- Mercredi 22 avril 2020
- Communication de M. Michel Vaspart sur les répercussions de la crise du Covid 19 sur le secteur portuaire et le transport maritime (en téléconférence)
- Compte rendu de la réunion de bureau du 20 avril 2020
- Audition de M. Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la distribution de la presse (Arcep) (en téléconférence)
- Audition de M. Benjamin Smith, directeur général du groupe Air France-KLM, Mmes Anne-Marie Couderc, présidente non exécutive du groupe Air France-KLM, Anne Rigail, directrice générale d'Air France, et Anne-Sophie Le Lay, secrétaire générale du groupe Air France-KLM et d'Air France (en téléconférence)
Mercredi 22 avril 2020
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -
La téléconférence est ouverte à 9 heures
Communication de M. Michel Vaspart sur les répercussions de la crise du Covid 19 sur le secteur portuaire et le transport maritime (en téléconférence)
M. Hervé Maurey, président. - Notre réunion de ce matin comporte deux points à l'ordre du jour : d'abord, une communication de Michel Vaspart sur les travaux qu'il a menés au sujet de la situation des secteurs portuaire et maritime durant cette crise, puis l'audition de M. Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).
M. Michel Vaspart. - Au cours de ces dernières semaines, nous avons mené avec mes collègues Didier Mandelli et Jean-Pierre Corbisez, une série d'auditions par visioconférence avec les acteurs de la chaîne logistique, qui sont en première ligne pour sécuriser nos approvisionnements en biens essentiels, je pense bien sûr aux denrées alimentaires, et aux équipements médicaux et pharmaceutiques. Je remercie à cette occasion l'ensemble des collègues qui ont pu participer à ces auditions.
Comme vous le savez, je me suis particulièrement intéressé au secteur portuaire et au transport maritime. L'objectif de ces consultations était double : d'une part, évaluer le fonctionnement des différents maillons de la chaîne du transport maritime de marchandises, depuis les chargeurs jusqu'aux manutentionnaires en passant par les services portuaires ; d'autre part, dresser un premier bilan économique des conséquences de l'épidémie de Covid-19 sur ces secteurs et voir quelles mesures de soutien peuvent être mises en oeuvre pour les accompagner face à cette situation inédite. Vous avez reçu des notes de situation sur ces secteurs, je ne reviendrai pas sur l'ensemble des détails qui y figurent.
Je souhaiterais vous faire part de trois constats et de trois axes de propositions pour gérer l'urgence et préparer le « jour d'après ».
D'abord, la crise actuelle démontre le caractère stratégique des infrastructures portuaires et des armateurs pour assurer la continuité des approvisionnements nationaux. Pour rappel, le transport maritime assure 90 % du commerce mondial de marchandises, près de 80 % du commerce extérieur de l'Union européenne et les trois quarts des importations françaises. Ce constat avait d'ailleurs justifié en partie mon souhait de conduire une mission sur la gouvernance et la performance des ports maritimes, qui est présidée par Martine Filleul et dont je suis rapporteur. Aujourd'hui, sans nos ports, sans nos armateurs, notamment le plus puissant d'entre eux, CMA-CGM, dont les quelque 500 navires desservent 420 des 521 ports de commerce du monde, notre pays serait dépendant pour ses approvisionnements essentiels et stratégiques. Le secrétaire d'État aux transports a récemment appelé l'Union européenne à définir une nouvelle « politique industrielle des transports », conjointement avec ses homologues allemand, italienne et espagnol. Un renforcement du contrôle des investissements étrangers est évoqué. Je salue cette annonce qui doit désormais se traduire en acte. La concentration des armateurs se renforce et les trois alliances maritimes internationales, dont la plus importante associe CMA-CGM et les chinois COSCO et Evergreen, représentent 95 % des flux est-ouest. Il est donc essentiel pour notre souveraineté de disposer d'infrastructures performantes et d'armateurs français mobilisables pour assurer les approvisionnements de la Nation. Depuis le début de la crise, une attention spécifique est accordée aux entreprises dites stratégiques et dont le fonctionnement participe à la garantie de notre souveraineté nationale. Je compte attirer l'attention du Gouvernement d'une manière forte sur l'armateur CMA-CGM et ses liens capitalistiques avec des groupes chinois. Le groupe CMACGM a récemment cédé ses participations dans dix terminaux à China Merchants Ports dans le cadre de la co-entreprise Terminal Link afin de se refinancer. Il ne faudrait pas que l'Europe et la France perdent le contrôle de cette entreprise stratégique.
Deuxième constat, les ports et les armateurs ont su s'organiser efficacement face à la crise et dans des délais rapides, malgré un équilibre social encore fragile. Les grands ports maritimes et les ports décentralisés fonctionnent majoritairement, de même que les ports intérieurs et 100 % des terminaux demeurent opérationnels, même si les trafics de fret ont baissé de 40 % à ce jour, en particulier le vrac. Une forte baisse du vrac liquide est à venir, en lien avec la baisse de consommation des produits pétroliers. Je ne reviens pas sur les difficultés signalées en matière de relève d'équipage, de renouvellement des titres des marins, d'inspection des navires et de pénuries d'équipements sanitaires. Les acteurs ont salué l'écoute des administrations et du Gouvernement. La situation s'améliore donc progressivement.
Troisième constat, l'ampleur des conséquences de la crise est encore largement méconnue mais certaines activités souffrent plus que d'autres, je pense en particulier aux croisières et au transport de passagers, qui sont à l'arrêt. En période normale, les liaisons maritimes et les passages d'eau entre le continent et les îles représentent de 30 à 40 millions de passagers annuels. Les chantiers de construction et réparation navales fonctionnent à 20 % à peine. C'est la survie de tout un tissu de PME, marins, compagnies et sous-traitants, représentant des centaines de milliers d'emplois directs et indirects, et la vitalité des territoires littoraux qui est en jeu.
Face à cette situation, j'ai trois axes de recommandations :
Tout d'abord, face à une situation exceptionnelle, des mesures exceptionnelles sont nécessaires. Le transport maritime est une activité à forte intensité capitalistique avec des charges fixes élevées et la situation économique et financière des compagnies s'aggrave de semaine en semaine. Les acteurs économiques nous ont fait part de leurs demandes, que je souhaiterais appuyer au nom de la commission si vous en êtes d'accord. Voici les principales : le gel des redevances domaniales, des exonérations de taxes portuaires, le paiement immédiat des indemnités d'assurance pour des sinistres existants avant la crise, l'extension du dispositif d'exonération de charges patronales prévues par la loi pour l'économie bleue aux entreprises de pilotage, remorquage et lamanage dans les ports, l'intégration des pertes financières résultant d'une immobilisation des navires face au risque sanitaire et à la pandémie dans la catégorie des risques de guerre et intervention de la caisse centrale de réassurance de l'État, un moratoire de 18 mois pour le remboursement des dettes et des intérêts. Un moratoire de 6 mois aurait été annoncé par la Fédération bancaire de France mais il faut maintenant s'assurer de la réalité de cet engagement. Les professionnels demandent également la prolongation du prêt garanti par l'État (PGE) jusqu'à l'été 2021 et un élargissement des dépenses éligibles, une meilleure prise en compte des spécificités du secteur maritime pour les mesures de chômage partiel ainsi qu'un soutien à la trésorerie des compagnies par un élargissement des prêts de la Banque publique d'investissement (BPI) afin de financer les fonds propres devant être investis pour la construction de nouveaux navires. Enfin, dans un contexte de concurrence intense au sein de l'Union européenne, je considère que nous devrons aller beaucoup plus loin sur la question des exonérations de charge pour atteindre un véritable « net wage » comme au Danemark, en Allemagne ou en Italie. À ce jour la France n'utilise pas l'ensemble des leviers sociaux et fiscaux permis par le régime des aides d'État et nous perdons en compétitivité.
Ensuite, à moyen terme, nous devons définir un plan de relance non seulement pour soutenir les entreprises mais, plus important encore à mes yeux, pour préserver le mouvement de verdissement et de développement durable dans lequel le secteur est engagé depuis plusieurs années. Avant la crise, le tableau apparaissait positif : les armateurs font construire de plus en plus de navires au gaz naturel liquéfié (GNL), les ports mettent en place des infrastructures dédiées à l'avitaillement en GNL, les croisiéristes investissent pour diminuer leurs rejets affectant la qualité de l'air dans les villes portuaires. Si l'État et les banques n'apportent pas leur soutien aux opérateurs, je crains que l'ambition écologique soit réduite, ce que personne ne souhaite. Une autre piste me paraît particulièrement intéressante à examiner : la possibilité de réserver aux armements français une part du transport de fret à destination de la France (5 à 10 %) pour marquer la priorité stratégique de l'État à l'égard de la souveraineté maritime et en matière d'approvisionnement. Ce dispositif existe par exemple depuis 1992 pour les approvisionnements énergétiques (5,5 %).
Mon dernier axe de préconisation concerne l'anticipation du déconfinement, en particulier pour le transport maritime de passagers. Il y a urgence car la saison estivale approche et les compagnies maritimes réalisent entre 50 et 90 % de leur chiffre d'affaires durant cette période. Si rien n'est fait, les conséquences seront désastreuses pour la viabilité des compagnies, pour l'entretien et la sécurité des navires, pour le tourisme national et bien sûr pour les collectivités organisatrices de la mobilité. Je sais que mes collègues élus des territoires littoraux et des îles sont particulièrement sensibles et sensibilisés à ce sujet.
Pour les liaisons assurées avec des délégations de service public (DSP) classiques, il est indispensable que les autorités organisatrices de la mobilité et les compagnies se rapprochent dès maintenant et travaillent avec Jean Castex pour bâtir une organisation robuste, permettant de respecter les gestes barrières tout en assurant un minimum de liaisons. Il y a un point de vigilance particulier sur les liaisons transmanches : les compagnies de transport de passagers qui se sont reconverties dans le transport de fret demandent des compensations financières et la possibilité d'accorder des avoirs pour les voyages non assurés plutôt que des remboursements. Que ce soit en France ou au Royaume-Uni, ce sujet avance malheureusement très lentement. Pour une reprise des liaisons passagers en phase de déconfinement progressif, plusieurs pistes doivent être étudiées : la réduction du nombre de places par navire, l'augmentation du prix des billets avec modération, des subventions d'exploitation aux opérateurs. Sans oublier là encore un soutien du secteur des assurances.
Voici les éléments que je souhaitais partager avec vous. Je vous indique également que j'enverrai prochainement un courrier au ministre de l'action et des comptes publics, avec copie au secrétaire d'État aux transports, pour appuyer ces demandes, au nom de toute notre commission, si vous en êtes d'accord. Je vous remercie de votre attention.
M. Hervé Maurey, président. - Merci beaucoup pour cette communication très intéressante. Il est important que la commission tout entière soutienne cette démarche et qu'elle puisse être faite au nom de notre commission. S'il n'y a pas d'objections, M. Vaspart va donc rédiger un courrier au ministre faisant état de nos préoccupations et préconisations.
M. Hervé Gillé. - Je vous remercie pour ce point de situation. Je pense, en effet, que cette thématique est un sujet majeur aujourd'hui. Il serait intéressant de l'inscrire sur un plan européen et d'engager une réflexion plus globale sur un plan logistique stratégique pour valoriser certains secteurs dans la perspective des politiques à construire à l'aune du développement durable.
M. Michel Vaspart. - Concernant la stratégie, la mission que nous avons menée avec Martine Filleul nous a conduits à observer plusieurs problèmes, notamment l'absence de stratégie nationale portuaire. Il n'y a pas non plus de stratégie européenne pour le moment. Dans les grands ports maritimes français, les directeurs disposent d'une large autonomie, les conseils de surveillance fonctionnent plus ou moins bien en fonction de la personnalité du directeur du port et de leurs membres. Notre rapport de mission formulera un certain nombre de propositions sur ces points. Sa publication a bien entendu été décalée compte tenu du contexte sanitaire.
Je pense qu'il faut donner à chaque port des objectifs définis par leur conseil de surveillance, mais aussi par l'État. De surcroît, il faut impérativement définir une stratégie européenne face aux concurrents asiatiques.
Mme Martine Filleul. - Merci pour ce compte rendu. Je partage les constats, ainsi que les recommandations. Je voulais cependant insister sur deux sujets qu'il a évoqués : autant je partage la préoccupation d'un plan de relance pour l'ensemble des activités portuaires, autant je souhaite insister sur le fait qu'il faut conditionner les aides au verdissement, favoriser les projets qui vont dans ce sens et surtout ne pas réduire l'ambition sur la diminution des rejets et la décarbonation. En deuxième point et pour aller dans le sens de Michel Vaspart, je souhaite évoquer le tourisme maritime et fluvial. Ces deux secteurs, qui souffrent particulièrement de la crise sanitaire que nous vivons, et des aides doivent être mises en place.
M. Jean-Michel Houllegatte. - Merci pour ce point complet. J'ai deux questions complémentaires. Lors de l'audition avec Armateurs de France, il avait été évoqué la spécificité du chômage partiel en disant que celui-ci a été calqué sur le modèle industriel, alors que le modèle maritime correspond plutôt à 15 jours en mer et 15 jours à terre, ce qui signifie que deux personnes tiennent le même poste. Est-ce que ce point fait partie de la liste des propositions ?
Second point : je rejoins ce qui vient d'être dit sur le conditionnement des aides. Nous avions également évoqué les aides à la pince pour le transport combiné, alors est-ce que cet élément fait partie des mesures dans ce plan de relance, comme le « net wage » (les exceptions de charges) ?
M. Michel Vaspart. - Il y a effectivement une demande spécifique des armateurs concernant le chômage partiel pour les raisons que vous évoquez, puisque pour le moment cette spécificité n'est pas prise en compte, notamment pour les délégués de bord. Je saisirai le ministre sur ce sujet.
Concernant le verdissement de la flotte, il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas de recul. On voit bien qu'aujourd'hui de nombreux acteurs demandent des reports d'application de textes verts votés par notre commission, dans différents secteurs. On a aussi vu, par exemple, le recours massif au plastique à usage unique et les entreprises fabriquant les bouteilles plastiques tourner à plein régime et même faire des heures supplémentaires. Pour le secteur maritime, le risque est d'avoir une remise en cause du bon chemin pris par le secteur aussi bien sur le gaz naturel liquéfié (GNL) pour la propulsion des navires, que sur les prises à quai pour les bateaux de croisière. Il faut donc que notre commission soit particulièrement vigilante sur ce sujet.
M. Hervé Maurey, président. - J'ajoute qu'il faut que cette vigilance soit exercée sur l'ensemble des sujets de notre périmètre. A l'occasion des événements que l'on vit et pour l'après, il ne faut pas remettre en cause des bonnes pratiques environnementales.
Mme Michèle Vullien. - Merci pour cette présentation claire et complète. Je souhaite intervenir sur un point particulier. J'ai été étonnée lors de l'audition des armateurs qu'on n'évoque pas ou peu la question sociale dans les ports. Vous avez parlé d'un équilibre fragile. Avant cette crise sanitaire, on avait des difficultés fortes liées aux grèves à répétition des dockers. Finalement, le fret se détournait des ports français. Je souhaite donc savoir ce qu'on peut envisager sur cette question.
M. Michel Vaspart. - Dans le cadre de la mission d'information, nous avons effectué plusieurs déplacements, dans les sept grands ports maritimes de métropole et celui de Paris, ainsi qu'Anvers et Rotterdam. Ce sujet est revenu en France dans la quasi-totalité des places portuaires, sauf à Dunkerque où la situation est historiquement différente. J'évoquerai ce sujet dans notre rapport de mission d'information avec des propositions concrètes. Cependant, dans mon intervention, je me suis tenu à l'urgence du Covid-19. Je vous invite donc à attendre la publication de ce rapport.
M. Ronan Dantec. - Merci pour ce travail. De mon point de vue, nous ne prenons pas encore la mesure du bouleversement économique des deux prochaines années. Par exemple, je ne suis pas certain que les croisières vont reprendre rapidement. Ce tourisme est tout de même anxiogène en période de crise et comme nous allons vivre encore longtemps avec le Covid-19, je ne suis pas très optimiste. Par contre, sur le volet environnemental, il me semble qu'il y a un point très important, qui serait intéressant de mettre en avant dans le rapport : si le trafic maritime international baisse durablement, l'offre de transport sera de facto excédentaire. À partir de là, deux solutions sont ouvertes : soit il y a moins de navires à la mer, soit les navires iront moins vite. Or, on sait que la course à la vitesse du transport maritime international est la principale raison de l'explosion des émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur. Je me demande donc s'il ne serait pas intéressant d'explorer à l'échelle européenne le fait d'imposer aux bateaux une vitesse plus faible, parce que de toute manière l'offre de transport est très importante et il vaut mieux finalement des bateaux plus lents que des bateaux qui ne tournent pas du tout. Je pense que cela aurait un impact important sur le climat. Je pense aussi aux ports pétroliers et d'énergie fossile, comme celui de Saint-Nazaire, qui vont connaître un effondrement de leur trafic sur les deux prochaines années.
M. Michel Vaspart. - Certains armateurs ont déjà fait ce choix puisque cela fait partie des mesures qui permettent de limiter l'impact environnemental. Une entreprise, comme CMA-CGM, a réduit ses vitesses de 20 % sur certains trajets. D'autres armateurs ont aussi adopté cette mesure. En revanche, il est nécessaire d'avoir une approche coordonnée à l'échelle européenne et dans le cadre de l'Organisation maritime internationale (OMI) mais c'est une piste de réflexion intéressante pour la décarbonation de l'activité maritime et elle fait l'objet de discussions régulières.
M. Ronan Dantec. - Je pense que nous sommes dans une situation où nous serons obligés de « taper du poing sur la table » vis-à-vis des Chinois, qui sont en partie responsables de cette situation. Il faut donc imposer aux armateurs chinois de respecter des vitesses plus faibles. Cette obligation est contrôlable : il suffit de regarder la géolocalisation des navires. En cas de non-respect, il faudra interdire l'accès aux ports européens. Je pense que nous devons mettre en oeuvre rapidement ce type de bonnes pratiques et les imposer de manière stricte à tous les armateurs, notamment chinois.
M. Michel Vaspart. - Je me permets d'apporter un complément sur ce point. Je n'ai pas voulu trop insister tout à l'heure lorsque j'ai parlé de CMA-CGM mais, à l'heure actuelle, les Chinois sont présents partout sur la planète, comme j'ai pu le constater lors de notre déplacement en Nouvelle-Calédonie ou encore quand je me suis rendu en Polynésie Française à l'occasion de notre réflexion sur la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). Ils détiennent une grande partie des matières premières mondiales que ce soit en Afrique ou ailleurs. On a découvert en Polynésie dans notre ZEE, près des îles, des filets dérivants de 3 ou 4 kilomètres appartenant à des bateaux chinois qui pillent notre ressource halieutique sans que personne ne dise mot. Dans le cadre de notre mission d'information sur les ports, nous avons également constaté que les Chinois sont fortement présents dans le domaine maritime : ils ont racheté le port du Pirée, ils sont excessivement présents sur le port de Trieste et sur le port de Gênes et se mobilisent véritablement pour que la route de la soie arrive en Europe. Sur ce sujet, nous ne pouvons pas être naïfs car ces routes fonctionneront dans un quasi-sens unique. Il est donc grand temps que l'Europe et la France se rendent compte et qu'on ne laisse plus faire : c'est un problème de souveraineté nationale.
Mme Marta de Cidrac. - Je rebondis sur ce qui a été dit au sujet des bouteilles en plastique et des emballages à usage unique. Effectivement, je constate, dans ma thématique « économie circulaire », qu'il y a en ce moment une vraie pression qui commence à monter pour que l'on détende un certain nombre de dispositifs que nous avions votés au Sénat. Je rejoins aussi ce qui a été dit sur le volet environnemental, donc effectivement soyons assez vigilants.
M. Hervé Maurey, président. - Il y a d'ailleurs eu des articles dans la presse qui soulignent un réel mouvement d'influence de la part de certains milieux pour demander l'assouplissement de ces règles. Nous devons rester extrêmement vigilants sur ces points.
Je remercie Michel Vaspart pour la qualité de son travail et son engagement sur ces sujets, qui donne beaucoup de force à son travail. C'est très précieux pour notre commission, ainsi que pour le Sénat. Et je remercie également Martine Filleul. Le secteur maritime a besoin de soutien et la situation actuelle nous interroge sur la capacité réelle de la France à utiliser ses atouts.
Comme indiqué, un courrier va être adressé au ministre, suivi d'un « quatre pages » pour donner un écho à ce travail.
Compte rendu de la réunion de bureau du 20 avril 2020
M. Hervé Maurey, président. - Avant l'audition de Sébastien Soriano à 10 heures, je profite de ce temps pour faire un point sur la dernière réunion du bureau, lundi 20 avril. Je vous rappelle que cet après-midi nous entendrons les dirigeants d'Air France-KLM, et la semaine prochaine (mardi après-midi) le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). De plus, nous venons de programmer l'audition de la secrétaire d'État Brune Poirson mercredi matin prochain. Cette réunion, que nous avons évoquée en réunion de bureau, nous paraît utile pour que l'on puisse évoquer avec elle la question des déchetteries, qui pose de nombreux problèmes dans le pays, et également ce que nous avons encore dit ce matin sur un éventuel assouplissement des règles sur lequel il faut être vigilant.
Pour la semaine suivante, le 5 mai nous entendrons Valérie Pécresse, en tant que présidente d'Île-de-France Mobilités, et le 6 mai Catherine Guillouard, présidente de la RATP. Nous entamerons ensuite un cycle d'auditions sur la thématique de « l'après-crise ».
Le bureau de la commission a acté la tenue de communications, chaque semaine à partir d'aujourd'hui, de nos collègues référents sur les secteurs relevant de la compétence de la commission : la semaine prochaine, Nicole Bonnefoy sur le transport aérien et le 6 mai Didier Mandelli sur les transports collectifs, ferroviaires et fluviaux. Le bureau a également proposé la désignation de de nouveaux référents : Guillaume Chevrollier sur les problèmes liés à l'eau et à la biodiversité, et Frédéric Marchand et Nelly Tocqueville sur l'alimentation durable, en lien avec les enjeux écologiques et d'aménagement du territoire. Voilà quelques éléments nouveaux que je souhaitais porter à votre connaissance.
Audition de M. Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la distribution de la presse (Arcep) (en téléconférence)
M. Hervé Maurey, président. - Nous auditionnons aujourd'hui M. Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la distribution de la presse (Arcep), que nous connaissons bien et qui est déjà venu à plusieurs reprises devant nous. Le Sénat, et particulièrement notre commission, sont particulièrement vigilants sur l'aménagement numérique du territoire. Vous ne serez donc pas étonné, Monsieur le Président, que, dès le début de la crise que nous traversons, nous ayons mis en place un groupe de suivi des questions relatives à l'aménagement numérique du territoire, dont les référents sont MM. Patrick Chaize, Jean-Michel Houllegatte et Guillaume Chevrollier.
L'augmentation des usages numériques avec la crise a suscité des craintes quant à la résistance des réseaux. Jusqu'à présent, ceux-ci ont tenu ; vous nous expliquerez ce qui a été fait pour éviter la catastrophe et vous nous direz si nous pouvons être rassurés aujourd'hui. Cette crise a été très révélatrice des forces et des faiblesses de notre société numérique : le télétravail, qui a atteint un record, a permis de maintenir une partie de l'activité économique et de l'enseignement, mais les inégalités territoriales très fortes ont été mises en évidence. Plus de la moitié du territoire n'est pas couvert par une connexion fixe à très haut débit et il existe encore en matière de mobile plusieurs milliers de zones blanches. On mesure à quel point il est nécessaire d'atteindre les objectifs fixés par les programmes de déploiement et, à ce titre, il paraît incroyable que le Gouvernement n'ait pas accepté de consacrer 300 millions d'euros de plus au plan France Très Haut Débit eu égard à l'importance des investissements nécessaires, ainsi que le proposait, notamment, M. Patrick Chaize lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020.
La crise sanitaire va sans doute engendrer des retards dans la mise en oeuvre du New Deal mobile : la mise en service des pylônes du dispositif de couverture ciblée pourrait ainsi être décalée. Des retards pourraient également survenir dans la mise en oeuvre du plan France très haut débit, notamment dans la couverture des zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (AMII). Certains retards étaient prévisibles et il ne faudrait pas que les opérateurs profitent de la crise pour faire entériner des décalages qui auraient eu lieu de toute façon.
Nous sommes très attachés au rôle de l'Arcep et à son pouvoir de contrôle et de sanction, vous pouvez compter sur notre soutien.
M. Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la distribution de la presse (Arcep). - C'est toujours un plaisir de venir devant vous. Nous sommes attentifs aux orientations du Parlement, notamment à celles qui sont exprimées par cette commission, car nous sommes à l'écoute des priorités de la Nation.
En effet, les réseaux tiennent et on constate à quel point on a besoin d'eux. La première réaction des pouvoirs publics a été de s'assurer de la capacité des opérateurs à les entretenir par des interventions physiques, avec la mise en place de plans de continuation d'activité (PCA) axés sur cette priorité. Le risque de congestion était alors seulement potentiel et nous avons anticipé durant le week-end précédant le confinement les conséquences d'une explosion du télétravail, de l'école en ligne et des usages ludiques. Le déploiement a été traité par le Gouvernement par le biais des ordonnances, permettant une fluidification des interventions.
L'Arcep a agi plutôt sur la congestion, en maintenant un
dialogue permanent afin de ne pas laisser les opérateurs seuls. Ainsi le
redimensionnement de certaines interconnexions téléphoniques
insuffisantes a été opéré, et les grands
utilisateurs, les OTT
- Over The Top - ont pris leurs
responsabilités, à l'invitation de la Commission
européenne et du Gouvernement. Sur ce dernier point, nous ne disposons
pas aujourd'hui de bilan qui nous permette de rendre compte de
l'efficacité des mesures qu'ils ont prises. Nous avons obtenu une
réduction de 25 % du débit de certains OTT comme Netflix
via des changements de formats dans les réseaux, mais nous
n'avons pas constaté pour autant de baisse significative en volume. Par
ailleurs, certains usages, les téléchargements en particulier,
échappent aux pics de consommation et ne sont pas inclus dans le
dialogue entre OTT et opérateurs.
Un effort a donc bien été fait, mais je ne peux dire aujourd'hui s'il a été efficace ; nous devrons l'étudier sur un plus long terme. D'autres mesures auraient peut-être pu être prises pour renforcer le dialogue. Ainsi, le report du démarrage de Disney + de deux semaines n'a, semble-t-il, pas permis un changement d'architecture technique chez les opérateurs, qui craignaient que les flux n'empruntent des chemins difficiles à optimiser. Une analyse ex post est donc nécessaire pour apprécier la proportionnalité de cette mesure, mais, face à la crise, il fallait prendre des décisions en urgence, à partir de ce que nous savions.
Il est également difficile de mesurer l'effet de la responsabilisation du grand public. Plusieurs messages ont été diffusés à son intention, afin de consolider les réseaux mobiles 4G. Aujourd'hui, la fragilité se trouve au niveau de la boucle locale, dans le dernier kilomètre : les réseaux fixes sont solides parce qu'ils sont spécifiques à chaque individu, alors que les réseaux mobiles sont partagés. Ainsi, beaucoup de sollicitations sur la même cellule risquent de ralentir le réseau.
Comment accompagner les opérateurs ? Faut-il augmenter les fréquences, les réorganiser pour mieux optimiser leur utilisation, voire éteindre certaines technologies, comme la 3G ? Il faudra sans doute aussi mutualiser davantage le réseau 2G, par exemple. Ensuite, il faut améliorer la collecte. Sur ce point, nous avons longtemps fait confiance aux opérateurs, nous avons accru la pression avec le New Deal mobile, et, pour le contrôle des obligations qui en découlent, nous devrons être exigeants, car les augmentations de trafic restent fortes et le dimensionnement du réseau doit suivre.
Sur l'importance du numérique et les inégalités territoriales, votre commission nous alerte régulièrement, et j'en ai fait la priorité de mon mandat. Avant la crise, l'investissement du secteur des télécoms était passé de 7 milliards d'euros au début des années 2010 à 10 milliards d'euros par an en 2018 et les chiffres de 2019, que nous rendrons publics fin mai, seront conformes à cet ordre de grandeur. Le marché se déployait et la mobilisation était forte sur la fibre, avec un record de 4,9 millions de lignes optiques déployées l'année dernière. En ce qui concerne le mobile, le déploiement massif de la 4G s'est généralisé : 95 % des sites existants, en dehors de ceux relevant des dispositifs propres aux zones blanches, ont basculé en 4G. J'ai, bien sûr, à l'esprit les 5 % restants et les zones non couvertes.
Notre stratégie, consistant à nous appuyer sur un marché fort qui investit beaucoup, a fonctionné. Des dispositifs publics doivent maintenant faire en sorte que le marché satisfasse des objectifs d'intérêt général, c'est le sens du New Deal mobile. Il faut également une mobilisation forte sur tout ce qui ne peut être servi par le marché, c'est la logique des réseaux d'initiative publique (RIP).
Cette dynamique peut-elle se poursuivre ? Je vais être un peu solennel : les pouvoirs publics ont fait le choix de s'appuyer fortement sur le marché pour déployer les réseaux ; le marché doit être responsable à l'égard de ce choix, que je continue à considérer comme pertinent, car il s'appuie sur une alchimie vertueuse entre public et privé permettant de pousser les forces du marché vers l'intérêt général. Aujourd'hui, les opérateurs s'en sortent plutôt plus confortablement que le reste de l'économie, malgré des difficultés opérationnelles : ils fonctionnent par abonnement et la crise limite les changements d'opérateur. Nous attendons donc d'eux qu'ils soient au rendez-vous de leurs responsabilités. Nous saluons les nombreuses initiatives qui ont été prises, les avances de trésorerie concédées aux PME sous-traitantes, les fonds de soutien créés, mais j'attends, notamment des quatre grands acteurs du secteur, qu'ils soutiennent, s'il le faut à bras-le-corps, le tissu de PME de la filière. Il faut éviter que la reprise ne soit ralentie parce qu'on aurait laissé se démanteler ce tissu que nous avons construit tous ensemble. Je les appelle à aller très loin dans leur soutien à cet écosystème, parce que l'après va être très exigeant sur la connectivité. Les réseaux sont essentiels, nous sommes tous impressionnés par la mobilisation des agents de terrain, mais tous, également, émus par les chiffres inquiétants de ceux qui ne sont pas connectés. Nous constatons combien, en situation de confinement, l'absence de connexion est un facteur d'exclusion massif. Les opérateurs doivent donc jouer pleinement leur rôle et permettre une reprise très rapide des déploiements.
Entre 1997 et 2020, nous avons construit un modèle gagnant dans lequel le marché a pu répondre aux objectifs d'aménagement du territoire et je ne suis pas favorable à la remise en place de monopoles publics pour créer des réseaux, mais il faut que les grands acteurs se montrent très responsables. L'Arcep est chargée du contrôle du respect de leurs engagements en matière de déploiement et elle sera très exigeante. Nous tiendrons, certes, compte des contraintes, mais les engagements des opérateurs ont une valeur juridique : nous nous assurerons que les retards soient proportionnés et justifiés et nous imposerons, le cas échéant, un nouveau calendrier portant des mises en demeure. Sur le mobile, nous aurons un premier rendez-vous au mois de juillet, quand devront être mis en service les premiers sites du dispositif de couverture ciblée du New Deal mobile. Sur le fixe, avec M. Julien Denormandie, Ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ville et du Logement, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et les opérateurs de la zone AMII, nous devrons nous mettre autour de la table pour fixer des calendriers, sans doute à la rentrée.
Je suis très sensible à vos propos sur l'Arcep, Monsieur le Président, les réseaux sont un bien commun qui a besoin d'une autorité présente pour garantir que les forces qui concourent à son fonctionnement aillent dans le sens de l'intérêt général. Nous ne sommes toutefois pas naïfs : ce secteur porte de grands enjeux économiques et politiques. La gouvernance de la régulation doit donc garantir notre capacité à jouer notre rôle. Cela se joue sur deux plans. Le premier est notre pouvoir de sanction ; M. Chaize a déposé une proposition de loi pour le mettre à jour, nous accueillons positivement l'idée d'une consolidation et nous sommes à la disposition du Sénat pour en discuter. Le second est notre gouvernance ; nous y tenons jalousement, parce que toute modification nous fragiliserait. À ce titre, dans le cadre du projet de loi sur l'audiovisuel, nous sommes fermement opposés à l'idée de changer la composition du collège de l'Arcep avec l'introduction d'une personnalité désignée par la future autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) qui succèdera au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Nous collaborons avec le CSA, mais modifier la gouvernance de l'Arcep ne nous semble pas souhaitable, car cela nous fragiliserait.
M. Hervé Maurey, président. - Nous avons noté votre appel solennel à la responsabilité des opérateurs et nous sommes en phase avec ce propos. Nous avons également noté avec satisfaction votre volonté d'assurer un suivi très rigoureux des engagements des opérateurs.
M. Patrick Chaize. - Je me félicite de la résilience de nos réseaux, grâce auxquels le numérique garantit en cette période de crise la continuité économique et l'enseignement. Il permet aussi, plus fondamentalement encore, que confinement ne rime pas avec isolement, en nous permettant de rester en contact avec nos proches. Il me semblerait donc cohérent que le statut de secteur essentiel soit enfin accordé officiellement aux réseaux de communication électronique. L'Arcep partage-t-elle cette position ?
Nous saluons la reprise des déploiements de réseaux, mais les conditions de travail demeurent dégradées, ce qui entraîne une hausse du coût des prises, y compris sur les RIP. Comment nous assurer que cette hausse soit strictement limitée à cette période ? N'est-ce pas l'occasion de réviser certains RIP anciens dont les conditions financières sont souvent moins favorables pour les collectivités ? Les petites entreprises de travaux publics sont bien plus impactées par la crise que les opérateurs, lesquels pourraient même en bénéficier. Ces derniers s'appuient sur un réseau résilient, bâti par l'ensemble de l'écosystème ; il serait donc cohérent qu'ils soutiennent les entreprises qui le composent. Comment pouvons-nous nous en assurer autrement que par l'expression d'un voeu ?
La Direction interministérielle du numérique (Dinum) a déployé une plateforme permettant aux opérateurs de faire remonter les difficultés qu'ils rencontrent localement dans la conduite des travaux. L'ANCT fera le lien avec les collectivités territoriales, mais je regrette que ces dernières ne puissent elles-mêmes utiliser cette plateforme pour leurs propres remontées.
Les programmes de déploiement ont probablement pris plusieurs semaines, voire plusieurs mois de retard. La seule solution envisageable, à mon sens, serait de geler la période de mars à juin et de reporter les échéances des programmes de déploiement, si nécessaire. L'Arcep accorde-t-elle son soutien public à cette proposition ?
M. Sébastien Soriano. - S'agissant du statut de service essentiel accordé aux réseaux, je n'en maîtrise par les implications juridiques. C'est une bonne idée, sur un plan conceptuel ; d'ailleurs le service universel existe déjà et prévoit que certaines prestations soient accessibles à tous, analysons-en les conséquences, notamment en matière de résilience des réseaux. Historiquement, nous avions un grand opérateur public dans les réseaux fixes, aujourd'hui il existe plusieurs opérateurs privés et un réseau de collectivités locales intervenantes, dont les réseaux publics passent par des partenaires privés avec des modèles différents. Il s'agit donc d'une myriade de boucles locales. Comment peut-on suivre la résilience de cette infrastructure à long terme ? L'Arcep s'est engagée dans un processus lourd d'analyse des marchés qui nous a conduits à réviser à la fois la régulation d'Orange et celle de la fibre. S'agissant de ce dernier chantier, notre calendrier est maintenu, avec une ébauche à l'été et une adoption en fin d'année. Nous prévoyons de considérer que la boucle optique doit devenir le réseau de référence et prendre ainsi le relais du réseau en cuivre. Cela passe par l'imposition de certaines fonctionnalités et un suivi de la qualité des réseaux. Il faudra sans doute, par ailleurs, harmoniser les plans de continuation de service et réfléchir à des mutualisations de moyens entre acteurs. Cette réflexion pourrait être portée par le comité de filière de la fibre.
En ce qui concerne les difficultés de déploiement, nous avons voulu garder le lien avec les RIP et les territoires en organisant un chat. Les remontées nous indiquent que les RIP sont des réseaux comme les autres, malgré des montages différents, qui rencontrent les mêmes difficultés que les autres. Les acteurs privés qui en sont partenaires ne sont pas en insécurité, car ils bénéficient de contrats de très long terme, nous comptons donc sur leur responsabilité. En tout état de cause, l'Arcep est à l'écoute des difficultés, qu'il faudra analyser au cas par cas.
Vous me demandez comment transformer les voeux en obligation. Cela ne me semble pas nécessaire, car nous disposons d'un cadre juridique permettant d'exiger des opérateurs qu'ils respectent leurs calendriers initiaux, lesquels sont juridiquement contraignants. Il leur revient de se justifier, s'ils ne satisfaisaient pas à ces obligations, et de nous démontrer qu'ils ont pris les mesures nécessaires. Les termes de cette discussion sont donc à notre avantage et il n'est pas nécessaire de rendre juridiquement contraignants de nouveaux engagements, car, dans ce rapport de force, nous n'en avons pas besoin.
La plateforme de signalement que vous évoquez est le fait du Gouvernement, je ne ferai donc pas de commentaires. Les pouvoirs publics sont à l'écoute des collectivités locales et si vous n'êtes pas entendus, n'hésitez pas à passer par l'Arcep. La mobilisation de l'ANCT est totale sur ce dossier et je suis certain qu'il y a une bonne raison que cette plateforme fonctionne ainsi.
Sur l'appréciation du retard qui sera pris, j'entends la proposition d'acter qu'il ne pourra pas dépasser trois mois. Il n'est toutefois pas certain qu'un tel délai soit pertinent pour toutes les obligations ; le New Deal mobile, notamment, prévoyait des échéances en juin et nous avons averti très tôt les opérateurs que nous serions très attentifs au respect de cette date, eu égard au caractère symbolique de ce programme. A priori, le premier arrêté du 27 juin ne fera pas preuve de mansuétude, je ne pars pas du principe que les opérateurs disposeront de trois mois de plus pour remplir leurs obligations. Le New Deal mobile est une opération exceptionnelle, qui prévoit la reconduite de fréquences sans augmentation de redevances en échange d'engagements juridiquement contraignants des opérateurs. Nous serons, certes, à leur écoute, mais le monde n'a pas commencé au mois de mars et je n'entends pas leur concéder un chèque en blanc de trois mois.
Inversement, ce délai pourrait ne pas être suffisant. Il est trop tôt pour évaluer la vitesse de reprise sur le terrain et je ne saurais apprécier aujourd'hui la durée de ce décalage, d'autant que nous ignorons les conditions précises du déconfinement, la possibilité d'éventuelles rechutes, etc. Une telle décision est donc prématurée. Je vous rejoins sur un point : nous n'accepterons pas n'importe quel motif de retard au prétexte de la crise. L'Arcep est un régulateur « business friendly », il ne s'agit pas de devenir un garde-chiourme - pour autant, nous ne sommes pas naïfs. Je ne souhaite donc pas m'enfermer dans un cadre strict de trois mois.
M. Jean-Michel Houllegatte. - Cette crise démontre que le numérique peut être un vecteur de résilience, jusque dans la lutte contre l'épidémie. Reste la question de son empreinte environnementale : notre mission d'information à ce sujet a mis en évidence le concept de sobriété numérique, qui est d'actualité aujourd'hui, au moins en matière de partage de la bande passante. Au-delà de la responsabilisation des grands fournisseurs de contenus et du public, ne faut-il pas inventer de nouvelles formes de régulation des contenus et des volumes de données, quitte à envisager des dérogations proportionnées au principe de neutralité du net ?
Par ailleurs, avez-vous été consulté sur le déploiement de l'application StopCovid et avez-vous un avis sur ce sujet ?
M. Sébastien Soriano. - En matière de sobriété numérique, nous sommes en train de faire notre révolution : intégrer la question environnementale n'était pas intuitif pour nous. Après le Grenelle de l'environnement, la loi nous a confié un objectif général de sobriété, mais sans nous donner d'instrument concret. Nous menions donc sur le sujet un travail de veille peu actif. Nous voyons aujourd'hui monter cette question, y compris dans le cadre de l'arrivée de la 5G. Elle doit être une préoccupation forte pour nous, dans la continuation de notre manifeste Les réseaux comme bien commun et nous devons donc nous armer sur ce sujet. Ma culture d'ingénieur me dicte de disposer d'informations avant d'agir ; aujourd'hui, celles-ci sont parcellaires et insuffisantes, avec beaucoup d'agrégats généraux, alors qu'il nous faut une connaissance très fine. Des ordres de grandeur ont été dégagés : 50 % de l'impact environnemental est le fait des terminaux, 25 % des OTT et des serveurs et 25 % des réseaux de télécoms. Parce que nous avons besoin d'une connaissance plus précise de cette dernière brique, nous avons modifié notre collecte d'information annuelle, de manière à demander la consommation par opérateur à l'intérieur de chaque couche de réseau et, ainsi, de dialoguer avec les opérateurs pour comprendre où se trouvent les marges de manoeuvre. Certes, les individus sont responsables, mais, selon moi, la première responsabilité repose sur les grandes entreprises. Certaines d'entre elles sont très engagées, il faudra engranger leurs initiatives sans nécessairement adopter une logique coercitive. Nous en sommes aujourd'hui à la construction de la connaissance, nous ne ferons donc pas de préconisations à ce stade. Nous verrons si nous pouvons collecter des bonnes pratiques afin de les généraliser, notamment dans le mobile, en matière d'utilisation des bandes de fréquence. Pour l'instant, je ne souhaite pas entrer dans une logique régulatoire.
La question des usages est une question de société qui nous dépasse. Notre mission est de permettre aux Français de communiquer le plus librement possible. De ce point de vue, les forfaits illimités sont un must. Nous recherchons un développement des usages neutre, car la société en est dépendante. La sobriété numérique ne doit donc pas être synonyme de restriction de ces usages, ce qui ne serait pas un bon message dans la société de la connaissance.
En revanche, il faut d'abord imposer la sobriété numérique aux entreprises, et il y a, de ce point de vue, beaucoup à faire au niveau des OTT et des terminaux. L'Arcep milite donc pour une extension de la régulation des télécoms aux terminaux, car, à défaut, 50 % du problème nous échappe, alors même que la question de l'obsolescence programmée montre bien que ceux-ci jouent un rôle très important.
En ce qui concerne les utilisateurs, la société est prête, mais la sobriété doit être décidée par les individus et non par l'État. Nous entendons donc mettre en place une régulation par la data : afin de permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés, nous travaillons sur des outils de comparaison et d'information sur la consommation énergétique des usages. Un article de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire contraint les opérateurs à apposer la consommation énergétique sur la facture, mais il nous semble plus efficace de passer par un tiers certifiant les informations, ainsi que de mettre ces informations à disposition de l'utilisateur dans les OS des terminaux eux-mêmes. Des outils qui rendent ce service existent d'ailleurs déjà, comme Mobile Carbonaliser. Pour que la sobriété de l'utilisateur puisse être placée entre ses propres mains, celui-ci doit disposer des informations nécessaires et l'Arcep a déjà produit ce type d'informations avec les cartes de couverture des réseaux mobiles et de connexion internet, démontrant que la régulation par la data fonctionnait. Cela nous semble être la bonne réponse. Nous ne militons donc pas pour réviser la neutralité du net, qui nous semble rester un principe essentiel de la gouvernance des réseaux. Le remettre en cause serait aller à contresens de l'histoire.
S'agissant de StopCovid, l'Arcep n'a pas été saisie officiellement par le Gouvernement parce que les questions posées relèvent du respect de la vie privée, qui est du ressort de la CNIL. L'Arcep s'intéresse, certes, à la protection de la vie privée par les opérateurs, mais StopCovid ne passera pas par eux. Néanmoins, nous sommes en contact avec le Conseil national du numérique, qui a été saisi par le Gouvernement, et nous participons au débat sur la confrontation entre le Gouvernement et Apple à propos de la nouvelle API que cette entreprise prévoit de se réserver. Cette confrontation s'inscrit dans une réflexion sur la neutralité des OS. Aujourd'hui, ceux-ci dictent leur loi, ce qui pose problème et porte atteinte à la liberté des utilisateurs comme à la souveraineté des États. Nous proposons donc la mise en place d'un arbitre qui puisse questionner les OS, déterminer si les restrictions mises en place sont légitimes et forcer l'ouverture de certaines fonctionnalités, le cas échéant. Nous retrouvons un peu la philosophie de la neutralité du net : ce sont les utilisateurs qui doivent décider de ce qu'ils peuvent utiliser, et non un organe central, public ou privé, érigé en juge des usages.
M. Guillaume Chevrollier. - De nombreuses personnes sont toujours non connectées - 13 millions de Français seraient dans ce cas - et je salue le soutien que leur apportent les élus locaux en cette période difficile.
Vous nous avez annoncé le 2 avril dernier que les enchères pour l'attribution des fréquences de 5G, prévues en avril pour un déploiement du réseau en juillet, seraient reportées de quelques semaines. Avez-vous des précisions sur ce calendrier ? D'une manière surprenante, certaines « fausses nouvelles » ont lié la 5G au Covid-19, et plusieurs antennes ont fait l'objet de dégradations, notamment au Royaume-Uni. En l'absence de travaux scientifiques prouvant son innocuité, l'acceptabilité sociale de la 5G ne semble pas garantie. Il importe donc que les travaux de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) sur ce point soient menés à leur terme en 2021, tel que le prévoit son rapport préliminaire paru il y a quelques semaines. Quelle part l'Arcep prend-elle dans ces travaux ? Dans le déploiement de la 5G, le recours à l'opérateur chinois Huawei n'est pas sans risques du point de vue de la souveraineté nationale. Après le coronavirus, nous pourrions voir surgir un virus informatique... Or nous devons préserver la confiance des usagers en notre réseau. Huawei est peut-être technologiquement plus avancé et moins cher que d'autres opérateurs, mais il importe de conserver la maîtrise de nos réseaux pour faire face aux menaces à venir.
En zones rurales, il y a parfois des problèmes de débit. L'Arcep ne peut-elle suspendre les flux correspondant à certains sites pour adultes, afin de libérer de la bande passante pour les sites éducatifs qu'utilisent les enfants ?
M. Sébastien Soriano. - En effet, nous avons décalé les enchères pour l'attribution des fréquences 5G. Nous envisageons de les tenir soit fin juillet, soit en septembre. Cela dépendra de la vitesse de sortie de confinement.
Vous évoquez les informations étranges qui ont circulé sur la 5G. Certes, nous savons bien qu'elle n'a aucun rapport avec le coronavirus. Mais la 5G est prise comme un totem, contre lequel s'exprime une agressivité que nous devons entendre, car elle révèle une angoisse à l'égard de la technologie. Celle-ci, de plus en plus, est ressentie par nos concitoyens comme quelque chose qui les agresse, qu'ils subissent. L'âge de l'émerveillement technologique, du technosolutionisme, du progrès social accompagné par la technologie, arrive à son terme. Il faut entendre ce message sur la perception de la technologie, et créer les conditions pour que celle-ci se développe comme un bien commun.
C'est pourquoi l'Arcep a fait le choix d'un dialogue le plus ouvert possible. Nous organisons des ateliers de concertation, notamment, sur les réseaux du futur, qui doivent servir l'intérêt des Français, qu'il s'agisse de questions environnementales, du respect de la vie privée, ou de la lutte contre l'addiction - et, bien sûr, de la préservation de notre souveraineté par rapport à l'équipementier chinois que vous évoquiez. Il faut délibérer de toutes ces questions. Les pouvoirs publics ne doivent pas être simplement des passe-plats du marché, et ils doivent le faire savoir. Le cas échéant, nous ne devons pas hésiter à poser des conditions. Il y a un vrai besoin d'appropriation par nos concitoyens des choix technologiques.
Pour autant, nous n'allons pas laisser se diffuser des informations fausses, et l'Agence nationale des fréquences (ANFR) fait à cet égard un travail remarquable de pédagogie sur la mesure des expositions. L'Arcep joue aussi son rôle. Mais nous devons entendre le questionnement citoyen sur la technologie. Une partie de la réponse passera par la régulation, garante d'une harmonie entre l'initiative privée et l'intérêt général.
Concernant Huawei, ce n'est pas à l'Arcep de décider, mais nous veillerons à ce que les opérateurs soient bien en situation de maîtrise de leur réseau, car ceux-ci deviendront de plus en plus logiciels, avec un recours accru à l'algorithmique. C'est d'ailleurs dans leur intérêt.
Vous évoquez les sites pour adultes. Cela soulève la question de la protection de nos enfants contre les contenus pornographiques. MM. Taquet et O ont lancé un chantier sur ce sujet, qui sera animé par l'Arcep et le CSA, et devrait aboutir à la généralisation des filtres parentaux, qui devraient être installés quasiment par défaut sur les portables acquis par les adolescents. Avec la crise, nous avons ouvert un protocole spécifique pour les opérateurs, qui peuvent nous signaler toute alerte sur tel usage des réseaux dont le volume rendrait nécessaire un bridage. La neutralité du net interdit, en principe, le bridage, mais des adaptations sont possibles en cas de congestion. Pour l'instant, nous n'avons reçu aucune demande d'aucun des quatre grands opérateurs. La question du bridage n'est donc pas à l'ordre du jour.
M. Alain Fouché. - Dans les infrastructures, et notamment pour leur maintenance, les investissements et innovations se feront-ils dès la sortie de crise ?
M. Olivier Jacquin. - La crise montre à quel point nous sommes dépendants du numérique. Les entreprises de télécommunication s'en sortent très bien, d'ailleurs, et vous faites appel à leur responsabilité - tout comme mes collègues qui, hier soir dans l'hémicycle, appelaient les assureurs à une « contribution volontaire ». Le législateur que nous sommes devrait leur demander d'accélérer nettement le développement du réseau et la réduction de la fracture numérique, par exemple en intensifiant la mise à disposition de matériel et d'abonnements pour les publics les plus fragiles. Les entreprises sous-traitantes, qui sont sur le terrain, ne se portent pas aussi bien que leurs donneurs d'ordre : un tiers seulement des chantiers se poursuivent. Les quatre opérateurs doivent faire en sorte que ce tissu d'entreprises ne périsse pas, car nous en sommes là. Or le journal Le Monde indiquait le 6 avril dernier que certains d'entre eux avaient recours au chômage partiel...
Mme Éliane Assassi. - On assiste à un développement, dans l'urgence, des forfaits mobiles offerts par les opérateurs, pour donner une meilleure connexion à internet pendant le confinement. L'État, avec le plan « Cohésion numérique des Territoires », soutient à hauteur de 150 euros l'acquisition d'équipements de réception d'internet par les foyers qui ne seront pas raccordés à la fibre optique en 2020, pour une enveloppe globale de 100 millions d'euros. Ne pourrait-on financer aussi par cette enveloppe une sorte de forfait mobile de première nécessité pour les habitants des zones blanches ? L'Arcep du Bénin a interdit la résiliation des cartes SIM et abonnements, à l'image de la prolongation de la trêve hivernale. En ce moment, l'accès au numérique est une nécessité. La France ne peut-elle faire de même ?
M. Sébastien Soriano. - Notre objectif est de débloquer les investissements et les innovations au plus vite après la fin du confinement, monsieur Fouché. Tout dépendra aussi de la réactivité du tissu des sous-traitants. Vous avez raison, monsieur Jacquin, nous pouvons demander des efforts aux opérateurs ; certains y sont prêts, et les ont anticipés. Tous n'ont pas recouru au chômage partiel de la même manière.
Pour réduire la fracture numérique, le législateur pourrait mener une réflexion sur le sens et la portée du service universel social, prévu par la loi, mais limité au tarif social de l'abonnement téléphonique. L'une des difficultés est que la population concernée n'est pas toujours dans une situation administrative identique au reste de la population. Il existe déjà en France des abonnements très peu onéreux - les deuxièmes moins chers au sein de l'OCDE -, avec des quantités de données généreuses. Le marché fait donc déjà une part du travail. Il reste sans doute un maillon à trouver pour combler le fossé entre ces populations et ces forfaits peu chers, et ce n'est peut-être pas aux opérateurs de le faire. Beaucoup d'enseignants ont indiqué avoir perdu un tiers de leurs élèves, sans doute parce que ceux-ci ne parviennent pas à se connecter. En 2018, un code européen des télécoms a été adopté, dont le Gouvernement prévoit de transposer certaines dispositions relatives à cette question.
Quant aux zones blanches, elles sont, par définition, dépourvues de réseau, ce qui fait que l'on ne sait pas apporter de solution rapide : d'où les 150 euros qu'évoque Mme Assassi pour acquérir un équipement satellite. Il y a peut-être une problématique sociale combinée à cette fracture territoriale, en effet. Faut-il interdire les coupures ? C'est un véritable enjeu, avec des foyers qui ont du mal même à se nourrir en cette période difficile. Les opérateurs sont très sensibles à ce sujet et ont un dialogue nourri avec le Gouvernement ; ils font de nombreux gestes commerciaux pour reconduire certains abonnements et augmenter la taille des forfaits. On ne m'a pas signalé de cas de coupure, pour l'instant.
Mme Marta de Cidrac. - L'une des missions de l'Arcep est de veiller à la protection des consommateurs, et de s'assurer de la neutralité des usages. Que pensez-vous de l'application de traçage développée par le Gouvernement, via l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), et des risques qu'elle comporte en termes de sécurité et de protection de la vie privée ? Orange envisage de développer une application similaire. Nous devrons nous prononcer bientôt sur ces projets. L'Arcep n'a pas à le faire à ce stade, mais quelle serait sa position ? Quelles précautions faut-il prendre ? Nous savons que 23 % des Français n'ont pas de smartphone, et le réseau n'est pas égal partout...
M. Éric Gold. - Pourquoi écartez-vous l'idée d'un opérateur public ? Cela pourrait garantir un meilleur équilibre territorial, notamment dans un après-crise où l'État doit reprendre la main sur les domaines stratégiques.
Mme Martine Filleul. - Je souhaitais aussi évoquer les inégalités. Vous dites que les investissements seront au rendez-vous, et que les opérations reprendront rapidement. Pourtant, en tant qu'élue, je ressens autour de moi l'attente, la colère et le sentiment profond d'injustice sur la couverture des territoires ruraux. Il faut aboutir d'urgence à une couverture égale de tout le pays, et traiter la question des 13 millions d'exclus. Vous avez évoqué une extension du service universel, mais il existe des mécanismes sociaux et économiques qui feront que ces 13 millions de personnes se sentiront de plus en plus exclues. Qu'en dites-vous ? Il se dit que la 5G ne répond qu'à certains usages bien précis, et qu'elle génère 30 % de consommation d'énergie supplémentaire. Ne faudrait-il pas revoir nos priorités ?
M. Hervé Gillé. - En milieu rural, le réseau 4G est fragile, comme la crise du Covid-19 le révèle bien. L'accessibilité du numérique dépend aussi du taux d'équipement en smartphones, ainsi que de l'appropriation d'applications encore assez complexes. Cela nous renvoie à la qualité de la médiation numérique, et à la capacité des territoires à développer des accès de première nécessité. Il serait judicieux de conditionner le déploiement de la 5G à l'achèvement de celui de la 4G !
M. Sébastien Soriano. -
À propos de l'application StopCovid, nous n'avons été
informés de l'initiative d'Orange ni par Orange ni par le Gouvernement.
Les Français et les Allemands rassemblent autour de l'Inria et du
Fraunhofer Institut un consortium de plus en plus large de pays, pour
développer une application. S'il n'entre pas dans les compétences
de l'Arcep d'émettre un jugement sur celle-ci, je note qu'il existe un
débat sur son opportunité. Il y a aussi des discussions sur
le type de protocole qui sera utilisé, sur la nature des informations
qui seront échangées entre les smartphones, et sur le
rôle de l'entité centrale
- s'agira-t-il d'un serveur
d'Apple ou de Google, ou de celui d'une autorité publique de
santé ? Ce débat ne doit pas être ramené
à la dialectique centralisation-décentralisation. Parfois, en
décentralisant, on crée des brèches... Et, dans les
systèmes d'Apple et de Google, ces deux entreprises restent toujours
présentes. La CNIL joue pleinement son rôle et fera respecter le
règlement général sur la protection des données
(RGPD). Les concepteurs de cette application sont aussi très
profondément inscrits dans une logique de protection de la vie
privée.
Pour l'Arcep, cette application interroge sur le pouvoir de ce qu'on appelle parfois le « GApple » sur ce qui se passe à l'intérieur des réseaux. Une proposition de loi déposée par Mme Primas, présidente de la commission des affaires économiques, et votée à l'unanimité par le Sénat, vient prendre le relais de la proposition, formulée par l'Arcep il y a deux ans, d'étendre la régulation des télécoms aux OS. Pourquoi réguler les télécoms, en effet ? Parce qu'il s'agit d'une infrastructure essentielle pour la collectivité. Mais on ne peut pas s'y connecter sans un terminal : impossible de mettre son doigt dans une prise optique ! Longtemps, nous avons pensé que le fonctionnement des terminaux garantirait que le jeu soit vraiment ouvert.
De fait, au début, sur les ordinateurs fixes, nous pouvions maîtriser ce que nous faisions : installer des logiciels, changer des équipements, bricoler... Bref, l'ordinateur appartenait à son utilisateur. Nous constatons à présent que les smartphones, qui ont changé nos vies, sont aussi des prisons dorées, car les « GApple » y décident beaucoup de choses à notre place. Nous ne souhaitons pas que l'État prenne ces décisions en lieu et place des « GApple », mais qu'une autorité publique soit en mesure de discuter ces choix, et en particulier les restrictions - par exemple, les applications préinstallées du fait de partenariats commerciaux, qu'on ne peut parfois pas désinstaller. Autre exemple : Apple a réservé la fonctionnalité qui permet de payer sans contact pour Apple Pay, alors que d'autres solutions existent. Pour l'application contre le Covid-19, Google et Apple sont en train de dicter leurs règles.
Il est anormal qu'aucune autorité publique ne soit en situation de discuter leurs choix, c'est-à-dire de les comprendre et d'arbitrer : après tout, les restrictions peuvent avoir des motifs légitimes... Il faut donc un arbitre, comme le prévoit la proposition de loi. Cela nous mettrait en capacité d'avoir un dialogue nourri et, le cas échéant, musclé, avec ces acteurs. Et, au besoin, de lever les restrictions non nécessaires.
Un opérateur public assurerait-il un meilleur équilibre territorial ? Oui, certainement. Mais, à travers les réseaux d'initiative publique, il existe déjà de tels opérateurs. Simplement, je recommande de continuer à s'appuyer sur la force motrice du marché. En France, le secteur des télécoms investit quelque 10 milliards d'euros par an, pour un chiffre d'affaires d'environ 40 milliards d'euros. C'est le taux d'investissement le plus élevé au monde. Habituellement, on observe plutôt 15 ou 20 %. Nous n'hésitons pas à faire pression pour que cet argent soit investi dans l'intérêt des territoires.
Comment répondre dans l'urgence au problème des zones blanches ? C'est justement la vitesse qui est difficile : on touche assez vite des limites. La capacité d'un pays à développer des réseaux n'est pas infinie et, avec 4,9 millions de lignes optiques déployées en 2019, nous avions atteint un niveau déjà très ambitieux. La vitesse, donc, nous l'avons. Reste à ce que les opérateurs se montrent responsables et la retrouvent rapidement après la crise. Changer complètement de modèle casserait ce qui existe et nous ferait perdre beaucoup de temps.
Oui, la 5G consomme 30 % d'énergie en plus, mais de quoi parlons-nous ? Pour l'instant, la 5G n'existe pas en France... Nous invitons donc les associations à travailler avec nous pour éviter que l'impact environnemental des réseaux ne s'accroisse, et pour cantonner la part des télécoms - qui font déjà beaucoup d'efforts en la matière - dans la consommation générale. Ce qui inquiète, ce n'est pas tant la consommation d'énergie du numérique, qui reste plus faible que celle de beaucoup d'autres secteurs, que sa croissance potentielle. La solution n'est pas de tout arrêter, mais de continuer à développer les usages à l'intérieur d'une enveloppe environnementale donnée.
La 5G est-elle utile ? Avant d'apporter l'internet des objets, elle donnera davantage de fréquences, ce qui permettra de mieux affronter l'augmentation du trafic sur les réseaux mobiles. La médiation numérique incombe au Gouvernement, et notamment à M. Cédric O.
M. Claude Bérit-Débat. - L'autorité capable d'avoir un dialogue avec Google et Apple, que vous avez évoquée à propos de l'application StopCovid, devrait-elle être nationale, européenne, ou internationale ? Dans mon département rural, la crise inquiète, et deux associations de maires dont je suis le porte-parole déplorent le retard déjà pris, qui ne fait qu'accroître la fracture numérique. Pour favoriser l'accès social au numérique, une opération ciblée vers les publics fragiles serait urgente. Vous dites que cela incombe au Gouvernement, mais avez-vous des pistes ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Notre groupe de travail sur la fracture territoriale avait auditionné le vice-président de l'Association des maires ruraux de France, qui nous a fait part de sa volonté de monter au créneau face à l'attribution des fréquences de 5G : il estime que ce n'est pas le moment de prélever de l'argent aux opérateurs, qu'on ferait mieux de les inciter à investir plus fortement dans les territoires ruraux pour en améliorer la couverture 4G. Il ajoutait qu'il importait de mieux informer les élus ruraux de l'état de la couverture de leur territoire.
M. Hervé Maurey, président. - Beaucoup de maires trouvent presque indécent que l'on parle de 5G quand leur commune est si mal couverte. L'un d'eux me disait récemment qu'il s'estimerait heureux d'avoir au moins 1G !
M. Sébastien Soriano. - Pour réguler les grands acteurs d'internet, l'idéal est de se placer à la plus grande échelle possible. L'échelle internationale paraît peu crédible, au vu de la difficulté qu'on observe, déjà, à les taxer : faire financer les routes et les écoles par l'industrie du vingt-et-unième siècle semble compliqué... C'est l'échelle européenne qu'il faut viser, même si elle comporte aussi des points de vue assez divergents. Lors d'une crise sanitaire, des enjeux de souveraineté nationale se manifestent aussi. La proposition de loi déposée par Mme Primas prévoit une échelle nationale, et cela a été validé par le Conseil d'État. La régulation du numérique ne se fait donc pas forcément au niveau européen, malgré la directive e-commerce, qui prévoit justement des exceptions.
Et il ne faut pas sous-estimer l'importance de la proximité du terrain. La proposition de loi permet, par exemple, à des start-up de saisir le régulateur de déréférencements abusifs. Il faut rester proche du tissu entreprenarial national : on ne traitera pas tous les jours de grands bras de fer entre multinationales. Bref, il faudrait un cadre juridique européen, et des applications par des autorités nationales, regroupées dans des organes de coordination, sur le modèle de l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques, le Berec - Body of European Regulators for Electronic Communications -, qui a permis une mise en oeuvre harmonieuse de la neutralité du net en Europe, dans le cadre du règlement de 2015, alors même que celle-ci posait des questions de fragmentation aussi importantes que la régulation des grands acteurs d'internet. Nous pourrions commencer par mettre en place une régulation nationale, et inviter ensuite nos partenaires européens à s'y joindre.
Sur l'accès social au numérique, les opérateurs ont pris des initiatives. Le plus simple, si l'on bute sur des questions administratives, est de distribuer massivement des cartes SIM dotées d'un forfait de données, même si cela peut compliquer la gestion des réseaux. Je suis conscient du décalage que suscite la 5G dans les ressentis. L'Arcep souhaite que, quelle que soit la technologie, tous les territoires aient accès à la même performance. Or la 5G constitue surtout une solution pour les zones urbaines saturées. En zone rurale, l'objectif est souvent d'amener la 4G. Dans l'attribution des fréquences, nous demandons aux opérateurs un quadruplement du débit obligatoire sur l'ensemble du réseau - en respectant un calendrier. L'Arcep veillera attentivement à ce que tous les territoires soient desservis.
M. Hervé Maurey, président. - Merci pour vos réponses.
La téléconférence est close à 12 h 5.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est ouverte à 16 heures.
Audition de M. Benjamin Smith, directeur général du groupe Air France-KLM, Mmes Anne-Marie Couderc, présidente non exécutive du groupe Air France-KLM, Anne Rigail, directrice générale d'Air France, et Anne-Sophie Le Lay, secrétaire générale du groupe Air France-KLM et d'Air France (en téléconférence)
M. Hervé Maurey, président. - Mes chers collègues, nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir M. Benjamin Smith, directeur général du groupe Air France-KLM, Mmes Anne-Marie Couderc, présidente non exécutive du groupe Air France-KLM, Anne Rigail, directrice générale d'Air France, et Anne-Sophie Le Lay, secrétaire générale du groupe Air France-KLM et d'Air France.
Nous avons reçu Benjamin Smith en janvier 2019, peu de temps après sa prise de fonctions. Nous l'avions écouté avec grand intérêt nous présenter les perspectives qu'il entrevoyait pour sa compagnie et avions pris connaissance des mesures qu'il avait commencé à mettre en oeuvre pour redresser l'entreprise.
Le contexte est malheureusement aujourd'hui très différent : le groupe subit la crise sanitaire de plein fouet, et l'entreprise est dans une situation préoccupante.
Son activité représente 2 % du trafic habituellement observé. Dans un secteur où les coûts fixes sont très importants, c'est une situation extrêmement délicate, que connaît d'ailleurs l'ensemble des compagnies, puisque l'Association internationale des transports aériens (IATA) a indiqué que les pertes de l'ensemble des entreprises du secteur pourraient représenter 314 milliards pour l'année 2020.
Nous aimerions donc que vous puissiez faire le point sur la situation de l'entreprise, sur les pertes, ainsi que sur les mesures que vous avez mises en oeuvre pour essayer de réduire les coûts.
Nous sommes bien conscients des difficultés et avons nous-mêmes appuyé la démarche du secrétaire d'État aux Transports, M. Jean-Baptiste Djebbari, et du Gouvernement tendant à ce que soit adaptée la réglementation européenne sur le remboursement des vols annulés. Nous souhaitons qu'un fonds de garantie soit mis en oeuvre pour trouver un équilibre entre les intérêts des consommateurs et la protection du pavillon national.
Nous avons aussi évoqué avec Jean-Baptiste Djebbari la nécessité que l'État intervienne de manière plus structurelle et plus forte pour soutenir l'entreprise.
Comme vous le savez, un amendement a été adopté à l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances rectificative qui conditionne les aides que vous pourriez percevoir à de meilleures pratiques environnementales. Pour certains, c'est encore insuffisant. D'aucuns regrettent qu'un chèque en blanc ait été donné au transport aérien.
Le Haut Conseil pour le climat a, par ailleurs, fait savoir aujourd'hui qu'il souhaitait que les aides accordées aux entreprises aériennes soient conditionnées à de meilleures pratiques environnementales, notamment en matière d'émissions de gaz à effet de serre et de respect des objectifs des accords de Paris.
Nous souhaiterions connaître votre position sur ce sujet et que vous nous indiquiez en quoi vous comptez améliorer vos pratiques en matière environnementale.
J'ajouterai, avant de vous laisser la parole, des remerciements pour le rôle que vous avez joué dans le rapatriement d'un certain nombre de Français qui se trouvaient à l'étranger et pour votre contribution au pont aérien entre la Chine et la France, évidemment fort utile.
Après que chacun de vous se sera exprimé, je donnerai la parole à Mme Bonnefoy, référente de notre commission sur la situation du transport aérien dans le cadre du suivi de la crise sanitaire.
Vous avez la parole.
Mme Anne-Marie Couderc, présidente non exécutive du groupe Air France-KLM. - Mesdames et messieurs les sénateurs, nous nous retrouverons dans un contexte qu'aucun d'entre nous n'aurait pu imaginer lors de notre dernière audition.
La pandémie du Covid-19 a très violemment agressé l'ensemble de l'économie, et tout particulièrement le secteur aérien, dans des proportions totalement inédites, en provoquant l'arrêt de pratiquement tous les vols à travers le monde.
Selon l'IATA, les pertes pourraient atteindre 290 milliards d'euros en 2020, dont 82 milliards d'euros pour l'Europe.
Rappelons la chronologie des quelques semaines qui ont vu la chute de notre activité :
- 23 janvier, fermeture de l'aéroport de Wuhan en Chine ;
- 30 janvier, le groupe décide de suspendre tous ses vols vers la Chine ;
- mi-mars, de nombreux pays appliquent des restrictions fortes sur les flux de passagers en provenance ou transitant en Europe et par la France ;
- l'Europe prend des décisions similaires sur les flux de passagers non européens ;
- 17 mars : le Président de la République française annonce le confinement des Français ;
- Transavia France suspend ses opérations le 21 mars, suivi, 48 heures plus tard, par Transavia Hollande ;
- Hop ! suspend toutes ses opérations le 23 mars ;
- Orly ferme le 31 mars au soir ;
- aujourd'hui, Air France opère moins de 5 % de son programme, et KLM moins de 10 %.
C'est une crise d'une gravité extrême et sans aucun précédent. Ceci étant, notre groupe l'affronte avec trois idées-forces, tout d'abord celle d'adapter rapidement le groupe à cette situation sans précédent, en deuxième lieu d'apporter tout notre appui aux États français et hollandais dans la gestion des rapatriements et des approvisionnements de fret médical - vous savez la fierté que c'est pour l'ensemble du groupe Air France-KLM et de ses employés - et enfin de faire de cette crise un point de départ pour un modèle vertueux conciliant impératifs écologiques et économiques, en considérant Air France-KLM comme l'une des infrastructures de la reconstruction du modèle aérien post Covid-19.
Ces dernières semaines, Benjamin Smith et toute l'équipe managériale du groupe, tout comme les dirigeants des compagnies et leur management, se sont mobilisés pour identifier tous les moyens possibles pour minimiser les impacts financiers de cette terrible crise, continuer à mener les opérations que nous effectuons, dont les rapatriements et le pont aérien de fret médical, et commencer à préparer la reprise du groupe dans les semaines à venir.
Les équipes font un travail absolument exceptionnel pour gérer cette crise sans précédent et mettre en oeuvre la stratégie du groupe, qui est de préserver un minimum d'activité et d'assurer la sécurité sanitaire de nos personnels et de nos clients.
Historiquement, nous avons souvent fait le choix de maintenir nos activités, dans la mesure du possible, dans toutes les crises traversées. Nous sommes de nouveau là, même si nos activités sont très fortement réduites. La réduction massive de notre offre ne peut que se poursuivre en avril et mai. Cependant, le groupe continuera à être aux côtés des États français et néerlandais et de leurs concitoyens.
En ce qui concerne Air France-KLM, la compagnie est pleinement présente, avec notamment le pont aérien, après avoir assumé les rapatriements. Elle continuera à être présente pendant la relance, et c'est une fierté pour les 46 000 collaborateurs d'Air France.
En parallèle, l'État français est intervenu très rapidement et efficacement auprès du groupe, comme auprès d'autres secteurs, afin de sauvegarder la situation de trésorerie à court terme par des reports de charges et de taxes. Il en est de même aux Pays-Bas.
Par ailleurs, des discussions sont en cours pour surmonter les difficultés de trésorerie sur les mois à venir sous forme de prêts garantis par les États ou par des prêts directs des États au groupe ou à ses filiales.
Dès le premier jour de la crise, le groupe et son management ont pris toutes les mesures économiques et financières qui s'imposaient pour préserver la trésorerie et les liquidités. Le groupe a démontré une capacité d'adaptation interne extrêmement rapide.
J'ajoute aussi que, depuis deux ans maintenant, une nouvelle dynamique s'est instaurée avec l'arrivée de Benjamin Smith à la tête d'Air France-KLM et d'Anne Rigail à la tête d'Air France.
Leurs méthodes alliant concertation, dialogue et inclusion de toutes les parties prenantes internes et externes ont commencé à montrer leur efficacité pour la partie française du groupe avant le début de la crise que nous connaissons. C'est le mérite que nous devons reconnaître aux grands professionnels que sont Benjamin Smith, Anne Rigail et, pour KLM, Peter Elbers.
Je suis convaincue que cette crise est un catalyseur pour accélérer la transformation de l'aviation civile et que nous avons notre rôle à jouer afin d'accélérer notre engagement de longue date dans la transition environnementale, en recherchant l'alignement des équilibres écologiques et économiques.
Disposer d'un groupe comme Air France-KLM constitue un levier de compétitivité pour tous les secteurs économiques de la France, des Pays-Bas et, plus largement, de l'Europe.
Bénéficier de deux hubs à Paris et Amsterdam pour relier la France, première destination touristique en Europe, et les Pays-Bas au reste du monde est un actif de souveraineté pour nos deux nations. Cet actif est et sera indispensable pour la relance de nos économies.
Les deux ans passés à la tête d'Air France-KLM me permettent d'exprimer devant vous toute ma confiance en Benjamin Smith au titre du groupe, Anne Rigail au titre d'Air France et Peter Elbers pour KLM, pour relever les défis et transformer cette crise en opportunité.
Je vais à présent passer la parole à Benjamin Smith, qui va vous apporter davantage d'éléments sur les perspectives d'Air-France-KLM. Anne Rigail vous présentera ensuite les mesures d'adaptation et les engagements pris par Air France.
Je vous remercie.
M. Benjamin Smith, directeur général du groupe Air France-KLM. - Mesdames et messieurs les sénateurs, la situation est d'une extrême gravité. Dans le monde entier, toutes les flottes des compagnies aériennes sont clouées au sol. C'est une situation sans précédent, à laquelle le secteur du transport aérien n'a jamais été confronté depuis ses origines.
Des compagnies vont faire faillite. Cela a déjà commencé. Virgin Australia Airlines est déjà en cessation de paiements, et la France ne sera probablement pas épargnée.
Cette crise est grave car elle s'inscrit dans la durée. Elle va modifier profondément la gestion des enjeux sanitaires par les États, les attentes et les comportements des voyageurs. Elle impactera l'économie du fait de l'arrêt brutal des échanges.
La capacité d'adaptation individuelle et collective des acteurs est un élément clé pour survivre.
Il est difficile de donner avec précision des perspectives de trafic. Si nous regardons les analyses de certains experts et professionnels du tourisme, le scénario qui semble se dessiner est celui d'un retour au niveau d'activité de 2019 vers 2022.
Le groupe Air France-KLM a été frappé de plein fouet, et le plan stratégique que j'ai lancé avec toute l'équipe de management du groupe et de ses compagnies s'est arrêté en pleine progression. Mon engagement est de mener ce plan à son terme avec les ajustements, les accélérations et les transformations nécessaires.
Ce plan reste articulé autour de trois axes : rétablir la stabilité sociale au sein d'Air France tout en transformant le modèle actuel, tirer parti du modèle performant de KLM et poursuivre la croissance de Transavia.
La transformation durable et la transition écologique sont inscrites au coeur de ce plan stratégique, dont l'ambition est de retrouver des niveaux de compétitivité comparables à ceux de nos pairs.
Le groupe Air France-KLM constitue un actif de souveraineté pour les États français et néerlandais, mais aussi pour l'Europe, qu'il faut préserver, car la montée en puissance des hubs aux portes de l'Europe est intense.
Au-delà de la forte mobilisation de l'ensemble des équipes internes pour mettre en oeuvre l'ensemble des transformations indispensables, le groupe Air France-KLM est en discussion avec les États français et néerlandais pour obtenir un soutien, comme Anne-Marie Couderc l'a dit.
Compte tenu de la crise à laquelle nous sommes confrontés, de sa durée et des incertitudes qu'elle génère, ce soutien est indispensable pour permettre au groupe de traverser cette période critique et lui donner les moyens de mettre en place un modèle aérien plus vertueux, mais aussi plus collectif via le dialogue social, la concertation et l'inclusion. Ces aides devront être toutefois remboursées, et ce soutien engage notre responsabilité.
Le groupe Air France-KLM fait partie des infrastructures de la relance. La reprise post Covid-19 s'annonce lente et progressive. Nous sommes prêts à accélérer notre transformation. L'effort collectif doit s'imposer sur plusieurs sujets, et Air France-KLM y mettra toute son énergie.
Nous souhaitons aussi que le monde post Covid-19 coïncide avec un nouveau chapitre de l'histoire du groupe Air France-KLM.
Nous désirons donner la priorité à la sécurité sanitaire de nos clients et de nos employés et retrouver la compétitivité, socle de notre engagement vers l'avenir de l'aviation civile fondé sur de nouveaux principes, des engagements concrets et une méthode ouverte pour tous les acteurs de la filière aéronautique.
Nous continuerons à connecter la France à ses territoires, la France et l'Europe au monde. Il s'agit d'un engagement central au service de tous les citoyens et de tous les secteurs économiques.
Nous formulerons des engagements sur le plan de l'avenir de la mobilité en France, notamment avec le secteur ferroviaire, les aéroports et les autres modes de transport, en réfléchissant aux passagers et au fret, à la métropole et à la France d'outre-mer et, bien sûr, à une connexion au reste du monde.
Nous ferons tout notre possible, avec l'aide des gouvernements français et néerlandais, pour réussir le Green Deal européen et contribuer au progrès en matière environnementale.
À travers la présidence de l'Association européenne des compagnies aériennes (A4E), que j'assure depuis début mars, le groupe a une opportunité de promouvoir la vision française de l'avenir du secteur aérien, en particulier s'agissant du Green Deal européen.
Air France, comme KLM, réduira de 50 % les émissions de CO2 par passager et par kilomètre par rapport à 2005, année de référence, d'ici à 2030. Cet objectif a été à moitié atteint en 2019.
Pour réduire les émissions de CO2 à la source et la montée en puissance de l'utilisation de biocarburants de deuxième génération, nous souhaitons participer pleinement à la constitution d'une filière française de biocarburant aéronautique en Europe. En France, l'utilisation de biocarburant durable est compatible avec les ambitions françaises de la feuille de route nationale sur les biocarburants.
En concertation avec les pouvoirs publics, cette utilisation devra être graduelle et globale. Elle devra par ailleurs s'appuyer sur les investissements verts et les mécanismes de compensation nécessaires à la constitution d'une filière biocarburant aéronautique, dans le respect des équilibres économiques de tous les acteurs de la filière. Nous nous engageons à expliquer ces enjeux importants et prometteurs au grand public, notamment pour ce qui concerne les compagnies aériennes.
Le renouvellement accéléré de la flotte se poursuivra avec la sortie anticipée des avions polluants et bruyants afin de réduire de 25 % les émissions de CO2 par kilomètre et par passager. Ceci est très important pour nous.
Je passe à présent la parole à Anne Rigail s'agissant des actions et des perspectives du groupe Air France.
Mme Anne Rigail, directrice générale d'Air France. - Je tiens tout d'abord à préciser que le groupe Air France a contribué à une importante opération de rapatriement. Alors que l'espace aérien mondial était en train de se fermer à une vitesse assez inédite, les vols d'Air France et de Transavia ont permis de rapatrier depuis mi-mars plus de 270 000 passagers, dont 150 000 ressortissants français et 44 000 ressortissants communautaires.
Ce travail a été mené en coopération avec le centre de crise du quai d'Orsay. C'est un bel exemple de partenariat public-privé dans ce contexte de crise.
Nous avons réussi à rapatrier ces ressortissants depuis 82 pays, avons veillé à plafonner nos tarifs et à mettre en place des prix spécifiques. Nous n'avons réalisé aucun profit sur ces trajets, alors que de nombreux vols se faisaient à vide à l'aller, les pays concernés ne nous ayant pas autorisés à faire débarquer chez eux des ressortissants européens.
Notre personnel de bord est formé aux situations de peur et d'anxiété. Il a eu pour souci constant de protéger nos clients.
Dans la foulée, nous apportons une contribution majeure au pont aérien mis en place avec la Chine pour approvisionner la France en matériel médical. Nous utilisons nos 777 tout cargo et passagers pour le fret en soute et en cabine. Nous avons enregistré cette semaine cinq rotations d'avions tout cargo et trois rotations de 777 passagers. À partir de la semaine prochaine, nous monterons à sept fréquences par semaine pour les 777 passagers.
Ajoutons qu'en dépit des circonstances, nous continuons à relier la France métropolitaine et la France d'outre-mer. Nous sommes aujourd'hui la seule compagnie à maintenir une activité vers Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Cayenne et Saint-Denis de La Réunion pour assurer la continuité territoriale.
Prendre l'avion doit et devra désormais se faire sur la base d'actions garantissant la sécurité sanitaire de nos clients, mais aussi de nos personnels, au sol comme à bord.
Nous avons renforcé le nettoyage des cabines, adapté le service à bord pour réduire au maximum les contacts, et communiqué de manière proactive auprès de nos passagers dans ce domaine. Sur la quasi-totalité de nos vols, nos coefficients de remplissage sont faibles, de l'ordre de 40 % en moyenne, sauf sur des vols de rapatriement. La distanciation sociale y est donc possible. Quand ce n'est pas le cas, comme sur deux ou trois vols, les personnels navigants commerciaux distribuent des masques à tous les clients qui n'en possèdent pas.
Nous avons généralisé les procédures de désinfection des cabines en utilisant des pulvérisants contenant des produits virucides. L'air à bord des avions est renouvelé toutes les trois minutes, avec des filtres à haute efficacité HEPA, identiques à ceux utilisés dans les blocs opératoires, qui retiennent les plus petits des virus, dont le Covid-19.
On l'a dit, le secteur aérien va être fortement et durablement touché face à l'ampleur de l'épidémie. Notre programme de vols est très vite tombé à moins de 5 % de son niveau normal après l'annonce du confinement. La chute de trésorerie, associée aux coûts fixes résiduels, peut être mortelle si on ne réagit pas rapidement et profondément.
Je pense que nous avons pris les décisions qui conviennent. Les dépenses et les investissements ont été limités au strict minimum pour garantir la sécurité de nos opérations. Les embauches et le recours à la main-d'oeuvre extérieure ont été stoppés, et nous continuons aujourd'hui à exploiter un programme très minimal d'environ cinq vols long-courriers et quinze vols court-courriers et moyen-courriers par jour au départ de Paris-Charles-de-Gaulle pour desservir au total 36 destinations.
Ces niveaux d'activité sont prévus jusqu'au mois de mai prochain. Nous les ajusterons en fonction des décisions gouvernementales et de la demande réelle de transport.
Nous avons dialogué en continu avec les collectivités de la métropole. Air France est titulaire de cinq délégations de service public sur le territoire métropolitain et de deux autres en Corse. Dès le 5 mars, nous avons pris contact avec les collectivités locales délégantes pour ajuster notre programme sur ces lignes. Elles sont actuellement suspendues, en bonne intelligence avec les collectivités. Nous avons maintenu des vols domestiques qui se limitent à moins d'un vol par jour sur trois escales, Toulouse, Marseille et Nice.
Comme Benjamin Smith vous l'a dit, l'environnement est pour nous un sujet clé. Nous disposons d'un plan ambitieux et suivi pour voler tout en contribuant à la transition énergétique du secteur. Nous avions commencé à le faire savoir avant la crise, mais nous devons insister encore.
Nous visions une réduction de 50 % des émissions de CO2 à l'horizon 2030 par passager et par kilomètre par rapport à 2005. Cet objectif est conforme à l'objectif de l'accord de Paris et aux objectifs de la stratégie française bas-carbone.
Nous avons programmé la sortie anticipée des avions les plus polluants - quadrimoteurs, 340, 380 - et faisons entrer dans notre flotte des avions comme les A350 et les A220, qui consomment respectivement 25 % et 20 % de fuel en moins.
Nous poursuivons les optimisations internes - éco-pilotage, réduction des masses, utilisation de biocarburants durables que nous souhaiterions pouvoir développer pour réduire les émissions de CO2 à leur source.
Nous compensons les émissions de CO2 de manière réglementaires avec les programmes Emission Trading Scheme (ETS) et Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation (Corsia), mais également de façon proactive, puisque nous compensons à 100 % les émissions de CO2 de nos vols domestiques depuis le 1er janvier de cette année.
Nous commençons à contribuer à la R&D pour concevoir avec les constructeurs des aéronefs décarbonés. Bien sûr, nous visons une décarbonation totale de toutes les opérations au sol. Notre parc d'engins est aujourd'hui en majorité électrique.
Nous pensons que le groupe Air France a toute sa part dans l'économie française. Nous sommes fortement implantés dans les différentes régions. Nous contribuons à plus de 1,6 % du PIB français et, hors emplois directs du groupe, induisons plus de 420 000 emplois en France.
On le sait moins, mais nos personnels étant basés en France et à Paris, nous avons un effet redistributif sur tout le territoire français, et même dans les régions sans desserte directe. Ainsi, en Bourgogne-Franche-Comté ou en Centre-Val de Loire, nous représentons respectivement 500 et 650 millions d'euros de retombées annuelles. Une part importante de nos personnels navigants habite en province, alors même qu'ils prennent leurs vols à Paris.
Toutes nos dépenses relatives aux services en vol - traiteurs, matériels - sont réalisées en France. Nos compagnies sont également des vitrines pour les contenus culturels, les produits français - vins, eaux minérales, marques agroalimentaires. Nous veillons que nos prestataires soient le plus souvent choisis dans le secteur adapté, et prêtons une attention particulière à la supply chain d'Air France, composée de 3 900 fournisseurs, notamment en termes de délais de paiement ou de responsabilité sociale.
Nous avons également une importante activité de maintenance. Air France Industrie représente ainsi 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Certains investissements axés sur l'innovation, le digital et l'économie circulaire s'inscrivent dans le dispositif « Territoires d'industrie », notamment à Orly et Roissy.
Dans les domaines de l'écologie comme dans ceux de l'aménagement du territoire, nous souhaitons développer une vision inclusive avec tous les partenaires industriels et les opérateurs d'autres modes de transport.
Nous sommes convaincus qu'il ne faut plus opposer les différents modes de transport - avions, trains, bus -, mais qu'il est nécessaire de mener un travail collectif sur leur complémentarité, bien évidemment sans naïveté à l'égard de la concurrence sur certaines destinations.
Avant la crise du Covid-19, nous avions lancé un plan de restauration des marges d'Air France, notamment avec la mise en oeuvre sur le réseau domestique d'un plan de restructuration pour la période 2018-2021 afin de réduire les pertes actuelles d'environ 200 millions d'euros par an.
Ce plan s'inscrit dans la suite des plans continus d'ajustement de l'offre domestique. Nous avons perdu 40 % de l'offre et 53 % de nos effectifs dans nos différentes escales régionales depuis 2006. Le dernier plan prévoit 18 % d'ajustement de l'offre face à l'implantation d'autres modes de transport et des compagnies low cost en France. Nous avons réduit nos effectifs de près de 150 personnes dans nos escales françaises.
Nous savons que la reprise sera lente et progressive compte tenu des nouvelles exigences sanitaires et des probables modifications du comportement des voyageurs. Cela pose évidemment la question de l'accélération de la transformation d'Air France, en particulier de son modèle d'exploitation domestique. Nous souhaiterions instaurer une complémentarité accrue entre l'ensemble des modes de transport.
Quand la crise est survenue, nous étions déjà dans une logique de transformation pour rétablir notre compétitivité. Ce plan était en route depuis un peu plus d'un an. Les résultats 2019 d'Air France étaient en dessous de ceux des principales compagnies aériennes concurrentes.
Même si nos coûts ont baissé de 2 % en 2019, notre marge est restée à 1,7 %, en deçà de celle de nos principaux concurrents européens. Lufthansa a, quant à elle, une marge de 9 %. Celle de British Airways s'établit à 14 %.
La crise nous impose donc d'accélérer notre transformation, mais aussi nos engagements environnementaux.
Sur le plan financier, le dialogue avec l'État s'est établi rapidement et de manière agile. Le groupe a dialogué avec les gouvernements français et néerlandais, ainsi qu'avec la Commission européenne pour adopter différentes mesures et préserver au maximum la trésorerie.
Le dispositif d'activité partielle a été mis en place au sein d'Air France dès le 23 mars, au début pour une durée de six mois à hauteur de 50 %. Une réflexion est en cours, compte tenu du profil probablement plus lent de la reprise, pour pouvoir appliquer ce dispositif sur une durée plus longue.
Nous avons également, après accord de la Commission européenne, obtenu le report de paiement sur des taxes et des redevances aériennes - taxe d'aviation civile, de solidarité, redevances terminales - jusqu'à la fin de l'année 2020, avec des remboursements étalés sur les années 2021 et 2022.
Nous avons également obtenu une autorisation de report de paiement des cotisations sociales pour un mois renouvelable, et des discussions sont en cours pour reporter les cotisations sociales de l'exercice 2020 sur une base pluriannuelle.
En matière d'adaptation des règles européennes, l'agilité doit aussi prévaloir. Le 26 mars dernier, le Parlement européen a accepté de lever l'application d'une disposition très contraignante sur les créneaux de vol jusqu'au 24 octobre 2020, ce qui permet aux compagnies aériennes de conserver leurs créneaux horaires, alors même que nos avions ne volent plus.
Concernant le remboursement des billets, le droit européen veut que les clients d'un vol annulé soient remboursés. Dans des circonstances normales, le remboursement doit avoir lieu sous sept jours. Nous dialoguons au niveau européen pour aménager la règle, mais non le principe. Notre proposition, comme celle de toutes les compagnies aériennes, est de pouvoir donner un avoir remboursable au bout de douze mois s'il n'est pas utilisé durant cette période.
Ce combat est loin d'être gagné, mais il nous semble être juste. Une proposition d'aménagement des dispositions du règlement a été faite en ce sens par les autorités française et néerlandaise, proposition soutenue par un certain nombre d'États membres.
Cette demande est majeure pour les transporteurs aériens compte tenu de l'impact de trésorerie qu'elle peut avoir. Nous l'estimons à un milliard d'euros en Europe pour le groupe Air France-KLM d'ici au 30 septembre 2020.
M. Hervé Maurey, président. - La parole est à Mme Bonnefoy, référente « Situation du transport aérien » de la commission en cette période de crise sanitaire.
Mme Nicole Bonnefoy, référente « Situation du transport aérien ». J'aimerais à mon tour vous remercier pour votre présence et vous féliciter pour la qualité du travail accompli depuis le début de la crise sanitaire. J'ai pu m'en rendre compte au travers des auditions que j'ai menées en tant que rapporteure pour avis du budget sur le transport aérien et référente « Situation du transport aérien » de la commission en cette période de crise sanitaire.
C'est dans ces circonstances dramatiques que l'on mesure la nécessité pour une puissance du rang de notre pays de pouvoir compter sur une compagnie comme Air France.
J'aimerais évoquer avec vous les chantiers des semaines à venir, ainsi que les enjeux du « monde d'après ».
Mes premières questions porteront sur les perspectives de reprise du trafic aérien dans les semaines et les mois à venir - même si vous les avez déjà abordées.
Les personnes que j'ai consultées jusqu'à aujourd'hui s'accordent sur un point : le retour à la normale n'est pas envisageable tant qu'un traitement ou un vaccin ne sera pas trouvé. D'ici là, le trafic aérien devra probablement se soumettre aux contraintes imposées par le virus.
En vol comme au sol, aux frontières en particulier, des règles sanitaires devront être prises pour empêcher une nouvelle propagation incontrôlée du virus. Elles seront probablement inscrites dans le plan de déconfinement qui sera présenté par le Gouvernement.
Selon vous, quelles mesures devront être prises pour permettre une reprise sécurisée du trafic ? Quels modèles de financement pourraient être retenus pour ces nouveaux dispositifs de sécurité sanitaire ? Faut-il s'orienter vers un financement par le passager via la taxe d'aéroport ?
En tout état de cause, ces nouvelles contraintes pourraient entraîner un bouleversement durable du transport aérien et accélérer la tendance à la concentration du secteur, qui était à l'oeuvre avant même le début de la crise sanitaire.
Selon vous, faut-il s'attendre à une augmentation importante du prix du transport aérien et à une réduction de la pression concurrentielle ? Peut-on raisonnablement penser que le modèle low cost résistera à la crise ?
C'est à l'aune de ce constat et de ces interrogations qu'il faut paramétrer, je crois, l'aide que l'État apportera au secteur aérien et en particulier au groupe Air France-KLM. À l'État de redevenir stratège pour donner les moyens à un champion national de résister au mouvement de consolidation auquel n'échappera probablement pas le secteur.
Selon les informations transmises par le secrétaire d'État aux Transports, l'aide publique pourrait s'organiser en deux temps avec, à court terme, des prêts garantis par les États français et néerlandais et, à moyen terme, la perspective d'une recapitalisation ou d'une montée en capital de l'État dans Air France-KLM.
Concernant les prêts garantis, êtes-vous en mesure de nous en dire plus sur les négociations engagées avec les États français et néerlandais, tant sur l'avancée de ces négociations que sur les modalités de l'aide envisagée ?
Concernant la recapitalisation ou la montée en capital, pouvez-vous nous donner des indications concernant les besoins du groupe et le calendrier envisagé ?
En plus de ces aides directes, une révision du règlement européen relatif au remboursement des vols annulés pourrait également s'avérer nécessaire pour autoriser la remise d'avoirs aux passagers concernés en remplacement d'un remboursement monétaire, afin de rassurer les consommateurs sur la solvabilité des avoirs remis par les compagnies. Ne faudrait-il pas aussi, selon vous, mettre en place un fonds de garantie au niveau national ou européen ? En tout état de cause, nous sommes tous d'accord sur le fait que le statu quo n'est ni souhaitable ni durable. Un équilibre doit être trouvé entre le droit des consommateurs et la protection des compagnies nationales mises en péril par la crise sanitaire. C'est le sens du courrier que notre commission, par l'intermédiaire du président Maurey, a adressé au secrétaire d'État aux transports.
Enfin, Air France doit dès à présent se projeter dans le monde d'après qui, dans l'aérien en particulier, ne ressemblera à rien de ce que nous avons connu jusqu'ici. Le groupe devra adapter sa stratégie en conséquence. En particulier, comment envisagez-vous le rôle futur d'Air France concernant la desserte intérieure, le court-courrier, alors que le groupe y connaissait, avant même le début de la crise, d'importantes pertes de parts de marché ? Vous avez enfin parlé de complémentarité accrue entre tous les modes de transport. Comment souhaiteriez-vous mettre en oeuvre cette stratégie ?
M. Hervé Maurey, président. - Pour compléter les questions de Mme Bonnefoy, j'aimerais connaître vos souhaits en matière d'intervention de l'État par rapport aux montants sollicités et au montage juridique. S'agit-il d'une augmentation de capital, d'une nationalisation ?
Ce sont des éléments sur lesquels on a aujourd'hui assez peu d'informations.
Mme Anne Rigail. - Nous travaillons avec Aéroports de Paris afin que le parcours dans l'aéroport redonne confiance aux passagers sans attendre le déconfinement - marques au sol pour signaler la distanciation, plexiglas devant tous les comptoirs. Les salons sont actuellement fermés compte tenu du faible trafic. Nous ne les rouvrirons pas avant un certain temps.
En vol, tous les membres d'équipage d'Air France ont à disposition quasiment depuis le début de la crise des masques, du gel, des gants, des lingettes, des sprays. Nous réfléchissons également au fait de pouvoir donner des lingettes aux clients.
Nos avions sont nettoyés de manière approfondie avant chaque vol. Nous passons des pulvérisants virucides régulièrement, avec un effet rémanent de dix jours pour garantir une parfaite hygiène à bord.
Nous avons limité le service en vol de manière à réduire les interactions, tout en préservant un service correct. L'air en cabine est renouvelé toutes les trois minutes et passe par des filtres qui retiennent les plus petits virus.
Aujourd'hui, les coefficients de remplissage nous permettent d'installer nos clients à distance les uns des autres. Nous souhaitons - et c'est ce que nous avons proposé aux équipes du Gouvernement qui s'occupent des mesures de déconfinement - que le masque soit rendu obligatoire pour le transport en avion, comme d'autres pays l'ont déjà réclamé. Ceci, associé à l'ensemble des autres mesures, permet de garantir une parfaite hygiène.
Concernant les prix du transport aérien, nous avons fait en sorte que les clients qui devaient être rapatriés en urgence ou que le fret aérien pour lequel il existe peu de capacités et une forte pression ne se voient pas appliquer un tarif prohibitif. Nous y veillons quotidiennement. Nous avons même eu des vols à perte.
Quelques compagnies veulent aujourd'hui relancer le trafic avec des tarifs extrêmement bas. On entend parler de billets à un euro sur les vols low cost. Nous croyons que ce ne sont pas les leçons à tirer de cette crise. Ce n'est par ailleurs pas totalement cohérent avec la logique de transition énergétique du secteur que nous souhaitons développer.
Nous faisons tout pour maintenir des prix du transport aérien acceptable pour notre clientèle. Cela a été notre souci pendant toute cette crise. Nous ne voudrions pas que l'après-crise signifie une guerre tarifaire et des pratiques d'offres en dessous des prix et des coûts réels.
M. Benjamin Smith. - J'aimerais tout d'abord remercier tous mes collaborateurs pour l'effort qu'ils ont fourni durant cette crise.
Mes équipes et moi-même sommes par ailleurs très reconnaissants au Gouvernement français pour ce qu'il a fait afin qu'Air France puisse survivre après cette crise très compliquée. Air France fait partie de la culture française et le fait que la compagnie en sorte renforcée sera d'un grand bénéfice pour l'économie du pays. J'espère que l'on trouvera une solution rapide.
Mme Anne-Marie Couderc. - S'agissant du soutien des États, nous sommes aujourd'hui en discussion intense aussi bien avec l'État français qu'avec l'État néerlandais.
Nous ne pouvons communiquer sur des chiffres précis. Nos meilleures estimations actuelles concernant la trésorerie et intégrant les mesures qui ont été évoquées mettent en évidence qu'en l'absence d'un financement rapide, nous avons un besoin de liquidités au troisième trimestre 2020. C'est dire que la situation est très sérieuse. C'est pourquoi les deux États sont aussi impliqués.
Les modalités prévues par les gouvernements nous offrent aujourd'hui des possibilités de deux natures, mais je ne peux en dire plus aujourd'hui, même si je pense que, du côté français, nous allons avancer assez rapidement dans les jours qui viennent. Du côté néerlandais, la pression étant moindre, cela devrait arriver dans les jours et semaines qui suivent.
Les prêts bancaires garantis par les États et la possibilité de prêts directs par les États si nécessaire sont des dispositifs totalement adaptés à la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Nous n'avons pas de voeu à exprimer sur la manière dont ces prêts nous seront attribués. Ils devront en tout état de cause être remboursés et nous devrons trouver les modalités adaptées pour répondre aux créanciers privés ou étatiques.
L'ensemble du management d'Air France, tout comme celui de KLM, s'engage de manière responsable à réaliser des économies assez drastiques et à faire en sorte que ceci profite à la transformation de nos compagnies ainsi qu'à l'ensemble du groupe.
Nous sommes cependant tenus à une grande confidentialité.
M. Hervé Maurey, président. - Les aides seraient donc essentiellement constituées de prêts...
Mme Anne-Marie Couderc. - C'est ce qui est envisagé.
Mme Marta de Cidrac. - Personnellement, je souhaiterais obtenir des réponses sur le « jour d'après » et sur le scénario de reprise d'Air France.
Ce scenario table a priori sur 30 % de vols assurés d'ici juillet, comptant sur la reprise des vols intérieurs, la réouverture des frontières à l'intérieur de l'Union européenne, mais aussi de certains pays hors Union européenne.
Dans le contexte de l'épidémie de Covid-19, cet objectif peut paraître ambitieux, alors que, de l'aveu même du Premier ministre, il ne semble pas raisonnable de partir loin à l'occasion des vacances d'été.
Par ailleurs, la restructuration du réseau intérieur, présentée comme le principal défi de votre plan de changement de modèle et de reconstruction devait initialement se faire en cinq ans, mais vous souhaiteriez la réaliser en deux ans. Même si on comprend cette volonté d'accélération, ma première question porte sur cette modification du calendrier. Dans quelles conditions et avec quelles adaptations d'ordre économique, social et environnemental comptez-vous y parvenir ?
Vous avez évoqué à l'instant les aides éventuelles que vous escomptez. Il me semble que raccourcir de trois ans un plan qualifié d'ambitieux nécessite quelques précisions. Pourriez-vous nous communiquer ces éléments à l'occasion de cette audition ou ces jours prochains ?
Concernant la reprise des vols, quelle destination allez-vous privilégier et en quoi consisteraient les mesures de confinement, avec ce que cela suppose en termes de gestes barrières ? Notre commission a auditionné M. Farandou, président de la SNCF, qui a évoqué le port obligatoire du masque, mais qui envisage également de ne mettre à la vente qu'un siège sur deux. La compagnie Air France pourrait-elle s'orienter vers ce type de dispositif ?
M. Jean-Michel Houllegatte. - Merci pour votre implication et votre réactivité face à la crise actuelle.
Ma question portera sur le low cost. Le retour à la normale va sans doute demander énormément de temps. Un changement de paradigme va peut-être avoir lieu en matière de déplacements touristiques. Pensez-vous qu'il faudra à terme promouvoir le modèle du low cost ? Disposez-vous d'informations sur la reconsolidation du secteur, question que vous a posée Nicole Bonnefoy à laquelle vous n'avez pas répondu ?
M. Olivier Jacquin. - Vous pilotez tous les quatre une des compagnies aériennes les plus puissantes au monde et parmi les premières en Europe. La crise est sidérante, terrifiante, elle cloue les avions au sol, mais n'offre-t-elle pas une perspective d'opportunité puisque bien des entreprises aériennes sont nettement plus fragiles qu'Air France-KLM ? Ma question peut étonner, mais je pense que vous avez des réponses.
Par ailleurs, je vais tout à l'heure soumettre au vote, en séance, dans le cadre du budget, un amendement destiné à conditionner les aides, prêts ou participations des entreprises liées à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PEE) à des considérations écologiques ex ante.
Je pense que l'amendement adopté à l'Assemblée nationale était cosmétique. Celui que je vais proposer ne vous dérangera pas compte tenu de vos déclarations rassurantes sur l'écologie, l'environnement, la prise en compte des limitations en matière de carbone. Il dépasse en effet l'aspect déclaratif. Il est pragmatique, basé sur les propositions d'Oxfam et suggère que, dans douze mois, vous produisiez une stratégie interne de réduction de votre empreinte écologique accompagnée d'un plan d'investissement et de transformation.
Si ceci n'était pas suivi d'effet, vous subiriez des contraintes et vous exposeriez à des demandes de remboursement. Je pense en effet qu'on ne peut disjoindre la crise sanitaire de la crise climatique. Je rappelle que toutes les études en matière de pollution de l'air laissent entendre qu'il existe en France au minimum 60 000 morts par an dues à la pollution de l'air.
M. Alain Fouché. - Quel type de masques donnerez-vous aux passagers lorsque l'avion sera plein ?
Par ailleurs, quel est l'impact de la crise sur l'activité cargo du groupe ?
Enfin, pouvez-vous avancer un calendrier s'agissant de la filière carburant ?
M. Hervé Maurey, président. - Il est important d'être plus précis s'agissant des gestes barrières, car si l'on souhaite que les passagers retrouvent rapidement l'envie de reprendre l'avion dès que ce sera possible, il faut qu'ils soient tout à fait rassurés.
La seule distanciation sociale n'est pas forcément une mesure rassurante, surtout en classe économique. Vous devriez construire un discours plus rassurant sur ce point, si je puis me permettre.
M. Benjamin Smith. - Notre niveau d'activité est en ce moment compris entre 2 % et 3 %. Il devrait être un peu plus élevé à partir de fin juin-début juillet.
Quelles seront les destinations ? Les États-Unis constituent notre marché le plus important. Nous les privilégierons donc si l'on rouvre les frontières - même si d'autres destinations, comme le Brésil, le Japon, l'Afrique sont également importantes.
Il n'en reste pas moins que nous devons nous concentrer sur les vols domestiques. Nous avons en effet perdu beaucoup d'argent l'année passée. Ce n'est pas nouveau : nous sommes en concurrence avec le train et le low cost.
Nous allons accélérer le plan stratégique que nous avons mis en place en novembre dernier. Nous savons que nous devons réduire notre activité sur les réseaux de navigation, où les déficits sont énormes. C'est pourquoi nous allons transformer notre hub régional.
Il est par ailleurs très important de conserver notre trafic sur Roissy. Quant aux dessertes entre Orly et les villes moyennes, nous nous interrogeons pour savoir si Orly peut constituer un hub ou si nous devons utiliser un autre outil. Nous étudions la rentabilité des transversales qui ne passent pas par Paris.
Bien sûr, tout ceci aura un impact social. Nous veillons que cette situation n'affecte pas nos salariés outre mesure, mais nous allons connaître des changements très importants.
Certaines consolidations vont toucher l'Europe, voire la France. Les faillites vont nous permettre d'augmenter rapidement notre activité. Il est très important pour Air France de dégager une plus grande compétitivité par rapport à ses concurrents. Il peut exister d'autres opportunités à travers le monde, mais le premier de nos buts est d'affermir la position d'Air France.
S'agissant du low cost, en France, les deux groupes les plus importants n'ont pas d'activité long-courrier et peuvent reprendre leurs dessertes bien plus vite que nous. C'est pourquoi nous devons mettre en oeuvre tous nos outils.
Mme Anne Rigail. - S'agissant des scénarios de reprise et des gestes barrières, je pense que tout est déjà largement mis en oeuvre. Les sujets majeurs demeurent les masques et la distanciation. Nous sommes convaincus, comme toutes les compagnies, qu'il faut des masques à bord. Nous en avons pourvu nos personnels depuis plus d'un mois et leur avons confié un stock pour pouvoir en doter les clients qui n'en possèdent pas.
Nous travaillons en concertation avec les acteurs du transport et le Gouvernement sur les mesures de sécurité, mais nous pensons que l'obligation de port du masque est fondamentale.
Concernant la distanciation sociale à bord, la difficulté, dans cette période de transition, est d'estimer nos coefficients de remplissage. Beaucoup de clients ne nous préviennent pas de leurs intentions, et il est donc difficile d'établir des estimations précises.
On a pu connaître un ou deux problèmes mais, en moyenne, le remplissage est compris entre 30 % et 40 %. La distanciation sociale est totalement respectée sur l'immense majorité de nos vols, et on le vérifie vol par vol.
Il faudra cependant tenir compte du fait que notre marge était de 1,7 % pour un coefficient de remplissage moyen de plus de 85 %. Si on réduit ce coefficient pour pouvoir respecter la distanciation sociale à bord à moyen-long terme, cela signifie qu'il faudrait limiter le remplissage des cabines aux deux tiers. Notre marge serait alors de - 25 %.
On peut donc se poser la question de la soutenabilité d'une telle mesure, alors que les masques, les filtres HEPA, les désinfections, les gels et les lingettes sont des gestes barrières déjà très significatifs. Nous agirons bien évidemment en concertation avec les différents experts et prendrons les mesures barrières à partir du déconfinement. En effet, les décisions des autorités, qu'il s'agisse des vols domestiques ou des vols à destination des pays de l'Union européenne, déterminent nos capacités de reprise.
Celle-ci se fera donc en fonction des décisions qui seront arrêtées sur le plan européen et international. Nous n'envisageons pas une reprise rapide, nous l'avons dit. Nous gérons les flux dans les aéroports et les avions de manière à respecter les gestes barrières. La problématique vient du fait qu'on ne peut, en matière de transport aérien, concilier une distanciation sociale à long terme avec une reprise significative. Il faudra donc trouver les bons ajustements.
Mme Anne-Marie Couderc. - Je laisserai Anne-Sophie Le Lay évoquer le problème de l'environnement. Nous avons mis en place une commission du développement durable au sein du conseil d'administration du groupe Air France-KLM.
L'engagement du groupe pour lutter contre le changement climatique et en faveur de la transition écologique est un engagement de très long terme. Nous sommes classés tous les ans numéro un de l'industrie aérienne par le Dow Jones Sustainability Index (DJSI).
C'est pour l'industrie aéronautique, qui est en bout de chaîne, une tâche difficile. On doit agir au niveau de l'ensemble de la filière. Nous voulons éviter toute taxation nationale ou européenne afin de ne pas fausser la concurrence internationale.
Nous sommes très impliqués dans cet engagement fort en matière de changement climatique et de transition écologique. Il convient donc d'inciter notre filière à investir dans des avions moins polluants et à poursuivre ses travaux en matière de carburants alternatifs.
Quelles que soient les difficultés du transport aérien, notre groupe est très impliqué dans ces domaines, qu'il s'agisse d'Air France, de Transavia ou de KLM. Je tenais à rappeler que nous partageons totalement cette démarche.
Mme Anne-Sophie Le Lay, secrétaire générale du groupe Air France-KLM. - Le transport aérien est en effet engagé depuis très longtemps sur les objectifs environnementaux qui, depuis quelques mois, occupent particulièrement l'ensemble de la filière. Malgré les travaux importants de R&D menés par les constructeurs, les ruptures technologiques ne sont toutefois pas pour demain.
Dans l'intervalle, il est important que la filière aérienne s'organise pour atteindre des objectifs de réduction de CO2 que le groupe, tout comme l'ensemble du secteur, s'est fixé dans le cadre des accords de Paris et de la stratégie nationale bas-carbone.
Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, autour des carburants alternatifs durables dans le cadre de la feuille de route nationale.
Il est important que nous le fassions en concertation avec les pouvoirs publics. Il convient que cette utilisation soit graduelle, globale, et puisse s'appuyer sur des investissements verts et les mécanismes de compensation nécessaires à la constitution de cette filière, bien évidemment dans le respect des équilibres économiques pour l'ensemble des acteurs.
C'est un enjeu important pour nous, et Air France-KLM souhaite très rapidement porter ces sujets pour les travailler avec l'ensemble de la filière.
M. Hervé Maurey, président. - Il reste en effet tout un travail à faire pour convaincre de l'engagement réel du secteur aérien en faveur de l'environnement, car il existe aujourd'hui un sentiment assez général que transport aérien et respect de l'environnement sont incompatibles.
Vous devez être convaincants, et cela doit passer par des mesures fortes et volontaristes.
M. Benjamin Smith. - S'agissant du marché du cargo, celui-ci revient sur le devant de la scène. Il ne s'est jusqu'à présent pas développé à cause des prix. Aujourd'hui, certains de nos appareils passagers servent cependant uniquement pour le cargo. Ce trafic augmente plus que celui des passagers, car les restrictions ne sont pas les mêmes.
M. Alain Fouché. - Quel est le type de masque utilisé lorsque l'avion est totalement rempli ?
Mme Anne Rigail. - Pour ce qui est des masques, ce n'est pas à nous d'édicter une doctrine. On étudie les préconisations des autres compagnies. Au Canada, je crois que les compagnies recommandent des masques grand public. Le port du masque est une mesure phare. C'est aux experts de se prononcer sur les masques qui devront être utilisés par les passagers.
Nous avons des stocks pour les clients qui n'en possèdent pas. Cela a pu se produire de manière exceptionnelle - j'ai deux vols en tête. Nos personnels disposent de stocks pour se protéger eux-mêmes et pour protéger les clients.
M. Éric Gold. - Je voudrais revenir sur le changement dans les mentalités et les pratiques au sortir de la crise sanitaire, ainsi que sur la place plus importante des enjeux environnementaux qui apparaît nécessaire.
S'il est difficile d'imaginer le monde de demain et l'impact de la crise sur notre mode de vie, des questions ne s'en posent pas moins. On a vu que vous vous les posez également, puisque la sortie de crise sera déterminante pour l'entreprise et que des restructurations sont inévitables.
Pourtant, certains territoires enclavés craignent de voir disparaître les lignes intérieures qui les relient à la capitale, comme celles qui desservent Clermont-Ferrand. La liaison ferroviaire rencontre des difficultés, et certains passagers se tournent donc vers l'aérien, qui s'avère généralement plus fiable et constitue une solution complémentaire.
On a abordé le sujet des aides liées à une meilleure pratique environnementale. Je voudrais évoquer les aides conditionnées à l'avenir des lignes d'aménagement du territoire dans le futur plan de transport post-crise. Mme Couderc a estimé que cette crise constituait une opportunité. J'aimerais savoir si les lignes d'aménagement du territoire seront confortées ou si elles demeureront, comme souvent, les grandes oubliées.
Enfin, mon collègue Jean-Pierre Corbisez s'interroge sur un éventuel transfert du siège du groupe Air France-KLM aux Pays-Bas, qui lui ferait économiser 700 millions d'euros par an. La situation économique difficile va-t-elle relancer ce projet ?
M. Guillaume Chevrollier. - Les membres de l'exécutif d'Air France ont affirmé que leur compagnie est très engagée en matière d'enjeux écologiques et estiment que cette crise sanitaire va avoir un effet de levier en matière de neutralité carbone.
Comment réagissez-vous aux propos de la présidente du Haut Conseil pour le climat qui, pour respecter les engagements en matière de climat, invite à réduire les déplacements en avion ?
La question du renouvellement accéléré de la flotte pour équiper celle-ci d'avions moins polluants recoupe la question du financement. Quels seront vos moyens, hormis le recours aux prêts des États ?
S'agissant de la reprise, comment allez-vous gérer le renouvellement des autorisations de vol de vos pilotes après ces nombreux jours sans voler ? Il faut à la fois garantir la sécurité sanitaire, mais aussi celle des vols.
Enfin, je salue l'engagement de votre compagnie s'agissant du rapatriement de nos compatriotes. Il reste toutefois encore des questions concrètes. Je pense à un étudiant de mon territoire, actuellement à Shanghai, dont le vol de retour, prévu le 25, a été annulé. Comment peut-il rentrer en France, aucune proposition alternative ne lui ayant été faite ? Quelle réponse concrète pouvez-vous lui apporter ?
M. Pierre Médevielle. - Je m'inquiète pour la situation de votre compagnie, mais aussi pour celle des compagnies européennes et mondiales et de l'industrie aéronautique.
Quelles conséquences aura selon vous cette crise sur cette dernière ? Où en êtes-vous de vos commandes en cours ? Allez-vous pouvoir les maintenir ?
Mme Anne Rigail. - Je pense que la crise a révélé le rôle du transport aérien. Même si nous volons de manière plus modérée, nous avons tenu à assurer la continuité territoriale. Nous sommes restés présents, alors que beaucoup d'autres ont arrêté leurs activités.
Le transport aérien est nécessaire aux besoins essentiels ainsi qu'à l'offre cargo, très inférieure à la normale, l'essentiel étant assuré par les vols de passagers. Faute de transport de passagers, on n'arrive plus à acheminer le matériel sanitaire, d'où le pont aérien avec la Chine, ou les matériels vers les DOM-TOM, voire la livraison des produits frais et ultra-frais.
On a parfois des demandes antagonistes entre le fait de limiter le transport aérien et d'augmenter l'offre cargo, alors qu'on parle de la même chose. Le transport aérien reste un besoin essentiel et joue un rôle crucial pour le rayonnement de la France. Au-delà de notre souci de contenir ce virus et de le maîtriser, cette crise a démontré à quel point une compagnie comme la nôtre est essentielle pour une nation qui, comme la France, veut avoir une vraie présence dans le monde.
Quant à la personne bloquée à Shanghai, les autorités chinoises n'ont malheureusement pas permis la reprise du trafic de passagers. On a d'ailleurs dû organiser notre pont aérien via Séoul. Nos pilotes, qui étaient testés avant leur départ, étaient à nouveau testés en Chine. L'un d'eux, déclaré positif, est longtemps resté bloqué en Chine. Nous n'avons pas repris notre trafic de passagers sur la Chine.
Pour le faire, il faudra que la Chine nous y autorise, comme c'est le cas de la plupart des pays africains, des États-Unis ou de l'ensemble du monde. La reprise dépend de facteurs extérieurs très nombreux. Tenter des prédictions relève d'un exercice assez peu scientifique.
La problématique des lignes d'aménagement du territoire, la liaison entre Paris et les régions, ainsi que la réduction des pertes des vols domestiques constituent des sujets essentiels. Il faut bien évidemment maintenir certaines destinations. Je rappelle que nous renforçons le lien des régions vers le hub de Roissy, certaines correspondances internationales jouant un grand rôle pour les régions. Nous étudierons les choses au cas par cas.
Il faut aussi que ces lignes soient soutenables économiquement. Toutes ne le sont pas toujours. Il faut qu'on se penche sur le sujet en concertation avec tous les acteurs concernés.
Pour ce qui est de la reprise et du respect de la sécurité des vols, qui sont des points fondamentaux, nous veillons à ce que notre programme minimum soit assuré par différents types d'avions afin de faciliter la reprise. La Direction générale de l'aviation civile (DGAC) a accepté certaines facilités dans le domaine de l'extension des licences des pilotes. Nous allons faire voler nos instructeurs et reprendre les séances de simulateur pour pouvoir réaliser la reprise en toute sécurité. Des études sont en cours pour ce faire.
M. Benjamin Smith. - En matière de formation, tous nos pilotes doivent réaliser six atterrissages par période de 90 jours. S'ils n'en ont pas la possibilité, des simulateurs de vol leur permettent de s'entraîner sur les appareils qu'ils utilisent. Nous en possédons en grand nombre. Par ailleurs, notre activité va progressivement reprendre et s'accélérer dans les prochaines semaines, après le déconfinement.
Le plan stratégique mis en place en novembre dernier représente 30 % ou 45 % de nos besoins pour assurer la rentabilité d'Air France. Beaucoup d'options existent, mais c'est probablement la meilleure façon de financer nos appareils.
Mme Anne-Marie Couderc. - Le transport aérien est aujourd'hui contesté, très certainement à juste titre dans certains cas. Cette crise révèle tout l'intérêt que représente le secteur aérien pour relier des territoires là où aucun autre moyen de transport n'est possible. On le constate aussi en matière de rapatriement ou de transport de matériel médical.
Je pense que les compagnies aériennes responsables, au lendemain de la crise, devraient être mieux considérées, notamment au regard des modes de concurrence.
Aujourd'hui, les compagnies aériennes comme Air France, KLM et autres respectent un certain nombre de règles face à des compagnies qui recourent au dumping de façon tout à fait anormale.
Nous ne bénéficions cependant pas de règles suffisamment équitables en matière de concurrence dans le transport aérien. Les États qui apportent leur soutien aux compagnies devraient demeurer vigilants face aux règles de concurrence.
95 % des collaborateurs d'Air France bénéficiant de contrats de droit français, il est très difficile de se battre face à certains concurrents qui n'appliquent pas les mêmes règles que nous.
M. Hervé Maurey, président. - Cette situation est malheureusement assez structurelle et récurrente.
M. Jean-Marc Boyer. - Vous avez évoqué 36 destinations jusqu'en mai et un vol Toulouse-Marseille-Nice par jour. Quand envisagez-vous de faire fonctionner à nouveau l'aéroport d'Orly ?
Concernant l'avenir des lignes intérieures, vous connaissez les difficultés de la région Auvergne. Nous n'avons pas de TGV et sommes dotés de trains obsolètes. Jean-Baptiste Djebbari, la semaine dernière, nous a parlé d'un rephasage des opérations de modernisation de la ligne. On peut donc être relativement inquiet.
Reste l'avion. Je comprends le problème financier que pose le fonctionnement aérien des petites lignes, mais les régions sont-elles sollicitées dans le cadre de nouveaux programmes de financement ? Elles ont en effet la compétence économique et tiennent à conserver un trafic aérien vers Paris.
On peut comprendre qu'il n'y aura pas autant de vols qu'auparavant, mais il est indispensable de maintenir le lien. Il ne faudrait pas ajouter une crise économique à la crise sanitaire.
M. Ronan Dantec. - Je salue les déclarations très fortes de toute l'équipe d'Air France, réunie autour de Mme Couderc, concernant la transition écologique.
Je voudrais revenir sur deux questions faisant écho à la dernière intervention d'Anne-Marie Couderc.
Premièrement, la compagnie Air France, malgré le contexte de crise économique que connaît le transport aérien, va-t-elle poursuivre sa politique de compensation des vols ? On pourrait d'ailleurs espérer que celle-ci se porte sur les vols internationaux, puisqu'on n'aura pas de neutralité du transport aérien sans compensation à la hauteur des émissions de CO2.
Deuxièmement, il est peu probable que les carburants de seconde génération, à ce stade, soient concurrentiels par rapport à un prix du pétrole qui pourrait rester relativement bas pendant un certain temps, même si les fluctuations sont rapides. S'il n'existe pas de taxe carbone forte sur le transport aérien, il n'y a pas de modèle économique viable avec des carburants alternatifs.
Air France va-t-elle prendre le leadership d'une coalition de compagnies responsables comme Lufthansa ou autres pour imposer des compensations carbone plus fortes au niveau international ? On peut penser que les Chinois sont moins en situation de force qu'au moment où ils se sont opposés à l'ETS. Il est peu probable qu'on y parvienne sans cette coalition ni sans remise en cause des règles internationales.
Enfin, cela ne signifie-t-il pas qu'on accepte l'augmentation du prix du billet du transport aérien ? Cela veut dire que l'on ramène un certain nombre de passagers vers le train et que l'on réserve le transport aérien pour les endroits où il est nécessaire aux échanges économiques...
M. Cyril Pellevat. - La distanciation sociale va immanquablement se traduire par une perte de recettes et par la diminution du nombre de sièges offerts. Vous avez évoqué un remplissage aux deux tiers. À périmètre constant, les charges d'exploitation, notamment en termes de masse salariale des navigants et non navigants, vont automatiquement peser. Quelle sera votre stratégie de maîtrise des coûts ? Envisagez-vous de négocier certains accords d'entreprise ?
L'éventualité des licenciements à l'issue de la prorogation du chômage partiel est-elle envisagée en cas de reprise de l'exploitation de la totalité du réseau pour 2022 ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Quelles sont les conséquences de la crise sur l'industrie aéronautique et notamment sur Airbus ?
En second lieu, qu'en est-il du Boeing 737 MAX et de la politique d'Air France concernant cet avion, que le recyclage de l'air rendrait bien moins polluant que les autres ?
M. Hervé Maurey, président. - Une précision en matière de chiffres.
Vous avez été discrets - et on peut le comprendre - sur l'ampleur des besoins financiers. Peut-on avoir quelques éléments sur la trajectoire que vous imaginez pour 2020, en termes de résultats notamment ?
Mme Anne Rigail. - Air France ne décide de rien concernant Orly. Nous y avons actuellement entre 1 000 et 2 500 passagers par jour, contre 150 000 habituellement.
Le fait de se regrouper sur Roissy avait donc du sens. La réouverture d'Orly dépendra de la reprise, du rythme du déconfinement, du besoin des autres compagnies et des décisions d'ADP. C'est donc une question à laquelle il est difficile de répondre aujourd'hui.
Pour ce qui est de Clermont-Ferrand, nous sommes bien conscients de l'importance du transport aérien. C'est pourquoi il va falloir travailler le dossier avec l'ensemble des parties prenantes. Clermont-Ferrand est aujourd'hui relié à Orly, à Charles-de-Gaulle et à d'autres régions importantes. Il faut trouver une façon de maintenir des dessertes dans une économie soutenable à moyen-long terme, pour nous comme pour les régions.
Concernant la question de la distanciation sociale, je me suis peut-être mal fait comprendre. Aujourd'hui, la distanciation sociale signifierait un coefficient de remplissage à 66 % et une baisse de nos recettes de l'ordre de 20 %. Aucun modèle ne peut, à moyen-long terme, s'adapter à cette mesure. C'est, je pense, le cas de la très grande majorité des compagnies.
Bien évidemment, il faudra accélérer notre plan de transformation et être plus productifs et efficients. La reprise étant plus lente que ce que l'on avait imaginé, nous réfléchissons à pouvoir appliquer le chômage partiel durant une période plus longue, mais ce n'est ni décidé ni officialisé.
Pour en revenir aux sujets environnementaux, il faut selon moi poursuivre plus que jamais la compensation des vols. Les carburants ne concernent pas que les compagnies aériennes, qui sont en bout de chaîne. On ne peut pas toujours se retourner vers la compagnie aérienne pour lui demander des comptes. C'est une transition qu'il va falloir aborder avec l'ensemble de la filière.
Comment être leader et montrer la voie ? Nos plus grands concurrents sont les compagnies du Golfe. Nous en avons sur toutes nos lignes. Il faut donc une logique et une cohérence globale pour que ce soit supportable.
Mme Anne-Sophie Le Lay. - Vous avez abordé deux enjeux importants, la compensation et les carburants alternatifs. Plusieurs systèmes européens et mondiaux sont en train de se mettre en place dans le cadre du programme Corsia.
On a rappelé à quel point notre secteur est concurrentiel. Il est important que tous les enjeux de compensation et de taxation du secteur aérien soient envisagés dans un cadre européen et surtout international, afin que l'ensemble des compagnies soient dans la même situation et soumises aux mêmes dispositions fiscales.
Il en va de même des carburants alternatifs. La France a pris une initiative extrêmement importante sur ce sujet fin janvier en lançant, dans le cadre de l'engagement pour la croissance verte, un appel pour le lancement d'une filière de carburants alternatifs en France. On attend la réponse pour fin septembre. Ces sujets doivent également être portés au niveau européen dans le cadre du Green Deal actuellement en discussion au niveau européen.
Nous portons évidemment ces sujets en France. Nous sommes convaincus que c'est une bonne transition pour le secteur aérien et l'ensemble de la filière. Nous sommes associés à Safran et Total dans les discussions avec les aéroports, en particulier ADP. Nous pensons utile de les porter de la même manière au niveau européen. C'est ce que nous faisons dans le cadre de l'Association des compagnies aériennes européennes.
Mme Anne-Marie Couderc. - Il nous est difficile de nous exprimer sur les questions financières que vous avez soulevées, monsieur le président. Air France et KLM travaillent sur les business plans qui fondent les besoins de soutien de leur trésorerie pour les mois à venir. Il nous est difficile de nous exprimer sur ce sujet aujourd'hui, et croyez bien que j'en suis désolée.
Vous connaissez notre transparence, mais il s'agit de questions assez sensibles tant que nous n'avons pas abouti dans les discussions, d'autant que les prévisions sur lesquelles nous nous fondons ont beaucoup bougé au long des dernières semaines, compte tenu de la chute de notre activité et du fait que les perspectives de reprise d'activité ne sont pas très claires. Nous nous exprimerons sur ces sujets dès que nous le pourrons.
J'ajoute que nous aurons les résultats du premier trimestre début mai. On y verra alors plus clair, et nous pourrons nous exprimer plus librement.
M. Benjamin Smith. - Nous n'avons pas commandé de 737 MAX. Nous disposons d'A220 pour la flotte moyen-courrier en France, de 737 NG pour Transavia, ainsi que pour KLM.
Quant aux salaires des pilotes, ils sont au prix du marché, et je veux remercier nos salariés pour leur engagement.
Ceux qui nous soutiennent, en particulier le Gouvernement français, doivent être convaincus qu'Air France peut devenir, avec toutes les parties prenantes, un champion mondial dans son domaine.
M. Hervé Maurey, président. - Merci d'avoir consacré près de deux heures à cet échange très intéressant, même si on n'a pas obtenu de réponses à toutes les questions - mais nous comprenons votre discrétion sur certains sujets.
Nous sommes très attachés au pavillon français et au fait de pouvoir disposer d'une entreprise aérienne française performante. Nous soutiendrons tous les efforts qui seront faits par l'État et le Gouvernement pour vous accompagner dans cette période difficile, dont nous espérons, comme vous, qu'elle constituera une opportunité pour votre entreprise.
Néanmoins, notre commission demeurera vigilante en matière d'aménagement du territoire et de développement durable. Il ne faut pas que la nécessaire réduction des coûts se fasse au détriment de l'aménagement du territoire. Il est vrai que ce n'est pas aux entreprises de le financer. Il doit exister une répartition équitable entre l'État et l'entreprise dans cette prise en charge.
Nous veillerons à ce qu'Air France-KLM puisse remplir sa mission et que les attentes exprimées au cours de cette audition ainsi qu'à l'extérieur de notre assemblée en matière d'environnement se traduisent par des faits.
La réunion est close à 17 heures 55.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.