- Mercredi 24 juin 2020
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne - Examen des amendements de séance au texte de la commission (en téléconférence)
- Conséquences de l'épidémie de Covid-19 - Travaux des groupes de travail sur les secteurs « Création » et « Patrimoine » - Communications (en téléconférence)
Mercredi 24 juin 2020
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 35.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne - Examen des amendements de séance au texte de la commission (en téléconférence)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je donne immédiatement la parole à Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement n° 5 du Gouvernement propose d'améliorer la rédaction de la disposition définissant la sanction applicable en cas de manquement à l'obligation faite aux parents de déposer à la Caisse des dépôts et consignations les fonds reçus en contrepartie de l'exploitation de l'image de leurs enfants sur Internet. Je propose d'y donner un avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 5.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement n° 3 du Gouvernement propose une réécriture partielle de l'article 3. Le principe demeure néanmoins inchangé : les revenus perçus au-delà du seuil fixé par décret en Conseil d'État doivent être versés par les parents à la Caisse des dépôts et consignations, les revenus en deçà pouvant leur être conservés. Je vous propose de lui donner un avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 3.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement n° 4 du Gouvernement permet de préciser le dispositif en fixant le seuil de l'amende à 3 750 euros. Il vise par ailleurs à engager la responsabilité des annonceurs en cas de non-respect de leur obligation de déclaration.
Je propose d'y donner un avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 4.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - J'invite la commission à donner un avis défavorable à l'amendement n° 2 présenté par Mme Brulin et les membres du groupe CRCE. Cet amendement me paraît en effet de nature à fragiliser juridiquement le dispositif proposé par la proposition de loi.
Mme Céline Brulin. - J'avais demandé la semaine dernière en commission que l'on aille vers une responsabilité plus importante des plateformes. Si je me réjouis de la décision du Conseil constitutionnel concernant la loi Avia, je continue à souhaiter que le texte de la proposition de loi puisse aller plus loin en ce domaine.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Je comprends parfaitement l'esprit de l'amendement, mais si les plateformes se soumettent à cette obligation, elles risquent d'inonder l'administration d'images dont l'écrasante majorité sera constituée de vidéos qui ne sont pas monétisées.
Je vous demanderais donc de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme Céline Brulin. - Nous allons le retirer.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Prenons garde à ne pas donner toujours plus de pouvoirs aux plateformes. La seule réponse consiste à réviser la directive e-commerce. Thierry Breton, commissaire européen chargé du Marché intérieur, commence d'ailleurs à en parler.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement n° 1 présenté par plusieurs membres du groupe socialiste et républicain est tout à l'honneur de notre commission en ce qu'il permettrait aux mineurs de disposer d'informations sur l'exposition de leur image.
Cette information pourrait d'ailleurs contribuer à sensibiliser ceux qui rêvent de se retrouver Youtubers aux risques liés à cette activité. J'espère que le fait d'en disposer leur permettra de ne pas faire de celle-ci le nec plus ultra de leur avenir professionnel.
Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'amendement n° 1.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1.
La commission a donné les avis suivants aux amendements de séance :
Conséquences de l'épidémie de Covid-19 - Travaux des groupes de travail sur les secteurs « Création » et « Patrimoine » - Communications (en téléconférence)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - L'ordre du jour appelle à présent la présentation des conclusions de deux groupes de travail.
Le groupe de travail consacré au secteur de la création, animé par Sylvie Robert, était composé de Sonia de la Provôté, Françoise Laborde, Jean-Raymond Hugonet, Maryvonne Blondin et Vivette Lopez.
Le groupe de travail consacré au patrimoine, animé par Alain Schmitz, était quant à lui composé de Jean-Pierre Leleux, Sonia de la Provôté, Catherine Dumas, Marie-Pierre Monier et Dominique Vérien.
La parole est à Sylvie Robert, rapporteure du groupe de travail relatif au secteur de la création.
Mme Sylvie Robert. - Le secteur de la création artistique et culturelle a été l'un des premiers affectés par la crise sanitaire. Il est gravement touché.
Le spectacle vivant, comme les arts visuels, se trouvent aujourd'hui en grand danger, d'autant que la reprise d'une activité normale apparaît encore aussi lointaine qu'incertaine. Un exemple chiffré : le président du CMN évalue à près de 2 milliards d'euros les pertes pour 2020.
Il s'agit d'un secteur économique très fragile, qui comporte beaucoup de petites structures, des établissements publics, etc. La crise actuelle constitue un véritable danger pour l'emploi, la diversité artistique, le dynamisme et le rayonnement de nos territoires.
Le soutien renforcé des pouvoirs publics est plus que jamais urgent si l'on veut préserver notre modèle culturel. Or, les mesures d'urgence sont souvent incomplètes, insuffisantes et difficiles d'accès au regard des spécificités de ce secteur. Les acteurs culturels manquent encore cruellement de visibilité, trois mois après le début de la crise, pour s'organiser et préparer leur programmation.
Enfin, le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR3), que nous serons vraisemblablement amenés à travailler à partir de mi-juillet en séance, ne met nullement en place un plan de relance global du secteur culturel.
Nous avons travaillé autour de trois axes pour élaborer nos propositions : parer à l'urgence, faciliter la relance et améliorer l'exercice de la compétence culturelle.
S'agissant de l'urgence, nous avons identifié deux difficultés concernant les mesures transversales mises en place par le Gouvernement. Il s'agit tout d'abord de la durée des aides. L'activité partielle doit prendre fin le 30 septembre, le fonds de solidarité au plus tard le 31 décembre, et on sait que l'activité se poursuivra « en mode dégradé » bien au-delà de 2020.
En second lieu, certains acteurs culturels ne parviennent pas à en bénéficier car les critères d'octroi des aides ne sont pas adaptés à leurs spécificités. C'est particulièrement manifeste en ce qui concerne l'activité partielle Malgré nos interventions, les établissements publics, et singulièrement les établissements publics de coopération culturelle (EPCC), n'y ont pas droit, dès lors que les subventions constituent une part majoritaire de leurs budgets, alors même qu'ils remplissent les mêmes missions que d'autres structures. Il est étonnant de fonder cet accès sur la forme juridique des établissements et non sur les missions qu'ils remplissent.
J'en viens au soutien sectoriel. Le plan de 17 millions d'euros en faveur de la création, hors livres, a été jugé nettement insuffisant par rapport à l'ampleur des besoins du secteur. Par ailleurs, la répartition de ses crédits est très inégale et se fait malheureusement encore au détriment des arts visuels, d'où la nécessité d'accentuer l'effort budgétaire et l'investissement en leur faveur. Le dégel des crédits de la réserve de précaution pour 2020 serait une mesure importante pour compléter le soutien aux différents secteurs.
Quand on évoque l'urgence, on pense évidemment d'abord aux artistes. S'agissant des intermittents, le décret d'une année prolongeant leurs droits, promis par le Président de la République le 6 mai, n'est toujours pas paru.
Ce décret devrait également relever le plafond des heures d'enseignement artistique. Cette mesure est nécessaire pour permettre de participer aux vacances apprenantes et au dispositif 2S2C, que je souhaiterais voir demeurer exceptionnel. Je rappelle qu'il est pris sur le temps scolaire et a été pensé pour que le plus d'enfants possible puissent être accueillis après le 11 mai, faute de places suffisantes dans les écoles compte tenu des mesures sanitaires. Peu de collectivités l'ont mis en place du fait de la nécessité de financements complémentaires à la participation de l'Etat. Seules les collectivités qui en avaient les moyens ont pu l'organiser.
Pour ce qui est des artistes-auteurs, la situation est dramatique. Leur réalité professionnelle n'est toujours pas correctement prise en compte. Leur cas doit être traité de manière globale et non selon les disciplines artistiques.
Il convient également de faire en sorte que la clause de service fait puisse être totalement levée. Aucune circulaire expliquant les assouplissements apportés à cette clause depuis fin mars n'est jamais parue, et cela bloque le règlement des engagements annulés.
La crise actuelle révèle une nouvelle fois l'urgence à mettre en place le statut des artistes-auteurs. Aucun plan d'urgence ou de relance ne peut être aujourd'hui efficace s'il ne les concerne pas.
S'agissant de la relance, nous avons identifié trois enjeux principaux.
Il est en premier lieu urgent de donner davantage de visibilité au monde de la culture. À la différence d'autres activités culturelles, pour lesquelles le ministère de la culture a publié des guides de recommandations pour la reprise d'activité, il n'y a toujours pas de guide ni de circulaire concernant les règles d'organisation des festivals qui, en dessous de 5 000 personnes, sont laissées à la discrétion des collectivités et des préfets. Beaucoup se posent la question de savoir s'ils peuvent réunir 200, 300, voire 1 000 personnes. En l'absence de recommandations, la responsabilité est reportée sur les organisateurs, les collectivités, et les inégalités entre territoires vont s'accentuer.
Des clarifications rapides sont également nécessaires concernant les conditions de réouverture des établissements et d'autorisation de manifestations à compter de septembre prochain. Beaucoup de structures sont en train de revoir leur programmation, mais l'exercice est très délicat face à un tel flou. Certains festivals doivent avoir lieu, comme les Trans Musicales en décembre prochain. On ne sait si on peut les organiser. Or les organisateurs ont besoin d'être informés au minimum deux mois à l'avance. Il est essentiel que le ministre apporte de la visibilité au plus tard début juillet. Au-delà de cette date, leur modèle économique peut être très fragilisé.
Autre enjeu : le retour du public. Le ministère peut appuyer les démarches des établissements pour rassurer les participants, via l'adoption de chartes de bonnes pratiques ou la création d'un pictogramme national pour les établissements qui respectent les exigences sanitaires.
Je n'insiste pas sur la nécessité de transposer rapidement la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA) ni sur la demande du Président de la République de voir les établissements se « réinventer ».
Troisième enjeu : le soutien de l'Etat à la relance. Nous nous interrogeons sur le niveau et les modalités de l'accompagnement par l'État des acteurs culturels afin de faire évoluer les modèles. Le plan prévu par le PLFR3 est insuffisant. Il ne répond pas à beaucoup des demandes présentées par les différents secteurs comme l'accompagnement dans la mise en place des mesures sanitaires, ou la compensation des surcoûts et des pertes de billetterie qui en découlent. Aucune piste n'a été esquissée pour renforcer le soutien aux arts visuels (sanctions en cas de non-respect du dispositif du 1 % artistique, exonération de TVA à l'importation pour les oeuvres produites à l'étranger par des artistes français), au spectacle vivant (élargissement du crédit d'impôt pour le spectacle vivant) ou aux festivals (assouplissement de la circulaire Collomb sur les questions de sécurité). Le PLFR3, alors qu'il va traiter du tourisme, a oublié la culture !
Pendant ce temps, le Pass culture continue d'être déployé. Nous exigeons une évaluation des résultats qualitatifs de cette politique d'ici à la fin de l'année pour pouvoir fonder notre jugement sur un certain nombre d'éléments objectivés.
Quant au fonds de soutien spécifique en faveur des festivals, qui constituait une promesse du Gouvernement après le discours du Président de la République du 6 mai, il n'apparaît nulle part. Ses crédits pourront difficilement être pris sur les 50 millions d'euros promis au Centre national de la musique (CNM), dans la mesure où confier la gestion de ce fonds à ce seul opérateur conduirait à laisser de côté tous les festivals qui ne sont pas musicaux.
Une cellule d'accompagnement a été créée pour soutenir les festivals dans le contexte de la crise sanitaire. Nous avons auditionné son représentant, Bertrand Munin, mais il faudrait que son fonctionnement soit pérennisé. L'Etat doit améliorer ses connaissances sur les festivals, leurs retombées économiques. Il doit renforcer sa politique dans leur direction et cela justifierait de mettre en place une véritable démarche interministérielle.
Enfin, s'agissant de la compétence culturelle, la gestion de la crise sanitaire a mis en lumière la nécessité de développer le dialogue entre les différents acteurs de la culture. De vraies faiblesses sont apparues en matière de concertation. Des décisions ont été prises sans en informer les acteurs, qui ont découvert certaines mesures. Les collectivités ont par ailleurs souvent été mises au pied du mur et les petits festivals se retrouvent démunis.
Les collectivités territoriales ont cependant joué une nouvelle fois le rôle de partenaire de l'État en matière culturelle, aux côtés des acteurs du secteur. Beaucoup de régions ont annoncé la mise en place de plans de relance pour la culture, ce qui pose la question de la poursuite en 2021 des assouplissements à la règle du Pacte de Cahors. Malgré cela, les collectivités n'ont pas été associées à la définition du cadre pour la reprise de l'activité ou du plan de relance de l'État, ce qui montre la nécessité d'accroître le dialogue entre l'État et les collectivités.
Nous sommes un peu circonspects pour ce qui concerne la question des conseils des territoires pour la culture (CTC) déclinés au niveau régional pendant la crise. Nous ne sommes pas certains qu'ils se soient montré très efficaces dans le contexte actuel. Nous souhaiterions que leur composition évolue ou que les commissions culture des conférences territoriales de l'action publique pour la culture ou toutes autres instances territoriales puissent continuer à travailler parallèlement au plus près de ce secteur, en tout cas, pour celles qui fonctionnaient correctement jusqu'ici.
Cela permettra d'être plus réactif. Les acteurs culturels ont aujourd'hui deux craintes : d'une part, celle d'une décentralisation complète des politiques culturelles. Prenons toutefois garde que les collectivités ne prennent la décision de décentraliser dans le cadre de la prochaine loi 3D. Une vision globale est nécessaire. La Bretagne, par exemple, souhaite s'investir davantage en matière culturelle, mais cela doit se faire en concertation avec les services déconcentrés de l'État.
Leur seconde crainte, c'est que la crise sanitaire n'amène certaines municipalités, métropoles régionales ou communautés de communes à réduire les aides à la culture. L'effet domino serait terrible. Il faut demeurer vigilant à ce sujet. C'est ce qui nous conduit à plaider en faveur d'une relance rapide des pactes culturels.
La crise a enfin fait apparaître le besoin d'une plus large concertation avec les acteurs du secteur. J'attire également votre attention sur les arts visuels. La filière est peu structurée. Le Conseil national des professions des arts visuels (CNPAV) n'a pas les moyens de fonctionner. C'est un secteur extrêmement fragilisé. Il faut vraiment progresser sur ces sujets.
Les opérateurs nationaux comme le CNM ou le Centre national des arts plastiques (CNAP) doivent disposer de ressources suffisantes et pourquoi pas, dans le cas du CNM en particulier, même de nouvelles ressources pour poursuivre leurs missions une fois la crise passée.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Voici un panorama extrêmement complet de la situation, et sans complaisance. J'apprécie le caractère très pointu de votre analyse et de l'état de lieux.
La parole est aux membres du groupe de travail.
Mme Sonia de la Provôté. - Je souscris totalement à ce rapport et à son ton direct.
On constate aujourd'hui un certain décalage entre la lenteur du ministère et l'angoisse croissante des acteurs sur le terrain. Même si le monde de la culture a bénéficié d'annonces du Président de la République le 6 mai, il y a encore peu de traduction concrète : les intermittents attendent toujours la parution du décret, la circulaire sur la clause du service fait n'a jamais été transmise et le PLFR3 comporte, somme toute, peu de mesures concernant la culture.
Heureusement, il y a les collectivités territoriales, tous échelons confondus, qui se sont engagées, se sont efforcées de maintenir leurs contributions et ont réuni les acteurs aux niveaux régional, départemental, intercommunal ou municipal. Il n'en reste pas moins que seul l'Etat peut fixer le cadre général et c'est pourquoi ses clarifications sont si attendues. Même si elle génère de la complexité, la compétence partagée est essentielle pour permettre à chacun de contribuer aux actions culturelles et d'accompagner les acteurs de la culture. C'est un enseignement de cette crise. D'où l'importance de la contractualisation entre les collectivités publiques pour apporter de la visibilité aux acteurs de terrain, qui en manquent cruellement.
En matière d'éducation artistique et culturelle (EAC), il est clair que les artistes ne sont pas des animateurs. Au demeurant, si la crise peut nous donner l'occasion de renforcer l'EAC, sous réserve que les artistes y occupent la place qui doit être la leur, ce peut être une bonne chose pour l'accès à la culture et pour mieux faire vivre la culture dans tous les territoires.
Mme Françoise Laborde. - Il existe une certaine complémentarité entre le rapport que je vous ai présenté il y a déjà quelques temps et celui-ci.
Je n'en dirai pas beaucoup plus que Sonia de la Provôté. Un certain nombre de promesses ont été faites au monde de la culture et à ses acteurs. Il est grand temps de les concrétiser.
Jean-Raymond Hugonet reviendra certainement sur le Pass culture. Avec la fermeture des établissements culturels pendant la crise, ses dépenses ont été moindres que programmés. Peut-être pourrait-on dégager une certaine somme, dans le PLFR3, au profit des acteurs culturels ?
En tout cas, la crise aura montré les vertus de la compétence partagée, au regard des nombreuses sollicitations dont ont fait l'objet les collectivités territoriales. Elles jouent un rôle essentiel en matière culturelle.
Je n'ai pas l'habitude de mélanger tourisme et culture, mais reconnaissons que l'annulation des festivals d'été sera un frein à la reprise du secteur touristique. Espérons que le Gouvernement en ait suffisamment conscience pour clarifier rapidement le cadre applicable à l'organisation des festivals.
Je partage toutes les préconisations de ce rapport et j'espère, même s'il n'est pas tendre, que le ministère les entendra, pour le plus grand bénéfice des artistes et de toute la filière.
M. Jean-Raymond Hugonet. - C'est comme si le Pass culture n'avait jamais autant progressé que durant la crise sanitaire. Compte tenu du haut niveau de sa dotation dans la loi de finances pour 2020, nous avions invité le ministre, lors de son audition le 16 avril, à transférer une partie de ses crédits pour soutenir le secteur culturel. Mais nous nous sommes vus opposer une fin de non-recevoir. Il est clair que le Pass culture constitue toujours une priorité présidentielle.
Damien Cuier, président de la société par action simplifiée qui encadre le Pass culture, nous a communiqué des informations au cours de son audition, et devrait prochainement ouvrir aux membres du groupe de travail un accès à l'application pour que nous puissions nous familiariser avec son contenu et son fonctionnement. Nous essaierons de vous tenir informés le plus souvent possible, de même que si de nouveaux élargissements de l'expérimentation devaient être décidés.
S'agissant des festivals, je dois dire que nous avons été saisis par le manque de connaissances précises du ministère en ce domaine. Personne ne sait véritablement combien notre pays en compte chaque année. J'espère que la « cellule festivals » mise en place à l'occasion de la crise sanitaire continuera à fonctionner une fois celle-ci écartée.
Je remercie Sylvie Robert d'avoir animé ce groupe. Nous avons auditionné nombre de responsables. Ce travail a été particulièrement intéressant. C'est pourquoi ce rapport est conséquent et sans concession.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - La parole est aux commissaires.
M. Pierre Ouzoulias. - Merci à Sylvie Robert et ses collègues pour la qualité de leur travail. Cela fait plusieurs fois, notamment au moment de la discussion budgétaire, que nous considérons unanimement que l'État n'a pas plus de doctrine en matière culturelle qu'en matière de relations avec les collectivités territoriales.
Malheureusement, la pandémie dans laquelle nous nous trouvons encore a exacerbé ce défaut de gestion du ministère de la culture. Cette compétence est aujourd'hui majoritairement exercée par les collectivités. Il est important que la commission de la culture du Sénat fasse prendre conscience à tous les acteurs qu'il faut faire évoluer le mode de relations entre l'État et les collectivités. L'État doit absolument aider ces dernières à préserver un réseau essentiel qui se trouve dans une situation dramatique.
Il faut que l'État fasse confiance aux collectivités et à leur capacité de relance de ce réseau. Malheureusement, la politique de transferts de charges et de compétences vers les collectivités se poursuit. Elle n'est ni raisonnée ni négociée. Je pense notamment au dispositif 2S2C. Ainsi, le rectorat de Versailles a informé les maires des Hauts-de-Seine qu'il faudra le pérenniser sans financement à partir de la rentrée de septembre, ce qui n'est absolument pas envisageable pour des raisons financières et d'organisation.
S'agissant du Pass culture, le département des Hauts-de-Seine a mis en place de façon très judicieuse un Pass culture qui repose essentiellement sur des réseaux déjà disponibles. Le département met maintenant à disposition des collégiens, jusqu'à l'âge de dix-huit ans, une somme qui leur permet d'aller vers les acteurs locaux et départementaux de la culture, ce qui me semble bien plus sain que le système national. Les Hauts-de-Seine, en raison de la sous-utilisation des crédits en 2020 liée à la fermeture des établissements à cause de la pandémie, les reportera intégralement sur 2021, ce qui permettra de relancer l'activité des acteurs locaux.
Je propose donc que l'argent consacré au Pass culture permette d'aider des départements comme la Vendée ou les Pays-de-Loire, par exemple, à financer leur dispositif, qui fonctionne et qui constitue un outil extrêmement utile pour permettre aux structures et aux réseaux locaux de se relancer après la crise. Ceci permettra de soutenir les collectivités et les opérateurs culturels locaux et pourrait constituer une nouvelle forme d'organisation de la culture en France.
M. Laurent Lafon. - J'adresse mes félicitations à Sylvie Robert et à l'ensemble du groupe pour ce rapport. Ce secteur est en grande difficulté depuis la crise sanitaire, il faut le dire.
Je formulerai cependant une remarque à propos du système 2S2C. Certes, il a été mis en place en urgence. Il est donc très perfectible. En revanche, je ne suis pas pour le rejeter de manière totale et définitive, notamment par rapport au monde de la culture. Il ouvre en effet des passerelles entre l'école et le milieu culturel. Dans une période où ce dernier a besoin d'ouverture, ce n'est pas inintéressant. Il n'est pas non plus mauvais pour l'école de décloisonner les intervenants, en particulier s'agissant du monde de la culture.
Je ne me fais pas un défenseur à tout prix de ce système, mais je ne suis pas sûr qu'il y ait intérêt à rejeter l'idée de passerelle entre la culture et le monde scolaire.
M. Jean-Pierre Leleux. - L'objectif du groupe de travail est de mettre en oeuvre un certain nombre de mesures. Or l'examen nous démontre que le secteur culturel et celui de la création n'ont rien à voir avec les autres enjeux économiques du territoire. On a en effet affaire à des acteurs extrêmement divers. Il est donc très difficile de proposer des mesures généralistes dans un tel domaine. Je me demande donc s'il ne faut pas avoir une approche différenciée pour être juste et équitable.
Par ailleurs, le ministère de la culture est devenu, au fil des années, un guichet de soutien ponctuel qui saupoudre des aides multiples sans doctrine affirmée. Que fait-on pour le rayonnement culturel de la France ? Je ne dis pas que les aides sont inutiles, mais la distribution au coup par coup, avec des lobbies qui s'enchevêtrent, me paraît une voie complexe et injuste, sans ligne directrice.
M. Stéphane Piednoir. - Je félicite le groupe de travail, qui est cependant assez peu paritaire : Jean-Raymond Hugonet m'a semblé bien seul au milieu de ce collectif féminin très efficace !
Ma question concerne la presse gratuite d'information culturelle. J'ai été sollicité dans mon département par une douzaine de collectifs à ce sujet. La fermeture des salles de spectacles, l'annulation des festivals et l'arrêt quasi-total de l'activité culturelle et événementielle les a contraints à suspendre leur propre activité. Cela fait partie de l'effet domino que Sylvie Robert évoquait dans sa présentation. C'est pourtant un maillon essentiel de la chaîne. Y a-t-il une préconisation pour prolonger le chômage partiel dans ce secteur ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le domaine de la presse ne concerne pas vraiment le groupe de travail « Création ». Vous pourrez interroger Michel Laugier sur ce point.
La parole est à la rapporteure.
Mme Sylvie Robert. - On ne peut dire que le dispositif 2S2C ne bénéficie pas aux artistes. Mais, il a été mis en place dans un contexte particulier qui suppose l'intervention des collectivités sur le temps scolaire, ce qui constitue un vrai sujet en matière de rupture d'égalité territoriale. Toutes les collectivités ne peuvent l'assumer. Il y a une remise en cause de la mission régalienne du ministère de l'éducation nationale, ce qui pose, à mon sens, question en matière de transmission des connaissances.
Par ailleurs, il fait concurrence aux projets d'éducation artistique et culturelle (EAC), qui ont été brutalement arrêtés. Les artistes se sont retrouvés avec des contrats gelés. Il en va de même de l'éducation physique et sportive. Ce dispositif n'a donc pas vocation à être pérennisé car il est intervenu dans un contexte exceptionnel et pose une question de fond par rapport aux collectivités territoriales. Seules les collectivités qui ont les ressources internes suffisantes ont pu le mettre en place. Ma ville en fait partie. C'est un débat qu'il faudra avoir.
S'agissant du rôle de l'État, je pense que la loi 3D sera pour nous un bon moyen de traiter de la subsidiarité dans un contexte décentralisé plus poussé. Je partage le point de vue de Jean-Pierre Leleux à ce sujet.
Enfin, on verra comment les choses évoluent concernant le Pass culture. On ne peut adapter tous les dispositifs à chaque secteur. La présidente posait la question des 50 millions d'euros qui ont été attribués au CNM. Je ne puis vous dire où ils vont aller. Le Centre national du livre (CNL) et le CNAP sont en train de revoir leurs modalités d'intervention. Il serait intéressant d'étudier la façon dont ils ont revu leur dispositif. C'est un secteur fragile, à haute valeur ajoutée. Je suis étonnée qu'il soit délaissé.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous avions demandé au ministre de l'éducation nationale de veiller à ce que les artistes intervenant dans le cadre de l'EAC soient rémunérés. Avez-vous pu obtenir des précisions à ce sujet ?
Mme Sylvie Robert. - L'éducation nationale n'a rien réglé.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le ministère de la culture a pourtant demandé qu'on y veille au début du confinement. Il a lui-même versé les subventions qui devaient l'être et réglé tous les services, même s'ils n'étaient pas accomplis.
Mme Sylvie Robert. - C'est ce qui justifie ma critique du dispositif 2S2C.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - L'État a fait des choses pour la culture comparé à ce qu'il fait pour le sport depuis le début de la crise. L'année blanche pour les intermittents ce n'est pas rien si le décret paraît. En Europe, c'est un système assez exceptionnel que celui de l'intermittence, qui permet d'assurer la vie de 60 % d'artistes et de 40 % de techniciens.
Nous avons, avec la commission des affaires sociales, aidé à rédiger l'amendement permettant l'inscription de cette prolongation dans la loi d'urgence.
50 millions d'euros sont attribués au CNM, même si on ne connaît pas les critères de répartition, et le plan librairie qui a été annoncé paraît plutôt ambitieux, mais le ministère a continué à fonctionner de façon verticale, en accordant un pouvoir discrétionnaire aux seuls préfets. Le ministre n'a pas engagé de mouvement de coordination. Le CTC a mis plus de trois mois à se réunir dans ma région, et encore pour une simple réunion d'information qui s'est révélée très formelle et n'a débouché sur aucun grand axe. Il pouvait constituer un outil à la main des préfets pour organiser la concertation et l'articulation des fonds d'urgence des différentes collectivités. L'État avait l'occasion de reprendre la main sur ces sujets, d'autant que je crois que les collectivités territoriales ont encore besoin de maturité avant de pouvoir animer la compétence partagée.
Les conférences territoriales de l'action publique (CTAP) ne fonctionnent pas partout. S'il n'existe pas un certain volontarisme, elles ont du mal à se mettre en place. Les collectivités n'y trouvent pas toujours le bon outil pour articuler leurs politiques publiques, certaines étant parfois jalouses de leurs prérogatives. L'État peut donc encore conserver un rôle de coordination, d'animation et d'impulsion, dans un cadre général qui peut être débattu avec les collectivités, qui continuent à apporter un financement à hauteur des deux tiers.
Sylvie Robert l'a dit, toutes les collectivités ont très rapidement mis en place un fonds d'urgence. Dans ma région, c'est le président qui a réuni tous les acteurs culturels. Si les collectivités territoriales n'avaient pas été là, les choses n'auraient pas été aussi simples.
Certains secteurs ont été par ailleurs totalement abandonnés. Sonia de la Provôté a rappelé la question des enseignements artistiques et des conservatoires. L'État garde la compétence sur la délivrance des diplômes, les cursus, la formation des enseignants, etc. Ce sont des établissements qui, comme les établissements scolaires, organisent chaque année des examens. Il aurait fallu avoir un vade-mecum des reports.
Frank Riester nous a affirmé que cela relevait des collectivités territoriales. Celles-ci estiment que c'est la responsabilité des ministères concernés du fait des protocoles qui doivent être mis en place. Quant aux associations de directeurs de ces établissements, elles pensent qu'elles ont été totalement abandonnées, ce qui n'est pas sans poser un réel problème.
Je remercie le groupe de travail d'avoir mis en avant la particularité des arts visuels, complètement délaissés. Le fonds dédié est ridiculement bas. C'est un secteur en souffrance, pour lequel il faut trouver une organisation pour structurer la filière dans les régions. Pourquoi ne pas confier aux fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) de nouvelle génération le soin de jouer le rôle d'animateurs ?
Quant aux auteurs indépendants, ils estiment être les laissés pour compte de la crise. Il faut avancer sur la définition d'un statut social pour ces artistes.
Les mesures de chômage à temps partiel ne sont toujours pas débloquées dans les EPCC. J'avais adressé un courrier au Premier ministre à ce sujet. On nous dit qu'un fonds compensatoire sera créé. Il nous faudra le vérifier. Ces établissements tiennent le choc parce que les collectivités et l'État ont maintenu leurs subventions, mais que se passera-t-il au moment de la relance si les recettes de billetterie continuent à ne pas être au rendez-vous ?
Ces établissements sont extrêmement importants. C'est d'eux que dépend tout le maillage territorial des plus petits ensembles qui travaillent autour de ces différentes structures.
Il va falloir suivre les choses d'extrêmement près, en lien avec les grandes associations d'élus et les collectivités, qui sont en grande difficulté financière avec la hausse de leurs dépenses conjuguée à une baisse de leurs recettes.
La parole est à présent à Alain Schmitz concernant le groupe de travail relatif au secteur du patrimoine.
M. Alain Schmitz. - Madame la présidente, mes chers collègues, la presse s'en est assez peu fait l'écho ces dernières semaines, mais le secteur des patrimoines a été terriblement affecté par la crise sanitaire. Les personnes que Catherine Dumas, Jean-Pierre Leleux, Marie-Pierre Monier, Sonia de la Provôté, Dominique Vérien et moi-même avons entendues au cours des dernières semaines ont dressé un constat accablant de la situation.
Si le secteur des patrimoines n'était pas inclus dans le plan de relance - pire, si le patrimoine devait servir de variable d'ajustement dans les prochaines semaines pour faciliter le financement des besoins qui se font jour dans tous les domaines -, alors les difficultés actuelles pourraient muter en une crise profonde et durable.
Les mesures d'urgence mises en place par le Gouvernement ont permis d'atténuer l'impact économique à court terme de la crise s'agissant de la protection du patrimoine, mais la reprise de l'activité des entreprises de restauration des monuments historiques reste balbutiante. Les mesures de protection sanitaire qui doivent être mises en place ralentissent les chantiers et en renchérissent les coûts. L'activité perdue pourra difficilement être rattrapée. Les perspectives d'activité d'ici la fin de l'année sont réduites, compte tenu des retards pris dans la délivrance des autorisations d'urbanisme pendant la période de confinement et de l'absence d'ouverture du moindre appel d'offres depuis la mi-mars.
À cela s'ajoute le contexte électoral, qui ralentit les projets des collectivités quand il n'entraîne pas l'abandon de projets programmés par les équipes précédentes, ainsi que la situation financière des propriétaires privés, qui n'ont pas pu dégager de recettes en raison de la fermeture des monuments au public.
Dans ce contexte, des faillites d'entreprises de restauration de monuments historiques, déjà fragiles à la base, ne sont pas à exclure d'ici la fin 2020 ou le courant 2021, avec des répercussions inévitables sur l'activité, l'emploi et le maintien des savoir-faire.
S'agissant des musées, nous nous sommes intéressés à la situation des opérateurs - je fais ici référence à des établissements comme la Réunion des musées nationaux-Grand Palais, le château de Versailles, le musée Picasso, le musée du Louvre, le Centre des monuments nationaux ou le musée d'Orsay. Ils n'ont pas été épargnés par la crise sanitaire, tant s'en faut.
La demande répétée de l'État au cours des dernières années en faveur d'une augmentation de leurs ressources propres les a rendus particulièrement vulnérables face à l'arrêt de leurs activités. Tous les établissements que je viens de vous citer ont un budget majoritairement constitué par leurs ressources propres, certains allant jusqu'à 80 %.
Malgré la reprise progressive de leurs activités, les opérateurs continueront à accumuler les pertes dans les mois à venir en raison, d'une part, d'une moindre fréquentation et, d'autre part, d'une baisse très probable des recettes liées au mécénat. Même si leur survie n'est pas directement menacée, les pertes des opérateurs d'ici la fin de l'année sont évaluées à 400 millions d'euros.
Vous en conviendrez, cet état des lieux n'est guère réjouissant et des mesures complémentaires s'imposent. Mes collègues du groupe de travail et moi-même sommes convaincus que le patrimoine doit constituer l'un des axes du plan de relance.
On néglige trop souvent cette dimension, mais c'est d'abord un enjeu économique, car les patrimoines sont bien une filière économique à part entière. Ce secteur, qui pesait 1,4 % du PIB avant la crise, est essentiel au dynamisme économique et à l'attractivité de nos territoires. Il constitue un atout déterminant pour accroître le potentiel de développement touristique de notre pays.
Au-delà, le patrimoine est également un marqueur important de l'identité collective de la France, un objet de fierté et un trait d'union entre les Français. Il peut et doit donc être mobilisé pour répondre à la crise de confiance et à la perte de repères suscitée par la crise sanitaire actuelle.
Nous nous sommes efforcés de construire des propositions équilibrées et raisonnables au regard des fortes sollicitations dont nos finances publiques font déjà aujourd'hui l'objet. Pour le reste, vous verrez que beaucoup de nos préconisations correspondent en fait à des recommandations formulées de longue date par notre commission, la crise sanitaire n'ayant fait qu'exacerber les difficultés rencontrées par ce secteur.
Nous formulons quatre propositions en matière budgétaire.
Nous demandons en premier lieu que les financements prévus en 2020 soient maintenus. Ils sont essentiels pour ce secteur, qui a déjà subi de plein fouet la disparition de la réserve parlementaire en 2017. Autrement dit, pas de coup de rabot sur les crédits du programme 175. L'engagement pris par le Gouvernement en 2017 de sanctuariser les crédits destinés au patrimoine monumental tout au long du quinquennat dans le cadre de sa stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine ne doit pas être rompu. Les besoins de restauration restent importants : 23 % des monuments historiques sont en péril ou en mauvais état.
Deuxième proposition : pérenniser le loto du patrimoine ou, à tout le moins, reconduire ce dispositif pour une nouvelle période de trois ans, la convention actuelle n'allant pas en l'état au-delà de 2020.
Au regard de l'ampleur des besoins du secteur du patrimoine, nous nous permettons d'insister une nouvelle fois sur le fait qu'il est important que l'État renonce définitivement aux taxes qu'il perçoit sur le tirage et les jeux de grattage afin de les réinjecter dans la protection du patrimoine.
Troisième proposition : reporter à l'exercice 2022 l'entrée en vigueur des dispositions réduisant l'incitation au mécénat pour les grandes entreprises.
Les TPE et PME vont difficilement pouvoir maintenir le niveau de leur engagement en faveur de la culture compte tenu de l'impact de la crise. Autant éviter de freiner la générosité des grandes entreprises dans le contexte actuel, tant les financements privés sont devenus ces dernières années essentiels à la réalisation des actions de protection du patrimoine et des projets des établissements patrimoniaux.
Enfin, nous demandons la compensation au moins partielle des pertes des opérateurs dans le PLF pour 2021. Les réserves de trésorerie des opérateurs ne sont pas suffisantes pour leur permettre d'absorber les pertes enregistrées. Si nous voulons éviter que notre pays perde sa position de leader dans le domaine culturel, l'État devra nécessairement venir en renfort de ces établissements pour leur permettre de continuer à se renouveler et à se moderniser afin de répondre aux attentes des publics.
Il faudra aussi prêter une attention particulière aux budgets d'acquisition et amplifier la politique de circulation des oeuvres sur le territoire national, le prêt d'oeuvres au niveau international étant actuellement délicat.
Pour autant, les établissements doivent faire face à leurs responsabilités et poursuivre leurs efforts pour réduire les coûts de fonctionnement et examiner de quelle manière ils pourraient faire évoluer leur modèle de financement.
Nous formulons par ailleurs plusieurs propositions pour accroître le soutien à la filière de la restauration de patrimoine dans la seconde partie de l'année. Cette filière souffre, et la consommation des crédits inscrits en loi de finances pour 2020 en faveur du patrimoine monumental accuse des retards significatifs par rapport aux années précédentes.
Nous réclamons de faire en sorte que les crédits 2020 puissent être intégralement consommés de la manière la plus efficiente possible pour soutenir les entreprises de restauration des monuments historiques.
Le ministère de la culture affiche clairement sa volonté d'accélérer le rythme de consommation des crédits d'ici la fin de l'année, mais envisage de redéployer les crédits entre les DRAC pour financer la restauration de certaines cathédrales ou de transférer une partie des crédits déconcentrés vers les opérateurs nationaux comme Versailles, le Centre des monuments nationaux, le Louvre, etc., afin de financer des grandes opérations reportées jusqu'ici faute de financements. Bref, il devrait principalement s'agir de gros chantiers, géographiquement localisés.
Notre groupe de travail croit qu'il existe une autre manière de consommer les crédits pour maximiser les retombées, à la fois, pour les entreprises de restauration du patrimoine dans leur ensemble et pour tous les territoires. Il s'agit de privilégier les opérations portant sur des monuments historiques n'appartenant pas à l'État mais à des propriétaires privés, car les collectivités territoriales rencontreront sans doute des difficultés pour lancer beaucoup d'opérations d'ici la fin de l'année.
En effet, le soutien de l'État à ces opérations crée un effet de levier et génère plus d'activités et de chiffre d'affaires pour les entreprises, dans la mesure où des subventions des collectivités territoriales, des aides d'associations de sauvegarde du patrimoine et une prise en charge des travaux par les propriétaires privés viennent s'ajouter aux crédits de l'État.
Comment faire en sorte que de telles opérations soient lancées d'ici la fin de l'année ? D'abord en mobilisant les DRAC pour qu'elles fassent le tour des collectivités territoriales et des propriétaires privés afin d'identifier les chantiers qui pourraient être rapidement lancés. Ensuite en simplifiant certaines démarches administratives pour garantir que les projets puissent démarrer le plus rapidement possible, par exemple en accélérant le temps d'instruction des demandes d'urbanisme. Enfin en mettant en place différents mécanismes incitatifs.
Nous suggérons notamment d'appliquer pour une période limitée des assouplissements afin d'entreprendre un maximum d'opérations d'ici là. Nous plaidons en particulier pour l'augmentation du taux de subvention de l'État sur les immeubles protégés au titre des monuments historiques, le relèvement du plafond maximal de subvention concernant les monuments inscrits, l'augmentation de la part des crédits alloués aux monuments appartenant à des propriétaires privés parmi les crédits destinés aux monuments qui n'appartiennent pas à l'État, l'inclusion des surcoûts de chantiers causés par les contraintes sanitaires dans le montant total de la dépense utilisé pour calculer le montant de la subvention de l'État. Les surcoûts de chantier peuvent renchérir aujourd'hui le coût du chantier de 15 % à 20 %.
Plusieurs évolutions que notre commission défend régulièrement pourraient également contribuer à la relance de l'activité et mériteraient d'être rapidement mises en place. Elles sont au nombre de trois.
Il s'agit premièrement de l'élargissement du champ géographique du label de la Fondation du patrimoine à l'ensemble des immeubles situés dans des communes de moins de 20 000 habitants, que le Sénat avait voté dans le cadre de la proposition de loi de notre collègue Dominique Vérien. Cette proposition de loi n'étant toujours pas adoptée, pourquoi ne pas saisir l'opportunité du PLFR 3 pour l'entériner, puisque nos collègues députés y sont, eux aussi, favorables ?
La deuxième évolution concerne l'augmentation de la part des crédits consacrés chaque année à l'entretien des monuments historiques, dans la mesure où les travaux d'entretien sont des chantiers dont le lancement est à la fois plus facile et rapide, puisqu'ils ne nécessitent pas d'autorisation préalable. La crise sanitaire n'est-elle pas une occasion de lancer enfin une expérimentation en la matière ?
Troisième évolution : que les services de l'État fournissent une véritable assistance à la maîtrise d'ouvrage (AMO) dans toutes les régions. Nous ne nions pas que cette proposition représente un coût important, puisqu'elle exige de procéder à des recrutements de personnel, mais ce coût nous paraît proportionné à l'impératif de relance de l'activité et à l'enjeu de la préservation du patrimoine dans la durée.
Le manque d'ingénierie des petites communes et des propriétaires privés freine trop souvent la réalisation de nombreux projets. Il paraît difficile de confier cette mission aux départements sans risquer de créer des inégalités territoriales.
L'accomplissement de cette mission par les architectes des bâtiments de France (ABF) pourrait permettre d'améliorer la qualité de leurs relations avec les élus locaux, problème qui nous tient beaucoup à coeur.
Nous formulons enfin une proposition d'ordre général, commune à l'ensemble du secteur des patrimoines : il s'agit de renforcer les liens entre culture et tourisme - Sylvie Robert a longuement insisté sur ce point -, en particulier d'accroître les interactions entre les deux ministères.
La dimension économique et touristique du patrimoine n'est en effet véritablement traitée par aucun d'eux. C'est un vrai problème, qui contribue largement à ce que le patrimoine soit davantage perçu comme un coût que comme une chance. Pourtant, à la veille des vacances d'été, la promotion du tourisme patrimonial comme alternative au tourisme balnéaire est essentielle pour venir en aide à ce secteur sinistré. Je me félicite à ce sujet de la campagne intitulée Cet été, je visite la France lancée dans les médias.
Voici, mes chers collègues, la synthèse des conclusions du groupe de travail sur les patrimoines. Pour ouvrir un peu notre horizon, pourquoi ne pas demander qu'une proportion même infime du plan de relance de l'Union européenne en réponse à la crise sanitaire serve à amorcer une véritable stratégie européenne en matière de patrimoine ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - La parole est aux membres du groupe de travail.
Mme Dominique Vérien. - Je remercie notre rapporteur, qui a très fidèlement reproduit la conclusion de nos débats, en particulier concernant l'AMO pour les communes. Je trouve intéressant de proposer que les ABF portent celle-ci afin que nous n'ayons pas à revivre ce que nous avons connu avec la loi ELAN. S'ils accompagnent les communes dans leurs projets, ils seront forcément mieux acceptés par les élus et deviendront pour eux de vrais partenaires. Ce sera mieux pour tout le monde.
En Bretagne, c'est la DRAC qui a la charge de cette question. Il est bon de s'inspirer de ce qui fonctionne. Dans cette région, les subventions ont été augmentées pour tenir compte des surcoûts liés aux mesures de protection contre le coronavirus.
Il est important que le plan de relance inclut le patrimoine. En 2008, celui qui avait été mis en place a ainsi permis de réaliser des travaux sur la tour sarrasine de Saint-Sauveur-en-Puisaye, qu'une commune de moins de mille habitants n'aurait jamais pu réaliser. Cela a également permis aux entreprises locales du patrimoine de travailler.
Je ne peux qu'être favorable au développement de la culture et du tourisme, puisque c'est là notre source de développement, qu'il s'agisse du patrimoine ou d'écrivains comme Colette, etc. La question reste de savoir si l'on place le tourisme dans la culture ou dans l'économie. Cela ne permet pas forcément la même dynamique, mais la disparition d'un festival est un drame économique. Il faut donc admettre que culture et économie vont de pair.
Enfin, merci d'avoir fait référence à la proposition de loi sur l'extension du label de la Fondation du patrimoine aux communes comptant jusqu'à 20 000 habitants. J'espère que nous pourrons l'obtenir. Il semblerait que nous en prenions le chemin. J'en serai très heureuse, car nous ne verrons pas cette proposition de loi revenir avant le mois d'octobre, et je ne sais si je serai encore sénatrice à cette date.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - J'ai envoyé la semaine dernière un courrier au président du Sénat pour lui demander d'inscrire cette proposition de loi avant la fin de la session extraordinaire.
Mme Marie-Pierre Monier. - Je remercie le groupe de travail pour ses travaux, et je tiens à souligner la concertation et l'écoute qui ont présidé à nos échanges.
Il ne faudrait pas que le secteur du patrimoine serve de variable d'ajustement à la suite de la crise que nous sommes en train de vivre. Il est impératif que ce domaine fasse partie du plan de relance. C'est le sens de ce rapport.
Le patrimoine n'est pas négligeable sur le plan économique. Ce secteur contribue directement à la qualité du cadre de vie des Français. La préservation des sites et des monuments permet l'éducation de la jeunesse et la transmission. Nous avons cependant quelques inquiétudes sur la suite, étant donné les temps compliqués que l'on va connaître.
Je souscris bien sûr aux propositions qui ont été faites. J'espère que nous aurons l'oreille du Gouvernement. Je suis très attachée à l'articulation entre tourisme et patrimoine pour relancer la saison estivale. Les acteurs du patrimoine ne sauraient être évincés du plan de soutien au tourisme. C'est tout le territoire qui est concerné. Il est important de ne pas le négliger.
Le loto du patrimoine a permis de souligner l'attachement que les Français éprouvent pour leurs monuments. J'aimerais qu'on n'ait pas à ferrailler chaque année au sujet des taxes que l'Etat perçoit sur ce jeu et que notre avis soit partagé au plus haut de l'État.
Mme Sonia de la Provôté. - Je souhaite rappeler que la question de l'entretien du patrimoine est un sujet important. Autant le plan de relance porte sur des questions d'investissement, autant la question de l'entretien reste un sujet prégnant dans le fonctionnement local, au travers d'une programmation en lien avec les ABF, dont un certain nombre serait enchanté de pouvoir réaliser un suivi régulier de l'état et anticiper les choses sur les plans technique et financier.
Les petites entreprises locales interviennent dans l'entretien du patrimoine. Si des programmations existaient, on pourrait les faire intervenir bien plus rapidement que sur les gros chantiers, où les contraintes administratives sont plus importantes.
Par ailleurs, la question du mécénat inquiète beaucoup. Il faut essayer d'obtenir le report de l'entrée en vigueur des nouvelles règles concernant le mécénat des grandes entreprises. Pour les propriétaires privés, le sujet va s'imposer. La part du patrimoine est importante dans la relance du BTP. Elle permet aux petites entreprises de ce secteur de survivre. Sans ces chantiers, ces entreprises n'auront pas de commande. Il faut bien avoir conscience de cette situation.
Enfin, concernant l'AMO, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales a auditionné récemment Stéphane Bern, dans le cadre du rapport que j'ai commis avec Michel Dagbert sur le patrimoine des communes. Stéphane Bern met lui aussi en évidence la carence de l'AMO, qui présente une grande fragilité. Depuis que l'État n'assure plus celle-ci, certains projets s'arrêtent en cours de route. Les maires ne peuvent jouer leur rôle dans le domaine patrimonial faute d'accompagnement, et on en paye les conséquences. C'est un sujet qu'il faut régler.
En Bretagne, c'est M. Masson, conservateur en chef des monuments historiques, qui a volontairement conservé cette compétence. C'est un cas unique en France. Tous les crédits de la région sont grâce à lui consommés.
M. Jean-Pierre Leleux. - Le débat démontre que ce groupe de travail a bien fonctionné.
Je veux insister sur l'importance que revêtirait, dans le cadre d'un plan de relance, la redynamisation des chantiers dans les territoires. Une des propositions du groupe de travail parmi les plus importantes pourrait être la sauvegarde des entreprises spécialisées dans le patrimoine et les mesures incitatives, qui flécheraient les crédits existants sur les monuments historiques inscrits ou classés appartenant aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés, qui représentent pratiquement 95 % des monuments historiques. Il existe là des effets de levier majeur sur le plan culturel et sur celui de la préservation patrimoniale, mais également en matière de sauvegarde du monde économique spécialisé.
Je suggère, s'agissant du lien entre tourisme et patrimoine, une grande opération pilotée par l'État, avec le relais des DRAC, durant l'été : il s'agirait de trouver un chantier emblématique par département et d'organiser des journées portes ouvertes, sous le contrôle de l'État. Les entreprises spécialisées et les agents disposant d'un savoir-faire particulier pourraient expliquer au grand public le travail qu'ils font et l'intérêt que cela présente dans les territoires et les lieux touristiques.
J'insiste sur l'entretien des monuments historiques. Nous ne sommes guère mobilisés dans ce domaine, alors que d'autres pays, comme la Belgique ou l'Allemagne, bénéficient de dispositifs d'entretien. Quand on entretient bien un monument historique, on évite les coûts de restauration, bien plus élevés, qu'on aurait eu à financer sinon.
Je souscris à toutes ces propositions, et je félicite notre rapporteur.
J'ajoute, s'agissant de Notre-Dame de Paris, même si les problèmes de financement ne sont pas à l'ordre du jour, que la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture va se réunir le 9 juillet prochain pour rendre un avis. Nous avons demandé que celui-ci porte sur des propositions d'orientations architecturales.
Les architectes en chef des monuments historiques qui se sont penchés sur le sujet autour de Philippe Villeneuve vont faire des propositions sur plusieurs points, et la commission va devoir établir des recommandations notamment sur la charpente et la flèche de la cathédrale.
La commission est composée de personnalités très différentes. Le débat reste ouvert, mais la crise sanitaire a peut-être ramené le Président de la République à plus de sagesse en la matière.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le comité de suivi de la loi Notre-Dame a été installé cette semaine, à l'initiative de Vincent Éblé et de moi-même. Il s'est mis en place sous la présidence de Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. Il se réunira tous les six mois. Le général Georgelin a insisté sur le fait qu'il faudra absolument recueillir l'avis de la Commission nationale de l'architecture et du patrimoine.
La parole est aux commissaires.
M. Pierre Ouzoulias. - Je remercie le rapporteur pour la qualité de sa présentation. Cette synthèse n'élude aucun domaine.
Je souhaiterais toutefois attirer votre attention sur l'INRAP, qui n'a quasiment pas travaillé durant la période de confinement et qui, comme tous les opérateurs de la culture, a vu ses recettes diminuer drastiquement. Elle sera, de l'avis de son président, en grande difficulté budgétaire à la rentrée de septembre.
Vous l'avez dit, la reprise des constructions va exercer une pression supplémentaire sur les opérateurs du patrimoine, et notamment sur l'INRAP. Il ne faudrait pas qu'un conflit naisse entre les collectivités porteuses des projets et l'INRAP, qui ne pourrait pas réaliser les opérations de fouilles faute de temps suffisant. Il faut y être attentif.
Patrick Devedjian, alors ministre du plan de relance 2008-2010, avait obtenu que l'INRAP se voie accorder des crédits, considérant qu'il fallait aider les opérateurs de l'archéologie à faire face aux demandes. Le patrimoine n'avait alors pas été oublié.
Ce n'est pas l'objectif de la loi de finances rectificative, mais on peut y parvenir à condition qu'il existe une volonté ministérielle forte.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le patrimoine regroupe beaucoup de PME, voire de grandes entreprises, et concerne donc l'économie. Le groupe de travail a-t-il évalué la participation des régions et des intercommunalités qui disposent de la compétence économique dans la mise en place des fonds d'urgence et d'accompagnement des entreprises en difficulté, en complément des dispositifs d'État ? Je pense aux artisans qui ont moins de deux employés. Ce qui a été fait en la matière mériterait d'être valorisé pour montrer que les collectivités territoriales ont joué pleinement leur rôle.
Par ailleurs, qu'en est-il des parcs et jardins qui ont dû fermer ? Avez-vous pu en tirer un bilan ?
Enfin, le patrimoine est très lié aux visites touristiques et concerne des métiers qui ne bénéficient pas du statut des intermittents du spectacle. Les guides conférenciers ont par exemple été touchés. Le groupe de travail a-t-il des éléments à ce sujet ?
M. Alain Schmitz. - Pour ce qui est de l'AMO, il s'agit en quelque sorte de réconcilier nos ABF avec les élus locaux. L'ABF n'est pas uniquement là pour défendre la doctrine du ministère de la culture. Il doit travailler main dans la main avec les élus. Les ABF détiennent un vrai savoir, qu'ils doivent transmettre à tous les élus locaux de façon constructive.
Je suis heureux de voir que Dominique Vérien, Marie-Pierre Monier et Sonia de la Provôté souhaitent travailler en étroite collaboration avec eux. La Bretagne est par ailleurs à l'honneur et nous montre l'exemple de ce qui doit être fait. La région a pris la décision d'intégrer le surcoût lié au coronavirus dans l'enveloppe globale de subventions allouées par l'État et s'est efforcée de relancer systématiquement les dossiers, tant concernant les collectivités territoriales que les particuliers.
Marie-Pierre Monier a souligné le rôle économique du patrimoine. Elle a rappelé que la filière représentait 8 milliards d'euros, soit 1,4 % du PIB, et a insisté sur le rôle que l'on devait avoir vis-à-vis de la jeunesse dans le cadre des visites des chantiers-écoles, qui permettent de susciter des vocations. Nous espérons que le chantier de Notre-Dame de Paris en sera un.
Un autre projet concerne la reconstruction de la flèche de la basilique de Saint-Denis. Beaucoup de pays nous envient ces vitrines de notre savoir-faire.
Sonia de la Provôté a mis l'accent sur la notion d'entretien. Cet entretien peut susciter beaucoup de travaux faciles à engager. La relance doit se faire par les DRAC. Je voudrais souligner que des départements sont très en pointe dans ce domaine, notamment les Yvelines, qui a lancé un carnet d'entretien des monuments historiques financé par le département. Celui-ci permet de connaître exactement l'état sanitaire des ouvrages et d'intervenir immédiatement si nécessaire, à un coût infiniment moindre.
L'écueil vient du fait que tous les départements ne sont pas logés à la même enseigne, faute de revenus. Certaines régions disposent en outre d'un grand nombre de monuments historiques. La Bretagne est en France la région qui en détient le plus. Cette notion d'entretien me semble donc importante. C'est là que la relance peut se faire le plus rapidement, Jean-Pierre Leleux a raison.
Par ailleurs, qui dit carnet d'entretien dit intervention des ABF. Ils seront donc tenus au courant et pourront établir une carte des travaux les plus urgents.
Jean-Pierre Leleux a insisté sur le fait qu'il est important de flécher les travaux des patrimoines appartenant aux collectivités territoriales et aux particuliers. Ces derniers ont parfois la possibilité d'engager des interventions. Il est important que l'État augmente le montant de ses participations. Actuellement, le taux de subvention de l'Etat s'établit en moyenne à 15 % pour les monuments inscrits et à 40 % pour les monuments classés. Nous souhaiterions qu'il puisse être porté, de façon très temporaire, a minima à 40 % pour les monuments inscrits et à 60 % voire 80 % pour les monuments classés, comme dans le cadre des opérations financées par le fonds incitatif et partenarial. Ces assouplissements pourraient débloquer des dossiers. Il faudrait faire valoir auprès des particuliers qu'il s'agit d'une opportunité unique et limitée dans le temps, afin d'inciter les uns et les autres à engager les travaux.
J'avais dit que le calendrier électoral était malheureusement venu se surajouter à la crise sanitaire : absence d'appels d'offres et de marchés publics, remise en cause d'opérations, même primées par le loto du patrimoine. Des maires nouvellement élus ont indiqué avoir d'autres priorités. À terme, il s'agit d'une remise en cause du mécénat fléché vers le patrimoine. Peut-être ira-t-il désormais plus facilement vers la recherche médicale, le social et moins vers le culturel.
Je rejoins la suggestion de Jean-Pierre Leleux d'un grand chantier emblématique à l'initiative des DRAC, qui permettrait de réaliser des chantiers-écoles afin de faire connaître les métiers du patrimoine. Il faudrait voir comment susciter l'intérêt du ministère de la culture pour lancer un chantier témoin.
Pierre Ouzoulias a raison : nous aurions dû penser à l'INRAP. Il est important que les opérateurs de l'archéologie ne soient pas oubliés. Merci de l'avoir rappelé. Nous aurions pu les auditionner, ce que nous n'avons pas fait. Dont acte.
Madame la présidente, vous avez soulevé plusieurs questions.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les TPE et les PME sont celles qui ont le mieux résisté. Elles n'ont en effet pas eu les mêmes contraintes sanitaires que les grandes entreprises, qui ont pour la plupart suspendu les travaux. En revanche, les TPE d'une ou deux personnes ont pu continuer à travailler, même si cela ne signifie pas que leur état de santé soit bon.
Les parcs et jardins ont bien entendu été touchés par le défaut de billetterie. Les jardins remarquables, dont c'est la seule ressource, ont été encore plus impactés que les autres. Il en va de même des guides conférenciers. Certains journaux nationaux s'en sont fait l'écho. Ils n'ont pas été aidés. Ce sont souvent des professions libérales. Les offices de tourisme n'ayant pas fonctionné, ils se sont retrouvés au chômage technique dès le début du confinement.
En matière de patrimoine, le ministre de la culture a tenu à être présent lors de la réouverture du château de Breteuil, qui a la particularité d'accueillir plus de 100 000 visites scolaires. Il s'est également déplacé pour la réouverture du château de Versailles et des jardins. Malheureusement, en cette période, le château accueille habituellement près de 30 000 visiteurs par jour. Or les contraintes sanitaires limitent la visite à 4 000 personnes par jour, ce qui entraîne une chute très conséquente de la billetterie mais permet toutefois d'être en contact étroit avec les oeuvres présentées dans tous les monuments.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je suggère qu'on continue à approfondir les réflexions engagées par les deux groupes de travail et que l'on prévoie éventuellement des amendements de commission au moment du PLFR3.
M. Pierre Ouzoulias. - Il ne faudrait pas que le Parlement soit en effet dépossédé de sa capacité à contrôler l'action des services de l'État et l'utilisation des budgets, qui ont été mis à mal durant cette période.
Ces amendements pourraient être une façon pour le Parlement de se réinvestir dans la gestion budgétaire. J'y suis très favorable.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Les ordonnances nous ont écartés des débats et nous ont empêchés d'intervenir, alors que nous avons accompli un travail incroyable. On pourrait au moins s'exprimer à cette occasion.
La commission a autorisé la mise en ligne des notes de synthèse des groupes de travail sur la page Internet de la commission.
La réunion est close à 11 heures 30.