Jeudi 16 janvier 2020
- Présidence de M. Michel Magras, président -
Étude sur les enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020 - Audition de MM. Jérôme Brouillet et Salvatore Serravalle, secrétaires généraux adjoints des affaires européennes
M. Michel Magras, président. - Lors de sa réunion du 17 octobre 2019, la délégation sénatoriale aux outre-mer a inscrit à son programme de travail pour la session 2019-2020 une étude sur les enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020. Nos collègues Vivette Lopez, Gilbert Roger et Dominique Théophile en ont été désignés rapporteurs.
Nous engageons donc ce matin une série d'auditions consacrées à ce sujet, qui se dérouleront jusqu'à la suspension de mars prochain, avec le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE). Comme vous le savez, cet organisme est placé sous l'autorité du Premier ministre et couvre l'ensemble des domaines définis par le traité sur l'Union européenne, à l'exception de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Il agit en étroite liaison avec la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, chargée de défendre les positions françaises dans les négociations communautaires au sein des institutions, dont nous rencontrerons l'actuel responsable, M. Philippe Léglise-Costa, la semaine prochaine lors de notre déplacement à Bruxelles. Pour les collègues qui participeront à ce déplacement, le programme et un dossier seront transmis d'ici au début de la semaine prochaine en vue des différents entretiens que nous aurons, notamment à la Commission européenne. En leur qualité de secrétaires généraux adjoints du SGAE, MM. Jérôme Brouillet et Salvatore Serravalle répondront ce matin à nos questions. Je les en remercie par avance. L'étude que nous allons mener nous importe particulièrement.
Il y a d'abord l'enjeu financier. Dans la négociation du futur cadre financier pluriannuel pour 2021-2027, les outre-mer sont pleinement concernés par l'évolution du niveau des fonds structurels bénéficiant aux régions ultrapériphériques (RUP) - je pense notamment au Fonds européen de développement régional (Feder), au Fonds social européen (FSE), au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp) et au Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) -, ainsi que par la future « budgétisation » du Fonds européen de développement (FED), c'est-à-dire l'intégration dans le cadre financier pluriannuel de ce fonds, qui fonctionnait jusqu'ici de manière autonome et sur les contributions volontaires des États membres.
Il y a ensuite l'enjeu fiscal. La France bénéficie au sein de l'Union européenne de différentes dérogations au droit communautaire pour ses départements d'outre-mer. Deux d'entre elles arrivent à échéance au 31 décembre 2020 : l'octroi de mer et la taxation du rhum. Nous souhaitons connaître la position que la France défend sur ces deux dossiers essentiels pour les finances et les économies de nos territoires.
Il y a enfin les conséquences du Brexit. La sortie prochaine du Royaume-Uni fait peser de fortes interrogations sur le niveau des fonds dédiés aux pays et territoires d'outre-mer (PTOM), dont la moitié d'entre eux sont britanniques. Où en sont les négociations sur la décision d'association outre-mer (DAO), qui doit entrer en vigueur en 2021 ? Quel sera l'avenir des coopérations régionales mises en place entre les territoires ultramarins français et les PTOM britanniques, par exemple ?
La présente audition constitue donc en quelque sorte une entrée en matière pour tous ces sujets majeurs que nous souhaitons approfondir cette année.
M. Salvatore Serravalle, secrétaire général adjoint des affaires européennes. - La Commission européenne propose un budget de 1,11 % du revenu national brut (RNB) de l'Union européenne, soit 1 279 milliards euros, pour les sept prochaines années. Elle souhaite répondre aux nouveaux défis auxquels l'Europe est confrontée, avec une hausse considérable des crédits liés à la défense et aux sujets migratoires, tout en essayant de maintenir un socle pour les politiques traditionnelles, notamment la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion. Le retrait du Royaume-Uni, qui était un contributeur net au budget européen, complique évidemment l'exercice. Elle propose de nouvelles ressources propres : le transfert de 20 % des recettes du marché d'échange de quotas emission trading system (ETS) vers le budget européen et l'adoption d'une « contribution sur le volume de plastique non recyclé ». Les recettes reposeraient toujours essentiellement, à hauteur de 70 % à 75 %, sur les contributions nationales des États membres. Une telle décision doit être adoptée à l'unanimité par le Conseil européen après consultation du Parlement européen, puis passer devant l'Assemblée nationale et le Sénat. La Commission propose aussi de mettre progressivement fin aux rabais, dont le Royaume-Uni était à l'origine.
Les discussions portent sur la boîte de négociation, le texte politique où figurent les paramètres structurants du budget. Tout le travail mené depuis deux ans consiste à resserrer progressivement les options pour parvenir à un texte consensuel devant être adopté à l'unanimité. L'avancement des négociations sur les règlements sectoriels varie selon les textes : certains font l'objet d'un accord et sont passés en trilogue, tandis que d'autres ont pris du retard. Il faudra trouver un accord au premier semestre 2020.
Nous retrouvons les blocs habituels : d'abord, le club des contributeurs nets regroupe l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Autriche, la Suède et le Danemark, qui veulent limiter le budget européen à 1 % du RNB et continuer de profiter des rabais ; ensuite, les « amis de la cohésion », c'est-à-dire les pays de l'Est et du Sud, défendent une politique de cohésion très ambitieuse, étant donné qu'ils en bénéficient très largement ; enfin, quelques pays, dont la France, sont sur une position intermédiaire.
Entre le 1 % réclamé par les plus durs, le 1,11 % souhaité par la Commission européenne et le 1,3 % demandé par le Parlement européen, la présidence finlandaise a proposé un budget à 1,07 % du RNB. À l'exception de la PAC, tous les programmes européens baissent. Les coupes dans certains budgets que nous jugeons prioritaires, comme la défense ou l'espace, nous semblent très inappropriées. Le dossier a été repris en main par Charles Michel, le nouveau président du Conseil européen.
La France a signalé d'emblée le caractère insuffisant des propositions de la Commission européenne en matière de PAC, réclamant avec une vingtaine d'États membres le rehaussement des crédits pour rester au moins au niveau actuel. La présidence finlandaise lui a donné satisfaction, mais partiellement, en relevant le deuxième pilier de la PAC alors que la demande concernait surtout le premier pilier.
Pour la France, un budget de 1 % ne serait pas acceptable, car il ne permettrait pas de relever les nombreux défis auxquels l'Union européenne est confrontée : migrations, défense, souveraineté industrielle et numérique. Mais un budget de 1,11 % tel que proposé par la Commission, qui représenterait une hausse d'environ 6 milliards d'euros de notre contribution annuelle au budget européen, serait difficilement compatible avec la situation de nos finances publiques. Nous soutenons donc la Commission européenne sur les nouvelles ressources propres.
M. Jean-François Longeot. - D'où viendraient-elles ?
M. Salvatore Serravalle. - Elles viendraient du transfert de 20 % des recettes du marché d'échange de quotas ETS et de la création d'une « contribution sur le volume de plastique non recyclé ». Et nous proposons une contribution carbone aux frontières de l'Union européenne ; la Commission européenne a accepté d'y travailler. Nous sommes très attachés à la fin des rabais, qui coûtent 2 milliards d'euros par an à la France.
En matière de cohésion, nos priorités ont été de conserver la définition proposée par la Commission européenne des régions dites « en transition », dont presque toutes les régions françaises font partie, et de permettre aux régions ultrapériphériques d'accéder aux fonds européens. Nous avons des positions communes avec l'Espagne et le Portugal. Nous avons soutenu un cofinancement de 85 % par l'Europe pour les régions ultrapériphériques.
Nous défendons a minima le maintien du budget proposé par la Commission européenne pour les PTOM, soit 500 millions d'euros. La Finlande, en le fusionnant avec la PESC, a proposé de le baisser. Nous nous y sommes opposés. Avec le Brexit, nous avons perdu un allié. Les Pays-Bas ou le Danemark pourraient être des alliés, mais ils ne se sont pas positionnés aussi clairement que nous à ce stade. Nous sommes satisfaits que l'accès des PTOM à d'autres sources de financements (programmes sectoriels, instrument de voisinage, de développement et de coopération inernationale) ne soit pas remis en cause.
Nous avons entre un mois et trois mois pour sceller un accord. Il faudra faire des compromis. Mais la France ne transigera pas sur ses priorités politiques.
M. Jérôme Brouillet, secrétaire général adjoint des affaires européennes. - Nous espérons un accord rapide sur le cadre financier pluriannuel (CFP), car viendront ensuite les négociations sur toute une série de règlements sectoriels. Par exemple, la DAO a fait l'objet d'un accord provisoire, mais il faudra ajuster certains volets qui dépendent de la boîte de négociation.
D'autres textes sont en cours de négociation et font déjà l'objet de trilogues. C'est le cas de ceux qui concernent la politique de cohésion ou le règlement sur le FEAMP. En ce début d'année, le président du Parlement européen a annoncé l'arrêt des discussions sur le CFP. Nous ne savons pas encore quel sera exactement l'impact de cette décision sur le déroulé des trilogues mais nous sommes vigilants : les textes sectoriels doivent être adoptés d'ici au 31 décembre 2020 pour que leur mise en oeuvre débute dans de bonnes conditions au niveau national, par exemple sur le FEAMP, car il y a des enjeux importants sur le soutien à la pêche, surtout dans la perspective de la sortie du Royaume-Uni au 31 janvier.
Les trilogues sur la PAC, dont les négociations débuteront au plus tôt à l'été 2020, n'ont pas commencé. Nous savons qu'il n'y aura pas de cadre opérationnel de la PAC au 1er janvier 2021. La Commission européenne a prévu un règlement de transition. Dans sa proposition de boîte de négociation révisée, la Finlande a proposé de rehausser le niveau de la PAC sur le deuxième pilier. La France souhaite que ce rehaussement se concentre sur le premier pilier, notamment parce qu'il finance le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Poséi). Nous l'avons signalé dès le lendemain.
Sur l'octroi de mer et l'aide fiscale au rhum, il faut à la fois une autorisation du Conseil de l'Union européenne et une décision de la direction chargée de la concurrence au sein de la Commission européenne. La Commission souhaite un débat éclairé, avec des éléments factuels, et a donc confié une évaluation à des cabinets externes. Sa sensibilité aux enjeux ultramarins varie selon les directions générales. La Commission européenne souhaite traiter l'ensemble des textes concernant les dispositifs spécifiques aux régions ultrapériphériques en bloc. Cela présente un intérêt. Comme plusieurs États membres sont concernés par les enjeux ultramarins, nous serons plus forts ensemble au Conseil pour montrer l'importance politique du sujet. Tous les États membres n'ayant pas la chance d'avoir des RUP, certains ne comprennent pas forcément les enjeux spécifiques liés à ces territoires.
M. Michel Magras, président. - Merci pour la qualité de ces exposés, sur une question qui est loin d'être simple.
Mme Vivette Lopez, rapporteur. - J'ai cru comprendre que la France ne transigerait pas sur certains points, que de nombreux textes n'étaient pas achevés et que les trilogues étaient à l'arrêt. Peu de visibilité, donc, s'agissant du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche. Ses crédits pourraient baisser de 4 % par rapport à 2014-2020, alors même que son champ est élargi à l'énergie océanique, à l'aquaculture et à l'adaptation au changement climatique. Quelle sera la position de la France sur ce sujet, sachant que celle-ci, après le Brexit, représentera pas moins des deux tiers de l'espace maritime de l'Union européenne ?
J'ai compris aussi que vous souhaitiez que la hausse de la PAC soit essentiellement affectée au premier pilier, et non au second. La Commission a évoqué une baisse du budget consacré au programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité pour 2021-2027 ; quelle sera la stratégie de la France devant cette perspective ?
La Commission propose également de faire évoluer les taux de cofinancement pour le FSE et le Feder, de 85 à 70 %. Une telle baisse risque d'exclure un nombre important de projets ; la France entend-elle défendre le maintien de taux de cofinancement adaptés aux besoins des territoires ? Pour défendre les fonds destinés aux régions ultrapériphériques, la France peut-elle nouer une alliance avec l'Espagne et le Portugal ?
Quant à l'intégration du Fonds européen de développement au budget de l'Union européenne, va-t-elle se traduire par une diminution des fonds européens destinés aux PTOM ? Par ailleurs, la Commission européenne a conduit des évaluations sur l'utilisation des crédits FED alloués aux PTOM ; la responsabilité de ces évaluations continuera-t-elle d'échoir à la Commission sur la période 2021-2027 ? Les PTOM ne devraient-ils pas être davantage associés à ces discussions ?
Autre proposition de la Commission : consacrer 3 % des fonds alloués aux PTOM à l'intégration régionale. Cette part n'est-elle pas trop faible ? Comment orienter les financements pour encourager les coopérations régionales entre les PTOM et les États voisins et entre les RUP et les PTOM ?
M. Dominique Théophile, rapporteur. - Je vais poser une série de questions sur l'octroi de mer - le Conseil et la Commission doivent prendre une décision sur ce sujet au mois de mars. L'octroi de mer est perpétuellement en sursis, soumis à une évaluation régulière de son efficacité ; la position de la France est-elle de l'ancrer dans le temps ?
La Commission propose que 84 produits locaux supplémentaires bénéficient d'une réduction ou d'une suppression de l'octroi de mer. Quelle est, là encore, la position de la France ? L'abaissement du seuil d'assujettissement des entreprises locales, de 500 000 à 300 000 euros, ne s'est pas traduit par une augmentation notable des recettes des collectivités. Une modification de cette disposition est-elle envisageable ?
Concernant la taxe sur le rhum, les producteurs de rhum traditionnel, principalement ceux de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane, bénéficient aujourd'hui d'une fiscalité réduite, dans la limite d'un contingent qui était de 120 000 hectolitres d'alcool pur par an, en vertu d'une décision du Conseil datant de 2014, et est désormais, depuis 2017, de 144 000 hectolitres. Quelle est la position de la France s'agissant de l'avenir de ce dispositif, qui a fait l'objet d'une question d'actualité au Sénat cet été ? Comment sont actuellement répartis les contingents d'exportation de rhum entre la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion ? Et quelles sont les modalités du processus de réévaluation du contingent ?
Pour ce qui concerne les effets du Brexit, nous aimerions savoir si la sortie du Royaume-Uni entraînera une diminution des fonds européens octroyés aux PTOM. L'enveloppe de 500 millions d'euros va-t-elle subir une coupe sombre ?
Quel sera l'effet du Brexit sur les coopérations régionales entre les territoires ultramarins français et britanniques ? Comment les territoires d'outre-mer sont-ils pris en compte dans les négociations relatives au futur partenariat économique entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ?
Après le Brexit, la France sera le seul État européen à disposer de territoires dans le Pacifique, et représentera deux tiers de l'espace maritime de l'Union européenne ; comment valoriser cet atout ?
M. Salvatore Serravalle. - S'agissant des cofinancements, nous n'avons pas de position générale sur l'ensemble des taux sachant que la Commission propose des baisses.
Sur les régions ultrapériphériques nous avons pris une position très claire : nous demandons un cofinancement à 85 %, tenant compte de la spécificité de ces régions. C'est le seul chiffre que nous avons publiquement défendu ; pour le reste, nous négocions avec nos partenaires.
Pour ce qui concerne l'alliance avec l'Espagne et le Portugal, évidemment nous l'entretenons. Jérôme Brouillet a évoqué la déclaration commune par laquelle nos trois pays ont rappelé les priorités politiques liées aux régions ultrapériphériques. C'est la règle dans les négociations européennes : plus on a d'alliés, plus on est fort quand on veut défendre un point. En l'occurrence, sur ce sujet, nous avons deux alliés ; nous avons tout intérêt à défendre ensemble les positions qui sont les nôtres. Plus la négociation avancera, plus nous entrerons « dans le dur » à l'approche d'un compromis, et plus il sera nécessaire de consolider cette alliance et de parler d'une même voix à Bruxelles.
Un mot sur le FED : la France a jusqu'à présent adopté, au Conseil, une position assez prudente sur la budgétisation du FED proposée par la Commission. Nous avions trois préoccupations.
Premièrement, nous souhaitions la sanctuarisation de la priorité africaine, qui est principalement financée par le FED - nous craignions qu'en fondant cet instrument dans un outil plus grand, on perde en lisibilité.
Deuxième préoccupation : le Fonds européen de développement, dans son format actuel, a l'avantage d'être flexible ; nous tenons à cette flexibilité.
Notre troisième préoccupation avait trait à la gouvernance : nous demandions à la Commission, et nous continuons de lui demander, que les États membres, c'est-à-dire le Conseil, soient davantage associés au pilotage stratégique des projets financés par le FED.
Nous avons d'emblée fait passer le message suivant : tant que nous n'obtiendrons pas de garanties sur ces trois préoccupations, nous nous opposerons à l'intégration du Fonds européen de développement dans le nouvel instrument.
Sur la priorité africaine, nous sommes confiants : une poche de redéploiement ultérieur est bel et bien identifiée et préservée ; un bouclier étanche protège l'enveloppe africaine.
Sur la flexibilité, la Commission nous a également apporté des garanties.
Sur le troisième point en revanche, à savoir la gouvernance, nous ne sommes pas complètement rassurés : les réponses de la Commission ne sont pas très satisfaisantes concernant la présence future des États membres dans le cockpit de pilotage stratégique de ces fonds. Cette préoccupation est d'ailleurs partagée par l'ensemble des États membres, le Conseil refusant que la Commission s'accapare le pilotage. Nous avons plutôt bon espoir : la Commission faisant de cette intégration du FED dans le budget européen un élément important de son programme, elle a intérêt à nous donner des gages sur ce volet.
La tendance est bien, quoi qu'il en soit, à l'intégration du Fonds européen de développement dans le budget européen. La question se pose donc désormais de l'impact d'une telle absorption sur le financement des PTOM. Je le disais : la Commission propose un financement à hauteur de 500 millions d'euros ; pour nous, c'est le minimum. Il sera difficile d'obtenir davantage, mais, en tout état de cause, il est hors de question de descendre en dessous.
Ce n'est pas un combat facile, d'autant que notre partenaire naturel sur cette question quitte l'Union européenne, nous laissant seuls en première ligne. Nous pourrons peut-être compter sur l'appui des Pays-Bas, mais les Néerlandais, à ce stade, ne souhaitent pas s'associer publiquement à des communications que nous ferions en commun sur le sujet des PTOM. Quant au Danemark, il est, en la matière, à la fois un allié et un concurrent, sachant que le Groenland bénéficie d'une enveloppe dédiée au sein de l'instrument. Nous avons intérêt, dans un premier temps, à demander avec eux la préservation de l'enveloppe PTOM ; ensuite, une fois les 500 millions d'euros garantis, il faudra que nous ayons avec les Danois, sur ce sujet, des discussions bilatérales.
Mme Gisèle Jourda. - Le Brexit va rendre douze PTOM inéligibles à leur part de fonds européens ; le maintien de l'enveloppe pourrait donc donner une bouffée d'oxygène.
M. Salvatore Serravalle. - L'enveloppe a été redimensionnée pour tenir compte de la sortie du Royaume-Uni.
Mme Gisèle Jourda. - C'était la question que je me posais.
M. Salvatore Serravalle. - L'enveloppe est maintenue, mais à champ constant. Il va donc falloir redécouper.
M. Jérôme Brouillet. - Je vous rassure : si nous sommes certes un peu seuls, au Conseil, sur ce sujet des PTOM, le Parlement, en revanche, est un allié de poids, extrêmement sensible à ces questions. Le poids du Parlement européen pourra jouer, dans la négociation, pour obtenir le maintien de l'enveloppe PTOM.
Concernant le FEAMP, on ne peut pas à proprement parler de baisse : il s'agit plutôt d'un redimensionnement de l'enveloppe consécutif à la sortie du Royaume-Uni. Deux choses nous importent : nous voulons, d'une part, que les règles soient simplifiées afin que les enveloppes soient facilement consommables, et, d'autre part, s'agissant des RUP, que le montant des plans de compensation des surcoûts ne soit pas plafonné.
Sur la baisse du Poséi, qui n'est que la conséquence de la baisse du budget de la PAC proposée par la Commission européenne, notre stratégie est double. Nous demandons, premièrement, le maintien du budget de la PAC ; et, deuxièmement, nous martelons, conjointement avec nos amis espagnols et portugais - nous le disons explicitement dans la déclaration conjointe du 19 novembre dernier -, que nous souhaitons le maintien de l'enveloppe Poséi.
Sur l'octroi de mer, le cadre est effectivement borné dans le temps, avec des échéances de cinq ans, conformément au régime suivi par la Commission européenne pour les règles générales en matière d'aides d'Etat. Il est très probable que le nouveau dispositif qui nous sera proposé en septembre soit de nouveau borné dans le temps.
Quant à la révision des produits locaux supplémentaires qui ont été intégrés dans le dispositif actuel en avril 2019, elle est la conséquence de la révision à mi-parcours en 2017 dudit dispositif.
Le seuil d'assujettissement a été baissé, mais sans impact sur les recettes. Nous n'avons pas pris position sur ce sujet pour l'instant, nous attendons le rapport. Nous nourrissons la réflexion de la Commission et nous nous efforçons d'être réactifs par rapport à ses demandes. Nous n'avons rien à cacher et nous voulons que l'étude soit la plus solide possible.
Sur la taxation du rhum, une des simplifications du dispositif soumis à la Commission serait d'autoriser les États membres à augmenter le contingent bénéficiant du dispositif, en fixant une limite annuelle, sans avoir à repasser par une décision de la Commission. La répartition entre RUP est une question franco-française : la Commission n'intervient pas, nous arbitrons en interne.
En ce qui concerne le Brexit. Les choses ne seront plus comme avant, ce qui sera compliqué notamment pour les PTOM. Juridiquement, dès le 1er février, les PTOM britanniques ne seront plus des PTOM de l'Union européenne. Il nous faudra donc inventer un autre cadre de relation non communautaire.
L'association des PTOM à la négociation sera étroite. Le SGAE veillera à ce que toutes les parties prenantes soient associées à la concertation puisqu'il s'agit de trouver un accord très large, couvrant un nombre de secteurs importants, avec des répercussions géographiques multiples. D'autres négociations commerciales sont en cours qui intéressent les PTOM et leurs intérêts sont pris en compte dans ce cadre.
M. Gérard Poadja. - Vos propos ont le mérite d'être clairs. J'insiste sur la préoccupation des outre-mer du Pacifique, concernés directement. Nous avons toujours eu des difficultés dans le cadre de la gestion du FED et des fonds européens en général, car nos dossiers ne sont presque jamais éligibles. Certes, l'Europe est loin, mais les tracasseries administratives sont lourdes. Je note que vous avez essayé de faire preuve de souplesse, mais je suis inquiet des nouvelles orientations qui seront prises dès février. Même si nous avons des difficultés à débloquer les fonds, ils constituent une bouffée d'oxygène pour les PTOM. Comme l'a souligné Dominique Théophile, le bassin Pacifique est important sur le plan national. Je compte sur vous pour qu'un effort soit consenti : jusqu'à preuve du contraire, nous sommes toujours Français, il n'y a aucune raison que nous soyons traités comme des citoyens de seconde zone. Il importe donc que nos dossiers soient mieux pris en considération au niveau européen.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Je souhaite aborder la question de la répartition des fonds entre les RUP. Mayotte a rejoint les RUP en 2012 et a expérimenté sa première programmation quelques années après. Mayotte est le seul département-région à voir ces fonds régis par l'État, les autres collectivités ultramarines s'occupant elles-mêmes de cette gestion. Une demande a été faite récemment par le président du département pour une gestion autonome : Matignon lui a adressé une fin de non-recevoir. Lors de la première attribution des fonds européens à Mayotte, la question de leur consommation effective avait été déterminante pour fixer la part devant revenir à Mayotte. Le conseil général de l'époque avait décidé d'en confier la gestion à l'État. Or on se rend compte aujourd'hui que la gestion et la consommation effective de ces fonds ne sont pas meilleures. Une nouvelle répartition va avoir lieu. Au motif de la sous-consommation de ces fonds par l'État, nous ne voudrions pas que l'on nous rejoue le même film et que nous soyons privés de la part qui nous revient naturellement !
Ma question comporte un volet politique et je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, mais j'aimerais obtenir une réponse sur la partie objective et technique de la répartition des fonds européens. À quelle sauce les collectivités seront-elles mangées ?
Mme Lana Tetuanui. - Un grand merci, au nom de la collectivité de la Polynésie française, pour tout ce qui a été réalisé grâce au FED. Des projets d'envergure ont été engagés, que nos communes n'auraient jamais pu financer par leurs propres moyens.
Il serait utile que les critères objectifs d'attribution figurent dans notre rapport afin que les choses soient clairement dites. D'après ce que j'ai compris, à partir de 2021, nous ne pourrons plus nous permettre de faire rêver nos collectivités. Je ne vous jette pas l'opprobre, car il appartiendra au politique de régler ces questions. Le Président de la République est attendu en Polynésie au mois d'avril. Je ne manquerai pas de lui demander publiquement ce qu'il compte faire de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) mondiale que détient la France.
Au vu des problèmes que traverse notre pays, les collectivités ultramarines ont malheureusement tendance, depuis quelques années, à se tourner vers l'Europe pour demander des financements, avec l'appui du Gouvernement, qui monte souvent au créneau à Bruxelles. Cette audition me laisse dubitative, mais au moins nous sommes informés. À nous, politiques, de régler nos comptes entre nous. Je vais rentrer et je vais dire au ministre de l'économie de la Polynésie : les conditions ne seront plus les mêmes qu'avant !
M. Michel Magras, président. - Je ne sais pas si le rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer répondra à toutes les questions de Lana Tetuanui, mais c'est un peu l'objectif !
M. Gérard Poadja. - J'ai oublié de préciser que nous n'avons plus de représentant au niveau de l'Europe : cela confirme ce que nous disons aujourd'hui.
M. Guillaume Arnell. - Ces éclairages nous permettent de mieux appréhender les questions européennes qui sont souvent très techniques. Mon territoire a été meurtri il y a deux ans par un cyclone. Nous avons reçu des aides européennes, mais il faudra mener des actions supplémentaires. Pouvons-nous envisager une simplification dans la gestion des dossiers européens ? On nous reproche la sous-consommation des crédits, mais elle est en lien avec cette complexité que nous dénonçons. Par rapport aux aléas climatiques, peut-il y avoir des dérogations pour de nouvelles éligibilités sur des équipements structurants ? Est-il également prévu de réviser le dispositif concernant la flotte de pêche pour l'éligibilité aux fonds de modernisation ?
Mme Vivette Lopez, rapporteur. - Nous avons été invités à l'Élysée pour écouter de belles paroles sur le Livre bleu, visant à encourager les actions dans les outre-mer, mais, ensuite, on a l'impression qu'il ne se passe plus rien. Nos concitoyens d'outre-mer sont pleinement français, mais il semble que tout ce qui est dit tombe dans les eaux des océans...
Vous indiquez par ailleurs que le Brexit entraînera un important manque à gagner, mais on peut soutenir l'inverse, cela amènera un gain, car le Royaume-Uni bénéficiait d'aides importantes. La question de la répartition de ces aides se pose donc, et, pour une fois, ce serait bien que nos outre-mer en bénéficient.
M. Jérôme Brouillet. - Je veux clarifier les choses, car je me suis peut-être mal exprimé : les PTOM sont pleinement européens, et cela correspond à une conviction forte de l'Union européenne et de la France. Ce sera d'ailleurs encore plus le cas demain, car la France disposera de la plus grande ZEE de l'Union européenne, ce qui est un atout considérable au moment où l'Union européenne fait du climat et de la sauvegarde des océans une priorité.
En revanche, évidemment, les PTOM britanniques perdent ce statut ; ce ne seront plus des PTOM après le Brexit.
M. Michel Magras, président. - Pardon de vous interrompre, mais, justement, ces territoires ne basculeront-ils pas, par voie de conséquence, dans les pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP), bénéficiant ainsi de fonds bien supérieurs ?
M. Jérôme Brouillet. - Il se trouve que, pour l'instant, on a laissé de côté, à dessein, un enjeu lors des négociations des règlements, à savoir les règles appliquées aux pays tiers. Cela n'a même jamais été abordé parce que, jusqu'à présent, le Royaume-Uni était dans la salle du Conseil. On envisage d'établir, en la matière, une règle unique concernant l'association des pays tiers à l'ensemble des programmes européens ; nous devons, auparavant, déterminer si nous avons ou non un intérêt à continuer d'associer le Royaume-Uni. Il faudra sur ce sujet une position claire et transversale dans l'ensemble des règlements.
Sur la représentation de vos intérêts au Parlement européen, certes il n'y a plus de député directement issu des PTOM, mais le député Stéphane Bijoux est réellement votre voix à Bruxelles. Il était présent au côté de la ministre lors du dernier comité État-PTOM en octobre et il oeuvre au sein du Parlement européen pour que celui-ci ait des positions très ouvertes sur les PTOM. N'ayez donc pas le sentiment d'être oubliés, ce n'est vraiment pas le cas.
Nous sommes conscients que l'inéligibilité de certains projets aux fonds européens est difficile à comprendre, notamment pour les projets en lien avec l'environnement. Nous travaillons à l'échelon européen pour que les RUP et PTOM aient pleinement accès au programme pertinent sur ce point, le programme LIFE - L'instrument financier pour l'environnement.
Sur les tracasseries administratives, je vous ferai deux réponses.
D'une part, la France n'est pas la seule à faire part de ces difficultés, donc un travail de simplification des règles de mise en oeuvre est actuellement mené au niveau européen ; nous y sommes très attentifs, car c'est bien beau d'avoir des enveloppes, mais c'est encore mieux de les consommer.
D'autre part, la secrétaire d'État aux affaires européennes l'a précisé, ces tracasseries administratives peuvent être liées à des règles franco-françaises que nous nous imposons. Quand un projet se voit refuser l'accès à un fonds, on a tendance à accuser l'Europe, mais c'est parfois lié à des règles que nous avons nous-mêmes créées. Nous étudions la question, en lien avec les collectivités territoriales, pour simplifier tout cela.
Sur Mayotte, nous avons eu, dès l'origine, un problème, lié au changement du contexte institutionnel ; la mise en place de la programmation a donc été difficile. Cela dit, au 30 septembre dernier, le taux de programmation est revenu à un niveau comparable à celui des autres RUP. Nous nous sommes donc mis en mesure de consommer les enveloppes. Le Premier ministre a indiqué que, lors de la prochaine programmation, on gérerait les fonds de la même manière, mais il y a aussi des discussions sur le rôle que le département de Mayotte pourrait jouer sur certains programmes. Nous aurons ces discussions quand les négociations à l'échelon européen seront terminées, quand nous déclinerons le Feder à l'échelon national.
M. Dominique Théophile, rapporteur. - En ce qui concerne les règles que nous nous imposons, il existe un filtre français avant la transmission à l'Union européenne ; on s'impose des contraintes telles que les dégagements d'office, d'ailleurs signalés par la Cour des comptes européenne, représentent un manque à gagner sur l'enveloppe globale. De mon point de vue, il faut alléger et fluidifier les procédures.
M. Michel Magras, président. - Je veux dire quelques mots et vous poser quelques questions.
Je vous ai entendus dire « on espère que », « on attend que », mais j'aimerais mieux comprendre la manière de négocier de la France auprès de la Commission, du Parlement, des États membres.
La représentation des outre-mer par bassin a disparu, c'est un choix politique de l'État français. Malgré toute sa bonne volonté, l'unique représentant ultramarin ne peut maîtriser à lui seul l'ensemble des connaissances sur tous les bassins océaniques.
Par ailleurs, le Gouvernement a fait adopter en loi de finances, dans le cadre de la suppression des organismes de moins de 100 salariés, l'intégration de l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odéadom) au sein de FranceAgriMer, qui a déjà fort à faire avec la renégociation de la PAC et les problèmes de pêche. L'Odéadom gérait tout le fonds Poséi et la France disposait avec celui-ci d'un organisme très efficace, qui savait monter les dossiers, les promouvoir et les financer. Le choix de la fusion complique notre système, et je m'y suis opposé.
Je voudrais comprendre comment la France fait, concrètement, entendre sa voix à Bruxelles. Comment le SGAE travaille-t-il avec notre Représentation permanente à Bruxelles ? J'ai l'impression que les fonctionnaires de la Représentation permanente oublient parfois que l'Europe n'est pas que continentale, qu'elle est également océanique.
On le sait, la Commission, c'est l'État dans l'État, et le travail du Conseil et des députés est très difficile. Je veux donc vous faire comprendre que l'action de la France ne peut se limiter à de simples notes des autorités françaises (NAF). Les NAF sont bien faites et précises, elles défendent la position de la France, mais qui les suit ? L'Europe fonctionne de plus en plus sur le modèle des États-Unis, avec des lobbyes. Les groupes d'intérêt français se limitent-ils aux territoires français ou l'État français est-il aussi physiquement présent pour défendre ses intérêts ?
Les PTOM ont demandé la répartition du FED par territoire, mais on connaît la puissance du Danemark et le Groenland ne cèdera pas, sans doute, un centime de la part qu'il touche. Pourquoi la France n'a-t-elle pas soutenu cette répartition des enveloppes par territoires ? Personne ne l'a compris dans les PTOM.
Sur le suivi des dossiers, l'Europe a ses codes, qui sont souvent plus pragmatiques que la méthode française qui veut que plus il y a de papier, mieux c'est. Les territoires envoient de volumineux dossiers, mais quand c'est mal écrit ou trop long, cela manque son but. Pourquoi n'y a-t-il pas, à Bruxelles, un organisme français qui centraliserait tous les dossiers qui arrivent ? En effet, l'Europe a un principe : tous les fonds non utilisés sont redistribués à ceux qui en ont besoin. Il serait d'ailleurs intéressant de savoir qui a utilisé les fonds et pour quel montant et qui n'a pas utilisé ses fonds et pourquoi ?
La France devrait aider les outre-mer à se mobiliser et à remplir les dossiers le plus vite et le mieux possible pour obtenir les financements et arrêter d'ajouter « des formalités aux formalités », pour que les dossiers soient traités plus rapidement, en quelques semaines.
M. Salvatore Serravalle. - C'est normal, nous sommes là pour vous écouter et pour répondre sur ce qui relève de notre responsabilité. Les questions purement politiques seront traitées bien entendu dans un autre cadre.
Je répondrai d'abord sur la présence physique de la France, sur sa méthode visant à influencer. Le SGAE prépare à Paris les positions françaises sous forme notamment d'instructions destinées à la Représentation permanente à Bruxelles , en association avec tous les ministères compétents - le ministère des outre-mer est présent quand il s'agit d'outre-mer, et il fait valoir son point de vue - ; les positions sont discutées et parfois arbitrées, sous le patronage de Matignon ou de l'Élysée.
Cette position définie à Paris doit ensuite être portée à Bruxelles, où nous avons une Représentation permanente, que vous rencontrerez la semaine prochaine. Nous lui transmettons le dossier ; ensuite, à charge pour elle, qui se frotte quotidiennement aux députés, au secrétariat général du Conseil et à la Commission, de porter la parole française à tous les échelons. Cela n'empêche pas que les ministères se déplacent parfois, pour donner plus de poids à un dossier.
C'est vrai, il y a une tendance, que combat le SGAE, à considérer que si un papier est très bien écrit et complet, cela suffira pour défendre la position française à Bruxelles. Cela ne fonctionne pas comme ça, vous avez raison : nous rédigeons le papier, nous l'envoyons puis il faut aller l'expliquer, le défendre.
Cela dit, notre principal relais, c'est la Représentation permanente ; ses services sont sur place, en contact avec les institutions. C'est leur travail de négocier et faire valoir la parole française dans les institutions européennes.
Je vous rejoins complètement, votre principal relais est le ministère des outre-mer, qui fait entendre la voix des outre-mer dans les enceintes interministérielles. Cette voix est entendue, mais il y a des débats et il faut trouver un compromis.
M. Michel Magras, président. - Le ministère des outre-mer ne pourrait-il pas être associé à la Représentation permanente, sous une forme ou une autre ? Vu la spécificité des questions ultramarines, ne serait-il pas nécessaire d'avoir une présence permanente ultramarine au sein de la Représentation permanente nationale ?
M. Jérôme Brouillet. - Le choix français, qui fonctionne bien, me semble-t-il, consiste à consolider la position française avant d'aller à Bruxelles. On fait différemment en Allemagne, où chaque ministère négocie seul ; la coordination entre les ministères est relativement rare ce qui occasionne des ratés ; nos homologues allemands doivent alors recaler leur position, d'autant qu'il y a aussi, à Bruxelles, des représentations permanentes des Länder. Ils peuvent alors perdre en efficacité.
Nous avons fait le choix d'une intégration totale ; le ministère des outre-mer est impliqué dans toutes les discussions interministérielles qui peuvent toucher les RUP et les PTOM et il fait valoir son point de vue afin que celui-ci soit relayé à Bruxelles. Ceci permet d'avoir une vision d'ensemble sur tous les dossiers.
Il y a en outre, au sein de la Représentation permanente, une personne chargée spécifiquement du suivi des questions d'outre-mer ; elle coordonne notamment notre stratégie d'influence sur ces sujets. Par exemple, elle est en lien avec le cabinet de la ministre pour mettre en place une stratégie d'influence auprès des commissaires qui peuvent avoir à traiter de près ou de loin, des questions ultramarines.
À cet égard, je veux rendre hommage à la ministre des outre-mer. Contrairement à ses collègues du Gouvernement, qui participent à des conseils au sein desquels leurs dossiers sont discutés, elle n'a pas vraiment d'enceinte de discussion. Pourtant, elle va régulièrement à Bruxelles, soit pour rencontrer, en bilatéral, les commissaires et leur expliquer nos problématiques spécifiques, soit pour discuter avec ses homologues d'autres pays. Il me semble que c'est une force d'avoir une seule Représentation permanente exprimant la position interministérielle.
Sur le sujet de l'agriculture, l'intégration de l'Odéadom au sein de FranceAgriMer est très éloignée des compétences du SGAE. Nous avons en décembre nommé un délégué interministériel à la transformation agricole des outre-mer, M. Arnaud Martrenchar. En outre, apporter de l'aide à la préparation des dossiers est une préoccupation de toujours du SGAE, et ceci même si l'on parle ici de déclinaison nationale. Bien que nous soyons d'ordinaire chargés du suivi des négociations, les ministères nous demandent de plus en plus de participer à l'application.
Par exemple, nous nous étions aperçus que les Français étaient mal servis par les appels d'offre européens en matière de recherche. La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a donc mis en place un plan d'action pour mieux préparer les dossiers, mieux intégrer les contraintes et être prêts à temps, ce qui a depuis porté ses fruits. Le même effort va être conduit sur les fonds de la politique de cohésion, en profitant de la nouvelle programmation. La préparation a été commencée, des concertations État-régions sont en cours, comme par exemple à Mayotte, pour que dès cette année tous sachent comment vont être répartis les rôles pour être efficaces dès le 1er janvier 2021.
M. Michel Magras, Président. - Je me demande tout de même s'il ne devrait pas y avoir, au sein de la Représentation permanente, une cellule administrative dédiée au suivi des problématiques ultramarines. J'aurais une dernière remarque sur le Brexit. Des problématiques de pêche vont certes se poser avec les pêcheurs hexagonaux, mais aussi dans la Caraïbe. Ces problèmes s'étaient estompés, mais pourraient resurgir avec la sortie du Royaume-Uni. Il ne faudrait pas les oublier !
Il me reste maintenant à vous remercier pour la qualité de vos interventions. Nous sommes au début de notre étude, qui est une continuation de nos précédents travaux en particulier sur la question des normes. Elle devrait permettre en outre de mettre le projecteur sur des problématiques qui ne sont pas toujours abordées, et de préconiser un certain nombre de recommandations, très importantes dans le contexte des négociations au plan européen de cette année.