- Mercredi 13 mai 2020
- Projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de covid-19 - Nomination d'un rapporteur (en téléconférence)
- Audition commune de MM. André Laignel, premier vice-président de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France et de Renaud Muselier, président de Régions de France (en téléconférence)
Mercredi 13 mai 2020
- Présidence de M. Philippe Bas, président -
La téléconférence est ouverte à 9 heures.
Projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de covid-19 - Nomination d'un rapporteur (en téléconférence)
La commission désigne Mme Muriel Jourda rapporteur sur le projet de loi n° 440 (2019-2020) portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19.
Audition commune de MM. André Laignel, premier vice-président de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France et de Renaud Muselier, président de Régions de France (en téléconférence)
M. Philippe Bas, président. - Dans le cadre de la mission de suivi de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, nous accueillons aujourd'hui les représentants des associations d'élus locaux composant Territoires Unis. Nous comptons tirer des enseignements de la manière dont les collectivités territoriales se sont engagées pendant le confinement et sont aujourd'hui parties prenantes de la reprise. Nous avons constaté qu'elles ont fait preuve de réactivité et d'agilité, qu'elles ont agi plus vite parfois que l'État lui-même, notamment en ce qui concerne les commandes de masques, ce qui a d'ailleurs pu entraîner des crispations dans le cadre des réquisitions, par exemple. Les départements ont offert le concours des laboratoires départementaux d'analyses pour mener les tests. Les départements et les régions sont intervenus, comme le bloc communal, en matière de soutien économique et d'action sociale. En outre, les collectivités locales ont assuré la continuité des services essentiels, comme la gestion des déchets, dans des conditions difficiles. Les collectivités territoriales ont également répondu présentes sur les transports collectifs, les écoles, les collèges ou les lycées, ainsi que sur les activités périscolaires.
Quels enseignements doit-on tirer de cette expérience en matière de déconcentration comme de décentralisation ? Avez-vous des propositions à faire dans ces domaines ? Avez-vous des demandes à formuler en matière de finances locales, alors que vos budgets sont mis à l'épreuve et que, à la différence de l'État, vous ne pouvez emprunter pour les financer ? La réforme des finances locales peut-elle, selon vous, être mise en oeuvre dès janvier prochain, comme prévu, ou un moratoire vous semble-t-il nécessaire ?
M. Renaud Muselier, président de Régions de France. - J'aborderai la gestion de la crise sanitaire, la crise économique et l'amortisseur économique qu'il sera nécessaire de mettre en place pour en atténuer l'impact, la nécessité d'une relance et la crise sociale qui arrive et qui risque d'être d'une incroyable brutalité.
Les régions ont adopté une attitude « zéro polémique » ; face aux difficultés qui frappent le pays, nos gouvernants ont en effet des décisions à prendre en grand nombre et le parasitage politique ne permettrait pas de les prendre dans la sérénité.
Sur le plan sanitaire, comme médecin marseillais, j'ai soutenu la démarche consistant à tester, à isoler et à traiter. La doctrine nationale n'était pas la même ; il y a eu des atermoiements autour de cette maladie inconnue, à cause d'un conseil scientifique que je conteste dans sa totalité, car il a parasité le Conseil de l'ordre et n'a pas donné la possibilité aux médecins de traiter les patients, alors qu'ils le pouvaient. Le doute permanent qu'il a instillé a compliqué la décision politique, et je déplore particulièrement que des décisions aient été soumises à son aval.
S'agissant de la crise économique, les moyens mis en place par le Gouvernement ont constitué un bon amortisseur, qui a peut-être même été un peu trop confortable, comme dans le secteur du BTP. Il faut maintenant un retour à la vie normale : nous devons retrouver nos libertés en appliquant les gestes barrières, en portant des masques, en respectant la distanciation physique.
Je suis un peu effrayé par ce que j'entends quant à l'aspect financier de la situation : aujourd'hui, tout le monde est riche, puisque tout est pris en charge, mais la crise va venir et on se demandera où est cet argent. Cette crainte m'amène à la perspective de la crise sociale qui vient : les intermittents et ceux qui occupaient de petits emplois se retrouvent sans travail, dans des situations très difficiles et vont grossir les files d'attente devant les Restos du coeur.
Sur le plan de la gestion de la crise, j'ai eu, quant à moi, d'excellentes relations avec mon agence régionale de santé (ARS), avec mon recteur, avec mon préfet, mais les difficultés sont apparues, en revanche, dès lors qu'il s'est agi de faire des choix partagés. Sur les masques, les tests, les hospitalisations, la relance, le confinement, etc., nous, présidents de région, réagissons très vite, mais eux doivent en référer avant de répondre. Nous connaissons la solution, elle s'impose tout de suite, ils sont d'accord avec nous, mais ils ne peuvent rien faire sans un feu vert, sans une directive nationale. A l'inverse, dans leurs domaines de compétence, les collectivités locales ont su être agiles. L'affaire des masques a été caricaturale sur ce plan : l'État devait en commander un, puis deux milliards, mais les personnels de santé n'en avaient pas, les départements et régions ont dû créer leurs réseaux, parfois avec de grandes difficultés. Monter des filières pour payer au prix fort des masques en Chine, car l'ARS n'y parvient pas, ce n'est pas notre métier ! Nous sommes cependant venus en soutien. À cela, s'est ajouté le scandale de la grande distribution, qui a commandé des masques bien avant l'autorisation en attendant de les vendre, pendant que nos premières lignes étaient en difficulté. Bref, nos citoyens ont été admirables et nous avons bien fait le boulot.
Pour ce qui concerne l'amortisseur économique, les propositions du Gouvernement sont bien conçues et comportent de bonnes réponses à tous les niveaux, avec une très grande réactivité. S'agissant de la relance, soyons positifs : les collectivités sont affectées, mais nous ne pouvons pas demander à l'État de maintenir notre train de vie quand tout va mal et de nous accorder des moyens supplémentaires quand tout va bien. Nous ne pouvons pas nous doter d'un budget en déficit, mais nous avons proposé de mettre en place une sorte de pacte de Cahors inversé, en forme de serpent budgétaire, incluant des recettes actives. Dans notre malheur, il y a un aspect positif : nous sommes en train de renégocier les contrats de plan État-région (CPER), lesquels incluent des fonds européens qu'il faut aller chercher. Imaginons avec le Gouvernement des solutions pour relocaliser l'industrie tout en sécurisant les ressources et en contrôlant les dépenses. Nous sommes en outre favorables à la mise en place d'un compte associé ou d'un budget annexe dédié aux dépenses liées aux conséquences du Covid-19, de manière que l'on sache ce que chacun a payé.
Les ressources des régions s'écroulent : nous perdrons 1 milliard d'euros cette année et sans doute 3 ou 4 milliards d'euros l'année prochaine. Si nous n'avons pas la capacité de relancer la machine, les collectivités régionales ne pourront participer à la relance alors qu'elles représentent, en temps normal, plus de 70 % de l'investissement public.
Nous devons faire attention à la crise sociale que nous voyons arriver et qui sera d'une extrême violence. Nous y ferons face chacun dans son domaine de compétences, en symbiose, avec les moyens financiers de l'Europe, dans le cadre souverain de l'État, pourvu que l'on ne se précipite pas pour ouvrir les parapluies à tous les étages. C'est pourquoi je suis favorable, en ce qui me concerne, à une décentralisation plus forte, voire à un système fédéral, afin de privilégier l'agilité sans pour autant amoindrir la puissance de l'État.
M. Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France. - Je partage l'idée que le moment n'est pas à la polémique. Les commissions d'enquête, dont celle du Sénat, éclaireront les conséquences de cette crise.
L'enseignement que je tire de cette période, quant à moi, est qu'une plus grande décentralisation est nécessaire. Le projet de loi 3D, pour « décentralisation, différenciation, déconcentration », devra, de ce point de vue, avoir un véritable contenu et le travail du Sénat sous l'égide de son président, M. Gérard Larcher, doit se poursuivre ; nous avons besoin d'un texte plus musclé dans lequel, en particulier, le niveau des préfets de département serait conforté. Nous avons dès le départ des problèmes de communication entre les ARS, intronisées autorités de crise alors qu'elles n'en avaient pas l'habitude, et les préfets, qui, comme les élus, avaient des difficultés à obtenir des informations de l'agence. L'échelon déconcentré à favoriser en temps de crise, c'est le préfet, mais les différentes révisions générales des politiques publiques (RGPP) ont diminué l'efficience des préfets de département.
On voit bien ce que devra contenir un grand texte de décentralisation : il y a un problème avec les ARS - en dehors des personnes qui les dirigent. J'étais membre du gouvernement qui les a créées, mais leur modèle n'est pas adapté dans de trop grandes régions : elles sont trop grosses et leurs échelons locaux manquent de moyens. Il faut donc les réformer dans le sens d'une décentralisation accrue. Il en va de même de la gestion des hôpitaux et du secteur médico-social. En cette rentrée scolaire, par exemple, l'absence de médecine scolaire pèse sur le terrain, comme celle de la psychiatrie publique, pour répondre aux besoins des enfants handicapés et des mineurs non accompagnés. Dans la perspective de la rentrée des collèges, la semaine prochaine, nous relevons en outre une fois de plus l'incongruité selon laquelle les gestionnaires de collège sont sous l'autorité de l'éducation nationale. Cela pose des difficultés et il faudra revoir ce fonctionnement.
S'agissant de l'économie, il faut souligner, en effet, la qualité des plans de M. Bruno Le Maire et l'engagement des régions, même si, alors que beaucoup de départements ont mis en place des dispositifs de complément des aides régionales ou nationales, une circulaire gouvernementale a rappelé aux préfets les règles absurdes issues de la loi NOTRe. J'espère que ces aides locales ne seront pas déférées devant les tribunaux administratifs !
Nous avons un gros dossier à traiter demain avec le Premier ministre concernant le tourisme. Cette compétence est partagée entre communes, intercommunalités, départements et régions. Il faudra faire feu de tout bois, car c'est une des activités économiques les plus sinistrées.
Sur les difficultés financières à venir, nous avons été entendus par le Gouvernement en matière de gestion des dépenses supplémentaires de crise. Contrairement aux communes, les départements souhaitent un budget annexe plutôt qu'un compte dédié, car c'est un dispositif plus souple.
En ce qui concerne les dépenses nouvelles, le RSA est reparti à la hausse avec une augmentation de 5 % dès le début de la crise en Seine-Saint-Denis, par exemple, un chiffre qui va croître avec la poussée du chômage, ce qui va poser un problème de financement aux départements.
S'agissant des recettes, enfin, nous subissons une grosse perte en droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui atteindra 3,5 ou 4 milliards d'euros en 2020. Son ampleur dépendra de la capacité de reprise à l'automne, mais nous demandons à l'État de mettre en place un système d'avances, afin que cette baisse ne stoppe pas l'investissement des départements au deuxième semestre, qui doit être celui de la relance. Nous avions mis en oeuvre une péréquation horizontale entre départements, grâce au Sénat, mais les recettes des départements les plus riches ont diminué et il faudra revoir le système pour le préserver. Nous avons, en outre, demandé au Gouvernement de calculer l'impact de la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur nos ressources. Enfin, je continue de penser que le remplacement de la taxe sur le foncier bâti par la TVA au bénéfice des départements posera problème au moins à moyen terme, car le produit de cette dernière taxe a déjà baissé.
M. André Laignel, premier vice-président de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité. - Dans cette crise, le bloc communal a été en première ligne, comme premier recours et comme dernier espoir de nos concitoyens. Nous avons été interpellés sur tous les sujets, bien au-delà de nos compétences. Je refuserai toute polémique, mais il convient de faire quelques constats : nous avons été placés dans un flou persistant alors que nous avons dû gérer les contradictions de l'État, comme sur la distribution des masques ou sur la place des tests dans la lutte contre l'épidémie. Alors que nous discutions de la réouverture des écoles, nous avons découvert qu'un monstre technocratique de soixante-quatre pages était diffusé, que nous avons dû retravailler en catastrophe. Je me réjouis, à ce propos, que le ministère de l'intérieur ait accepté la prééminence des protocoles locaux. Dans d'autres domaines, nous sommes à l'arrêt : l'Association des maires de France n'a pas participé aux concertations avec le ministère des sports, alors même que les maires gèrent l'essentiel des équipements sportifs. De même, nous subissons une injustice inacceptable dans le dispositif de remboursement des achats de masques : le décompte des commandes éligibles ne commencera qu'au mois d'avril, pénalisant ceux qui ont été réactifs sur le terrain. Nous avons été trop rapides, nos efforts ne seront donc pas pris en compte. De plus, les tarifs proposés sont sans rapport avec ce que nous avons payé en réalité et nous n'aurions droit, si rien ne changeait, qu'à moins de 20 % de remboursement.
Comme président du comité des finances locales, je peux indiquer que l'impact de la crise sera très fort également sur les communes. Le premier sujet concerne les dépenses que nous avons engagées à la place de l'État pour lutter contre la pandémie, pour lesquelles l'Association des maires de France (AMF) préfèrerait la mise en place d'un compte spécial, parce que beaucoup de petites communes concernées le géreront plus facilement qu'un budget annexe. Nous voulons nationaliser les pertes pour retrouver des capacités d'autofinancement.
Ensuite, nous subissons des pertes de ressources, en matière tarifaire, en particulier : crèches, restaurants scolaires, piscines, patinoires, etc. ont fermé, mais les collectivités territoriales n'ont pas bénéficié du chômage partiel et ont continué à rémunérer les personnels. En outre, nous subirons dès 2020 des pertes fiscales sur les droits additionnels aux DMTO, qui sont en berne. Nous nourrissons également des inquiétudes à propos de la cotisation foncière des entreprises (CFE), car 20 % des petites entreprises pourraient fermer, alors que le produit de la CVAE baissera sans doute dès cette année, contrairement à ce que prétend l'État, car le troisième acompte sur base déclarative interviendra en décembre et sera revu à la baisse par les entreprises.
Enfin concernant la réforme fiscale, j'avais lancé les travaux pour réfléchir aux critères de répartition des dotations, qui seront chamboulés, mais ceux-ci ne peuvent se poursuivre aujourd'hui ; il serait donc raisonnable de différer jusqu'en 2021 la mise en oeuvre de l'ensemble du dispositif. Je persiste à regretter cette réforme, en particulier la suppression qu'elle prévoit du bénéfice de la taxe sur le foncier bâti pour les départements, ainsi que les instabilités attendues pour les intercommunalités avec le passage à la TVA. Un moratoire d'un an serait raisonnable.
S'agissant de la relance, vous savez que les collectivités territoriales représentent 70 % de l'investissement public. Le bloc communal a mené récemment une campagne électorale appuyée sur la présentation de projets, dont certains sont prêts à démarrer, mais nous avons besoin d'argent frais pour cela. Les contrats de Cahors sont maintenant reconnus comme des entraves*.D'autres dispositifs contractuels existent - contrats ruraux, Action coeur de ville, Territoires d'industrie, CPER - qui sont plus pertinents et peuvent être activés. De plus, des fonds dédiés ne demandent qu'à être déclenchés - fonds européens, fonds de l'État, dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Toutefois, on ne pourra pas agir à crédits constants : les enveloppes actuelles ne nous donneront pas la capacité d'intervenir massivement et rapidement. Enfin, il ne faut pas délier le fonctionnement de l'investissement, car l'un ne va pas sans l'autre. Ces sujets sont de très grande ampleur : la crise sanitaire est majeure, mais je crains que la crise économique et sociale ne soit encore plus dramatique dans la durée.
Mme Françoise Gatel. - Nous saluons l'engagement des collectivités, qui ont su inventer des solutions.
Monsieur André Laignel, quelles difficultés avez-vous rencontrées du fait de l'interruption du cycle des élections municipales ? Que va-t-il se passer dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dits « hybrides », dont les conseillers mêlent nouveaux élus et élus sortants dont le mandat a été prolongé ?
Vous avez tous les trois évoqué l'intérêt de l'État déconcentré dans cette crise. Selon vous, une task force rassemblant dans les départements tous les services de l'État, y compris ceux de ces services n'étant pas placés sous l'autorité du préfet, sous le commandement de celui-ci aurait-elle été nécessaire ?
La crise a-t-elle mis en exergue une répartition inadéquate des compétences entre l'État et les collectivités ?
Enfin, vous avez évoqué la crise sociale et économique à venir. Êtes-vous associés au plan de relance économique et au plan d'amortissement social, comme vous avez été sollicités pour contribuer au fonds national de solidarité ?
M. Pierre-Yves Collombat. - Messieurs les présidents, monsieur le vice-président, votre présence commune indique que les événements que nous vivons donnent naissance à de nouvelles manières de faire ; c'est le bon côté des catastrophes. Reste à en tirer des enseignements : sur la tempête Xynthia, on a fait d'excellents rapports, mais on attend toujours l'étape suivante !
Mes questions sont générales. Tout d'abord, je relève que vos propos constituent une critique radicale de toutes les réformes mises en oeuvre depuis dix ans, qui favorisent la spécialisation, accentuant l'un des défauts de notre organisation territoriale. Selon des modalités différentes - sous l'égide ici d'une région, là des départements, ailleurs d'une métropole -, on a trouvé des solutions. Pensez-vous qu'il faille revisiter cette organisation ? Les élus craignent les changements, certes, mais ceux qui aggravent la situation, pas ceux qui l'amélioreraient !
Si une réforme substantielle n'était pas possible, ne pourrait-on pas imaginer une organisation spécifique aux périodes de crise ? L'avenir nous en fera peut-être subir d'autres.
Ne faudrait-il pas modifier le code pénal pour redéfinir les responsabilités des élus ? Au nom de l'égalité devant la loi, peut-on, en effet, défendre l'idée que ceux qui portent toutes les responsabilités doivent encourir les mêmes risques pénaux que ceux qui n'en ont aucune ?
Enfin, monsieur Muselier, vous avez abordé la question importante du soin et je suis d'accord avec vous : on n'a pas traité les gens. On ne peut pas faire comme s'il n'y avait pas de nécessité d'intervenir sous prétexte qu'il était impossible de le faire selon le règlement ! Un médecin, ça soigne. Sur un certain nombre de points, la région sud Provence-Alpes-Côte d'Azur, comme la région Grand Est, ont eu une attitude intéressante. Ne pourrait-on pas repenser notre organisation en matière de santé ?
La prochaine difficulté majeure que nous affronterons sera la crise financière, économique et sociale. Ne devriez-vous pas demander la tenue d'une réflexion commune sur cette crise, car la relance se fera aussi par l'investissement local et il importera d'y être mieux préparés que nous ne l'étions face à la crise sanitaire.
M. Renaud Muselier. - Je vais faire une réponse rapide à une question à la fois simple et très complexe de Mme Françoise Gatel, sur la nécessité d'une task force. En réalité, à chaque fois que l'on s'adresse à l'État, c'est trop long. Ses représentants sont systématiquement obligés d'en faire référence plus haut. Je le répète, je m'entends très bien avec mon préfet de région ; je n'ai aucun problème avec mon recteur ni avec mon directeur général d'ARS. En revanche, quand j'ai 5 millions de masques à livrer, je m'adresse à l'ARS pour la distribution et cela prend une éternité, car il y a des manques un peu partout. Bien que je ne sois censé intervenir qu'en appoint, il a fallu que je pilote moi-même le dispositif, le préfet me menaçant de réquisitionner mon stock si je ne m'entendais pas avec l'ARS, laquelle est indépendante du préfet. Et ce dernier dépend du ministre de l'intérieur, quand l'ARS répond au ministre de la santé. Je pense que la task force serait une source de complexité. Selon moi, qui paie décide, y compris avec un risque de responsabilité pénale en arrière-plan.
S'agissant de notre rôle d'amortisseur social et économique, j'ai, avec Dominique Bussereau, une différence qui n'en est pas vraiment une. Pour moi, et je le martèle sans cesse, la compétence économique relève des régions. Bien entendu, un président de conseil départemental ne peut pas être insensible à la situation du petit commerçant. Il y a pour cela des fonds régionaux, que les départements devraient être libres d'abonder. Mais si vous avez 50 guichets, vous n'avez plus de guichet ! Dans une période de crise, il faut que les choses soient simples. Aujourd'hui, l'État a pris les commandes de façon plutôt efficace. Les régions arrivent tout de suite après en deuxième ligne. Nous avons mis en place des dispositifs avec les EPCI pour être au plus près des bars, des restaurants, des agriculteurs. C'est normal que les départements veuillent participer, mais pas pour une dizaine de millions d'euros.
S'agissant du social, essayons d'être plus prévoyants que pour la crise sanitaire, que nous n'avons pas vu arriver.
Monsieur Collombat, je ne partage pas toutes vos critiques, même si je reproche à notre organisation d'être beaucoup trop lourde et lente. Prises sous la pression médiatique, dans un but de communication, certaines décisions ne sont jamais appliquées. C'est flagrant au sujet des masques, qui ne sont toujours par arrivés dans les communes. Cela discrédite totalement la parole publique. On ne peut pas avoir un État aussi lourd, qui ouvre autant de parapluies, notamment en période de crise. Pourtant, on a bien vu qu'il était possible de donner beaucoup plus de souffle et d'efficacité à l'action publique grâce aux lois que vous avez votées en urgence, ainsi qu'aux ordonnances prises par le Gouvernement.
Sur le volet santé, notre problème est un peu particulier. Il y a dans notre région un individu qui est nobélisable, et qui a d'ailleurs fait une très bonne intervention au Sénat. Le personnage est atypique et génial. Il a fabriqué son institut hospitalo-universitaire tout seul ! Sous prétexte qu'il a les cheveux longs, il a été moqué longtemps. Mais vous noterez que notre région, limitrophe de l'Italie, est entrée dans les derniers en zone rouge et en est sortie en premier. Nous avons mené une action très simple : dépistage à Toulon, Nice et Marseille ; mise en isolement des malades, et pas à domicile, pour éviter que toute la famille ne soit contaminée ; traitement systématique. Je ne sais pas si le traitement du professeur Raoult est bon. Ce que je sais, en tant que médecin, qui a connu beaucoup de contaminations tant dans sa famille que dans son environnement professionnel, c'est que j'ai suivi à la lettre ce protocole et que je n'ai eu à connaître aucun décès ni aucun placement en réanimation. J'ai dû me battre avec des membres de l'Académie de médecine qui disaient n'importe quoi. Mais c'est un non-sens pour un médecin de dire à un patient que l'on ne peut pas le soigner pour des raisons que l'on ignore, alors qu'un traitement est disponible. Les commissions d'enquête nous diront qui a eu raison.
Enfin, s'agissant de la future loi 3D, je m'étais permis de réclamer à Mme Gourault, lors des voeux de nouvelle année, que le Gouvernement mette d'abord en place les 3 C : confiance, compétences et clarification, indispensables à toute bonne politique publique. Je vous donne un exemple très concret en matière de santé. L'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille est le deuxième centre hospitalier universitaire (CHU) de France. Elle compte en son sein des sommités mondiales dans leur discipline. L'AP-HM est en difficulté depuis 20 ans. Voilà 5 ans a été mis en place le Copermo, comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins, censé nous apporter des solutions. Avec Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, et Martine Vassal, présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, nous avons été reçus par Agnès Buzyn, qui nous a proposé d'intervenir pour Marseille à hauteur de 150 millions d'euros, à charge pour nous de mettre la même somme dans le projet. Ce n'est ni dans nos compétences ni dans nos moyens, mais nous avons quand même décidé de faire l'effort, pour sauver le deuxième CHU de France. Le projet est validé depuis près d'un an et demi, mais rien n'a encore été fait. Nous ne pouvons pas l'accepter. À Régions de France, nous pensons que les régions doivent prendre les hôpitaux en main, comme elles l'ont fait pour les lycées. On ne peut pas se résoudre à laisser ce patrimoine immobilier dans un tel état, et continuer à proclamer que notre système de santé est le meilleur au monde. Regardons plutôt ce qu'a fait tout seul le professeur Raoult avec l'IHU, grâce à des fonds publics nationaux et européens. Et pourtant, il est en butte à l'hostilité du pouvoir central, de l'Académie de médecine, du conseil scientifique ...
Toute recentralisation est pour nous inenvisageable. Il faut remettre de l'ordre dans tout cela. Je le répète, à la suite de François Baroin, le principe doit être : qui paie décide ! Chaque compétence doit être clairement attribuée, les autres niveaux de collectivités pouvant venir en appoint dans un cadre prédéfini par l'autorité qui détient la compétence.
M. Dominique Bussereau. - Fallait-il créer des task force auprès des préfets ? Bien sûr ! Mais il faut aussi que les préfets disposent d'une véritable autonomie de décision. Que les préfets doivent en référer à Paris pour des histoires de plages ou d'autres détails de ce type, c'est invraisemblable !
Il faut aussi que les préfets prennent l'habitude d'associer les parlementaires. Certains le font. Le Sénat est composé en majorité d'élus locaux extrêmement expérimentés, mais les députés étaient bien souvent complètement hors du circuit durant la crise. Donc oui, il devrait systématiquement y avoir une task force autour du préfet lorsqu'une telle crise survient.
Sur le plan de relance, nous n'avons pas encore été sollicités. Je pense qu'un plan sera présenté à l'automne par le Gouvernement.
Monsieur Collombat, c'est sûr que la clause générale de compétence permettait beaucoup plus de souplesse. Autant on apprécie la spécialisation quand tout va bien, autant on apprécierait le retour de la clause générale de compétence en période de crise. Vous avez évoqué la commission d'enquête postérieure à la tempête Xynthia. Au moment de cette catastrophe naturelle, le Gouvernement a été formidable pour faire venir des hélicoptères et organiser tout le régalien, mais, quand les gens ont eu besoin de vêtements ou de réfrigérateurs, l'État a été complètement incapable de pourvoir à leurs besoins. Ce sont les collectivités qui ont alors agi, en faisant fi, le plus souvent, des procédures légales. On le voit bien, la spécialisation n'est pas faite pour les temps de crise, quand chacun doit pouvoir agir le plus rapidement et le plus souplement possible.
Je veux dire à la commission des lois du Sénat, et à son président, que nous avons apprécié le travail qu'elle a mené sur la responsabilité des élus. Le compromis auquel est parvenu la CMP me paraît de grande qualité. Sans le Sénat, j'en suis convaincu, nous n'aurions pas obtenu cette correction tout à fait nécessaire.
Enfin, sachez que je suis partisan d'une réorganisation complète de notre système de santé, que ce soit à l'échelon ministériel, territorial ou au niveau du financement des hôpitaux. Le malaise reviendra plus fort encore si l'on n'accepte pas de décentraliser et si l'on ne coordonne pas mieux le public et le privé. Je suis profondément déterminé à participer à la réflexion sur cette évolution nécessaire.
M. André Laignel. - Françoise Gatel s'est interrogée sur le cycle municipal. C'est vrai que nous sommes dans une période complexe. Il semble que l'on devrait en sortir rapidement, en tout cas pour les 30 000 communes qui se sont dotées dès le premier tour des élections d'un conseil municipal complet. Il reste la problématique du deuxième tour et, surtout, des intercommunalités, qui ne pourront être définitivement installées que lorsque le deuxième tour aura pu avoir lieu.
Je rappelle d'abord la position de l'AMF. Nous souhaitons, et il semble que nous ayons été entendus, que les conseils municipaux qui ont été définitivement élus puissent être installés très rapidement. Ensuite, nous souhaitons que le deuxième tour soit organisé avant la fin juin si possible, dans le respect des règles sanitaires. Sinon, nous penchons pour le mois de septembre.
Aujourd'hui, plus de 1 000 intercommunalités sont dans l'incapacité de se constituer. Or ce sont souvent des vecteurs essentiels de la relance et de l'investissement. Les mettre dans une situation humainement, administrativement et financièrement inconfortable n'aidera pas à la reprise.
Je veux saluer les maires, qui, même battus, ont quand même continué à assurer leur tâche, et ceux, qui, ayant décidé de ne pas se représenter, ont néanmoins dû prolonger leur mandat. Ils l'ont fait dans l'intérêt général. C'est dans l'ADN de l'immense majorité des maires, pour ne pas dire leur totalité. Malgré quelques rares problèmes, tout s'est fait, pour l'essentiel, de manière pacifique. Il faut néanmoins sortir de cet imbroglio le plus rapidement possible pour avoir des exécutifs définitifs, stables et efficaces, afin de répondre aux attentes de nos concitoyens dans le cadre de la relance.
Au plan local, François Baroin et moi-même plaidons depuis longtemps pour le couple maire-préfet, qui nous paraît être, sur le terrain, le couple majeur. Cela commence à se mettre en place. Dans une petite ville comme la mienne, j'avais anticipé la crise en créant un comité d'urgence sanitaire, dans lequel j'ai invité les représentants de la sous-préfecture, du centre hospitalier, de l'ARS, des services de l'éducation nationale, les parlementaires et les représentants d'associations d'élus. C'est un lieu de concertation, de remontée d'informations et de demandes du terrain. Je comprends que les régions, compte tenu de leur puissance, n'aient pas forcément besoin d'une task force, mais c'est utile, voire nécessaire, pour les communes et les intercommunalités, a fortiori dans les petits départements.
M. Collombat a évoqué « Territoires Unis », mais il ne s'agit pas d'un fruit de la crise. Nous avions ressenti la nécessité de travailler en commun voilà 18 mois. Des sujets peuvent nous opposer, notamment s'agissant de la répartition des compétences, mais nous avons la conviction que Régions de France, l'ADF et l'AMF sont capables de dialoguer ensemble pour constituer face à l'État le bloc des collectivités territoriales, qui doit être une force de proposition et d'action.
Je reviens sur le volet « santé », vu d'une petite ville qui a un centre hospitalier. Je crois qu'un certain nombre d'erreurs ont affaibli nos hôpitaux : la tarification à l'acte, mais aussi le fait d'avoir quasiment exclu les élus locaux des centres de décision. Il est nécessaire de revoir la gouvernance. Dans les petits et moyens hôpitaux, on assiste souvent un face-à-face, pas toujours productif, entre les gestionnaires et les médecins. S'il y avait, en tiers, les élus locaux, en particulier les maires, les aspirations de la population du territoire seraient mieux prises en compte. C'est déjà ce que nous nous efforçons de faire avec les contrats locaux de santé.
Enfin, s'agissant de la future loi 3D, « Territoires Unis » a déjà mis en avant le thème de la différenciation. La déconcentration relève, elle, de l'État. Reste la décentralisation, qui est pour nous essentielle. Nous avons fait nombre de propositions et nous restons disponibles pour travailler avec le Gouvernement. Il nous faut de la clarté et de la confiance, cette dernière étant indispensable pour que notre pays fonctionne beaucoup mieux.
M. André Reichardt. - Je suis un élu alsacien, plus précisément du Bas-Rhin. Dès l'origine de la crise sanitaire, nous avons été choqués d'entendre exclusivement parler du Grand Est. En tant que parlementaire, je n'ai eu affaire qu'à l'ARS. Je ne veux pas tirer sur une ambulance, mais vous avez déjà compris ce que j'en pense. Il a été considéré que la région était le bon périmètre d'intervention, alors même que le Haut-Rhin, puis le Bas-Rhin se sont successivement trouvé dans l'oeil du cyclone. Nous avons le sentiment, nous, Alsaciens, que nous n'avons pas été véritablement pris au sérieux dès le départ, et cela ne s'est pas démenti par la suite.
Je suis de ceux qui pensent que le bon niveau d'intervention aurait été le département, et, plus précisément, en ce qui nous concerne, la collectivité européenne d'Alsace, la CEA, laquelle sera définitivement créée le 1er janvier prochain. Pour ma part, j'ai toujours la conviction que cette nouvelle collectivité n'a pas assez de fond. N'est-il pas temps de lui donner des compétences accrues ?
Ne pensez-vous pas que l'heure est venue de remettre sur le métier l'ouvrage institutionnel ? À cet égard, je rejoins tout à fait Pierre-Yves Collombat. Je ne crois pas que les élus locaux en aient assez des réformes. Ils plaident pour une clarification et une recherche d'efficacité par la proximité.
Par ailleurs, il nous faut des régions ayant des tailles et des périmètres un peu plus pertinents. Si cela n'est pas possible, ne pensez-vous pas qu'il faille redonner aux départements les compétences de proximité qu'ils ont perdues ? Enfin, vous l'aurez compris, je milite pour la CEA, qui a vraiment besoin de plus de compétences.
Mme Maryse Carrère. - Je partage vos inquiétudes sur les finances locales et les pertes considérables de recettes pour les collectivités. Elles sont pourtant essentielles à la reprise économique. Je viens d'un département touristique, les Hautes-Pyrénées, qui a beaucoup à perdre. Pour vous donner un exemple, la ville de Lourdes va accuser une perte de 2 millions d'euros sur la taxe de séjour cette année.
Ne pouvez-vous pas mener une action commune pour demander aux banques un décalage dans le temps des emprunts et une mise en sommeil des tableaux d'amortissement des collectivités ?
Mme Catherine Troendlé. - J'aimerais revenir sur la compétence économique, qui, à mon sens, devrait également revenir aux départements. M. Renaud Muselier a avoué sa préférence pour une compétence déléguée, comme cela se fait informellement aujourd'hui, de façon assez souple, à la faveur d'un contexte de crise. Qu'en sera-t-il demain ? Les régions sont-elles prêtes à déléguer pour de bon une partie de ces compétences aux départements, qui sont au plus proche des territoires, des artisans, des commerçants et des petites entreprises ? M. Muselier peut-il préciser sa position ?
M. André Laignel. - Mme Carrère a abordé le problème des finances des collectivités locales. Nous avons déjà demandé collectivement qu'un certain nombre de dispositifs facilitateurs soient mis en oeuvre. Nous sommes notamment intervenus auprès des banques pour que les pénalités soient plafonnées en cas de renégociation d'emprunt. Des améliorations techniques ou juridiques doivent être envisagées, mais il faudra évidemment des moyens, une fois le moment de la relance venu. On nous dit qu'une somme de 140 milliards d'euros a été mise sur la table avec les deux lois de finances rectificatives. C'était tout à fait nécessaire, mais les collectivités, elles, n'ont pour l'instant rien vu du tout. Or nous serons, je le répète, des éléments essentiels de la relance. Le Gouvernement a parfois tendance à penser que nous sommes plus une charge qu'une aide. Non, nous sommes des leviers totalement indispensables, sur le plan tant économique que social, à la relance du pays. Il faut que nous soyons tous - régions, départements, communes, intercommunalités - au rendez-vous pour faire face à ce drame qui s'annonce.
M. Renaud Muselier. - Monsieur Reichardt, nous, présidents de région, remercions le président de la région Grand Est, Jean Rottner, de nous avoir alertés dès le départ, ce qui nous a permis de nous préparer à la violence de la crise sanitaire. En ce qui concerne votre ARS, on peut dire qu'il y avait la mauvaise personne au mauvais endroit... Dans tous les cas, les directeurs généraux d'ARS n'ont pas la possibilité d'être réactifs. Sur les compétences, je suis d'accord, tout est une question de clarification. C'est l'addition de strates successives qui crée le flou et l'incertitude, sources de dysfonctionnements.
Madame Carrère, effectivement, nous avons déjà commencé à travailler sur les finances. Nous avons été reçus, séparément, puis ensemble, pour voir si nous pensions la même chose, par M. Darmanin et Mme Gourault, qui fait un travail remarquable. Le problème est le suivant : comment avoir des finances dynamiques et en même temps participer à la relance ? « Territoires Unis » adopte globalement la même logique face à Bercy, même s'il y a entre nous des différences importantes.
Madame Troendlé, je suis pour la clarification, y compris en matière économique. Je ne me prononcerai pas sur la taille des régions, mais, c'est évident, il peut y avoir des problèmes qui ne concernent pas l'ensemble d'une région. À ce moment-là, on peut envisager des délégations de compétences dans des domaines bien particuliers, définis par des conventions. Pour ce qui me concerne, je suis favorable à des organisations par filières. Par exemple, en région PACA, la filière horticole intéresse plutôt le Var, donc je n'ai pas de raison de m'en occuper au niveau régional. Une délégation peut être synonyme de clarification en l'occurrence.
En revanche, le fonds Covid Résistance a bien vocation à être géré à l'échelon régional. Idem pour le programme chèques vacances, qui est en train d'être mis en place. L'impulsion économique, ce sont les régions, et les filières sont gérées au cas par cas, au plus près du terrain. Mais s'il y a 50 intermédiaires, on ne s'en sort pas. Un industriel chinois qui veut investir dans nos territoires n'a besoin que d'un ou deux intermédiaires, sinon il part en courant.
M. Philippe Bas, président. - Le propos est ferme pour que le bloc économique reste à la région, mais vous n'excluez pas une certaine souplesse pour certaines filières spécifiques à tel ou tel département de la région, ou en période de crise.
M. Dominique Bussereau. - Vous venez de résumer ce que je pense en matière de compétence économique des départements. Certains départements réclament de revenir à la clause générale de compétence, en particulier en période de crise. C'est notamment le cas des départements de l'est et des départements ligériens.
Sur le fond, nous y travaillons avec Régions de France. Nous avions d'ailleurs préparé un courrier au Premier ministre, mais la crise nous a obligés à différer nos propositions.
Il faut bien voir que certains départements n'ont pas les moyens de traiter la compétence économique, quand d'autres pourraient s'y engager à fond. Cela peut poser un problème d'égalité entre les territoires.
Quant à la proposition de M. Reichardt sur la CEA, je ne vois pas d'inconvénient à ce que l'on aille plus loin, tant que tout se fait dans le consensus.
Enfin, j'approuve les propositions de Mme Carrère sur une action commune auprès des banques.
Mme Sophie Joissains. - Je voudrais interroger M. Muselier sur les associations culturelles. Est-ce que le principe du maintien intégral des subventions qu'il a mis en oeuvre dans sa région a vocation à être étendu à l'ensemble des régions de France ?
M. Renaud Muselier. - Je ne me mêle en aucun cas des décisions souveraines de mes collègues présidents de région. En revanche, on échange beaucoup, et, en fait, on copie beaucoup les bonnes idées, en les adaptant aux spécificités locales.
Ma région est un peu spéciale. C'est la première région touristique de France après Paris. C'est une terre de culture, avec plus de 50 festivals, et nous nous trouvons face à un désastre. Nous avons donc choisi de maintenir la totalité des budgets consacrés à la culture de façon à ce que le secteur puisse repartir dès la fin de la crise. On essaie même d'imaginer une forme de reprise culturelle dès cet été, dans la mesure du possible. J'ai pu constater que les autres régions étaient un peu dans la même logique, pas forcément avec les mêmes moyens. Je m'en suis entretenu avec le ministre de la culture, à qui j'ai fait un certain nombre de propositions. J'ai avancé l'idée de proposer des contrats sur trois ans aux associations et compagnies
Ces propositions ont l'air d'avoir retenu son attention, ainsi que celle du Président de la République. Vous le voyez, les régions sont à la manoeuvre.
M. Philippe Bas, président. - Merci, messieurs, des éclairages que vous nous avez apportés.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible sur le site du Sénat.
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