- Mardi 25 février 2020
- Nomination d'un rapporteur
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à modifier les modalités de congé de deuil pour le décès d'un enfant - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée - Examen des amendements au texte de la commission
- Mercredi 26 février 2020
- Nomination d'un rapporteur
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet - Examen des amendements au texte de la commission
- Contrôle et suivi de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme - Examen du rapport d'information
Mardi 25 février 2020
- Présidence de M. Philippe Bas, président -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Nomination d'un rapporteur
La commission désigne M. Alain Marc rapporteur sur la proposition de loi n° 311 (2019-2020) visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français, présentée par Mme Josiane Costes et plusieurs de ses collègues.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à modifier les modalités de congé de deuil pour le décès d'un enfant - Examen du rapport pour avis
M. Philippe Bas, président. - Nous examinons maintenant, pour avis, la proposition de loi visant à modifier les modalités de congé de deuil pour le décès d'un enfant, déposée par notre collègue député Guy Bricout et renvoyée au fond à la commission des affaires sociales.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. - Si la commission des lois a souhaité se saisir de ce texte, c'est pour permettre aux agents publics de bénéficier des mêmes garanties que les salariés de droit privé, face à une situation particulièrement douloureuse.
Pour information, en 2017, 6 500 jeunes de moins de 25 ans ont perdu la vie, dont 3 943 mineurs, mais il n'existe aucune donnée statistique concernant le nombre d'agents publics concernés.
Quel est le droit en vigueur pour les agents publics ? Lorsqu'ils perdent un membre de leur famille, ils peuvent bénéficier d'autorisations spéciales d'absence (ASA). Leur durée varie toutefois d'un versant à l'autre de la fonction publique.
Actuellement, les agents de l'État peuvent s'absenter pendant trois jours ouvrables en cas de décès de leur enfant, majorés de deux jours pour tenir compte des délais de transport pour se rendre aux obsèques. Ces autorisations d'absence constituent non pas un droit, mais une « simple mesure de bienveillance de la part de l'administration », comme le souligne une instruction ministérielle de 1950.
Dans les versants hospitalier et territorial, la durée des ASA est laissée à la libre appréciation des employeurs. Chaque collectivité territoriale délibère sur sa propre doctrine.
Pour sortir de l'hétérogénéité, faciliter la tâche des employeurs et prévoir une équité de traitement des agents publics, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique habilite le Gouvernement à préciser, par décret en Conseil d'État, la liste des ASA dans les trois versants ainsi que leurs conditions d'octroi. Ce décret est en cours de préparation et pourrait être publié au printemps 2020, après examen par le Conseil commun de la fonction publique (CCFP) et le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN).
Les autorisations spéciales d'absence sont assimilées à un temps de travail effectif : les agents publics conservent leur traitement indiciaire ainsi que leurs droits, notamment pour le calcul de leur ancienneté et de leur pension de retraite. Leurs jours d'absence ne génèrent toutefois aucun congé payé et les agents peuvent perdre certaines de leurs primes.
Ces garanties restent plus faibles que dans le secteur privé : les salariés bénéficient, de droit, d'un congé de deuil, dont la durée a été portée de deux à cinq jours en 2016. Il s'agit d'une durée minimale, qui peut être augmentée par un accord collectif au niveau de l'entreprise ou de la branche. Ce congé est pris en compte dans le calcul des congés payés.
Outre les autorisations spéciales d'absence, les agents publics qui perdent un enfant peuvent prendre des congés payés ou être placés en arrêt maladie. Dans ce dernier cas, leur premier jour d'arrêt - le jour de carence - est décompté de leur traitement. D'autres congés existent pour accompagner un enfant malade, avec une prise en charge partielle par l'assurance maladie : le congé de proche aidant, le congé de présence parentale et le congé de solidarité familiale. Les collègues peuvent également faire don d'une partie de leurs jours de repos aux parents d'un enfant malade et aux proches aidants. Ces dispositifs constituent des garanties essentielles pour les agents publics. Et s'inscrivant dans le cadre d'un parcours de soins, ils sont inadaptés en cas de décès brutal de l'enfant.
La proposition de loi déposée par notre collègue Bricout a été malmenée à l'Assemblée nationale. En accord avec le Gouvernement, les députés ont supprimé l'allongement de cinq à douze jours du congé de deuil dans le secteur privé. Ils ont privilégié des dispositifs alternatifs, notamment pour faciliter le don de jours de repos ou la prise de congés payés. De plus, ils ont négligé les 5,33 millions d'agents publics - fonctionnaires, contractuels et militaires - qui représentent pourtant 21 % de la population active.
Devant l'émoi suscité par les travaux de l'Assemblée nationale, le Gouvernement a décidé de programmer rapidement l'examen de cette proposition de loi au Sénat afin de « revoir sa copie ». Aussi, je vous propose d'en profiter pour introduire des dispositions applicables aux trois versants de la fonction publique. Les employeurs publics que j'ai auditionnés semblent tout à fait favorables à cette démarche.
Je vous soumets deux amendements permettant d'offrir les mêmes garanties aux agents publics - fonctionnaires et contractuels - qu'aux salariés de droit privé. Ils s'inscrivent dans la même logique que les amendements déposés pour le secteur privé par notre collègue Élisabeth Doineau, rapporteure pour la commission des affaires sociales.
Le premier amendement introduit un article additionnel après l'article 1er. Il prévoit de recourir aux autorisations spéciales d'absence en cas de décès d'un enfant sans qu'il soit besoin de créer de nouveaux congés. Plus simple sur le plan juridique, ce choix permet de couvrir toutes les catégories d'agents publics en même temps. À l'inverse, la création d'un congé par la loi n'aurait concerné que les fonctionnaires, pas les contractuels.
Par cohérence avec le secteur privé, les agents publics bénéficieraient d'une première autorisation spéciale d'absence de cinq jours ouvrables, quel que soit l'âge de l'enfant. Cette première ASA devrait être prise au moment du décès, sans possibilité de fractionnement.
Lorsque l'enfant est âgé de moins de 25 ans ou à charge au sens du code la sécurité sociale, les fonctionnaires et les agents contractuels bénéficieraient d'une seconde autorisation spéciale d'absence de dix jours ouvrables. Cette seconde ASA pourrait être fractionnée dans un délai de six mois à compter du décès. Les jours non consommés ne pourraient pas être reportés ni figurer dans un compte épargne-temps.
Au total, les agents publics qui perdent un enfant de moins de 25 ans ou à charge pourraient s'absenter pendant trois semaines de leur poste de travail. Cependant, conformément aux règles générales de la fonction publique, leur absence ne pourrait pas excéder 31 jours consécutifs, dans le cas de congés payés posés à la suite des ASA.
Ces autorisations spéciales d'absence seraient accordées de droit et assimilées à un temps de travail effectif, les agents conservant leur traitement indiciaire, ainsi que leurs droits à formation et à la retraite. Par cohérence avec le secteur privé, elles entreraient en compte pour le calcul des congés payés.
Cette mesure serait financée par les employeurs publics. La coordination des employeurs publics territoriaux semble d'accord. Le Gouvernement pourrait toutefois envisager une prise en charge partielle par la sécurité sociale, qu'il est le seul à pouvoir proposer en vertu des règles de recevabilité financière de l'article 40 de la Constitution.
Pourquoi fixer le seuil à 25 ans ? Initialement, la proposition de loi concernait uniquement les enfants mineurs. Faut-il fixer un autre seuil ? Comment le fixer ? Comment le justifier auprès des familles endeuillées ?
La commission des affaires sociales s'appuie sur un critère juridique : les étudiants peuvent rester rattachés au foyer fiscal de leurs parents jusqu'à l'âge de 25 ans. Et sur le plan sociologique, les chiffres de l'INSEE démontrent une mortalité importante entre 19 et 25 ans, avec 2 102 décès en 2017, contre 840 décès pour les mineurs âgés de 12 à 18 ans. Les jeunes sont les premières victimes des accidents de la route, de la drogue ou des suicides...
Pourquoi viser les enfants à charge au sens du code de la sécurité sociale ? Cette notion permet d'inclure les enfants qui, sans avoir de filiation directe avec les agents publics, sont à leur charge. Elle couvre notamment les enfants de leur conjoint, partenaire de pacte civil de solidarité (PACS) ou concubin. C'est pourquoi, je vous propose de reprendre ces critères.
Le second amendement prévoit d'étendre le don de jours de repos au décès d'un enfant. La loi Mathys du 9 mai 2014 permet aux actifs de donner des jours de repos à un collègue qui assume « la charge d'un enfant âgé de moins de vingt ans atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants ». Des décrets ont été pris en 2015 pour appliquer cette disposition aux agents publics civils et militaires.
En 2018, ce dispositif a été étendu aux proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap. Les décrets relatifs à la fonction publique ont été adaptés en conséquence.
Après accord de son chef de service, tout agent public peut donner un jour de repos à un collègue relevant du même employeur. Il peut même effectuer plusieurs dons sur une même année, au profit d'un ou de plusieurs bénéficiaires. Ces dons sont anonymes et sans contrepartie. Ils sont strictement encadrés : les agents doivent garder au moins 20 jours de congés payés ainsi que leurs jours de repos récupérateur.
Pour recevoir des dons de jours, le bénéficiaire doit confirmer par écrit son accord. Le congé est assimilé à une période de service effectif, le bénéficiaire conserve son droit à rémunération. La durée totale du congé est limitée à 90 jours par année civile et par enfant pour les agents civils et à 30 jours renouvelables pour les militaires.
Mon amendement autorise les agents civils et militaires à donner des jours de repos à leurs collègues ayant perdu un enfant de moins de 25 ans ou à charge au sens du code de la sécurité sociale. Les modalités d'application de ce dispositif seraient précisées par un décret en Conseil d'État. Ce décret pourrait reprendre les règles d'encadrement prévues pour le don de jours de repos aux proches aidants et aux parents d'enfants malades.
Cependant, il serait utile de simplifier les procédures pour encourager les agents publics à donner des jours de repos. Certaines règles semblent, en effet, superfétatoires, comme la nécessité d'obtenir l'accord de son chef de service. Une simple obligation d'information pourrait suffire, sans remettre en cause le bon fonctionnement du service. C'est ce que je me permettrai de suggérer au Gouvernement.
EXAMEN DES ARTICLES
Article additionnel après l'article 1er
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-6, que j'ai présenté dans mon intervention liminaire, allonge la durée des autorisations spéciales d'absence en cas de décès d'un enfant.
L'amendement COM-6 est adopté.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-7 autorise les agents civils et militaires à donner des jours de repos à leurs collègues ayant perdu un enfant de moins de 25 ans ou à charge au sens du code de la sécurité sociale.
L'amendement COM-7 est adopté.
M. Philippe Bas, président. - Notre rapporteur défendra donc ces amendements lors de la réunion de la commission des affaires sociales, saisie au fond, qui aura lieu demain. Je propose de donner un avis favorable au texte, sous réserve de l'adoption de nos amendements.
Il en est ainsi décidé.
Projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée - Examen des amendements au texte de la commission
M. Philippe Bas, président. - Nous examinons maintenant les amendements au texte de la commission sur le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - La grande majorité des amendements concernent le droit pénal de l'environnement, auquel il me semble difficile d'apporter des modifications substantielles dans le court délai dont nous disposons pour examiner ce projet de loi. Je serai donc bref dans mes argumentaires.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR
L'amendement n° 55 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Article 1er
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 30, ainsi qu'à l'amendement n° 26.
Article additionnel après l'article 1er
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 29. Il ne semble pas opportun de rouvrir la discussion sur le « verrou de Bercy », dont nous avons déjà abondamment discuté en 2018 et qui a été réformé à cette occasion.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 29.
Article 2
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 31.
Article additionnel avant l'article 5
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 32, qui prévoit de délocaliser le parquet national antiterroriste à Rennes. Si je comprends l'intention de notre collègue, il y a des avantages, sur le plan opérationnel, à maintenir ce parquet à Paris.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 32.
Articles additionnels après l'article 5
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis de sagesse sur l'amendement n° 47, qui prévoit d'élargir la compétence extraterritoriale des juridictions françaises pour la poursuite et le jugement des auteurs de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis à l'étranger. C'est une idée défendue par Jean-Pierre Sueur depuis de nombreuses années et le Sénat avait adopté une proposition de loi en ce sens en 2013. Nous en avons aussi débattu lors de l'examen de la loi de 2019 de programmation et de réforme pour la justice. Le Gouvernement a exprimé ses réserves et redoute une instrumentalisation politique de ces dispositions si la condition de résidence en France était supprimée.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement reprend la proposition de loi que j'avais déposée en septembre 2012 et que le Sénat avait adoptée à l'unanimité en 2013. Il s'agit tout simplement de donner aux magistrats français les pouvoirs prévus dans le statut de Rome sur la Cour pénale internationale en modifiant l'article 689-11 du code de procédure pénale pour élargir la compétence territoriale des tribunaux français et permettre ainsi la poursuite et le jugement des auteurs de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis à l'étranger. Si la loi de programmation et de réforme pour la justice a permis d'obtenir de timides avancées en supprimant la double incrimination pour les génocides, il reste cependant des verrous majeurs à l'application de ce mécanisme de compétence extraterritoriale.
Ainsi, s'il semble pertinent que le monopole de déclenchement de la procédure appartienne au parquet, la condition de résidence sur le territoire français semble trop restrictive. Nous souhaitons que tout auteur de génocide, crime de guerre ou crime contre l'humanité puisse être jugé par la justice française. Le Gouvernement y est opposé, car il considère que cette disposition pourrait occasionner des difficultés diplomatiques. Je ne suis pas convaincu par l'argument, pas plus que Robert Badinter ou Mireille Delmas-Marty.
Par ailleurs, si la condition de double incrimination a été supprimée pour les génocides, ce n'est pas le cas pour les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Or, cette condition n'est jamais invoquée dans le cadre du mandat d'arrêt européen pour les infractions les plus graves - terrorisme, trafic d'armes et traite des êtres humains, par exemple. De plus, cette condition n'est exigée dans aucune autre des dispositions relatives à la compétence extraterritoriale des tribunaux français.
Cet amendement vise donc à supprimer ces deux derniers verrous afin que le juge français puisse enfin exercer pleinement sa compétence extraterritoriale. Le Sénat s'est déjà prononcé en sa faveur à cinq reprises depuis 2013...
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 47 et émet un avis défavorable sur l'amendement n° 15 rectifié.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 9 : il semble difficile d'étendre, au détour d'un simple amendement, le recours aux techniques spéciales d'enquête, qui sont très intrusives pour la vie privée.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.
Article additionnel avant l'article 8
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 18.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable à la motion de renvoi en commission no 39, ainsi qu'aux amendements de suppression de l'article : les adopter reviendrait à supprimer les juridictions spécialisées en matière d'environnement et à empêcher le recours à la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), à laquelle nous sommes attachés.
M. Jacques Bigot. - Notre groupe souhaite que nous puissions approfondir la réflexion pour dresser un bilan de la réforme de la justice pénale en matière d'environnement. Nous constatons que les procureurs ne diligentent plus, ou très exceptionnellement, de poursuites dans certains domaines, comme les atteintes à la salubrité ou les décharges sauvages, tandis que la loi « Engagement et proximité » renvoie aux maires la possibilité de poursuivre ou de délivrer des amendes. C'est la preuve que le Gouvernement n'a pas de stratégie en la matière... L'article 8 ne résout rien, et prétendre dans la presse que l'on crée une justice pénale de l'environnement revient à se moquer du monde ! Vous avez d'ailleurs reconnu la semaine dernière que le texte ne changeait pas grand-chose...
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - À l'exception du recours élargi aux conventions judiciaires d'intérêt public, qui avaient, d'ailleurs, été intégrées dans notre droit par la loi Sapin II, à l'initiative d'un Gouvernement que vous souteniez...
M. Jacques Bigot. - Mais pourquoi les réserver aux personnes morales alors que l'on conserve la possibilité de poursuivre sur le plan pénal les personnes physiques ? Les responsables de l'entreprise pourront être poursuivis, mais pas l'entreprise... Cela montre que ce texte mérite d'être approfondi.
La commission émet un avis défavorable à la motion n° 39.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - L'amendement n° 40, qui vise à supprimer l'article, est contraire à la position de la commission, de même que les amendements identiques nos 3 et 48, ainsi que les amendements nos 12, 41, 5, 13, 36, 37, 42 et 6. L'avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 40, 3, 48, 12, 41, 5, 13, 36, 37, 42 et 6.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - L'amendement n° 43 porte sur la désignation d'une cour d'assises spécialisée en matière de crimes environnementaux. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 43.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - L'amendement n° 10 vise à étendre la compétence des tribunaux spécialisés aux infractions prévues par le code rural et de la pêche maritime. J'y suis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - L'amendement n° 11 vise, quant à lui, à étendre la compétence de la juridiction spécialisée au code forestier. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.
Articles additionnels après l'article 8
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - L'amendement n° 8 porte sur les prérogatives des gardes particuliers. Au regard de la technicité du sujet, nous souhaitons recueillir l'avis du Gouvernement.
La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 8.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - L'amendement n° 38, qui concerne le droit d'évocation du parquet national financier en matière de fraude fiscale, est entièrement satisfait par l'article 4 du projet de loi.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 38.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Nous avons déjà évoqué la question des techniques spéciales d'enquête, sur lesquelles porte l'amendement n° 14. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - L'amendement n° 46 relance le débat sur la question des violences à l'égard des enfants. Est-il opportun de refaire le débat que nous avons déjà eu en 2018 à l'occasion de l'examen du projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes ?
M. Philippe Bas, président. - De plus, la proposition de loi des députés Guillaume Gouffier-Cha et Bérengère Couillard, qui contient un chapitre sur la protection des mineurs, doit être prochainement examinée au Sénat. Elle offrirait un cadre plus adapté pour discuter de ce sujet.
Mme Marie Mercier. - Je partage l'avis du rapporteur.
M. Jacques Bigot. - Mme Rossignol a aussi déposé une proposition de loi qui va dans le même sens. Des faits nouveaux sont survenus dans le domaine du sport. Il faut supprimer la notion de consentement pour les mineurs de 15 ans : toute pénétration sexuelle sur un mineur de 15 ans, qu'il soit consentant ou non, devrait être considérée comme un crime. Nous ne devrions jamais tarder en la matière.
Mme Marie Mercier. - J'admire votre assurance sur ce sujet, sur lequel je travaille depuis de nombreux mois. Les choses ne sont pas aussi simples que cela. Le prêt-à-penser est à bannir. Si la solution était aussi facile, nous l'aurions adoptée depuis bien longtemps.
M. Jacques Bigot. - Dire que je ne travaille pas sur cette question est une erreur ! Je connais bien ces sujets.
Mme Marie Mercier. - Ce n'est pas ce que je dis. Je suis désolée si vous avez mal interprété mes propos.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement très clair apporte une définition précise. Je ne comprends pas pourquoi il faudrait attendre. Ces actes sont des crimes.
M. Philippe Bas, président. - Nous avons déjà délibéré de cette question et la conclusion de la commission avait été négative. Nous en débattrons de nouveau à l'occasion d'une prochaine proposition de loi, qu'il s'agisse de celle de Mme Rossignol ou celle de M. Gouffier-Cha et Mme Couillard.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 46.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Nous avons déjà rejeté l'amendement n° 16 la semaine dernière.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Les amendements nos 17, 2, 44, 19 et 20 concernent des refontes substantielles du droit de l'environnement. Dans le cadre de ce texte, il paraît difficile d'opérer de telles modifications dont les conséquences n'ont pas été évaluées.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 17, 2, 44, 19 et 20.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - L'amendement n° 7 concerne les prérogatives des gardes particuliers assermentés. Je vous propose de demander l'avis du Gouvernement sur la question technique soulevée par Mme Delattre.
La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 7.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Je vous propose également de demander l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 23 et 53, qui portent sur les conditions d'intervention des inspecteurs de l'environnement lors de visites domiciliaires. Je mesure mal les conséquences de ces amendements.
La commission demande l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 23 et 53.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 22 et 52.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Les amendements identiques nos 24 et 54 entendent revenir à une version adoptée par le Sénat, et non retenue par la commission mixte paritaire, sur le projet de loi créant l'Office français de la biodiversité. Il s'agit d'être davantage attentif aux conditions de remise en état d'une installation dont l'exploitation a cessé. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable aux amendements nos 24 et 54.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Les amendements identiques nos 21 et 51 prévoient que l'immobilisation du navire sera possible en cas de rejet des eaux de ballast contaminées, comme c'est le cas pour les dégazages. Cette proposition est pertinente.
La commission émet un avis favorable aux amendements nos 21 et 51.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - L'amendement n° 45 de nos collègues socialistes a été élaboré en réaction à l'atterrissage d'un avion au sommet du Mont-Blanc. Je ne suis pas certain que cet événement isolé justifie l'adoption de ces dispositions, dont on mesure mal les conséquences. Avis défavorable.
M. Jérôme Durain. - Nous avions déjà fait valoir cet amendement dans le cadre du travail sur l'hyperfréquentation des sites touristiques. Nous le défendrons dans l'hémicycle.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 45.
Article 9
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 35.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - L'amendement n° 25 tend à apporter une précision au sein du code de l'organisation judiciaire pour rendre possible la spécialisation d'une juridiction parmi plusieurs tribunaux judiciaires dont les ressorts ne coïncident pas avec un seul département. Cette hypothèse correspond concrètement à la situation d'un tribunal dont le ressort est à cheval sur les deux départements alsaciens. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 25.
Article additionnel après l'article 9
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 4 relatif à une demande de rapport.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Les amendements identiques nos 27, 34 et 49, qui tendent à supprimer l'article, sont contraires à la position de la commission. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 27, 34 et 49.
Article 12
La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 28.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - M. Reichardt défend depuis un certain temps la demande qu'il exprime au travers de l'amendement n° 1 : dans les zones d'installation contrôlée, la création d'un office de notaire nécessite un accord du ministre de la justice, après avis de l'Autorité de la concurrence. En pratique, les demandes sont systématiquement rejetées. L'amendement permet à la Chancellerie de trancher et de ne faire appel à l'Autorité de la concurrence que dans les cas exceptionnels où le ministère de la justice souhaiterait accorder une autorisation. Je suis favorable à cette mesure d'allégement et de mise en cohérence.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1.
Article additionnel après l'article 12
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - L'amendement n° 50 prévoit d'inscrire dans une loi d'airain la préservation du régime autonome de retraite des avocats... Demande de retrait !
M. Jacques Bigot. - L'article 12 du projet de loi vise à assurer l'accès au droit dans tous les territoires. Cet amendement vise non pas à exclure les avocats du régime universel, mais à lier leur intégration à ce régime au règlement du problème de l'accès à la commission d'office et à l'aide juridictionnelle, avec une meilleure rémunération des avocats. La garde des sceaux nous avait annoncé le 17 octobre 2018 qu'elle évoquerait devant nous ce sujet au plus tard à l'été 2019. Or nous attendons toujours.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 50.
Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
La commission a donné les avis suivants sur les autres amendements de séance :
La réunion est close à 9 h 45.
Mercredi 26 février 2020
- Présidence de M. Philippe Bas, président -
La réunion est ouverte à 10 h 05.
Nomination d'un rapporteur
La commission désigne Mme Marie Mercier rapporteur sur la proposition de loi n° 285 (2019-2020), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à protéger les victimes de violences conjugales.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet - Examen des amendements au texte de la commission
M. Philippe Bas, président. - Nous examinons en nouvelle lecture les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.
EXAMEN DES ARTICLES
Article additionnel avant l'article 1er
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n° 8, qui a pour objet d'exclure la presse du champ d'application de la présente proposition de loi, avait déjà été rejeté par le Sénat en première lecture. La réponse confuse de la garde des sceaux avait jeté le trouble. La position du rapporteur demeure identique : retrait ou avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Depuis le début, on soulève le problème de l'application ou non de ce texte à la presse en ligne. Lorsque nous avons défendu l'amendement en séance, nous pensions que la garde des sceaux allait nous rassurer, en arguant que la loi spéciale primait la loi générale, mais tel ne fut pas le cas. J'ai bien compris que la majorité du Sénat n'est pas favorable à cet amendement, mais je souligne qu'il ne pose pas de problème. Que l'on nous prouve juridiquement que notre inquiétude n'est pas fondée.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n° 3 vise à rétablir le délit de non-retrait contre les plateformes, mais assorti d'une sorte de « référé-confirmation » devant le juge : les contenus haineux notifiés devraient être retirés provisoirement par toute plateforme qui ferait valider ce retrait par le juge des référés en quarante-huit heures. Cette disposition, qui a été rejetée en première lecture, a ici certes été un peu modifiée. Mais tout en comprenant la volonté de réaffirmer le rôle de l'autorité judiciaire pour apprécier le caractère illicite des contenus haineux, je ne suis toujours pas convaincu par le mécanisme proposé. En conséquence, l'avis est défavorable.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - L'Assemblée nationale et le Sénat sont dans une opposition stérile : l'Assemblée nationale estime que le retrait dans les vingt-quatre heures ne pose aucun problème, tandis que le Sénat relève le contraire. Si l'on ne trouve pas de solution intermédiaire, c'est in fine l'Assemblée nationale qui décidera.
C'est pourquoi nous proposons que le juge, qui est le seul à pouvoir limiter la liberté d'expression, puisse intervenir.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Le Sénat combat les contenus haineux dans un autre registre : avec des obligations de moyens et avec une sanction administrative.
De plus, vous supprimez diverses améliorations de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), que le Sénat avait pourtant adoptées.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Sous-amendez notre amendement alors !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Je vous propose de demander l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4 relatif aux conditions d'information des représentants légaux d'un mineur par les associations de protection de l'enfance. À défaut d'obtenir en séance des assurances suffisantes sur cette interprétation, mon avis sera favorable pour en revenir à la version du Sénat.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Un mineur peut être accompagné par une association s'il est victime de propos haineux en ligne. De manière pertinente et judicieuse, vous avez soulevé en première lecture, monsieur le rapporteur, la délicate question de l'information des représentants légaux.
Cet amendement prévoit de rétablir une exception à cette information, pour respecter l'intérêt de l'enfant.
La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n° 2, inspiré des travaux conjoints avec le Barreau de Paris, vise à réintroduire le juge dans le processus de retrait des contenus haineux. Même si je partage l'esprit qui sous-tend cet amendement, je ne peux y favorable, car le délai de quarante-huit heures n'est pas réaliste. Par ailleurs, sa rédaction pose plusieurs problèmes juridiques, et cette disposition a déjà été rejetée en première lecture. L'avis demeure défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - À l'initiative de notre collègue rapporteur pour avis Yves Bouloux, nous avons complété les missions confiées au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) afin d'encourager le partage d'informations entre opérateurs pour lutter contre la dissémination des contenus haineux illicites.
L'amendement n° 5 rétablit la version du Sénat en première lecture : il donne compétence au CSA pour préciser, par ses recommandations, le format de ces informations afin d'en faciliter la circulation entre les plateformes. Mon avis est favorable, sous réserve d'une rectification de pure forme.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 5, sous réserve de rectification.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n° 6 me semble satisfait par le droit en vigueur. Le 1° de l'article 19 de la loi Léotard sur la liberté de communication ne prévoit qu'une seule limite aux pouvoirs de contrôle du CSA : le libre exercice de l'activité des partis et groupements politiques. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 6.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° 7 : les auteurs souhaitent aller encore plus loin en généralisant la transparence à tous les acteurs de la publicité en ligne. Je propose que nous nous en tenions au compromis trouvé avec l'Assemblée nationale. En conséquence, l'avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.
La commission a donné les avis suivants :
Contrôle et suivi de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme - Examen du rapport d'information
M. Philippe Bas, président. - Nous examinons maintenant le rapport d'information sur le contrôle et le suivi de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT), qui visait à assurer une sortie maîtrisée de l'état d'urgence, en conférant au ministre de l'intérieur des pouvoirs exceptionnels pour lui permettre de poursuivre la lutte contre le terrorisme. Cette loi comporte notamment quatre mesures inspirées de la loi de 1955 relative à l'état d'urgence, qui ont été adoptées pour une durée limitée, à l'initiative du Sénat, à trois ans. C'est pourquoi nous avions mis en place un suivi de cette loi afin d'évaluer, à l'expiration de ce délai, la pertinence de ces dispositifs, en vue d'éclairer le Sénat sur la nécessité de les pérenniser ou non.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Le contexte est particulier dans la mesure où 43 détenus condamnés pour faits de terrorisme vont sortir de prison cette année et, probablement, 60 détenus l'an prochain.
Comme l'a souligné le président Bas, le Parlement a été saisi du projet de loi SILT à l'été 2017. Cette loi, qui est entrée en vigueur le 1er novembre 2017, a introduit dans le droit commun quatre mesures inspirées de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, mais dont le champ d'application a été limité à la prévention des actes de terrorisme. Il s'agit des périmètres de protection, qui permettent au préfet de sécuriser un lieu ou un événement exposé à une menace terroriste ; de la fermeture des lieux de culte ; des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS), qui permettent d'astreindre certains individus à des mesures de contrainte comme l'assignation dans un territoire ou encore l'obligation de « pointer » quotidiennement au commissariat ou à la brigade de gendarmerie ; et, enfin, des visites domiciliaires, nouveau terme employé pour désigner les perquisitions administratives.
Ces quatre mesures, qui étaient considérées comme sensibles au regard des droits et libertés constitutionnellement garantis, ont été rendues temporaires, à l'initiative du Sénat ; elles arriveront à échéance le 31 décembre prochain, sauf si le Parlement décide de les pérenniser.
Afin d'évaluer l'efficacité et la pertinence de ces mesures, le Parlement a été doté de prérogatives de contrôle renforcé, comme cela était déjà le cas sous l'état d'urgence. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont été destinataires, d'une part, chaque semaine, de tous les actes administratifs pris par les autorités sur le fondement de cette loi et, d'autre part, de deux rapports d'évaluation du Gouvernement, dont le dernier nous a été remis il y a quinze jours.
Pour exercer ce contrôle, notre commission a créé, dès le 21 novembre 2017, une mission pluraliste, dont j'ai été désigné rapporteur. Son objectif est d'évaluer la mise en oeuvre de cette loi. En deux ans, nous avons entendu trente-deux personnes au total. Nous avons également réalisé deux déplacements, l'un à Lille, l'autre à Bruxelles.
Le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur les quatre mesures qui faisaient l'objet de notre contrôle, quelques semaines seulement après l'entrée en vigueur de la loi. À l'occasion de deux décisions rendues en février et mars 2018, il a conclu à la conformité à la Constitution de ces mesures, à l'exception de certaines dispositions ponctuelles qui concernaient, d'une part, les conditions de contestation des MICAS devant le juge administratif et, d'autre part, les conditions de saisie de documents lors d'une visite domiciliaire. Notre contrôle s'est donc exercé, dès le début, dans un cadre juridique sécurisé et s'est orienté sur l'évaluation de l'efficacité des nouveaux dispositifs que nous avions créés.
Ce cadre étant posé, j'en viens aux principales conclusions de notre mission. Dans l'ensemble, les quatre dispositifs ont fait l'objet d'une application mesurée.
Sur le plan statistique tout d'abord, il n'y a pas eu d'explosion du nombre de mesures : entre le 1er novembre 2017 et le 31 décembre 2019, 504 périmètres de protection ont été mis en place ; 7 lieux de culte ont été fermés ; 205 personnes ont fait l'objet d'une MICAS et 149 visites domiciliaires ont été réalisées.
Sur le plan qualitatif, nous avons pu vérifier qu'à de rares exceptions près, les mesures ont bien été mises en oeuvre aux seules fins de prévention du terrorisme, conformément à la volonté du législateur. Le très faible nombre d'annulations ou de suspensions par le juge administratif en témoigne : 87 recours ont été formés contre des MICAS, mais seulement cinq ont débouché sur une annulation ou une suspension par le juge ; les sept fermetures de lieux de culte ont toutes été contestées, mais toutes ont été confirmées par le juge.
Contrairement aux craintes que le Sénat avait pu exprimer lors de l'examen du projet de loi, la loi SILT ne s'est pas traduite par un empiétement de l'administratif sur le judiciaire. Lorsque cela était possible, des judiciarisations ont été préférées à la mise en place d'une mesure administrative. Dans une vingtaine de cas par exemple, le ministère public a ouvert une enquête judiciaire à la place d'une visite domiciliaire. Dans les autres cas, les mesures de cette loi ont permis de viser des situations intermédiaires pour lesquelles les éléments réunis étaient encore insuffisants pour engager des poursuites judiciaires, mais qui nécessitaient, de la part des services de l'État, une attention renforcée.
La seule exception à ce constat positif concerne les MICAS : dans une quinzaine de cas, des MICAS ont été mises en place à l'encontre d'individus déjà poursuivis par la justice et placés sous contrôle judiciaire. Cette pratique est étonnante - le contrôle judiciaire offre des possibilités de surveillance de même nature que la MICAS - mais, surtout, elle n'est pas optimale car en prononçant une MICAS dès le stade des poursuites, le ministère de l'intérieur réduit les capacités de surveillance à l'avenir. Pour répondre à cette difficulté, nous proposons de renforcer, dans la loi, l'information des autorités judiciaires, en particulier du parquet national antiterroriste (PNAT), sur les MICAS.
S'agissant de l'efficacité des mesures, les acteurs sont unanimes : les deux années de pratique confirment l'utilité des quatre mesures dans un contexte de menace terroriste durable et endogène. C'est pourquoi je vous propose de les pérenniser, au-delà du 31 décembre 2020, assorties toutefois de plusieurs ajustements, voire de compléments nécessaires pour assurer la pleine efficacité de cet arsenal, que je détaillerai mesure par mesure.
Les périmètres de protection ont été beaucoup utilisés, mais de manière très hétérogène. Leur utilisation a été très saisonnière - avec des pics observés à l'approche de Noël et de la période estivale - et leur appropriation par les préfectures très disparate - certaines ont eu très largement recours à cette mesure, alors que plus de trente départements ne l'ont jamais utilisée. La densité de population ne suffit pas à expliquer ces écarts : par exemple, dans les Bouches-du-Rhône, aucun périmètre n'a été instauré en deux ans, alors même que plusieurs visites présidentielles s'y sont déroulées.
À 95 %, les périmètres de protection ont servi à sécuriser des événements et seuls quelques lieux ont été concernés - comme le Mont-Saint-Michel pendant les périodes de haute fréquentation touristique. Cela s'explique par le fait que d'autres dispositifs existent pour sécuriser les lieux sensibles, qu'il s'agisse des opérateurs d'importance vitale, des gares ou des aéroports.
Enfin, les agents de sécurité privée et les agents de police municipale ont été fortement mobilisés - dans 88 % des cas - pour assister les forces de police et de gendarmerie dans la réalisation des contrôles. C'est d'ailleurs dans cette capacité à mobiliser d'autres catégories d'agents et à créer un continuum de sécurité que réside la principale utilité des périmètres de protection.
Nous proposons donc de pérenniser cette mesure, tout en invitant le ministère de l'intérieur à accorder une attention particulière à la sécurité juridique des arrêtés pris par les préfectures. De manière générale, les périmètres ont été correctement utilisés, mais quelques cas d'utilisation à mauvais escient, pour des finalités d'ordre public et non de prévention du terrorisme, ont été recensés.
Des progrès ont été réalisés depuis l'entrée en vigueur de la loi, mais il demeure, à mon sens, des faiblesses dans la motivation des arrêtés - ils n'étayent pas toujours suffisamment le risque de menace terroriste - et dans la prise en compte de la situation des résidents. Il serait donc utile de diffuser aux préfectures un référentiel précis sur les conditions de mise en oeuvre de cette mesure et d'exiger des préfets une transmission sans délai de leurs arrêtés au ministère de l'intérieur.
S'agissant de la fermeture des lieux de culte, 7 lieux de culte ont été fermés sur le fondement de la loi SILT - cinq la première année et deux la deuxième. Bien qu'en nombre réduit, les fermetures prononcées ont démontré leur efficacité : cinq des sept lieux de culte n'ont ainsi pas rouvert à l'issue des six mois de fermeture et, dans les deux autres cas, l'activité cultuelle a repris, mais sous l'égide de nouvelles associations cultuelles, moins radicales et ne soulevant pas de difficulté. La fermeture, par nature provisoire, ne constitue pas, pour les autorités publiques, une fin en soi : elle est surtout un instrument utile mis à profit pour prendre des mesures de police administrative complémentaires - mesures d'expulsion à l'encontre de certains imams, dissolutions d'associations -, en vue de mettre un terme définitif au trouble à l'ordre public. L'efficacité de la mesure a toutefois tendance à se réduire : de nombreux prédicateurs font désormais preuve d'une grande prudence et privilégient, pour échapper aux mesures administratives, la diffusion de leurs théories en dehors des lieux de culte. Ce déport des discours et des prêches limite donc fortement l'impact de la mesure que nous avons créée en 2017 et explique aussi, en partie, le nombre relativement réduit de mesures prononcées.
C'est pourquoi l'une de mes propositions concerne l'extension du champ de la mesure : il s'agirait de viser, dans les mêmes conditions et pour les mêmes motifs que les lieux de culte, les lieux qui leur sont rattachés, c'est-à-dire les lieux gérés, exploités ou financés par la même personne physique ou morale. Pour des raisons constitutionnelles, cette extension devrait se limiter aux lieux accueillant des réunions publiques, qui sont les seules de nature à créer un trouble à l'ordre public. Pourraient par exemple être concernés des centres culturels, des centres d'enseignement, etc.
S'agissant des visites domiciliaires, les autorités préfectorales ont recouru assez tardivement à ce type de mesure. Au cours des six mois qui ont suivi son application, quasiment aucune visite domiciliaire n'a été demandée. Cela peut s'expliquer par le fait que, sous l'état d'urgence, beaucoup avait déjà été fait. Mais les attentats de Trèbes et de Carcassonne semblent avoir eu un effet déclencheur. Le nombre de mesures a en effet fortement augmenté à compter de mai 2018, avant de se stabiliser. L'originalité de la procédure explique, très probablement, la réticence initiale des autorités préfectorales. Il s'agit en effet d'une procédure relativement complexe : la visite domiciliaire doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention (JLD), sur requête du préfet et après avis du PNAT et du parquet local compétent ; une deuxième autorisation du JLD est nécessaire pour autoriser l'exploitation des données informatiques ou des documents saisis au cours de la visite.
La première période d'appréhension du dispositif semble toutefois avoir laissé place à une plus grande fluidité dans les échanges. En témoigne la réduction du taux de rejet des requêtes préfectorales par le JLD, qui est passé de 20 % en 2018 à 15 % en 2019. Il semble également que la procédure ne constitue pas un frein majeur pour les services, car les délais de réponse du JLD sont généralement très rapides - inférieurs à deux jours en moyenne. En outre, tout le monde s'accorde aujourd'hui sur l'efficacité de cette mesure, qui a débouché, dans près d'une quinzaine de cas, sur des poursuites pour des faits en lien avec le terrorisme et a permis, dans un cas, de déjouer un attentat. Il me semble donc qu'il n'est ni essentiel, ni raisonnable compte tenu des risques constitutionnels, de simplifier cette procédure.
En revanche, je pense que l'on pourrait renforcer son efficacité en élargissant les possibilités de saisies informatiques dans le cadre des visites. Actuellement, lorsqu'une personne refuse de donner accès à ses terminaux informatiques, leur contenu ne peut être saisi. Je propose de surmonter cet obstacle, sur le modèle de ce qui se fait par exemple pour les saisies fiscales ou douanières.
S'agissant enfin des MICAS, le recours à cette mesure a été croissant et a connu une forte progression au cours de la deuxième année d'application de la loi : 134 personnes ont en effet été soumises à une MICAS en 2019, contre 71 en 2018. On compte, actuellement, une cinquantaine de MICAS en vigueur de manière concomitante. La durée des mesures prononcées a été majoritairement inférieure à six mois, ce qui s'explique par la nécessité de présenter des éléments nouveaux et complémentaires pour renouveler la mesure au-delà de cette durée. En ce qui concerne leur contenu, les obligations les plus fréquemment prononcées ont été l'interdiction de se déplacer en dehors d'un périmètre défini - le plus souvent la commune -, l'obligation de « pointage », l'obligation de déclarer son domicile et l'interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes.
Parmi les mesures de la loi SILT, la MICAS est probablement celle qui fait l'objet des avis les plus partagés. Les services de renseignement revendiquent toutefois son utilité, parce qu'elle permet de limiter la liberté de mouvement d'individus radicalisés et parce qu'elle facilite la surveillance conduite par les services et la collecte de renseignements. Ces arguments sont recevables, mais l'efficacité de ces mesures pourrait encore être améliorée : contrairement aux mesures d'assignation de l'état d'urgence, les MICAS ne sont en effet pas inscrites au fichier des personnes recherchées (FPR) et leur respect est donc plus difficile à contrôler ; nous recommandons donc que le décret relatif au FPR soit modifié en ce sens.
Deux difficultés relatives au périmètre d'application des MICAS nous sont apparues.
La première concerne le prononcé de MICAS à l'encontre de personnes présentant des troubles psychiatriques. Cela a concerné 26 personnes depuis l'entrée en vigueur de la loi, soit 13 % du total. Dans certains cas, nous avons pu observer un phénomène d'aller-retour entre MICAS et mesures de soins ou d'hospitalisation sans consentement. Cela pose un problème de cohérence dans les parcours de prise en charge des personnes concernées : la MICAS ne peut servir à combler l'absence de soins ! Un travail de coordination doit être engagé, au niveau local, pour renforcer l'articulation et le dialogue entre personnels de santé et autorités administratives.
La seconde difficulté concerne l'efficacité des MICAS à l'encontre des individus condamnés pour des faits de terrorisme à leur sortie de détention. Désormais, la doctrine du ministère de l'intérieur est de prononcer systématiquement cette mesure à compter de la libération des individus radicalisés. Ils constituent d'ailleurs désormais le principal public concerné par les MICAS - 57 % en 2019, contre 31 % en 2018. La MICAS offre, certes, des possibilités de surveillance renforcée, mais elle présente des limites qui ne la rendent pas suffisante pour gérer la question des sortants de détention. Elle est en effet difficile à motiver pour des individus ayant séjourné plusieurs années en détention, pour lesquels les services de renseignement ne disposent pas toujours d'éléments suffisants. Surtout, sa durée a été expressément limitée par le Conseil constitutionnel à douze mois - en continu ou en discontinu -, une durée jugée trop courte par les services de renseignement, mais que nous ne pouvons étendre sans encourir une censure constitutionnelle.
Or, le plus souvent, la MICAS est la seule forme de surveillance qui peut être mise en oeuvre, faute de dispositifs judiciaires adaptés. En effet, si nous avons étendu, en 2016, la peine de suivi socio-judiciaire aux individus condamnés pour des faits de terrorisme, elle ne peut, en pratique, être appliquée qu'aux individus condamnés pour des faits postérieurs à 2016. La plupart des condamnés terroristes qui seront libérés d'ici à 2022 ne pourront donc pas en bénéficier. Par ailleurs, les possibilités de prononcer des suivis post-peine à l'issue de la détention sont très restreintes, car les condamnés terroristes ne bénéficient plus de crédits de réduction de peine automatiques. Pour limiter les sorties sèches, il y a donc un vide juridique, car nous n'avons pas d'outil judiciaire et l'outil administratif est limité dans le temps.
Compte tenu de la difficulté à faire évoluer le cadre légal des MICAS, la voie judiciaire est à privilégier. N'oublions pas que les mesures judiciaires présentent des avantages certains : des possibilités de surveillance de plus longue durée ; des droits renforcés pour la personne concernée ; la possibilité d'associer obligations de surveillance et mesures de réinsertion.
Deux évolutions pourraient être conduites. En premier lieu, une nouvelle mesure de surveillance de sûreté adaptée au profil des condamnés terroristes pourrait être créée, comme le suggère le Parquet national antiterroriste. Il s'agirait de soumettre les individus déjà condamnés et incarcérés à des mesures de surveillance de même nature que celles du suivi socio-judiciaire, lorsqu'ils présentent, à leur sortie de détention, un niveau élevé de dangerosité. Je rappelle que le Conseil constitutionnel a admis, par le passé, de telles mesures, dès lors qu'elles sont encadrées de garanties suffisantes et limitées à des individus condamnés pour des faits graves. En second lieu, il serait souhaitable de renforcer la peine complémentaire de suivi socio-judiciaire pour assurer, à l'avenir, une surveillance systématique des condamnés terroristes. À cet égard, il pourrait être proposé d'en faire une peine complémentaire obligatoire, sous réserve des précautions constitutionnelles pour laisser la possibilité au juge de ne pas la prononcer, et de systématiser l'obligation de suivre des actions de prise en charge de la radicalisation.
Certains services de sécurité ont exprimé le souhait d'aller plus loin et d'assouplir les critères des quatre mesures que je viens de vous présenter, afin de simplifier leur mise en oeuvre. Je n'ai pas souhaité les reprendre toutes à mon compte, car je crois que nous devons rester attentifs à ne pas remettre en cause l'équilibre trouvé entre sécurité et liberté.
M. Philippe Bas, président. - Je remercie notre rapporteur pour le travail très important qu'il a conduit pendant deux ans. Nous avions accepté de faire entrer des mesures de l'état d'urgence dans le droit commun à la condition expresse qu'elles soient temporaires et qu'un groupe de travail représentant tous les groupes politiques de notre commission en suive l'application. Les mesures ayant été validées par le Conseil constitutionnel et leur utilité ayant été démontrée, nous pouvons désormais proposer leur pérennisation, avec certains aménagements, et les compléter par un nouveau dispositif de surveillance rapprochée des condamnés pour faits de terrorisme avant 2016 qui vont sortir de prison à partir de cette année. Les propositions du rapporteur sont ingénieuses, car s'il s'était agi d'une peine, elle se serait heurtée aux principes les plus fondamentaux de notre droit : la règle du non bis in idem et le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale. Le dispositif proposé s'inspire de ce qui existe depuis plusieurs années notamment pour les délinquants sexuels, dans le but de protéger la société. Les MICAS de la loi de 2017 sont utiles, mais elles sont trop limitées et nous avons besoin d'une surveillance plus durable. En contrepartie de l'allongement de cette surveillance - dix ans en cas de délit, voire vingt ans en cas de crime -, une garantie serait apportée par le caractère judiciaire de la mesure.
Ce rapport d'information débouchera sur une proposition de loi. Cela inscrira dans la durée le rôle du Sénat en matière de lutte contre le terrorisme : ce rôle a été déterminant dans l'adoption d'un certain nombre de mesures prises sous le quinquennat précédent ainsi que dans l'adoption des mesures de caractère temporaire de la loi SILT, validées depuis par le Conseil constitutionnel.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je remercie notre rapporteur pour ce travail ingrat, mais absolument nécessaire : vérifier que les mesures que nous votons sont efficaces est en effet indispensable. Mais j'avoue être resté sur ma faim. Que les utilisateurs des mesures en confirment l'utilité ne me surprend pas, mais quels éléments factuels corroborent leur appréciation ? Par ailleurs, certaines de vos remarques m'intriguent : par exemple le fait qu'à Marseille aucun périmètre de protection n'ait été appliqué a-t-il conduit à plus de problèmes qu'ailleurs ? Les MICAS ont-elles une véritable valeur ajoutée ? Les centres de déradicalisation sont-ils efficaces ? Aucun élément ne me permet d'affirmer que ces dispositifs sont efficaces.
Mme Brigitte Lherbier. - Ce rapport est passionnant. Toutes les zones frontalières sont des zones à risque. S'agissant des lieux publics, il est difficile de savoir ce qu'il se dit dans les mosquées, notamment lorsque le prêche est en arabe. S'agissant des soins sans consentement - à Roubaix de nombreuses personnes très fragiles sont concernées -, le rapprochement des acteurs pose encore la question du secret professionnel, qui empêche parfois de connaître le vrai degré de dangerosité des personnes. Qu'est-il prévu pour le retour des familles de djihadistes ? Ce retour fait-il courir un risque ou doit-on l'accepter au nom du rapprochement familial ?
M. André Reichardt. - Je souscris totalement aux observations formulées par notre président sur le rapport. Je remercie notre rapporteur et soutiens ses deux propositions.
À l'occasion de la libération du premier djihadiste français de la prison de Condé-sur-Sarthe, j'avais posé une question d'actualité au Gouvernement afin de savoir ce qui, compte tenu de la personnalité de ce djihadiste non repenti, avait été prévu à son égard. La garde des sceaux avait tenté de me rassurer, mais sans me citer la moindre mesure satisfaisante, car il n'y avait pas de mesure satisfaisante ! Cette année, une quarantaine de djihadistes vont sortir de prison et soixante l'année prochaine !
La garde des sceaux avait également considéré que les djihadistes devaient rentrer sur le sol français, mais là aussi je m'étais montré inquiet, car nous ne disposions d'aucune mesure adaptée. Les premiers djihadistes à être revenus ont été condamnés à des peines relativement courtes ; heureusement, cela s'est durci depuis.
Merci pour ces propositions qui font honneur au Sénat.
M. Alain Richard. - Mon groupe rejoint les préconisations du rapport et nous rendons hommage au travail réalisé par notre rapporteur. Le rendez-vous législatif que vous nous proposez ne peut pas être plus tardif que l'automne, puisque les mesures doivent être prolongées. Je salue l'initiative sénatoriale de cette proposition de loi, mais souvenez-vous que les mesures de prévention, sous toutes les majorités précédentes, ont toujours été adoptées dans un large consensus. Une concertation avec le Gouvernement me semblerait utile afin de sécuriser nos propositions d'un point de vue juridique et dans leurs aspects matériels.
M. Philippe Bas, président. - Quoi qu'il en soit, le débat parlementaire permettra d'associer le Gouvernement à l'amélioration de notre texte.
M. Jean-Yves Leconte. - Je remercie notre rapporteur. Nous comprenons bien, s'agissant des périmètres de protection, l'utilité de prendre des mesures de prévention indépendamment de l'infraction.
S'agissant des mesures de surveillance individuelles, les MICAS méritent d'être étudiées. Mais le sens de la peine, c'est la réinsertion. Je ne dis pas cela par naïveté. Il ne faudrait pas que les condamnations soient systématiquement accompagnées de mesures non judiciaires qui pèseront sur l'individu ayant purgé sa peine.
Sur ce sujet comme sur celui des manifestations, la doctrine de notre commission est en train d'évoluer : nous allons vers toujours plus de mesures de police et moins de mesures judiciaires. Cela ne me convient pas. Dans un État de droit, dans une démocratie, tout ce qui n'est pas interdit est autorisé : c'est aussi l'esprit du « Je suis Charlie ». Les lieux de culte sont des lieux d'expression de nos libertés. Soit une infraction en justifie la fermeture, soit non : ne développons pas plus de procédures administratives qui sont autant d'atteintes à la liberté d'expression. Lors d'un déplacement de la commission d'enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, le préfet de police de Paris s'est félicité de l'utilité de la loi SILT pour la fermeture des lieux de culte, mais il ne l'a jamais utilisée !
M. Jean-Pierre Sueur. - Je tiens à souligner le grand intérêt du rapport de notre collègue. Ses préconisations prévoient que le juge pourra désormais décider de mesures de déradicalisation. Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet depuis cinq ans : plusieurs rapports ont été publiés et une commission d'enquête est en cours. L'établissement de déradicalisation ouvert en Indre-et-Loire a été un échec total. Déradicaliser, c'est changer très profondément les convictions d'un individu ! Je dénonce les vendeurs de fausses solutions qui proposent des mini-stages ou le visionnage de quelques vidéos. Avez-vous pu apprécier l'efficacité de ce travail de déradicalisation ?
M. Jacques Bigot. - Je remercie notre rapporteur pour ses propositions. S'agissant du vide juridique observé pour le suivi des personnes condamnées à leur sortie de prison, la modification de l'article 721-2 du code de procédure pénale me semble problématique, car il s'agit d'un article relatif à l'exécution peines qui ne me semble pas adapté. La proposition de notre rapporteur ne se heurte-t-elle pas au principe de non-rétroactivité de la loi pénale ?
M. Philippe Bas, président. - Il ne s'agit pas d'une sanction, mais d'une mesure de protection de la société. Elle résultera d'une décision du juge de l'application des peines sur la dangerosité d'une personne ayant purgé sa peine et n'ayant pas bénéficié de réductions de peine. Il s'agit d'une mesure qui n'a plus rien à voir avec une condamnation. Elle s'inspire du dispositif en vigueur pour les délinquants sexuels qui ont purgé leur peine, mais qui, ayant été considérés comme dangereux à l'issue d'un examen psychiatrique, font l'objet d'une mesure de suivi judiciaire.
M. Alain Richard. - Le Conseil constitutionnel a estimé qu'une telle mesure ne portait pas une atteinte excessive aux libertés.
M. Philippe Bas, président. - En effet. Nous avons été attentifs pour trouver la bonne rédaction, l'équilibre entre la protection des libertés fondamentales et l'efficacité en ce qui concerne la sécurité publique.
M. François Bonhomme. - Ce rapport de suivi est important et nous permet d'apprécier l'évolution de la situation depuis 2017. À l'époque, une partie de l'hémicycle, tout comme la Ligue des droits de l'homme, avait comparé l'état d'urgence et l'état de siège, considérant que la France ne respectait plus l'État de droit et devenait un État policier. Mais je connais peu de pays qui financent sur des fonds publics des associations comme la Ligue des droits de l'homme... Donc l'État de droit est garanti en France ! De même, les mesures prises sur la base de la loi de 2017 - périmètres de protection, fermetures de lieux de culte, MICAS, visites domiciliaires - ont fait l'objet de recours en justice quasi systématiques ; or, très peu ont abouti.
Je soutiens notre rapporteur lorsqu'il veut renforcer les mesures de surveillance. Mme Belloubet a dit qu'elle était favorable à des mesures de surveillance renforcée des détenus sur le point de sortir : 43 sortiront cette année, une soixantaine l'an prochain. Je ne sais pas si elle est favorable à l'inscription des MICAS dans le fichier des personnes recherchées. Le PNAT semble aussi favorable à ces mesures. Je salue ces convergences, qui sont le fruit d'un travail collectif pour améliorer le dispositif général de surveillance et de suivi, ce qui est d'autant plus important à l'heure où de nombreux djihadistes, profitant des tensions à la frontière turco-syrienne, pourraient se retrouver libres et revenir sur le territoire national.
M. Philippe Bonnecarrère. - Merci pour ce rapport très utile. Je ne reviens pas sur la pérennisation des dispositions inspirées de l'état d'urgence. Le Gouvernement l'aurait sans doute proposée également, mais il est bon qu'elle soit envisagée par le Sénat. Je partage votre positon sur les périmètres de protection et je salue votre volonté de tirer les leçons de la QPC sur les visites domiciliaires et les saisies de matériel informatique. Je comprends aussi votre volonté de clarification sur les MICAS. Je partage également les réserves de M. Sueur sur la déradicalisation.
Je n'ai pas d'opposition particulière à l'instauration d'une peine complémentaire obligatoire en cas de terrorisme, qui s'inscrit dans une évolution compréhensible de notre système pénal, même si nous sommes déjà allés loin dans ces domaines.
Le nouvelle mesure judiciaire de suivi post-sentenciel d'individus déjà condamnés pour terrorisme, mais dont la peine n'était pas assortie de tels éléments, pourrait poser question au regard du respect de l'État de droit. La ligne de crête est étroite en raison des principes de non-rétroactivité et non bis in idem. Vous invoquez, à juste titre, la distinction entre les mesures de sûreté et les peines prévues par le code pénal, mais les mesures de suivi post-sentenciel ont indiscutablement un caractère coercitif. S'il ne s'agit pas d'une peine, cela y ressemble beaucoup ! Vous introduisez alors la notion de gravité ; mais attention toutefois au caractère hybride de la mesure. Les mesures de sûreté ont pour caractéristique de viser la resocialisation et la réadaptation. Il ne s'agit pas pour moi de faire de l'angélisme, mais j'attire votre attention sur la rédaction et la nécessité de conserver une terminologie conforme à ces objectifs.
M. Richard a évoqué la perspective d'un groupe de travail commun avec le Gouvernement. Le débat parlementaire permettra certes l'échange, et je comprends l'intérêt de déposer une proposition de loi sur le sujet. Les sorties de prison de personnes condamnées pour terrorisme sont préoccupantes, d'autant plus que la prison n'a pas fait la preuve de sa capacité à modifier le comportement des individus, en particulier sur ce sujet. La dangerosité potentielle de ces individus est donc évidente. Je pense toutefois qu'il importe, dans la présentation de votre proposition, d'éviter toute surenchère et de l'inscrire dans une collaboration pour doter notre pays d'outils adaptés. D'autres propositions ont déjà été faites en ce domaine ; or ce sujet ne se prête pas à un concours Lépine ! Je plaide donc pour une logique collaborative entre l'exécutif et le Sénat.
M. Philippe Bas, président. - Vous avez raison d'insister sur ce point : cette mesure de suivi post-sentenciel n'est pas seulement une mesure coercitive, elle est aussi une mesure d'accompagnement vers la réinsertion. Nous devrons être très attentifs à la rédaction. En outre, notre initiative, comme c'est toujours le cas en matière de lutte contre le terrorisme, doit se comprendre comme une initiative coopérative et elle sera présentée dans cet état d'esprit. En revanche, nous n'avons pas à abandonner notre capacité d'initiative en ce domaine. Après les attentats de Charlie Hebdo, nous avions réuni un groupe de travail et adressé une lettre au Premier ministre contenant une vingtaine de propositions. Elles ont toutes été reprises dans les lois qui ont suivi.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Je remercie aussi le rapporteur pour son travail et ses propositions. Ma question concernera les territoires d'outre-mer qui ne sont pas épargnés par le risque terroriste. Ils peuvent abriter des individus radicalisés - il y a eu un cas à la Martinique - et pourraient constituer une porte d'entrée pour ces individus. On constate un afflux de réfugiés en Guyane ; si des réfugiés songent à cette voie pour entrer en France, des djihadistes venant de Syrie pourront aussi le faire ! Qu'en est-il donc des territoires ultra-marins ?
Mme Nathalie Delattre. - Le groupe du RDSE cosignera cette proposition de loi. Les travaux de la commission d'enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, que je préside et dont Mme Eustache-Brinio est la rapporteure, pourront l'enrichir, car certains thèmes se recoupent.
Je partage les remarques de M. Sueur sur la déradicalisation. Avez-vous mené des auditions sur le sujet ? Enfin, le calendrier parlementaire étant très serré, pensez-vous transformer, le cas échéant, cette proposition de loi en amendement à la future loi sur la sécurité intérieure qui pourrait être présentée fin juin ?
Mme Catherine Troendlé. - Avec Mme Benbassa, nous avons publié en 2017 un rapport sur ce que nous ne souhaitions pas appeler la déradicalisation, mais les dispositifs de désendoctrinement, de désembrigadement et de réinsertion. De nombreuses associations entendent prendre en charge ces problématiques, mais il apparaît que la meilleure réponse à la radicalisation est la réinsertion.
M. Philippe Bas, président. - Votre rapport était très intéressant. À l'époque, un centre de déradicalisation venait d'ouvrir dans le centre de la France et suscitait de nombreuses polémiques. Vous aviez montré qu'il convenait d'être vigilant à l'égard des marchands de bonheur qui prétendent déradicaliser des personnes endoctrinées. Nul, malheureusement, ne connaît le mode d'emploi.
Mme Françoise Gatel. - Je salue l'initiative du rapporteur. La voie est étroite, dans un État de droit, entre la protection des libertés et la protection de la société. Les inquiétudes sont légitimes et la question est d'actualité, comme on le constate avec l'emploi des termes de « séparatisme », « communautarisme » : le défi traverse toutes les couches de la société. Le bilan de notre rapporteur est intéressant et permet d'envisager les adaptations nécessaires. L'enjeu est de savoir comment on intègre dans la société ceux qui ont été condamnés pour terrorisme. Vous avez, à juste titre, mis l'accent sur l'accompagnement socio-judiciaire. Il faut aussi s'intéresser à l'environnement proche de ces personnes, familial ou autre, qui peut contribuer à entretenir ces personnes dans leurs convictions. Le Sénat est dans son rôle en déposant une proposition de loi. Nul n'a l'intention de participer à un concours Lépine ni à faire de la surenchère. Il s'agit d'un travail de longue haleine, qui réclame de la réflexion, des évaluations, l'enjeu étant de trouver le dispositif le plus efficace.
Enfin, j'attire votre attention sur la multiplication du nombre de recours contre les mesures visant à encadrer les écoles privées hors contrat pour prévenir le développement de la radicalisation. Quelles sont vos propositions en la matière ?
Mme Sophie Joissains. - À mon tour, je remercie le rapporteur pour son travail. Le groupe centriste s'associera à sa démarche. Aucun périmètre de protection n'a été instauré dans les Bouches-du-Rhône, mais deux des sept mosquées qui ont été fermées en France depuis 2017 l'ont été dans le département, l'une à Aix-en-Provence, l'autre à Marseille...
Quand disposerons-nous d'évaluations fiables sur les centres de déradicalisation ? Je partage les doutes de M. Sueur à cet égard.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Monsieur Collombat, j'ai volontairement limité mon rapport aux quatre mesures temporaires de la loi SILT. Si l'on étend le champ d'investigation, on quitte notre rôle de contrôle de la loi SILT et on risque aussi, d'ailleurs, d'empiéter sur le travail d'autres missions lancées sur d'autres sujets connexes, comme la commission d'enquête sur la lutte contre la radicalisation. À titre personnel, j'ai aussi des doutes et des inquiétudes sur les centres de déradicalisation - un centre vient d'ouvrir en plein centre de Lille, à deux pas de la gare Lille-Europe, qui permet d'aller directement à Molenbeek-Saint-Jean -, mais j'attendrai les conclusions de notre commission d'enquête.
Sur la question de l'efficacité que vous soulevez, je rappelle que les visites domiciliaires ont permis de déclencher de nombreuses poursuites judiciaires : au moins deux poursuites pour association de malfaiteurs à but terroriste, dix pour apologie du terrorisme et une pour financement du terrorisme.
Vous avez raison de déplorer le manque d'homogénéité dans la mise en oeuvre des périmètres de protection. Certains préfets ont choisi de ne pas les utiliser, privilégiant d'autres outils. Il convient de laisser une liberté d'appréciation aux préfets. Pour autant, nous proposons une charte référentielle, en accord avec le ministère de l'intérieur, pour homogénéiser les pratiques en France.
Les MICAS constituent aussi un outil de surveillance essentiel qui facilite l'action des services de renseignement. Grâce aux pointages ou aux périmètres assignés, on sait où se trouvent certains individus, avec qui ils entrent en contact, etc. Il ne faut donc pas toucher à ce dispositif.
Pour fermer un lieu de culte, on peut utiliser, outre la loi SILT, la législation sur les établissements recevant du public qui peut, d'ailleurs, être parfois plus rapide. Les fermetures de lieux de culte réalisées sur le fondement de la loi SILT ont été peu nombreuses, mais elles ont été efficaces puisque cinq des sept lieux de culte fermés n'ont pas rouvert. Il s'agissait de lieux de prédication salafiste avérés. Grâce à nos services de renseignement, on a une connaissance de ce qui se dit dans les mosquées. Ainsi, dans le nord de la France, un centre d'obédience iranienne a été fermé, car des attentats étaient en préparation. Ces mesures ont donc fait la preuve de leur efficacité. Il faut plusieurs mois pour fermer un lieu de culte, car la procédure est lourde et extrêmement rigoureuse.
Mme Lherbier a évoqué les obligations de soins sans consentement et la coordination entre les services de santé et l'administration : les obligations de soins relèvent de l'administratif, mais dès lors que l'on constate que la pathologie relève vraiment du domaine psychiatrique, il faut laisser faire les professionnels médicaux.
En ce qui concerne le retour des femmes de djihadistes en France, la politique du Gouvernement est sensée : on ne fait pas revenir les femmes de djihadistes, mais uniquement les enfants orphelins. Tous ceux qui reviennent de Syrie sont placés en détention provisoire, mais le Gouvernement n'entend pas faire revenir ceux qui peuvent être jugés sur place.
Avant de faire nos propositions, nous avons auditionné à plusieurs reprises les services du ministère de l'intérieur, les services de renseignement et le PNAT. Les échanges ont été nourris et nous avons donc rédigé nos mesures en conséquence. Quant au ministère de la justice, chacun sait qu'il constitue un grand paquebot, avec une certaine inertie, et qu'il est spontanément peu enclin à mettre en place de telles mesures : sans fermer la porte, le ministère a choisi d'attendre. Nous avons donc collaboré avec le ministère de l'intérieur et le PNAT.
En 2017, nous avions été attentifs à l'équilibre entre la sécurité et les libertés. Nous ne voulons pas le remettre en cause. Au contraire, nous affirmons que les MICAS, à caractère administratif, doivent conserver une portée limitée. Nous proposons aussi de privilégier les mesures judiciaires plus protectrices des libertés et qui facilitent la réinsertion. Le Conseil constitutionnel a validé ces mesures et leur équilibre. Nos propositions respectent cet équilibre, et vont même plus loin avec le transfert à la justice d'un certain nombre de mesures.
Monsieur Leconte, seuls sept lieux de culte ont été fermés sur le fondement de la loi SILT, d'autres lieux de culte l'ont été sur le fondement d'autres dispositions. La mesure administrative a une fonction préventive : il ne s'agit pas tant de fermer un établissement définitivement que d'évincer des personnes, des salafistes en particulier, qui ont infiltré un lieu de culte et de les empêcher de continuer à prêcher s'il devait être amené à rouvrir. La mesure judiciaire ne le permet pas.
Je partage tout à fait les propos de M. Sueur sur les centres de déradicalisation. Le procureur François Molins nous a aussi décrit la sur-radicalisation dans le milieu carcéral. Il est nécessaire de prendre des mesures préventives pour y pallier. Sachant qu'une centaine d'individus vont sortir de prison, nous serions coupables, en tant que législateurs, de ne pas prévoir un dispositif préventif pour éviter la récidive.
MM. Bigot et Bonnecarrère ont évoqué les risques juridiques liés au caractère rétroactif de certaines mesures. Nous espérons avoir trouvé le bon équilibre dans la rédaction de l'article qui concerne les mesures de sûreté et de suivi post-sentenciel, mais toutes les suggestions seront les bienvenues !
L'extension du champ de l'article 721-2 du code de procédure pénale ne vise pas tout à fait le même objectif que la nouvelle mesure de suivi et de surveillance post-sentencielle. Celle-ci concernera les individus condamnés pour les infractions les plus graves, c'est-à-dire condamnés à sept ans de prison ou plus. Pour les autres, nous souhaitons renforcer les dispositifs de suivi existants - c'est le sens de la modification de l'article 721-2 du code de procédure pénale.
M. Bonhomme a rappelé les débats de la loi SILT et les craintes exprimées quant à une extension des prérogatives administratives au détriment du judiciaire. Nous visons justement à garantir cet équilibre.
Sur la question des terroristes sortant de détention, Mme Belloubet a exprimé des intentions, mais n'a pas indiqué précisément comment les réaliser. Lors de leur audition, les représentants du ministère de la justice ne nous ont pas apporté d'éléments de réponse. En revanche, le ministère de l'intérieur et le parquet ont des propositions précises.
La nouvelle surveillance judiciaire que nous proposons de créer a pour but de pallier les limites des mesures judiciaires existantes. Les réformes pénales des dernières années ont créé une situation paradoxale : les individus condamnés pour des faits en lien avec le terrorisme sont les plus suivis en détention et ceux qui bénéficient des possibilités d'aménagement de peine les plus réduites, mais ce sont également ceux qui bénéficient du suivi le plus réduit à leur sortie de détention. Cette difficulté devrait se résorber à l'avenir, car les individus condamnés après 2016 ont pu ou pourront se voir appliquer la peine complémentaire de suivi socio-judiciaire. Néanmoins, dans l'attente, nous avons un « stock » d'individus condamnés pour des faits de terrorisme avant cette date et qui ne bénéficient pas, ou très peu, de suivi à leur libération. Nous visons donc principalement ces individus, dont la sortie inquiète tout particulièrement le PNAT. En créant une mesure de sûreté, c'est-à-dire une mesure qui n'a pas pour objectif de réprimer un acte, mais de prévenir la récidive et de protéger la société - et c'est bien de cela qu'il s'agit lorsque nous parlons de condamnés terroristes -, nous échappons au principe de non-rétroactivité des peines. La nouvelle mesure de sûreté pourrait donc être appliquée à tous les individus qui sortiront de détention à compter de son entrée en vigueur. Il ne s'agit pas d'une innovation juridique. Nous nous inscririons au contraire dans la droite ligne d'une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, qui a, à plusieurs reprises, validé l'existence des mesures de sûreté et leur caractère rétroactif.
Pour répondre à M. Mohamed Soihili, jamais, lors de nos auditions, on ne nous a signalé le cas des territoires ultra-marins comme un cas sérieux et anxiogène. Sur le plan statistique, seulement cinq périmètres de protection ont été mis en place à La Réunion, uniquement pour des questions événementielles ; aucun dans les autres territoires d'outre-mer. Des visites domiciliaires ont eu lieu en Guyane et une MICAS y a été prononcée.
Je partage les propos de Mme Delattre et souhaite que nous puissions nous coordonner avec la commission d'enquête sur la lutte contre la radicalisation.
Enfin, il est vrai que les contentieux se multiplient à propos des écoles privées hors contrat. Il conviendrait de réfléchir aux moyens d'homogénéiser la manière dont on y répond.
M. Philippe Bas, président. - Je vous remercie.
La commission autorise la publication du rapport d'information.
La réunion est close à midi.