'il va mobiliser 26 milliards de fonds propres, dont 10 milliards sur chacune des deux prochaines années. En 2020, nos interventions se montent à 4 milliards, la progression est donc extrêmement importante.
Nous sommes mobilisés pour une relance verte et solidaire sur tous les territoires. Cet engagement est possible grâce à la mobilisation très rapide des experts de la Caisse, dès le mois de mai, grâce à nos bons résultats 2019 et à notre bilan très solide.
Nous complétons notre intervention en fonds propres en élargissement l'emploi de l'épargne des Français. Nous mobiliserons des prêts sur fonds d'épargne pour soutenir massivement la relance en encourageant quatre secteurs : l'écologie, le tourisme, le secteur médico-social, le service public local. Nous offrirons ainsi 70 milliards de prêts sur fonds d'épargne. Par ailleurs, 12 milliards seront mobilisés d'ici 2022 avec une tarification améliorée.
La CDC a pour objectif d'amplifier son intervention, de l'accélérer et surtout de la concentrer sur les territoires. Nous sommes en effet convaincus que la relance de l'activité économique passera par les territoires.
Le premier axe porte sur la transition écologique et énergétique. Bpifrance et la Banque des territoires apporteront 40 milliards d'euros en investissements et en prêts, respectivement aux entreprises et aux territoires.
La Banque des territoires investira 6,3 milliards d'euros dans trois domaines. Le premier concerne la réduction de la consommation d'énergie des bâtiments. Nous avons comme objectif de financer la rénovation thermique de 22 millions de mètres carrés de bâtiments publics et de logements sociaux. Nous souhaitons également investir dans des bâtiments à haute performance écologique et énergétique, à travers CDC Habitat.
Le deuxième domaine concerne les énergies renouvelables (EnR) que nous voulons développer sur tout le territoire. Notre objectif est d'installer 8,8 gigawatts de puissance nouvelle pour équilibrer notre mix énergétique. Nous soutiendrons les développeurs d'EnR en finançant leurs projets. Nous avons par exemple financé la plus grande centrale photovoltaïque urbaine à Bordeaux, construite sur une ancienne décharge.
La transition écologique et énergétique passera aussi par la mobilité verte et partagée. Les transports constituent le premier poste d'émission de gaz à effet de serre. Nous interviendrons sur les infrastructures de transport, notamment sur le rail et le développement de pistes cyclables, sur le financement de matériels roulants propres et nous financerons le développement de 50 000 bornes de recharge électrique. Pour les véhicules propres, notre objectif est de financer 11 000 véhicules verts, notamment des flottes de bus électriques ou à hydrogène. Nous avons déjà un projet en Île-de-France.
Le deuxième axe de notre plan de relance porte sur le logement et l'habitat. Nous investirons 11,1 milliards sur les cinq prochaines années avec deux priorités. La première consiste à soutenir massivement la construction et le secteur de l'habitat. Nous poursuivrons notre soutien au logement social avec 902 millions d'euros de titres participatifs. Par ailleurs, CDC Habitat lancera la construction de 40 000 logements en VEFA pour un montant de 8,3 milliards d'euros, répartis entre 15 000 logements sociaux, 10 000 logements locatifs intermédiaires et 15 000 logements locatifs libres et abordables, notamment pour les travailleurs clés, qui n'ont pas toujours la possibilité de se loger à côté de leur lieu de travail. CDC Habitat continuera aussi à investir sur les copropriétés dégradées, à hauteur de 100 millions d'euros. Enfin, nous accélérerons notre soutien à la rénovation des logements et à la politique de la ville en passant une nouvelle convention avec l'ANRU pour 400 millions d'euros.
Le troisième axe porte sur le soutien à l'économie. Bpifrance est en première ligne pour financer le contenu, c'est-à-dire les entreprises. La Banque des territoires est de son côté en première ligne pour financer le contenant, c'est-à-dire les aménagements et parfois aussi l'immobilier. La Banque des territoires portera 8,3 milliards d'euros d'investissements. Un plan tourisme très ambitieux de 1,3 milliard d'euros aidera les acteurs du tourisme. Son déploiement est déjà en cours.
Nous avons également prévu un plan d'action pour les commerces au coeur des villes qui sont extrêmement touchés par la crise. Pour les aider à se restructurer, nous allons créer 100 foncières de revitalisation qui permettront d'acquérir des commerces de centre-ville, de les restructurer, de les transformer et de les remettre sur le marché. C'est un investissement de 300 millions d'euros qui transformera 6 000 commerces.
Enfin, sur l'attractivité industrielle de notre pays, nous sommes déjà partenaires du programme « Territoires d'industries » engagé par l'État et que nous allons accélérer. Nous mobiliserons un milliard d'euros en fonds propres et en prêts sur fonds d'épargne en direction de l'aménagement.
Le dernier axe porte sur la cohésion sociale. Nous développerons l'accès aux soins grâce à des plateformes de services et à des solutions de télémédecine. Enfin, nous améliorerons la prise en charge des personnes âgées avec la rénovation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et des investissements dans des maisons de retraite médicalisées.
Vous m'avez interrogée, Monsieur le Président, sur les modalités de mise en oeuvre. Nous sommes convaincus que la relance passera par les territoires. La Banque des territoires est le bras armé territorial de la CDC : 850 collaborateurs sont répartis dans 36 implantations et nous avons renforcé en 2019 notre organisation territoriale avec 50 collaborateurs supplémentaires.
Nous avons des interlocuteurs référents pour chacune des collectivités territoriales. Quand un maire, un président de Conseil départemental ou de Conseil régional s'adresse à ce référent, ce dernier est en mesure de lui présenter toutes les aides de la Banque des territoires.
Éric Lombard souhaite que les décisions se prennent le plus rapidement possible et le plus proche possible du terrain. Les directeurs régionaux ont donc une délégation de pouvoirs très importante. Pour mémoire, 90 % des prêts sont décidés dans les territoires sans remonter à Paris.
Nous travaillons évidemment avec tous les acteurs sur les territoires, l'État, les partenaires de l'État ou d'autres partenaires publics ou privés. Nous allons signer dans les prochaines semaines une convention avec l'ANCT. Nous sommes membre de son Conseil d'administration et nous sommes aussi membres, sur le plan territorial, des comités locaux de cohésion territoriale, qui sont mis en place par le délégué de l'ANCT dans chaque département.
Nos prêts n'ont pas de plancher ni de plafond. Nous sommes des financeurs de projets. Si un projet répond à nos objectifs, à notre plan de relance et s'il est initié par une collectivité territoriale, nous instruisons le dossier. Nous apportons à la collectivité notre aide en ingénierie, en conseil et en financements pour que le projet puisse aboutir.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - En application de l'article 7 de la loi du 22 juillet 2019 portant création de l'ANCT, les conventions pluriannuelles, et leurs avenants, que conclut l'agence avec ses opérateurs partenaires (Anru, Anah, Cerema, Ademe, CDC) doivent être transmises au Parlement. Or aujourd'hui, nous n'avons toujours rien reçu.
Pouvez-vous nous présenter les grandes lignes de la convention que vous avez conclue avec l'ANCT ?
Par ailleurs, l'ANCT a été construite sur l'idée que les projets doivent venir des territoires et doivent être construits avec l'ensemble des partenaires. Cependant, vous avez indiqué que vous n'accepteriez les projets émanant des territoires qu'à la condition qu'ils entrent dans vos priorités. Une clarification me semble nécessaire sur la philosophie de la Banque des territoires.
Le troisième axe du plan de relance comporte une action visant à favoriser la relocalisation des entreprises sur tout le territoire, en lien avec « Territoires d'industrie ». La Banque des territoires envisage-t-elle de cibler des secteurs industriels particuliers et des territoires particuliers ? Je rappelle que la prime d'aménagement du territoire (PAT) est en voie d'extinction. Quels leviers financiers allez-vous mobiliser pour attirer les industries sur les territoires ?
Autre sujet d'importance pour notre commission : l'accès territorial aux soins. Quels projets allez-vous soutenir pour lutter contre les déserts médicaux ? Avez-vous prévu d'autres actions pour contribuer à la vitalité des petites centralités, centres-villes ou centres-bourgs, dans le prolongement du programme « Action Coeur de ville » et dans la perspective du programme « Petites villes de demain » ?
Votre plan mentionne la création de 100 sociétés foncières pour accompagner 6 000 commerces. Comment ces projets seront-ils sélectionnés ?
M. Stéphane Demilly. - À l'heure où le plan de relance est décliné pour chaque territoire, il faut prendre pour exemple la gestion de la crise sanitaire où la gouvernance locale permet des réponses plus réactives et plus fluides. La Banque des territoires s'affiche comme un partenaire des collectivités locales et des entreprises. C'est indéniablement le cas pour les grandes collectivités et les grandes entreprises.
Allez-vous adapter vos dispositifs pour être au plus près des moyens limités des territoires ruraux, par exemple en abaissant le montant d'investissement minimum ?
Dans nos territoires, les sous-préfectures sont les correspondants des élus et des entreprises pour coordonner les différents services de l'État. Les préfectures envoient chaque année aux collectivités les dispositifs actualisés d'aides de l'État. Pourraient-elles les envoyer aux communes via les sous-préfets pour que la relation soit de facto plus locale ?
M. Jean-Michel Houllegatte. - Vous n'avez pas prononcé le terme « numérique ». Or, le numérique est partout, c'est un facteur de croissance et de résilience.
Il y a trois sujets dans le numérique. Le premier, c'est la couverture numérique du territoire en fibre optique : 250 millions sont prévus dans le cadre du plan de relance. Quel est le rôle de la Banque des territoires dans l'accompagnement des réseaux d'initiative publique (RIP) et dans leur financement ? Le deuxième sujet, c'est l'objectif d'accès pour tous les Français, d'ici la fin de l'année, au « bon » haut débit fixe. Pour financer cela, un guichet « Cohésion numérique des territoires » a été mis en place. Ce guichet a-t-il vocation à être alimenté ? Le troisième facteur, c'est le développement des services. Le numérique est vecteur de croissance à travers des écosystèmes. Quel soutien avez-vous prévu pour les centres de données qui s'implantent en France ? Quel sera votre accompagnement pour les villes qui se lancent dans des projets ambitieux de ville numérique ?
Mme Gisèle Rossat-Mignod. - La Banque des territoires est partenaire des programmes « Action coeur de ville », « Territoires d'industrie » et « Petites villes de demain » portés par l'État depuis leur genèse.
Ces programmes sont gérés par l'ANCT et nous travaillons avec cette agence. Nous apportons de l'aide à l'ingénierie en amont des projets et du financement et nous adaptons nos modalités d'intervention, notamment dans le cadre du programme « Action coeur de ville ». Nous avons la volonté d'avoir une couverture territoriale de plus en plus fine. Depuis deux ans, 30 % des villes concernées ont bénéficié d'un investissement de la CDC. Nous allons bien sûr investir sur le nouveau programme « Petites villes de demain ». Il va toucher 1 000 collectivités. Nous injecterons 200 millions d'euros d'appuis en ingénierie, en amont, pour les aider à structurer leur projet de développement. Nous apporterons aussi 100 millions d'euros d'investissements, avec des critères adaptés à ces collectivités.
Le plan de relance a été élaboré en écoutant les élus, les acteurs de terrain. Nos directions régionales nous ont transmis leurs besoins. J'ai également consulté toutes les associations d'élus. Notre souci du lien territorial est majeur et le plan sera appliqué au plus près des territoires.
Sur l'accès au très haut débit, l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et l'Association des départements de France (ADF) nous ont indiqué, qu'avant de parler d'e-santé, d'e-éducation ou d'e-commerce, il fallait donner accès au très haut débit à tous les territoires. La CDC investit de longue date dans des sociétés de services numériques innovants. Elle va accentuer ses efforts en investissant, en fonds propres et en prêts sur fonds d'épargne, 1,3 milliard d'euros pour accélérer l'accès au très haut débit dans les territoires les plus reculés. Nous envisageons un appel d'offres pour répondre à ces besoins.
Sur « Territoires d'industrie », nous avons quatre priorités : investir aux côtés de Bpifrance dans l'aménagement et dans l'immobilier industriel sur mesure, innovant et durable pour un montant de 700 millions, dont 450 millions en investissements et 250 millions de prêts sur fonds d'épargne ; accompagner l'industrie dans la transition écologique et environnementale avec 340 millions ; accompagner la mutation des métiers industriels et répondre au problème d'inadéquation entre les besoins et les formations ; accompagner les régions dans la cartographie de leurs chaînes d'approvisionnements et de leur système productif territorial et ainsi identifier leurs marges de manoeuvre pour la réindustrialisation de certains secteurs.
M. Hervé Gillé. - La somme d'informations que vous avez délivrées est importante et nous aurons besoin d'informations régulières sur vos actions en complément. Je n'ai jamais été contacté par la CDC et je dispose de peu de clés de lecture sur ses implications. J'éprouve donc quelques difficultés à comprendre son engagement et sa stratégie.
Je ne discerne pas dans votre exposé votre stratégie d'intervention territoriale. Comment accompagnez-vous la coopération territoriale ?
Nous avons entendu votre engagement sur les axes industriels. L'autonomie alimentaire est également un sujet majeur. Fait-elle partie des objectifs de votre plan de relance ?
Mme Angèle Préville. - Je m'interroge sur les 6 000 commerces et les 100 foncières de revitalisation. Pouvez-vous préciser à quelle catégorie de villes s'adresse ce projet ? Je connais de nombreuses petites villes de quelques milliers d'habitants dont les centres-villes sont désertés.
Mme Martine Filleul. - Nous ne devons laisser aucun citoyen à l'écart des services numériques. Comment coordonnez-vous vos actions sur l'inclusion numérique avec celles des autres acteurs ? Quels sont vos résultats quantitatifs ?
Mme Gisèle Rossat-Mignod. - Je vous ai présenté la vision nationale, consolidée, de notre champ d'intervention. Chacune de nos directions régionales décline sur son territoire les quatre axes que je vous ai présentés. Elle se fait en lien avec les acteurs du territoire.
Le plan a été présenté le 1er septembre et les directions régionales élaborent en ce moment les plans d'action territoriaux.
M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles, Caisse des dépôts et consignations. - Nous devons présenter le plan de relance et ses déclinaisons locales dans la majorité des régions. Nous vous avons envoyé, Monsieur le sénateur Gillé, une invitation à Bordeaux le 13 novembre. Par ailleurs, nous sommes à votre disposition pour vous transmettre toutes les informations nécessaires sur ce plan de relance.
Mme Gisèle Rossat-Mignod. - Nous devons présenter le plan de relance et ses déclinaisons locales dans la majorité des régions.
M. Étienne Blanc. - Le plan de relance comporte un important volet en faveur du patrimoine. La CDC a-t-elle prévu des actions pour la conservation du patrimoine ?
Mme Gisèle Rossat-Mignod. - Nous n'avons pas de volet spécifique sur ce point. En revanche, nos prêts sur fonds d'épargne peuvent être mobilisés et nous soutenons la rénovation des ouvrages d'art.
M. Éric Gold. - La mission d'information sur l'illectronisme a souligné que plus de 15 millions de nos concitoyens n'avaient pas accès aux démarches de base. La volonté de numériser les services publics a laissé de côté les plus fragiles d'entre nous. Au-delà des investissements nécessaires à la couverture numérique, je veux insister sur la médiation numérique. Si nous pouvons nous féliciter de l'effort financier qui a été déployé pour les territoires les plus fragiles, nous pouvons aussi nous interroger sur la capacité de ces territoires à mobiliser des aides. Ce sont souvent des territoires sous-dotés en moyens humains et en ingénierie.
Je souhaite que vous reveniez sur l'organisation concrète d'accompagnement des territoires afin que tous puissent accéder, de manière équitable, aux mesures du plan de relance.
Votre accompagnement est-il réellement accessible à l'ensemble des territoires, quels que soient leur taille et leurs moyens d'action ? Comment la Banque des territoires peut-elle les aider à passer du 100 % numérique au 100 % accessible ?
M. Olivier Jacquin. - Je finalise un rapport sur la mobilité dans les espaces peu denses. Il préconisera une couverture numérique totale du territoire. Vous avez précisé trois axes prioritaires dans le cadre des mobilités vertes, dont votre participation au plan du Gouvernement prévoyant l'installation de 100 000 bornes électriques pour fin 2021. Comment les collectivités pourront-elles bénéficier de ce concours ?
Par ailleurs, vous avez cité le rail. Ciblez-vous les régions, SNCF Réseau, SNCF Mobilité, des opérateurs privés du fret ?
Les pistes cyclables vont devenir une priorité, même dans les espaces peu denses. Les vélos électriques permettent de reconsidérer les mobilités actives et l'ensemble des collectivités s'intéressent à cette question. Quelles sont les conditions de sélection des projets et de cofinancement ?
Dans mon département, le contact avec la CDC est fréquent et de qualité. Le directeur régional est en lien avec les parlementaires et les grandes collectivités. En revanche, les petites collectivités ne vous connaissent pas ou très peu. Comment pouvez-vous favoriser l'égalité des territoires dans l'accès à vos financements ?
M. Jean-François Longeot. - J'espère que cette audition permettra aux petites collectivités de découvrir la CDC.
Mme Gisèle Rossat-Mignod. - Nous travaillons depuis deux ans à faire connaître la CDC aux plus petites collectivités. Nous diffusons le magazine Localtis dans toutes les collectivités.
Avant la création de la Banque des territoires, la CDC était perçue comme une institution très parisienne. Notre enjeu est d'être présents sur tous les territoires et de répondre à toutes les demandes des collectivités, en adaptant nos modalités d'intervention à leurs projets. Nous l'avons fait pour le programme « Action Coeur de ville ».
Pour soutenir les plus petites collectivités, nous agissons beaucoup en matière d'ingénierie, c'est-à-dire sur le conseil en amont des projets. Notre offre associe conseil et financement. Nous pouvons financer des études pour aider une collectivité à transformer une volonté politique en projet opérationnel. En 2019, nous avons accompagné presque 300 petites collectivités sur de l'ingénierie.
Sur le programme « Petites villes de demain », qui concerne des collectivités de moins de 10 000 habitants, nous injectons 200 millions d'euros en ingénierie, en concertation avec l'ANCT. En effet, cette dernière intervient en dernier ressort, en l'absence d'autres financements.
Nous augmentons notre effort sur le très haut débit. Notre objectif est de raccorder 8 millions de locaux d'ici fin 2022. Nous allons le suivre avec attention et nous vous transmettrons régulièrement des informations sur l'état d'avancement de ce sujet. La CDC est partenaire de l'État sur cette question, c'est un axe essentiel de sa politique de cohésion territoriale.
Sur les mobilités douces, les réaménagements de voirie et les pistes cyclables, nous sommes investisseurs ou prêteurs sur de nombreux projets.
Pour le rail, notre objectif est de régénérer le rail régional, notamment les lignes de desserte fine du territoire. Il faut, au préalable, comprendre et quantifier les flux du quotidien. J'ai déjà mentionné le déploiement de flottes de bus électriques, notamment en Île-de-France. Enfin, sur les bornes de recharge électrique, nous cherchons à nous adapter aux principaux usages, sur autoroutes, dans les copropriétés, pour en déployer 50 000. Nous investissons également sur des stations d'avitaillement d'énergie propre.
Enfin, nous participons au développement de services innovants, comme des solutions de véhicules propres partagés ou de covoiturage du quotidien. Nous cherchons aussi à favoriser le stationnement à l'orée de l'hyper centre et à faciliter les trajets intermodaux, avec une dématérialisation de la billetterie ou le transport de vélos.
En matière de cofinancement, nous investissons essentiellement dans des sociétés de structuration qui appuient les collectivités dans la mise en oeuvre de leurs projets.
M. Jean-François Longeot. - Merci Madame la Directrice. Nous avons bien compris que vous souhaitez mettre en place une politique au plus proche des territoires. Je reprends à mon compte les propos d'Éric Lombard, il faut que nous fassions plus, mieux et plus simple pour l'ensemble des territoires.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Audition de M. Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme automobile (PFA)
M. Jean-François Longeot, président. - Nous poursuivons notre matinée d'auditions dédiées au projet de loi de finances (PLF) pour 2021 et au plan de relance en accueillant Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme automobile (PFA).
La PFA est le porte-voix de la filière automobile française, et rassemble les constructeurs, les équipementiers et les sous-traitants. À ce titre, vous avez été à la manoeuvre lors des négociations avec l'État du plan de soutien de la filière, qui a été présenté le 26 mai dernier, et qui représente un montant de 8 milliards d'euros - dont 5 milliards d'euros de prêts garantis pour le groupe Renault.
Ce plan de soutien, qui est en partie traduit dans le PLF 2021, comporte deux objectifs principaux.
Le premier, c'est d'aider le secteur à faire face à l'impact de la crise sanitaire. Après s'être complètement effondrées pendant le confinement, les ventes de véhicules neufs sont reparties à la hausse mais elles restent, sur les neuf premiers mois de l'année, près de 30 % inférieures aux ventes de l'année dernière.
Afin de relancer la demande, les aides à l'acquisition des véhicules propres ont été élargies en juin, et 200 000 primes à la conversion exceptionnelles ont été versées. Par ailleurs, les entreprises ont pu bénéficier des mesures générales, comme les prêts garantis ou le chômage partiel.
Le second volet du plan de soutien accompagne la filière automobile face à la double révolution à laquelle elle est confrontée : la transition du véhicule thermique au véhicule électrique et le développement des véhicules connectés et autonomes. Ces bouleversements technologiques ne datent pas de la crise. Mais celle-ci rend d'autant plus urgent de poursuivre et d'amplifier les investissements en vue de renouveler l'appareil de production.
1,5 milliard d'euros sont prévus en subventions et en fonds propres afin d'accompagner ces investissements, à l'instar du projet de production des batteries lithium-ion que l'on surnomme parfois « Airbus des batteries ».
Nous souhaitons, monsieur le directeur général, que vous puissiez revenir sur la situation économique et financière de la filière automobile, sur les enjeux liés au développement des véhicules à faibles émissions et les aides à l'investissement prévues par le plan de relance ainsi que sur le renforcement du malus automobile que prévoit le projet de budget pour 2021 et la récente annonce du Gouvernement relative à l'introduction d'un malus au poids pour les véhicules supérieurs à 1,8 tonne.
M. Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme automobile (PFA). - Je vous remercie pour cette opportunité d'échanger sur la situation de la filière automobile qui revêt des enjeux au coeur des champs de compétences de votre commission.
La PFA que je dirige depuis deux ans, et dont Luc Chatel est le président, regroupe tous les acteurs de la filière automobile, les constructeurs (Renault, PSA, Renault Trucks), les équipementiers (Michelin, Valeo, Faurecia, Plastic Omnium), l'ensemble des ETI, PME, présentes sur tout le territoire qui emploient 400 000 salariés, ainsi que les services (concessions, réparation...) qui représentent 500 000 emplois supplémentaires.
La PFA anime également les pôles de compétitivité sur tous les territoires, les associations régionales de l'industrie automobile (ARIA), qui regroupent les entreprises de la mécanique, de la forge, de la fonderie, de l'emboutissage, de la plasturgie mais aussi de l'électronique.
Cette filière est confrontée à des défis et à des transformations sans précédent depuis son origine, indépendamment de la crise du Covid-19 : la transition énergétique, c'est-à-dire la nécessité de contribuer à la réduction des émissions de CO2, à la fois au niveau des usines mais aussi et surtout au niveau des usages des véhicules qui sont produits ; la transition digitale, avec les véhicules connectés, les véhicules autonomes et les nouveaux modes de mobilité ; la transition sociétale avec un nouveau rapport à la voiture.
La filière s'est fortement mobilisée sur cette profonde transformation avec la signature d'un contrat stratégique de filière avec l'État en mai 2018. Il définit une trajectoire claire vers ces différentes transitions. Nous nous sommes engagés à multiplier par cinq les ventes de véhicules électriques en cinq ans, pour atteindre 600 000 véhicules électriques ou hybrides rechargeables. En contrepartie, l'État s'est engagé sur le déploiement des bornes de recharge, élément essentiel pour réussir cette transition.
Par ailleurs, la loi d'orientation des mobilités (LOM) a créé un cadre pour faire de la France un pays d'expérimentation de ces nouvelles mobilités avec le développement de technologies autour du véhicule connecté ou du véhicule autonome. Nous menons aujourd'hui 13 expérimentations de véhicules autonomes.
La PFA travaille avec le cabinet McKinsey sur les apports de la filière automobile dans les nouvelles mobilités et sur la manière dont elle peut aider les collectivités et les élus à définir des actions pour accompagner cette transition.
La crise du Covid-19 s'ajoute à cette transformation sans précédent. Elle a frappé de plein fouet la filière automobile dont le marché a baissé de 48 % sur les cinq premiers mois de l'année.
Le soutien de l'État a été très significatif, avec des mesures d'activité partielle, des prêts garantis et l'annonce, le 26 mai d'un plan de soutien au secteur, qui stimulera à la fois la demande et l'offre.
Au mois de juin, le marché français a renoué avec la croissance, à hauteur de 1,6 %. C'est le seul en Europe. Globalement, le troisième trimestre a dépassé nos prévisions, avec une baisse limitée à 10 %.
Pour l'ensemble de l'année 2020, le marché anticipe une chute de ses ventes de 25 %. C'est considérable, cette baisse est bien plus forte qu'en 2008. Grâce au soutien apporté par l'État, les entreprises préservent leur trésorerie. Elles sont malgré tout dans un contexte difficile alors que la situation sanitaire se dégrade à nouveau. Nous ne savons pas comment la fin de l'année va se dérouler. Si nous ne pouvons pas livrer de véhicules, les usines devront s'arrêter.
Au niveau de l'offre, les conséquences financières du Covid-19 - les six plus grands constructeurs européens ont perdu 90 milliards d'euros de chiffre d'affaires au premier semestre - ne remettent pas en cause la transition écologique et la poursuite des efforts d'investissements. La crise sanitaire accélère la transition écologique. Les acteurs de la filière ont demandé à l'État de les aider à réussir cette transition, et en aucun cas de la remettre en cause. Nous avons obtenu un soutien sur les dépenses de Recherche & Développement et sur la modernisation des ETI et des PME.
Nous sommes dans une période à risque, cette transformation place de nombreuses entreprises en difficulté. Parallèlement, elle offre aussi de nombreuses opportunités. Nous devons créer les conditions pour attirer les investissements nécessaires au développement des nouvelles technologies autour des batteries, de l'électronique de puissance, de la filière hydrogène... Nous ne manquons pas d'atouts pour localiser en France une part significative de ces investissements.
Dans ce contexte particulier, les ventes de véhicules électriques, hybrides et hybrides rechargeables progressent de manière spectaculaire. Leur part de marché a triplé depuis le début de l'année. Cette progression est due à la réglementation européenne et aux dizaines de milliards d'euros d'investissements qui ont été réalisés pour mettre ces véhicules sur le marché.
L'enjeu est de réussir à maintenir et à amplifier cette dynamique. Depuis 2018, les ventes de ces véhicules ont augmenté de 133 %. Pour atteindre les objectifs fixés par le contrat de filière, il faut qu'elles augmentent de 189 % d'ici 2022. Nous sommes sur la bonne trajectoire, l'objectif de 100 000 véhicules électriques livrés en 2020 devrait être atteint.
Au-delà de 2022, les échéances 2025 et 2030 devraient encore accélérer le processus.
Notre principale inquiétude est liée aux infrastructures de recharge. L'État s'était engagé sur 100 000 bornes accessibles au public fin 2021. Nous n'en dénombrons aujourd'hui que 30 000. Pendant que le nombre de véhicules en circulation augmentait de 133 %, la croissance du nombre de bornes se limitait à 50 %.
Nous travaillons sur cette question avec les pouvoirs publics et la Banque des territoires. Cependant, les processus d'installation des bornes au sein des copropriétés restent lents et complexes. Nous rencontrons également des difficultés pour installer ces bornes sur les grands axes autoroutiers.
La PFA est favorable au principe du bonus-malus sur le CO2 pour accélérer la transition vers des véhicules plus propres. La trajectoire est cohérente avec celle fixée au niveau européen. Les constructeurs ont fait des progrès spectaculaires. Nous étions pourtant inquiets sur leur capacité à tenir les exigences de baisse des émissions de CO2 par les véhicules neufs. Les nouvelles normes imposaient une diminution d'une quinzaine de grammes d'une année sur l'autre alors que ces dernières années, les constructeurs n'y parvenaient pas.
En revanche, le PFA est plus réservée sur le malus sur le poids. Ajouter une nouvelle taxe est redondant avec les objectifs liés au CO2 puisqu'il y a une corrélation entre le poids d'un véhicule et ses émissions de CO2. Par ailleurs, cette taxe nous paraît peu cohérente avec la trajectoire fixée au niveau européen. Il faudrait au préalable faire évoluer la réglementation européenne qui, paradoxalement, favorise les constructeurs mettant sur le marché des véhicules plus lourds que la moyenne. En effet, l'objectif fixé à tous les constructeurs d'une émission de 95 grammes de CO2 en moyenne par kilomètre parcouru pour les véhicules vendus en Europe est modulé en fonction des constructeurs. Les constructeurs français sont soumis à des exigences plus fortes. Enfin, dans le contexte actuel, le premier enjeu est de vendre des véhicules. Nous devons réussir à mettre sur le marché des véhicules de plus en plus performants, de plus en plus sûrs, de plus en plus propres à des prix accessibles au plus grand nombre.
M. Olivier Jacquin, rapporteur des crédits relatifs aux transports routiers. - Le contrat stratégique de la filière automobile signé en 2018 vous oblige à changer de modèle très rapidement. Vous faites désormais face à des risques de pénalités. Vous avez évoqué la question des infrastructures de recharge et vos inquiétudes sur le bon développement du réseau. Vous avez précisé que le Gouvernement a lui-même avancé son objectif de mettre à disposition 100 000 points de recharge à fin 2021. Quelles sont vos préconisations pour accélérer les installations dans les copropriétés ? Pouvez-vous préciser votre propos sur les difficultés d'installation des bornes sur les réseaux autoroutiers ? Que pouvons-nous faire pour résoudre ce problème ? Des dispositions ont été prévues dans la loi d'orientation des mobilités. Quelles en sont pour vous les limites ?
Sur la relocalisation de l'industrie automobile, pouvez-vous nous apporter quelques précisions ?
Les aides à l'acquisition des véhicules propres sont illisibles. Les offres changent sans cesse. Comment réagissez-vous ?
Sur la question du malus au poids, vous êtes intervenus avec une grande efficacité pour contester les préconisations de la Convention citoyenne pour le climat. Vous avez réussi à faire remonter le seuil de taxation de 1,4 à 1,8 tonne pour qu'il n'affecte que des véhicules qui ne sont pas produits pas les constructeurs français. Vous nous dites aujourd'hui que cette taxe est en contradiction avec les objectifs européens. Je pense que les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique nécessitent de l'exemplarité. Si les constructeurs automobiles français sont exemplaires, vous devriez exiger qu'ils ne soient pas soumis à des distorsions de concurrence au niveau européen et qu'ils soient protégés.
Je finalise un rapport sur la mobilité dans les espaces peu denses. Nous partageons certaines orientations. En effet, je préconise de socialiser l'usage de la voiture. Sur 80 % du territoire français, 90 % des mobilités du quotidien se font en voiture. Les utilisations partagées de l'automobile, autopartage ou covoiturage, ont beaucoup d'avenir sur les territoires qui ont perdu des lignes de transports collectifs.
Je suis inquiet quant à votre modèle économique qui repose sur la voiture lourde à forte valeur ajoutée. Renault a sorti, il y a une petite dizaine d'années, un drôle de véhicule intermédiaire, à moitié scooter, à moitié voiture, le Twizy. Il ne s'en vend que quelques milliers d'exemplaires par an. Le constructeur ne fait quasiment pas de marge dessus. J'ai essayé récemment un vélomobile qui protège du vent tout en étant aérodynamique et qui double l'efficacité musculaire. Avec une petite batterie, les performances sont étonnantes.
Je crains que le vélomobile soit lancé par un industriel étranger car son modèle économique est totalement différent du vôtre. Dans ce domaine, pour des véhicules du XXIe siècle adaptés aux contraintes énergétiques et écologiques, nous courrons le risque de voir le marché accaparé par des constructeurs étrangers, comme nous l'avons vu pour les énergies renouvelables.
M. Marc Mortureux. - Au sein de la filière automobile, nous n'avons plus de débat sur l'opportunité de résister ou d'accompagner la transition écologique. Nous sommes pleinement engagés dans ce mouvement et nous réalisons des investissements considérables. Il est vital de contribuer aux objectifs de réduction des émissions de CO2 et de lutter contre le réchauffement climatique.
De plus, les constructeurs n'ont guère le choix. La réglementation européenne est extrêmement contraignante et participe à la création de cette dynamique.
Les exigences imposées par l'Europe vont encore se renforcer avec le « Green Deal » européen. Les constructeurs devront s'engager dans des démarches d'allègement des véhicules. Nous sommes sur une trajectoire de transformation à marche forcée. L'affaire du « diesel gate » a paradoxalement conduit à un rebond des émissions de CO2 puisque remplacer un véhicule diesel par un véhicule essence augmente de 15 % ces émissions. Les constructeurs ont renoncé fin 2019 à vendre des véhicules trop polluants. Pourtant, vendre un véhicule électrique à la place d'un véhicule thermique représente une perte de marge. En effet, environ 30 % de la valeur des véhicules électriques dépendent des batteries, qui ne sont pas maîtrisées par les constructeurs. Les PME et les ETI sont soumises à des pressions considérables sur les prix. Cette situation rend incertaine les conditions du maintien de certaines productions en France.
Les constructeurs s'adaptent à l'accélération de la transformation du marché mais les conséquences sont importantes sur la chaîne de fournisseurs.
Sur les infrastructures de recharge, nous ne savons pas comment atteindre l'objectif de 100 000 bornes. Pour les copropriétés, l'accord des assemblées générales est nécessaire pour installer un pré-équipement électrique dans les parkings, chaque copropriétaire pouvant ensuite demander le raccordement de sa place. Plusieurs acteurs proposent des formules pour prendre en charge ce pré-équipement et se rémunèrent sur l'abonnement des copropriétaires. La copropriété peut également financer directement ces travaux mais la majorité est difficile à obtenir, comme souvent en période d'amorçage. La Banque des territoires peut apporter son soutien à ces financements en mutualisant le risque sur l'ensemble du territoire national.
Pour que la France puisse atteindre ses objectifs d'électromobilité, nous avions souhaité que la LOM prévoie une obligation, même lointaine, d'installation de ces pré-équipements électriques pour l'ensemble des copropriétés de plus de 50 lots. Cette obligation aurait incité les assemblées générales à accélérer les travaux afin de bénéficier d'aides avant que la mesure ne devienne obligatoire.
Pour les points de recharge rapide sur les axes autoroutiers, le dispositif Corri-Door mis en place par EDF rencontre des problèmes de fiabilité et toutes les bornes sont hors service. Les discussions avec les sociétés d'autoroutes sont très laborieuses. Les acteurs hésitent à investir car la durée limitée des sous-concessions ne garantit pas un retour sur investissement. Nous sommes donc confrontés à des difficultés réglementaires et de modèle économique qui mettent en danger notre trajectoire sur les dix ans à venir. Tous les pays européens font face aux mêmes difficultés.
Vous soulignez l'instabilité des dispositifs d'aide à l'acquisition de véhicules propres. Nous demandons de la visibilité et de la stabilité. Les bonus devraient être en baisse l'année prochaine, notamment celui pour les hybrides rechargeables qui passerait de 2 000 à 1 000 euros, ou pour les flottes d'entreprise. Nous le regrettons, même si nous comprenons les contraintes budgétaires. Toutes les observations montrent que la baisse des aides a un effet direct sur les ventes.
Sur la relocalisation, nous travaillons sur plusieurs grands projets qui s'inscrivent dans le cadre du plan de soutien à la filière automobile et du plan de relance. PSA et Saft ont créé une coentreprise, Automotive Celles Company (ACC), pour localiser en France la fabrication de batteries. Nous aurons besoin d'autres projets d'envergure pour répondre à la demande. Nous avons assisté ces derniers mois à une compétition entre la France et la Pologne pour l'implantation d'une usine géante du coréen LG. Malheureusement, c'est la Pologne qui a remporté la décision d'investissement, malgré les efforts d'attractivité du Gouvernement et l'atout considérable que représente notre électricité décarbonée et compétitive. C'est d'autant plus incompréhensible que la fabrication de batteries consomme énormément d'électricité, et que l'électricité produite en Pologne est à fort contenu carbone ce qui est contraire à l'ambition de limiter les émissions de CO2.
La transition doit se faire de façon cohérente. Elle menace 60 000 emplois et il est absolument indispensable que le bilan soit globalement positif.
Au-delà des batteries, nous investissons également sur les technologies d'hybridation avec Valeo ou sur l'électronique de puissance au niveau des bornes de recharge. Nous avons notamment des accords avec STMicroelectronics. Enfin, le gouvernement a annoncé un plan pour la filière hydrogène. Avant de généraliser cette technologie qui répondra, en partie, à l'objectif de neutralité carbone en 2050, nous devons nous assurer de notre capacité à produire de l'hydrogène propre.
Nous sommes très attachés à travailler avec vous au niveau des territoires. Je suis convaincu que les avancées technologiques de la filière automobile sont de nature à améliorer les conditions de mobilité dans les territoires.
M. Stéphane Demilly. - Ma crainte était que la crise sanitaire conduise les constructeurs et les équipementiers à concentrer leurs efforts sur leur survie immédiate, au détriment des projets de véhicules électriques ou de véhicules autonomes. Il semble que vous ne partagez pas cette inquiétude.
Les constructeurs ont enclenché de vastes programmes d'économies dévastateurs pour l'emploi. Renault prévoit par exemple la suppression de 4 600 postes. La disparition de compétences en France peut-elle inciter les constructeurs, au moment de la reprise, à les chercher dans des pays « low costs », renommés avec pudeur pays « best costs » ?
Enfin, quand la France sera-t-elle en mesure de produire des voitures Flex fuel, roulant avec le carburant E85 ? Il est incompréhensible de devoir acheter des véhicules étrangers pour utiliser du carburant E85 alors qu'il est bon pour l'environnement et pour les betteraviers.
M. Didier Mandelli. - Dans le prolongement de la Convention citoyenne pour le climat, le Président de la République souhaite la mise en place d'un projet de loi Climat décliné en cinq thématiques dont un axe « se déplacer ». Avez-vous été auditionné par cette Convention ? Quelles sont vos propositions pour ce projet de loi ?
Mme Angèle Préville. -Qui sont les fournisseurs de batteries des constructeurs français ? Le prix des batteries peut-il baisser avec la hausse de la demande ? Voyez-vous une évolution favorable des marges des constructeurs sur les ventes de véhicules électriques ?
M. Jacques Fernique. - Le poids des véhicules devient de plus en plus aberrant avec l'engouement pour les SUV. J'ai entendu vos réticences sur le malus lié au poids, je ne suis pas surpris. Pourtant, des véhicules plus lourds, c'est plus de matériaux donc à terme plus de déchets. Vous avez parmi vos objectifs la stimulation de l'économie circulaire. Or aujourd'hui, l'économie circulaire consiste essentiellement à envoyer de vieux véhicules vers les pays du Sud, ce qui constitue une catastrophe écologique.
Quels sont vos objectifs, vos investissements, vos innovations en faveur de cette économie circulaire ?
M. Marc Mortureux. - L'épidémie conduit les entreprises à prendre des mesures d'économies très fortes. Heureusement, avant la crise sanitaire, la situation financière de la filière automobile était saine. Aujourd'hui encore, grâce notamment aux prêts garantis par l'État, la situation de trésorerie de la majorité des entreprises reste satisfaisante. Les acteurs qui sont en difficulté étaient déjà fragilisés avant le début de cette crise.
Les entreprises s'efforcent de préserver les investissements nécessaires pour réussir la transition qui, je le rappelle, n'est pas remise en cause. Elles sont nombreuses à avoir des projets d'investissement pour automatiser, pour se diversifier, pour aller vers les marchés du futur. Nous ne sommes pas dans une logique de repli.
La filière est convaincue que la sortie de crise sera profondément différente de l'avant-crise et qu'elle doit maintenir les investissements indispensables à la transition. La tension est extrêmement forte en termes d'exigence de performance. Le risque sur les compétences est un point d'attention majeur. Beaucoup d'entreprises ont pu éviter les plans de sauvegarde de l'emploi grâce aux accords d'activité partielle de longue durée. Nous essayons de les accompagner pour qu'elles utilisent le temps non travaillé afin de former leurs salariés et répondre ainsi aux besoins considérables de montée en compétences. La partie logicielle d'un véhicule est par exemple de plus en plus importante.
L'industrie automobile est une industrie de masse. Pour justifier la production de nombreux véhicules Flex fuel, les constructeurs ont besoin d'assurances sur la capacité du marché à fournir suffisamment de biocarburants. La filière doit faire face à tellement de défis qu'elle est contrainte de faire des choix quant aux technologies sur lesquelles investir en priorité.
La Convention citoyenne pour le climat ne nous a pas sollicités. Nous lui avons pourtant transmis une proposition sur l'installation des bornes de recharge dans les copropriétés, qui est restée sans réponse. Avant la finalisation du projet de loi de finances pour 2021, nous avons eu un échange organisé par le Gouvernement pour nous présenter, en quelques minutes, l'axe « se déplacer ».
Nous savons que nous avons un rôle essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique. Nous avons des résultats spectaculaires depuis le début de l'année. Les propositions de contraintes supplémentaires au niveau national ne tiennent pas compte de la réglementation européenne qui est déjà très structurante. Le mouvement de transition est engagé. L'instabilité des mesures est inutile.
Il est évident qu'il faut interroger la place de la voiture dans les villes et dans les territoires et qu'il faut aller vers des véhicules « zéro émission ». Nous avançons très rapidement dans cette voie. Nous avons besoin de visibilité, de stabilité et de liberté sur les technologies à développer pour répondre à l'échéance de neutralité carbone en 2050.
Si nous voulons que la France produise des véhicules électriques compétitifs, nous avons besoin d'investissements massifs dans les batteries. Nous avons aujourd'hui le projet franco-allemand ACC soutenu par le gouvernement. Le terme « Airbus des batteries » est impropre, car il regroupe plusieurs projets différents. Il est vital de réussir à implanter des fabricants de batteries au plus près des usines d'assemblage des véhicules électriques. Le projet ACC n'est donc pas antinomique avec la recherche de capacités de « gigafactory » offertes par d'autres acteurs. L'Allemagne a, par exemple, réussi à attirer le fabricant chinois CATL et Tesla. Le prix des batteries est essentiel, les constructeurs sont trop dépendants des producteurs de batteries. Pour réussir la transition, ils doivent retrouver des marges de manoeuvre dans ce domaine.
L'économie circulaire est effectivement un enjeu majeur, tout comme le poids des véhicules. Nous sommes convaincus qu'il est nécessaire de travailler sur leur allègement. En effet, l'énergie consommée par les véhicules électriques est un facteur critique de leur performance. Nous avons de nombreux projets sur des matériaux innovants, qui permettront d'alléger les véhicules, mais qui restent coûteux. Nous devons également prendre en compte le recyclage, car plus les matériaux sont sophistiqués, plus le recyclage est complexe. La loi sur l'économie circulaire va imposer de nouvelles obligations pour les véhicules hors d'usage. Les constructeurs sont mobilisés sur cette question. Ils ont des projets sur les flottes de véhicules, sur la manière d'offrir une seconde vie aux véhicules.
M. Jean-François Longeot, président. - Merci pour vos explications. La mise en place d'une filière pour les batteries est en effet importante, toute comme celle d'une filière de recyclage.
Audition de MM. Thierry Mallet, président de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), Étienne Chaufour, directeur Île-de-France, chargé de l'éducation, des solidarités et des mobilités, France urbaine, et Franck Claeys, directeur économie et finances territoriales, France urbaine
M. Jean-François Longeot, président. - Nous poursuivons nos travaux avec une audition consacrée à la situation des transports publics. Nous avons le plaisir d'accueillir Thierry Mallet, président-directeur général du groupe Transdev et président de l'Union des transports publics, ainsi qu'Étienne Chaufour, directeur Île-de-France de France Urbaine, en charge notamment des mobilités et Franck Claeys, directeur économie et finances locales de France Urbaine.
Les transports publics sont durement touchés par la crise sanitaire. Pendant la période de confinement, notre commission s'était déjà inquiétée de la santé économique de ce secteur. Nous avions, début mai, entendu Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France et d'Île-de-France Mobilités, et Catherine Guillouard, PDG de la RATP, afin de faire un état des lieux sur les difficultés auxquelles était confrontée la région francilienne.
Cinq mois plus tard, et dans la perspective de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, il nous paraissait important de faire un nouveau point sur la situation des transports publics. Après avoir été quasiment à l'arrêt pendant le confinement, l'offre de transports a progressivement retrouvé son niveau antérieur. Pourtant, la fréquentation reste aujourd'hui encore 30 à 40 % inférieure à la normale. Compte tenu des restrictions sanitaires, de l'application du couvre-feu dans 54 départements, la situation ne va certainement pas s'améliorer.
Cette baisse de la fréquentation a induit des pertes de recettes tarifaires substantielles pour les entreprises de transport. Elles sont par ailleurs confrontées à des surcoûts liés à l'application des mesures sanitaires, qu'il s'agisse de la désinfection des matériels roulants ou de la mise à disposition de gel hydroalcoolique. À la baisse de recettes liée aux flux des voyageurs, s'ajoutent, pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM), des pertes très importantes en ce qui concerne la contribution versement mobilité. Elles se chiffrent en centaines de millions d'euros. Or, cette somme versée par les entreprises constitue le principal outil de financement des services de mobilité.
Afin d'aider le secteur, la troisième loi de finances rectificative adoptée au mois de juillet a prévu un dispositif de compensation partielle du versement mobilité. Il présente certaines limites, vous y reviendrez certainement dans vos interventions. En revanche, elle laissait en suspens la question de la compensation des pertes de recettes tarifaires. Depuis, un accord a été conclu entre l'État et Île-de-France Mobilités. Il prévoit de couvrir 75 à 90 % des pertes sous la forme d'une avance remboursable. En revanche, rien n'est à ce stade prévu pour les autres AOM qui réclament, à juste titre, de bénéficier du même accompagnement.
Nous souhaitons par conséquent évoquer avec vous la situation économique et financière des transports publics et les mesures de soutien complémentaires qu'il conviendrait de prendre dans le cadre des textes budgétaires à venir.
Au-delà de cette question de la compensation des pertes financières, nous souhaitons que vous évoquiez les perspectives du secteur. Le plan de relance prévoit d'investir un milliard d'euros entre 2020 et 2022 dans le développement et l'amélioration des services de transport, dont 700 millions en Île-de-France. Pouvez-vous nous indiquer si ce montant vous paraît suffisant et s'il répond aux besoins de développement de l'offre de mobilité ?
M. Thierry Mallet, président de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP). - 2019 a été une très bonne année pour le transport public, avec une augmentation de la fréquentation de 2,4 % et des recettes en hausse de 2,7 %. Les recettes étaient donc plutôt dynamiques et la part des coûts couverts par les recettes augmentait ce qui était plutôt une bonne nouvelle, car nous estimons que dans un secteur qui nécessite de lourds investissements, il faut continuer à faire payer ceux qui le peuvent et à assurer la gratuité à ceux qui en ont vraiment besoin.
L'année 2020 a été marquée par la crise sanitaire. Pendant la période de confinement, l'offre a été très sérieusement réduite. L'offre résiduelle, selon les réseaux, représentait entre 30 et 50 % de l'offre normale. La fréquentation était comprise entre 5 et 7 %. La plupart des clients ne payaient pas, puisque nous avions arrêté la vente à bord des billets et le contrôle. Nous avions également bloqué les portes avant des véhicules pour protéger les chauffeurs.
À la sortie du confinement, nous avons très rapidement remonté l'offre sur l'ensemble des réseaux, afin de respecter les mesures de distanciation sociale, d'abord à 80 % puis à 100 %. Parallèlement, la fréquentation est passée de 20 à 25 % au début du déconfinement à 50 % pendant l'été. Avec la rentrée et la réouverture des établissements scolaires, elle est remontée à environ 80 %, avant de baisser de nouveau depuis quelques semaines pour atteindre une fourchette de 50 à 60 %, en fonction des réseaux, des régions et du taux de passagers captifs.
Ces chiffres s'expliquent d'abord par la crainte que suscitent les transports publics. Les enquêtes montrent que 20 % des usagers habituels des transports publics ont peur de les prendre et préfèrent utiliser leur voiture. Nous devons redonner confiance dans les transports publics, d'autant que les données de Santé Publique France soulignent que moins de 1 % des clusters se forment dans les transports. Le télétravail a également un impact, comme le développement des modes de transport doux, la marche et le vélo, pour des distances courtes, de l'ordre de cinq kilomètres.
Avant la deuxième vague, les pertes de recettes du transport public étaient estimées à 50 % des recettes passagers, soit 2 à 2,5 milliards d'euros, dont 1,1 à 1,4 milliard pour l'Île-de-France et 700 millions pour le reste de la France. Ces estimations se basaient sur une reprise progressive d'ici la fin de l'année. Nous espérions alors parvenir à une fréquentation de 80 % au mois de décembre.
Fin juin, sur la France, Transdev avait perdu 227 millions d'euros de chiffre d'affaires et 90 millions d'euros de résultat opérationnel, malgré une aide de 49 millions d'euros liée au chômage partiel, qui ne compense donc pas les pertes. En quelques mois, nous avons perdu l'équivalent de deux ans de résultat net. Nous avons donc vraiment besoin d'un plan de soutien.
En Île-de-France, une solution a été trouvée sous la forme d'une avance remboursable. Il est indispensable d'étendre ce dispositif à la totalité des réseaux de province. J'ai cru comprendre qu'à l'occasion du quatrième projet de loi de finances rectificative, des dispositions pourraient être prises pour compenser la perte de recettes voyageurs. Plusieurs pays l'ont fait. L'Allemagne a débloqué 5 milliards pour couvrir les pertes des recettes passagers, les Pays-Bas, 1,5 milliard. De leur côté, les États-Unis ont dégagé une enveloppe de 25 milliards pour le transport public.
Beaucoup de pays ont fait des transports publics une priorité. Il y a un véritable enjeu, environnemental, car beaucoup de personnes se tournent vers la voiture, mais l'enjeu est aussi social, car des salariés risquent de perdre leur emploi et par conséquent d'aller chercher d'autres emplois plus loin. La fracture territoriale ne pourra que s'aggraver si les transports publics sortent trop affaiblis de cette crise.
Le plan de relance aide massivement le ferroviaire, avec 4,7 milliards d'euros. Nous savons que le ferroviaire peut jouer un rôle de transport du quotidien dans certaines grandes agglomérations. L'enveloppe va permettre de maintenir le budget prévu pour la mise à niveau indispensable du réseau. Elle prévoit également des actions pour le fret et les trains de nuit.
Les transports du quotidien bénéficient d'une enveloppe de 1,2 milliard d'euros, dont 300 millions pour la province, ce qui me paraît très faible, sachant que la province représente la moitié du transport public en France, en termes de budget ou de personnes transportées. Les territoires ne doivent pas être oubliés. Les AOM n'étaient pas en bonne position pour négocier puisque les exécutifs locaux se sont mis en place au mois de juillet. Pourtant, la crise va durer et les déséquilibres vont s'aggraver, alors que nous avons besoin de renforcer l'offre de transport.
Le plan de relance ne mentionne pas les enjeux du verdissement des flottes, qui me paraissent essentiels. Il faudrait que les transports publics soient éligibles aux aides en matière de renouvellement des véhicules. Nous devons également travailler sur les projets de mobilités entre les centres et les périphéries. Le ferroviaire peut apporter des réponses, mais pas avant dix ou quinze ans. Les cars à haut niveau de service peuvent offrir des alternatives rapides à mettre en place. Certaines villes ont commencé à y travailler. Il y a aussi un enjeu d'articulation entre le transport public et le vélo, partiellement couvert par une enveloppe de 200 millions d'euros. Nous avons besoin de pistes cyclables, de stationnements sécurisés. Le vélo peut servir aux premiers ou aux derniers kilomètres des déplacements quotidiens, sous réserve de solutions simples et sécurisées pour le garer.
Nous ne nous intéressons pas uniquement aux gros projets. Des projets de petite taille voient le jour sur les territoires, même s'ils sont plus compliqués à gérer. Nous nourrissons quelques inquiétudes sur la complexité des guichets mis en place pour leur financement. En effet, les collectivités locales ne savent pas toujours vers quel organisme se tourner pour élaborer leurs dossiers. Elles enrichissent des cabinets de conseil. Pour le crédit d'impôt recherche (CIR), même Transdev a recours à des consultants, ce qui illustre bien la complexité des procédures françaises.
M. Étienne Chaufour, directeur Île-de-France, en charge de l'éducation, des mobilités et des solidarités, France urbaine. - Nous vous remercions pour cette audition, essentielle en cette période. Au-delà du débat sur le PLF 2021, c'est la pérennité du modèle économique des AOM qui se joue en ce moment.
Nous sommes intervenus pour que les mesures annoncées en Île-de-France soient étendues à l'ensemble du territoire. Pour autant, alors même que nous sommes à la veille de décisions qui impacteront les transports publics, il est important de s'interroger sur ce modèle économique.
Plus de télétravail, plus de confinement et donc moins d'usagers auront un effet évident sur les réseaux de transports publics. Pourtant, ces réseaux restent essentiels. L'absence de transports publics, c'est le retour à l'isolement pour de nombreuses personnes.
Enfin, je rappelle que pendant la crise et le confinement, les transports publics ont continué à fonctionner malgré les risques courus par les agents.
M. Franck Claeys, directeur économie et finances locales, France urbaine. - Nous attendons que le PLF 2021 ou la quatrième loi de finances rectificative (LFR) mettent un terme à la rupture d'égalité entre les AOM. Nous sommes dans une situation de double iniquité, la première entre les AOM qui sont organisées en syndicat mixte et celles qui ne le sont pas, la seconde entre les AOM de province et Île-de-France Mobilité (IDFM).
Même si France Urbaine rassemble des agglomérations franciliennes, j'exprime devant vous le point de vue des principales AOM de province, puisque nous regroupons les agglomérations de plus 150 000 habitants.
La première iniquité porte sur l'article 21 de la troisième loi de finances rectificative qui globalise les recettes susceptibles de bénéficier d'un mécanisme de compensation, à savoir les recettes fiscales et patrimoniales.
Les AOM organisées en syndicat mixte ont pour unique recette fiscale le versement mobilité. Le mécanisme de compensation devrait donc fonctionner pour elles. Malheureusement, sur les 317 AOM existantes, seuls 8 % sont organisées sous forme de syndicat mixte. Parmi les membres de France Urbaine, il y a Toulouse, Grenoble, Clermont-Ferrand, Tours, Pau ainsi que l'agglomération du Pays basque. En revanche, pour la très grande majorité des AOM, la compensation sera globalisée et inclura les impôts sur le foncier bâti, la taxe d'habitation, la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Aujourd'hui, ce sont les subventions d'équilibre versées par les communes ou les métropoles qui permettent aux transports publics de fonctionner. Pourquoi le contribuable de Marseille ou de Lille ne bénéficie-t-il pas de la solidarité nationale alors que celui de Lyon ou de Toulouse en profite, dans la mesure où les AOM de ces deux dernières agglomérations sont organisées en syndicat mixte et pas les deux premières ?
Il s'agit de la première iniquité, qui n'a pas été corrigée malgré les amendements que les parlementaires ont défendus lors de l'examen de la troisième LFR. C'était un sujet à 300 millions d'euros, Bercy a eu le dernier mot.
La seconde iniquité porte sur la différence de traitement entre la région capitale et la province. Dans la troisième LFR, IDFM a bénéficié de dispositions ad hoc, avec le versement d'un acompte à hauteur de 425 millions d'euros. Pour les syndicats mixtes, les versements ne seront, au mieux, effectués qu'au mois de décembre. De plus, le calcul est plus favorable pour IDFM puisqu'il se réfère au taux en vigueur en 2019.
Enfin, IDFM a négocié avec succès une avance remboursable comprise entre 1,2 et 1,4 milliard d'euros pour faire face à la perte de recettes tarifaires.
Le Gouvernement nous a indiqué qu'un mécanisme similaire serait prévu pour les autres AOM dans le cadre du quatrième projet de loi de finances rectificative. En revanche, les modalités de compensation dont ont bénéficié IDFM et les AOM organisées en syndicat mixte ne seront pas élargies aux autres AOM. Nous ne comprenons pas, sur le plan technique, cette position du Gouvernement.
La composante avance remboursable se justifie pour faire face à la perte de recettes tarifaires. En revanche, c'est une mauvaise solution pour le traitement des pertes liées au versement mobilité. Malheureusement, nous sommes dans une situation de blocage.
L'enjeu est aussi économique et sociétal. Dès lors que les capacités d'autofinancement ont été amputées en 2020, qu'elles vont continuer à l'être en 2021, comment pouvons-nous attendre d'un responsable d'AOM qu'il s'engage dans un renouvellement de flotte ou dans des projets de transports collectifs en site propre ? Ces projets sont générateurs de nouvelles charges de fonctionnement, mais ils sont au service d'une meilleure qualité de service ou de la transition écologique.
M. Olivier Jacquin, rapporteur des crédits relatifs aux transports routiers. - Je note comme vous deux ruptures d'égalité. La première dans les réponses apportées par le Gouvernement aux différents acteurs du transport. Des réponses massives et groupées ont été apportées à l'aérien et à l'automobile. Le secteur des transports en commun est plus morcelé, avec d'un côté les régions, qui n'ont pas obtenu grand-chose sur le ferroviaire, et de l'autre les AOM. Je vous rejoins sur la seconde. Il est incroyable et insupportable que la compensation soit différente en fonction du mode d'organisation des AOM. J'espère que le quatrième projet de loi de finances rectificative nous permettra de rétablir une égalité de traitement pour toutes les AOM.
Pouvez-vous nous apporter un éclairage sur les compensations mises en place dans les autres pays européens ?
Thierry Mallet a évoqué les pertes de recette estimées. Ces estimations sont-elles fiables et partagées avec le Gouvernement ?
Comment s'opère la répartition des pertes entre les opérateurs et les AOM ?
Faut-il engager, dès maintenant, une réflexion sur l'adaptation du modèle économique des transports en commun pour le rendre résilient et pérenne ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur des crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. - Monsieur Mallet, vous avez été le premier à évoquer le chiffre de 4 milliards d'euros de pertes pour les opérateurs de transport cette année. L'élan engagé pour une mobilité décarbonée risque-t-il de s'arrêter, malgré les 11 milliards du plan de relance ? Je sais que cette question ne dépend pas uniquement de vous, mais aussi de la volonté politique des AOM.
Face au développement de la marche, du vélo, de l'autosolisme et du télétravail, comment pensez-vous restaurer la confiance des Français dans les transports en commun ? Quels enseignements tirez-vous des retours des clients après le premier confinement ? Je crains que les entreprises de transport qui ne sont pas sous perfusion de l'État ou qui n'ont pas de contrats solides avec de grosses AOM soient plongées dans d'immenses difficultés.
J'insiste sur l'importance de trouver des solutions pour toutes les AOM et pas uniquement pour IDFM. Je rappelle que certaines régions enregistrent jusqu'à 700 millions d'euros de pertes et qu'elles ne perçoivent pas de versement mobilité.
Êtes-vous toujours en négociation avec les syndicats sur la convention collective nationale ferroviaire, notamment sur le volet classifications et rémunérations ? Vous savez combien cette négociation est importante dans le cadre de l'ouverture à la concurrence. Les nouveaux entrants attendent avec beaucoup d'impatience l'issue de vos discussions et se demandent si l'État devra arbitrer.
M. Thierry Mallet. - Le secteur des transports n'a pas été traité de manière globale et nous le regrettons. L'Allemagne a débloqué une enveloppe de 5 milliards d'euros, financée à parité par l'État fédéral et par les Länder, qui couvre 90 à 100 % des pertes de recettes par rapport à 2019. Les fonds sont versés aux autorités organisatrices qui les reversent aux opérateurs. Aux Pays-Bas, le mécanisme est différent : l'État a dégagé une enveloppe qui couvre 95 % des coûts des opérateurs. Enfin, en Suède, les collectivités locales ont reçu des enveloppes globales, pas forcément fléchées sur les transports publics. En Allemagne et en Suède, les recettes passagers représentent un tiers des recettes totales, 50 % aux Pays Bas. Ces pays ont pour objectif de maintenir l'offre de transport, à la fois pour faciliter la distanciation sociale, mais aussi pour maintenir le lien social.
En France, les négociations se poursuivent avec les AOM, y compris avec Île-de-France Mobilités, puisque les dispositions des contrats relatives au partage des recettes varient. Nous avons décidé d'être totalement transparents sur les coûts et sur les économies que nous avons réalisées, notamment avec le chômage partiel. Les clauses habituelles de partage ne s'appliquent pas. Nous restons dans l'attente du versement des aides, car de nombreuses collectivités souffrent de situations budgétaires compliquées.
À court terme, le modèle économique du transport public est bouleversé, mais nous devrions, à moyen terme, retrouver une situation normale. Plusieurs collectivités réfléchissent à une réduction de l'offre pour 2021. Si nous avons durablement 20 ou 30 % de passagers en moins, la question est légitime. Nous travaillons également au reploiement de l'offre pour l'adapter au nouveau contexte, en renforçant certaines lignes où l'alternative automobile n'est pas pertinente ou en allégeant des lignes dont la fréquentation est en baisse à cause du télétravail.
Au niveau de la branche, nous mettons en place l'activité partielle de longue durée. Elle nous permettra de diminuer l'offre de 10 ou 20 % en mettant une partie du personnel en chômage partiel dans l'attente d'une remontée de la demande.
Sur la mobilité décarbonée, il est clair que la capacité des collectivités locale à investir est menacée.
Le développement de la marche et du vélo est une bonne nouvelle. S'il se confirme, nous pourrons déplacer des blocs de transports des centres-villes vers la périphérie, ce qui est l'une des priorités de la LOM. Il existe en effet une corrélation importante entre l'offre et le nombre de passagers. Dans le cadre du Grand Paris, nous avons augmenté l'offre de bus de 10 % et nous avons accueilli 15 % de passagers en plus. Une offre de transport public de qualité se traduit toujours par une hausse de la demande.
Je rappelle qu'il n'y a pas de clusters dans les transports publics. Toutefois, un retour à la normale n'est pas envisageable avant l'arrivée d'un vaccin contre le Coronavirus.
L'impact sur les entreprises de transport est important. Heureusement, Transdev est accompagnée par son actionnaire, la Caisse des dépôts et consignations. J'espère qu'une partie des pertes financières sera compensée par les collectivités locales. Des compensations sont déjà en place en Allemagne ou aux Pays-Bas. Par ailleurs, nous enregistrons des pertes importantes dans nos autres secteurs d'activité, comme le tourisme, qui ne seront pas compensées.
L'Île-de-France ne représente que 50 % du transport public, à la fois en budget et en nombre de personnes transportées. De gros efforts pour le transport public ont été faits ces dernières années dans le reste de la France, et nous ne devons pas permettre un retour en arrière.
Les négociations sur le volet classifications et rémunérations de la convention collective n'ont pas abouti à cause de la réforme des retraites. Seules l'UNSA et la CFDT ont signé l'accord, qui n'a donc pas été validé. D'après nos informations, le Gouvernement devrait prendre un décret pour définir ces règles. Elles seront probablement assez proches de celles que nous avions négociées.
M. Guillaume Chevrollier. - J'ai bien noté qu'il n'y avait pas de clusters dans les transports collectifs. Pouvez-vous nous en dire davantage, notamment sur les actions que vous menez sur la qualité de l'air à l'intérieur des véhicules ?
Vous êtes en attente d'aide pour la transition écologique. Quels sont vos souhaits au moment où le Parlement discute du projet de loi de finances pour 2021 ?
M. Jean-Michel Houllegatte. - La crise sanitaire a-t-elle un impact sur le calendrier d'ouverture à la concurrence des lignes du réseau Optile ou des lignes ferroviaires ? Les conditions d'attribution ou d'exploitation future sont-elles remises en cause ?
M. Thierry Mallet. - Sur la partie sanitaire, les contaminations touchent plutôt les agents commerciaux que les conducteurs. Les bus ont un système de ventilation naturelle avec l'ouverture régulière des portes. Nos efforts portent sur les actions de désinfection. Des équipes interviennent sur le réseau pour nettoyer les points de contact et nous mettons du gel hydroalcoolique à la disposition de nos passagers. Le port du masque est respecté par plus de 95 % des passagers.
Sur l'ouverture à la concurrence, les calendriers ne sont pas modifiés. L'appel d'offres Optile se poursuit avec quarante lots dont trois ont déjà été attribués. Pour le ferroviaire, l'État a lancé un appel d'offres sur les trains d'équilibre du territoire (TET) et la région Sud a lancé un appel d'offres sur l'étoile de Nice et sur la liaison Nice-Marseille. Transdev a répondu à certaines de ces consultations, même s'il est difficile de modéliser les recettes ou de s'engager sur des fréquentations. Il faudra prévoir des mécanismes de neutralisation ou de révision des modèles une fois la crise passée.
Enfin, le plan de relance comprend une enveloppe consacrée au verdissement des véhicules. Il est essentiel que le transport public soit éligible à ces aides, comme le transport routier.
M. Philippe Tabarot, rapporteur des crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes.. - La région Sud est la première région à s'être lancée dans l'ouverture à la concurrence de ses lignes de TER. Nous avions mis en place un appel à manifestation d'intérêt il y a trois ans. De nombreuses entreprises ferroviaires, françaises ou internationales, publiques ou privées, étaient intéressées pour répondre aux deux lots pour lesquels nous avons lancé un appel d'offres et qui représentent plus d'un tiers des circulations dans notre région. Le calendrier est donc maintenu. Cependant, certaines des entreprises qui avaient manifesté leur intérêt nous ont fait savoir qu'elles renonçaient à participer à la compétition. Seules celles qui sont très solides ou soutenues par des États restent candidates. Mais nous aurons suffisamment d'entreprises pour faire un choix.
La crise constitue la principale raison des défections, mais la question de la convention collective ou les conditions d'accueil des opérateurs étrangers ont également pesé.
M. Franck Claeys. - Votre collègue député Jean-René Cazeneuve a mené une mission sur l'incidence de la crise sanitaire sur les budgets des collectivités, nous lui avons communiqué nos données. Nous partageons volontiers nos chiffres.
Pour les établissements publics de coopération intercommunale, les impacts budgétaires les plus significatifs sont attendus en 2021. Ils s'attendent à une baisse moyenne de la CVAE de 10 %, avec des écarts très importants entre les agglomérations, certaines pourront subir une baisse de 30 ou même 40 %. Cette incertitude est difficile à gérer.
Il n'y a pas de remise en question du modèle économique et sociétal du transport en commun. En revanche, les arbitrages sur les investissements sont pris à travers le prisme des charges induites. Les investissements qui ne sont pas générateurs de charges d'exploitation sont privilégiés, notamment dans la rénovation thermique.
M. Jacques Fernique. - L'Alsace est plutôt bien dotée en réseaux de transports publics. Nous avons pourtant des besoins de financement importants. La dorsale Nord-Sud fonctionne bien, mais nous devons la renforcer pour y faire cohabiter des TGV, des TER 200 et des TER de proximité. Nous envisagions également de développer des trams-trains, mais la baisse des financements publics ne nous a pas permis d'atteindre notre objectif de 40 % des déplacements pendulaires assurés par ce mode de transport.
Le réseau métropolitain des cars autour de Strasbourg est presque à l'abandon et de gros moyens sont nécessaires pour le revitaliser.
Les collectivités envisagent une diminution de l'offre. Si le développement du vélo permet de la compenser en centre-ville pour la renforcer dans les périphéries, c'est une bonne initiative. Si nous étudions les modèles allemands ou suisses, l'attractivité d'un réseau de transports publics est étroitement corrélée à des cadencements très performants et à la gestion optimisée des correspondances. Je crains que les perspectives financières de nos collectivités ne nous éloignent de cet idéal.
M. Thierry Mallet. - Transdev connaît bien l'Allemagne puisque nous y sommes opérateur ferroviaire depuis 25 ans. Nous sommes considérés comme l'alternative à la Deutsche Bahn, l'opérateur historique.
L'offre de transports publics, notamment dans les zones peu denses, est trois fois supérieure à celle de la France, en nombre de lignes et en fréquences.
La qualité de l'offre est en effet un élément clé du succès d'un réseau de transports publics. Nous avons repris des petites lignes dans la région de Düsseldorf qui étaient fréquentées par 500 personnes par jour. Avec une bonne qualité de service, de 6 h 00 à 23 h 00, des fréquences au quart d'heure en pointe et à la demi-heure en période creuse, nous sommes passés à 25 000 passagers par jour.
La qualité de service est essentielle au transfert des trajets vers les transports publics. Ma recommandation n'est pas de réduire l'offre, mais de trouver le moyen de financer son maintien. C'est une décision qui appartient aux autorités publiques.
M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie d'avoir accepté de participer à cette audition. Les précisions que vous nous avez apportées sont essentielles dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de finances pour 2021.
Désignation de rapporteurs chargés du suivi de l'application des lois
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, il me reste un dernier point à aborder au titre des questions diverses : la désignation de rapporteurs au sein de notre commission. En effet, depuis sa précédente révision, le règlement du Sénat, prévoit à l'article 19 bis B que « le rapporteur est chargé de suivre l'application de la loi après sa promulgation et jusqu'au renouvellement du Sénat ; il peut être confirmé dans ces fonctions à l'issue du renouvellement ».
Le contrôle de l'application des lois est un sujet majeur, au coeur des préoccupations du Sénat depuis bien longtemps. Il s'avère d'autant plus central que la crise sanitaire a malheureusement eu pour conséquence de retarder la publication certains décrets d'application des lois.
Quatre lois faisaient l'objet d'un tel suivi avant le renouvellement sénatorial intervenu récemment. La loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) du 23 juillet 2019, dont le suivi est assuré par M. Louis-Jean de Nicolaÿ ; la loi d'orientation des mobilités, dite LOM, du 26 décembre 2019, dont le suivi est assuré par M. Didier Mandelli ; ainsi que la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire du 11 février 2020, appelée plus couramment « Économie circulaire », dont le suivi est assuré par Mme Marta de Cidrac. Pour ces trois réformes législatives, je vous propose de confirmer ces rapporteurs dans leurs fonctions.
Enfin, M. Jean-Claude Luche assurait le suivi de la loi portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement du 26 juillet 2019. Je vous propose de désigner M. Jean-Paul Prince pour assurer le suivi de cette loi.
Je vous remercie.
Ces quatre rapporteurs sont ainsi désignés.
La réunion est close à 12 h 15.