- Mardi 16 juin 2020
- Mercredi 17 juin 2020
- Proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit des victimes de présenter une demande d'indemnité au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi, adoptée avec modification par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l'arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent - Examen, en deuxième lecture, du rapport et du texte de la commission
- Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 - Examen de la recevabilité
- Projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles - Examen des amendements au texte de la commission
Mardi 16 juin 2020
- Présidence de M. Philippe Bas, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Nomination de rapporteurs
M. Philippe Bas, président. - Je salue nos collègues présents ce matin, ainsi que ceux qui sont reliés à nous par visioconférence.
Nous devons tout d'abord désigner le rapporteur sur le projet de loi organisant la fin de l'état d'urgence sanitaire. En tant que rapporteur des deux précédents projets de loi relatifs à l'état d'urgence sanitaire, il me paraît difficile d'échapper à une nouvelle désignation.
Y a-t-il des objections ?
La commission désigne M. Philippe Bas rapporteur sur le projet de loi n° 3077 (A.N., XVe lég.) organisant la fin de l'état d'urgence sanitaire, sous réserve de sa transmission.
M. Philippe Bas, président. - Nous devons également désigner un rapporteur sur la recevabilité d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête. C'est traditionnellement le président de la commission qui est désigné.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il en a toujours été ainsi.
La commission désigne M. Philippe Bas rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19, sous réserve de son dépôt.
Questions diverses
M. Philippe Bas, président. - Compte tenu de l'actualité et des tensions apparues depuis une dizaine de jours sur les modalités d'intervention de la police et de la gendarmerie, je vous propose de créer une mission d'information. Celle-ci nous permettrait, sans prendre part aux polémiques, de procéder à un examen approfondi des modalités techniques d'intervention de la police et de la gendarmerie et de leurs moyens matériels. Cette mission d'information, dont les travaux démarreraient dès les prochains jours pour s'achever en juillet ou en septembre, serait animée par deux co-rapporteurs, issus l'un de la majorité et l'autre de la minorité. Nous pourrons notamment nous appuyer sur le rapport de la commission d'enquête de 2018 relative à l'état des forces de sécurité intérieure, dont le rapporteur était notre collègue François Grosdidier, et faire un point d'étape sur la mise en oeuvre de ses recommandations. Seriez-vous d'accord pour mettre en place une telle mission d'information ?
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Créer une mission d'information sur ce sujet qui mérite un examen responsable et lucide est une excellente idée. Mais qui en sera le président ? Cela sera-t-il vous ? Je suis perplexe lorsque je constate que la pratique du Sénat est contraire à la coutume. Or la coutume est créatrice de droit ! La coutume prévoit en effet que la présidence d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information est attribuée à la majorité, et le rapport à l'opposition - ou l'inverse lorsque l'initiative en revient à l'opposition. C'est ainsi que procède l'Assemblée nationale, y compris dans des contextes assez osés : la commission d'enquête sur la crise du Covid-19 a pour présidente Brigitte Bourguignon et pour rapporteur Éric Ciotti, que l'on ne saurait soupçonner de complaisance avec qui que ce soit. Mais, au Sénat, cela ne semble pas fonctionner ainsi, à l'exception toutefois de la commission d'enquête sur l'affaire Benalla, qui avait deux co-rapporteurs, mais que vous présidiez déjà. J'ai donc peu d'espoir que vous envisagiez de confier la présidence de cette mission d'information à un représentant de l'opposition sénatoriale. Cela pose problème, car ces instances sont chargées de contrôler les politiques publiques et leurs conclusions perdent de leur puissance. Je suis donc en désaccord avec cette évolution qui semble se confirmer. Qu'en sera-t-il pour la commission d'enquête sénatoriale sur la gestion de l'épidémie de Covid-19 ? Nous avons déjà vu ce qui s'était passé dans le cadre de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je souhaitais évoquer deux sujets, dont le premier a été abordé à juste titre par Marie-Pierre de la Gontrie. Nos rapports personnels sont excellents et la bonne atmosphère qui règne au sein de notre commission est précieuse. Mais force est de constater que vous avez déjà été rapporteur de quatre, cinq, voire six textes depuis le début de l'année ! Et vous avez de nouveau été désigné rapporteur du projet de loi organisant la fin de l'état d'urgence sanitaire. Cela fait beaucoup - je le dis cordialement. Nous sommes 40 membres de la commission, qui pouvons tous être rapporteurs sur ces sujets, même si je ne conteste pas, que, pour certains textes - lois mémorielles, lois constitutionnelles, etc. -, il est juste que le président de la commission en soit le rapporteur.
Cette mission d'information portera-t-elle sur les questions de déontologie de la police et de la gendarmerie ? Nous avons eu raison de dire notre soutien aux forces de l'ordre, mais aussi d'exiger que les éventuelles dérives soient sanctionnées. Portera-t-elle également sur les pratiques des forces de l'ordre ? Le ministre de l'intérieur a interdit un geste, puis l'a réhabilité : quelle violence légitime est-il licite de mettre en oeuvre dans telle ou telle situation ? Portera-t-elle, enfin, sur les moyens - en personnel, en matériel - dont les forces de l'ordre disposent pour assumer leurs missions ?
M. Pierre-Yves Collombat. - Je reconnais volontiers que nos conditions de travail actuelles peuvent biaiser la répartition des tâches. Toutefois, depuis mon arrivée au Sénat en 2004 - j'ai épuisé trois présidents de commission des lois ! -, je constate une dégradation du fonctionnement démocratique de cette commission. Non seulement dans la répartition des responsabilités, mais aussi dans la diversité des sujets qui sont traités. Si l'on souhaite que notre institution soit dynamique et qu'elle soit une force de proposition, voire d'opposition dans certaines circonstances, il faut remettre ce sujet sur la table. Je partage donc les propos de mes collègues.
M. Jean-Yves Leconte. - Je partage également beaucoup de ce qui vient d'être dit.
La question du management et des moyens des forces de police mérite d'être étudiée par notre commission. Mais les questions de pacte républicain, de communautarisme et de laïcité constituent l'autre volet de nos préoccupations depuis une dizaine de jours. Or notre groupe de travail sur la laïcité, dont je suis co-rapporteur, est au point mort depuis le mois de février. Si l'on en fait trop, on ne fait rien. Monsieur le président, je vous invite, en votre qualité de président de cette mission d'information, à mener ses travaux à terme. Car ce sujet est aussi au coeur de l'actualité.
M. Philippe Bas, président. - Les missions d'information de notre commission n'ont jamais de président : nous désignons simplement des rapporteurs pour réaliser un travail dans le cadre de la commission des lois. Ne confondons pas commission d'enquête et mission d'information d'une commission permanente : ce n'est pas la même chose. Cet usage, qui s'est forgé longtemps avant moi, est commun à toutes les commissions permanentes du Sénat. Ne nous posons pas des questions qui ne se posent pas.
Pierre-Yves Collombat a été bref et n'a donc pas donné beaucoup d'illustrations pour donner une consistance objective à son propos. Si vous pensez, cher collègue, qu'il y a une dégradation des conditions de fonctionnement démocratique de notre commission, il faut me le dire ! Je vais vous faire parvenir la répartition des rapports et vous verrez qu'elle tient compte, autant que possible, de la représentation de chacun des groupes. Mais il existe une difficulté sur laquelle nous pouvons buter : le risque que le rapporteur soit mis en minorité au moment de l'adoption de son rapport. En démocratie, il y a une majorité et une opposition, il faut en tenir compte. Je serai transparent sur la comptabilité des rapports et m'engage à vous fournir des éléments chiffrés au cours d'une prochaine réunion de notre commission.
Je trouve moi-même que j'ai présenté beaucoup de rapports ces temps-ci et, croyez-moi, j'aspire à en faire moins. Mais rappelez-vous : nous avons été saisis au pied levé du projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 qui a instauré l'état d'urgence sanitaire. Ensuite, quel était le rapporteur le plus à même d'examiner le projet de loi prorogeant l'état d'urgence et complétant ses dispositions ? Celui qui s'était déjà plongé dans la matière. Et j'y retourne donc une troisième fois, sur le projet de loi organisant la fin de l'état d'urgence sanitaire, pour les mêmes raisons. Ce n'est pas faute d'avoir eu envie de confier le dossier à d'autres, mais cette solution s'est imposée à moi comme à la commission.
Le groupe de travail sur la laïcité a été suspendu en raison de la situation sanitaire, comme beaucoup de nos travaux. Mais, monsieur Leconte, vous êtes un rapporteur libre, indépendant et non aligné : provoquez de nouvelles auditions, maintenant que nous pouvons reprendre une activité normale ! Il est en effet temps de reprendre les travaux de cette mission à laquelle j'attache beaucoup d'importance.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je reconnais bien volontiers le caractère très particulier de la situation actuelle : on fait comme on peut ! Mais ne confondons pas la prise de décision, qui est naturellement prise à la majorité, avec les réflexions et les investigations. Quand vous appartenez à un groupe qui n'a pas vocation à être majoritaire, vous regardez, de plus en plus, passer les trains, et c'est de moins en moins amusant. Certains propos et analyses des minorités politiques méritent d'être pris en considération. De tout ce que j'ai proposé dans nos réunions de bureau de la commission, rien n'a été retenu. Certes, j'appartiens à la minorité de la minorité, mais ce n'est pas une raison pour jouer éternellement le rôle de spectateur.
M. Philippe Bas, président. - Vous êtes loin de n'être qu'un simple spectateur de notre commission : vous en êtes l'un des membres les plus assidus, vous vous exprimez longuement à chaque réunion de notre commission, vous êtes rapporteur d'un important avis budgétaire, membre de notre mission sur la laïcité et co-rapporteur de la mission de suivi et de contrôle des mesures liées à l'épidémie de Covid-19. Vous travaillez beaucoup, vous exprimez votre sensibilité et vous faites partager vos opinions à la commission des lois. Vous êtes donc loin d'être un sénateur marginalisé dans le travail du Sénat, et permettez-moi de vous en rendre hommage. Je suis d'ailleurs, comme nos collègues, régulièrement intéressé par les débats que vous provoquez au sein de notre commission.
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous n'avez pas répondu à ma question sur le champ exact de la mission d'information. Traitera-t-elle de déontologie, de pratiques, de moyens ?
M. Philippe Bas, président. - Les deux.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est donc très vaste !
M. Philippe Bas, président. - Il s'agira d'examiner les modalités d'intervention - et donc la déontologie - et les moyens d'action des forces de l'ordre - sans lesquels leurs missions ne pourraient être remplies.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il va falloir du temps !
M. Philippe Bas, président. - Les deux rapporteurs dont je vais vous proposer les noms vont élaborer un calendrier de travail. Néanmoins, il faudrait aller suffisamment vite, car beaucoup de travaux ont déjà traité de ces questions. Le Sénat ne peut pas être absent de cette actualité.
M. Jean-Pierre Sueur. - J'en conviens. Mais nous pourrions désigner ces rapporteurs la semaine prochaine.
M. Philippe Bas, président. - Non, il faut commencer très rapidement.
M. Dany Wattebled. - Membre d'un groupe minoritaire, je n'ai jamais eu le sentiment d'être bâillonné : à chaque fois que je suis intervenu, j'ai eu la parole ; de nombreuses décisions ont évolué ; des rapprochements s'opèrent sur des textes importants. Remettons les choses à leur place : nous appartenons à une commission ouverte, parfois pressée par l'actualité, mais qui fonctionne bien d'un point de vue démocratique.
M. Philippe Bas, président. - Je vous remercie.
Mme Catherine Troendlé. - Je suis sénatrice depuis 2004. Les rapports du Sénat sont établis par deux co-rapporteurs, l'un issu de la majorité, l'autre de l'opposition : c'est la marque de fabrique du Sénat. Jusqu'à récemment, tel n'était pas le cas à l'Assemblée nationale, qui s'est, depuis, inspirée de cette pratique sénatoriale.
M. Philippe Bas, président. - Je vous remercie de ces précisions. Les co-rapporteurs que j'ai pressentis sont Maryse Carrère et Catherine Di Folco.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je suis très étonné. La création de cette mission d'information n'était pas à l'ordre du jour : je la découvre ce matin.
M. Philippe Bas, président. - Nous vous avons adressé un ordre du jour rectificatif hier : cette question était donc bien inscrite à l'ordre du jour.
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous ne nous avez pas consultés, alors que nous sommes le principal groupe d'opposition. Il eût été normal que nous fussions consultés, car c'est un sujet important. J'ai une grande estime pour la co-rapporteure que vous pressentez au titre de l'opposition, mais, compte tenu de ce mode de fonctionnement, notre groupe se réunira et vous fera savoir la semaine prochaine s'il participe, ou non, à cette mission d'information. Si nous décidons de ne pas y participer, ce rapport n'engagera qu'une partie de la commission, pour la première fois depuis très longtemps, et nous nous exprimerons de notre côté sur le sujet.
M. Philippe Bas, président. - Je déplorerais qu'il en soit ainsi ! La commission est précisément le lieu de consultation des différents groupes politiques. J'entends que vous soyez déçus que je n'aie pas proposé un co-rapporteur issu de votre groupe.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie et M. Jean-Pierre Sueur. - Nous n'avons pas été consultés !
M. Philippe Bas, président. - Vous êtes, certes, le groupe le plus important de l'opposition sénatoriale, mais cela ne justifie pas que, systématiquement, la fonction de co-rapporteur vous soit attribuée : il faut tenir compte des autres groupes. C'est ce que j'ai fait, pour une fois, car c'est le cas de figure le moins fréquent. Cela étant, selon l'usage, les auditions seront ouvertes à tous les membres de la commission et votre groupe participera aux échanges, s'il le souhaite, en apportant ses réflexions.
M. Patrick Kanner. - Je ne mets aucunement en doute les compétences et l'engagement des deux co-rapporteurs que vous avez proposés. La majorité doit être présente sur un tel sujet, c'est évident, mais ce n'est pas faire injure à nos collègues du RDSE que de rappeler que nous ne savons toujours pas s'ils sont dans la majorité ou dans l'opposition. C'est le principe même de ce groupe.
S'agissant de l'avenir de la police républicaine, vous avez, à juste titre, proposé la création de cette mission d'information. Toutefois, si le sujet est si important qu'il faille la créer si rapidement, comment est-il possible que le deuxième groupe du Sénat n'y soit pas officiellement associé ? Je le dis très solennellement : il serait, à nos yeux, justifié que le premier groupe d'opposition, sinon le seul, soit partie prenante en tant que tel d'un travail sur une telle question. Si cela n'évoluait pas, nous serions amenés à réfléchir à notre participation active à cette mission d'information.
Mme Nathalie Delattre. - Pour avoir participé à plusieurs missions d'information sur des sujets touchant à nos forces de sécurité, il me semble aujourd'hui important de nous pencher sur ce dossier, qui est au coeur de notre République. Le groupe RDSE est très honoré de votre proposition, et les propos de M. Kanner sont un peu maladroits et piquants.
M. Patrick Kanner. - Je les assume !
Mme Nathalie Delattre. - Nous sommes dans la minorité ; nous sommes un petit groupe, pas le plus important de l'opposition ; pour autant, nous ne sommes pas voués à ramasser les miettes. M. Sueur l'a rappelé : cette commission travaille dans une bonne ambiance, nous savons avancer en bonne intelligence et dépasser les dogmes politiques au bénéfice de l'intérêt général, conformément à l'esprit propre au Sénat, avec lequel vos propos tranchent, monsieur Kanner. Le groupe RDSE prendra à coeur cette mission.
M. Philippe Bas, président. - Il ne serait pas légitime de contester que, aux côtés du rapporteur de la majorité sénatoriale, celui de la minorité ne soit pas membre du principal groupe de l'opposition. Vous ne l'avez d'ailleurs pas fait. Comment formaliser une association plus forte de chaque groupe ? J'ai à l'esprit le modèle de notre mission sur la laïcité, dans laquelle j'ai souhaité que chaque président de groupe désigne un représentant, afin que les rapporteurs travaillent dans un collectif dont les membres acceptent de s'impliquer. Je propose donc que nos deux co-rapporteurs soient accompagnés d'un représentant de chacun des autres groupes et que chacun participe formellement à toutes les auditions en vue de discuter du rapport qu'ils présenteront.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cher Philippe Bas, nous avons l'habitude de travailler ensemble, de nous parler très souvent, et cette pratique a été aujourd'hui prise à défaut. Il aurait été normal que nous fussions consultés plutôt que vous nous proposiez ex abrupto la création de cette mission d'information et des co-rapporteurs prédésignés. Maintenant, vous nous proposez donc de passer à six co-rapporteurs ?
M. Philippe Bas, président. - Non, deux co-rapporteurs tiendront la plume. Elles travailleront au sein d'un groupe de travail dans lequel un représentant de chaque groupe siègera.
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous allons nous réunir et débattre de vos propositions, nous vous ferons part du résultat de nos délibérations la semaine prochaine.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Je note, monsieur le président, que vous n'avez pas souhaité répondre au point que je soulevais concernant la tendance en vigueur, notablement s'agissant des commissions d'enquête. Vous l'avez entendu, c'est important. Il est toujours compliqué d'être totalement majoritaire, car il faut éviter la tentation de l'abus de position dominante, c'est la difficulté dans laquelle vous vous trouvez.
Mme Esther Benbassa. - J'abonde dans le sens de mon collègue Pierre-Yves Collombat : nous sommes la minorité de la minorité et j'ai le sentiment que, dans le passé, le partage était plus équitable. Avec Catherine Troendlé, nous avions mené une mission qui avait eu beaucoup d'écho et nous avait valu un prix que nous avions partagé. Il serait profitable que d'autres voix se joignent au groupe. Depuis cette expérience, je n'ai plus jamais été désignée. Cela me semble problématique et, aujourd'hui, beaucoup d'entre nous ont exprimé leur mécontentement à ce sujet. Pour autant, cela ne nuit pas à notre bonne entente, dont je souhaite qu'elle se poursuive.
Mme Marie Mercier. - À mon arrivée au Sénat, j'ai demandé quel était le rôle du rapporteur et l'on m'a répondu que le rapporteur s'exprimait au nom de la commission des lois tout entière. J'en ai déduit qu'il arrivait que l'on défende un point de vue sans vraiment l'approuver et que, après toutes les auditions, on puisse finalement parfois changer d'avis. L'enjeu est d'être le plus objectif possible et de représenter chacun de nos collègues de la commission.
M. Philippe Bas, président. - Je conclus de cet échange que vous êtes d'accord avec mes propositions, sous la réserve très fermement exprimée par le président Kanner. Mon intention n'est pas de refouler qui que ce soit et je lis dans vos réactions votre souci de ne pas laisser passer cette occasion de vous pencher sur ces questions de police, lesquelles sont en pleine actualité.
Mme Catherine Di Folco. - J'accepte l'honneur que vous me faites de co-rapporter cette mission et votre proposition de nommer un représentant de chaque groupe me convient entièrement. Il me semble que c'est sur cette proposition que nous devons statuer et non sur la première.
M. Philippe Bas, président. - Elle la complète et l'enrichit.
Mmes Catherine Di Folco et Maryse Carrère sont nommées rapporteurs de la mission d'information.
- Présidence de Mme Catherine Di Folco, vice-présidente -
Projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles - Suite de l'examen du rapport et du texte de la commission
Mme Catherine Di Folco, présidente. - Nous passons à la suite de l'examen du rapport et du texte de la commission sur le projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles. Nous reprenons nos travaux là où nous les avions interrompus la semaine dernière.
M. Philippe Bas, rapporteur. - En ce qui concerne l'application de l'article 45 de la Constitution, ce projet de loi organique est pris sur le fondement de l'article 25 de la Constitution. Il comprend notamment le calendrier d'élection des sénateurs et ses conséquences sur les mandats parlementaires ainsi que l'organisation des élections législatives et sénatoriales partielles pendant la crise sanitaire.
Le Gouvernement nous a proposé un amendement reportant les élections des sénateurs représentant les Français établis hors de France à septembre 2021. Nous en avions débattu et certains d'entre nous considéraient que ces élections pouvaient se tenir en septembre prochain sans risque constitutionnel ; d'autres, dont je suis, estimaient que ce risque était trop élevé.
Le Conseil constitutionnel n'a jamais eu à trancher expressément ce cas de figure, mais il s'est exprimé avec suffisamment de netteté, à mon sens, sur le collège électoral des sénateurs, imposant que l'on ne puisse les faire élire par des grands électeurs dont le mandat aurait été prolongé. Ce serait donc faire courir de très grands risques contentieux aux élus qui entreraient ainsi au Sénat que de maintenir la date de l'élection à septembre 2020, le collège des conseillers consulaires n'ayant pas été renouvelé à temps.
J'ai consulté les associations représentant les Français de l'étranger, qui étaient toutes favorables au maintien de l'élection sénatoriale à la date initiale, sur la base de consultations juridiques relevant plus de la plaidoirie que de l'examen impartial d'un problème constitutionnel.
Je suis donc conduit à suivre la proposition du Gouvernement et à vous proposer d'accepter ce report d'un an de l'élection de six sénateurs représentant les Français de l'étranger.
M. Jean-Yves Leconte. - La semaine nous a permis de réfléchir et de constater comment la situation évoluait, selon le comité de scientifiques, dans certaines zones où doivent encore se tenir des élections municipales et sénatoriales, notamment en Guyane. Alain Richard l'a dit, la décision du Conseil constitutionnel de 2005 ne signifie pas une exigence de renouvellement du collège électoral pour chaque élection sénatoriale. Vous nous en proposez une interprétation un peu extrême, laquelle engendre un autre risque : en l'utilisant pour justifier le report, vous mettez en danger l'élection sénatoriale en Guyane.
Cette décision du Conseil constitutionnel me semble beaucoup plus mesurée que la lecture que vous en faites : elle évoque la globalité du renouvellement de la série sénatoriale et une circonscription en particulier. Si vous en faites une interprétation plus dure, celle-ci doit s'appliquer à toute la série. En entendant extraire du risque les nouveaux sénateurs représentant les Français établis hors de France, vous y faites entrer les sénateurs qui seront élus en Guyane.
En outre, vous semblez considérer que ces six sénateurs des Français de l'étranger étaient un peu des « passagers clandestins » des renouvellements partiels. Je suis gêné, car cette interprétation pose un problème d'égalité. Ces élus doivent être complètement intégrés à la représentation sénatoriale et donc au renouvellement partiel du Sénat.
Enfin, en allant dans cette direction, vous induisez une évolution notable de l'interprétation du rôle du Sénat. Plutôt qu'une chambre qui aurait besoin d'être renouvelée, de manière partielle, pour assurer une continuité, vous nous faites évoluer vers une chambre de représentation des collectivités territoriales tout court, plutôt que comme une chambre participant à un système de bicamérisme. Ce n'est pas, à mes yeux, une évolution positive.
Nous sommes tous attachés au bicamérisme et il me semble que c'est prendre un risque que de nous contenter de représenter les collectivités territoriales plutôt que de défendre notre position de chambre dans un système bicaméral, devant, pour jouer ce rôle, connaître un renouvellement partiel complet.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Notre collègue a recours à l'expression imagée de « passagers clandestins » ; j'ai, quant à moi, simplement lu les termes de la loi organique de 1983 relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France, laquelle dispose que les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus à chaque renouvellement partiel du Sénat. Pour un motif d'intérêt général, nous sommes en train de faire exception à ces prescriptions.
L'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France est de nature différente de celle des sénateurs représentant les collectivités territoriales de la République et la Constitution opère elle-même cette distinction. On peut partir de ces considérations pour admettre que le report obligé de l'élection de ces six sénateurs en septembre 2021 n'a pas d'autre incidence que le contenu de la mesure elle-même.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Philippe Bas, rapporteur. - Dans l'amendement COM-6, je n'ai pas repris le texte du Gouvernement, qui laissait à la discrétion d'un décret le choix de la date de fin de mandat des six sénateurs concernés. Or cela relève de la loi organique, conformément à l'article 25 de la Constitution. Cet amendement vise donc à fixer cette date au 30 septembre 2021.
En outre, il est précisé que cette disposition déroge expressément à l'article 1er de la loi organique de 1983, lequel prévoit que six sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus à chaque renouvellement partiel du Sénat, puisque ce ne sera pas le cas. Ce renouvellement partiel est mentionné dans trois articles de la Constitution, car il implique l'élection des différentes instances du Sénat, mais aussi des juges et des suppléants à la Cour de justice de la République. Il aura lieu, comme prévu, en octobre 2020. Les représentants des Français de l'étranger participeront à l'élection de ces instances grâce au prolongement de leur mandat.
L'amendement COM-6 est adopté.
L'amendement COM-2 devient satisfait ou sans objet.
Article additionnel après l'article 1er
M. Philippe Bas, rapporteur. - Les sénateurs concernés par ce texte ont déjà fait leur déclaration de situation patrimoniale de fin de mandat auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Faut-il prévoir une nouvelle déclaration pour l'année prochaine ? Il me semble que nous pouvons nous en passer. Toutefois, je crois prudent d'imposer une déclaration complémentaire en cas de changement de patrimoine au cours de la dernière du mandat. Tel est l'objet de mon amendement COM-8.
L'amendement COM-8 est adopté.
Article 2
Le sous-amendement de coordination COM-9 est adopté.
L'amendement COM-3, ainsi sous-amendé, est adopté.
Article 3
L'amendement de coordination COM-4 est adopté.
Intitulé du projet de loi organique
Le sous-amendement rédactionnel COM-7 est adopté.
L'amendement COM-5, ainsi sous-amendé, est adopté.
Le projet de loi organique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 10 h 40.
Mercredi 17 juin 2020
- Présidence de Mme Catherine Di Folco, vice-présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit des victimes de présenter une demande d'indemnité au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Catherine Di Folco, présidente. - Permettez-moi de saluer nos collègues reliés à nous en visioconférence.
Nous examinons le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit de victimes de présenter une demande d'indemnité au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI).
Mme Laurence Harribey, rapporteure. - En application de l'article 45, le périmètre retenu pour cette proposition de loi concerne les dispositions relatives au délai dont disposent les victimes d'infractions pour adresser une demande d'indemnisation au FGTI.
Cette proposition de loi a pour objet de modifier l'article 706-5 du code de procédure pénale relatif à la forclusion des demandes d'indemnisation. Une loi de 2000 a créé une confusion dans l'interprétation des dates de computation des délais.
Permettez-moi au préalable de rappeler le cadre juridique et le mécanisme du FGTI.
En vertu de l'article 1240 du code civil, les auteurs d'infractions sont tenus de réparer les dommages causés aux victimes. Cependant, les victimes d'actes accidentels ou criminels commis par des acteurs inconnus, insolvables, non assurés ou assurés auprès de sociétés d'assurance défaillantes ne sont pas indemnisées par le biais des règles de droit commun. Ainsi, un mécanisme de solidarité nationale s'est mis peu à peu en place pour garantir les droits de la victime.
Dès 1951 a été créé un premier fonds pour les victimes d'accidents de la circulation dont l'auteur était inconnu et insolvable. Dans le même esprit, une loi de 1977 a prévu la prise en charge par l'État de l'indemnisation des personnes atteintes dans leur intégrité physique et placées dans une situation matérielle grave à la suite d'infractions dont l'auteur était inconnu ou insolvable. À cette fin, la loi a créé des commissions d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), qui sont des juridictions civiles dans le ressort de chaque tribunal judiciaire. Malgré ces évolutions, ce dispositif paraissait trop restrictif, d'autant que la loi du 9 septembre 1986 a créé un fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme en prévoyant un régime plus favorable pour ces dernières. Aussi, la loi du 6 juillet 1990 a rapproché les deux mécanismes d'indemnisation pour aboutir à la création de ce FGTI, dont la mission est étendue à la prise en charge des victimes d'infractions de droit commun, même si les procédures applicables aux victimes d'actes de terrorisme et celles relatives aux autres infractions demeurent parfaitement distinctes.
En 2008, le législateur a créé un dispositif permettant aux victimes de bénéficier de l'intervention du FGTI pour recouvrer les sommes qui leur sont dues, au travers du service d'aide au recouvrement des victimes d'infractions (Sarvi).
Je précise que le FGTI est financé par la communauté des assurés et ne reçoit donc aucune dotation budgétaire de l'État. Ce mécanisme est relativement complet au regard de ce qui se fait dans les autres pays européens.
En ce qui concerne la procédure applicable, il existe trois conditions d'éligibilité pour les victimes : d'une part, ne pas relever d'un autre régime d'indemnisation ; d'autre part, l'infraction doit avoir entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnelle égale ou supérieure à un mois, ou relève des agressions sexuelles, de la mise en péril des mineurs, de la mise en esclavage, de la traite des êtres humains ou du travail forcé ; enfin, la personne lésée doit être de nationalité française ou les faits doivent avoir été commis sur le territoire national.
Toute infraction pénale ayant causé un dommage corporel grave permet d'accéder à une indemnisation.
Abordons maintenant le délai qui pose problème.
Trois délais sont prévus : si aucune action pénale n'est engagée, la victime doit agir dans le délai de trois ans à dater de l'infraction ; si une action pénale est engagée, le délai est prorogé d'un an après la décision devenue définitive de la juridiction répressive ; si la juridiction répressive a accordé à la victime des dommages et intérêts, le délai pour saisir la CIVI d'une demande d'indemnisation est d'un an à compter de l'information donnée par la juridiction en application de l'article 706-15 du code de procédure pénale. Par ailleurs, la CIVI relève le requérant de la forclusion lorsqu'il n'a pas été en mesure de faire valoir ses droits dans les délais requis ou lorsqu'il a subi une aggravation de son préjudice ou tout autre motif légitime.
Je rappelle que la CIVI statue de manière autonome : la demande est instruite et jugée recevable par la CIVI ; elle est traitée par le FGTI, qui dispose de deux mois pour proposer une solution, que le requérant peut accepter ou refuser dans les deux mois. Dans 70 à 75 % des cas, ce dernier accepte la solution ; dans le cas contraire, la CIVI fixera une indemnisation.
J'en viens à la proposition de loi. L'article 706-5 du code de procédure pénale introduit une protection moindre de la victime avec un délai d'un an, après notification, lorsque la décision de la juridiction a alloué des dommages et intérêts à la victime et que la demande est jugée irrecevable, alors que celle-ci peut faire appel. Or on peut concevoir qu'une victime attende l'aboutissement de la procédure avant de saisir la CIVI. Un arrêt de 2013 de la Cour de cassation a donné raison à cette interprétation restrictive et rejeté le recours déposé, au motif que le délai d'un an avait été dépassé.
La rédaction de cet article est complexe dans la mesure où deux solutions différentes sont prévues. Cela pose en outre la question de la responsabilité de l'avocat, qui est tenu d'alerter son client sur cette possibilité. Enfin, avec le développement de la numérisation, l'information est quasi systématique depuis 2010 et les problèmes se sont donc multipliés.
Par cette proposition de loi, nous proposons une clarification bienvenue.
Après la réécriture du texte par l'Assemblée nationale en liaison avec le Gouvernement, le texte supprime les modifications apportées à l'article 706-5 par la loi du 12 juin 2000 et les remplace par un dispositif plus conforme à l'intention du législateur, à savoir renforcer le droit à indemnisation des victimes. Un seul délai subsiste en cas de procédure, celui d'un an à compter de la décision devenue définitive. Cette modification s'opère en deux temps : d'une part, la mention d'un délai d'un an après notification pour les cas où l'auteur de l'infraction a été condamné à des dommages et intérêts est supprimée, ce qui prêtait à confusion ; d'autre part, il est codifié que l'absence de notification de la possibilité de saisir la CIVI devient explicitement un cas qui permet de relever le demandeur de la forclusion. On inscrit donc dans la loi une jurisprudence constante des CIVI.
Cette solution est de nature à lever toute ambiguïté et met ainsi fin à une différence de traitement pour les victimes, qui était injustifiable.
L'article 2, qui visait à assurer la recevabilité financière de la proposition de loi en prévoyant la création d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs, a été supprimé par le Gouvernement.
Les personnes que nous avons auditionnées ont mis en exergue deux difficultés qui subsistent ; elles sont réelles mais ne relèvent pas du domaine de la loi. Pour autant, je souhaite les souligner.
Premièrement, le classement sans suite n'interrompt pas le délai de trois ans. Certaines victimes peuvent découvrir qu'aucune action publique ne sera engagée alors qu'elles sont forcloses. Deuxièmement, la fédération France Victimes relève que les CIVI ont la possibilité, du fait de leur autonomie, de fixer un niveau d'indemnisation inférieur à celui qui est fixé par la juridiction répressive, ce que ne comprennent pas toujours les victimes.
En conclusion, je propose à la commission d'adopter ce texte sans modification.
Mme Catherine Di Folco, présidente. - Merci pour cette présentation très claire.
M. François Bonhomme. - Merci de ces précisions techniques. Avez-vous évalué le nombre de personnes qui pourraient être concernées par la modification du délai de forclusion ?
Mme Nathalie Delattre. - Je remercie Mme la rapporteure de son explication très claire sur un sujet très technique et je la félicite pour la qualité de son rapport. En inscrivant l'examen de cette proposition de loi, qui est attendue, dans l'espace réservé au groupe RDSE, nous espérons apporter un certain réconfort aux victimes, confrontées à des difficultés techniques qui s'ajoutent à leur souffrance.
M. Jean-Luc Fichet. - Je souligne également l'excellent travail de notre collègue Laurence Harribey, qui clarifie un sujet très technique. La proposition de loi fixe un délai unique d'un an après la décision définitive de la juridiction pénale pour présenter la demande d'indemnisation ; elle maintient en outre l'obligation incombant à la juridiction d'informer les victimes ayant reçu des dommages et intérêts de leur possibilité de saisir la CIVI ; elle crée un cas permettant de relever automatiquement la forclusion si cette information n'a pas été donnée. Notre groupe soutient pleinement ce texte, qui permettra d'améliorer la situation des victimes d'infractions.
Mme Josiane Costes. - Le groupe RDSE a en effet décidé d'inscrire cette proposition de loi dans son espace réservé. Je remercie Laurence Harribey pour la clarté de ses explications sur un domaine extrêmement technique et complexe. Il importait de lever ces ambiguïtés, car les difficultés rencontrées par les victimes s'ajoutent à la douleur du deuil ou des séquelles. Nous nous réjouissons que la commission adopte ce texte.
Mme Muriel Jourda. - Je remercie notre collègue Laurence Harribey pour la présentation de son rapport. Je poserai une question : n'est-il pas possible de régler les deux problèmes qu'elle a évoqués à la fin de son intervention ? Ou sont-ils sans lien direct et indirect avec le texte ?
Mme Laurence Harribey, rapporteure. - Monsieur Bonhomme, nous avons interrogé la CIVI et le FGTI, mais nous n'avons pas obtenu d'estimation exacte du nombre de cas. Il n'en demeure pas moins que cette demande des associations de victimes découle de la progression du nombre de litiges.
Madame Jourda, nous n'avons pas proposé d'amendements sur ces sujets, car ils ne sont pas directement liés à la proposition de loi. Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, en vertu de l'article 45, seuls les délais de forclusion sont concernés. Je préconise efficacité et clarté en droit. C'est tout l'objet du texte qui nous est ici proposé.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
- Présidence de M. Philippe Bas, président -
Proposition de loi, adoptée avec modification par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l'arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent - Examen, en deuxième lecture, du rapport et du texte de la commission
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. - Il s'agit aujourd'hui d'examiner en deuxième lecture cette proposition de loi, sur laquelle nous nous étions déjà penchés en octobre.
Proposé par M. Jean-Charles Colas-Roy, membre du groupe La République En Marche de l'Assemblée nationale, et qui en a aussi été le rapporteur, ce texte a pour objet de faire décroître le taux de mortalité très important des arrêts cardiaques en France. Nous avions naturellement souscrit à cet objectif en première lecture, mais une analyse juridique scrupuleuse nous avait poussés à supprimer sept articles parmi les douze contenus dans la proposition de loi, au motif que ces dispositions n'entraient pas dans le champ de l'article 34 de la Constitution ou, pour certaines, étaient déjà satisfaites. Le superflu étant ôté, nous avions parfait les dispositions restantes, en réécrivant l'article 1er, en précisant la rédaction de l'article 11 et en autorisant, à l'article 7, certains personnels de santé à accomplir les actes de sensibilisation au secourisme aux côtés des acteurs de la sécurité civile. C'est donc un véhicule plus léger, mais plus efficace que nous avions renvoyé à l'Assemblée nationale.
Le texte qui nous est soumis montre que notre démarche a été comprise. Ainsi nos collègues députés ont-ils conservé la majeure partie des modifications adoptées par nos soins, nous proposant un compromis qui me semble acceptable.
Ils ne sont pas revenus sur l'essentiel de la réécriture de l'article 1er, relatif au régime de la responsabilité civile et pénale du sauveteur mais y ont apporté deux modifications. D'une part, ils ont réintroduit le terme « citoyen sauveteur », que nous avions remplacé par « sauveteur occasionnel et bénévole », estimant que le terme « citoyen » était sans lien avec l'objet de la proposition de loi car consubstantiel aux droits civiques et politiques qui lui sont reconnus par le droit positif. Je maintiens ma position à ce sujet ; pour autant, cette réintroduction ne constitue pas une malfaçon rédhibitoire, d'autant que le rapporteur à l'Assemblée nationale a clarifié, dans son rapport, la manière dont ce terme doit être entendu. D'autre part, a également été réintroduit le détail des gestes devant être mis en oeuvre par le citoyen sauveteur, mention que nous avions ôtée, car elle nous semblait susceptible de décourager toute action. À nouveau, je regrette cette réintroduction, mais je n'y vois pas de grief insurmontable.
Les suppressions ou adoptions conformes de six articles dans leur version issue des travaux du Sénat sont à compter dans les motifs de satisfaction. Mais quatre articles écartés ont été repris dans le nouveau texte proposé par l'Assemblée nationale. Il s'agit des articles 2 et 4 relatifs à la sensibilisation des élèves au secourisme et au droit à la formation aux gestes de premier secours pour les salariés, que nous avions écartés au motif qu'ils étaient de nature réglementaire et déjà satisfaits par le droit en vigueur. Nous avions également écarté l'article 6, instaurant une journée nationale de lutte contre l'arrêt cardiaque : cette création n'entre pas dans le domaine de la loi et il existe déjà de nombreuses journées, mondiales ou régionales, consacrées au coeur, à la lutte contre les arrêts cardiaques ou aux premiers secours. Enfin, a été réintroduit l'article 12 bis, enjoignant au Gouvernement de rendre un rapport annuel au Parlement ; il n'est sans doute nul besoin de vous rappeler la position du Sénat sur la question des rapports...
Ces réintroductions n'étaient pas souhaitables sur le fond, mais je crois qu'elles constituent un prix raisonnable à payer pour trouver un compromis avec l'Assemblée nationale. Même si la qualité de la loi est une victime collatérale de cet accord, je vous propose donc d'approuver le texte sans modification.
M. Philippe Bas, président. - Merci de votre exposé sur un sujet qui vous tient particulièrement à coeur.
M. Yves Détraigne. - J'ai toujours du mal à comprendre ce que ce texte apporte. Est-il vraiment nécessaire ? Que va-t-il changer ?
M. François Bonhomme. -Le fait que, pendant le confinement, les gens n'aient pas consulté leur médecin pour des signaux faibles pouvant annoncer des accidents cardiaques risque de créer des difficultés dans les mois à venir et d'alourdir les chiffres. Il faudra évaluer ce phénomène et mettre cette évaluation au bilan négatif de la gestion de l'épidémie de Covid-19.
M. Jean-Luc Fichet. - L'appellation « citoyen sauveteur » a tout son sens, tout comme cette loi, qui est une bonne loi. Je soutiendrai aussi l'idée d'une journée nationale du coeur ; des précédents ont montré que cela pouvait se faire par la loi. Nous sommes en tout cas pleinement satisfaits de voir cette proposition de loi aboutir.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. - Ce texte n'est pas inutile, monsieur Détraigne : il consolide un pan de la jurisprudence en matière de responsabilités civile et pénale. Ce n'est pas mal !
Je suis d'accord, monsieur Bonhomme, sur la nécessité d'un suivi des phénomènes que vous mentionnez, mais cela dépasse le cadre de cette proposition de loi.
Vous expliquez, monsieur Fichet, votre attachement au terme « citoyen sauveteur ». J'ai, quant à moi, précisé, dans mon rapport en première lecture, pourquoi il m'importait que le terme « citoyen » demeure rattaché au contexte précis dans lequel il s'inscrit, qui n'est pas celui de ce texte. C'est pourquoi le rapporteur à l'Assemblée nationale a pris le soin de clarifier sa position. Il sera très important, le jour où un juge voudra se prononcer sur une affaire, qu'il puisse retrouver ces explications et sache pourquoi le terme « citoyen » a été réintroduit dans le texte.
S'agissant de la journée nationale, le Conseil constitutionnel a rendu une décision sur le sujet, considérant que ce type de décisions relève plutôt du domaine réglementaire. En tant que juristes, il est normal que nous cherchions à rédiger des textes respectueux de ses décisions.
Enfin, il existe au moins quatre textes de loi relatifs aux gestes qui sauvent. Le plus ancien, remontant à 2004, impose une formation au secourisme à tous les élèves de troisième, et nous atteignons un taux d'environ 90 % d'élèves formés. Mais, si l'Éducation nationale et le ministère de l'intérieur s'accordent pour permettre aux sapeurs-pompiers de délivrer des formations en classe, nous pourrons monter encore en puissance. Cela va dans le bon sens. Nous devons soutenir toutes les mesures qui peuvent permettre de sauver des vies.
Une précision enfin, si vous souhaitez déposer des amendements, le champ du texte se limite aux premiers secours : formation, acteurs, matériel et modalités.
Mme Muriel Jourda. - Je m'abstiens sur ce texte.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 - Examen de la recevabilité
M. Philippe Bas, président. - Nous examinons ce matin la recevabilité de la proposition de résolution déposée par le Président du Sénat tendant à créer une commission d'enquête pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion.
Son exposé des motifs, très complet, développe longuement le champ d'investigation proposé. Seraient ainsi évalués : l'état de préparation de la France à la veille du déclenchement de l'épidémie ; la gestion de la crise sanitaire par les responsables politiques et administratifs ; les choix faits par la France, à la lumière des enseignements que l'on pourrait tirer des pays européens et asiatiques ; la gouvernance de la crise, les difficultés rencontrées par les personnels soignants, la gestion de la pandémie par les structures hospitalières, ainsi que par les agences régionales de santé (ARS) ; les pénuries constatées dans certains domaines, en particulier en matière de lits de réanimation, médicaments liés à la réanimation, masques, blouses, gels hydroalcooliques ou tests de dépistage ; la situation spécifique à laquelle les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ont été confrontés ; la communication de crise.
Une fois énoncés tous les éléments susceptibles de retenir l'attention des membres de la commission, le texte fait mention des finalités de l'enquête. Celles-ci sont très larges : il s'agirait, notamment, de déterminer dans les domaines de l'action publique et de la vie économique et sociale les dispositions nécessaires pour que notre pays soit, à l'avenir, mieux protégé contre les grands fléaux sanitaires et puisse les affronter sans restrictions excessives aux droits et libertés, ni impact majeur sur l'activité et le revenu des Français.
Il importe de relire avec beaucoup de soin ces finalités. Elles montrent clairement quelle serait la ligne directrice des travaux de cette commission d'enquête : faire en sorte que l'expérience malheureuse que nous avons vécue puisse nous apporter des enseignements et que, dans le futur, nous ne nous retrouvions plus aussi démunis que nous avons pu l'être, et ce afin d'éviter la mise en oeuvre d'une politique de confinement généralisé, attentatoire aux libertés fondamentales et porteuse de conséquences dramatiques aux plans économique et social.
À la lumière de son champ d'investigation et de ses finalités, très ambitieuses, nous pouvons conclure que cette commission d'enquête entre bien dans le cadre prévu par la Constitution et notre Règlement, son objet étant, au sens large, la gestion des services publics.
Aucune zone de recouvrement n'est constatée entre ce cahier des charges et l'enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris, à la suite du dépôt de nombreuses plaintes. La commission d'enquête a pour objet, non pas de réunir les éléments permettant de caractériser des crimes ou des délits et d'en poursuivre les auteurs, mais d'évaluer les politiques publiques et d'en tirer les conséquences en formulant des propositions en vue d'une meilleure préparation de notre pays.
À cet égard, l'intitulé de la proposition de résolution est parlant : « proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la Covid-19 et de sa gestion. » Le but, j'y insiste, est de mettre la Nation au niveau, non de poursuivre ou de stigmatiser des responsables.
Pour toutes ces raisons, la recevabilité de cette proposition de résolution ne fait pas de doute.
La procédure suivie connaît deux particularités : il s'agit, d'une part, d'une proposition de résolution présentée hors « droit de tirage » des groupes par le président du Sénat, Gérard Larcher, et qui exigera donc un vote par le Sénat lui-même, si nous en admettons la recevabilité. La commission des affaires sociales, saisie au fond, se prononcera sur l'opportunité de cette commission d'enquête.
D'autre part, compte tenu de l'ampleur du travail à accomplir en six mois par la future commission d'enquête, sa composition pourrait être portée de 21 à 36 membres. Même si cette possibilité n'est pas strictement prévue par notre Règlement, elle ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel ni organique, et me semble pleinement justifiée sur le fond. Elle n'entache pas la recevabilité de la proposition de résolution, d'autant que le président du Sénat s'est assuré, en Conférence des présidents et en Bureau, de l'accord de tous les groupes politiques sur cette particularité.
Pour toutes ces raisons, je vous propose d'admettre la recevabilité de cette proposition de résolution.
Mme Nathalie Delattre. - Mon groupe avait déposé une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête chargée d'évaluer la gestion des stocks d'équipements de protection individuelle pendant la pandémie de coronavirus et, en réponse à un courrier que je lui avais adressé le 1er mai, le président Gérard Larcher m'a indiqué que ce point pourrait être inclus dans le périmètre d'investigation de la présente commission d'enquête.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, il s'agit pour nous de mieux comprendre, pour mieux gérer à l'avenir. Si nous avons lancé cette démarche, c'est en réaction à l'annonce, par la grande distribution, de la mise en vente de stocks se comptant par millions de masques. Même si l'on nous a expliqué, ensuite, que cet approvisionnement se ferait en flux tendu, il nous a semblé nécessaire de mieux comprendre les filières de réception de ces commandes, y compris pour en déduire une plus grande efficacité, en la matière, du secteur privé par rapport au secteur public.
Mon groupe, le RDSE, souhaite donc que cette problématique soit bien incluse dans le champ de la commission d'enquête.
M. Philippe Bas, président. - Il me semble que c'est le cas : l'examen de ces questions est bien mentionné, de manière très précise, dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution.
M. Jean-Yves Leconte. - Comment entendez-vous faire fonctionner cette commission d'enquête en pleine période de renouvellement du Sénat ?
M. Philippe Bas, président. - C'est notre honneur, mon cher collègue ! Je compte tout simplement sur la bonne volonté de chacun et sur la manière dont nous situons l'ordre de nos propres priorités. La composition de cette commission d'enquête sera le fruit de propositions émanant de tous les groupes politiques. Si chaque groupe prévoyait d'y faire siéger plutôt des sénateurs qui ne sont pas concernés par le renouvellement, le problème que vous soulevez pourrait être partiellement résolu...
Mme Marie Mercier. - Cette initiative est indispensable, car, dans cette crise, il y a un avant, un pendant et un après. Je voudrais savoir si, une fois le travail de la commission accompli, une correspondance sera faite avec ce qui s'est produit ailleurs en Europe. Pourrons-nous comparer ?
M. Philippe Bas, président. - Effectivement, il apparaît très pertinent d'avoir une approche comparative. Mais c'est prévu, puisqu'il est question d'évaluer les choix faits par la France à la lumière des enseignements que nous pourrions tirer des pays européens et asiatiques - nous aurions d'ailleurs pu aller au-delà. L'approche internationale a bien été retenue par le président du Sénat.
Mme Laurence Harribey. - Au sein de la commission des affaires européennes, le président Jean Bizet nous a confié, à Pascale Gruny et moi-même, le soin de conduire une mission d'information sur l'évaluation des politiques de santé au regard de la gestion de la crise en Europe. Nous pourrons nourrir la réflexion de la commission d'enquête avec ce travail.
M. Philippe Bas, président. - Je vous en remercie et je salue l'esprit de réactivité de notre collègue Jean Bizet.
Mme Esther Benbassa. - Mon groupe et moi-même saluons cette initiative. Avez-vous plus de précisions à nous apporter sur la composition et l'organisation de cette commission ?
M. Philippe Bas, président. - Comme je l'ai indiqué, chaque groupe sera amené à faire des propositions s'agissant de la composition, l'avantage étant qu'une composition à 36 membres permet à chaque groupe d'avoir au moins deux représentants et, ainsi, au pluralisme d'être à l'oeuvre. Mais cette décision ne sera prise qu'après l'adoption de la résolution. Nous procédons par étape !
La commission donne un avis favorable à la recevabilité de la proposition de résolution.
La réunion est close à 10 h 30.
- Présidence de Mme Catherine Di Folco, vice-présidente -
La réunion est ouverte à 17 h 45.
Projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles - Examen des amendements au texte de la commission
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 1 rectifié bis de Mme Renaud-Garabedian vise à organiser l'élection des sénateurs d'une même série le même jour. C'est bien la règle prévue par le code électoral. Nous sommes toutefois face à un cas de force majeure, qui conduit à reporter l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France. Mon avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié bis.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° 3 rectifié bis du même auteur, qui est un amendement de cohérence avec le précédent.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3 rectifié bis.
Intitulé du projet de loi organique
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 2 rectifié bis vise à changer l'intitulé du projet de loi organique. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2 rectifié bis.
La commission a donné les avis suivants aux amendements de séance :
La réunion est close à 17 h 50.