- Mercredi 6 mai 2020
- Audition de Mme Catherine Guillouard, présidente-directrice générale de la RATP, sur les répercussions de la crise du Covid-19 et de l'après-crise au sein de la RATP (en téléconférence)
- Répercussions de la crise du Covid-19 sur les transports collectifs, ferroviaires et fluviaux - Communication de M. Didier Mandelli (en téléconférence)
- Gestion de la crise du Covid-19 et de l'après-crise en Île-de-France - Audition de Mme Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France (en téléconférence)
Mercredi 6 mai 2020
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -
La téléconférence est ouverte à 10h00.
Audition de Mme Catherine Guillouard, présidente-directrice générale de la RATP, sur les répercussions de la crise du Covid-19 et de l'après-crise au sein de la RATP (en téléconférence)
M. Hervé Maurey, président. - Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui Mme Catherine Guillouard, présidente-directrice générale de la RATP.
Madame la présidente, merci d'avoir accepté cette audition, qui nous paraissait particulièrement importante à quelques jours du déconfinement qui pose, on le sait tous, un certain nombre de difficultés et soulève des questions, tout particulièrement dans les transports publics, et plus précisément les transports publics parisiens.
Les incertitudes sont nombreuses, notamment en ce qui concerne le respect des règles de distanciation sociale. Le Gouvernement a d'ailleurs annoncé une réunion spécifique sur ce sujet avec le président de la SNCF à la fin de cette semaine.
Vous avez-vous-même exprimé vos craintes par rapport au respect de ces règles dans un courrier dont la presse s'est fait l'écho. Vous avez souligné que le respect de ces règles de distanciation sociale conduirait à ne pouvoir proposer que 2 millions de voyages par jour, contre 12 millions habituellement.
Tout ceci est complexe à mettre en oeuvre. On peut craindre de ne pas être en mesure d'accueillir un afflux de passagers trop important, une forte affluence pouvant donner lieu à des troubles à l'ordre public. C'est pourquoi vous avez souhaité que l'État fournisse des moyens humains pour éviter une telle situation.
C'est un des défis importants que vous avez à relever, mais il y en a d'autres, comme celui de la distribution des masques. Qu'est-il prévu aujourd'hui ? Comment allez-vous faire respecter cette obligation ? Le projet de loi actuellement devant le Parlement, qui prolonge l'état d'urgence sanitaire, donne aux agents de la RATP des pouvoirs pour contrôler et sanctionner le non-port des masques. Vous nous direz comment tout cela peut s'appliquer.
La question de savoir si vous avez envisagé la mise à disposition de solutions hydroalcooliques se pose également, comme c'est déjà le cas dans certains transports publics, et comme le souhaitent un certain nombre de voyageurs.
Le deuxième défi, qui est lié au premier, réside dans le volume de l'offre. Vous avez indiqué qu'environ 70 % de l'offre de transports serait assurée la semaine prochaine, et vous espérez qu'elle puisse progresser dès la semaine suivante. Toutefois, un certain nombre d'agents ne travaillent pas actuellement, soit parce qu'ils sont malades, soit parce qu'ils doivent garder leurs enfants. Vous nous direz où vous en êtes, quel est l'état du dialogue social à ce sujet et quelles sont les protections sanitaires que vous envisagez pour vos agents.
Enfin, le troisième et dernier défi est celui de l'impact économique et financier de la crise pour la RATP qui connaît une baisse de recettes, tant s'agissant des recettes voyageurs que des recettes publicitaires. On peut imaginer, comme cela s'est passé dans d'autres pays, que la baisse de fréquentation dans les transports publics dure un certain temps. Cela remettra-t-il en question le programme d'investissement d'environ 2 milliards d'euros par an que vous conduisez ?
Je vous laisse la parole. Didier Mandelli, notre référent qui suit les conséquences de la crise sanitaire pour les transports publics, vous interrogera ensuite. Il sera suivi par différents collègues qui ont d'ores et déjà manifesté le souhait de vous poser des questions.
Mme Catherine Guillouard, présidente-directrice générale de la RATP. - Je voudrais pour commencer faire partager à la communauté nationale que vous représentez la peine qui est la nôtre.
La RATP, comme toutes les grandes entreprises, n'a pas été épargnée par le virus. Nous comptons parmi nos 65 000 salariés huit collègues décédés des suites du Covid-19, six en France et deux au Royaume-Uni, dans des fonctions opérationnelles comme tertiaires.
Je me suis adressée à chacune des familles pour les assurer de notre solidarité dans cette épreuve. Un accompagnement personnalisé dans la durée a été mis en place. À ce jour, sept de nos salariés sont encore en soins intensifs, et nous avons répertorié 110 cas avérés de Covid-19 dans l'entreprise.
Cette crise est inédite par sa gravité et son ampleur. La RATP a mis en place dès le départ une gouvernance appropriée pour gérer une crise multidimensionnelle. Les impacts sont sanitaires, opérationnels, sociaux, logistiques et économiques.
Nous sommes un service public fondamental et, même en période de pandémie, à l'heure où beaucoup de nos concitoyens étaient confinés, les activités du groupe sont demeurées en ordre de marche. Elles sont en effet essentielles à la continuité des services indispensables aux agglomérations que nous gérons, et plus particulièrement en Île-de-France, où les transports en commun sont indispensables pour maintenir la continuité de l'activité dans des secteurs comme l'énergie, la sécurité, la santé, les commerces, ainsi que celle des services de la ville de Paris, comme la gestion des déchets ou le nettoyage.
La RATP a activé son plan « pandémie grippale » le 20 janvier, enclenchant une mobilisation de toutes les composantes de l'entreprise - médecine du travail, ressources humaines, fonctions d'exploitation, de maintenance et de sûreté -, qui ont permis d'assurer la continuité du service public des transports.
Depuis le début du mois de mars, une cellule réunit quotidiennement Île-de-France Mobilités, les médecins du travail et les opérationnels tous les matins. L'après-midi, le Comité exécutif (Comex) et le Comité de direction (Codir) étudient les sujets qui remontent. Chaque soir, la direction des ressources humaines rencontre les représentants des trois organisations syndicales représentatives. Nous travaillons également en étroite collaboration avec le secrétariat d'État aux transports et Île-de-France Mobilités.
Notre priorité absolue a été d'assurer la santé et la sécurité des salariés, en lien avec la médecine du travail, qui a guidé nos décisions et nos actes. Je pense en particulier à la décision de port permanent du masque par nos agents. Nous avons reçu une recommandation de la médecine du travail en ce sens le 6 avril. Avec l'accord de nos tutelles, nous avons pris la décision, le jour même, de faire porter le masque à nos salariés et avons déployé le dispositif logistique en 48 heures. La RATP a été ainsi la première entreprise de transports en commun à adopter le port du masque généralisé.
Nous avons également maintenu un dialogue social très nourri aux différents niveaux de l'entreprise, en transmettant des informations régulières aux instances représentatives du personnel, tant centrales que locales.
Nous avons en outre mis en place un important dispositif de communication interne pour permettre aux salariés d'être au courant des mesures de protection et de savoir ce que fait l'entreprise. Nous avons largement adopté le télétravail pour les fonctions le permettant.
Quant à l'offre de transport, le trafic a été extrêmement faible depuis la mi-mars. Sur le réseau ferré, nous avons enregistré 96 % de diminution des validations. Malgré cela, nous avons conservé en moyenne une offre de 30 % et également veillé à mettre en place un traitement ponctuel des situations de surfréquentation.
Dans un premier temps, nous avons augmenté les fréquences des premiers trains du matin, ainsi que des derniers Noctiliens.
Après avoir été alertés sur les situations de surfréquentation en Seine-Saint-Denis, nous avons, entre le 8 et le 27 avril, augmenté l'offre à trois reprises. La ligne 13 est ainsi passée de 30 à 50 %, les tramways de 30 à 67 % et les bus de 50 à plus de 70 % sur certaines lignes. Nous avons donc apporté la preuve de notre capacité d'adaptation dans un contexte extrêmement contraint.
Nous avons également essayé d'être solidaires avec les autres services publics. Nous avons imaginé et proposé un dispositif dédié au transport du personnel hospitalier, avec 22 lignes de bus réservées mises en place le 22 mars en lien avec l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris. Ce dispositif profite aujourd'hui également aux personnels des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Dès le début de la crise, nous avons travaillé sur les conditions de nettoyage. C'est un point central, à la fois pour que nos salariés puissent effectuer leur mission dans de bonnes conditions, mais aussi pour nos clients.
Nous avons augmenté nos effectifs de nettoyage de 30 % : avant la crise, nous employions 1 300 personnes ; nous disposons aujourd'hui de 1 700 prestataires. Nous sommes passés à un nettoyage deux fois par jour dans les métros et les RER.
À l'international, les équipes de RATP Dev sont extrêmement mobilisées sur des problématiques très similaires à celles que l'on connaît en Île-de-France, même si les situations sont différentes. Dans certains pays, comme l'Italie, la Suisse, le Maroc, le Royaume-Uni, voire dans certains États américains, le confinement a été imposé et le service réduit. Ailleurs, comme en Arabie Saoudite, en Afrique du Sud, en Algérie, à Doha ou aux Philippines, les gouvernements ont décidé d'arrêter les transports en commun. Dans les pays qui sont en train de sortir du confinement, comme Hong Kong, la situation s'améliore progressivement, mais une grande vigilance continue à s'exercer.
S'agissant des impacts à moyen et long termes, l'année dernière, la RATP a fait 5,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires et investi 2 milliards d'euros - 400 millions d'euros au titre de la Société du Grande Paris (SGP) et 1,7 milliard d'euros dans le cadre du contrat qui la lie à son autorité organisatrice, Île-de-France Mobilités.
Un arrêt des projets a été décidé par les entreprises de BTP. Notre priorité a été de mettre en sécurité celles et ceux qui travaillaient sur les chantiers et de sécuriser les emprises de chantier elles-mêmes.
Malgré tout, les équipes d'ingénierie et certains de nos prestataires, comme Alstom, ont travaillé sur les chantiers pendant la crise. Nous avons notamment essayé de préserver les essais de deux projets qui nous tiennent particulièrement à coeur, l'automatisation de la ligne 4 et celui de la ligne 14 Nord.
Les équipes sont arrivées à basculer le poste de commande et de contrôle centralisé (PCC) de la ligne 4 dans la nuit du samedi 2 au dimanche 3 mai, ce qui constitue un pas très important pour l'automatisation.
Une phase de redémarrage est engagée depuis quelques jours, avec la tenue de réunions sur l'ensemble des chantiers. Toutes les opérations ont été revues pour intégrer le respect des mesures barrières. Les chantiers des différentes lignes vont progressivement reprendre. Deux des trois tunneliers du prolongement de la ligne 14 jusqu'à Orly ont ainsi redémarré le 27 avril.
À cette date, il est encore trop tôt pour estimer l'impact de la crise sur les coûts et les délais. Les impacts financiers à moyen terme vont sans doute être durables étant donné les scénarios macroéconomiques qui se dessinent. En 2019, malgré les grèves, qui nous ont coûté 150 millions d'euros, nous sommes parvenus à un résultat net de 131 millions d'euros. Hors grèves, notre résultat net était en croissance de 40 %. Nous avons donc fini l'année sur de solides bases.
À ce stade, les pertes de recettes sur le réseau de la RATP entre la mi-mars et le 11 mai s'élèvent à 320 millions d'euros, dont 285 millions d'euros de pertes de recettes directes qui, en vertu de notre contrat de délégation de service public avec Île-de-France Mobilités, font l'objet d'une clause de partage intégrant notamment les mesures commerciales décidées par Île-de-France Mobilités, comme le remboursement du mois d'avril et du début du mois de mai aux détenteurs d'un pass Navigo annuel, et 35 millions d'euros de pertes de recettes annexes.
On ne sait pas quel va être le rythme de déconfinement de l'économie, mais nous estimons que l'impact de la crise sur les résultats de la RATP en 2020 pourrait atteindre 300 à 350 millions d'euros, auxquels viendront s'ajouter 60 millions d'euros d'impact des grèves de janvier, soit un total compris entre 350 et 400 millions d'euros, à condition que notre contrat de délégation de service public soit respecté par Île-de-France Mobilités, ce qui est essentiel.
Nous sommes en train d'élaborer un plan d'économies pour essayer d'amortir ces impacts, mais ce ne sera qu'en partie le cas, étant donné les montants colossaux qu'ils représentent. Dès le début du mois de mars, nous avons sécurisé notre trésorerie avec d'importantes émissions à court et long termes sur les marchés financiers, des durations de 30 ans pour 2,4 milliards d'euros, des billets de trésorerie à des conditions favorables, qui reflètent d'ailleurs la qualité de notre signature et la confiance des investisseurs.
Nous avons également négocié un prêt de 800 millions d'euros avec nos principales banques. Notre position de trésorerie est solide pour traverser cette crise, à condition que nous ne nous retrouvions pas dans un scénario totalement catastrophique.
La situation est très compliquée pour notre principale autorité organisatrice, Île-de-France Mobilités, qui est confrontée à la baisse des recettes voyageurs et subit la chute du versement mobilité acquitté par les entreprises.
Ce qui nous inquiète le plus, c'est la possible désaffection des voyageurs pour les transports en commun. C'est ce que l'on constate dans les pays d'Asie qui sortent du déconfinement et qui voient leurs recettes à peu près divisées par deux.
Néanmoins, nous sommes tous convaincus que le transport collectif est un pilier de la stratégie de la transition écologique du pays. Il sera donc probablement nécessaire de mettre en place des mesures de soutien à la filière, et en particulier aux autorités organisatrices.
Par ailleurs, le Comex de la RATP a commencé à engager une réflexion sur l'après Covid-19 autour d'un certain nombre de thématiques, qu'il s'agisse de notre stratégie d'approvisionnement, de la place du télétravail, du rôle des managers dans la crise, et surtout de la nécessité de placer notre politique propreté au coeur de notre stratégie, en cessant de la considérer comme un volet de notre expérience client.
Le troisième sujet majeur est celui de la préparation du déconfinement. Nous nous y sommes activement préparés depuis l'allocution du Président de la République du 13 avril avec, en ligne de mire, l'échéance du 11 mai.
De nombreux travaux ont eu lieu, en interne tout d'abord, puis avec Île-de-France Mobilités et les autres opérateurs de transport, sous l'égide du secrétaire d'État aux transports, Jean-Baptiste Djebbari, et de la préfecture de région d'Île-de-France ainsi que du préfet Michel Cadot. Nous avons dû faire preuve d'une extrême réactivité, le cadrage de l'État sur le port du masque dans les transports en commun ayant été rendu il y a à peine huit jours.
Paradoxalement, notre principale préoccupation est aujourd'hui le retour des voyageurs. En effet, si celui-ci n'était pas maîtrisé, nous courons le risque de connaître des situations de promiscuité. Il est donc impératif d'agir drastiquement sur la demande de transport.
Plusieurs outils sont à la disposition de l'ensemble des parties prenantes. Le premier est le télétravail, qui doit demeurer au même niveau que pendant la période de confinement. C'est ce que va faire la RATP, et j'appelle l'ensemble des entreprises à faire de même. Le deuxième outil à notre disposition, c'est l'étalement des heures de pointe, qui est pour nous nécessaire. La RATP et Île-de-France Mobilités sont favorables à un mécanisme de certificat accordé par l'employeur, permettant de vérifier les horaires des déplacements.
Le troisième élément nous appartient : il s'agit de l'offre. Nous allons, dès le 11 mai, augmenter l'ensemble de nos capacités disponibles. Notre offre sera de 75 % en moyenne pour le métro. Nous avons essayé de préserver les lignes les plus chargées. Nous serons à 85 % sur la ligne 13, à 100 % sur les lignes automatiques 1 et 14. Quant aux RER A et B, en coproduction avec la SNCF, ils fonctionneront à 75 %. On estime que le réseau de bus sera également de 75 %. Quant aux lignes de tramways, leur service sera assuré entre 80 et 100 %.
Nous sommes conscients que cette crise sanitaire est un défi sans précédent pour les transports en commun. Le Groupe RATP a engagé des moyens très significatifs pour renforcer les conditions sanitaires de transport de ses clients. Nous avons doublé le nettoyage sur le métro, le RER, les stations, les gares et les gares routières. Le nettoyage des bus est devenu journalier. Nous déployons actuellement de nouvelles solutions pour ce nettoyage, notamment un procédé de nébulisation inspiré des pratiques aéronautiques, qui permet la vaporisation de gouttes de produit virucide. Il est testé depuis le 27 avril sur deux de nos centres, soit 420 bus, et nous sommes en train de travailler jour et nuit pour pouvoir le déployer complètement d'ici le 11 mai.
Nous faisons le maximum pour réussir en quelques semaines à changer complètement notre politique de nettoyage des bus, en mettant en place des processus industriellement robustes et capables de traiter une flotte aussi vaste que la nôtre. Je rappelle que nous possédons 4 700 bus et 25 centres bus.
Nous avons aussi commencé à expérimenter cette nébulisation sur les matériels roulants ferrés en réalisant un test sur les lignes 1 et 13, mais c'est plus compliqué.
Nous maintiendrons le nettoyage renforcé, même si le nombre de trains, de bus et de tramways en circulation double. Mécaniquement, notre budget nettoyage est en train de changer de dimensions. En 2019, il était de l'ordre de 90 millions d'euros. Si nous maintenons le haut niveau actuel, ce budget augmentera probablement de 70 %, pour attendre environ 160 millions d'euros en 2020. Ce n'est qu'une estimation. À cela s'ajoutent 55 millions de produits sanitaires qu'il nous faut acheter.
Nous allons mettre à la disposition des voyageurs des distributeurs de gel hydroalcoolique dans les stations et les gares de forte affluence dès le 11 mai. Nous commencerons par déployer une cinquantaine de bornes. Nous allons également demander à des agents de procéder à des distributions de gel hydroalcoolique auprès des voyageurs, durant les heures de pointe, dans les stations les plus fréquentées.
Nous allons aussi proposer des masques et du gel dans les distributeurs et les commerces du réseau. D'ici mi-juin, nous avons un programme de déploiement de plus de 1 000 distributeurs de gel hydroalcoolique sur le réseau.
Nous sommes en lien avec Île-de-France Mobilités et l'État pour assurer la mise à disposition des voyageurs, dans les premiers jours qui suivront le 11 mai, et uniquement en appoint, de masques chirurgicaux ou en tissu.
À la suite de l'arbitrage rendu il y a huit jours, nous sommes en train de déployer sur le réseau de façon accélérée une signalétique adaptée pour favoriser la distanciation physique, en libérant un siège sur deux sur les quais et dans les véhicules, avec des marquages au sol afin de laisser une distance entre les voyageurs. Nous avons produit en moins de quinze jours un million d'autocollants que nous sommes en train d'apposer partout sur le réseau.
Ces actions n'auront de sens et d'efficacité que si les voyageurs adoptent dans le même temps de nouveaux réflexes. Il ne faut pas se le cacher : la crise du Covid-19 nécessite le civisme et l'effort de chacun. C'est pourquoi le respect des mesures barrières, le port permanent du masque, l'achat à distance des titres de transport quand il est possible, la limitation des déplacements, en particulier aux heures de pointe, et la préférence pour les solutions alternatives sont très importants.
Sur ce dernier point, nous avons testé, durant les grèves relatives au conflit des retraites, un partenariat avec des opérateurs de nouvelles mobilités, qui nous avait permis de transporter 500 000 voyageurs par jour. Nous allons le remettre en vigueur et avons lancé un appel d'offres en ce sens. Nous pensons pouvoir disposer d'une quinzaine d'acteurs et proposer des VTC, des trottinettes, des scooters, des locations de vélos, des vélos en free-floating et des réparations de vélo.
Nous avons aussi, depuis hier, décliné un « pacte voyageurs » qui va détailler les nouveaux réflexes que devront adopter nos clients, comme le respect de la distanciation sociale, et surtout le port du masque.
La priorité de santé et de sécurité, impérative pour nos agents, qui sont maintenant masqués, vaut bien sûr pour les voyageurs. Nous nous sommes portés volontaires pour assister les forces de l'ordre dans le contrôle de cette obligation, notamment avec le Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR), sous réserve de disposer des textes nécessaires. Je sais que le Gouvernement y travaille.
Enfin, nous sommes en train de travailler avec notre autorité organisatrice, les autres opérateurs et nos tutelles, sous l'égide du préfet de région, sur un plan de transport pour les semaines à venir.
Nous attendons le cadrage définitif de l'État, notamment à travers la parution du décret qui déterminera les modalités du déconfinement.
Le problème majeur est celui de la gestion des flux. Nous allons faire tout notre possible pour concilier les objectifs fixés par le Gouvernement avec nos propres contraintes opérationnelles. Notre réseau représente 12 300 arrêts de bus, 93 gares routières, 368 stations de métro et de RER et 184 arrêts de tramway. C'est l'un des réseaux les plus denses d'Europe. Notre flotte de matériel roulant est constituée de 4 700 bus et 5 800 rames de métro, RER et caisses de tramway.
Le 11 mai, nous essaierons de mettre en place le maximum d'effectifs disponibles, avec des renforts d'agents de sécurité privés. Environ 3 000 agents interviendront dans la journée pour assurer la canalisation des flux.
Étant donné l'ampleur du réseau, ces effectifs ne sont pas suffisants pour filtrer systématiquement les voyageurs sur l'ensemble du réseau à l'entrée de nos emprises, sur la voie publique. Nous avons donc besoin du concours des forces de l'ordre et de tous les renforts possibles pour nous aider à faire respecter la distanciation sociale.
Nous devrons faire des choix en matière de renforts de police à certains endroits stratégiques du réseau, de fermeture de stations et de concentration de moyens de gestion des flux sur les réseaux ferrés et les tramways. Malgré nos efforts concernant l'offre de transport, la communication sur le respect des mesures barrières, le télétravail, les modes alternatifs et l'étalement des heures de pointe, la grande inconnue demeure les flux entrants dans nos réseaux le 11 mai et dans les semaines à venir.
On l'a dit, pour respecter la distanciation sociale, on devrait limiter notre capacité d'emport de voyageurs à environ 15 % de la normale. Dans ce contexte fortement contraint, la RATP s'efforce en un temps record de mettre en place un programme de mesures d'accompagnement des voyageurs pour favoriser la distanciation physique. Nous mobilisons tous nos moyens, même si l'on ne peut pas s'engager sur le respect permanent et en tout point des distances de sécurité, étant donné la taille du réseau.
Nous ne manquerons pas de signaler les situations difficiles à notre autorité organisatrice et aux services de l'État, afin que des décisions de renfort soient prises si nécessaire - notamment en matière de forces de l'ordre -, voire d'arrêt si la situation devait le justifier.
Nous sommes donc l'arme au pied pour réussir ce déconfinement avec l'ensemble des parties prenantes. Nous avons été au rendez-vous de notre mission de service public depuis le début de la crise. Je tiens à rendre hommage aux collaborateurs de la RATP qui ont assuré la continuité de service sans relâche et à l'encadrement pour son engagement sans faille, notamment dans le domaine opérationnel et les ressources humaines.
Nous vivons, depuis six mois, une gestion de crise permanente. Nous avons connu 50 jours de conflit lors des manifestations liées au projet de loi sur les retraites, qui se sont achevées le 15 janvier, et sommes rentrés dans la phase prépandémique le 20 janvier.
Plus que jamais, nous aurons besoin du service public des transports en commun. Nous sommes innovants, engagés dans la transition énergétique. Nous sommes socialement responsables, et je pense que c'est de cela aussi que l'économie de notre pays va avoir besoin.
M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie et vous félicite pour le travail que vous menez pour préparer l'échéance du 11 mai. On mesure, en vous écoutant, toutes les difficultés auxquelles vous avez à faire face, et on se rend compte qu'il sera très difficile de veiller à ce que les règles de distanciation sociale soient respectées dans les wagons. Il n'y aura pas, dans chaque rame, une personne chargée de veiller au respect des règles. C'est donc une inquiétude.
Mme Catherine Guillouard. - Il est obligatoire de favoriser cette distanciation. Le nombre de nos matériels roulants s'élève à 5 800. Vous connaissez l'étendue du réseau. On a proposé un certain nombre de scénarios dans lesquels le recours à des forces extérieures est très important. Valérie Pécresse l'a d'ailleurs évoqué : il existe un scénario qui nécessite 5 000 personnels extérieurs à la RATP. On est en train de s'organiser de façon à faire en sorte que cette obligation de moyens renforcés soit respectée au mieux, mais tout dépendra des flux entrants, d'où mon appel à la poursuite du télétravail.
La RATP met en place un ensemble de dispositions pour favoriser les dispositifs sanitaires à l'intérieur du réseau et la distanciation sociale. Il existe cependant des contraintes qui nous obligent à permettre la reprise de l'activité économique, tout en respectant les règles sanitaires. Nous allons tout faire pour essayer de concilier les deux, mais nous ne pourrons disposer du personnel dans chaque wagon. Nous n'avons pas les effectifs suffisants.
Il s'agit aussi d'une question de discipline de la part des usagers. Nos équipes sont prêtes à assurer la canalisation des flux. Nous les placerons aux endroits stratégiques. Elles seront concentrées dans les tramways et le réseau ferré. Les bus fonctionneront avec des règles de distanciation, mais on ne peut là non plus prévoir une personne dans chaque bus.
M. Hervé Maurey, président. - On l'a bien compris !
M. Didier Mandelli. - Je tiens à vous remercier, vous et l'ensemble de vos équipes, pour votre engagement dans cette crise qui, vous l'avez évoqué, fait suite à la précédente. Vous êtes donc soumis depuis quelques mois à une situation de crise permanente.
Les informations que vous nous avez communiquées nous permettent de prendre conscience de l'ampleur du problème des transports en Île-de-France.
Ma première question concerne le dialogue social. Vous avez des rendez-vous réguliers avec les organisations syndicales. Certaines difficultés à faire respecter les mesures barrières ont pu être exprimées par vos salariés. Des réticences existent-elles encore à quelques jours de la reprise ?
Ma deuxième question porte sur les flux et les mesures de distanciation physique. Comme d'autres opérateurs, vous avez estimé avoir besoin d'environ 5 000 personnes supplémentaires pour assurer la sécurité des accès aux transports. Vous avez également parlé de 3 000 agents de la RATP. Ces 5 000 personnes s'ajoutent-elles aux 3 000 que vous avez d'ores et déjà mobilisées ?
À ce stade, le ministère de l'intérieur ou la préfecture de police vous ont-ils apporté des engagements ?
Enfin, à combien vont s'élever les pertes de recettes de votre filiale RATP Dev ? Comment se comporte-t-elle dans le cadre de cette crise, que vous devez gérer à l'échelle internationale, avec des spécificités propres à chaque pays ?
Mme Catherine Guillouard. - Nous avons entamé un round de discussions avec nos instances de représentation du personnel dès la semaine dernière à propos du déconfinement. Nous avons présenté notre stratégie.
Cette semaine s'enclenche un deuxième round. Nous explicitons toutes les mesures que nous sommes en train de prendre. En revanche, je ne peux encore donner le scénario précis du plan de transport aux organisations syndicales, puisque je n'en dispose pas encore moi-même. Ainsi que je l'expliquais, nous attendons le décret qui va organiser le déconfinement et un retour de notre autorité organisatrice et de l'État.
Les agents de la RATP ont démontré durant la crise leur attachement aux valeurs du service public. Ils ont bien compris que le redémarrage était essentiel à l'économie. Il est normal que nous nous préoccupions de leur sécurité. Nous avons pris toute une série de mesures sanitaires à cette fin.
Notre politique interne en matière de protection sanitaire des salariés repose sur le triptyque constitué par : les masques, les gestes barrières et la distanciation physique, le tout étant piloté en lien avec les médecins du travail.
Nous avons par exemple décidé de doter nos agents de quatre masques par jour, deux masques chirurgicaux ou en tissu pour l'activité journalière et deux autres pour l'aller-retour entre leur domicile le travail.
Nous avons constitué des stocks importants qui nous permettent d'avoir six à sept semaines de visibilité. Le plan pandémie de la RATP reposait sur des masques FFP2. La totalité de nos masques a été réquisitionnée mi-mars pour les personnels hospitaliers, ce qui était tout à fait normal mais nous a obligé à reconstituer notre stock.
Nous faisons le point avec nos trois organisations représentatives du personnel tous les jours depuis la mi-mars. Toutes les problématiques nous remontent en flux tendu et régulier, ce qui permet aux représentants syndicaux d'être très précisément tenus au courant de la gestion de la crise.
Le 11 mai, 3 000 personnes seront exclusivement dédiées à la canalisation des flux afin de faire respecter la distanciation physique. Nous nous sommes adjoint la participation d'environ 150 personnels de sécurité extérieurs, et nous aurons dans l'avenir de plus en plus recours à ce dispositif. Nous allons nous focaliser sur la canalisation des flux en sous-sol au niveau des grands pôles de correspondance. Nous avons à ce sujet tiré profit du retour d'expérience qui a suivi les dernières grèves.
Nous comptons sur les forces de police pour nous aider, à l'extérieur des emprises, à canaliser les flux entrants dans les stations. Tout dépend de la taille du plan de transport et du niveau d'exigence qu'on va avoir sur le filtrage à l'extérieur des stations. Nous sommes en état de le faire nous-mêmes pour un certain nombre d'entre elles. Nous avons besoin d'effectifs de police complémentaires : trois scénarios ont été élaborés qui évaluent les besoins entre 1 000 et 5 000 personnes.
Je ne suis pas en état d'apporter des précisions, à ce stade, sur la réponse du ministère de l'intérieur à cette demande.
Nous travaillons de façon très étroite avec la préfecture d'Île-de-France et le préfet de police de Paris. J'ai eu l'occasion de remercier plusieurs fois le préfet Lallement pour son soutien lors des événements liés au conflit social. La brigade des réseaux ferrés (BRF) travaille de façon extrêmement étroite avec le GPSR et la Sûreté ferroviaire (SUGE). Je n'ai pas de doute sur le fait que nous serons entendus.
RATP Dev est aujourd'hui dans une situation extrêmement complexe. Il faut en effet répondre aux autorités organisatrices internationales qui nous réclament des dispositifs différents. Il faut donc être capable de s'adapter, et de prendre toutes les mesures de sauvegarde sanitaire de préservation des salariés.
Il faut également préparer l'avenir. C'est ce qu'a essayé de faire le Comex du groupe RATP, qui a mis en place des binômes qui doivent chacun travailler sur un axe post-pandémie.
L'impact pour RATP Dev est aujourd'hui assez fort. Il dépendra de la renégociation des contrats avec les autorités organisatrices.
Par ailleurs, les appels d'offres n'ayant pas été décalés, nous travaillons activement au niveau de RATP Dev, comme au niveau de l'EPIC, sur les appels d'offres relatifs aux lignes 16 et 17 Les appels d'offres relatifs aux bus pour la grande couronne n'ont pas davantage été repoussés. Une partie de nos entreprises est donc concentrée sur des objectifs de conquête commerciale, malgré la crise.
La RATP attend des textes clés pour l'ouverture à la concurrence des bus liés à la loi d'orientation des mobilités, qui sont en train de prendre du retard. Si la crise perdure, les choses vont être extrêmement difficiles à gérer.
M. Olivier Jacquin. - Je vous félicite pour votre mobilisation et celle de vos équipes.
Vous avez déclaré que le respect de la distanciation physique impliquera une réduction de la capacité de transport, qui sera seulement de 10 à 20 %. Quel est le nombre de représentants des forces de l'ordre dont vous auriez besoin pour garantir le respect des mesures sanitaires ?
Êtes-vous favorable à des mesures plus fortes, comme le port d'une attestation permettant l'accès aux réseaux de transports aux heures de pointe les premiers jours ? Il serait désastreux que l'Île-de-France soit bloquée par des centaines de kilomètres de bouchons dès lundi ou d'assister à une cohue dans le RER ou dans les bus.
Par ailleurs, vous avez précisé qu'il existait dans la délégation de service public un accord avec l'autorité organisatrice en matière de perte de recettes, à condition que ce contrat soit respecté. Éprouvez-vous des inquiétudes sur ce dernier point ?
Le modèle économique de la RATP repose sur des pass Navigo forfaitaires. Qu'en est-il des possibilités pour les détenteurs d'un abonnement annuel de se faire rembourser, notamment à distance s'agissant des provinciaux ?
Enfin, vous avez estimé qu'il allait être compliqué de tenir les dates du calendrier de l'ouverture à la concurrence. En souhaitez-vous le report, voire l'annulation ?
M. Jean-François Longeot. - Je vous remercie ainsi que l'ensemble de vos équipes pour le travail effectué.
Les pays asiatiques ont eu tendance, lors du déconfinement, à préférer la voiture individuelle aux transports en commun. En France, il est malheureusement à craindre qu'après le 11 mai, les précautions qui seront prises dans les transports en commun - obligation du port du masque, filtrage des flux de voyageurs, désinfection des bus et des rames de métro - dissuadent un certain nombre d'usagers de recourir aux services de la RATP.
Ces derniers pourraient alors se reporter en masse sur la voiture individuelle. Ceci apparaît en pleine contradiction avec les exigences écologiques. J'aimerais que vous nous précisiez votre sentiment sur l'avenir des transports en commun après cette crise.
Mme Marta de Cidrac. - Tout comme mes collègues, je mesure la complexité de la situation que vous devez gérer, et je vous remercie pour votre mobilisation et vos explications.
Vous avez dit que la trésorerie de la RATP ne vous inquiétait pas - ou qu'elle ne vous inquiétait plus. Ces derniers jours, la presse a évoqué un document de travail tablant sur 500 millions à 1 milliard d'euros de pertes. Or la RATP a été pénalisée par les perturbations qui sont intervenues lors des grèves contre la réforme des retraites. Je souhaiterais donc que vous nous apportiez quelques explications à ce sujet.
Comme beaucoup d'entreprises, la RATP fait face à une situation inédite et doit continuer à investir, même pendant la crise. Pouvez-vous revenir sur les conséquences économiques qui vont vous toucher directement ? Cela remet-il en cause votre future stratégie d'investissement même si, dans l'immédiat, vous nous avez rassurés au sujet des appels d'offres en cours ?
Par ailleurs, le Gouvernement a, tout comme vous, évoqué la fermeture de certaines stations afin de réguler les flux, ce qui peut sembler contradictoire avec la volonté d'éviter la massification à certains endroits. Cela ne constitue-t-il pas un certain paradoxe, alors qu'on risque de se retrouver avec moins de transports après le confinement que pendant ? Enfin, pouvez-vous nous assurer que les stations, les correspondances et les lignes les plus fréquentées, comme le RER A, par exemple, ne seront pas touchées par de possibles fermetures de stations ?
M. Alain Fouché. - Madame la présidente, le fait qu'il y ait moins de transports en commun à la sortie du confinement m'inquiète beaucoup. Il existe en effet des risques de bousculades, qui peuvent se révéler dangereuses. Je pense aux provinciaux et aux banlieusards qui arrivent à la gare Saint-Lazare...
En ce qui concerne les bus, vous savez comme moi que certains usagers entrent par la porte du milieu. Le chauffeur sera seul pour gérer cette situation. Avez-vous prévu un système de traçage au sol ou de barrières afin d'obliger les voyageurs à pénétrer dans le bus par l'avant et éviter les bus surchargés, avec des personnes debout côte à côte ?
M. Jean-Michel Houllegatte. - Merci pour votre mobilisation ainsi que celle des équipes de la RATP pour assurer la continuité des missions du service public.
L'année 2020 sera une année budgétairement très difficile. Envisagez-vous, à l'image de la SNCF, de demander une aide à l'État pour passer ce cap difficile ?
Jean-Pierre Farandou n'a pas exclu l'éventualité d'un non-renouvellement automatique des départs en retraite. Est-ce le cas pour le groupe RATP ?
Enfin, votre stratégie à l'international peut-elle être remise en cause ? Ne prévoyez-vous pas à terme des cessions d'actifs afin de redonner de la trésorerie au groupe ?
Mme Catherine Guillouard. - Monsieur Jacquin, je confirme tout d'abord le chiffre : notre capacité d'emport est de l'ordre de 15 %. En matière de renforts de police, plusieurs scénarios ont été proposés à notre autorité organisatrice et à l'État. Ces renforts étaient compris entre 700 et 2 000 policiers en fonction des scénarios. Celui qui s'appliquera n'a pas encore été déterminé.
Je pensais avoir été claire concernant l'attestation : nous y sommes favorables. Nous pensons qu'une attestation de l'employeur qui établit des déplacements, avec une fenêtre horaire, est un facteur de régulation de la demande.
S'agissant du contrat de délégation de service public qui nous lie à Île-de-France Mobilités, la RATP a fait valoir le cas de force majeure. Notre autorité organisatrice a indiqué qu'elle étudiait la mise en oeuvre de l'article 111 de ce contrat, qui conduirait à renégocier ce contrat qui porte sur la période 2015-2020. La RATP estime que les conditions juridiques pour l'application de cet article ne sont pas réunies, le contrat ne devant pas se lire sur les trois derniers mois mais sur l'ensemble de sa durée d'exécution, qui a démarré en 2015.
Ce contrat comporte par ailleurs une clause fondamentale, celle du partage du risque de recettes. La RATP ayant surperformé depuis 2015, le partage de risques lui est aujourd'hui très favorable, ce qui pose une difficulté financière à notre autorité organisatrice. En effet, celle-ci va devoir, si elle applique le contrat, prendre une part très importante du risque de recettes, alors qu'elle enregistre une diminution du versement mobilité.
C'est ce qui explique ce caveat : si le contrat s'applique, les projections que j'ai indiquées constituent nos meilleures estimations à date. On n'est pas dans le même scénario si le contrat ne s'applique plus et que la RATP doit supporter l'intégralité des pertes de recettes.
Concernant l'ouverture à la concurrence, l'État et l'autorité organisatrice considèrent que le calendrier doit être maintenu. Nous respectons cette décision. Il va cependant falloir que les décrets soient publiés afin que nous puissions nous préparer dans de bonnes conditions.
Le sénateur Longeot m'a interrogée sur les pays asiatiques et le recours à l'automobile. C'est effectivement un des gros risques de cette crise. Nous avons signé une tribune sur la transition écologique avec plusieurs autres chefs d'entreprise français. Nous sommes convaincus que le pire serait de sortir de cette crise avec des transports publics affaiblis. Je rappelle que l'émission de CO2 d'un métro ou d'un RER au kilomètre est de 3 à 4 grammes, contre 160 à 170 grammes pour l'automobile.
Il nous appartient donc de faire revenir les voyageurs sur nos réseaux. Je suis évidemment inquiète pour l'avenir des transports. Il suffit de regarder les chiffres. Depuis le début de la crise, la participation à la création de valeur ajoutée des transports dans le PIB français a diminué de 14 %. Le fret se porte plutôt bien, mais les transports en commun se sont effondrés.
Grosso modo, la fréquentation dans les transports en commun a baissé de 80 % dans les métropoles européennes et américaines, de 70 % à Singapour, de 50 % à Séoul, de 70 à 80 % à New York, de 90 à 95 % à Madrid et Paris. L'ensemble des parties prenantes doit donc apporter son soutien à la filière. Un important sujet de financement se profile à l'horizon si la fréquentation demeure aussi basse.
Pour ce qui est de la trésorerie, je serai « cash » - et c'est un jeu de mots volontaire : nous avons publié un communiqué de presse le 9 avril pour démentir formellement les informations de France Info. Elles sont basées sur des documents mal lus et mal compris, et sont totalement inadmissibles s'agissant de documents à l'usage du seul conseil d'administration. Le fait que celui-ci compte 27 membres démontre combien la situation est difficile à gérer.
Nous avons effectué un rappel à l'ordre extrêmement strict et contacté l'Autorité des marchés financiers (AMF), ainsi que nos agences de notation. Ces informations ne reflètent absolument pas la situation réelle de l'entreprise, dont la trésorerie disponible s'élève, au 5 mai, à 2,8 milliards d'euros.
Nous avons par ailleurs émis pour 480 millions d'euros d'obligations à 30 ans, le 13 mars et le 20 avril. Ces obligations ont été émises à un coût compétitif de 0,95 % et 1,07 %, soit un coût d'emprunt sur cette période extrêmement bas. Cela prouve également la qualité de la signature de la RATP.
Nous sommes actuellement notés Aa2 chez Moody's et AA chez Fitch, avec une perspective stable. Cette fuite, qui s'appuie sur de faux chiffres, démontre que la personne qui a commis cet acte n'a rien compris aux documents qu'elle avait en main.
Nous avons également émis 1,9 milliard d'euros de billets de trésorerie, dont 778 millions d'euros avant la fermeture des marchés. Nous avons relevé 850 millions d'euros depuis, 300 millions d'euros fin avril, et nous nous sommes couverts par une ligne de crédit de facilité. Le programme de rachat sur le marché secondaire mis en place par la Banque de France nous est extrêmement utile en ces temps de crise.
La situation de l'entreprise est donc solide et devrait nous permettre de traverser la crise si les conditions demeurent les mêmes et que le partage des recettes avec Île-de-France Mobilités est bien appliqué.
La stratégie d'investissement constitue un sujet important. Pour l'instant, nous avons redémarré nos projets au maximum. Les chantiers sont en train de repartir. Nous avons, entre le 23 avril et le 4 mai, repris les travaux sur la ligne 11. Nous les engagerons à nouveau sur la ligne 12 le 11 mai. La ligne 14 Nord a repris depuis le 4 mai, ainsi que la ligne 14 Sud.
Les travaux de rénovation des gares ont aussi commencé. Tout va maintenant dépendre de la situation financière des acteurs. Des choix d'investissement seront peut-être à opérer si la situation financière est extrêmement dégradée. Ce sujet est devant nous et dépendra des éléments de soutien que l'État apportera à la filière du transport public urbain en France.
Certains, comme l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), portent l'idée que le Green Deal européen devrait comporter des investissements destinés à aider les transports publics urbains.
53 stations sont aujourd'hui fermées sur le réseau. Notre objectif, comme je l'ai dit, est de proposer le maximum d'offre. Il faut cependant être clair : tout dépendra des renforts que nous allons obtenir. Nous serons peut-être amenés à fermer des stations, mais cela ne signifie pas que nous allons baisser l'offre. Il y aura au contraire beaucoup plus de transports en commun qu'aujourd'hui, puisque nous allons monter notre offre à une moyenne supérieure à 70 %.
Pour ce qui est des bus, vous avez raison : le chauffeur ne pourra pas gérer la situation. Nous sommes aujourd'hui à J - 5 du déconfinement. À ce stade, l'entrée par l'avant est interdite par le décret du 23 mars, qui est la seule règle applicable en attendant le futur décret sur le déconfinement qui sortira, je l'espère, le plus tôt possible. Nous réaliserons bien évidemment un marquage dans les bus, non seulement sur les sièges, mais également au sol.
Le sénateur Houllegatte m'a posé la question de l'aide d'État. Pour l'instant, nous ne pensons pas y avoir recours, mais tout dépendra de l'évolution de la situation économique des mois qui viennent. Étant donné l'effet cumulé du Covid-19 et des grèves de janvier, nous pourrions atteindre une perte de 300 à 400 millions d'euros. Cela reste notre meilleure estimation à date.
S'agissant de RATP Dev, qu'on ne se méprenne pas : il s'agit d'un acteur solide du marché. Nous n'envisageons pas, à ce stade, de céder des actifs. Nous sommes dans une dynamique commerciale extrêmement positive. RATP Dev a gagné énormément d'appels d'offres ces deux dernières années, en France comme à l'international.
La filiale a pris toute une série de mesures pour réduire ses coûts. On est plutôt là dans une perspective de contingentement des coûts et de poursuite de l'activité de développement. Nous sommes ainsi en compétition pour l'appel d'offres de Dubaï.
Il n'est pas prévu de plan de suppression d'emplois à ce stade. Nous allons évidemment contingenter toutes les entrées dans le groupe, ainsi que nous l'avions déjà fait, et faire pleinement jouer notre effet de noria concernant les départs à la retraite pour toutes les fonctions support.
Nous avons des obligations en matière opérationnelle. Si les plans d'investissement sont bien maintenus, nous devons impérativement augmenter nos effectifs de maintenance pour répondre aux plans de développement qui nous sont réclamés par notre autorité organisatrice.
Tant que la remise en cause du plan d'investissement n'est pas chiffrée et actée, nous ne voulons pas perdre des compétences dans des secteurs où nous en avons besoin - développement de projets d'ingénierie, d'extension et surtout de modernisation industrielle pour permettre aux nouveaux matériels, comme le RER B, d'être mis en route.
M. Guillaume Chevrollier. - Je souhaite tout d'abord vous féliciter, ainsi que la RATP, pour votre action en faveur des plus faibles, notamment les SDF, grâce au Recueil social. Cette crise sanitaire doit aussi nous rappeler notre devoir d'humanité.
J'aimerais vous interroger sur la culture du risque au sein du groupe RATP. Sur quelle organisation repose-t-elle ? Aviez-vous envisagé ce type de crise sanitaire ? Comment la gérez-vous, notamment par rapport aux précédents du SRAS en Asie, où il existe des zones urbaines très denses et des transports collectifs ? À ce stade, quels enseignements tirez-vous de la situation ?
Par ailleurs, s'agissant du « jour d'après », comment concilier le plan d'économies avec les pertes importantes et le plan de relance ? Quelles propositions faites-vous en matière de ville durable et résiliente, l'un des objectifs que vous aviez évoqué lorsque vous étiez venue devant notre commission, le 9 juillet 2019 ? Avez-vous des propositions plus précises en matière de gestion des flux de passagers dans les métropoles, qui sont à réguler ?
Sur quels travaux pouvez-vous vous appuyer pour recourir encore davantage aux nouvelles technologies et à l'intelligence artificielle, tout en respectant les libertés publiques auxquelles le Sénat est naturellement très attaché ?
M. Patrick Chaize. - Je souhaiterais revenir sur deux sujets. Le premier concerne le courrier du 30 avril que vous avez adressé au Gouvernement mentionnant le fait que les règles de distanciation ne pouvaient pas être respectées. Que pouvez-vous nous dire sur ce sujet ?
Par ailleurs, vous l'avez dit, vous êtes face à un paradoxe : votre entreprise aurait besoin de transporter beaucoup de passagers, alors que la crise tend à éloigner l'utilisateur de vos réseaux. Avez-vous pu définir un seuil de viabilité ?
M. Hervé Maurey, président. - En complément de la question de M. Chaize se pose celle des conséquences financières de la mise en oeuvre des gestes barrières, de la perte de voyageurs et de l'augmentation des coûts d'entretien et de personnel. J'imagine que vous avez réalisé des projections et que vous avez déterminé le taux de remplissage minimum nécessaire pour ne pas vous retrouver dans une situation financière trop complexe.
M. Guillaume Gontard. - Je souhaiterais également revenir sur la lettre que vous avez envoyée à Édouard Philippe, dans laquelle vous estimez que la RATP ne serait pas prête pour le 11 mai. Je n'ai pas entendu beaucoup de réponses du Gouvernement par rapport à vos attentes. Quelles sont vos réactions à ce sujet ?
Par ailleurs, comment la fourniture de masques et de gel va-t-elle concrètement s'opérer dans les transports ?
Vous avez également rappelé que les salariés de la RATP ont été particulièrement touchés par cette crise sanitaire. Des tests vont-ils être mis en place en lien avec la médecine du travail ? Quel est votre avis - même si ce n'est pas de votre ressort - sur la reconnaissance du Covid-19 en tant que maladie professionnelle ?
Mme Michèle Vullien. - Je vous adresse à mon tour toutes mes félicitations, ainsi qu'à vos équipes, pour la gestion de cette situation inédite. J'y suis d'autant plus sensible que, depuis plus de vingt ans, je suis investie dans le Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (SYTRAL), qui connaît le même type de situation, même si c'est à plus petite échelle. Tout comme vous, nous appelons les autorités organisatrices et les entreprises au télétravail.
Je formulerai toutefois une objection par rapport aux appels d'offres. On voit, en cas de crise, combien il est nécessaire que l'opérateur soit agile et réactif, ce qui plaide plutôt en faveur d'une délégation de service publique globale et non d'un allotissement fragmentant le réseau. Quel est votre avis sur la question ?
Mme Catherine Guillouard. - S'agissant des SDF, nos équipes du Recueil social réalisent en effet un travail très important. Nous travaillons avec plusieurs acteurs sur le sujet, dont des acteurs associatifs. La région Île-de-France a fait beaucoup pour essayer, avec le Conseil de Paris, de prendre en charge les hébergements des SDF.
Le problème que nous rencontrons concerne la sortie du réseau. Ce sujet va devenir majeur et n'est pas juridiquement stabilisé pour nos agents. Une responsabilité résiduelle demeure. Ce n'est pas toujours évident de mettre quelqu'un à la rue. Nous agissons avec empathie, mais nous sommes parfois amenés, au vu des questions sanitaires, à faire sortir les SDF du réseau.
Or on ne peut le faire que s'il existe des hébergements garantis et une logistique pour les amener jusqu'à ces hébergements. Sur ce point, nous avons encore du travail à réaliser avec l'ensemble des parties prenantes.
S'agissant de la culture du risque, nous disposons, comme toute grande entreprise, d'une cartographie des risques. Notre plan de continuité relatif à la pandémie grippale était d'ailleurs totalement inspiré du retour d'expérience sur le SRAS, ce qui nous a permis, dès le 20 janvier, d'activer des process internes et une gouvernance appropriée pour gérer cette crise.
Les pandémies, en 2018-2019, ne figuraient pas dans les cartographies des entreprises, soyons honnêtes. Le SRAS remonte à une dizaine d'années. C'est aujourd'hui le risque numéro un pour notre entreprise, non seulement en termes opérationnel et social, mais aussi en termes de viabilité.
Comme beaucoup d'autres entreprises, publiques ou privées, nous sommes en train de réviser toute notre politique en matière d'achats et de relations avec nos fournisseurs.
Nous avons par exemple, pour reconstituer notre stock de masques en tissu, choisi la voie des produits français normés et validés par la Direction générale de l'armement, d'une part et, d'autre part, le masque chirurgical qui vient aujourd'hui quasi exclusivement de Chine. Nous nous sommes interrogés, à l'occasion de cette crise, pour revoir notre chaîne d'approvisionnement.
Nous avons également étudié l'impact du Covid-19 sur notre plan stratégique Défi 2025.
Ceci m'amène à la question du plan de relance et de notre positionnement en matière de ville intelligente et durable. Nous avons l'expertise de gestion des flux complexes de transport, mais nous sommes également des acteurs de la ville intelligente et durable. Une quinzaine de projets sont dans nos cartons. Certains en sont déjà sortis, comme des centres bus dans lesquels on a intégré des crèches ou des bureaux. Je suis convaincue que cette diversification est nécessaire dans notre portefeuille d'activités.
Pour preuve, j'ai signé une lettre de mission à Marie-Claude Dupuis, membre du Comex en charge de la stratégie et du développement, pour constituer une entité d'affaires sur la ville intelligente et durable d'ici la fin de l'année. Les travaux sont en cours et n'ont pas pris de retard, car on a séparé les fonctions opérationnelles des fonctions de stratégie de développement.
Pour ce qui est du gel, nous allons installer des distributeurs dans les plus grands centres le 11 mai - jusqu'à 1 000 d'ici fin juin. Nous recevons les matériels au fur et à mesure et les installons. On en trouvera aussi dans les distributeurs de nos prestataires, IVS et Selecta. Nous essaierons également de distribuer, la semaine prochaine, en lien avec l'État et notre autorité organisatrice, des masques d'appoint qui nous seront fournis par la région ou par l'État.
Pour ce qui est des tests, il en existe aujourd'hui de deux types. Une équipe de médecins du travail étudie les tests sérologiques, mais les autorités sanitaires ont clairement indiqué que ceux-ci n'étaient pas nécessaires de façon systématique. Nous n'avons donc pas prévu une campagne de tests sérologiques pour tous les salariés.
Quant aux tests PCR, ils sont prescrits par la médecine du travail soit sur le lieu de travail soit à distance.
Il faut être très clair pour ce qui est de la maladie professionnelle : on peut contracter le virus sur le lieu de travail, mais également dans l'environnement familial, en allant acheter son pain, etc. Il est impossible de déterminer l'origine de la contamination, et par conséquent cette reconnaissance ne peut avoir lieu s'agissant du secteur des transports
Ceci viendrait en outre affaiblir encore les entreprises, car on sait toutes les conséquences qui sont associées à la reconnaissance d'une maladie professionnelle.
Quant au courrier du 30 avril, nous nous étions exprimés au sujet de la distanciation sociale. Cette lettre a été adressée par l'ensemble des opérateurs, sous la bannière de l'Union des transports publics. Il est regrettable que le Premier ministre en ait pris connaissance par la presse. Ce courrier n'avait pas vocation à être mis sur la place publique.
Sur le fond, les valeurs du service public qui nous animent et qui nous guident depuis le début de cette crise sont là. Nous avons pris toutes nos responsabilités face à cette pandémie mondiale. Nous avons maintenu une offre de transport pour 4 % du trafic. Nous avons permis à toutes les fonctions essentielles de continuer à remplir leurs fonctions. Nous avons même imaginé de nouveaux services pour les personnels hospitaliers. Nous allons continuer dans la même logique : l'ADN de cette belle entreprise qu'est la RATP est la solidarité.
S'agissant du déconfinement, nous avons, avec les autres opérateurs de transport, fait part d'un certain nombre d'observations aux pouvoirs publics. La priorité est de proposer le meilleur service possible, en respectant au maximum la sécurité de nos personnels et des voyageurs, mais il faut aussi que nos contraintes opérationnelles soient entendues.
Certaines l'ont été, d'autres non. Nous agissons avec pragmatisme et responsabilité. Soixante-douze heures après l'allocution du Premier ministre, la RATP proposait déjà trois scénarios de déconfinement. Notre réseau, je l'ai dit, est l'un des plus denses d'Europe, et nos moyens ne sont pas extensibles. Nous faisons tous nos efforts pour que les intérêts de tous soient préservés le 11 mai.
La RATP s'est mise en ordre de marche pour essayer de développer un marquage à l'aide d'un million de stickers. Nous avons démarré le jour même de l'arbitrage. Aucun réseau de notre taille au monde ne peut s'engager à respecter la distanciation en tout lieu et à tout moment.
Notre seuil de viabilité va dépendre de la durée de la crise, de son ampleur et des mesures qui vont être arrêtées par les décideurs politiques et économiques. On le sait, nos coûts vont augmenter. J'ai essayé de vous donner le coût du nettoyage : on voit que l'augmentation va être extrêmement forte - et cela ne prend même pas en compte la cinquantaine de millions d'euros liés aux achats de masques, de gel, au marquage au sol.
Si les réseaux sont plus lourds, plus contraignants et plus chers à entretenir, il faudra se poser la question des recettes. Celles-ci ne relèvent pas de la RATP.
Je partage l'avis de Mme Vullien : en cas de crise, la fragmentation du réseau serait une difficulté supplémentaire. J'en suis intimement convaincue. Je ne peux cependant guère aller au-delà de cette appréciation. Il ne m'appartient pas d'organiser le marché.
M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie, Madame la présidente, d'avoir participé à cette audition et d'avoir répondu à nos questions. Cela nous permet de mesurer davantage encore la difficulté de votre tâche dans la perspective de l'échéance du 11 mai.
J'espère que, de votre côté, vous avez pu mesurer l'intérêt que nous portons à votre entreprise, ainsi que le soutien que nous témoignons à votre action et à celle de vos collaborateurs.
N'hésitez pas à nous faire connaître vos difficultés. Nous serons toujours à votre écoute pour les faire valoir.
La réunion est close à 11 heures 50.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
Répercussions de la crise du Covid-19 sur les transports collectifs, ferroviaires et fluviaux - Communication de M. Didier Mandelli (en téléconférence)
La réunion est ouverte à 11 h 50.
M. Hervé Maurey, président. - Je laisse à présent la parole à Didier Mandelli pour une communication sur les répercussions de la crise sur le secteur des transports collectifs, ferroviaires et fluviaux.
M. Didier Mandelli. - Après avoir auditionné il y a un instant Catherine Guillouard, et avant d'entendre cet après-midi Valérie Pécresse, il me revient de vous dresser un état des lieux de la manière dont les transports publics se préparent à sortir du confinement et les nombreuses incertitudes qui demeurent à ce jour, ainsi que les perspectives à plus long terme qui s'offrent pour le secteur. Ces éléments résultent des auditions qui ont été réalisées ces dernières semaines, auxquelles vous avez été nombreux à participer, et d'autres éléments qui ont pu nous être communiqués.
Nous venons de l'entendre, à cinq jours de la sortie du confinement, il existe encore de nombreuses incertitudes s'agissant de la mise en oeuvre du plan de déconfinement dans les transports publics. J'en citerai trois.
La première concerne le cadre règlementaire qui s'imposera aux opérateurs de transport à compter du 11 mai. Si les grandes lignes du plan de déconfinement ont été annoncées par le Premier ministre lors de son discours du 28 avril, le décret qui doit préciser les mesures sanitaires devant être appliquées dans les transports n'a toujours pas été publié - il ne le sera a priori que vendredi.
Les autorités organisatrices et les entreprises de transport ne savent donc pas, à cette heure, si la distanciation physique sera une obligation réglementaire s'imposant à tous les opérateurs ou s'il s'agira d'un objectif à atteindre, à travers la mise en place de mesures définies au cas par cas. Je prône, comme les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) et les opérateurs de transport, la seconde solution. L'édiction d'une règle imposant strictement la séparation des voyageurs d'une distance d'au moins un mètre dans l'ensemble des transports publics pourrait s'avérer impossible à mettre en oeuvre et conduirait les opérateurs à devoir fermer un grand nombre de services. Il convient par conséquent que le cadre national permette une adaptation locale des mesures à mettre en oeuvre en fonction des risques sanitaires et de la fréquentation des réseaux de transport.
La deuxième incertitude concerne les conditions de sécurité dans les transports. Les entreprises de transport ne seront pas en capacité de remettre en route 100 % de leurs services dès la semaine prochaine, en raison notamment de l'absence d'un certain nombre de leurs salariés pour cause de maladie ou de garde d'enfants. La capacité de transports qui pourra être proposée aux voyageurs sera par ailleurs réduite si l'on veut faire en sorte que la distanciation physique puisse être respectée. Le risque est donc grand, dans les agglomérations et sur les lignes où la densité de voyageurs est importante, d'un engorgement des transports en cas de forte affluence, notamment lors des heures de pointe, qui serait susceptible de menacer la sécurité des voyageurs et des personnels. Ce risque est particulièrement important dans la région francilienne, où transitent chaque jour 5 millions de personnes dans les transports en commun. Il sera par conséquent nécessaire de pouvoir maîtriser les flux de voyageurs, en contrôlant l'accès aux grandes gares et pôles multimodaux. C'est pourquoi, je rejoins les préoccupations exprimées par les entreprises de transport dans un courrier du 30 avril au Premier ministre - et relayées lundi auprès du Gouvernement par Patrick Chaize - qui demandent le concours des forces de sécurité, pour filtrer les entrées dans ces lieux et prévenir les troubles à l'ordre public. Les préfets doivent, en lien avec les AOM et les opérateurs, identifier les réseaux nécessitant le déploiement de ces effectifs.
La troisième incertitude concerne les masques, dont le port sera obligatoire dans les transports publics. Cette obligation pose la question de la disponibilité de ces équipements. Une chose est claire : les entreprises de transport et les autorités organisatrices ne seront pas en mesure de distribuer un masque à tous les voyageurs. Si de nombreuses collectivités ont d'ores et déjà annoncé qu'elles pourraient distribuer gratuitement des masques « grand public », la question de leur disponibilité dans la durée et à grande échelle reste posée. Les usagers des transports devront dans un grand nombre de cas être en mesure de se fournir en masques par leurs propres moyens. Afin d'assurer le respect de cette obligation, le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire permet aux agents assermentés des entreprises de transport de contrôler le port de masque. Il conviendra également que le Gouvernement leur permette de verbaliser les usagers qui n'en porteraient pas.
Enfin, compte tenu des doutes qui existent sur la capacité des transports publics à absorber le flux des voyageurs, et afin d'éviter un report massif des utilisateurs des transports en commun sur la voiture qui serait source de congestion et de pollution, plusieurs actions doivent être poursuivies en parallèle. L'offre de transports doit remonter rapidement et atteindre son niveau d'avant-crise d'ici la fin du mois de mai. Pour cela, il est important que les enfants des agents de conduite puissent être accueillis de manière prioritaire dans les crèches et les écoles. Ensuite, les entreprises doivent être mobilisées afin qu'elles maintiennent le plus de salariés possible en télétravail et qu'elles lissent les heures d'arrivée au travail. Par ailleurs, les mobilités actives, que sont le vélo et la marche, doivent être encouragées. Le Gouvernement a par exemple prévu une aide à hauteur de 50 euros pour les cyclistes souhaitant faire réparer leur vélo. De nombreuses collectivités ont indiqué travailler à la mise en place de pistes cyclables et d'aménagements temporaires pour les vélos et les piétons. Il est important que l'État leur apporte un appui financier, à travers la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), et technique à cette fin.
Au-delà des inquiétudes immédiates liées aux conditions du déconfinement, la crise sanitaire nous invite à réfléchir à nos choix en matière de mobilité à plus long terme. Si elle fait peser le risque d'un report massif vers la voiture individuelle, la crise constitue également une opportunité d'accélérer la décarbonation du secteur des transports qui, comme vous le savez, est un des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre.
En premier lieu, il est crucial de sanctuariser les moyens consacrés aux transports collectifs, qui sont fortement impactés par la crise sur le plan économique et financier, sous l'effet à la fois de la baisse des recettes commerciales et de la hausse des dépenses de fonctionnement. Aussi, la situation impliquera nécessairement une révision des contrats de transport, dont les déterminants et l'équilibre ont été bouleversés. Il s'agira néanmoins de veiller à ce que ces renégociations ne se traduisent pas par une diminution de l'offre de transports ou des investissements des opérateurs.
La crise affecte également lourdement les AOM, qui se voient privées d'importantes ressources en raison de la diminution du versement mobilité, dont le taux de recouvrement s'est élevé, pour le mois d'avril, à 65 %. En tout état de cause, les pertes de recettes, qui pourraient s'élever, selon nos collègues de la commission des finances, à 1,4 milliard d'euros (dans un scénario médian), se traduisent par d'importantes difficultés pour les AOM. Une neutralisation de cette baisse des ressources dans le prochain projet de loi de finances rectificatives ou dans le projet de loi de finances pour 2021 s'avère nécessaire, sauf à prendre le risque d'une dégradation de l'offre de transports.
En outre, il convient de veiller à garantir un haut niveau d'investissements dans les infrastructures de transports collectifs. Alors que la loi de finances rectificative du 25 avril prévoit une diminution des recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), il convient de veiller à ce que cette baisse ne se répercute pas sur le secteur des transports collectifs. Il est crucial, en particulier, de sanctuariser les ressources de l'Agence de financement des infrastructures de transport (Afitf), qui sont notamment basées sur les recettes de TICPE. En ce qui concerne le transport ferroviaire en particulier, la révision de la trajectoire financière de SNCF Réseau ne saurait quant à elle conduire à une remise en cause des investissements en matière de renouvellement et de développement du réseau, et ce d'autant plus dans la perspective de l'ouverture à la concurrence.
Par ailleurs, il est essentiel d'encourager les mobilités actives et d'ancrer leur pratique durablement. Dans cette perspective, plusieurs pistes peuvent être évoquées, comme l'augmentation des montants dédiés au « Fonds vélo » et des aides à l'achat de vélos à assistance électrique, et l'assouplissement des conditions d'octroi de ces aides.
Enfin, je tenais à mentionner la nécessité de développer, dans le cadre du plan de relance, le fret ferroviaire et fluvial, qui ont démontré leur caractère essentiel pour approvisionner le pays et assurer la continuité de la vie économique de la Nation. Le secteur du fret ferroviaire, en particulier, est aujourd'hui lourdement impacté par la crise sanitaire, alors même que les grèves liées à la réforme des retraites l'avaient déjà fragilisé. La situation actuelle rend plus que jamais nécessaire un plan de relance ambitieux du fret ferroviaire, conjuguant à la fois des aides à l'investissement sur le réseau et des aides au fonctionnement.
M. Olivier Jacquin. - Le sujet du transport de marchandises, et en particulier du fret ferroviaire, n'a jamais été véritablement discuté de manière approfondie, que ce soit dans le cadre du nouveau pacte ferroviaire ou de la loi d'orientation des mobilités. Aussi, je souhaite attirer l'attention de notre commission sur les travaux menés par la Commission européenne sur ce sujet dans le cadre du paquet mobilité. Je propose donc que nous entendions un représentant de la Commission européenne sur ce sujet, ainsi que Karima Delli, qui est la présidente de la commission transports et tourisme du Parlement européen. Il serait également intéressant d'entendre Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique, sur le thème du transport de marchandises.
M. Didier Mandelli. - C'est une bonne suggestion. Nous avons eu l'occasion d'auditionner Anne-Marie Idrac à l'occasion de l'examen de la LOM et plus récemment dans le cadre de la mission d'information relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes.
M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie.
La réunion est close à 12 h 00.
Gestion de la crise du Covid-19 et de l'après-crise en Île-de-France - Audition de Mme Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France (en téléconférence)
La téléconférence est ouverte à 16 h 30.
M. Hervé Maurey, président. - Nous sommes heureux d'auditionner Mme Valérie Pécresse en sa qualité de présidente d'Île-de-France Mobilités sur le sujet du déconfinement en Île-de-France, notamment dans les transports publics. La situation est compliquée, puisqu'à compter du 11 mai il faudra transporter le plus de voyageurs possible dans un contexte d'offre réduite, et en respectant les mesures de distanciation physique. Ce matin, la présidente de la RATP nous a indiqué que le strict respect de cette distanciation suppose de réduire à 2 millions le nombre de voyages réalisés chaque jour, soit 15 % de l'offre habituelle. Comment éviter que l'afflux de voyageurs ne soit supérieur à la capacité d'accueil ? La Présidente de la RATP a demandé à l'État un concours des forces de l'ordre, compris entre 1 500 et 5 000 effectifs.
Madame la Présidente, nous aimerions évoquer le plan de déconfinement que vous avez proposé. Vous souhaitez que 100 % des salariés restent en télétravail la première semaine de déconfinement. Vous avez aussi suggéré que les salariés soient munis d'une attestation de leur employeur pour pouvoir prendre les transports en commun lors des heures de pointe.
Vous avez fait des propositions en matière de développement du vélo. Il ne faudrait pas, en effet, que la moindre capacité des transports publics se traduise par un recours massif à la voiture individuelle.
Vous appelez également de vos voeux une remontée rapide de l'offre de transports publics, qui ne sera que de 70 % dans un premier temps.
Nous souhaitons aussi vous entendre sur les conséquences économiques et financières de cette crise. Vous subissez à la fois une baisse du versement mobilité et une baisse des recettes voyageurs, pour un montant que vous évaluez à 1 milliard d'euros. Vous avez demandé à l'État de compenser cette perte de recettes : où en sont vos discussions ? De même, vous avez demandé une renégociation du contrat qui vous lie à la RATP.
Mme Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France et d'Île-de-France Mobilités. - Nous nous mettons en ordre de marche pour réussir le déconfinement car nous estimons que la crise économique qui suivra la crise sanitaire peut impacter énormément le pays. Réussir le déconfinement est donc une priorité. Cela passe, en Île-de-France, par la résolution du problème aigu que constitue le goulot d'étranglement des transports en commun. Avec les règles de distanciation sociale demandées par les autorités sanitaires, nous ne pourrons pas transporter les 5 millions de personnes que nous transportons habituellement. La capacité sera très réduite à l'instant T. Ainsi, un bus qui transporte 60 ou 80 personnes n'en transportera plus que 20, un métro qui transporte 700 personnes plus que 180, et un RER qui transporte 2 500 personnes plus que 800.
Nous avons proposé plusieurs mesures pour limiter l'arrivée des voyageurs dans les transports et accroître la capacité d'emport des lignes.
Nous avons d'abord demandé aux entreprises de maintenir le télétravail au maximum. Nous venons de signer une charte impliquant l'État, la région, Île-de-France Mobilités, les collectivités, les employeurs et les partenaires sociaux sur le maintien du télétravail en Île-de-France, afin de maintenir 100 % des salariés en télétravail la première semaine de déconfinement, 90 % la deuxième semaine et 80 % la troisième semaine.
Cette charte comprend également un engagement à lisser massivement les heures de pointe. J'espère qu'il s'agira d'un héritage positif de la crise que nous vivons. Aujourd'hui, nous ne savons pas remettre en cause nos habitudes d'arrivée et de départ du travail, qui sont essentiellement dictées par des contingences sociales. Les entreprises se sont engagées dans un processus de répartition égale : entre 6 h 30 et 10 h 30 pour l'arrivée des salariés, entre 15 h 30 et 19 h 30 pour leur départ. Cet étalement sera extrêmement profitable au système de transport. En répartissant ainsi les passagers sur des plages horaires beaucoup plus grandes, nous pourrons transporter davantage que 1,5 ou 2 millions de passagers par jour. Aujourd'hui, les transports en Île-de-France sont surtout bondés le matin entre 7 h 30 et 8 h 30.
La charte comprend aussi le principe de la mise en place d'une attestation employeur indiquant l'heure à laquelle le salarié est attendu dans son entreprise, et donc celle à laquelle il a le droit de prendre les transports en commun. Les employeurs et les partenaires sociaux signataires ont accepté que cette attestation puisse être contrôlée à l'entrée des gares et des stations de métro. Ce processus est contraignant, mais s'il est mis en place, nous pourrons envisager de transporter davantage de monde.
Nous avons deux préoccupations. La première est que l'Île-de-France ne se transforme pas en embouteillage géant parce que les usagers préfèreront leur voiture aux transports en commun. La seconde est que nous ne nous retrouvions pas avec des lignes ou des gares fermées. Ce serait un paradoxe, alors que nous avons maintenu ouvertes toutes les lignes RATP et SNCF pendant le confinement.
Il reste un certain nombre de questions qui devraient être rapidement arbitrées par l'État. Il s'agit notamment de l'attestation employeur, de sa validité et de son contrôle. Nous avons également besoin de renforts pour filtrer les entrées dans les gares et les stations. Les opérateurs de transport ont demandé le concours de 5 000 forces de sécurité. Nous pourrions nous diriger vers un nombre un peu moins élevé, les opérateurs devant alors avoir recours à des sociétés de sécurité privées. Ces renforts sont indispensables : il ne faudrait pas que des troubles à l'ordre public se produisent dans les gares.
La région Île-de-France travaille avec l'État et les gestionnaires de voirie sur un plan de centaines de kilomètres de pistes cyclables supplémentaires. Le vélo est une alternative aux transports en commun, notamment pour les petites distances. Île-de-France Mobilités a déjà mis en place une prime à l'achat d'un vélo électrique de 500 euros. Il existe également un service de location de vélo en longue durée.
Île-de-France Mobilités s'est énormément mobilisée pour que l'offre de transport revienne à 100 % le plus rapidement possible. Initialement, les opérateurs entendaient ne proposer que 50 % de cette offre le 11 mai. Nous avons obtenu que ce soit plutôt 70 % à la RATP - les lignes 1 et 14 seront assurées à 100 % et la ligne 13 à 80 %. La RATP et la SNCF nous indiquent pouvoir revenir à 100 % de l'offre de transports d'ici la fin du mois de mai. Le réseau de bus Optile pourra quant à lui proposer entre 80 et 90 % de son offre dès le déconfinement.
Un effort considérable a été accompli sur le nettoyage et la désinfection des lignes, des rames et des bus. Île-de-France Mobilités a investi 10 millions d'euros afin de pouvoir nettoyer les rames et les gares deux fois par jour. 500 personnes supplémentaires nettoieront les transports dans le cadre de brigades mobiles.
Le covoiturage est possible. D'après les autorités sanitaires, les distances barrières sont respectées si une personne s'assied à l'arrière de la voiture, dans la diagonale du conducteur. Île-de-France Mobilités mettra en place des aides très incitatrices afin de revenir au même niveau que durant les grèves, soit environ 20 000 covoitureurs.
M. Hervé Maurey, président. - Où en sont vos discussions avec l'État et la RATP concernant le milliard d'euros de pertes de recettes ?
Mme Valérie Pécresse. - À ce stade, les deux mois de confinement aboutissent à un manque de recettes de près d'un milliard d'euros pour Île-de-France Mobilités (IDFM) : ce manque s'explique pour moitié par la diminution du versement mobilité et pour moitié par la chute des recettes voyageurs - actuellement, le taux de fréquentation des transports est de 6 à 7 %.
Les autorités organisatrices de la mobilité ont écrit au Premier ministre pour demander une garantie de recettes à l'État. Cette perte de recettes est liée à une décision nationale : celle de confiner le pays, donc d'interdire aux Français de se déplacer.
Les recettes d'Île-de-France Mobilités vont essentiellement au financement des services exploités par la RATP et la SNCF. En cas de recettes insuffisantes, IDFM aura du mal à verser ce qu'elle doit à ces sociétés, que l'État se trouvera alors obligé de renflouer.
De son côté, IFDM prendra en charge le remboursement du pass Navigo. Il s'agit d'une décision politique que nous avons prise pour une question de justice. Les détenteurs d'un abonnement annuel n'ont pas pu le suspendre car la décision de confinement a été très soudaine. Il n'était pas question qu'un million de personnes se rendent en gare pour désactiver leur abonnement. Nous avons donc prélevé le mois d'avril, ce qui était injuste.
M. Didier Mandelli. - Les collectivités ont eu, au début de la crise, les plus grandes difficultés à s'approvisionner en masques. La situation s'est-elle améliorée pour la région Île-de-France ? Où en êtes-vous des commandes que vous avez effectuées ? Île-de-France Mobilités s'est engagée à fournir un masque à chacun des abonnés au début du confinement. Cette distribution pourra-t-elle se poursuivre dans la durée ou d'autres acteurs devront-ils prendre le relai ?
Un programme très important d'investissements a été engagé - prolongement de lignes de métro, renouvellement des matériels roulants, Grand Paris Express. Ces investissements seront-ils sanctuarisés ?
Comment envisagez-vous d'appliquer et de faire respecter les mesures de distanciation sociale dans les bus scolaires, en particulier s'agissant du transport des élèves en situation de handicap ?
Mme Valérie Pécresse. - La région a acheté 30 millions de masques. Nous en avons déjà distribué 18 millions, en commençant par les personnes prioritaires (personnels de santé, malades, collectivités). Petit à petit, nous sommes arrivés à toutes les personnes qui exercent des fonctions essentielles. Nous avons équipé les personnels des opérateurs de transports, ainsi que les taxis, les ambulanciers et les VTC.
Nous sommes arrivés au moment où nous devons équiper les usagers des transports. Il y a plusieurs semaines, j'avais demandé au gouvernement de rendre obligatoire le port du masque dans les transports en commun au moment du déconfinement. Il a accédé à ma demande, et a également accepté une verbalisation assez sévère de 135 euros pour non-port du masque. Cela suppose que nous fournissions des masques, alors que nous sommes encore en pénurie.
Nous avons amorcé la pompe en distribuant des masques dans 160 gares la semaine dernière, puis dans 220 gares ce lundi. Nous avons distribué plus de 1,6 million de masques par stocks de 10, de manière à couvrir les besoins jusqu'au début de la semaine prochaine, mais il faut continuer. J'ai indiqué à l'État, qui possède lui-même un stock de masques, que la région était prête à aider à les distribuer dans les gares, en lien avec l'ensemble des maires d'Île-de-France. Les écoles rouvrant lundi dans certaines communes, il ne faudrait pas que les équipes municipales se démobilisent. Je les contacterai pour vérifier que tout le monde est bien mobilisé pour le 11 mai.
Par ailleurs, Île-de-France Mobilités a également commandé 2 millions de masques en tissu lavables pour chaque abonné Navigo mensuel et annuel. Nous pourrons en distribuer 800 000 lundi prochain. Notre objectif est de travailler avec la RATP et la SNCF pour identifier le maximum de petites gares et de petites stations, dans lesquelles les agents donneront les masques au guichet à tous ceux qui présenteront leur pass Navigo.
Nous avons demandé à tous les points de vente et aux distributeurs qui sont dans le métro et dans les gares de distribuer du gel et des masques. J'ajoute que nous aurons 300 distributeurs de gel hydro-alcoolique dans les différentes stations. Nous distribuerons également des masques en tissu dans 30 gares routières couvertes par le réseau Optile.
Nous nous attendons à ce qu'un certain nombre d'investissements prioritaires soient décalés dans le temps en raison des retards qui ont été pris dans les travaux d'infrastructures, mais également dans l'arrivée des nouveaux matériels puisque les usines sont à l'arrêt depuis deux mois. Nous nous attendons également à des surcoûts sur les chantiers et les commandes, qu'il faudra ajouter aux pertes de recettes que j'ai déjà mentionnées.
80 % des chantiers qui sont sous notre maîtrise d'ouvrage ont repris. Concernant les opérations de transport, nous étions à 50 % de reprise en début de semaine, et tous les chantiers devraient rapidement reprendre après le confinement. Les protocoles de reprise ont été approuvés par le Gouvernement ; ils correspondent aux mesures qui ont été négociées par les partenaires sociaux.
La société du Grand Paris est responsable de ses chantiers. Les questions de la mise en service des lignes et des surcoûts seront examinées dans le cadre des prochains conseils d'administration et conseils de surveillance. La question du modèle économique de la SGP risque de se reposer aux parlementaires assez rapidement.
Concernant les transports scolaires, les bus circuleront à moitié vide, avec obligation de port du masque pour les collégiens et les chauffeurs. Cela devrait se passer correctement dès lors que les écoles reprendront avec des demi-classes. Nous n'envisageons pas de faire des demi-journées car cela impliquerait des rotations de transports scolaires à la mi-journée. Nous voulons des journées pleines avec des demi-effectifs. Nous prendrons évidemment des précautions pour le transport des enfants en situation de handicap.
M. Olivier Jacquin. - Comment pérenniser les décisions très positives qui viennent d'être prises concernant l'usage du vélo ?
Avez-vous pour stratégie d'aller beaucoup plus loin dans le développement des voies réservées au covoiturage ?
Est-il possible de mettre en place rapidement une procédure sur Internet afin de permettre le remboursement du pass Navigo à distance ?
Si je vous écoute en creux, vous laissez entendre que le modèle économique de la société du Grand Paris risque d'être remis en cause. Les pertes de versement mobilité sont extrêmement inquiétantes. Face à l'inconnue actuelle du modèle économique des transports en commun, ne faudrait-il pas freiner d'une manière significative les investissements ?
Le contrat de DSP avec la RATP laisse ouverte la possibilité de discussions sur le partage des pertes de recettes entre l'autorité organisatrice et le délégataire. Comment voyez-vous les choses ?
Enfin, au vu du contexte, ne faudrait-il pas différer l'ouverture à la concurrence des réseaux de transport franciliens ?
M. Cyril Pellevat. - Le 4 mai, Élisabeth Borne a mentionné la possibilité de fermer des stations dans les transports publics. Cette possibilité ne risque-t-elle pas de rendre encore plus difficile le respect de la distanciation sociale ?
Travaillez-vous sur des solutions innovantes pour éviter les attroupements autour des bornes de paiement et de recharge des titres de transport ?
Mme Marta de Cidrac. - La Présidente de la RATP nous a dit que l'offre de transport augmenterait dans les prochains jours, ce qui est évidemment souhaitable. Toutefois, le flux de voyageurs en augmentation sera-t-il compatible avec les exigences sanitaires ?
Le secrétaire d'État aux transports a indiqué que 9 millions de masques seront distribués dans l'ensemble des transports. Comment les rôles seront-ils répartis ? La coordination présente-t-elle des difficultés ? Aujourd'hui, nous ne savons pas précisément qui fait quoi, et comment.
M. Alain Fouché. - La répartition des voyageurs sur des plages horaires plus vastes est une très bonne solution. Qu'en sera-t-il des personnes qui souhaiteront prendre les transports en commun non pas pour aller travailler, mais par exemple pour aller faire des courses ?
Comme vous l'avez dit, il existe des risques de trouble à l'ordre public. Il faut absolument que le Gouvernement mette les moyens.
Les pistes cyclables qui seront mises en place seront-elles définitives ou provisoires ?
M. Guillaume Chevrollier. - Quelles sont vos relations avec la ville de Paris dans la gestion du déconfinement ? Que pensez-vous de la décision qu'a prise la ville de Paris de réduire les voies dédiées aux voitures, qui pourrait être source d'embouteillages, donc de pollution ?
La baisse des recettes d'un milliard d'euros pourra-t-elle avoir des incidences sur les tarifs des transports en Île-de-France ?
Envisagez-vous de pérenniser au-delà de la séquence du déconfinement l'étalement des heures d'arrivée et de départ des salariés dans les entreprises ?
Mme Valérie Pécresse. - Nous avons besoin d'alternatives aux transports en commun. 400 000 personnes se déplacent quotidiennement à vélo en Île-de-France - avec un pic à 500 000 personnes pendant les grèves de décembre. Il existe une envie de vélo, et une défiance vis-à-vis des transports en commun. Nous avons travaillé sur les coupures urbaines (portes de Paris, franchissements de villes), ce que nous n'avions jamais vraiment fait par le passé. La région s'est beaucoup mobilisée avec l'État et les gestionnaires de voirie, pour que plusieurs centaines de kilomètres de pistes cyclables provisoires puissent être ouvertes.
Je souhaite que le dispositif soit réversible et qu'il soit évalué. En certains endroits, il y aura vraisemblablement des conflits d'usage entre les vélos, les voitures, et les autobus. Certains maires ont installé les pistes cyclables provisoires à la place des couloirs de bus. Nous sommes dans l'expérimentation. Ne freinons pas les bonnes volontés, mais procédons à une évaluation à l'été. Nous regarderons alors si les pistes cyclables doivent être pérennisées, si elles ont ralenti la circulation des bus ou si elles ont créé des embouteillages. Tout ce qui sera positif devra être conservé ; ce sera un formidable élan à la pratique du vélo en Île-de-France. A l'inverse, tout ce qui posera problème devra être évalué et corrigé. Il faudra que nous soyons pragmatiques, volontaristes et souples. Je ne voudrais pas que ce formidable élan donné au vélo en Île-de-France crée des fractures, alors que le virus est déjà un aggravateur des fractures territoriales.
La région a décidé de financer à 60 % le projet de « RER vélo », qui double tous les grands axes de RER. Il s'agit d'un dispositif de long terme très puissant pour encourager la pratique du vélo sur longue distance.
J'attends comme vous avec impatience la création de voies réservées au covoiturage. La loi le permet, mais ce n'est pas simple. Sur les autoroutes, la voie réservée ne peut être que celle de gauche, ce qui suppose d'ajouter une voie circulable qui serait la bande d'arrêt d'urgence. Or les bandes d'arrêt d'urgence ne sont pas calibrées pour recevoir un trafic normal. Nous avons un énorme travail à réaliser pour les rendre circulables. Il ne serait pas raisonnable, compte tenu du degré de congestion automobile en Île-de-France, de réserver une voie au covoiturage sans ajouter de voie supplémentaire, comme l'État l'avait proposé.
Il n'est pas pensable que le déconfinement, qui aura déjà des conséquences dramatiques sur le pouvoir d'achat d'un grand nombre de ménages, se traduise par une augmentation des tarifs du pass Navigo afin de récupérer le milliard d'euros de pertes. Heureusement, la situation financière d'Île-de-France Mobilités est extrêmement saine. Il est évident que la crise aura un impact sur les investissements que nous pourrons réaliser, sauf si l'État s'engage à compenser les pertes de recettes. Si nous n'avons pas ces recettes, nous ne pourrons pas les verser à due concurrence aux opérateurs, qui n'ont pas été en capacité de garantir le service minimum pendant le confinement. Il y aura une négociation à avoir avec l'État pour savoir qui supportera ce coût.
Il faut absolument éviter que des lignes ou des gares ne ferment à la sortie du confinement. Ce serait une injustice pour les voyageurs qui sont dans l'obligation de se rendre au travail. J'ai appelé à des renforts considérables en forces de sécurité, au besoin payées par les opérateurs, pour sécuriser l'entrée dans les transports en commun et favoriser le respect de la distanciation sociale. Sur les recommandations du conseil scientifique, le Gouvernement a fait le choix de rendre obligatoire la distanciation sociale, alors que beaucoup de pays ont choisi une distanciation sociale recommandée.
En matière de solutions innovantes, nous avons déjà mis en place le SMS ticketing au début du confinement : le ticket ne s'achète plus dans le bus, mais par SMS ou par téléphone. Par ailleurs, nous avons deux nouvelles offres billettiques pour le pass Navigo : pass Navigo Easy et pass Navigo Liberté +. Le pass Navigo Easy permet de charger les titres de transport dans un porte-monnaie électronique. A ce stade, Apple n'a pas procédé aux développements nécessaires. En revanche, le système de recharge fonctionne avec Samsung, Android et Orange. Le pass Liberté + est un système de post paiement qui s'ajuste à la réalité de la consommation de transport. Le prélèvement s'effectue chaque 15 du mois en fonction des déplacements du mois précédent. Ce système présente de nombreux avantages.
Nous mettrons en place une cellule de veille quotidienne dans les transports en commun afin de surveiller les éventuelles saturations sur les lignes de bus. Nous ferons un point chaque soir avec les opérateurs. Nous ajusterons nos procédures de nettoyage si nous constatons que certaines lignes sont très fréquentées.
Concernant les masques, nous sommes encore en discussion avec l'État sur la manière de procéder. Nous souhaitons qu'il puisse y avoir une distribution dans toutes les gares, sous une forme ou sous une autre. Dans les petites gares et les petites stations, nous privilégions la distribution des masques en tissu d'Île-de-France Mobilités. Dans les gares plus importantes, les équipes municipales sont en place ; elles ont déjà réalisé un excellent travail. J'ai proposé à l'État que nous renouvelions cette expérience. Il est très difficile de trouver une entreprise pour procéder à des distributions de masques en sortie de gare. Nous n'avons pas trouvé de prestataire extérieur privé. Nous sommes obligés de recourir au système D. L'État s'est rapproché des préfets de département pour éventuellement mobiliser des équipes de secouristes ou des équipes parapubliques. Quoi qu'il en soit, toutes les gares seront couvertes d'une manière ou d'une autre.
Il faut donner la priorité dans les transports en commun aux personnes qui vont travailler. Je demande à tous les Franciliens de ne pas utiliser les transports en commun aux heures de pointe pour aller faire leurs courses. Les courses peuvent être faites aux heures creuses. Il faudra faire preuve de souplesse, de compréhension et de bon sens. Les personnes qui auront besoin de se déplacer le pourront - élèves qui se rendent à un examen, parents qui amènent leur enfant à l'école, etc. L'attestation employeur est un outil très puissant qui permet d'étaler les flux.
Les relations avec la ville de Paris sont franches et cordiales, comme toujours. Nous travaillons sur le plan vélo dans l'objectif de développer l'offre tout en évitant les égoïsmes de territoire.
Enfin, pérenniser les expériences de télétravail et de lissage des heures de pointe suppose un vrai travail de fond. Le Covid-19 aura un impact sur l'organisation du travail, y compris dans les régions voisines. Beaucoup d'entreprises et d'administration se sont mises au télétravail et en ont découvert les vertus. Si, en plus du télétravail, nous parvenions à lisser les heures de pointe, nous n'aurions plus d'embouteillages en Île-de-France.
M. Olivier Léonhart. - Alors que les Franciliens s'apprêtent à reprendre progressivement le chemin des transports en commun, il est urgent de penser dès maintenant aux mesures qui suivront pour permettre enfin à tous les habitants d'Île-de-France de se déplacer dans des conditions acceptables. L'abandon du réseau RER par les pouvoirs publics depuis 30 ans et le sous-investissement ont conduit à un état de saturation qui pose encore plus problème aujourd'hui, avec les mesures sanitaires indispensables à respecter.
Il faut tirer les leçons de ce qui n'a pas fonctionné hier et investir massivement dans les transports en commun pour les habitants de la grande couronne, qui représentent 5 millions d'habitants sur les 12 millions que compte notre région. Il faut enfin rééquilibrer les investissements en faveur de la grande banlieue.
Dans une période où les enjeux économiques et financiers sont cruciaux pour le pays, il faut stopper le projet Grand Paris Express, qui est une gabegie. Ce projet ne concerne que Paris et la petite couronne, qui bénéficient déjà d'un réseau dense. De plus, son coût ne cesse d'exploser. Stopper ce projet pour investir massivement dans les transports du quotidien et le réseau existant est une question de bon sens ; c'est aussi un impératif financier.
M. Guillaume Gontard. - Dans cette période de déconfinement, la multi-modalité est particulièrement importante. Le vélo trouve tout son intérêt. Comment travaillez-vous avec les départements et les communes en vue de garantir la continuité des réseaux ? Qu'en est-il du stationnement des vélos en gare et de la possibilité de monter avec un vélo dans le train ou le bus ?
Mme Angèle Préville. - Les aides qu'offre la région Île-de-France pour l'achat d'un vélo électrique sont-elles cumulables avec la prime d'État de 200 euros ? Véligo fait face à une forte demande. Que faire par rapport à cet afflux ?
Le paysage urbain est en pleine mutation. L'environnement se porte bien. Le bruit s'est considérablement réduit. Les habitants d'Île-de-France y sont sensibles. Il faudra être particulièrement attentif aux nouveaux choix que feront les habitants de la région pour leurs déplacements. Il faudra également veiller à garantir la bonne articulation du plan vélo de la région avec les plans vélos qu'ont déjà mis en place les autres collectivités.
Concernant les masques, comment inciter les voyageurs à ne pas les jeter n'importe où ? Comment organiser leur ramassage ? Quels types de masques seront remis dans les distributeurs de gares ?
Mme Valérie Pécresse. - En Île-de-France, le plan de relance post Covid-19 devra s'appuyer sur un grand plan d'investissements dans les infrastructures publiques, notamment dans les infrastructures de transports. Nous avons exécuté quasiment 100 % du contrat de plan État-Région 2015-2020. Nous étions dans une grande incertitude pour les années 2021 et 2022. Au plan national, l'État souhaitait prolonger les CPER jusqu'en 2022, sans ajouter de nouveaux moyens. Ce n'est pas possible en Île-de-France. Le Gouvernement en avait convenu, et avait accepté de « sur-exécuter » le CPER. Cela ne veut pas forcément dire lancer de nouveaux projets, mais finir les projets en cours. Cela représente au moins 1,5 milliard d'euros jusqu'en 2022. Nous avons besoin d'un investissement massif de transports de proximité, notamment en grande couronne, mais pas seulement.
Je ne suis pas d'accord pour l'arrêt du Grand Paris Express. Certaines lignes sont absolument indispensables. Je pense notamment à la branche sud de la ligne 15 qui permettra de mailler le sud de l'Île-de-France sans passer par Paris. Il en va de même pour les deux prolongements de la ligne 14, au nord et au sud, qui sont indispensables pour dé-saturer la ligne 13. La branche sud permettra d'atteindre Orly en métro, ce qui représentera un immense soulagement. Je conteste le fait que certaines lignes jugées secondaires par l'État aient été repoussées à 2027. Je pense notamment à la ligne 18, qui desservira le plateau de Saclay, vitrine technologique de la France.
Pour autant, les lignes du quotidien doivent passer avant tout. De ce point de vue, il existe une vraie urgence. SNCF Réseau doit prioriser en permanence les travaux sur les infrastructures du quotidien, notamment les RER B et D, qui ont besoin de travaux très rapidement.
Île-de-France Mobilités a prévu 100 000 nouvelles places de stationnement vélo à l'horizon 2030. Ces stationnements seront sécurisés. Nous nous sommes beaucoup mobilisés sur le sujet de l'écosystème vélo. Nous avons présenté un plan qui a été approuvé à l'unanimité.
En avril, nous envisagions de lancer un budget participatif à hauteur de 100 millions d'euros pour financer des investissements de collectivités locales, d'associations ou de citoyens en matière environnementale. Le projet de « RER vélo » s'inscrit dans ce cadre, parce qu'il est porté par un collectif de citoyens. L'objectif est qu'il puisse être subventionné à 60 % par la région. D'autres pistes cyclables pourront également être subventionnées.
La région Île-de-France travaille tous azimuts sur la diminution des émissions de CO2 et du bruit. Pour autant, il ne faut pas balayer d'un revers de main la voiture, qui reste un puissant réducteur d'inégalités en Île-de-France. La voiture est le mode de transport de ceux qui n'en ont pas d'autre et qui font de longues distances. Ce sont souvent des personnes aux revenus plus bas que la moyenne. En revanche, nous devons encourager de manière volontariste le changement de motorisation. Tout le monde ne pourra pas se déplacer à vélo. Pensons aux personnes handicapées, aux personnes âgées et aux personnes à la santé fragile. Les solutions sont multiples : elles correspondent à chaque situation de chaque habitant de la région.
Enfin, la question du traitement des masques en tant que déchets est très pertinente. Les masques sont des produits de santé. Potentiellement, ce sont des nids à virus. Ils ne doivent pas être jetés n'importe comment. Il faudra être très ferme, voire envisager des sanctions dissuasives. Nous pourrions même organiser une filière de recyclage spécifique pour les masques jetables. Je travaille sur le sujet. Je ne sais pas s'il est techniquement possible de stériliser et de réutiliser ces masques, mais j'ai pris attache avec des industriels.
M. Hervé Maurey, président. - Merci beaucoup Madame la Présidente pour tous les éléments que vous nous avez apportés. Soyez assurée de notre soutien pour relayer un certain nombre de propositions que vous avez formulées au cours de cette audition.
La téléconférence est close à 17 h 48..
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.