Mardi 4 février 2020
- Présidence de M. Jordi Ginesta, président d'âge -
La réunion est ouverte à 15 h 45.
Réunion constitutive
M. Jordi Ginesta, président. - Il me revient, en qualité de président d'âge, d'ouvrir la première réunion de la commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières. La constitution de cette commission d'enquête fait suite à une demande exprimée par le groupe de l'Union centriste (UC) dans le cadre du droit de tirage prévu par notre règlement.
Lecture a été donnée en séance publique, le 29 janvier dernier, de la composition de notre commission d'enquête. Mais depuis lors, notre collègue Yvon Collin a souhaité se retirer : le groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) a donc désigné notre collègue Éric Jeansannetas.
Nous devons tout d'abord procéder à l'élection du président de notre commission. Le groupe du RDSE a proposé la candidature de notre collègue Éric Jeansannetas. Je n'ai pas reçu d'autres candidatures.
La commission procède à la désignation de son président, M. Éric Jeansannetas.
- Présidence de M. Éric Jeansannetas, président -
M. Éric Jeansannetas, président. - Je vous remercie de votre confiance et me réjouis de présider nos travaux sur le sujet complexe des concessions autoroutières. Cette question a déjà retenu l'attention de notre assemblée à plusieurs reprises et nos concitoyens y sont particulièrement sensibles, alors que les tarifs des péages ont été relevés le 1er février.
Nous devons à présent désigner le rapporteur ainsi que les membres du bureau.
Le groupe UC, à l'origine de la commission d'enquête, a proposé le nom de notre collègue Vincent Delahaye.
La commission procède à la désignation de son rapporteur, M. Vincent Delahaye.
M. Éric Jeansannetas, président. - Je vous propose ensuite de désigner les membres du bureau. Conformément à l'article 13 de notre Règlement, selon le principe de la représentation proportionnelle et en tenant compte de la représentation déjà acquise au RDSE pour le poste de président, et à l'UC pour celui de rapporteur, nous devons désigner deux sénateurs issus du groupe Les Républicains - j'ai reçu les candidatures de Mme Christine Lavarde et de M. Louis-Jean de Nicolaÿ -, deux sénateurs issus du groupe socialiste et républicains - j'ai reçu les candidatures de MM. Patrice Joly et Michel Dagbert -, un sénateur issu du groupe La République en Marche - j'ai reçu la candidature de Mme Noëlle Rauscent -, un sénateur issu du groupe communiste républicain citoyen et écologiste - j'ai reçu la candidature de M. Éric Bocquet - et un sénateur issu du groupe Les Indépendants - République et territoires - j'ai reçu la candidature de M. Alain Fouché.
La commission procède à la désignation des autres membres de son bureau : Mme Christine Lavarde, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Patrice Joly, Michel Dagbert, Mme Noëlle Rauscent, MM. Éric Bocquet et Alain Fouché.
M. Éric Jeansannetas, président. - Notre mission a un caractère temporaire : elle prend fin par le dépôt du rapport et au plus tard à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de la prise d'acte par la Conférence des présidents, soit le 22 juillet 2020.
Le cadre juridique des commissions d'enquête est strict. Le principe est celui de la publicité des auditions, sauf si nous en décidons autrement. Dans ce cas, les travaux d'une commission d'enquête sont soumis à la règle du secret pour une durée maximale de trente ans. Le non-respect du secret est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal - un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. En outre, nous pouvons décider de l'exclusion de la personne concernée de la commission. Toute personne entendue est tenue de se rendre à notre convocation et de prêter serment.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Je vous remercie de votre confiance et suis heureux que notre commission ait été constituée sur un sujet de finances publiques et d'intérêt général, qui intéresse nos concitoyens. Pourquoi ai-je déposé cette proposition de résolution ? Jusqu'à présent, tout ce que j'ai pu lire et entendre sur ce sujet m'a laissé largement insatisfait. Notre commission d'enquête nous permettra d'aller plus loin, notamment sur les aspects juridiques et financiers.
Les questions sont nombreuses. Que s'est-il passé depuis la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes ? Quelles ont été les conditions de cette privatisation, notamment en ce qui concerne les évolutions du trafic et des tarifs ? L'équilibre de ces contrats doit-il être jugé au regard du contexte d'origine ou du contexte d'aujourd'hui ? Dans quelles conditions les avenants ont-ils été conclus ? L'évolution des tarifs est-elle plafonnée - ou planchonnée - à 70 % de l'inflation ? Que dire des travaux, très souvent réalisés par des sociétés liées aux sociétés concessionnaires d'autoroutes, avec probablement d'importantes marges ? Ne pourrait-on pas dégager une troisième voie entre le statu quo et la renationalisation des autoroutes ?
Je souhaite que nous démarrions nos travaux par des auditions techniques. Les auditions plus politiques - d'anciens ministres ou des dirigeants de sociétés d'autoroutes - pourront être organisées plus tard, lorsque nous aurons déjà bien déblayé le sujet.
M. Patrick Chaize. - En 2015, dans le cadre de la négociation des avenants, le Premier ministre Manuel Valls avait mis en place une commission à laquelle certains d'entre nous ont participé. Nous avions alors observé un réel déséquilibre entre les concessionnaires, juridiquement très armés, et l'État, plutôt mou. Mais ces contrats ont été signés et il serait délicat de les remettre en cause.
Nous ne partons pas de rien puisque beaucoup a déjà été écrit sur ce sujet. Pensons maintenant au renouvellement de ces contrats de concession. Auparavant, avec la technique de l'adossement, les contrats étaient systématiquement prolongés. Or ils doivent à présent pouvoir être revus, voire clos, notamment à la suite de bilans à date fixe.
M. Alain Fouché. - Je suis d'accord avec le programme annoncé par notre rapporteur. S'agissant des auditions plus politiques, nous pourrions entendre MM. Dominique de Villepin et Thierry Breton qui n'ont pas pris de bonnes décisions. Il sera probablement très difficile, financièrement, de renationaliser : les bijoux de famille ont été vendus !
M. Michel Dagbert. - Je remercie notre rapporteur pour son exposé dans lequel bon nombre d'entre nous peuvent se retrouver. Nous ne partons pas de rien : de nombreux travaux ont été consacrés à la situation du réseau autoroutier. Il n'est question ni de remettre en cause des contrats signés ni de nous interdire de ne toucher à rien. La technique très utilisée de l'adossement - les sociétés d'autoroutes proposent aux collectivités de reprendre la gestion d'une partie de leur réseau - devra être examinée. Ces contrats sont en effet très avantageux pour ces sociétés.
Nous ne sommes pas là en revanche pour débattre de la densité du réseau ou de son extension. Nous sommes là pour comprendre la situation actuelle et voir comment éclairer l'avenir.
M. Éric Bocquet. - Je tiens à saluer l'initiative du groupe de l'UC, qui nous invite à réaliser un travail utile et nécessaire. Nos travaux ne devront pas être seulement rétrospectifs - le Sénat a déjà beaucoup travaillé sur ce sujet -, car il s'agit aussi, à l'heure des privatisations d'Aéroports de Paris et de la Française des jeux, d'un sujet pour le présent et pour l'avenir.
M. Olivier Jacquin. - Je remercie notre rapporteur d'avoir ainsi posé les attendus de nos travaux. Nous devons imaginer des solutions nouvelles et nous pourrons nous retrouver pour nous opposer à la rente et au monopole privés qui sapent l'économie de marché et spolient le patrimoine public. Nous devrons imaginer de nouveaux modes de portage, innovants et préservant la maîtrise publique. À l'occasion de travaux que je mène sur le ferroviaire, j'ai été très favorablement impressionné par la culture du contrôle et du contrat de nos voisins britanniques.
À l'issue du vote de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM), j'ai déposé une question écrite sur la base d'un amendement très intéressant, qui avait été déposé par un certain Jean-Baptiste Djebbari, alors député. Il s'agissait d'anticiper la fin des contrats autoroutiers et de créer dès maintenant une société publique qui préempterait les bénéfices futurs, ce qui permettrait de financer les infrastructures. Cette question écrite n'a pas encore reçu de réponse.
M. François Bonhomme. - Nous ne partons pas de zéro. Le groupe de travail sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes, constitué en 2014 par la commission du développement durable, proposait des pistes entre renégociation et résiliation. Dans nos auditions techniques, il nous faudra entendre des professionnels du droit, afin que nous ayons une vision claire du cadre juridique applicable.
M. Patrice Joly. - Nous aurons besoin de données fiables : les bénéfices annuels des sociétés d'autoroutes seraient en moyenne de 350 000 euros par kilomètre et pourraient atteindre 700 000 euros par kilomètre sur les tronçons les plus rentables. C'est faramineux !
La tarification conduit à l'exclusion de certaines catégories sociales, qui doivent alors se déporter sur des axes plus dangereux. C'est un sujet de ségrégation sociale.
Je suis sensible au déséquilibre de l'expertise entre les services de l'État et ceux des sociétés d'autoroutes - comme nous avons pu le constater dans nos communes lorsqu'elles ont abandonné les compétences eau et assainissement. Plus que de concessions, il s'agit parfois d'abandons ! Ce déséquilibre dans l'expertise crée un déséquilibre contractuel.
M. Jordi Ginesta. - Les travaux sur les autoroutes sont souvent effectués par des filiales des sociétés d'autoroutes ; le coût des travaux peut s'en trouver renchéri.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Je constate que nous sommes en phase sur la façon d'aborder les travaux de notre commission d'enquête. Dans un premier temps, nous ferons une synthèse des travaux existants, notamment de l'intéressant rapport de 2014 de l'Autorité de la concurrence.
Les travaux autoroutiers sont souvent effectués par des sociétés liées : filiales, sociétés-soeurs, ou alors Vinci fait des travaux pour Eiffage et vice versa. Tout cela mérite d'être clarifié.
Nous aurons besoin de l'éclairage de juristes ou d'avocats spécialisés, mais indépendants. Les contrats sont très bien ficelés, mais ne peuvent-ils pas être remis en cause si les conditions économiques ne sont plus les mêmes - comme c'est le cas pour les concessions de nos collectivités ? À quelle date l'équilibre financier du contrat s'évalue-t-il ?
Dans une dizaine d'années, les concessions viendront progressivement à échéance. Cela s'anticipe, mais l'État semble assez mal armé pour cela. Je me suis laissé dire qu'une seule personne était chargée de suivre les tarifs autoroutiers à Bercy.
Des travaux ont déjà été menés sur cette question, mais notre commission d'enquête pourra apporter d'utiles compléments d'information, afin de mieux défendre l'État, le contribuable et l'usager.
La réunion est close à 16 h 15.