- Mercredi 7 octobre 2020
- Réunion constitutive
- Désignation de rapporteurs
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure - Examen du rapport et du texte de la commission
- Projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire - Examen du rapport et du texte de la commission
- Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Conseil économique, social et environnemental - Examen du rapport et du texte de la commission
Mercredi 7 octobre 2020
- Présidence d'âge de Mme Jacky Deromedi, présidente d'âge -
La réunion est ouverte à 09 h 35.
Réunion constitutive
Mme Jacky Deromedi, présidente. - Je suis très heureuse de vous retrouver pour cette première réunion qui suit le renouvellement partiel de notre assemblée.
Je vous rappelle que, pour cette réunion, comme pour les prochaines et sans doute pour encore plusieurs semaines, le port du masque est obligatoire, y compris lorsque vous vous exprimez, de même que le lavage des mains au gel hydroalcoolique dès votre entrée dans la salle.
Notre ordre du jour appelle l'élection du président de la commission et la constitution du bureau.
Conformément à l'alinéa 4 de l'article 13 du Règlement du Sénat, l'élection du président se déroule au scrutin secret. La majorité absolue des suffrages exprimés est requise aux deux premiers tours, la majorité relative au troisième tour.
Mme la présidente donne lecture des délégations.
Mme Jacky Deromedi, présidente. - J'appelle nos deux plus jeunes collègues présents, Mme Cécile Cukierman et M. Loïc Hervé, pour procéder au contrôle des opérations de vote et au dépouillement. J'invite les candidats aux fonctions de président de la commission des lois à se faire connaître.
M. François-Noël Buffet. - Je propose ma candidature à la présidence de la commission des lois.
Le scrutin est ouvert. Puis les scrutateurs procèdent au dépouillement.
Mme Jacky Deromedi, présidente. - Les résultats du premier tour sont les suivants :
Bulletins nuls : 0
M. François-Noël Buffet ayant obtenu 31 voix, je le proclame élu président de la commission des lois. (Applaudissements.)
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
M. François-Noël Buffet, président. - Je remercie ceux qui m'ont accordé leur confiance. J'aurais grand plaisir à être à l'écoute de l'ensemble des membres de la commission pour que nous continuions à travailler dans d'excellentes conditions.
Nous devons maintenant procéder à la constitution du bureau de notre commission. Nous allons, dans un premier temps, procéder à la désignation des vice-présidents.
L'alinéa 6 de l'article 13 du Règlement du Sénat dispose que : « Pour la désignation des vice-présidents, les groupes établissent une liste de candidats selon le principe de la représentation proportionnelle, en tenant compte de la représentation déjà acquise à un groupe pour le poste de président et de rapporteur général. Le nombre des vice-présidents est, le cas échéant, augmenté pour assurer l'attribution d'au moins un poste de président ou de vice-président à chaque groupe. »
En application de ces règles, nous devons désigner douze vice-présidents selon la répartition suivante : pour le groupe Les Républicains, trois vice-présidents ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, deux vice-présidents ; pour le groupe Union Centriste, deux vice-présidents ; pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, un vice-président ; pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, un vice-président ; pour le groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen, un vice-président ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, un vice-président ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et territoires, un vice-président.
Compte tenu des propositions formulées par les différents groupes, je vous propose la désignation comme vice-présidents : pour le groupe Les Républicains, de Mme Catherine Di Folco, MM. Christophe-André Frassa et Marc-Philippe Daubresse ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de Mme Marie-Pierre de la Gontrie et M. Jérôme Durain ; pour le groupe Union Centriste, de M. Philippe Bonnecarrère et Mme Nathalie Goulet ; pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, de M. Alain Richard ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, de Mme Maryse Carrère ; pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de Mme Cécile Cukierman ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, de M. Alain Marc ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et territoires, de M. Guy Benarroche.
Les vice-présidents sont désignés.
M. François-Noël Buffet, président. - Nous devons procéder maintenant à la désignation des quatre secrétaires à la représentation proportionnelle en application de l'alinéa 7 de l'article 13 du Règlement du Sénat.
Je vous propose, conformément aux propositions formulées par les groupes, la désignation comme secrétaires : pour le groupe Les Républicains, de M. André Reichardt, de Mmes Jacky Deromedi et Agnès Canayer ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de Mme Laurence Harribey.
Les secrétaires sont désignés.
M. François-Noël Buffet, président. - Le bureau de la commission est donc ainsi constitué :
Président : M. François-Noël Buffet ; vice-présidents : Mmes Catherine Di Folco et Marie-Pierre de la Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse et Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman et Maryse Carrère, MM. Alain Marc et Guy Bennaroche ; secrétaires : M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Jacky Deromedi et Agnès Canayer.
Le bureau se réunira mercredi 14 octobre, à 8 heures 30, pour la détermination et la répartition des avis budgétaires ainsi qu'un échange de vues sur les travaux de contrôle de la commission.
Je souhaite saluer les sénateurs que nous accueillons aujourd'hui au sein de la commission.
Certains étaient déjà sénateurs, mais siégeaient dans d'autres commissions : Mmes Éliane Assassi et Cécile Cukierman qui reviennent à la commission après trois ans d'absence ; Mme Nathalie Goulet ; M. Jean-Yves Roux et Mme Dominique Vérien.
D'autres sont récemment devenus sénateurs : MM. Guy Benarroche et Hussein Bourgi, Mmes Valérie Boyer et Françoise Dumont ; MM. Mikaele Kulimoetoke et Stéphane Le Rudulier.
Certains de nos collègues ont quitté la commission des lois pour d'autres commissions : M. Patrick Boré, Mme Nathalie Delattre, MM. Yves Détraigne, Jean-Luc Fichet et Jean Louis Masson.
Enfin, j'ai une pensée pour ceux de nos anciens collègues qui, n'ayant pas souhaité se représenter pour un nouveau mandat, ne siègent plus au Sénat : Mme Catherine André, MM. Jacques Bigot et Pierre-Yves Collombat, Mme Josiane Costes, M. Simon Sutour et Mme Catherine Troendlé.
Je souhaite enfin saluer Philippe Bas pour son action au cours de ses deux mandats de président de notre commission des lois (Applaudissements.), qui a su porter haut la voix du Sénat - et particulièrement de notre commission - face à l'exécutif et l'Assemblée nationale, et contribué fortement à marquer dans l'opinion publique la spécificité de notre assemblée parmi les institutions de la Ve République. Par son impulsion, il a su donner à nos travaux un rythme exigeant, sans sacrifier une convivialité qui a été appréciée de tous et qui, je l'espère, se poursuivra. Je suis très heureux qu'il reste membre de notre commission. Ses conseils seront judicieux pour nous tous.
Au total, avec onze nouveaux membres, l'effectif de notre commission aura été renouvelé à 22,4 %.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Au nom de mon groupe, je veux tout d'abord vous féliciter, monsieur le président, pour votre élection. Je veux rendre hommage au travail du président Philippe Bas. Qu'il ait souhaité rester membre de la commission est un très bon signe, non pas tant parce qu'il pourra continuer à nous gratifier de ses remarques, parfois acides, mais toujours drôles - sauf lorsqu'on en est la cible -, mais parce que sa contribution à la qualité des travaux parlementaires a toujours été extrêmement importante.
Monsieur le président, comment comptez-vous associer les groupes qui se sont déclarés minoritaires ou dans l'opposition, car chacun a à coeur de travailler énormément ? Il serait intéressant que vous nous indiquiez votre manière de voir, et que vous précisiez à l'avance, lorsque cela est possible - nous savons que ce n'est pas toujours le cas -, le calendrier des textes à venir pour que nous puissions nous organiser.
Enfin, je voudrais évoquer l'organisation de nos travaux. L'Assemblée nationale a décidé hier de réduire sa jauge et de revenir à des modalités qui rappellent celles que nous avons connues ici au Sénat, lors de la première vague de l'épidémie.
Pour notre groupe, les choses sont claires : la démocratie n'a pas fonctionné de manière suffisamment satisfaisante. Nous pensions que cette période serait limitée dans le temps ; or il s'avère qu'elle dure. Il faut que nous puissions avancer sur plusieurs points : la présence en séance, avec la possibilité d'augmenter le nombre de délégations et de participer en visioconférence ; la présence en commission, avec la possibilité d'assister et de voter par visioconférence - ce n'était pas le cas auparavant - ; l'identification de lieux de réunion suffisamment vastes - nous ne devrions pas nous réunir dans les mêmes conditions que ce matin.
Le Parlement a été invisible pendant une longue période. Nous avons accepté de travailler dans des conditions totalement invraisemblables, y compris en termes de délais. Je propose que nous portions tous ensemble une ambition plus forte en termes d'organisation de nos travaux.
M. François-Noël Buffet, président. - Nous évoquerons les modalités de fonctionnement de notre commission et la meilleure façon d'associer les membres des différents groupes à l'occasion de notre réunion du 14 octobre prochain. Je souhaite associer le plus largement possible les membres de la commission pour que chacun puisse s'exprimer, même si des désaccords peuvent persister.
En ce qui concerne l'ordre du jour, des précisions nous seront apportées pour les semaines qui viennent.
S'agissant des conditions sanitaires, la décision relève du Bureau. Notre commission compte deux questeurs, lesquels seront - je l'espère ! - à l'écoute des moyens que nous demandons. Les conditions matérielles de notre réunion ce matin ne sont pas satisfaisantes, mais nous n'avons pas pu faire autrement, la salle Clemenceau étant occupée.
Désignation de rapporteurs
La commission désigne M. Mathieu Darnaud et Mme Françoise Gatel rapporteurs sur la proposition de loi constitutionnelle n° 682 (2019-2020) et la proposition de loi organique n° 683 (2019-2020) pour le plein exercice des libertés locales, présentées par MM. Philippe Bas, Jean-Marie-Bockel et plusieurs de leurs collègues.
La commission désigne M. Christophe-André Frassa rapporteur sur la proposition de loi constitutionnelle n° 293 (2019-2020) visant à garantir la prééminence des lois de la République, présentée par MM. Philippe Bas, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues.
La commission désigne M. Marc-Philippe Daubresse rapporteur sur le projet de loi n° 669 (2019-2020), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure.
La commission désigne M. Philippe Bas rapporteur sur le projet de loi n° 5 (2020-2021), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire.
La commission désigne Mme Muriel Jourda rapporteur sur le projet de loi organique n° 712 (2019-2020), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Conseil économique, social et environnemental.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui un projet de loi prorogeant diverses dispositions du code de la sécurité intérieure.
Ce projet de loi, qui comprend trois articles, a un objet simple. Il procède à une prorogation « sèche », c'est-à-dire sans modification de fond, de plusieurs dispositions expérimentales en matière de lutte contre le terrorisme. Ces dispositions arrivent à échéance le 31 décembre 2020 ; à défaut d'intervention du législateur avant cette date, elles seront amenées à disparaître. Proroger ou pérenniser, telle est la question !
Sont en premier lieu concernées quatre dispositions de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, plus communément appelée loi « SILT ». Il s'agit, je vous le rappelle, des dispositions introduites par le législateur pour prendre le relais de l'état d'urgence qui avait été déclaré le 14 novembre 2015 : les périmètres de protection, qui permettent au préfet de sécuriser un lieu ou un événement exposé à une menace terroriste ; les fermetures de lieux de culte ; les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas), qui permettent notamment l'assignation d'une personne sur le territoire d'une commune ; enfin, les visites domiciliaires, qui se sont substituées aux perquisitions administratives de l'état d'urgence.
L'article 2 du projet de loi porte, quant à lui, sur une disposition de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, qui concerne la technique dite « de l'algorithme ». Cette technique de renseignement consiste à imposer la mise en oeuvre, sur les réseaux des opérateurs de communications électroniques, de programmes informatiques qui analysent les flux de données en vue de détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste. Elle a suscité de nombreuses craintes lors de son adoption, et n'a donc été autorisée par le législateur qu'à titre expérimental.
Le débat sur la pérennisation ou non de ces dispositions aurait normalement dû intervenir dans le courant de l'année 2020. Toutefois, en raison de la crise sanitaire, le Gouvernement a estimé qu'il existait un risque que le calendrier parlementaire soit bousculé et ne permette pas de tenir un débat serein au Parlement. C'est pourquoi il a préféré déposer un projet de loi de prorogation sèche, dans l'attente d'un prochain texte plus ambitieux.
Le Gouvernement avait initialement fixé la durée de cette prorogation à un an, soit jusqu'au 31 décembre 2021. Cette durée a été ramenée à sept mois par l'Assemblée nationale, ce qui supposera que le Parlement se prononce à nouveau avant le 31 juillet 2021.
Je souhaiterais, à titre liminaire, évoquer la méthode du Gouvernement. Alors que le Parlement, notamment le Sénat - nous avions déposé une proposition de loi sur ce sujet -, s'était préparé à ces échéances, l'argumentaire avancé pour justifier la prorogation me semble fragile. Depuis le mois de mai dernier, le Parlement a en effet repris une activité normale et aurait pu débattre, au fond, de ces questions.
Cela étant, je vous proposerai d'adopter une position médiane sur ce texte. Le débat se pose en effet dans des termes différents pour les dispositions de la loi SILT et celles de la loi relative au renseignement. Je vais d'emblée présenter le contenu de mes amendements, ce qui permettra d'aller plus vite lors de l'examen des articles.
En ce qui concerne les dispositions de la loi SILT, je vous proposerai de procéder à leur pérennisation plutôt qu'à une simple prorogation.
Un important travail d'évaluation de ces dispositions a en effet déjà été réalisé, tant par le Parlement que par le Gouvernement, que nous avons entendu à de multiples reprises. Ces travaux concluent tous à leur efficacité pour la lutte contre le terrorisme.
Dans un rapport présenté à la commission à la fin du mois de février, j'avais moi-même dressé un bilan positif des deux premières années d'application de la loi et recommandé de les pérenniser. Dès lors qu'un accord global se dessine sur le sujet, il ne me semble donc pas nécessaire de reporter le débat.
Je vous rappelle en outre que le Conseil constitutionnel a validé ces dispositifs, qui sont donc bien sécurisés sur le plan juridique.
Je vous proposerai également d'apporter trois ajustements à ces mesures, afin de renforcer leur efficacité. Ces ajustements reprennent les propositions adoptées par notre commission au mois de février et reprises dans une proposition de loi, que plusieurs d'entre vous ont cosignée.
Il s'agit : premièrement, d'étendre le champ de la mesure de fermeture administrative aux lieux connexes aux lieux de culte, afin d'éviter le déport des discours radicaux vers d'autres lieux ; deuxièmement, de renforcer l'information des autorités judiciaires sur les Micas, de manière à assurer une parfaite articulation avec les mesures judiciaires ; enfin, troisièmement, d'élargir les possibilités de saisies informatiques dans le cadre d'une visite domiciliaire, dans les cas où l'occupant des lieux fait obstacle à l'accès aux données présentes sur un support ou un terminal informatique.
Ces modifications répondent à des besoins exprimés par les services du ministère de l'intérieur, et visent à garantir la pleine efficacité des dispositifs que nous avons votés en 2017. Elles préservent l'équilibre entre sécurité et liberté.
Mon amendement ne reprend pas, en revanche, une proposition que nous avions formulée et qui visait à créer des mesures de sûreté pour les terroristes sortant de détention. Comme vous le savez, cette proposition a été reprise dans une proposition de loi de la présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale, adoptée à la fin du mois de juillet. Elle a toutefois été censurée par le Conseil constitutionnel, au mois d'août. Le Conseil n'a toutefois pas complètement fermé la porte : il a considéré qu'il était loisible au législateur de prévoir des mesures de sûreté, mais a exigé que les garanties soient renforcées.
Dans ces conditions, le dépôt d'un nouveau texte est envisageable, mais il nécessite que des consultations soient organisées et qu'une réflexion approfondie soit menée, afin d'éviter le risque d'une nouvelle censure. En tout état de cause, il nous aurait été difficile de l'intégrer au présent projet de loi, avec lequel il ne présente pas de lien au sens de l'article 45 de la Constitution. J'invite néanmoins la commission à engager une réflexion sur ce point.
S'agissant de la technique de l'algorithme, je n'ai pas souhaité déposer d'amendement et je vous proposerai d'adopter l'article 2 sans modification.
Deux raisons motivent cette position.
La première est liée au bilan de la technique. Un premier rapport d'évaluation a été remis au Parlement fin juin 2020. Celui-ci fait état de premiers résultats encourageants : les trois algorithmes déployés par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) auraient ainsi permis, au cours des derniers mois, d'identifier des individus jusqu'alors inconnus des services. Mais ce rapport ne cache pas que la technique n'a pas encore atteint sa pleine efficacité, notamment parce que son champ d'analyse serait trop restreint.
Dans ce contexte, la prorogation proposée par le Gouvernement offre au législateur l'opportunité d'avoir un recul plus important sur l'efficacité de l'algorithme, avant d'envisager une pérennisation.
La seconde raison pour laquelle je n'ai pas souhaité proposer de modification à l'article 2 tient aux perspectives législatives en matière de renseignement.
Le Gouvernement a en effet annoncé qu'une réforme plus globale de la loi relative au renseignement de 2015 était en préparation. Cette réforme devrait proposer une série d'évolutions, qui font encore l'objet de discussions préalables au niveau interministériel. Dans ce contexte, il me semble tout à fait légitime, voire préférable, que le débat sur l'algorithme se tienne dans le cadre d'une discussion plus large sur les activités de renseignement.
Ce report pourrait en outre se révéler nécessaire au regard des incertitudes que la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui a rendu un arrêt important hier, fait peser sur les techniques de recueil de données de connexion en temps différé. Je note, à cet égard, que la commission des affaires étrangères et de la défense s'est saisie de ce texte pour avis.
Voilà, en quelques mots, le contenu des amendements que je soumets à notre commission et que nous serons amenés à examiner dans la suite de la discussion.
M. Jean-Yves Leconte. - C'est initialement notre commission qui avait proposé que les mesures de la loi SILT puissent s'autodétruire, de manière à faire l'objet d'un suivi, d'une évaluation par le Parlement et, le cas échéant, d'une révision.
Les mesures dont vous proposez la pérennisation et que le Gouvernement et l'Assemblée nationale nous proposent simplement de proroger faisaient suite aux mesures totalement dérogatoires du droit commun de la phase d'état d'urgence. La fin de l'état d'urgence, en 2017, a conduit le Gouvernement à proposer ces mesures assez proches de ce qui existait auparavant. Il s'agit de mesures de police lourdes en termes d'atteinte aux libertés. Nous avons déjà exprimé plusieurs fois notre souhait que ces mesures soient limitées et contrôlées.
C'est la raison pour laquelle il semble raisonnable, conformément au choix effectué par la commission jusqu'à présent, de considérer que leur prolongation est nécessaire dans le contexte actuel, mais qu'elle nécessite un pilotage serré du Parlement, avec des clauses de rendez-vous pour, le cas échéant, les proroger de nouveau ou les adapter.
En revanche, notre groupe n'est pas favorable à la pérennisation que vous nous proposez aujourd'hui.
J'ajoute que, sur un certain nombre de mesures, le contrôle du juge est assez léger, puisqu'il s'agit d'une simple information au parquet. Or celui-ci a pour le moment une indépendance limitée en France. La Cour européenne des droits de l'homme a déjà rappelé la France à l'ordre sur ce sujet. Sans une réforme du parquet, il me semble totalement inadéquat d'imaginer une pérennisation des mesures de la loi SILT.
Concernant les algorithmes, nous avons choisi, en 2015, de donner une autorisation générale de recueillir des informations, pour les traiter ensuite. C'est ce qui avait justifié cette clause de rendez-vous. Un rapport a été remis au Parlement. Nous pouvons envisager de poursuivre cette expérimentation. Toutefois, il nous semblerait utile d'aborder dès maintenant un certain nombre de sujets évoqués par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) dans ses rapports d'activité, de manière à améliorer les capacités de contrôle de celle-ci et à simplifier son fonctionnement. Nous avons déposé trois amendements en ce sens.
Mme Éliane Assassi. - Monsieur le président, je veux vous adresser nos félicitations pour votre élection.
Nous ne voterons pas en faveur de ce texte, pour un certain nombre de raisons qui, en 2017, ont déjà justifié notre opposition à la loi SILT.
Le Gouvernement a proposé une prorogation jusqu'au 31 décembre 2021, l'Assemblée nationale la réduisant de cinq mois. Quant à vous, monsieur le rapporteur, vous nous demandez de pérenniser ces mesures. Nous ne pouvons pas accepter votre proposition.
L'article 2 du texte prévoit de proroger la technique de recueil de renseignements algorithmique, qui, à ce jour, n'a aucunement fait la preuve de son efficacité ni, surtout, de sa pertinence. Je rappelle que la CJUE juge que cette technique, même utilisée à titre expérimental, constituait en soi une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux.
Le texte ne contient aucune évaluation des dispositifs prorogés et ni la nécessité, ni la proportionnalité, ni l'efficacité de telles mesures n'ont été démontrées. Sur le fond, nous les considérons comme attentatoires aux libertés, parce qu'elles pérennisent des dispositifs de renforcement du pouvoir exécutif, en étendant les pouvoirs de police administrative. Nous voterons donc contre.
Mes chers collègues, je vous invite à prendre connaissance de la motion du Conseil national des barreaux datée du 3 juillet dernier. Celui-ci constate que « le Gouvernement prend prétexte de la crise sanitaire pour considérer que le Parlement ne disposerait pas du temps nécessaire pour débattre des conditions dans lesquelles ces dispositifs doivent être abandonnés, pérennisés ou aménagés et ainsi proposer leur prolongation pour une année sans débat approfondi et en procédure accélérée ». Il considère que « les parlementaires ne peuvent proroger ces mesures dans l'urgence et sans une évaluation indépendante ».
M. François Bonhomme. - Pourriez-vous nous préciser le nombre de personnes qui seront libérées dans les prochaines années après avoir été condamnées pour fait de terrorisme ? En juillet dernier, il était question de 42 personnes libérées en 2020, de 62 en 2021 et de 50 en 2022. Ces chiffres sont-ils les bons ?
Mme Esther Benbassa. - Monsieur le président, je veux, au nom de mon nouveau groupe, vous féliciter pour votre élection. Je suis sûre que la commission est entre de bonnes mains et continuera à travailler dans la sérénité.
On nous demande, en procédure accélérée et sans que nous ayons pu disposer d'un bilan détaillé et exhaustif, de proroger des mesures préventives engagées sur la base de soupçons, restreignant les libertés et décidées par l'autorité administrative. Nous nous étions déjà opposés aux mesures prévues dans la loi SILT, susceptibles de faire l'objet de dérives et échappant au contrôle du juge judiciaire. Sans un quelconque rapport démontrant la légitimité et la proportionnalité de ces mesures, rien ne prouve leur efficacité. Il ne semble donc pas pertinent de les proroger d'un an. Nous voterons donc contre ce texte.
Mme Brigitte Lherbier. - Je souhaite avoir quelques précisions sur les personnes qui seront libérées : disposons-nous de détails sur leur origine géographique, de statistiques, d'évaluations ? Avant de se prononcer, les parlementaires devraient pouvoir connaître le degré de dangerosité de ces personnes.
M. Alain Richard. - Monsieur le président, je vous adresse les félicitations et les encouragements de notre groupe dans votre tâche.
La menace terroriste n'a pas baissé. La vigilance et la capacité de l'État d'assurer la protection de la République restent nécessaires. Nous souscrivons évidemment au maintien en vigueur des quatre mesures résultant de la loi SILT. Leur évaluation figure dans le rapport que vous avez présenté voilà à peine six mois. Il y a donc bien eu un travail d'analyse et de vérification de leur pertinence. Vous proposez de les pérenniser, alors que le Gouvernement préfère se donner un peu de temps - il semble qu'il veuille les ajuster sur des points de détail. Je suis convaincu que nous trouverons un point d'équilibre entre ces deux positions dans la navette.
En ce qui concerne le maintien en activité des systèmes d'algorithme, qui sont encore en développement, une prorogation temporaire me paraît juste, puisqu'il y aura de nouveaux développements dans un texte dont nous serons saisis.
Enfin, je rejoins tout à fait votre position : un travail approfondi doit être réalisé pour analyser exactement les limites qu'a tracées le Conseil constitutionnel en nous invitant à légiférer sur le sujet, à savoir la durée des mesures dans le temps, l'existence ou non de mesures de formation ou d'insertion pendant la détention, l'éventail des mesures de sûreté et leur compatibilité avec la liberté d'aller et venir et le droit à une vie familiale normale. Une éventuelle proposition de loi en ce sens devra être soumise au Conseil d'État pour éviter toute mauvaise surprise.
Dans ces conditions, nous soutiendrons la position de M. le rapporteur.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Monsieur Leconte, dans le cadre de la mission de suivi et de contrôle de la loi SILT, nous avons organisé de nombreuses auditions. J'ai rédigé deux rapports. Vous y trouverez toutes les évaluations que vous recherchez. Mon rapport est critique : il ne s'agit pas d'un blanc-seing. J'y explique que certaines choses sont allées dans le bon sens, mais que d'autres doivent être améliorées, pour assurer le respect des libertés. En 2017, sous l'autorité du président Philippe Bas, nous avions clairement envisagé de pérenniser les mesures de la loi SILT après évaluation. Ma position s'inscrit donc dans la logique des précédents travaux de la commission.
Je rappelle qu'il s'agit de mesures de police administrative restrictives, et non privatives, de libertés. Il n'y a pas de raison que le parquet intervienne directement dans leur mise en oeuvre. L'autorité judiciaire intervient uniquement pour autoriser les visites domiciliaires, car il y a là une atteinte au droit de propriété. Je rappelle qu'en tout état de cause, les mesures administratives peuvent, toujours, faire l'objet d'un recours devant le juge administratif. Enfin, gardons à l'esprit que toutes ces mesures ont été validées par le Conseil constitutionnel, qui est très sourcilleux sur l'équilibre entre sécurité et liberté. Au reste, je souscris à peu près à tout ce que vous avez dit sur le renseignement.
Mesdames Assassi et Benbassa, je rappelle que la loi avait un caractère expérimental et qu'elle a fait l'objet d'une évaluation très précise. J'ai moi-même conduit deux missions sur le terrain, à Lille et dans les Alpes-Maritimes, et je me suis rendu à Bruxelles, où nous avons étudié les connexions avec la commune de Molenbeek.
Pour autant, je suis d'accord, nous n'avons pas aujourd'hui suffisamment approfondi la question du renseignement pour pouvoir nous prononcer. J'ai répondu à la motion du barreau. Le Gouvernement annonce un projet de loi relatif au renseignement : comme l'a dit Alain Richard, il vaut mieux attendre ce texte et prendre le temps de la réflexion.
Pour ce qui est des chiffres, le nombre de personnes devant sortir de prison s'élève à 42 personnes pour 2020, 62 pour 2021 et probablement 50 pour 2022. Actuellement, le dispositif des Micas n'est qu'administratif. Je souhaitais que nous puissions le compléter par un dispositif judiciaire.
Je souscris complètement à ce qu'a dit Alain Richard sur la menace terroriste, qui n'a pas disparu - bien au contraire -, sur les algorithmes et sur la nécessité d'un travail approfondi sur les mesures de sûreté, auxquelles le Conseil constitutionnel ne s'oppose pas, mais dont il demande que l'on restreigne le champ, l'application et l'éventail.
Je propose de considérer que le périmètre du texte, au sens de l'article 45 de la Constitution, inclut les dispositions relatives au régime ainsi qu'à la durée d'application des mesures de police administrative prévues aux chapitres IV à X du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure et les dispositions relatives aux conditions et à la procédure d'autorisation, de mise en oeuvre et de contrôle des techniques de renseignement.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement COM-4 est adopté.
Articles additionnels après l'article 2
M. Jean-Yves Leconte. - Nos trois amendements ont été inspirés par la CNCTR.
L'amendement COM-1 rectifié vise à permettre un contrôle permanent des fichiers de souveraineté par cette commission, de manière qu'elle puisse réaliser un contrôle plus solide sur l'usage de ces fichiers. Cela me semble indispensable pour donner confiance dans la manière dont les techniques de renseignement sont mises en oeuvre dans notre pays.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Sur le fond, je partage votre préoccupation. Conforter le pouvoir de contrôle de la CNCTR en lui donnant accès aux fichiers de souveraineté répondrait à une demande forte. Le débat est évidemment légitime, mais il soulève aussi des interrogations : comment garantir la protection des sources des services de renseignement et celle de leurs agents ? Ces questions doivent être traitées avant de légiférer.
Mais puisque l'on nous annonce une refonte complète de la loi sur le renseignement, je pense que le travail parlementaire devra s'effectuer à ce moment, raison pour laquelle j'y donnerai un avis défavorable.
L'amendement COM-1 rectifié n'est pas adopté.
M. Jean-Yves Leconte. - Les amendements COM-2 rectifié et COM-3 rectifié sont des amendements de simplification.
Il est quelque peu aberrant que les exigences de conservation des données soient différentes selon que ce sont des images ou des paroles qui ont été captées. Nous proposons, avec l'amendement COM-2 rectifié, de réaliser une moyenne des deux durées maximales de conservation existant à ce jour.
L'amendement COM-3 rectifié vise à éviter la réunion d'une formation collégiale de la CNCTR pour autoriser le démantèlement d'un dispositif de surveillance.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Sur le fond, nous sommes d'accord, mais, sur la forme, nous considérons qu'il vaut mieux attendre le dépôt du projet de loi relatif au renseignement. Avis défavorable à ces deux amendements.
M. Jean-Yves Leconte. - Monsieur le rapporteur, autant je comprends que l'amendement COM-1 rectifié nécessite un débat approfondi, autant j'estime que, sur ces deux amendements, qui portent de petites simplifications, vous pourriez vous montrer aussi audacieux que vous l'avez été sur l'article 1er ! Nous sommes là pour légiférer.
Les amendements COM-2 rectifié et COM-3 rectifié ne sont pas adoptés.
Article 3
L'amendement COM-5 est adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Philippe Bas, rapporteur. - Monsieur le président, je vous félicite de votre élection et me réjouis de présenter ce rapport sous votre présidence.
La covid-19 est la troisième grande épidémie virale depuis le début de ce siècle. Il y en aura d'autres. Par conséquent, les dispositions dont nous nous dotons actuellement doivent à la fois nous permettre d'être efficaces dans la lutte contre l'épidémie du moment et nous armer pour faire face aux défis épidémiques de l'avenir. Ainsi, le but des commissions d'enquête mises en place par l'Assemblée nationale et le Sénat n'est pas de faire le procès des autorités sanitaires : il s'agit de dégager les voies et moyens d'une organisation de la Nation en temps de paix sanitaire pour faire face à ces phénomènes épidémiques, dont on voit aujourd'hui les ravages sanitaires, mais aussi économiques et sociaux.
Au cours des derniers mois, notre pays a fait mieux que la Grande-Bretagne et les États-Unis, mais moins bien que la Corée du Sud et l'Allemagne. La marge de progrès est certaine.
Je rappelle que nous avons déjà examiné trois lois. Nous avons voté les deux premières, mais nous n'avons pas adopté la troisième. La première a défini, en mars, un régime d'état d'urgence sanitaire auquel les pouvoirs publics peuvent recourir jusqu'au 1er avril 2021. Ce régime a été prolongé en mai, dans la deuxième loi. Puis, en juillet, le Gouvernement nous a demandé d'adopter une loi de sortie de l'état d'urgence sanitaire, curieuse loi qui reprenait l'ensemble des dispositions applicables en cas d'urgence sanitaire dans une version atténuée, sauf la possibilité du confinement généralisé. Nous vivons actuellement sous ce régime, qui donne au Gouvernement et aux préfets de la République des capacités d'action étendues, et qui permet en particulier de restreindre la liberté de circulation, l'accès aux établissements recevant du public et la possibilité de rassemblement.
Le Gouvernement nous saisit, avant le terme de cette loi, pour nous demander de la reconduire pendant cinq mois. Cette durée m'inspire une objection : alors que nous avons jusqu'à présent été saisis tous les deux ou trois mois de pouvoirs très étendus restreignant l'exercice des libertés individuelles, pourquoi laisserions-nous le Gouvernement libre d'adapter sa politique à l'évolution de l'épidémie pendant cinq longs mois ? Je vous proposerai de ramener ce délai à trois mois.
Au fond, la différence entre le régime de la sortie de l'état d'urgence sanitaire, qui se prolongerait encore cinq mois, et le régime de l'état d'urgence sanitaire c'est que nous sommes passés d'un confinement généralisé à un isolement individualisé facultatif, grâce à la mise en place de nouveaux instruments. En mars, il n'y avait ni masques, ni tests de dépistage, ni possibilité de remonter les filières de contamination par un système d'information national débouchant sur une plateforme de l'assurance maladie pour contacter les personnes ayant été en relation prolongée avec des personnes contaminées. Tous ces dispositifs existent désormais, même s'ils fonctionnent plus ou moins bien. Par conséquent, on a pu passer d'un confinement interdisant la poursuite de la plupart des activités des forces vives de notre pays à un dispositif plus adapté à la poursuite de l'activité. Cet enjeu est devenu primordial compte tenu des difficultés économiques et sociales très importantes que nous traversons.
Je veux souligner que, malgré les inquiétudes croissantes, la situation n'est pas la même qu'en mars. La situation s'est dégradée depuis quelques semaines, mais le nombre de contaminations quotidiennes est loin de celui que nous avons connu au plus fort de la propagation de l'épidémie. Le conseil scientifique, dans une note du 22 septembre, a estimé le nombre d'infections quotidiennes à 100 000 au moment du confinement, voire plus. Ces derniers jours, c'est en moyenne une dizaine de milliers de cas de contamination qui ont été confirmés chaque jour. La dimension du phénomène est donc moindre qu'en mars.
Nous devons bien sûr continuer à appliquer des mesures de restriction. Je crois que nous ne pouvons pas nous en passer. On a réclamé que ces mesures soient territorialisées. On se plaint maintenant qu'elles ne soient pas unifiées... Il me semble qu'il vaut mieux plaindre ceux qui ont la responsabilité de la politique sanitaire que contester la qualité de leur action, malgré tous les ratés, dont nous sommes pleinement conscients.
En mars, le taux de reproduction du virus était de 3 pour 1 personne contaminée. En septembre, il s'élevait à 1,3, et il n'est plus aujourd'hui que de 1,1. Soyons donc exacts dans l'appréciation du phénomène. En mars, le nombre de personnes contaminées doublait en trois jours, contre plus de quinze jours aujourd'hui. Le doublement du nombre d'hospitalisations se fait désormais en vingt-cinq jours. Si une vigilance accrue s'impose, ces données peuvent justifier l'accord que je vous proposerai de donner à la prolongation du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire - régime évidemment mal nommé, puisque c'est une sortie qui n'en finit pas... En tout état de cause, les autorités sanitaires doivent continuer à pouvoir exercer des prérogatives dérogatoires du droit commun, tout en prenant des mesures strictement proportionnées aux exigences de la situation.
Le délai de trois mois que je vous proposerai au travers de mes amendements vaudra également pour les outils numériques : il convient de ne pas laisser dans la nature des fichiers contenant des données personnelles qui seraient exploitables trop longtemps.
Nous voulons également corriger le fameux article L. 3131-1 du code de la santé publique. Cet article ancien a été beaucoup discuté, car il donne les pleins pouvoirs au ministre chargé de la santé pour prendre, par arrêté, toute mesure pour faire cesser une menace sanitaire, sans garantie et sans en préciser la nature. Des arrêtés qui restreindraient fortement les libertés publiques seraient très probablement annulés par la juridiction administrative, mais l'ambiguïté même de ces dispositions a incité le Gouvernement à passer par la loi pour décréter le confinement généralisé. Ne laissons pas subsister un article qui semble permettre une restriction exagérée de l'exercice de nos libertés.
Je vous proposerai aussi des amendements relatifs aux fichiers, afin de continuer à encadrer strictement les informations traitées.
Je vous proposerai enfin de donner votre accord à une disposition, prévue par l'Assemblée nationale, qui permet aux conseils municipaux de se tenir ailleurs qu'en mairie lorsque la salle est trop petite.
Mme Dominique Vérien. - Je veux d'abord féliciter le président de son élection et dire ma satisfaction de rejoindre la commission des lois, garante des libertés individuelles.
À force de reporter la fin de l'état d'urgence, nous faisons du droit d'exception le droit commun. Nous approuverons ce texte, car il comporte des dispositions utiles, par exemple les facilités de réunion des collectivités territoriales. Les préfectures refusent actuellement que des conseils municipaux puissent se réunir dans des salles des fêtes, quand bien même la santé et le bon sens exigeraient que cela soit possible. La réduction du délai à trois mois et la clause de revoyure proposées par le rapporteur sont de bonnes choses.
Quelle est l'utilité, pour les centres communaux d'action sociale (CCAS), d'accéder à des données anonymisées ?
La majorité des membres de notre groupe est favorable au texte.
Mme Éliane Assassi. - Nous persistons à penser que certaines choses sont dangereuses pour nos libertés collectives et individuelles.
Nous nous interrogeons sur l'objectif réel de ce projet de loi. Nous ne nions pas qu'il est nécessaire de prendre des mesures pour empêcher que l'épidémie ne se propage de façon ravageuse dans notre pays, mais nous craignons que des mesures dictées par la situation du moment ne finissent une nouvelle fois par entrer dans le droit commun.
Nous nous opposerons sur ce texte comme sur les précédents, mais nous accorderons la plus grande attention à vos amendements. Je prends note que vous proposez une prorogation seulement jusqu'au 31 janvier. Comme vous l'avez dit, c'est aussi la possibilité de se rassembler et de manifester qui est restreinte. Or chacun sait que des élections se tiendront en mars prochain.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Je rappelle que notre groupe s'était opposé au premier texte de sortie de l'état d'urgence sanitaire. Depuis, la situation a changé. Nous étions dans l'urgence et dans le désarroi ; nous sommes entrés dans une période longue. Nous devons nous adapter à une situation qui durera sans doute assez longtemps.
S'il y a état d'urgence, il faut en prévoir la sortie selon certaines modalités. Or, en procédant en plusieurs étapes, on ne comprend plus très bien de quoi l'on parle, d'autant que les pouvoirs prévus par le texte sont considérables et que le code de la santé publique offre déjà l'ensemble de ces dispositifs.
Plus qu'avec la proximité des élections, toutes ces dispositions sont censées s'emboîter avec un projet de loi annoncé par le Gouvernement, qui envisage de faire entrer dans le droit commun des dispositions adaptées aux urgences sanitaires en général. Dans l'attente de ce texte, on laisse flotter un certain nombre de dispositions, dont on ne sait pas exactement si elles sont nécessaires. Le Gouvernement lui-même, ne sachant plus très bien comment il doit procéder, souhaite avoir l'ensemble des outils à sa disposition.
Tout cela me paraît assez grave. Nous sommes en train de ruser avec nos principes. À ce stade, le rapporteur propose une limitation. C'est heureux, mais nous devons renforcer le contrôle, notamment parlementaire, sur ces mesures, qui doit être un contrôle réel. Le Parlement doit être saisi régulièrement.
Pour l'heure, nous sommes défavorables par principe à ce faux-semblant, qui fait mine de sortir de l'état d'urgence sanitaire tout en le prolongeant.
Mme Françoise Gatel. - Je vous adresse à mon tour, monsieur le président, mes plus sincères et chaleureuses félicitations.
Je remercie le rapporteur de ses réserves sur la notion d'urgence, dont nous ne sortons pas.
Je veux attirer l'attention sur les effets collatéraux pour nos collectivités de la première loi d'urgence sanitaire, qui, en mars, a modifié les calendriers d'installation des collectivités, syndicats et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Alors même que des échéances de prise de compétences ou de transfert de compétences liées aux lois territoriales doivent être respectées - je pense notamment aux compétences relatives aux transports ou au plan local d'urbanisme (PLU) -, il semblerait que l'on ne puisse pas traiter ces questions dans ce texte. Nous devrons regarder cela attentivement, car les collectivités sont mises en grande difficulté sur des décisions qui seront irréversibles.
Mme Esther Benbassa. - Je tiens à féliciter le rapporteur pour son rapport.
Les amendements tendent à ramener la prolongation à trois mois ; nous pensons qu'il faut les voter. Nous saluons évidemment ce progrès, mais nous restons opposés à ce droit hybride, entre état d'urgence et droit commun. Ce n'est pas parce que l'échéance est plus proche que la situation est acceptable.
M. Jean-Yves Leconte. - Je pense que votre estimation du nombre de cas est assez optimiste.
J'aimerais en savoir plus sur les ordonnances relatives à l'organisation des assemblées générales d'associations. Les délais prévus par la loi sont passés et nous ne voyons toujours rien venir. Cela n'est pas raisonnable de laisser le flou sur cette question.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Madame Verrien, concernant l'accompagnement des malades en difficulté sociale, il s'agira bien de données personnelles identifiantes, mais nous avons prévu l'obligation de recueillir l'accord des personnes concernées.
Je remercie Mme Assassi d'avoir repris un certain nombre de mes propos. Je comprends toutefois son souhait de ne pas voter ce texte, craignant de voir ce régime d'exception consolidé.
Madame de la Gontrie, vous avez raison, c'est paradoxal de parler de sortie de l'état d'urgence sanitaire alors que ce n'en est pas vraiment une. Cependant, j'y insiste, nous avons souhaité réduire les délais proposés et faire en sorte d'exercer un contrôle parlementaire réel sur ces pouvoirs exceptionnels, comme nous avons eu l'occasion de le faire depuis le début de la crise sanitaire, y compris pendant le confinement, où nous avons réalisé de nombreuses auditions.
Madame Gatel, vous vous inquiétez du report des échéanciers prévus pour la prise de compétences par les collectivités locales. C'est essentiel, et nous y sommes attentifs, mais je crains que ce texte ne soit pas le bon véhicule législatif pour aborder ces questions. Je vous propose d'attendre d'autres textes que nous sommes censés bientôt examiner.
Je remercie Mme Benbassa d'accepter de voter certains de mes amendements, même si elle ne votera pas le texte dans son ensemble. Vous avez raison, c'est un régime hybride. Je dirai que c'est un état d'urgence sans confinement généralisé. Nous ne devons pas laisser le Gouvernement décider seul des modalités de sortie de l'état d'urgence sanitaire.
Monsieur Leconte, c'est certain, le nombre de personnes contaminées quotidiennement est très certainement supérieur à 10 000, sans doute plus proche de 20 000 si l'on prend en compte les personnes qui ne se font pas tester. Je ne suis ni optimiste ni pessimiste. Je ne fais que reprendre les chiffres publics, sur lesquels je n'ai aucune prise. La situation est de toute façon sans commune mesure avec celle que nous avons connue au début du printemps.
Je vais maintenant vous présenter le périmètre d'application de l'article 45 de la Constitution sur ce texte.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je trouve que les règles relatives à l'application de l'article 45 sont par trop restrictives et limitent considérablement notre droit d'amender.
M. Philippe Bas, rapporteur. - C'est ainsi ! Vous pourrez néanmoins déposer des amendements sur les prérogatives conférées aux autorités publiques sous le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire, ainsi que sur la durée d'application dudit régime, et les systèmes d'information mis en place dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à raccourcir à trois mois, au lieu de cinq, la durée de prorogation du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire.
L'amendement COM-2 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-3 est un amendement de suppression.
L'amendement COM-3 est adopté.
Article additionnel après l'article 1er ter A (nouveau)
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-4 vise à préciser le champ d'application de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique.
L'amendement COM-4 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-5 a pour objet de faciliter la vie des collectivités locales.
L'amendement COM-5 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-6 est un amendement de cohérence alignant la durée de ce dispositif dérogatoire sur celle de la prolongation du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire.
L'amendement COM-6 est adopté.
Article 1er quinquies (nouveau)
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-7 est également un amendement de cohérence. L'amendement COM-1 rectifié est, quant à lui, satisfait.
L'amendement COM-7 est adopté.
L'amendement COM-1 rectifié n'a plus d'objet.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-8 est un amendement de cohérence avec l'article 1er qui ramène au 31 janvier 2021 le terme de l'autorisation octroyée par le législateur pour la mise en oeuvre des fichiers SI-DEP et Contact Covid.
L'amendement COM-8 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-9 tire les conséquences d'une réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 11 mai 2020.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Je ne comprends pas son objet.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement vise à prévoir l'effacement des coordonnées de contact téléphoniques et électroniques, et pas seulement l'adresse physique, pour améliorer la pseudonymisation des données traitées à des fins épidémiologiques.
L'amendement COM-9 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je vous ai déjà parlé de l'amendement COM-10 qui vise à sécuriser l'action des organismes qui assurent une mission d'accompagnement social des personnes touchées par l'épidémie.
L'amendement COM-10 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-11 a pour objet de mieux encadrer le pouvoir règlementaire en réclamant plus de précisions sur la nature des données utilisées à des fins de recherche épidémiologique.
L'amendement COM-11 est adopté.
Article additionnel après l'article 2
M. Philippe Bas, rapporteur. - Par l'amendement COM-12, nous demandons que les avis du conseil scientifique soient publiés sans délai. Il y a eu trop de retard en certaines occasions.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - C'est très important, les retards de publication que nous constatons ne sont pas acceptables. Nous voterons donc cet amendement.
L'amendement COM-12 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-13 a pour objet de supprimer une demande de rapport.
L'amendement COM-13 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-14 est un amendement de suppression de l'article.
L'amendement COM-14 est adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Conseil économique, social et environnemental - Examen du rapport et du texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous en venons maintenant à l'examen du rapport de notre collègue Muriel Jourda sur le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Le CESE est régi par les articles 69 à 71 de la Constitution. Il fait partie des trois assemblées constitutionnelles avec l'Assemblée nationale et le Sénat. Il s'agit toutefois d'une assemblée consultative. L'ordonnance organique du 29 décembre 1958 précise ses règles de fonctionnement.
Je vous propose de présenter rapidement le CESE tel qu'il est aujourd'hui, ce qui nous permettra de mieux apprécier les modifications introduites par le projet de loi organique.
J'aborderai quatre éléments : la composition du Conseil, son organisation, ses travaux et ses modes de saisine.
Le CESE représente ce que l'on appelle la « société civile organisée » : il est constitué de représentants de différents organismes, comme les syndicats de salariés, les représentants des employeurs, les coopératives agricoles, les mutuelles, etc. Sans entrer dans le détail, le Conseil est organisé en trois différents pôles : économique, social et environnemental.
Le CESE comprend également des personnalités qualifiées, qui sont désignées par le Gouvernement et qui sont au nombre de 40 sur 233 membres.
Le Conseil est un peu organisé comme une assemblée parlementaire. Il compte 18 groupes de représentation, chacun disposant d'un représentant au bureau. Il est organisé en sections, qui sont l'équivalent de nos commissions, en commissions temporaires et en délégations permanentes.
Le CESE rend des avis ou des études, ces dernières ne comprenant pas de préconisations.
J'en viens enfin au mode de saisine. Le CESE peut être saisi par le Premier ministre, soit obligatoirement sur les projets de loi de programmation à caractère économique, social et environnemental ; soit de manière facultative sur des projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques ou sur tout projet de loi, d'ordonnance ou de décret dans le domaine de sa compétence. Le Conseil peut également être consulté par le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat sur tout problème de caractère économique, social et environnemental. Il peut, enfin, s'autosaisir et, depuis quelques années, être saisi par voie de pétition.
À l'heure actuelle, 80 % des avis rendus par le CESE relèvent de l'autosaisine, ce qui peut poser question au regard de son rôle de conseil auprès des pouvoirs publics.
Le projet de loi organique qui nous est soumis porte tout d'abord sur la composition du Conseil.
Le Gouvernement souhaite - c'est devenu l'alpha et l'oméga de la réforme des assemblées -, diminuer le nombre de membres de 25 %, ce qui supprimera totalement les 40 personnalités qualifiées et 18 représentants de la société civile. Je vous proposerai non pas de renoncer à toute diminution des effectifs, mais d'avoir recours à des critères un peu plus objectifs : seules les 40 personnalités qualifiées seraient supprimées, leur mode de désignation ayant pu faire débat.
Le Gouvernement souhaite également supprimer les personnalités associées pour les remplacer soit par des membres d'autres instances consultatives, comme les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER), soit par des personnes qui seraient tirées au sort. Je proposerai la suppression du tirage au sort et nous aurons certainement l'occasion de débattre sur la pertinence, en démocratie, de ce mode de désignation.
S'agissant de l'organisation, le CESE comprendrait désormais quatre pôles. Un comité - composé notamment de trois députés et de trois sénateurs - serait chargé de faire des propositions concernant l'évolution de la composition du Conseil. Je vous proposerai de supprimer ce comité, comme nous le verrons avec l'examen des amendements.
Ce qui me paraît le plus important, c'est la dispense de consultation prévue par l'article 6 : lorsqu'il saisit le CESE sur un projet de loi, le Gouvernement serait exonéré des consultations préalables prévues par des dispositions législatives ou réglementaires. Je vous proposerai de supprimer cette disposition.
S'agissant des travaux du CESE, il lui serait désormais possible de recourir à des tirages au sort pour consulter un « échantillon » de citoyens. Je m'y opposerai également.
Enfin, les modalités de saisine du CESE ne seraient pas modifiées, à l'exception d'un ajout assez notable : comme pour le Conseil constitutionnel, 60 députés ou 60 sénateurs pourraient saisir le Conseil pour lui demander un avis, ce qui me semble contraire à la Constitution.
Le seuil de prise en compte des pétitions serait abaissé à 150 000 signataires au lieu de 500 000, et l'âge minimum des pétitionnaires serait de 16 ans. Je vous proposerai d'ajouter quelques critères de recevabilité pour que ces pétitions soient plus pertinentes.
Dans un autre registre, l'Assemblée nationale a décidé d'installer un déontologue au CESE, ainsi que d'imposer une déclaration d'intérêts à ses membres. Je vous proposerai d'apporter quelques précisions à ces règles déontologiques.
En conclusion, je dirai que ce projet de loi organique ne me paraît pas majeur sur un certain nombre de points : il entérine finalement ce qui était déjà la pratique du CESE, comme la consultation de CESER ou le recours au tirage au sort. De même, le CESE prend déjà en compte les pétitions qui n'atteignent pas 500 000 signataires, y compris lorsqu'elles sont déposées sur des plateformes dématérialisées.
D'autres dispositions me semblent dangereuses pour la démocratie. Je pense singulièrement au fait de remplacer, petit à petit, des personnes qui sont élues, comme peuvent l'être les députés, les sénateurs ou des personnes représentatives de certaines catégories d'intérêts, par des personnes tirées au sort. C'est, comme le dirait le président Bruno Retailleau, la démocratie de la « courte paille », et cela me paraît assez dangereux.
M. Jean-Yves Leconte. - Le CESE est la troisième assemblée constitutionnelle de notre pays, celle qui représente la société civile et les différentes organisations qui font la vie sociale de notre pays.
Nous partageons plusieurs des évolutions suggérées par Madame le rapporteur. Nous étions un peu inquiets sur l'article 6, qui supprime un certain nombre de consultations préalable au dépôt d'un projet de loi. Peut-être faudra-t-il le retravailler avec l'Assemblée nationale dans le cadre de la navette, mais, dans l'état actuel de sa rédaction, nous préférons sa suppression.
C'est la même chose pour l'article 2 concernant la saisine du CESE pour évaluer la mise en oeuvre d'une disposition législative, même si nous en comprenons les raisons. D'une manière générale, il nous est très difficile de saisir le CESE compte tenu de l'accélération du temps législatif. Cependant, sur un certain nombre de sujets, cela pourrait nous être utile.
En revanche, nous avons un désaccord avec Madame le rapporteur en ce qui concerne l'article 4. Pourquoi ne pas envisager de tirage au sort dès lors que les intéressés n'ont pas de pouvoir décisionnel ? Selon nous, organiser une consultation sur la base d'un tirage au sort est non pas un affaiblissement de la démocratie, mais une manière de consulter la population de manière différente. À partir de là, autant que le recours au tirage au sort soit organisé et encadré. Tel qu'il est rédigé, il nous semble que l'article 4 n'est annonciateur d'aucune dérive. Le supprimer, c'est laisser au Gouvernement la possibilité d'agir à sa guise en matière de conventions citoyennes.
Là où il y avait une petite dérive, c'était dans l'article 9, mais il suffit de supprimer la possibilité que des membres tirés au sort fassent partie des commissions du CESE. Nous sommes en accord avec Madame le rapporteur sur ce point.
Nous partageons également sa démarche par rapport à l'évolution de l'effectif du CESE. C'est vrai qu'il n'y a aucune raison de baisser par principe le nombre de membres, alors que l'on veut donner plus d'importance à cette institution.
J'en viens au comité prévu à l'article 7 pour formuler des propositions sur la composition du CESE. Si vous regardez la manière dont est organisée la composition du Conseil dans l'ordonnance organique du 29 décembre 1958, il y a quand même une description assez fine des catégories d'organisations représentées. En supprimant le comité, j'ai peur que l'on donne énormément de prérogatives au pouvoir réglementaire, au risque de ne se retrouver qu'avec des personnalités qualifiées.
Nous soutiendrons l'évolution des effectifs du CESE telle que proposée par vos amendements mais, au moment de la séance, il faudra soit affiner les catégories d'organisations représentées, soit revenir à une procédure qui ne donne pas tout le pouvoir au pouvoir réglementaire.
Enfin, sur la déontologie, nous sommes d'accord avec les amendements déposés par Madame le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère. - Notre groupe est en phase avec les deux axes de travail proposés par Madame le rapporteur. Il s'agit, d'une part, d'éviter les interférences avec le fonctionnement des collectivités territoriales, et, d'autre part, de ne pas laisser le CESE empiéter sur le travail législatif, notamment en lui permettant de donner des avis sur la mise en oeuvre de dispositions législatives.
Notre groupe est sans doute plus ouvert sur la question du tirage au sort. C'est impensable dans le processus législatif - vous avez rappelé l'expression du président Bruno Retailleau -, mais cela nous paraît envisageable dans un processus consultatif, à côté de la consultation des experts, à condition que le recours au tirage au sort ne soit pas systématique.
Mme Cécile Cukierman. - C'est loin d'être une réforme en profondeur des missions et de l'organisation du CESE ! C'est plutôt un toilettage, qui, à certains égards, peut tout de même être dangereux. Il s'agit ici non pas de nous prononcer pour ou contre le CESE, mais d'acter un certain nombre d'évolutions.
À l'origine, le Conseil était un lieu de dialogue social et de remontée de la réalité des rapports de forces qui s'exprimaient dans notre pays.
Force est de constater qu'il a évolué vers des problématiques environnementales, sociétales. Avec ces différents toilettages, on a l'impression que le CESE pourra être consulté sur tout et rien. Avec cette nouvelle composition, j'ai surtout l'impression que le Gouvernement consolide l'entreprise de contournement des corps intermédiaires commencée au début de ce quinquennat.
Le tirage au sort peut être une solution pour consulter le public, à condition de bien encadrer la procédure. Ce n'est toutefois pas la panacée pour améliorer le rapport des citoyens à la politique et à l'engagement.
Enfin, je reste dubitative sur l'abaissement à 16 ans du droit de pétition. N'essayons pas d'instrumentaliser une certaine forme de jeunisme.
Nous ne voterons donc pas ce projet de loi organique, même si nous partageons la position de Madame le rapporteur sur un certain nombre de points.
M. François Bonhomme. - J'ai, par principe, beaucoup de réserves sur l'utilité du CESE. Cela fait tout de même quarante ans que l'on s'interroge sur son utilité et sur les moyens de le faire exister. C'est assez pathétique !
L'abaissement à 16 ans de l'âge pour le droit de pétition est assez révélateur de l'air du temps. Imaginez Greta Thunberg à la Convention citoyenne pour le climat... On peut avoir quelques craintes pour l'avenir.
À mon sens, ce n'est pas le tirage au sort qui va renforcer la légitimité de nos institutions. La démocratie s'exerce prioritairement par l'élection. Cette histoire de tirage au sort ne va que fragiliser encore plus le système. Je note d'ailleurs que « la mise en musique » des préconisations de la convention citoyenne pour le climat produit déjà des tiraillements, et ce n'est sans doute que le début.
Concernant les personnalités qualifiées, j'avais déposé en son temps une proposition de loi organique visant à les supprimer. La simple lecture de la liste des personnes qui ont été désignées sur les quarante dernières années suffirait à convaincre de la parfaite inutilité de ce mécanisme. C'est simplement un instrument de fluidité politique pour les gouvernements et les présidents de la République.
Bref, vous l'aurez compris, le CESE est, à mon sens, une instance occupationnelle dont la suppression passerait inaperçue chez nos concitoyens.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je remercie Muriel Jourda de la qualité de son travail.
J'ai moi aussi été très choqué par l'article 2 sur la saisine du CESE concernant la mise en oeuvre d'une disposition législative. Le Parlement vote la loi ; le Gouvernement la met en oeuvre ; le Parlement contrôle sa mise en oeuvre. Il n'y a rien à ajouter !
M. Alain Richard. - C'est pour une évaluation !
M. Jean-Pierre Sueur. - Mais le Parlement évalue aussi les lois qu'il vote !
Je partage aussi les interrogations de Madame le rapporteur sur l'article 6. Imaginer que la consultation du CESE puisse se substituer à toutes les autres consultations, sauf celles des autorités administratives indépendantes et du Conseil d'État, ce serait beaucoup trop large.
S'agissant du comité prévu à l'article 7, le texte de l'Assemblée nationale n'est pas très clair. Cet amalgame est bizarre : un comité composé, pour partie, de parlementaires donnerait son avis sur un décret du Gouvernement. Tout cela pour réfléchir à l'évolution de la composition du CESE... Je préférerais que la loi organique s'en charge.
Je pense qu'il est salutaire que les personnalités qualifiées disparaissent. À cet égard, il serait intéressant qu'un étudiant fasse une thèse sur les personnalités qualifiées dans l'histoire du CESE. D'où viennent-elles ? Comment ont-elles été de nommées ? À quelles fins ? Le résultat serait parfois pittoresque.
Sur le fameux tirage au sort, je dois dire que notre groupe est partagé. Je pense, comme Madame le rapporteur, qu'il y a quand même une grande différence entre une personne tirée au sort et le citoyen, tout comme entre l'électeur et le sondé.
J'en profite pour dire que nous avions fait, avec notre ancien collègue Hugues Portelli, des propositions sur les sondages, adoptées par le Parlement. Or ces dispositions sont présentement détournées par les instituts de sondage sur un point capital. Cependant, nous ne pouvons pas déposer d'amendement sur le sujet, encadrés comme nous le sommes par l'interprétation de l'article 45 de la Constitution.
En tout état de cause, je suis entièrement d'accord avec la position exprimée par Jean-Yves Leconte sur le sujet.
M. Guy Benarroche. - Je vous remercie de m'accueillir dans cette commission et je m'excuse par avance des approximations dues à la méconnaissance d'un certain nombre de codes que vous avez entre vous depuis fort longtemps, et que je ne maîtrise pas encore aujourd'hui.
Je ne partage évidemment pas les réserves de notre collègue François Bonhomme sur l'utilité du CESE. Au contraire, nous attendions un texte beaucoup plus ambitieux. Ce n'est pas le cas, et nous le regrettons, mais nous ne demandons certainement pas la disparition du Conseil.
Le CESE a d'emblée été défini comme la chambre du long terme, et cela n'apparaît pas suffisamment dans le projet de loi organique. Il me semble également que les avis du CESE ne sont pas systématiquement portés à la connaissance des parlementaires. Cela serait pourtant très utile de les intégrer au dossier législatif en amont de l'examen d'un projet de loi.
S'agissant des procédures simplifiées pour l'adoption des avis du CESE, il faut savoir que l'ensemble des conseillers du CESE les ont rejetées après les avoir expérimentées.
Je partage l'avis de mes collègues concernant l'article 6, qui serait une véritable régression démocratique, sans parler de ses incohérences juridiques.
Enfin, sur la composition du CESE, il nous semble indispensable que le Conseil comprenne des personnes qualifiées dans les problématiques qui irriguent actuellement nos sociétés, comme les enjeux climatiques et de biodiversité. C'est tout l'intérêt des personnalités qualifiées, dont la suppression serait très préjudiciable.
M. Alain Richard. - Il est vrai que le CESE n'a pas atteint une très grande notoriété et que ses avis n'ont pas un impact très fort. C'est en partie dû au fait qu'il s'est refusé à certaines facilités : par construction même, après confrontation entre différentes représentativités, le Conseil émet des avis de compromis, qui sont équilibrés et ne cherchent pas le scoop. Une institution comme la nôtre devrait le relever avec estime plutôt que de s'en plaindre !
Notre rapporteur a exprimé de la méfiance quant à l'usage du tirage au sort. Il me semble, au vu des faiblesses inévitables de la démocratie représentative, que la possibilité de recourir à un tirage au sort, qui devra se faire de manière sociologiquement représentative, serait un complément bienvenu pour la préparation du débat préalable à l'élaboration d'un texte législatif. Ce dernier sera, en tout état de cause, soumis à des assemblées élues.
L'actualité récente m'a d'ailleurs rappelé que la technique du jury tiré au sort est pratiquée de longue date en matière d'éthique médicale : ceux qui préparent des projets dans ce domaine veulent très fréquemment dialoguer avec un groupe représentatif de la population.
La question est plutôt : qui conseillera et informera les membres tirés au sort ? Ils ont l'avantage de la représentativité directe et, pour ainsi dire, de la fraîcheur, mais lorsqu'ils sont confrontés à des sujets complexes, une intermédiation très substantielle est nécessaire. Les difficultés de compréhension éprouvées par les membres de la convention citoyenne pour le climat quant au devenir de leurs propositions sont très faciles à expliquer au vu de l'éventail de leurs expériences. Dès lors, quelle que soit l'institution qui recourt à une procédure de tirage au sort, elle doit s'imposer une éthique d'objectivité et de pluralisme dans le choix des experts.
Mme Valérie Boyer. - Je partage complètement la position de Madame le rapporteur sur le tirage au sort : c'est l'inverse de la méritocratie et de la démocratie. Il est important de le supprimer de ce texte, car il s'agit d'une dérive dangereuse, d'autant que le CESE est une assemblée consacrée par la Constitution.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - On a débattu de l'utilité, ou de l'inutilité, du CESE. Ce conseil existe depuis 1925 ; il a ensuite été inscrit dans la Constitution de la IVe République, puis de la Ve. Nonobstant les divers modes de saisine possibles, qui se sont accrus au fil du temps, force est de constater que le CESE reste peu utilisé par les pouvoirs publics : on relève 80 % d'autosaisines, une proportion énorme. Ses rapports sont peu diffusés et pris en compte.
Cela peut s'expliquer, d'abord, par une raison interne, qu'Alain Richard juge favorablement, mais que l'un de nos collègues sénateurs, ancien membre du CESE, considère comme un écueil majeur : la recherche permanente du consensus. En 2009, Dominique-Jean Chertier relevait, dans son rapport au Président de la République, que ne pas recueillir de consensus au sein du Conseil était presque insultant pour l'auteur d'un avis. Ce phénomène affaiblit les avis du CESE, réduits au plus petit dénominateur commun.
À cela s'ajoute un vice externe : la vitesse actuelle du processus législatif ne permet pas de prendre temps de saisir le CESE, sauf à lui demander d'émettre un avis en quelques jours. Nous-mêmes, parlementaires, procédons à de multiples auditions : le CESE pourrait-il faire mieux dans les délais impartis par le calendrier législatif ?
Concernant le tirage au sort, il est pris en compte dans ce projet de loi organique suivant deux modalités : d'une part, comme méthode de travail, de manière à élargir la consultation du public ; d'autre part, de manière à accroître le nombre de membres du Conseil dans l'élaboration de ses travaux, ce qui est tout à fait différent.
Le CESE pratique déjà le tirage au sort. Je n'y suis pas opposée en soi : après tout, la consultation de la population se fait dans n'importe quelle commune. Toutefois, je ne pense pas que tout espace de liberté constitue un vide juridique et qu'il soit toujours utile d'écrire dans la loi ce qui se pratique assez librement. En outre, légitimer l'exercice du tirage au sort dans un projet de loi organique me paraît dangereux : je ne me fais pas cette idée de la démocratie. Il ne me semble pas que ce soit un mode de travail pertinent. Ce serait également « un pied dans la porte » : le tirage au sort pourrait peu à peu prendre la place des corps constitués qui existent en France.
Cécile Cukierman, je suis aussi dubitative que vous quant à la possibilité de signer une pétition dès l'âge de 16 ans : c'est une forme de populisme. Je vous invite donc à déposer en séance un amendement de suppression de cette mesure ; je m'en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Alain Richard. - Le résultat est certain !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Une telle disposition me semble simplement aller dans le sens du vent d'un certain jeunisme sans apporter grand-chose. Pour autant, il ne s'agit que de pétitions déposées auprès d'un organisme consultatif...
J'ai enfin noté un accord général quant à la suppression des personnalités qualifiées au sein du CESE.
M. François-Noël Buffet, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi organique.
J'en profite pour rappeler les précisions apportées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2020-802 DC du 30 juillet dernier. Pour un texte organique, le Conseil utilise deux critères : il considère comme « cavalier » toute disposition qui ne présente pas de lien, même indirect, avec le texte initial ou qui est prise sur un fondement constitutionnel différent.
En l'espèce, le périmètre du texte comprend toute disposition prise sur le fondement des articles 69 à 71 de la Constitution et visant à modifier le droit applicable au Conseil économique, social et environnemental.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Mon amendement COM-7 supprime une phrase que j'avoue ne pas comprendre, selon laquelle le CESE « encourage le rôle des assemblées consultatives en matière économique, sociale et environnementale ».
L'amendement COM-7 est adopté.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'article 1er autorise le CESE à consulter les instances consultatives créées auprès des collectivités territoriales et de leurs groupements, ce qu'il fait déjà avec les CESER. Mon amendement COM-8 soumet une telle consultation à l'accord des collectivités territoriales ou de leurs groupements, plutôt qu'à leur simple information. Les collectivités financent ces instances : il est donc normal qu'elles puissent coordonner leurs travaux. En outre, mon amendement précise que ces instances consultatives doivent être prévues par la loi.
L'amendement COM-8 est adopté.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Mon amendement COM-9 supprime cet article, aux termes duquel soixante députés ou soixante sénateurs pourraient saisir le CESE sur la mise en oeuvre d'une disposition législative. Un risque d'instrumentalisation du Conseil par l'opposition pourrait se poser. Surtout, les modes de saisine du CESE sont prévues par la Constitution : en ajouter un autre dans un projet de loi organique me paraît donc impossible. Je partage la position de Thani Mohamed Soilihi, qui a déposé un amendement sur ce point.
L'amendement COM-9 est adopté ; l'amendement COM-4 rectifié devient sans objet.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Mon amendement COM-10 porte sur la saisine du CESE par voie de pétition, un mode de saisine relativement récent. Aux termes de cet article, 150 000 signataires suffiront et ces pétitions pourront être déposées en ligne. Je propose, pour éviter que des pétitions ne portent sur des sujets locaux, que les pétitionnaires résident dans au moins 30 départements ou collectivités d'outre-mer. Par ailleurs, pour éviter l'accumulation de pétitions obsolètes, je souhaite que la durée de recueil soit limitée à un an. Enfin, je propose que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) soit consultée concernant les informations recueillies auprès des signataires.
Précisons que l'objectif de l'amendement COM-5 serait satisfait : mon amendement permettrait d'éviter les pétitions portant sur des sujets locaux. Contrairement à notre collègue Thani Mohamed Soilihi, je préfère toutefois fixer un critère objectif et donc incontestable : le lieu de résidence des signataires.
L'amendement COM-10 est adopté ; l'amendement COM-5 devient sans objet.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - J'ai compris que nous n'approuvions pas tous la suppression du recours au tirage au sort, objet de mon amendement COM-11, mais je vous ai expliqué les arguments qui me convainquent que ce dispositif est inopportun. Rappelons que la récente convention citoyenne pour le climat n'a pas été constituée à l'aide d'un véritable tirage au sort : ses membres étaient volontaires et devaient remplir certains critères de représentativité. Les risques de biaiser le panel sont donc réels.
L'amendement COM-11 est adopté ; l'amendement COM-1 devient sans objet.
Article 5
L'amendement de coordination COM-12 est adopté.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Mon amendement COM-13 permet au CESE de répartir lui-même ses travaux entre ses différentes formations de travail. Cela relève de son organisation interne, non du Gouvernement ou du Parlement.
L'amendement COM-13 est adopté.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Mon amendement COM-14 porte sur l'extension prévue à cet article de la procédure dite « simplifiée » pour l'examen des avis du CESE. Le délai prévu de deux semaines semble trop restreint ; je vous propose de le maintenir à trois semaines. Par ailleurs, l'ensemble des forces représentées au CESE ne siègent pas dans toutes les commissions, mais elles sont toutes représentées au bureau, par l'intermédiaire des groupes : dans un souci de pluralisme, je propose donc que celui-ci approuve l'avis au terme de la procédure simplifiée. Enfin, mon amendement apporte une précision quant à la manière dont le projet d'avis est porté à la connaissance des membres du CESE.
L'amendement COM-14 est adopté.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'article 6 permettrait de substituer l'avis du CESE à celui d'autres organismes consultatifs, sauf dans des cas limitativement énumérés. Il nous a été impossible de connaître la liste complète des organismes en question ; celle que nous a transmise le Gouvernement comporte des erreurs et n'est pas exhaustive. Au vu de ce manque de clarté, je vous invite à supprimer cet article, en adoptant mon amendement COM-15.
L'amendement COM-15 est adopté ; l'amendement COM-2 devient sans objet.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'article 7 réduit de 25 % le nombre de membres du CESE. Interrogé sur le critère objectif qui justifierait ce pourcentage, le ministère de la justice m'a répondu qu'il s'agit d'un discours du Président de la République...
Je préfère fonder une telle réduction sur un raisonnement que sur un pourcentage arbitraire : c'est pourquoi je vous propose, au travers de mon amendement COM-16, de nous en tenir à la suppression des personnalités qualifiées, qui sont parfois nommées pour des motifs tout à fait étrangers à leurs qualifications, ce qui peut nuire au crédit du CESE. Ces personnalités sont au nombre de quarante ; les supprimer, tout en conservant les représentants des corps intermédiaires de la société civile, forces vives du CESE, entraînerait une diminution de 17 % du nombre de ses membres.
M. Jean-Yves Leconte. - Nous sommes d'accord avec Madame le rapporteur sur ce point, mais il faut rappeler que l'ordonnance organique du 29 décembre 1958 comportait des précisions complémentaires sur la nature des organismes qui devaient être représentés au CESE, notamment dans le domaine de la vie associative. Vous conservez les bons chiffres, mais de telles précisions manqueront ; en outre, par l'amendement COM-18, vous voulez supprimer le comité chargé de proposer des évolutions concernant la composition du CESE, au profit d'une simple publication par le Gouvernement des critères qu'il aura utilisés. On risque ainsi de revoir l'exécutif nommer des personnalités qu'il dira qualifiées...
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'article 7 prévoit en effet qu'un comité, comprenant notamment des parlementaires, indique au Gouvernement la marche à suivre en ce qui concerne la composition du CESE. Cela ne me paraît pas être le rôle des parlementaires que de préparer des décisions d'ordre réglementaire : c'est pourquoi je propose de supprimer ce comité. En revanche, le Gouvernement devrait rendre publics les critères utilisés pour répartir les sièges du CESE. Le Gouvernement ne nommerait pas lui-même les personnalités amenées à y siéger, mais désignerait simplement les organismes chargés de les choisir.
M. Jean-Yves Leconte. - Dans l'ordonnance en vigueur aujourd'hui, certains de ces organismes sont spécifiés : des mutuelles, des coopératives... Pourquoi ne pas laisser au législateur la capacité de préciser qui sera chargé de ces nominations au titre de la vie associative ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Si vous avez des idées en la matière, je vous invite à les exprimer en séance ; je les examinerai alors.
L'amendement COM-16 est adopté.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale indique que le CESE « assure une représentation équilibrée des territoires de la République, notamment des outre-mer ». Les outre-mer craignent, en effet, de ne plus être représentés dans toute leur diversité. Pour autant, la « représentation équilibrée des territoires de la République » n'est pas du tout l'objet du CESE, qui représente la société civile, mais bien celle du Sénat. Avec mon amendement COM-17, je vous propose donc de supprimer cet alinéa, tout en intégrant expressément les outre-mer dans l'un des collèges du CESE.
M. Thani Mohamed Soilihi. - J'entends l'argumentation de Madame le rapporteur, mais l'équilibre entre territoires est important, notamment vis-à-vis des outre-mer, dont nous connaissons tous les particularités et l'éloignement.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - C'est pourquoi j'entends intégrer expressément les outre-mer au collège des représentants de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative. Je propose également d'ajouter cinq conseillers supplémentaires au sein de ce collège.
L'amendement COM-17 est adopté ; l'amendement COM-6 devient sans objet.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Nous avons évoqué l'amendement COM-18 il y a quelques instants : ce n'est pas le rôle des parlementaires que d'assister le Gouvernement dans l'exercice de son pouvoir réglementaire. Je propose donc de supprimer le comité prévu à l'article 7.
L'amendement COM-18 est adopté.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Mon amendement COM-19 offre au CESE de la souplesse dans son organisation interne.
L'amendement COM-19 est adopté.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Mon amendement COM-20 supprime le tirage au sort de personnes qui seraient associées aux décisions du CESE, pour les motifs que j'ai exposés tout à l'heure. Il permettrait de satisfaire l'amendement déposé par Jean-Yves Leconte, qui poursuivait le même objectif.
L'amendement COM-20 est adopté ; l'amendement COM-3 devient sans objet.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Mon amendement COM-21 supprime une précision qui n'a pas lieu d'être.
L'amendement COM-21 est adopté.
Article 9 bis
L'amendement de coordination COM-22 est adopté.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'Assemblée nationale a voulu ajouter de nouvelles règles déontologiques en prévoyant, pour le CESE, un code de déontologie et un déontologue chargé de veiller à sa mise en oeuvre. Je vous propose, dans l'amendement COM-23, que ce code s'applique aussi aux personnes extérieures qui participeront aux travaux du CESE. Par ailleurs, pour laisser au Conseil le soin de choisir entre un déontologue, comme à l'Assemblée nationale, et un comité de déontologie, comme au Sénat, je propose que l'on s'en tienne à la notion d'« organe chargé de la déontologie ».
L'amendement COM-23 est adopté.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'article 10 ter prévoit la remise d'une déclaration d'intérêts par les membres du CESE à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Cela ne pose pas de problèmes de principe, mais les membres du Conseil y siègent justement pour représenter des intérêts. Avec mon amendement COM-24, je propose donc que le conflit d'intérêts soit défini par rapport aux intérêts extérieurs à ceux qu'ils viennent représenter au CESE.
L'amendement COM-24 est adopté.
Article 11
L'amendement de coordination COM-25 est adopté.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement COM-26 supprime un rapport d'activité prévu pour les membres du CESE.
L'amendement COM-26 est adopté.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement COM-27 repousse de deux mois l'entrée en vigueur de ce projet de loi organique, le délai actuellement prévu me semblant trop court.
L'amendement COM-27 est adopté.
Le projet de loi organique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 12 h 30.