- Mardi 26 novembre 2019
- Mercredi 27 novembre 2019
- Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Médias, Livre et industries culturelles » et compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Sport, Jeunesse et vie associative » - Crédits « Sport » et « Jeunesse et vie associative » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Culture » - Crédits « Patrimoines », « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » - Examen du rapport pour avis
- Désignation d'un membre au sein d'un organisme extra-parlementaire
Mardi 26 novembre 2019
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La réunion est ouverte à 16 heures.
Projet de loi de finances pour 2020 - Audition de Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mes chers collègues, nous auditionnons cet après-midi la ministre des sports, Mme Roxana Maracineanu, sur les crédits prévus par les programmes 219 « Sport » et 350 « jeux Olympiques et Paralympiques 2024».
Cette audition est importante. Elle intervient à un moment particulier puisque la loi de finances pour 2020 constituera le premier exercice budgétaire complet de la nouvelle Agence nationale du sport (ANS) dont les modalités d'organisation territoriale ont été définies cet été dans un projet de loi qui a été largement enrichi par le travail parlementaire. Le Sénat a joué un rôle particulier.
Je me permets, madame la ministre, de vous remettre un exemplaire du rapport d'information de nos collègues Claude Kern et Christian Manable, qui ont émis de nombreuses recommandations concernant la mise en oeuvre de la gouvernance territoriale de la nouvelle agence. Je vais maintenant vous laisser la parole pour un propos introductif. Après quoi, notre rapporteur pour avis, Jean-Jacques Lozach, vous posera une première série de questions.
Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports. - Avant de commencer, je souhaite revenir sur le drame qui a touché treize de nos soldats au Mali. Je présente mes sincères condoléances à l'un de vos collègues, Jean-Marie Bockel, que je connais personnellement et qui a été le maire de ma ville. Nous partageons tous sa douleur de père.
« Le sport est un bon médecin, mais il est surtout un excellent professeur », c'est avec ces mots que le Premier ministre a choisi de parler de la place du sport dans notre société. Le sport est un bien commun. Il rime avec épanouissement personnel et plaisir. C'est aussi un élément clef du lien social.
Depuis 2017, le Président de la République et le Gouvernement confirment leur engagement derrière le sport français et la mobilisation de l'État pour Paris 2024. Dans un contexte budgétaire où il convient de redonner du pouvoir d'achat aux Français, nous poursuivons notre effort en faveur du sport. Le budget exécuté en 2018 a permis de constater une dépense publique inédite en faveur du sport depuis dix ans. Le budget 2019 a vu l'augmentation de nos crédits d'intervention et le budget 2020 sera le budget le plus important du ministère depuis 2006.
En 2020, l'augmentation de 9,8 % des crédits représente un budget de 710 millions d'euros. Il s'agit d'un acte fort. Plus de 297 millions d'euros sont prévus dans le projet de loi de finances (PLF) au titre des actions portées par l'administration centrale du ministère. Un peu plus de 129 millions seront dirigés vers les équipements en lien avec les jeux Olympiques et Paralympiques. Enfin, 284 millions seront versés à l'agence nationale du sport, soit un montant équivalent à celui de 2019. Le budget que je vous présente aujourd'hui maintient aussi les augmentations budgétaires que vous avez votées l'année dernière, notamment un plan de 15 millions d'euros dédié à la lutte contre les noyades.
Avec ce budget, nous avons les moyens de réaliser nos ambitions pour le sport français. Par exemple, dans le contexte de la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo, nous prévoyons une hausse de 10 % des primes aux médaillés ainsi qu'à leurs accompagnants, plutôt qu'un système d'exonération fiscale. Le Sénat a fait preuve de sagesse en ne votant pas ce week-end l'amendement qui lui était proposé pour le remettre en place. Les sportifs doivent payer des impôts et leur staff bénéficiera également de la prime, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Nous continuerons aussi de soutenir l'accueil sur le territoire de grands événements sportifs avec un budget de plus de 6 millions d'euros.
Pour les Jeux de 2024, nous devons, dès à présent, imaginer l'après. Le financement des équipements de proximité de la pratique sportive via l'agence a permis de soutenir 250 équipements et 15 000 associations en 2019. La stabilisation de la contribution de l'État à l'agence permettra de maintenir ces équilibres. Dans le budget 2020, 90 millions d'euros seront consacrés au développement de la haute performance au sein de l'agence afin de déployer une nouvelle vision du soutien à nos athlètes et à leurs accompagnants. Ce seront de nouvelles aides, plus justes et mieux ciblées sur les acteurs de la performance.
On peut noter une hausse de 7,5 % du budget dédié à la lutte contre le dopage. En deux ans, l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) aura connu une augmentation de sa subvention de 18 % sans compter la subvention accordée au titre du déménagement vers Orsay en 2022. La question du dopage est un sujet sensible et central comme vous avez pu le constater. La santé de nos athlètes constitue un sujet important pour moi et je serai intraitable. La Fédération française d'athlétisme est donc en train de concevoir un nouveau modèle d'organisation et de surveillance. C'est le travail que je mène avec Dominique Laurent et l'AFLD. Sur ce sujet, je suis en discussion, depuis plusieurs mois, avec Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, au sujet de l'avenir du laboratoire de l'AFLD qui se trouve actuellement dans les locaux du centre de ressources, d'expertise et de performance sportives (Creps) de Châtenay-Malabry. Il était important que le laboratoire puisse rester dans ce lieu jusqu'au déménagement afin que son homologation ne soit pas remise en cause. Orsay a été désigné par les experts et les inspecteurs généraux comme la meilleure option pour accueillir ce laboratoire. Mon travail a consisté à convaincre de la pertinence de l'analyse du ministère et de l'AFLD. Les travaux qui auront lieu sur le site du Creps de Châtenay-Malabry lui permettront de devenir un centre de préparation aux Jeux. Ils vont pouvoir se poursuivre sans perturber l'activité du laboratoire. Aujourd'hui, j'ai saisi les services de l'État pour évaluer les conditions juridiques et financières du maintien du laboratoire sur le site. Je vous tiendrai informés.
Les politiques du sport en France ne s'arrêtent pas aux portes de mon ministère. Nous avons réuni, le 4 novembre dernier, autour du Premier ministre, un comité interministériel consacré à l'héritage des jeux Olympiques dans notre pays. Nous avons bâti, avec les autres ministères, un programme qui regroupe 170 mesures pour développer la place du sport dans l'ensemble des politiques publiques.
Ma volonté est que le sport puisse intervenir en lien avec d'autres politiques publiques, en particulier en faveur de la santé. Il facilite, par exemple, la récupération après les traitements médicaux lourds. J'ai milité auprès du Premier ministre et du Gouvernement pour que la lutte contre la sédentarité devienne une thématique nationale, comme le sont l'égalité entre les femmes et les hommes ou les violences faites aux femmes. Nous voulons développer le sport sur ordonnance ou la labellisation sport-santé.
Un autre axe de nos travaux concerne les acteurs sociaux sportifs, le développement du sport féminin, la lutte contre l'homophobie dans le sport et les discriminations.
Je me félicite que le Sénat ait repris, lors du débat sur le PLFSS, la mesure 21 sur la promotion du sport en entreprise, annoncée par le Comité interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques le 4 novembre dernier, même si cet aspect a été éludé dans certaines communications... C'est dommage. Plus nous jouerons collectif, plus nous servirons le sport français. J'ai demandé à mes équipes de travailler dans la plus parfaite collaboration avec chacun d'entre vous.
Je prendrai trois exemples concrets de mesures nouvelles prises cette année et qui ne dépendent pas directement du ministère des sports : la mise en place d'un programme de recherche appliquée dédié à la haute performance, doté de 20 millions d'euros, avec Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ; l'inscription d'un volet sport dans les contrats de ville avec Julien Denormandie, ministre de la ville et du logement ; un plan d'investissements au sein du programme d'investissements d'avenir de 55 millions d'euros pour l'écologie et les innovations dans le sport. Ces mesures nourrissent le sport français et son écosystème. Nous allons pouvoir bâtir un héritage solide et concret de Paris 2024. Cela ne concerne pas uniquement le ministère des sports ; le comité national olympique et sportif Français (CNOSF), avec son programme « héritage », et le comité d'organisation des jeux olympiques (COJO) sont aussi parties prenantes. Il s'agira aussi d'équipements sportifs nouveaux ou dont la rénovation sera lancée.
En 2020, pour conclure, nous devrons répondre à de nombreux défis. Je pense notamment à la déclinaison territoriale de l'ANS que vous avez évoquée et qu'il faudra articuler avec la nouvelle organisation territoriale de nos services appelés à rejoindre l'éducation nationale. Nous avons réussi à bâtir une agence d'État en offrant notamment une place inédite aux collectivités territoriales. Je pense que cet aspect sera cher à la Haute assemblée. Dans les semaines à venir, nous devrons assurer son développement dans nos régions et je sais pouvoir compter sur votre expérience et votre exigence.
Pour conclure, j'évoquerai la future loi sur le sport qui accompagnera la transformation de notre modèle sportif. Elle devrait voir le jour à la fin du premier semestre 2020. Il s'agit de développer la pratique sportive, de simplifier le rapport des associations sportives avec les pouvoirs publics, de rendre la France plus attractive et dynamique dans le secteur de l'économie du sport, et d'accroître l'éthique et la régulation du sport. Nous aurons l'occasion d'en débattre dans les semaines à venir et je suis à votre disposition pour vous écouter.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits du programme « Sport ». - Effectivement ce budget est en hausse aussi bien en ce qui concerne le sport, avec le programme 219, qu'en ce qui concerne les jeux Olympiques et Paralympiques, avec le programme 350. Mais cette augmentation est aussi trompeuse. Le changement de périmètre ministériel rend difficiles les analyses comparatives d'une année à l'autre. L'augmentation significative du programme « Sport » est consécutive à un changement du périmètre et au transfert de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Cela représente la bagatelle de 121 millions d'euros et augmente donc significativement le budget du programme.
On peut se demander si l'ANS va disposer de tous les moyens humains et financiers nécessaires pour faire face à ses missions. Dans sa plaquette, l'ANS évoque un budget de 291 millions d'euros en 2019 et de 284 millions pour 2020. Il est donc en légère baisse. Nous sommes cependant tout à fait conscients qu'un ensemble de ministères travaille à l'écosystème du sport.
J'ai plusieurs questions. Le rapport des tiers de confiance sur l'avenir des conseillers techniques sportifs (CTS) n'a pas encore été rendu public mais plusieurs scénarios sont envisagés. Envisageriez-vous de maintenir tout ou partie des CTS ou de les transférer vers les fédérations ? Confirmez-vous la réduction de 42 équivalents temps plein (ETP) au sein de ces CTS ? Cela concernerait malheureusement les fédérations non sportives, celles qui ont le plus besoin de CTS.
Lors de nos auditions, nous n'avons pas relevé de relations très fraternelles entre les acteurs du sport de haut niveau, qu'il s'agisse de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), le pôle haut niveau de l'agence nationale, les directeurs techniques nationaux (DTN) ou les fédérations sportives. Il y a quelques jours, vous avez organisé un séminaire olympique sur la haute performance. Quel est votre sentiment à quelques mois de jeux Olympiques de 2020 ?
Vous nous avez rassurés sur la lutte antidopage. Sur une période récente nous sommes toutefois passés de 10 000 à 8 000 contrôles. De plus, désormais, ces contrôles ciblent les sportifs de haut niveau et excluent les sportifs amateurs. Cela nous inquiète. Le modèle économique de l'AFLD est également un sujet sur lequel nous souhaiterions revenir.
Enfin, pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur les maisons sport-santé ? J'ai vu qu'un appel à projets avait été lancé par le ministère des solidarités et de la santé mais cela reste flou.
Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports. - Nous avons fait l'effort de présenter un budget à périmètre constant dans un souci de transparence. Sans cela, la hausse réelle serait de 36 %. Cette hausse de 10 % correspond à ce qui va être mis en place pour les jeux Olympiques. Nous assumons cette augmentation car il s'agit de construire des équipements qui bénéficieront à la France et à ses territoires après les Jeux.
La diminution de 42 ETP est comparable à celle que nous observons dans les autres ministères et administrations. Jusqu'à présent le corps des CTS était préservé de cette diminution des effectifs des fonctionnaires de l'État qui est de 2,6 %. Pour ces 42 ETP, nous avons choisi de privilégier les départs à la retraite. Cela impacte le corps des CTS dont l'âge moyen est de 55 ans. Il est donc urgent de réfléchir à une transformation car, dans de nombreuses fédérations, les CTS payés par l'État représentent la seule main d'oeuvre. Ce corps regroupe différents métiers et nous devons discuter de l'avenir de chacun d'entre eux avec les fédérations. Aujourd'hui, ces discussions sont conduites par des tiers de confiance et un rapport nous sera remis début décembre. Mon travail cette année a été de faire mieux comprendre, y compris au Premier ministre et au Gouvernement, l'importance de cette transformation.
Concernant le haut niveau, le partage de responsabilités est déstabilisant. C'est notre travail aujourd'hui de faire travailler tout le monde ensemble. La semaine dernière, nous avons ainsi réuni les cadres et les entraîneurs.
Une première labellisation verra le jour à la fin de cette année pour les maisons sport-santé. Des initiatives ont déjà été sélectionnées. J'en ai déjà visité quelques-unes et je continue ce tour de France. Vendredi, je me rendrai à Biarritz où le sport sur ordonnance existe déjà depuis des années. L'objectif est d'atteindre 500 maisons sports-santé en 2022 puis 1 000 en 2024.
Désormais, le laboratoire français pourra aller contrôler les sportifs français à l'étranger. L'affaire Clémence Calvin nous montre que ce sujet soulève de nombreuses questions. Les sportifs ne s'attendaient pas à être contrôlés lorsqu'ils étaient en stage à l'étranger et cela leur permettait d'échapper à notre vigilance. Nous devons donc informer les entraîneurs et les sportifs et soutenir l'AFLD, financée à 99 % par l'État, dans ses missions. Les contrôles à l'étranger représentent un coût supplémentaire et le transfert des contrôles va s'opérer vers le haut niveau. C'est un choix assumé. Pour le sport amateur, nous apporterons notre soutien à la prévention du dopage. Nous espérons que les efforts conjoints du ministère et de l'AFLD serviront aussi à informer le grand public. L'AFLD a bénéficié d'un accompagnement de la part du ministère. Concernant l'évolution de son modèle économique, celui-ci repose sur une diversification des ressources.
M. Michel Savin. - Le Sénat est à vos côtés, madame la ministre. Le Sénat soutient le sport.
Concernant le budget, l'augmentation affichée est liée au souhait de la France d'honorer son engagement par rapport aux jeux Olympiques. Toutefois, depuis 2017, la baisse du budget représente 11 % de crédits.
Vous annoncez une stabilité du budget de l'ANS mais ses crédits passent de 291 millions en 2019 à 284 millions en 2020. Il s'agit donc bien d'une baisse de 7 millions. J'entends qu'elle sera compensée par la trésorerie mais je ne suis pas certain que « taper dans la trésorerie » soit une bonne solution.
Pouvez-nous confirmer que les frais de fonctionnement de l'agence sont bien prévus et à quelle hauteur ?
Ce week-end le Sénat a voté un amendement concernant la taxe Buffet afin d'augmenter le budget de l'ANS. Le mouvement sportif, professionnel comme amateur, attend un signe de votre part. Quelle est votre position sur cet amendement ?
Votre dossier de presse indique 45 millions d'euros en faveur des équipements sportifs territoriaux, mais, à la page suivante, il est dit que 15 millions seront consacrés au plan « aisance aquatique » : ces deux enveloppes sont-elles bien cumulatives, ou bien les 15 millions seront-ils imputés sur la première enveloppe de 45 millions ?
Nous aurons des discussions en séance sur le sport en entreprise : comme l'an passé, nous déposerons un amendement sur les critères permettant à l'Urssaf de considérer la mise en disposition de personnels et d'équipements sportifs comme des avantages en nature. Soutiendrez-vous notre proposition ?
Nous voulons aussi soutenir les sportifs de haut niveau grâce au mécénat d'entreprise. Vous avez signé hier 100 pactes de performance avec le groupe BPCE, qui réunit la Banque populaire, les Caisses d'épargne et Natixis. Notre amendement, qui sera vraisemblablement cosigné par l'ensemble des groupes, vise à légaliser une pratique courante par laquelle des entreprises se lient aux sportifs. Quelle sera là encore votre position ?
M. Claude Kern. - Je ne reviendrai pas sur le budget de l'ANS qui, en réalité, est en baisse. Je regrette la mascarade intervenue à l'Assemblée nationale avec l'adoption, puis le rejet, à la suite d'une deuxième délibération demandée par M. Darmanin, d'un amendement qui déplafonnait la taxe affectée sur les paris sportifs. Outre la grave atteinte qu'elle constitue pour la démocratie, cette décision prive l'ANS de moyens supplémentaires pour intervenir correctement dans les territoires. Cela est d'autant plus incompréhensible que les activités taxées sont en pleine expansion.
Pouvez-vous nous donner des précisions sur la manière dont vous envisagez la mise en oeuvre de la convention entre l'État et l'ANS, prévue par le code du sport, qui prévoit une trajectoire pluriannuelle ascendante des crédits en ligne avec les besoins identifiés par le mouvement sportif ?
L'ANS, qui a la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP), est quasi exclusivement financée par l'État. Pourriez-vous nous éclairer sur les négociations à venir avec les autres parties prenantes du GIP pour élargir son financement ?
La Cour des comptes a pointé les défaillances de l'éducation physique et sportive (EPS) en milieu scolaire, dans le contexte notamment de lutte contre la sédentarité et de promotion des modes de vie plus actifs. Les heures de cours baissent, la discipline est malmenée dans les programmes scolaires. Envisagez-vous un plan de développement pluriannuel des programmes d'EPS. Confirmez-vous l'ouverture de 1 500 postes aux concours de professeurs d'EPS dès cette année ? C'est une urgence ! Je me réjouis enfin de l'augmentation des primes pour les athlètes médaillés aux jeux Olympiques de 2020. Toutefois, ne serait-il pas possible, pour plus de simplicité, de prévoir leur déductibilité de l'assiette de l'impôt sur le revenu ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Les primes seront soumises à l'impôt à la source. J'ai expliqué pourquoi nous avions préféré augmenter les primes plutôt que de les rendre déductibles de l'impôt sur le revenu.
Le sport à l'école est une priorité du Gouvernement. Je vous invite à interroger M. Blanquer sur la création de 1 500 postes de professeurs d'EPS dans l'éducation nationale. J'ai fait une offre de services à M. Blanquer. Il n'existe pas de cours d'EPS dans le premier degré, mais nous avons des associations sportives qui s'investissent dans les territoires : quatorze fédérations ont déjà signé une convention avec l'éducation nationale pour intervenir dans certaines écoles primaires. J'aimerais que l'on généralise ce type de collaboration entre le monde associatif et l'école. J'ai plaidé pour un temps scolaire partagé où les associations sportives pourraient intervenir sur des sujets identifiés à l'avance en commun avec les équipes éducatives : on pourrait imaginer une semaine dédiée à l'aisance aquatique, une semaine pour apprendre à rouler à vélo, une semaine d'initiation au sport collectif, etc. Les associations pourraient accueillir les enfants, avec un emploi du temps défini dans le cadre d'un projet pédagogique coconstruit avec les professeurs des écoles. Avec le dédoublement des classes, une partie de la classe pourrait suivre une activité sportive une semaine, encadrée par les éducateurs sportifs, tandis que l'autre partie de la classe continuerait à suivre les cours. Avec des effectifs réduits, l'enseignement est plus efficace. Dans le cadre de la réforme des services déconcentrés, les agents du ministère des sports seront rapprochés des recteurs et des directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen). Cela permettra de proposer une nouvelle ingénierie territoriale, de nouveaux projets éducatifs territoriaux, inscrits sur le temps scolaire. L'intervention des associations sportives est reconnue. Le ministère des sports finance déjà 6 000 postes d'éducateurs.
L'ANS a été créée sous la forme d'un GIP pour lui permettre de bénéficier de fonds venant de sources diverses. La stabilisation du budget de l'agence constitue un signe fort, la contribution nette de l'État est identique, au centime près, à celle de l'an passé. Elle s'élève à 284 millions, auxquels s'ajoutent 7 millions issus du fonds de roulement de l'agence - l'année dernière les 7 millions provenaient du fonds de roulement du Centre national pour le développement du sport (CNDS).
En ce qui concerne le suivi pluriannuel du budget des sports, l'Assemblée nationale a voté la création d'un jaune budgétaire sur le sport, qui permettra de mettre en évidence l'ensemble des actions des différents ministères en faveur du sport et de ses acteurs.
Sur le sport en entreprise, nous publierons avec Agnès Buzyn une circulaire sur l'exonération de charges sociales pour les mesures de soutien au sport par les employeurs. Votre amendement sera donc satisfait.
M. Michel Savin. - Une circulaire n'a pas la même portée qu'une loi ! Une loi rassurerait davantage les entreprises.
Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Certes, mais cela relève du pouvoir réglementaire. Une circulaire suffit à instaurer une exonération de charges sociales. Les entreprises concernées ne seront pas redressées par l'Urssaf.
Votre autre amendement vise à uniformiser les dispositifs de soutien par les entreprises aux sportifs de haut niveau en privilégiant le mécénat. Nous avons plutôt voulu préserver la diversité des formes de soutien. Certains sportifs préfèrent un partenariat avec une entreprise, d'autres préfèrent le recours au mécénat, la différence tenant à la possibilité, ou non, d'utiliser l'image du sportif et de nouer d'autres formes de collaboration. D'autres types de contrats, comme les contrats d'insertion professionnelle, peuvent aussi intéresser des sportifs qui souhaitent garder un lien avec l'entreprise et préparer leur reconversion. C'est pourquoi nous souhaitons conserver la diversité des formes de soutien et mettre l'accent sur la publicité autour de ces dispositifs. Le guichet unique du sport que nous voulons mettre en place, et qui serait installé dans les Creps, pourrait servir de centre d'information et d'orientation, en éclairant les jeunes qui hésitent encore entre carrière sportive ou poursuite des études. On espère ainsi multiplier les vocations. Ce guichet unique pourrait aussi renseigner les familles sur les études ouvertes aux sportifs de haut niveau, les possibilités de financement d'une carrière sportive grâce à l'aide des entreprises, les possibilités de reconversion, etc.
Je vous confirme que l'enveloppe de 15 millions d'euros pour le plan d'aisance aquatique s'ajoutera à l'enveloppe de 45 millions destinée à financer les équipements sportifs territoriaux. L'enveloppe sera destinée exclusivement aux piscines, sachant que certaines d'entre elles ont aussi pu postuler à des projets financés par l'enveloppe de 45 millions s'il s'agit d'équipements structurants.
Mme Mireille Jouve. - Ma question ne sera pas originale et portera sur les crédits de l'ANS. Après deux années de baisse, le budget des sports restera à un niveau modeste, en dépit des jeux d'écriture et des mouvements de crédits destinés à assurer le respect de nos engagements financiers en vue des Jeux de 2024. Pourtant les taxes affectées au sport font preuve d'un rare dynamisme : le produit de la taxe Buffet augmentera de 25 millions d'ici à 2021 ; le produit de la taxe sur les paris sportifs a augmenté de 80 % depuis 2015. Ces sources de financement issues du sport professionnel devraient bénéficier plus largement au sport amateur et non abonder le budget général de l'État. Peut-on envisager une hausse des fonds alloués à l'ANS proportionnelle à la hausse du rendement des taxes affectées au sport ? Cela permettrait de soutenir la pratique du sport dans nos territoires.
Ma deuxième question concerne la réorganisation des services de l'État et le rattachement auprès du ministère de l'éducation nationale des personnels des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et des directions départementales de la cohésion sociale. Ne redoutez-vous pas, madame la ministre, de voir les missions de ces personnels diluées au sein de ce ministère pour servir à concrétiser le projet présidentiel de service national universel ? Cette réforme n'affaiblira-t-elle pas votre ministère ? Elle nourrit les craintes de tous ceux qui entrevoient sa disparition prochaine.
Mme Céline Brulin. - Mes propos ne seront pas non plus originaux et rejoindront beaucoup de ceux qui ont déjà été tenus. Cela devrait alerter le Gouvernement... Comme le mouvement sportif, nous sommes nombreux à être choqués par ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale. Le mouvement sportif est composé de bénévoles qui se démènent avec des bouts de ficelle tous les matins. La mesure qui était proposée ne semblait pas indécente au regard de l'argent brassé par le sport. Nous persévérerons pour faire adopter cette mesure. Les inégalités sont de plus en plus insupportables aux yeux de nos concitoyens.
L'ANS reste sous-financée. Je crains que les collectivités territoriales qui continuent à s'engager dans le sport en dépit de leurs propres difficultés budgétaires, ne soient encore davantage mises à contribution, dans un contexte de nouvelle organisation du sport dans les territoires et de vieillissement des équipements.
Enfin, je voudrais vous alerter sur les difficultés récurrentes de financement des sportifs de haut niveau. Les jeunes athlètes peinent à progresser dans leur discipline faute de moyens. Ils sont souvent aidés par leurs fédérations mais celles-ci ont moins de moyens à cause des dépenses engagées pour les jeux Olympiques. C'est paradoxal.
M. Jacques Grosperrin. - Tout a été très bien dit par mes collègues. Vous avez dit que ce le budget du sport n'avait jamais été aussi élevé, mais si l'on retire le transfert de la masse salariale des CTS et le programme relatif aux jeux Olympiques, les crédits sont beaucoup moins conséquents ! Mais je tiens à saluer votre combat contre Bercy et aurai donc tendance à voir plutôt le verre à moitié plein que le verre à moitié vide. 2020 sera l'année de vos premiers Jeux en tant que ministre. J'espère que la France occupera une belle place.
Les fédérations sportives sont inquiètes, car elles sont mal en point financièrement, à l'exception de la Fédération française de tennis ou de la Fédération française de football qui ont une situation budgétaire excellente grâce aux droits de télévision. Ne serait-il pas possible de déplafonner les taxes affectées ? Les crédits des fonds territoriaux de l'ANS dédiés aux activités sportives dans les territoires ont baissé de 27 % depuis 2018. Nous serons très attentifs à la future loi sur le sport en 2020. La France mérite une grande loi.
M. Laurent Lafon. - La pratique du e-sport, ou sport électronique, se développe, notamment chez les jeunes. Les enjeux financiers sous-jacents sont importants, car beaucoup d'éditeurs de jeux sont des entreprises françaises, tandis que les paris sportifs augmentent. La future loi sur le sport comportera-t-elle des mesures visant le e-sport ? Le modèle classique d'accompagnement des activités physiques peut-il être adapté, y compris à travers des parcours sport-études, à cette nouvelle discipline ?
M. Jean-Marie Mizzon. - On mesure la qualité d'un budget non seulement au montant des crédits mais aussi à la qualité des politiques qu'il finance. Vous avez évoqué le dopage. Or j'ai le sentiment que toutes les disciplines ne sont pas contrôlées de la même manière et que les sports collectifs sont moins visés que les sports individuels. Qu'en pensez-vous ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - La France est candidate à l'organisation des Gymnasiades ou jeux Olympiques du sport scolaire de 2022. La région Normandie est volontaire pour les accueillir. Le 30 novembre, on saura qui de la Russie, de la Serbie, de l'Azerbaïdjan ou de la France organisera ces jeux. Ce projet semble formidable, permettant de mobiliser les jeunes deux ans avant les jeux Olympiques. La région Normandie est très motivée. Reste la question du budget. Il semble que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse s'interroge sur la volonté des collectivités territoriales intéressées de participer financièrement à l'organisation de ces Gymnasiades. Leurs engagements ne seraient pas jugés assez précis et, dès lors, le Gouvernement ne soutiendrait pas le projet avec beaucoup d'ardeur. Qu'en est-il ? Comment avez-vous défendu ce projet ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Comme pour la candidature de Paris pour les jeux Olympiques, nous avons cherché à organiser le plus possible d'événements pour faire la preuve de nos capacités d'organisation et susciter l'engouement auprès du public. Nous voulions aussi profiter de la dynamique créée par l'attribution des jeux Olympiques et Paralympiques à Paris en 2024, car organiser des événements sportifs c'est aussi investir dans le sport et l'avenir du sport. L'organisation des Gymnasiades permet d'intéresser des jeunes qui ne sont pas nécessairement engagés dans une aventure sportive de haut niveau mais qui pratiquent un sport de manière régulière, dans un cadre scolaire ou associatif. Cela permet de faire vivre l'esprit olympique : la compétition dans le respect de l'autre, le partage, et non la performance à tout prix. Telles sont les valeurs que nous voulons faire partager sur tout le territoire. Organiser les Gymnasiades serait une grande chance, à cet égard, pour la France. Effectivement, la question des coûts devra être abordée, car il n'est pas question que l'État assume seul le coût d'un tel événement.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - La région Normandie a clairement exprimé sa volonté de participer au financement de cette manifestation.
Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Les Jeux à Paris créent un appel d'air pour tous les sports. Toutes les fédérations viennent vers nous pour organiser des tournois de qualification olympique, des championnats d'Europe, des championnats du monde, etc. Nous avons un budget de 6 millions d'euros pour soutenir les événements sportifs, ce qui n'est pas considérable si l'on considère l'importance des fees, ces sommes exigées par les fédérations internationales en contrepartie de l'organisation de compétitions, qui atteignent parfois des montants extraordinaires - 700 000 euros, par exemple, pour organiser le championnat d'Europe de volley-ball - tandis que les fédérations conservent encore le pouvoir de céder les droits de la compétition à des sponsors de leur choix. Ces pratiques sont discutables. Peut-être que la présidence du Conseil européen par la France, en 2022, sera-t-elle l'occasion de lancer un dialogue constructif avec les fédérations européennes et internationales sur ces clauses parfois exorbitantes. Nous allons aussi réactiver le Comité français du sport à l'international, qui réunira les fédérations et les territoires pour définir la stratégie de la France en matière d'organisation de compétitions internationales.
Le e-sport se développe. Des événements ont été organisés à Paris. Cette discipline a repris le mot « sport » sans discussion préalable avec le ministère. Ses responsables ont rencontré les membres de mon cabinet. Ils ont fait valoir leur volonté de structurer une filière, à l'image des filières d'accès à la haute performance dans le sport. Je suis consciente que contribuer au développement de cette discipline revient à promouvoir le fait de passer du temps devant un écran à jouer, même si cela mobilise d'autres compétences qui peuvent s'avérer très utiles pour une insertion dans la vie active ensuite, notamment en informatique. Il faut que nous leur apportions - ce qu'ils recherchent d'ailleurs - le moyen de pratiquer davantage d'activités physiques, une aide pour décrocher des écrans, y compris pour préparer les compétitions. Notre expertise peut être à cet égard intéressante ; en retour, nous souhaiterions un engagement de leur part sur la thématique de la lutte contre la sédentarité et un effort de communication autour de l'aspect inclusif de la discipline vis-à-vis des personnes handicapées.
Monsieur Savin, les taxes ne représentent qu'une petite partie du budget des sports : le produit de la taxe Buffet augmente de 30 millions alors que la hausse de notre budget est de 65 millions, grâce au concours du budget général de l'État. Les taxes ne suffiraient pas à couvrir le budget, elles n'en représentent que 20 %. Si on modifiait le système des taxes, les équilibres avec le budget général évolueraient. Quant à votre amendement, il ne garantit nullement que les contributeurs visés soutiendront directement et spontanément le sport amateur.
Je comprends votre réaction après le vote de l'Assemblée nationale. Nous voulions simplement dire que nous avons les moyens de nos ambitions. Le budget est défini en fonction des besoins. L'ANS est née en avril. Elle doit aujourd'hui se structurer. L'année qui vient sera consacrée à la discussion des projets de territoires et des projets fédéraux. Inutile donc d'octroyer des fonds qui ne seront pas dépensés avant la fin de l'année. En réalité, il ne faut pas minimiser l'enjeu. La création de l'ANS bouleverse totalement le paysage. Les fédérations devront en effet revoir leurs politiques et leurs déclinaisons territoriales. Les régions devront coordonner leur budget « sport » avec celui de l'État et celui des fédérations. C'est une année complexe, de structuration du modèle, qui s'ouvre. Donner plus de moyens que ce qui était nécessaire dans ce contexte aurait constitué, à mon sens, un geste irresponsable. Je me suis d'ailleurs positionnée contre un amendement venant de notre majorité à l'Assemblée nationale.
- Présidence de M. Jacques Grosperrin, vice-président -
Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Je suis totalement opposée à l'idée selon laquelle il faudrait utiliser absolument un budget d'ici la fin de l'année pour justifier sa reconduction l'année suivante.
Je suis favorable au contraire à un budget qui corresponde à des projets définis en toute responsabilité par des fédérations et des collectivités avec lesquelles nous avons travaillé. Une fois les projets établis, nous savons accorder les moyens nécessaires pour que les actions se réalisent.
Le service national universel est, quant à lui, une belle opportunité, y compris pour nos agents qui pourront proposer leurs compétences en ingénierie territoriale dans le cadre de ce projet. Le ministère des sports a la chance de disposer d'agents de catégorie A compétents pour monter des projets en ingénierie territoriale. Cette expertise sera valorisée encore davantage pour organiser le SNU. Celui-ci constitue aussi une initiative intéressante pour nos jeunes. Réunir des jeunes d'une même catégorie d'âge, autour du sport spécifiquement, est bénéfique - je ne parlerai pas de tous les autres bienfaits que nous pouvons trouver dans le SNU. Ce sera l'occasion de parler à ces jeunes des enjeux de santé, de la reprise d'une activité physique à un âge où nous savons qu'ils décrochent la plupart du temps, et de l'importance de pratiquer le sport en général.
L'importance du sport et des activités collectives a été bien mise en avant lors de la première expérimentation du SNU par les jeunes eux-mêmes qui y ont participé, et le sera de nouveau cette année. Les activités sportives proposées leur permettent en effet de se retrouver. Pour tout vous dire, dans la première élaboration de l'expérimentation nous n'avons pas été aussi associés que je l'aurais voulu. Je pense en effet que nous avons beaucoup à apporter avec le sport. Ce point est d'ailleurs ressorti d'un sondage mené auprès des jeunes. Nous pourrons désormais y consacrer toutes nos forces.
Les agents des ministères s'inquiètent de la mobilisation attendue autour du SNU. Ils se demandent comment ils pourront assumer leurs autres tâches si tous leurs efforts se trouvent ainsi accaparés. Mais je pense que le SNU constitue précisément une formidable occasion pour faire le reste : parler du sport « bon pour la santé des jeunes », donner aux jeunes les premières armes pour s'insérer, notamment dans les métiers du sport - sur lesquels ils veulent souvent se positionner mais au sujet desquels ils manquent souvent d'information -, ou encore s'adresser à une catégorie d'âge où l'on passe souvent les premiers diplômes comme le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) ou le brevet de secourisme, qui sont souvent de premières étapes vers des diplômes fédéraux, pour évoquer les métiers correspondants.
Le SNU est également l'occasion d'envisager l'entrée dans ces métiers comme un complément à la vie active des jeunes concernés. Ils pourraient aussi avoir des diplômes sportifs complémentaires susceptibles de les aider à financer leurs études voire de les conduire vers une reconversion professionnelle à une période de leur vie où ils pourraient avoir envie de retourner vers le sport.
M. Jacques Grosperrin, président. - Merci, madame la ministre.
La réunion est close à 17 h 25.
Mercredi 27 novembre 2019
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Médias, Livre et industries culturelles » et compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public » - Examen du rapport pour avis
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous avons un ordre du jour particulièrement chargé puisque nous examinons aujourd'hui les rapports de cinq de nos collègues sur les crédits de trois missions budgétaires différentes.
Nous entendrons successivement Jean-Pierre Leleux sur les crédits de l'audiovisuel ; Jean-Jacques Lozach sur les crédits du programme « Sport » et Jacques-Bernard Magner sur les crédits du programme « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, Jeunesse et vie associative » ; Sylvie Robert sur les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », et Philippe Nachbar sur ceux du programme « Patrimoines » de la mission « Culture ».
J'ai tenu à rappeler en Conférence des Présidents que la durée de trois minutes octroyée aux rapporteurs pour avis en séance pour présenter leurs conclusions sur les missions n'était pas suffisante. Les présidents des autres commissions ont exprimé le même avis. Il n'est pas possible de modifier les durées de parole cette année, sauf à revoir l'ensemble du calendrier d'examen du projet de loi de finances. Le Président du Sénat a dit qu'il allait engager une réflexion sur le sujet.
Je cède immédiatement la parole à Jean-Pierre Leleux pour nous présenter son avis sur les crédits alloués aux sociétés de l'audiovisuel public dans le projet de loi de finances pour 2020.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Comme d'habitude, je vais vous présenter dans un instant quelques données chiffrées sur les crédits de l'audiovisuel public avant d'insister sur un nombre limité de points que j'estime fondamentaux. Mais avant cela permettez-moi de revenir sur le contexte particulier que connaît le secteur des médias.
Le Gouvernement a annoncé le dépôt d'un projet de loi sur la communication audiovisuelle et sur la souveraineté culturelle à l'heure numérique. Initialement prévu en 2018, ce texte a été reporté au printemps 2019, puis à l'été, et enfin à l'automne. Finalement il devrait être examiné en conseil des ministres mercredi prochain... L'Assemblée nationale prévoit de commencer ses auditions au mois de décembre et d'examiner le texte en commission fin janvier 2020. Le débat en séance publique est programmé fin février. Notre assemblée devrait donc s'en saisir au printemps, après les élections municipales.
Ce projet de loi comprend trois volets : un premier volet relatif à la création audiovisuelle, un deuxième concerne l'évolution de la régulation tandis que le dernier volet est consacré à la réforme de l'audiovisuel public.
Ce dernier volet est reprend - souvent mot pour mot - les préconisations que nous avions faites avec André Gattolin en 2015. Nos concitoyens qui s'interrogent sur le rôle du travail parlementaire trouveront matière à réponse dans ce projet de loi puisque c'est notre rapport qui a proposé de créer une holding publique rassemblant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (FMM) et l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Nous avions été jusqu'à proposer de le dénommer « France Médias », c'est le nom qui est aujourd'hui retenu. Nous avions également fait le choix de laisser en dehors de la holding Arte et TV5 Monde, et là encore nous avons été suivis. Nous avions enfin préconisé que le président cette nouvelle société publique soit désigné par son conseil d'administration et c'est bien ce mode de gouvernance, normalisé, qui est privilégié. Comme nous le souhaitions également, les missions de cette holding devront rester stratégiques : définir les orientations du contrat d'objectifs et de moyens (COM), désigner les directeurs généraux des quatre filiales, répartir le produit de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), définir les mutualisations et la stratégie numérique commune... Toutes ces recommandations sont donc reprises par le projet de loi et nous devrions donc être pleinement satisfaits.
Pourtant nous ne le sommes pas pleinement. La transformation de l'audiovisuel public doit reposer sur trois dimensions indissociables : une évolution des structures reposant sur la création d'une gouvernance commune, c'est l'objet du projet de loi et là, nous sommes sur la bonne voie ; une définition pluriannuelle des moyens ; une réflexion sur les missions et la vocation de cet outil fondamental qu'est l'audiovisuel public.
Or, si le train de l'évolution des structures est en partance, et si celui qui prévoit les moyens est annoncé avec retard pour 2021 ou 2022, nous restons encore sur notre faim concernant la définition des missions.
Tout se passe en fait comme si on avait pris le problème à l'envers. Notre rapport de 2015 s'intitulait : « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de « France Médias » en 2020 ». Notre réflexion était partie des moyens. Quels moyens pour quelles missions ? Et nous avons abouti à la nécessité de modifier les structures en particulier pour accélérer l'élaboration d'offres numériques communes. Malheureusement, c'est le raisonnement inverse qui est appliqué aujourd'hui. On coupe les moyens, on repousse la réforme du financement à 2021 ou 2022 et on modifie les structures, avant tout pour rechercher des économies et non pour renforcer la spécificité du service public.
Au lieu de garantir des moyens dans la durée, le Gouvernement n'a fait que procéder à des coups de rabot successifs depuis 2017, sans tenir compte des enjeux propres à chaque média public. Une trajectoire - très contraignante - a ainsi été définie en 2018 qui prévoit 190 millions d'euros de baisse de la ressource publique d'ici 2022. Cette baisse de la ressource ne tient pas compte de la hausse naturelle de la masse salariale consécutive à l'ancienneté et de l'accroissement de certains coûts, comme l'indexation des contrats et des baux locatifs par exemple. Le Gouvernement a exigé par ailleurs, avec raison, que les entreprises de l'audiovisuel public accroissent leurs investissements dans le numérique de 150 millions d'euros, mais cela accroît d'autant l'effort demandé à chacune d'entre elles. France Télévisions a ainsi chiffré l'écart à financer à près de 370 millions d'euros.
La réforme des structures de 2020 s'ajoutera donc à la raréfaction des moyens engagée en 2018 sans qu'une réflexion globale n'ait abouti sur les missions.
C'est donc un véritable « management par le stress budgétaire » qui a été mis en place depuis 2017. La montagne est d'autant plus difficile à gravir pour les entreprises que cette thérapie de choc succède à une période de relative abondance des crédits, de 2012 à 2017, durant laquelle la tutelle n'a exigé aucune véritable réforme.
Je rappelle que l'indexation et le mécanisme d'arrondi de la CAP ont généré pendant plusieurs années une surindexation. Les ressources de l'audiovisuel public ont ainsi augmenté de 18 % entre 2009 et 2016, alors que l'inflation n'a progressé que de 8 % sur cette période. Le montant de la CAP aurait dû être de 124 € en 2016 en se fondant sur l'inflation réelle et non pas de 137 € compte tenu des règles d'indexation et des « coups de pouce ».
Concernant les réformes, je rappellerai également que la fusion des rédactions de France Médias Monde a été abandonnée en 2012 alors qu'elle était au coeur du projet initial de pôle de l'audiovisuel extérieur. La fusion des rédactions de France Télévisions a pris, à cette même époque, beaucoup de retard, le projet Info 2015 vient d'ailleurs de s'achever seulement cette année, avec quatre ans de retard. Cet immobilisme a été dénoncé tant par la Cour des comptes que par notre commission qui, je le rappelle, avait donné des avis négatifs aux COM de Radio France et de France Télévisions.
En somme, l'austérité la plus sévère a succédé au laxisme le plus débridé en faisant à chaque fois l'économie d'une réflexion sur les attentes de la Nation vis-à-vis de son audiovisuel public.
Certains choix apparaissent particulièrement déraisonnables et je vous en donnerai quelques exemples. Sans aucun débat, le Gouvernement a décidé de supprimer la diffusion hertzienne de France 4 et de France Ô. L'économie pour France 4 est estimée à 16 millions d'euros et celle pour France Ô à 13 millions d'euros. Ces 29 millions d'euros représentent 1 % du budget de France Télévisions, ce qui paraît dérisoire. Comme l'indiquait le président de la BBC l'année dernière au Sénat, il est incompréhensible que France Télévisions se prive d'un outil de fidélisation de la jeunesse alors même que le service public est confronté à la problématique du vieillissement de ses audiences. Je rappelle par ailleurs que la nouvelle plateforme jeunesse de France Télévisions, dénommée OKOO, sera lancée à l'été 2020, c'est-à-dire cinq ou six mois après l'arrivée de Disney + prévue en mars prochain... Le service public abandonne donc le terrain. J'observe également que plus de cinq ans après l'arrivée de Netflix le service public ne dispose toujours pas d'une plateforme SVOD de vidéo à la demande et ne propose aucun film en replay...
Un deuxième exemple concerne Radio France et le chantier de la Maison de la Radio. Les nouvelles sont plutôt encourageantes de ce côté puisque la fin du chantier devrait avoir lieu, comme prévu l'année dernière, à l'été 2022. Par ailleurs, le coût final semble enfin maîtrisé puisque la dernière évaluation faite par l'entreprise évalue le coût du chantier à 580 millions d'euros en tenant compte des studios de création. C'est 20 millions d'euros de moins que ma propre estimation de l'année dernière. Cependant on peut regretter que l'État n'ait pas été en mesure de définir dans le PLF le montant et les modalités de sa contribution au financement du chantier pour 2020. Non seulement cette situation n'est pas confortable pour l'entreprise, mais elle ne me semble pas respectueuse du Parlement qui ne peut se prononcer sur ce financement dans le cadre du débat budgétaire. Enfin, on ne peut que déplorer l'idée de départ du projet de rénovation ayant consisté à maintenir les équipes dans les locaux pendant les travaux. Outre le fait que ce choix a été à l'origine des retards et du dérapage des coûts, il a contribué à dégrader le climat social, les personnels ne pouvant concilier les contraintes de leur métier concernant le son avec les nuisances sonores inhérentes à un chantier d'une telle importance.
Un dernier exemple concerne notre audiovisuel extérieur. La réduction des crédits se traduit aujourd'hui par une réduction des zones de diffusion. TV5 Monde s'est retirée des réseaux câblés en Grande-Bretagne et prévoit de réduire sa couverture en Europe continentale, notamment en Italie, l'année prochaine. France 24 ne sera plus disponible sur les réseaux câblés en Amérique du Nord en 2020. J'y reviendrai tout à l'heure, mais je crois déjà nécessaire de regretter l'absence de réflexion stratégique sur notre audiovisuel extérieur. Nous vivons sur une fiction : vouloir maintenir une influence mondiale en accordant à nos opérateurs des moyens par nature limités issus de la CAP et donc financés par les téléspectateurs nationaux. Il est temps, à mon sens, de définir une stratégie ambitieuse et conquérante plus en phase avec nos moyens et nos intérêts stratégiques. Pour cela il faudrait certes procéder à des arbitrages de périmètre pour adapter nos objectifs à nos moyens, mais également augmenter ces mêmes moyens afin de défendre notre influence dans les zones vraiment stratégiques (l'Afrique, l'Asie et le Moyen-Orient). Je note toutefois l'extension de la diffusion en espagnol en Amérique latine.
Notre audiovisuel public est d'abord victime de ces « non-choix », sur le nombre de chaînes, sur le numérique, sur le chantier de Radio France, sur les zones d'influence dans le monde...
Si nous en sommes arrivés à cette situation, c'est d'abord parce que les tutelles - et donc les Gouvernements successifs - ont été incapables de définir une vision stratégique et de donner du sens au service public dans un monde numérique.
Pourtant, l'urgence à préserver des acteurs puissants est bien présente. Les plateformes américaines ne proposent pas d'information, elles n'ont pas non plus vocation à présenter un récit national à travers des émissions sur l'histoire et le patrimoine. En un mot, elles n'ont pas la charge de faire vivre le débat démocratique. France 3 et France Bleu ont ainsi prévu d'organiser plus de 800 débats à l'occasion des élections municipales. Voilà pourquoi, il nous faudra être vigilants dans le cadre du débat sur la loi audiovisuelle sur la préservation et le renforcement de nos acteurs nationaux, qu'il s'agisse des groupes de télévision comme des groupes de radio.
Dans ces conditions, je ne peux que regretter la baisse du tarif de 1 € de la contribution à l'audiovisuel public, prévue par l'article 31 du projet de loi de finances, qui intervient après le gel déjà décidé l'année dernière. Cette diminution des moyens va inévitablement contrarier l'accomplissement des missions de l'audiovisuel public.
Si je regrette cette baisse des moyens, je ne peux néanmoins pas m'y opposer, faute de redéfinition des missions et des priorités ; elle constitue l'unique moyen trouvé par l'État pour exiger des réformes dans l'organisation de ces entreprises.
Depuis 10 ans, le Législateur a fait son travail en accompagnant la hausse des moyens de l'audiovisuel public. Mais force est de constater que ces moyens ont d'abord servi à financer des coûts et des effectifs croissants et non à développer des offres innovantes. Depuis 2012, les effectifs de France Médias Monde ont ainsi augmenté de plus de 10 % et ceux de d'Arte de 7 %. À France Télévisions et à Radio France, c'est le nombre des cadres dirigeants et leurs salaires conséquents qui ont connu un vrai dynamisme selon les organisations syndicales.
On peut le déplorer, mais la politique d'austérité porte ses fruits. La présidente de France Télévisions expliquait il y a encore deux ans que l'entreprise était « à l'os » en matière d'effectifs. Sur la période 2018-2022, ce sont pourtant plus de 1 000 emplois nets qui seront supprimés et une économie de 100 millions d'euros qui pourra être réalisée. Cet effort est à souligner. À Radio France, le plan de départs devrait concerner près de 300 personnes. Cela est à souligner aussi.
Vous l'aurez compris, si je soutiens la réduction des moyens décidée pour provoquer des économies et rechercher une hausse de la productivité, je la déplore lorsqu'elle a pour effet de réduire l'ambition du service public tant en métropole, qu'en outre-mer et à l'international.
Quelques chiffres maintenant. Après avoir augmenté de 100 millions d'euros sur la période 2015-2017 puis baissé de 36,7 millions d'euros en 2018, et de 36,1 millions d'euros en 2019, les crédits consacrés à l'audiovisuel public baisseront de 69,2 millions d'euros en 2020 (soit une baisse de -1,8 %) pour représenter 3,71 milliards d'euros.
Cet effort se répartit comme suit : 60 millions d'euros pour France Télévisions, 5 millions d'euros pour Radio France, 2,2 millions d'euros pour Arte, 1 million d'euros pour France Médias Monde et pour l'INA, les moyens de TV5 Monde demeurant stables.
Lorsque l'on examine l'évolution des moyens de chaque entreprise depuis 2017, il n'est pas inutile de rappeler que si les crédits accordés à France Télévisions et Radio France ont fortement baissé, l'évolution demeure positive pour France Médias Monde (+3,7 millions d'euros) et Arte (+1 million d'euros). Je précise cela, car il serait inexact de laisser penser que France Médias Monde et Arte seraient plus mal traitées que les deux plus grosses sociétés de l'audiovisuel public. Elles sont plutôt préservées. Par contre, il est vrai que la tutelle ne leur donne pas les moyens de mettre en oeuvre des ambitions croissantes, ce qui est évidemment différent.
C'est la raison pour laquelle je ne soutiendrai pas - à titre personnel, car nous n'avons pas à donner d'avis au nom de la commission - l'amendement adopté par la commission des finances qui vise à transférer près de 10 millions d'euros du budget de France Télévisions à celui de France Médias Monde. Notre audiovisuel extérieur a besoin, je l'ai dit, d'une vraie réflexion stratégique et d'arbitrages au plus haut niveau pour définir les contours d'une ambition raisonnable et réaliste. Son avenir ne peut dépendre d'une politique consistant à « déshabiller Pierre pour habiller Paul ».
Je rappelle à cet égard que le produit de la TOCE qui s'élevait à 266 millions d'euros en 2018 ne profite plus à l'audiovisuel public. La réforme de la CAP que nous avons proposée en 2015 avec une universalisation de son assiette se traduirait mécaniquement par environ 150 millions d'euros de ressources supplémentaires. Ce n'est donc pas une question d'argent, mais de choix. La majorité actuelle a fait le choix de réduire la voilure de la culture et de l'influence françaises et, en même temps, de continuer à revendiquer une ambition qui ne repose en fait sur aucune volonté politique réelle. Et c'est ce choix que je peux qualifier de technocratique et schizophrénique qui crée un trouble aujourd'hui, notamment auprès des salariés.
J'en viens maintenant à la situation des opérateurs. Celle de France Télévisions reste, comme l'année dernière, délicate. Comme je l'ai indiqué, le groupe doit faire face à un mur de 370 millions d'euros à financer. Les gisements de ressources ne sont pas nombreux. L'accord de rupture conventionnelle collective doit se traduire à terme par une économie de 100 millions d'euros sur la masse salariale. Des économies à hauteur de 110 millions d'euros sont également prévues sur les programmes, notamment sur les émissions de flux. L'entreprise envisage d'augmenter ses recettes commerciales, notamment celles issues des coproductions et elle bénéficie d'une baisse de la taxe du CNC à hauteur de 20 millions d'euros.
Cette diète financière ne tarira pas cependant le rythme des nouveaux projets puisque le groupe vient de lancer une nouvelle plateforme éducative, Lumni, et que le projet de plateforme SVOD Salto est maintenant en développement après avoir reçu l'accord de l'Autorité de la concurrence.
Un mot du rapprochement en cours entre France 3 et France Bleu que j'avais longuement évoqué l'année dernière. Après la phase d'expérimentation conduite à Nice et Toulouse, le déploiement de 44 matinales communes a été décidé à l'horizon 2022. Après Guéret et Lille à la rentrée dernière, c'est Quimper qui est concerné ce mois-ci puis Aix-en-Provence le mois prochain, avant Saint-Etienne et Paris en janvier 2020. Des difficultés restent à résoudre concernant au moins 16 zones d'émission. Un problème plus structurel concerne l'absence de géolocalisation sur les box qui privent les téléspectateurs d'accès aux matinales communes. Le bilan qualitatif de ces matinales est encore indécis. Les directions de France 3 et de France Bleu insistent sur le meilleur maillage et la satisfaction du public. Les syndicats considèrent que la valeur ajoutée éditoriale est très limitée et que la « qualité à l'écran » n'est pas au rendez-vous. Le succès de l'opération dépendra donc de la capacité des équipes à créer un média global de proximité à travers une offre numérique commune.
Les audiences de Radio France sont toujours excellentes et l'entreprise a réussi à rétablir l'équilibre de ses comptes en 2019, notamment grâce à la progression des recettes publicitaires. La transformation de l'entreprise a été engagée avec l'intégration des technologies numériques. La diffusion des podcasts sur tous les supports a permis de mieux faire connaître l'offre et d'augmenter l'audience en retour. Certaines antennes comme FIP ont été repositionnées. Le plan de réduction d'emplois concernera particulièrement les formations musicales. J'évoque depuis plusieurs années le problème posé par ces formations. Leur redimensionnement et leur repositionnement devraient permettre de mieux les valoriser dans des registres repensés. La baisse attendue de la ressource publique de 20 millions d'euros d'ici 2020 impose de ne pas relâcher les efforts sur la maîtrise de la masse salariale et la hausse de la productivité.
La situation d'Arte est toujours satisfaisante. L'audience, toujours en progrès, atteint maintenant 2,6 % tandis que les résultats sur Internet ne cessent d'augmenter. Le développement de l'offre multilingue permet à 70 % des Européens de regarder la chaîne culturelle dans leur propre langue. La chaîne franco-allemande devient petit à petit la chaîne européenne publique de référence. Sur le plan budgétaire, la baisse de la ressource publique de 2,2 millions d'euros sera neutralisée par la baisse de la taxe du Centre national du cinéma (CNC). Cette stabilité était essentielle au moment où les Allemands définissaient leur propre financement quadriennal d'Arte Deutschland.
La situation de France Médias Monde demeure compliquée, car le groupe est confronté à des acteurs soutenus par des États qui donnent la priorité au soft power. Le groupe s'inquiète des conséquences des économies envisagées d'ici 2022 qui pourraient contraindre le développement en Afrique, notamment sur la TNT. L'entreprise essaie de limiter au minimum ses frais de fonctionnement en renégociant ses loyers, par exemple. On mesure bien le caractère inadapté des coupes budgétaires dans un univers international fait d'hyperconcurrence géopolitique.
TV5 Monde est confronté à la même problématique. Le développement est mondial, notamment en Inde. Mais la chaîne francophone doit limiter sa distribution, par exemple au Brésil, pour économiser des frais de diffusion. Les équipements de TV5 Monde ont vieilli, ce qui occasionne de nombreux problèmes techniques. Cette situation tendue n'empêche pas TV5 Monde de se projeter dans l'avenir en préparant une plateforme gratuite dont le développement a été confié à Radio-Canada.
La baisse des moyens de l'INA servira en 2020 à préserver ceux d'Arte dans le cadre de la négociation quadriennale franco-allemande. L'institut poursuit son adaptation, ce qui passe par une réduction des effectifs et l'amélioration de son offre. Je note que l'INA est très satisfaite de faire partie de la holding et qu'elle se donne pour mission de renforcer le caractère distinctif du média public.
Le regard que je porte sur ce budget est partagé. Il tient aussi compte du projet de loi que nous allons bientôt examiner. La création d'une gouvernance commune n'est pas suffisante, mais c'est une condition nécessaire à la préservation de l'audiovisuel public à l'heure du numérique. Les principales difficultés rencontrées tiennent à l'absence de vision stratégique des tutelles, ce sera donc au président ou à la présidente de France Médias de concourir au développement de cette vision et de veiller à sa mise en oeuvre.
Dans le titre III du projet de loi que nous examinerons au printemps, un chapitre entier est prévu pour redéfinir les missions de l'audiovisuel public. Ce sera le moment de faire preuve d'imagination et d'audace pour réorienter notre service public vers des missions plus différenciées dans le paysage de plus en plus dense de l'offre privée et de viser une plus grande appropriation par nos concitoyens de leur audiovisuel public.
Je pense que des moyens nouveaux devront alors lui être accordés pour développer des projets prioritaires. C'est seulement ainsi que nous pourrons définir une ambition nouvelle.
Dans ces conditions, le présent budget apparaît comme le dernier d'un temps bientôt révolu où les entreprises de l'audiovisuel public étaient encore séparées et parfois concurrentes. Je vous propose de clore cette époque en donnant un avis favorable à l'adoption de ces crédits en acceptant, à regret, l'idée que la redéfinition des moyens n'interviendra pas avant la réforme de la CAP.
M. André Gattolin. - Je félicite le rapporteur pour son travail. Il a évoqué l'avant-projet de loi sur la communication audiovisuelle et sur la souveraineté culturelle à l'heure du numérique. Je ne me suis pas gêné pour faire remonter au Gouvernement mes remarques sur les manques. Je suis tout à fait d'accord sur la question des missions assignées aux entreprises. Que voulons-nous faire de l'audiovisuel et de l'audiovisuel public en particulier ? Tel devrait être le point de départ de la réflexion. Les articles 43 et 44 vont plus loin que l'existant, mais restent insuffisants. Certes, tout ne peut pas figurer dans la loi, mais au moins nous devons expliquer l'esprit de la réforme, dire ce que l'on veut faire par rapport aux citoyens, qui contribuent à l'audiovisuel public, ou aux téléspectateurs. Il sera donc important que nous exprimions, bien avant le débat qui aura lieu au printemps, nos attentes en ce domaine.
Il manque à l'audiovisuel public une charte sur les missions, mais aussi les valeurs de l'entreprise, comme cela existe au Royaume-Uni ou en Islande. Il importe aussi de constituer une instance de suivi et d'évaluation du cahier des charges. Le rapporteur n'a pas évoqué la question de la nomination du président. Si j'approuve le système de nomination par le conseil d'administration, avec une validation par les commissions compétentes du Parlement, je m'étonne de la survivance d'une validation par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Les parlementaires ne seront plus représentés dans les organes de direction des entreprises audiovisuelles publiques, ce qui est une bonne chose, car cela renforce notre capacité de contrôle, et je ne comprends pas que le premier organe de contrôle, le CSA, continue à avoir un pouvoir de veto sur la nomination du président. Ce n'est pas acceptable. Il en va de la séparation des pouvoirs, entre le pouvoir de nomination et de contrôle.
Je diverge aussi de l'analyse du rapporteur sur l'audiovisuel extérieur. La question des moyens est évidemment importante, mais celle de la stratégie l'est encore plus. Nous continuons à faire la radio ou la télévision de papa, avec une diffusion linéaire classique. On se bat pour obtenir des fréquences FM en Afrique ou en Asie, ce qui ne nous permet pas d'assurer l'indépendance des contenus par rapport aux États qui nous les accordent. En Afrique, l'influence de médias francophones comme Sputnik ou Chine Nouvelle est devenue dominante dans les zones francophones. Ceux qui écoutent RFI sur la bande FM ont souvent plus de 65 ans, et l'audience est très faible... Il faut donc poser la question de l'orientation stratégique des médias avant de poser la question des moyens.
J'ai aussi quelques doutes sur le développement linguistique. Il nous appartient de défendre la francophonie. Diffuser des émissions en arabe ou en anglais, c'est bien, mais était-il opportun de lancer une diffusion en espagnol si les émissions ne sont pas de qualité. Je songe aux erreurs récurrentes dans les bulletins d'informations de France 24 en français... Je préférerais que la qualité de l'antenne soit renforcée avant de lancer des diffusions dans d'autres langues.
M. David Assouline. - Je souscris à plusieurs observations du rapporteur, mais je suis surpris par son grand écart entre son analyse et sa conclusion... Ce budget traduit une baisse généralisée des crédits. Il incite un certain nombre de collègues parlementaires, qui sont plus attentifs au sort de telle ou telle chaîne et qui souhaitent en augmenter les moyens, à aller chercher des crédits ici ou là, dans une enveloppe contrainte, au risque de déshabiller Pierre pour habiller Paul...
Hier, dans l'hémicycle, nous avons eu la possibilité de maintenir la CAP à son niveau. Il s'en est fallu de peu que l'on ne réussisse. Cela s'est joué à quelques voix et je tiens à remercier le groupe centriste qui a voté mon amendement. Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas comment vous avez pu accepter cette baisse, alors que vous portez la voix de notre commission et que vous dénoncez les manipulations excessives des crédits ! On ne nous a toujours pas transmis le rapport que vous avez été l'un des premiers à demander, à travers le combat que l'on a mené ensemble, pour une réforme de la CAP. La réforme n'est pas encore annoncée que déjà l'on réduit les moyens... C'est une mauvaise méthode. Comment ferons-nous, si au cours de la discussion de la réforme l'audiovisuel public, on constate qu'il faut renforcer les moyens de tel ou tel volet ? La baisse de la redevance d'un euro, c'est 30 millions d'euros de moins chaque année pour l'audiovisuel public ! Je n'arrive pas à comprendre la position du rapporteur...
Dans le privé, il est fréquent qu'une entreprise, pourtant en bonne santé, licencie, car cela fait monter son cours de bourse. Mais je suis surpris que l'on fasse de même dans le public ! Comment justifier cette baisse d'un euro de la CAP ? Celle-ci nous prive de ressources pour soutenir Radio France ou France Médias Monde, chère à M. Karoutchi, sans ponctionner les crédits de France Télévisions. Mon amendement nous donnait des marges de manoeuvre sans être déclaré irrecevable au titre l'article 40 de la Constitution.
Je n'accepte pas le présupposé idéologique du rapporteur selon lequel les réformes ne se feront que si les opérateurs sont contraints financièrement. Radio France est un parfait contre-exemple. Elle a connu une réorganisation d'ampleur en 2015, qui a provoqué une longue grève. La société ne vit pas sur ses acquis et est en pointe dans le numérique. On ne peut pas dire que France Télévision n'a rien fait, et ne s'est pas rationalisée : plateforme éducative, plateforme commune avec le privé pour faire face aux GAFA, sans parler des deux plans de départs volontaires depuis 2012... Il faut encourager, pas obliger sans aucune vision ni même respect, par l'État, du COM ! Je partage plusieurs de vos constats, mais arrive à la conclusion inverse : on ne peut pas voter ces crédits, nous qui avons toujours dit qu'il fallait défendre la CAP, surtout depuis qu'il n'y a plus de publicité. C'est la première fois de son histoire qu'on la fait baisser.
M. Michel Laugier. - Je partage beaucoup de constats du rapport. Le budget devrait être axé sur 2020, mais nous sommes déjà dans l'après-2020, à la veille de la grande évolution que nous attendons depuis longtemps. Certains choix de l'État sont déraisonnables, et le management par le stress budgétaire n'est pas la bonne méthode, pas plus que celle qui consiste à déshabiller Jean-Pierre pour habiller André ! J'observe tout de même que le Sénat a été entendu : le texte qui nous sera présenté au printemps s'inspire du rapport Leleux-Gattolin. Je souhaite que l'audiovisuel extérieur soit mieux mis en avant, d'autant que nos voisins mettent plus de moyens que nous dans le leur. Je regrette la baisse de la CAP, malvenue alors que nous allons faire bouger les choses l'an prochain. Cette baisse est surtout symbolique, et relève d'une approche hypercomptable plus que d'une vision quelconque. De plus, la loi audiovisuelle arrive, et nous sommes en pleine réforme de la fiscalité locale. Il y a donc encore des efforts à faire - mais c'est le dernier budget de l'ancien monde... Nous verrons l'an prochain, donc !
M. Pierre Ouzoulias. - Nous partageons l'essentiel de votre rapport. Il importe de dire au personnel des sociétés de l'audiovisuel public que, dans un monde où l'esprit critique est essentiel, son travail a une valeur démocratique fondamentale. Les salariés ont fait d'énormes efforts pour que l'audiovisuel public regagne des parts de marché. C'est un bonheur de voir l'augmentation des audiences - inédite - de France Culture ou d'Arte. Notre commission doit envoyer à tous les salariés un message de gratitude : dans la lutte contre les Gafam et la désinformation, le service public apporte un plus, qui aide la démocratie. Il faut aussi reconnaître que, quand on fait mieux avec moins de postes, c'est qu'il y a un énorme gain de compétitivité. Or on place ce personnel sur une trajectoire de baisse de la dépense publique, ce qui est très démobilisateur. D'un point de vue moral, un bon travail doit être récompensé par une stabilité des crédits. J'imagine bien le désarroi des salariés, en grève. Nous ne voterons pas ces crédits.
M. Claude Malhuret. - Ce budget est une étape dans l'attente de la réforme annoncée. Il s'agit de poursuivre la transformation numérique du secteur, dans un contexte budgétaire très contraint. Nous serons attentifs à la réforme du CNC, car le secteur fait face à une forte concurrence. Le maintien des dispositifs fiscaux est une nécessité pour soutenir les entreprises de production, notamment le cinéma indépendant, et inverser la tendance à la délocalisation des tournages, vers la Belgique par exemple. Les crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » sont en baisse de 70 millions d'euros, soit 2 %. L'essentiel de l'effort demandé se concentre sur France Télévisions. Nous saluons la relative stabilité du budget consacré au financement des chaînes Arte France et TV5 Monde. Le budget de Radio France sera doté en 2020 de 600 millions d'euros. L'effort financier demandé à l'entreprise va se poursuivre jusqu'en 2022, ce qui se traduira par une diminution de sa masse salariale. La question du devenir des deux principaux orchestres de Radio France reste en suspens. Si la Cour des comptes préconise leur fusion, une redéfinition de leurs identités respectives pourrait représenter une alternative. Le répertoire de l'orchestre philharmonique pourrait être plus étendu, par exemple. Dans l'attente de la réforme prochaine, nous suivrons l'avis du rapporteur et voterons en faveur des crédits présentés par le Gouvernement.
Mme Françoise Laborde. - La première partie du rapport est politique, et en avance par rapport au texte à venir. De l'audace ? Nous aurons sûrement nombre d'idées. Encore faudra-t-il les mettre en forme. Fin d'un cycle, croisée des chemins : le budget pour 2021 sera capital. Pour 2020, le ministre nous avait dit que les crédits de l'audiovisuel extérieur resteraient stables et que, pour le reste, il faudrait faire des économies tout en conservant la qualité. Ce sera, une fois de plus, les vases communicants... La baisse d'un euro est stupide, et l'image donnée n'est pas satisfaisante. Nous ne participerons pas au vote, et nous déciderons en séance.
Mme Claudine Lepage. - L'audiovisuel extérieur est un vecteur d'influence et un outil de notre diplomatie. Il joue un rôle indispensable. Or, nous n'y consacrons pas les moyens nécessaires. Le budget de la BBC est de 436 millions d'euros, celui de la Deutsche Welle de 350 millions d'euros ; chez nous, c'est 255 millions d'euros ! Il est de bon ton de dire qu'on peut faire mieux avec toujours moins, mais il y a des limites. Oui, FMM doit réduire la voilure. Pourtant, sa notoriété a crû de 50 %. M. Gattolin a été cruel avec France 24 et RFI, mais France 24 a beaucoup progressé ces dernières années - et les erreurs mentionnées se produisent aussi ailleurs. Et RFI reste un média de référence, notamment en Afrique, malgré la concurrence russe ou chinoise. Pour les auditeurs qui ne parlent pas français, il faut les amener vers la francophonie en leur parlant dans leur langue. FMM a fait des efforts de réduction des coûts - notamment sur les loyers - et les salaires, mais a dû augmenter ses dépenses de sécurité après un piratage par des hackers russes et ukrainiens. Elle met en place des projets communs avec l'AFD, ou des projets à financements européens. Elle fait donc de gros efforts. La baisse de la CAP est aussi incompréhensible que nuisible. La présidente de FMM l'a dit : le coût de diffusion est faible, mais l'impact est fort.
Mme Dominique Vérien. - Un euro, c'est un café par an... Or l'audiovisuel public avait bien besoin de ces 30 millions d'euros. Nous craignions que la région ne prenne en main France Bleu, par volonté dogmatique ; c'est en fait une complexité technique qui est apparue à travers ces rapprochements. Or, en Bourgogne-France-Comté, France 3 région, c'est France 3 Dijon, car les distances sont trop longues pour que les déplacements en départements soient nombreux. Les matinales communes étaient une bonne idée, mais les box ne peuvent pas distinguer quel canal recevoir. Un peu de recherche et d'argent pourraient résoudre ce problème technique, qui risque sinon de faire périr les France Bleu départementales.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Bravo pour ce rapport, qui comporte des formules heureuses, comme celle de gestion par « le stress budgétaire ». C'est vrai que, depuis trois ans, on ne parle ni projet, ni mission, ni valeur, ni même sens : on ne fait que mettre sous pression permanente ces entreprises. Des gains de productivité sont certes nécessaires, pour dégager des moyens à réinjecter dans la transition numérique, afin de pouvoir faire face à la déferlante des GAFA. Mais, pour entraîner le personnel, il faut donner du sens à la réforme, en disant où l'on veut aller. Cela manque.
De plus, aucun modèle économique n'est énoncé, d'où le vague qui préside à l'évolution de la CAP : désindexation l'an dernier, baisse cette année... Et M. Darmanin a déclaré qu'il fallait la supprimer. Ce yo-yo envoie un signal très négatif, qui est contraire à nos convictions. MM. Leleux et Gattolin ont préconisé en 2015 l'élargissement de l'assiette de la CAP, voire la suppression de la publicité, et même des taxes affectées, pour clarifier le modèle de financement.
En 2019, c'est sur ma proposition que nous avons changé le nom de redevance en CAP, pour rendre évident qu'il s'agit d'une contribution à la constitution des archives de l'audiovisuel, ou à d'autres missions éducatives, ou au financement des orchestres. Ce signal positif va disparaître si l'on assimile la CAP à un impôt. Avec la réforme de la TH, à laquelle est adossée la CAP, il y a une anxiété supplémentaire. Quant à la désindexation, elle est contre-productive, quand bien même elle produit plus que l'inflation. Le niveau de la redevance reste le plus bas d'Europe, et c'était une façon indolore d'en faire remonter le niveau.
J'ai trouvé M. Gattolin bien sévère avec FMM. La francophonie peut aussi s'appuyer sur des langues transparentes car proches du français, comme en Amérique latine.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. - Ce débat rend ma tâche délicate. Je partage la majorité des observations que vous avez faites, tout comme vous avez été nombreux à reconnaître que beaucoup de constats du rapport étaient exacts. Je partage également vos craintes et vos critiques. Mais, dans le débat politique, il y a un moment où le choix n'est plus multiple : il faut savoir dire oui ou non. La conclusion que je vous ai proposée, j'y suis arrivé à regret.
Une trajectoire a été proposée depuis deux ans, et nous l'avons votée dans ses étapes. Les ressources des acteurs de l'audiovisuel public ont diminué sensiblement en 2018 et 2019. Cela ne s'est pas fait ressentir sur la CAP, mais cela a servi de variable d'ajustement pour diminuer les moyens publics de France Télévisions et Radio France. Nous poursuivons sur cette trajectoire, mais nous sommes à l'os, et la contrainte exercée sur l'audiovisuel public pour l'obliger à faire ses réformes structurelles passe par une limitation temporaire. On peut regretter cette stratégie, mais force est de constater que, dans les collectivités publiques, c'est sous la contrainte qu'on arrive à se réformer. Il n'est pas illégitime de dire que l'audiovisuel public peut contribuer à l'effort de réduction des dépenses publiques, d'autant que ses ressources ont augmenté largement plus que l'inflation, et que les excédents ont été davantage affectés à nourrir la structure qu'à développer de nouveaux projets. Les ambitions de renouvellement des missions de l'audiovisuel public sont apparues récemment, depuis que la contrainte s'exerce, ce qui a ouvert une période de transformation. Je ne préconise d'ailleurs d'augmentation des moyens en 2021 et 2022 que sous réserve que le surplus soit affecté non pas aux structures, mais à des choix stratégiques. La réforme de la CAP que nous proposions pourrait à la fois augmenter le montant de la ressource et diminuer le tarif de la CAP. Nous pourrons alors affecter cette masse à la stratégie et aux missions, et non pas au gonflement des structures.
Bref, il faut savoir dire oui ou non.
M. David Assouline. - De Gaulle avait dit non !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. - Vu la situation financière actuelle, nous ne pouvons pas refuser une baisse de la CAP, d'autant que la trajectoire était connue par les opérateurs, et qu'ils s'y sont déjà adaptés. Si nous avions ajouté hier les 25 millions d'euros liés à la diminution, nous aurions pu faire bien des choses : des choix stratégiques, justement ! Vous avez évoqué la future loi. Nous n'y sommes pas encore, mais je regrette qu'aucun modèle économique n'y soit associé, alors qu'il s'agit d'une réforme qui se veut révolutionnaire. L'État va ajouter 20 millions d'euros en 2020 sur le chantier de Radio France.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Dans la mesure où la question du modèle économique n'est pas abordée dans l'avant-projet de loi, je propose que nous nous emparions du sujet, par exemple en organisant des tables rondes.
Nous sommes arrivés au terme de l'examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et nous devons maintenant voter. Je vous rappelle que nos trois rapporteurs, à savoir Françoise Laborde et Michel Laugier - qui nous ont présenté leurs rapports sur les industries culturelles et la presse il y a quinze jours - et Jean-Pierre Leleux nous proposent tous les trois de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
M. David Assouline. - Sur quoi vote-t-on : les crédits de la mission ou les avis de nos rapporteurs? Il faudrait, à l'avenir, que nous soyons mieux informés sur la nature de nos votes.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis. - Chaque année nous avons le même débat, car les avis peuvent diverger en fonction des rapporteurs.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vais mettre aux voix l'avis à donner sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » dans son ensemble.
M. Michel Laugier. - Le groupe UC sera favorable à l'adoption des crédits de la mission, mais s'abstiendra sur l'audiovisuel.
Mme Françoise Laborde. - Le groupe RDSE ne prendra pas part au vote aujourd'hui, car se prononcer sur les avis revient à se prononcer sur les crédits.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
La réunion est close à 10 h 25.
Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Sport, Jeunesse et vie associative » - Crédits « Sport » et « Jeunesse et vie associative » - Examen du rapport pour avis
La réunion est ouverte à 10 h 25.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous en venons à l'examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », présenté successivement par nos collègues rapporteurs pour avis Jean-Jacques Lozach et Jacques-Bernard Magner.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis. - Le ministère des sports poursuivra en 2020 sa mue entamée en 2017 dans un contexte marqué par la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
L'année dernière, avec le PLF 2019, c'est l'intégration du CNDS dans la nouvelle Agence nationale du sport (ANS) qui a été engagée. Je rappelle que ce changement majeur a été décidé sans débat préalable au Parlement mais à l'issue d'une simple concertation associant l'État, le mouvement sportif, les collectivités territoriales et le monde économique.
Ce « contournement » initial du Parlement n'a pas été sans conséquences puisque les statuts de l'ANS - approuvés par un arrêté ministériel du 20 avril 2019 - ont immédiatement fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État de la part de l'Association professionnelle de l'inspection générale de la jeunesse et des sports (APIGJS) et du Syndicat national des inspecteurs généraux de la jeunesse et des sports (SNIGJS). Il a fallu que le Gouvernement intègre in extremis dans le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 déposé en juin dernier au Sénat une disposition de sécurisation juridique de l'Agence nationale du sport pour éviter tout risque de remise en cause. L'examen de ce texte a également été l'occasion pour le Sénat de préciser la gouvernance territoriale de l'ANS, ce qui était indispensable.
À l'issue de ces évolutions fondamentales, le budget du ministère des sports se compose donc de deux programmes. Le programme 219 « Sport » destiné à financer les actions du ministère et la part étatique du financement de l'Agence nationale du sport et le programme 350 consacré aux infrastructures des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
La hausse apparente du programme « sport » (+ 115 M€ si l'on s'en tient aux crédits votés par le Parlement pour 2019) n'est liée qu'au transfert de 120 M€ permettant de financer les rémunérations et cotisations sociales des CTS (ils étaient préalablement budgétés au programme 124).
Le programme 219 se voit doté - à périmètre constant - d'un montant identique de crédits à celui de l'année dernière, soit 312 M€ en crédits de paiement. Le programme connaît cependant une mesure de périmètre avec l'intégration des dépenses de personnel des conseillers techniques sportifs (CTS) pour un montant de 120,8 M€ ce qui porte les crédits du programme 219 à périmètre courant à 434,7 M€ en crédits de paiement.
Permettez-moi de m'arrêter un instant sur cette mesure car cette évolution constitue, en réalité, un préalable au transfert des CTS en dehors du ministère. On peut remarquer que d'une part, le Gouvernement a confié une mission à des tiers de confiance chargés de définir des scenarii d'évolution pour l'avenir des CTS mais que, d'autre part, sans attendre le résultat de cette mission, il se met en situation de mener à son terme le transfert de ce corps de fonctionnaires.
La rencontre organisée au Sénat le mois dernier avec les tiers de confiance, Yann Cucherat et Alain Resplandy-Bernard, a confirmé notre sentiment concernant l'insuffisance de la fonction RH au sein du corps des CTS et une formation continue lacunaire.
Parmi les pistes envisagées, entre le statu quo dont le Gouvernement ne veut pas et l'extinction du corps qui a suscité la crise que l'on sait, une voie médiane pourrait consister à « resserrer » le corps des CTS autour des DTN et des entraîneurs nationaux et à le doter d'une véritable fonction RH. Cette piste pourrait se révéler intéressante, notamment si une articulation intelligente était trouvée avec l'ANS, mais elle demeure une hypothèse lointaine compte tenu des obstacles à lever pour clarifier le projet. Était-il bien nécessaire dans ces conditions de prévoir dès maintenant d'intégrer les crédits propres aux CTS dans le programme 219 ?
En déstabilisant le corps des CTS à quelques mois des jeux de Tokyo, le Gouvernement a pris un risque considérable qui pourrait avoir des conséquences jusqu'en 2024. Aujourd'hui, de nombreux entraîneurs sont sollicités par des pays étrangers et nos équipes olympiques apparaissent très fragilisées alors que se profile une échéance majeure. On ne peut réformer en faisant l'économie d'un débat approfondi. Je souhaite que le travail des tiers de confiance soit l'occasion d'un changement de méthode.
L'année dernière j'attirais votre attention sur la nécessité d'actualiser, de moderniser le modèle sportif français, en intégrant le phénomène de mondialisation, l'hyper-médiatisation, la diplomatie sportive. J'insistais également sur la nécessité pour les services du ministère de recentrer leur action sur les missions de stratégie, de régulation, de réglementation et de contrôle, notamment éthique. Ce travail de refondation n'est pas achevé aujourd'hui - c'est une litote - et on ne peut que s'en inquiéter pour l'avenir du sport français.
Le ministère des sports a perdu ses compétences en matière de sport pour tous et de haute performance au profit de l'ANS, il a été largement dessaisi de l'organisation des jeux Olympiques au profit de la DIJOP. Son administration déconcentrée est appelée à rejoindre le giron des rectorats. Son inspection générale a fusionné avec celle de l'éducation nationale et de la recherche. Dans ces conditions, que va-t-il rester du ministère ?
On peut dès à présent s'interroger sur le poids réel du ministère dans la conduite de la politique sportive. On nous annonce depuis des mois le dépôt imminent d'un grand projet de loi « sport & société », or le calendrier de l'année 2020 semble déjà très chargé, en particulier au premier semestre.
Sans attendre ce « grand texte », le Premier ministre a réuni un comité interministériel le 4 novembre dernier qui a annoncé 170 mesures sportives dans le cadre des JO qui touchent à tous les aspects de la vie sociale, je vous en cite quelques-unes : favoriser l'exercice physique chez les séniors, développer le sport au sein des entreprises, augmenter la pratique sportive des personnes en situation de handicap, renforcer l'offre de formation aux métiers du sport... On peut soutenir l'ensemble de ces mesures tout en s'interrogeant sur la pertinence de les promouvoir au titre du plan Héritage Paris 2024. Je regrette que s'installe une forme de confusion entre ce qui relève de la politique du sport, y compris au niveau interministériel, et la préparation d'un grand événement sportif international qui n'a que peu à voir avec la « valorisation de la filière bois » (proposition 103) et la « valorisation du patrimoine gastronomique français » (proposition 120).
« Qui trop embrasse mal étreint » dit le dicton. À certains égards, le Gouvernement donne le sentiment d'organiser en 2024 davantage une exposition universelle que des jeux Olympiques ; le rang de la France aux championnats du monde d'athlétisme de Doha en septembre dernier (24ème derrière des pays comme la Norvège ou l'Estonie...) devrait pourtant nous inquiéter. Il est sans doute déjà trop tard pour redresser la barre pour les jeux de Tokyo, mais des inflexions sont encore possibles et souhaitables pour 2024 ; j'y reviendrai en évoquant l'Insep.
Pour en rester aux jeux Olympiques et Paralympiques, si nos athlètes connaissent une préparation contrariée, ce n'est pas le cas des infrastructures nécessaires pour organiser l'événement. Le Premier ministre a posé au début du mois la première pierre du Village olympique et le comité interministériel que j'évoquais à l'instant a également prévu des mesures pertinentes à l'image du programme prioritaire de recherche pour la haute performance sportive doté de 20 M€ (proposition 51) et le « renforcement de la dimension éthique de l'organisation des GESI » (proposition 156).
Concernant les équipements olympiques, le directeur général de la Solideo, Nicolas Ferrand, estime que : « les besoins exprimés ont été pris en compte ». L'année 2019 a été consacrée à la sécurisation des emprises foncières nécessaires (village olympique, village des médias, centre aquatique olympique, Aréna II...) et au phasage des travaux. Le patron de la Solideo considère ainsi que, même en tenant compte des aléas imprévisibles, l'échéance de 2024 sera tenue. Le système est déjà sous tension avec 29 maîtres d'ouvrage et 40 « objets » à livrer. Nicolas Ferrand nous a indiqué que près de 82 % de l'enveloppe de 1,676 milliard d'euros (valeur 2016) avait fait l'objet d'une contractualisation avec les maître d'ouvrages, ce qui a permis de déterminer les calendriers des chantiers. Certains choix restent néanmoins à faire concernant les entreprises qui auront la charge de construire le Centre aquatique olympique (CAO), l'Aréna II, les équipements nécessaires pour accueillir la voile à Marseille...
Le Gouvernement a souhaité que les villages des athlètes et des médias servent de démonstrateurs de l'excellence sociale et environnementale française pour préparer la ville de 2040/2050. Il considère que c'est important pour démontrer l'utilité de ces investissements aux yeux des Français. Ces chantiers mobilisent déjà 187,6 M€ (dont 58,3 M€ apportés par les collectivités territoriales) sur un coût total prévu de 932,8 M€.
Un mot sur le Centre aquatique olympique qui comprendra des équipements modulables. Compte tenu des bassins d'entraînement, ce ne sont pas moins de 8 piscines qui constitueront l'héritage aquatique pour le département de la Seine-Saint-Denis. Le plan de financement s'établit à 90 M€.
Permettez-moi de m'arrêter un instant sur le Stade de France. C'est probablement la principale déception concernant les équipements. Les deux concessionnaires avaient proposé d'anticiper la fin de la concession prévue en 2025 et ils étaient prêts à engager une rénovation totale de plusieurs centaines de millions d'euros dans le cadre d'un nouveau tour de table. Plusieurs arguments pouvaient plaider en faveur de ce choix dès aujourd'hui. L'État souhaite se désengager et seules les fédérations de football et de rugby ont intérêt à devenir propriétaires de l'enceinte avec le soutien d'un troisième partenaire technique chargé de la gestion et de la maintenance. Il n'existe pas de véritable alternative, contrairement à ce que laisse entendre un rapport commandé au cabinet Roland Berger. Dans ces conditions, il aurait fait sens d'anticiper la fin de la concession pour profiter de l'effet « JO » afin de doter la France d'une enceinte aux standards internationaux d'aujourd'hui en termes de couverture de toit, de connexion aux médias numériques et d'hospitalités. Au lieu de cela, non seulement le projet de rénovation intégrale a été abandonné, mais même l'enveloppe de 70 M€ prévue dans le dossier de candidature pour opérer un « lifting » du stade a été divisée par deux. Il y a tout lieu de penser que le stade olympique sera le parent pauvre de ces jeux, ce qui serait inédit.
Pour en terminer avec les investissements dans les infrastructures, on peut observer que les crédits du programme 350 doublent d'une année sur l'autre pour atteindre 129,3 millions d'euros en 2020.
J'en viens maintenant au financement de l'Agence nationale du sport. Lors de sa constitution, le mouvement sportif estimait les moyens de l'État nécessaires à son fonctionnement entre 350 et 400 millions d'euros. L'enveloppe qui lui sera allouée atteindra péniblement les 284 millions d'euros sachant qu'elle devra, en outre, financer ses charges de fonctionnement sur son fonds de roulement (7 M€). Cette somme de 284 millions d'euros correspond d'une part à une subvention de 137,6 millions d'euros en provenance du programme 219 et d'autre part à 146,4 millions d'euros issus du produit des taxes précédemment affectées au CNDS.
Concernant l'utilisation des moyens, l'ANS devrait consacrer 90 M€ à la haute performance et au haut niveau et 194 M€ au développement des pratiques sportives pour tous.
L'Agence est encore dans une phase de montée en puissance. Elle bénéficie pour 2020 d'un plafond d'emplois de 42 ETP et s'est mise en quête de nouveaux locaux. Elle vient de récupérer l'attribution des aides personnalisées aux athlètes et elle s'acquitte des engagements du CNDS dont certains devraient durer encore une dizaine d'années.
Le principal chantier de l'Agence concerne aujourd'hui les projets sportifs fédéraux (PSF) qui visent à déléguer aux fédérations le soin de distribuer les subventions aux clubs. À titre d'expérimentation, 28 fédérations et le CNOSF ont inauguré cette nouvelle organisation en 2019. Le bilan de ces PSF est positif, les fédérations estimant qu'elles ont ainsi pu resserrer leurs liens avec les clubs. Le CNOSF estime que l'effet de levier est important puisqu'aux 50 M€ mobilisés par l'Agence, s'ajoutent 200 M€ accordés par les collectivités territoriales, les fédérations pouvant également abonder les crédits de l'Agence. Les PSF seront généralisés en 2020, ce qui nécessite un effort de formation des fédérations qui trouvent encore la démarche complexe.
Concernant le financement des équipements sportifs, l'ANS a reçu près de 600 dossiers dont 250 ont été retenus à l'issue d'une procédure privilégiant la recherche du consensus autour de deux critères, la plus-value sportive et la solidité financière.
L'ANS prévoit de déployer en 2020 son action territoriale. Le premier semestre permettra d'élaborer des diagnostics par territoires et par régions. Ces diagnostics devront permettre aux conférences régionales du sport d'élaborer leur projet sportif territorial (PST). Les conférences des financeurs du sport pourront ensuite être installées. Si la question du périmètre de ces conférences est encore en débat, les dirigeants de l'ANS reconnaissent la pertinence d'établir des périmètres de référence au niveau départemental et métropolitain, comme le proposent nos collègues Claude Kern et Christian Manable.
J'en viens maintenant au sport de haut niveau et à la lutte contre le dopage.
Le budget de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) porté par le programme 219 baisse de - 2,1 % en 2020 à 22,9 M€. Cette baisse trouve son origine dans le transfert de la mission d'optimisation de la performance de l'Insep vers l'ANS qui a concerné 8 ETP.
La direction générale de l'Insep a pu mener cette année son projet de remise à plat de la restauration afin de l'adapter aux besoins des sportifs. Cette évolution a nécessité une modification du contrat de PPP, le surcoût de 1,6 M€ ayant été financé sur la trésorerie de l'Insep.
Le développement du réseau « Grand Insep » se poursuit avec 23 établissements labellisés. Le réseau vise à apporter une plus-value à travers l'expertise et la transversalité pour mieux accompagner les athlètes.
L'Insep souhaite également développer le mécénat afin de compléter ses équipements. Les besoins financiers sont estimés entre 8 et 10 M€ pour construire notamment un terrain multisports et une salle dotée de capteurs.
Au-delà de la question des moyens, permettez-moi de m'interroger sur la place de l'Insep dans le réseau de la haute performance sportive. La création de l'Agence nationale du sport change radicalement la donne et l'Insep est devenu un simple opérateur. Comment, dès lors, articuler la stratégie qui relève du manager de la haute performance avec sa mise en oeuvre par la direction de l'Insep ? Une réflexion sur cette gouvernance semble s'imposer afin d'établir une réelle cohérence dans le fonctionnement du réseau de la haute performance.
Cette question de la cohérence concerne également les Creps. Leurs moyens s'établiront en hausse à 56,6 M€ pour permettre une revalorisation de la subvention destinée aux personnels et l'accueil de 500 bacheliers dans des formations d'éducateurs sportifs.
Concernant la lutte contre le dopage, la situation de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) demeure complexe. Sur le plan budgétaire, l'agence devrait connaître un léger mieux avec des moyens en hausse de + 7,5 %. Par ailleurs 1,7 M€ est inscrit sur le programme 350 pour financer le déménagement, mais curieusement aucun crédit de paiement n'est prévu en vis-à-vis de ces autorisations d'engagement. Un débat existe entre l'agence et le ministère sur une enveloppe de 0,7 M€ et c'est un enjeu du débat au Sénat de préciser les modalités d'attribution de ces moyens.
Le choix de Saclay pour accueillir le nouveau laboratoire s'est enfin imposé, mais le déménagement sur le nouveau site prendra du temps ; or, le conseil régional d'Île-de-France souhaite récupérer rapidement le site du laboratoire actuel à Chatenay-Malabry pour le rénover, ce qui pourrait obliger l'AFLD à trouver un site provisoire pour accueillir son laboratoire. Une telle issue constituerait une perte d'énergie considérable pour l'agence à un moment où celle-ci doit précisément revoir le modèle économique du laboratoire pour lui permettre de dégager des ressources. On ne peut que souhaiter qu'un compromis soit trouvé avec le conseil régional.
Que doit-on penser au final de ce projet de budget concernant les crédits du sport ? Plusieurs interprétations sont possibles. Le Gouvernement insiste sur une évolution globalement positive marquée par un surcroît de crédits de 65 M€ en 2020. Il met également en avant des avancées comme la hausse des primes de 10 % pour les médaillés olympiques (en contrepartie de leur fiscalisation) et l'augmentation des crédits dédiés à l'accueil des grands événements sportifs à hauteur de 6 M€ en crédits de paiement. Le Gouvernement insiste également sur la hausse des crédits de l'AFLD, ainsi que sur celle des crédits des 3 grandes écoles nationales.
À côté de cette vision optimiste, il y a cependant une vision plus réaliste qui observe que les crédits du sport auront baissé de 11 % entre 2017 et 2020 à périmètre constant, c'est-à-dire sans tenir compte du programme 350 dédié aux JO. Selon notre commission des finances, cette baisse devrait même se poursuivre en 2021 à hauteur de - 3 % et en 2022 à hauteur de - 4 %. Ces baisses de crédits devraient concerner principalement le mouvement sportif et donc les subventions attribuées aux fédérations et aux clubs. Cette évolution, si elle devait se confirmer, constituerait davantage qu'un ajustement puisque cela reviendrait à une baisse de près de 20 % des crédits dédiés au sport au cours du quinquennat. Le risque de désengagement de l'État est bien réel. Le « pacte de stabilité » évoqué par le ministère des sports serait pour le moins remis en cause. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les financements privés envisagés pour abonder les actions de l'Agence nationale du sport restent pour le moment assez théoriques. Au final, les optimistes considéreront que la plus grande sélection des projets aidés par l'ANS devrait permettre un effet de levier renforcé, une plus grande efficacité de l'action publique et donc moins de pertes en ligne à travers le saupoudrage. Les pessimistes quant à eux ne pourront ignorer que derrière les arguments de rationalité financière, se dessinent un retrait croissant de l'État et de nouvelles sollicitations à destination des collectivités territoriales.
Je ne peux que me joindre, dans ces conditions, aux demandes du mouvement sportif qu'une part plus significative de la taxe sur les droits de diffusion des événements sportifs et du prélèvement sur les paris sportifs permette de financer le sport. Compte tenu de la hausse de ces droits audiovisuels et du montant de ces paris, il faut rappeler que le plafonnement du reversement au monde du sport a pour effet de réduire la part relative du produit de ces prélèvements qui permet de financer le sport, ce qui est difficilement justifiable.
Ce budget 2020 ne fait progresser ni le sport-santé ni le sport-entreprise, ni le lien très perfectible entre sport scolaire et sport fédéral.
Je rappelle que l'étude de l'OMS sur l'activité physique des adolescents, rendue publique le 22 novembre dernier, conclut que 85 % des adolescents français ne bougent pas assez (ils ne font pas une heure d'activité physique par jour). Sur les 146 pays étudiés, la France est mal classée. D'où la demande que j'ai exprimée de créer, à titre expérimental, un Pass Sport.
En conclusion, madame la présidente, je porterai un regard plus nuancé sur ce projet de budget que l'année dernière lorsque les interrogations sur l'avenir de la Solideo et de l'ANS m'avaient conduit à recommander un avis défavorable à l'adoption des crédits.
Tout d'abord les moyens nécessaires au financement des infrastructures olympiques ont effectivement été dégagés et les délais devraient être respectés. Ensuite, grâce au Sénat, la mise en place de l'ANS va se poursuivre en 2020, en particulier au niveau territorial. La transition avec le CNDS devrait être satisfaisante et la nouvelle gouvernance territoriale du sport, du fait de son caractère « partenarial », devrait répondre aux attentes des collectivités territoriales et du mouvement sportif.
Ce qui pose problème n'est donc pas tant ce que comprend ce projet de budget que ce qu'il ne prévoit pas comme un effort d'investissement pour renouveler nos équipements sportifs que j'appelais de mes voeux l'année dernière. Le mouvement sportif ainsi que de nombreux députés ont demandé à l'Assemblée nationale qu'une part plus importante des prélèvements sur les droits audiovisuels et les paris sportifs soit attribuée au financement du sport. Nous aurons à notre tour ce débat en séance publique. Dans cette attente, je vous propose de donner un avis de sagesse à l'adoption des crédits du sport dans cette mission.
M. Claude Kern. - Certes, on constate une nette hausse des crédits en 2020 à périmètre courant mais il y a un déséquilibre dans la répartition. Les crédits de l'ANS restent stables alors que ceux de la Solideo s'envolent. Le budget n'évolue guère à périmètre constant. Il baisse de 11 % depuis 2017, alors que le rendement des trois taxes affectées connaît une dynamique exceptionnelle. Il faut déplafonner ces taxes. Un amendement avait été adopté à l'Assemblée nationale dans ce sens. Mais il a été remis en cause par un deuxième vote, ce qui constitue une grave atteinte au débat parlementaire. Sans moyens supplémentaires, l'ANS est privée de tout levier pour exister. Le groupe Union centriste s'abstiendra sur ce budget.
Mme Céline Brulin. - Nous partageons les constats du rapporteur pour avis mais nous ne voterons pas ces crédits. Le budget ne répond pas à l'enjeu du vieillissement de nos équipements sportifs dans nos territoires. Nous déplorons l'impossibilité de proposer des amendements concernant la répartition du produit de la taxe sur les paris sportifs compte tenu d'un problème d'interprétation de la Constitution. Cela réduit notre crédibilité.
M. Michel Savin. - Nous partageons les craintes du rapporteur sur l'évolution défavorable de la pratique sportive des jeunes. Ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux et des attentes. Les crédits baissent de 11 % sur la période 2017-2020, à périmètre constant. Seul le budget des jeux Olympiques est en hausse pour permettre à la France de respecter ses engagements. Il est nécessaire d'investir massivement, notamment dans le sport-santé, le sport à l'école. Nous avons des inquiétudes concernant les moyens de l'ANS et nous regrettons une ambiguïté sur les chiffres concernant les moyens consacrés au financement des équipements sportifs. Notre groupe proposera un amendement sur le mécénat. Dans l'attente de réponse, nous nous abstiendrons.
Mme Mireille Jouve. - Nous avons de nombreuses inquiétudes sur l'ANS, le financement des équipements dans les territoires et la réalisation de l'objectif de 3 millions de pratiquants. Nous approuvons l'avis de sagesse proposé par le rapporteur pour avis.
M. Claude Malhuret. - Les crédits de la mission sont en hausse en 2020 mais seulement pour financer les jeux Olympiques et Paralympiques et des équipements concentrés sur Paris au détriment des territoires. Nous nous abstiendrons sur le vote de ces crédits.
M. Antoine Karam. - Depuis 40 ans, je constate que les élus ne sont jamais satisfaits. On peut organiser de grands événements sportifs, mais cela pose la question des retombées pour les jeunes sur les territoires concernés. Il y a de nombreuses communes en outre-mer qui ne possèdent même pas un terrain de basket. Or, on défend le sport pour lutter contre les fléaux sociaux.
Mme Annick Billon. - Je regrette que les crédits baissent et qu'il n'y ait aucun moyen pour le sport-santé.
M. Jacques Grosperrin. - C'est un budget en trompe-l'oeil si l'on exclut l'enveloppe consacrée à la Solideo. Il y a de grandes inquiétudes sur l'avenir des fédérations. La fusion des inspections du ministère des sports et de l'éducation nationale et de la recherche crée aussi une inquiétude sur l'évolution du ministère.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis. - Je constate une quasi-unanimité pour l'abstention à l'exception de l'opposition des collègues communistes. Le sport reste le parent pauvre et les maisons sport santé constituent un projet fumeux. Sur les performances, on pourrait faire mieux. Il y a des tensions et l'Insep est en recherche d'un nouveau positionnement. Les relations de l'AFLD sont mauvaises avec le ministère et le nombre de contrôle baisse. La nouvelle gouvernance apparaît déstabilisante. Le pari consistant à mobiliser des crédits des collectivités territoriales et des entreprises pour financer les projets de l'ANS reste à confirmer. La polémique sur l'implication de certaines entreprises comme Total et Airbnb illustre la difficulté de les associer au projet Olympique. Concernant les inspections, la vingtaine d'inspecteurs de la jeunesse et des sports risque d'être noyée au sein des 290 inspecteurs généraux de l'éducation et de la recherche.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je donne maintenant la parole à notre collègue Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis du programme 163 « jeunesse et vie associative ».
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis. - Madame la présidente, mes chers collègues, permettez-moi une première remarque sur ce programme 163 « jeunesse et vie associative » : la maquette du programme a évolué. Elle comprend une action supplémentaire pour le Service national universel (SNU). Le secrétaire d'État, M. Gabriel Attal, nous a expliqué que cette création répond à sa promesse d'avoir une ligne budgétaire dédiée au SNU. Si je note avec intérêt cette démarche, qui est censée nous permettre un suivi plus facile de l'exécution des crédits alloués au SNU, je souhaite exprimer deux points de vigilance.
Tout d'abord, les documents budgétaires indiquent que « des crédits supplémentaires, issus d'autres ministères parties prenantes au SNU, pourront venir compléter cette dotation », mais sans donner plus de précisions. Quels ministères seraient concernés ? Pour quels montants ? Le secrétaire d'État n'a pas répondu à ma question sur les autres sources de financement possibles.
Dans l'exécution budgétaire, un gestionnaire de programme peut facilement transférer des sommes d'une action à l'autre de son programme, sans avoir à se justifier en cours d'année. Les sommes dédiées au SNU sont certes identifiées, mais n'empêchent pas pour autant un siphonnage d'autres actions du programme. Nous devrons donc être particulièrement attentifs à l'exécution de cette action.
Hors SNU pour lequel 30 millions d'euros sont budgétés, le budget du programme 163 est en augmentation de plus de 3 %, soit un peu plus de 19 millions d'euros. Cette augmentation s'explique, d'une part, par une hausse de plus de 8,5 millions d'euros des crédits pour la montée en puissance du compte d'engagement citoyen - une mesure déjà ancienne -, et d'autre part, par une augmentation de 11,5 millions d'euros pour le service civique.
Malgré ces augmentations, il me semble nécessaire d'attirer votre attention sur un point. Les crédits pour le service civique, en hausse constante depuis de nombreuses années en raison de l'augmentation du nombre de jeunes en mission, marquent nettement le pas cette année. Alors que ces cinq dernières années, le taux de progression de cette action était à deux chiffres, elle est de 2,24 % pour l'année prochaine. Ma crainte que j'avais déjà exprimée l'année dernière, est que le service civique pâtisse de la mise en place du SNU. J'y reviendrai un peu plus tard dans cette présentation.
Dernier point de présentation générale : je souhaite vous indiquer que l'Assemblée nationale a adopté un article 78 univicies permettant l'affectation des comptes inactifs des associations au fonds de développement de la vie associative (FDVA). Je salue cette mesure, que nous appelions de nos voeux depuis plusieurs années. En effet, les 25 millions d'euros consacrés au FDVA ne compensent pas la fin des 50 millions d'euros de la réserve parlementaire versés aux associations. Toutefois, le dispositif voté par nos collègues députés pose problème. La commission des finances a proposé une modification. Mais, des négociations sont en cours entre la Caisse des dépôts et consignations - qui détient physiquement ces sommes -, le ministère de l'éducation et de la jeunesse - qui serait l'un des bénéficiaires de cette mesure -, ..... et Bercy, qui suit ce dossier de près, car il voit cette affectation au FDVA comme autant d'argent en moins au budget général de l'État.... Nous devrons veiller lors de l'examen de cette disposition demain matin en séance à empêcher toute marche arrière de la part du Gouvernement.
J'en viens maintenant à la partie thématique de cet avis budgétaire. Il me paraissait intéressant de dresser un bilan de la préfiguration du SNU, des questions que soulève ce dispositif et de son articulation avec le service civique.
En juin, s'est déroulée la première phase du SNU, pour 1 978 jeunes volontaires dans quatorze centres implantés dans treize départements. L'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) a procédé à une évaluation de cette première expérimentation. Celle-ci est positive : 94 % des jeunes sont satisfaits ou très satisfaits. 84 % estiment que la généralisation du SNU serait utile à la société.
Ce premier retour est très intéressant, mais j'estime qu'il est nécessaire de prendre ces résultats avec un certain recul. Il s'agissait uniquement de volontaires. Tous ces jeunes étaient désireux de faire cette expérience et ont donc abordé celle-ci de manière positive. La donne risque d'être différente dans le cas d'un service obligatoire. En outre, près d'un tiers des volontaires (31 %) déclare que l'un de ses parents travaille ou a travaillé dans l'armée, alors que les personnes travaillant pour l'armée représentent 1,3 % de la population active. Or, parmi les motivations ayant poussé certains jeunes à participer au SNU, se trouve la volonté de bénéficier d'un environnement militaire. D'ailleurs 63 % de ces jeunes souhaitent faire leur mission d'intérêt général de quinze jours - la phase 2 du SNU - dans le domaine de la sécurité et de la défense.
Pour moi, de nombreuses questions restent en suspens dès 2020 avec une extension du dispositif de treize à l'ensemble des départements concernés, et plus encore lorsque le SNU concernera toute une classe d'âge. La première d'entre elles porte sur le coût de ce dispositif. 30 millions d'euros ont été budgétés en 2020, calculés sur une estimation de 20 000 participants. Or, le secrétaire d'État évoque 30 000 jeunes. À 1 500 euros le coût par jeune, le budget bondit de 30 millions d'euros à 45 millions d'euros soit une augmentation de 50 %, sans précision toutefois sur l'origine de ces 15 millions d'euros supplémentaires. Se pose également la question de la capacité d'accueil de ces jeunes. Le secrétaire d'État l'a indiqué : il a demandé à chaque préfet de répertorier les places disponibles en juin. D'ailleurs, c'est en fonction du nombre de places d'accueil disponibles, que sera fixé le nombre de jeunes accueillis l'année prochaine. Le Gouvernement semble déjà avoir des difficultés pour loger 20 000 à 30 000 jeunes. Or, une classe d'âge représente 750 000 à 800 000 jeunes. Faudra-t-il construire des infrastructures dédiées ? Comment les financer ? Une autre question relative à l'organisation pratique doit être évoquée : ce stage de cohésion a eu lieu en juin. Le ministère de l'éducation nationale nous parle régulièrement de sa volonté de « reconquérir le mois de juin » comme mois scolaire. Quant à l'organisation du stage de cohésion de quinze jours pendant les petites vacances scolaires, cela pose d'autres problèmes potentiels.
Autre interrogation : l'encadrement de ces jeunes. Le ministre nous a indiqué que ce taux était très élevé : un adulte pour cinq jeunes. Actuellement, un tiers des encadrants sont d'anciens militaires, un tiers des membres de l'éducation nationale et un tiers des membres de l'éducation populaire. Tous les intervenants ont bénéficié d'une formation. Ils étaient 450 encadrants en 2019, pour quatorze centres. Il en faudrait 4 500 pour 2020 pour 20 000 jeunes. Le défi pour le ministère est de réussir à fidéliser un vivier d'encadrement, mobilisable toute l'année. De l'aveu même du Secrétaire d'État, « le vrai enjeu est moins l'hébergement que celui de l'encadrement. Il est nécessaire de prendre de l'avance pour recruter et former en nombre suffisant les encadrants pour maintenir le haut niveau d'exigence en matière de sécurité que nous avons fixé ». Enfin, je m'interroge sur la phase 3 du SNU - la phase d'engagement volontaire - qui peut notamment se faire en service civique.
Le service civique est aujourd'hui une réussite. En 2019, un peu plus de 143 000 jeunes étaient en service civique à un moment de l'année - en stock pour reprendre la terminologie officielle -, et un peu plus de 84 000 conventions de service civique ont été signées dans l'année.
Je suis également convaincu de l'utilité de cet outil pour aller chercher les jeunes, notamment ceux en décrochage scolaire et connaissant des problèmes d'insertion. Je souhaite à cet égard saluer le rôle de toutes les associations qui agissent au quotidien, pour aller chercher ces jeunes. Les chiffres sont là : 13 % des volontaires sont issus des quartiers prioritaires de la ville, 17 % des volontaires sont sortis du système scolaire sans diplôme, les deux tiers étaient inactifs ou demandeurs d'emplois à l'entrée en service civique. Selon une étude réalisée à la demande d'Unis-Cité, le retour sur investissement social global du service civique représente près de deux fois l'investissement initial de l'État. À Unis-Cité, 38 % des jeunes recrutés n'ont pas le bac. 82 % à la sortie du service civique ont soit trouvé un emploi, soit une formation professionnelle.
Or, je déplore la nette inflexion du budget consacré au service civique. Le nombre de jeunes accueillis stagne. De plus, la tentation est grande, pour l'agence du service civique, d'inciter les organismes d'accueil à raccourcir la durée des missions proposées de neuf mois à huit voire sept mois - pour pouvoir accueillir à coût constant plus de jeunes. Mais cette gestion comptable méconnait les besoins des organismes d'accueil et des jeunes. Former un jeune nécessite un certain temps. Il faut permettre aux organismes d'accueil d'avoir, si vous me permettez cette expression, un certain retour sur investissement et pouvoir disposer d'un jeune opérationnel pendant un certain temps. Lors de son audition, la présidente d'Unis-cités m'a indiqué qu'un certain nombre d'organismes d'accueil refusait de répondre favorablement à cette recommandation de l'agence du service civique de missions d'une durée inférieure à huit mois.
Cette politique comptable risque ainsi de faire diminuer le nombre de missions disponibles, alors même qu'actuellement il n'y a pas assez de places pour toutes les demandes : une mission pour trois à quatre demandes. Ces difficultés existent avant même l'arrivée potentiellement massive de jeunes en phase 3 du SNU. Je réaffirme ma position à ce sujet : un principe de parité entre les sommes allouées au service civique et au SNU doit être mis en place. Et, si le SNU doit coûter à terme 1,5 milliard d'euros, la même somme devra alors être consacrée au service civique.
Enfin, je m'interroge sur le type de missions qui pourrait être proposé en phase 3 du SNU. Le délai minimal est de trois mois. On pourrait ainsi avoir des missions de trois, quatre ou cinq mois. Quelle utilité pour le jeune et l'organisme d'accueil ? En effet, en dessous de huit mois, l'intérêt de telles missions est faible.
Mes chers collègues, comme vous le voyez, mes interrogations sont nombreuses. Aussi, je vous propose d'émettre un avis de sagesse sur le programme 163.
Mme Sylvie Robert. - Mon groupe ne s'est pas exprimé sur le rapport de M. Lozach. Mais bien évidemment, nous partageons ses conclusions.
Je reste un peu sur ma faim quant à l'orientation de ce budget et de la politique du Gouvernement pour la jeunesse. Le Gouvernement capte ce qui a été une politique d'engagement des jeunes créée pour faciliter leur insertion, au bénéfice d'un « outil » - le SNU - qui n'a pas de fondement similaire. En termes budgétaires, on sent que les crédits de ce programme vont être captés par le SNU, au détriment du service civique. Je le regrette. Si vous me permettez ce parallèle, j'ai l'impression d'être dans une situation semblable à celle du Pass Culture et des crédits en faveur de l'enseignement artistique et culturel.
De nombreuses questions demeurent concernant les associations, à la suite du rapport de notre rapporteur sur la réduction du nombre d'emplois aidés et les alternatives possibles pour le secteur associatif. Nous connaissons tous le rôle que jouent les associations dans notre société. Or, elles voient aujourd'hui leur financement fragilisé. Là où on attendrait un engagement de l'ensemble du Gouvernement sur la question des jeunes, ce dernier nous répond simplement qu'une information sera délivrée via un « jaune budgétaire », mais sans nous en dire plus sur les financements. Nous partageons les préoccupations du rapporteur pour avis et les grandes réserves émises sur ce budget. Les promesses d'un pays se trouvent souvent dans sa jeunesse et son engagement. Or, le SNU semble devenir l'alpha et l'oméga de l'engagement de la jeunesse. Nous le regrettons.
Mme Colette Mélot. - Je souhaite revenir sur la dotation du FDVA, à hauteur de 25 millions d'euros en 2020. Il semblerait qu'elle soit encore une fois insuffisante au regard des besoins de financement du tissu associatif. On connait l'importance des associations pour lutter contre la précarité, l'isolement et pour restaurer le lien social.
Nous sommes favorables au déploiement du SNU. Toutefois, celui-ci ne doit pas avoir lieu au détriment du service civique. Du fait de ces observations, notre groupe s'abstiendra sur le vote des crédits de cette mission.
Mme Annick Billon. - Je suis sceptique vis-à-vis de ce budget. Il semblerait qu'il y ait un basculement des crédits dédiés au service civique vers le SNU. Notre crainte est forte, et nous nous interrogeons également sur le modèle de fonctionnement du SNU. On constate aujourd'hui une crise de l'engagement pour le bénévolat. Je regrette que nous n'ayons pas véritablement un état des lieux des répercussions pour les associations de la fin de la réserve parlementaire, ainsi que des emplois aidés. Il serait intéressant de disposer d'un comparatif de la situation de l'engagement en France avant et après ces réformes. Vous comprendrez notre avis très réservé.
Mme Sonia de la Provôté. - Je regrette l'absence totale de transparence et d'information sur l'usage des fonds en provenance du FDVA. Lorsque l'on étudie les bilans a posteriori, il est encore plus difficile de comprendre qui a bénéficié de financements ainsi que la stratégie globale d'affectation des subventions, tant sur le plan de la politique associative que sur le plan du développement territorial. La réserve parlementaire avait au moins le mérite d'avoir cette vision et cette transparence.
Par ailleurs, nous devons analyser l'évolution des fonds à destination de l'éducation populaire. Elle a été un grand pourvoyeur de l'accès à la culture, au sport, de l'accès à la citoyenneté sur tous les territoires. Ce réseau autrefois puissant au niveau national est fragilisé. S'il venait à disparaître, je ne sais pas par quoi il serait remplacé. Or, il me semble que cette question n'a pas encore été posée.
Mme Françoise Laborde. - Je regrette que le Gouvernement s'en tienne à la communication. J'ai noté que des budgets trans-ministériels sont prévus pour le SNU. Mais chaque ministère essaye de défendre son budget, en cherchant à allouer le moins possible de crédits à cette nouvelle politique. Je reste très sceptique vis-à-vis de ce dispositif. Je note également le taux d'encadrement très élevé d'un adulte pour cinq jeunes.
Mon groupe politique soutient l'avis de sagesse suggéré par les rapporteurs de cette mission. Le débat se prolongera dans l'hémicycle.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis. - Beaucoup d'interventions font écho aux inquiétudes que j'ai exprimées, notamment par rapport au service civique. En ce qui concerne le FDVA qui, selon moi, devrait normalement être l'essentiel de la préoccupation du ministère de la jeunesse et de la vie associative, 9 500 associations ont été aidées en 2018, avec une subvention moyenne de 2 900 euros, soit 41 % de celles qui ont demandé des subventions. Cela signifie que moins de la moitié d'entre elles ont reçu une réponse favorable. Dans mon département, la préfète me transmet la liste des associations qui ont bénéficié d'une subvention avec les sommes allouées. Mais elle ne me sollicite pas autrement. En outre, je ne connais pas les critères d'attribution. J'imagine qu'il en est de même pour vous. Si vous n'avez pas d'informations, je vous recommande d'en faire la demande auprès des préfets de vos départements. Selon le directeur général de la jeunesse et de la vie associative, des critères précis d'allocation existent portant par exemple sur l'effort de formation, ou encore l'effort de développement de certaines activités.
Je suis très sensible à l'éducation populaire. Elle repose sur le bénévolat. C'est d'ailleurs l'origine de notre inquiétude. En effet, il y a peu de bénévoles - tant dans les territoires ruraux qu'urbains - souhaitant s'engager auprès des autres ou organiser des activités pour les autres. Le budget de la vie associative devrait se concentrer sur les associations et l'engagement citoyen.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mes chers collègues, Nous sommes arrivés au terme de l'examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » et nous devons maintenant émettre un avis à son sujet. Je vous rappelle que nos deux rapporteurs vous proposent de donner un avis de sagesse sur cette mission. Je note que le groupe CRCE souhaite donner un avis défavorable aux crédits de cette mission.
La commission émet un avis de sagesse à l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
La réunion est close à 11 h 35.
Projet de loi de finances pour 2020 - Mission « Culture » - Crédits « Patrimoines », « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » - Examen du rapport pour avis
La réunion est ouverte à 11 h 35.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous en venons à l'examen des crédits de la mission « Culture », composée de trois programmes : le programme 175 « Patrimoines » présenté par Philippe Nachbar, et les programmes 131 « Création » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » dont est chargée Sylvie Robert.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme 175 « Patrimoines ». - Les crédits du programme 175 baissent en autorisations d'engagement (AE), à 971,91 millions d'euros (- 7,1 %), mais progressent en crédits de paiement (CP), à 971,89 millions d'euros (+ 6,9 %). A ces crédits s'ajoutent 30 millions d'euros en provenance du programme d'investissement d'avenir pour financer le projet de Villers-Cotterêts. D'où un budget total du patrimoine qui devrait s'élever à 1 milliard d'euros en 2020.
Nous ne pouvons que nous satisfaire de ce niveau de crédits, surtout dans le contexte actuel de maîtrise des dépenses publiques. La baisse des AE est mécanique, après la forte hausse qu'elles avaient connue l'an passé dans la perspective de deux chantiers majeurs : celui de Villers-Cotterêts justement, et celui du Grand Palais.
L'essentiel des hausses de crédits se concentre sur l'action 1 « Monuments historiques et patrimoine monumental ». Les crédits de l'action 4 consacrée à la politique en matière d'archives sont très légèrement revalorisés. Les crédits de l'action 2 « Architecture et espaces protégés », de l'action 8 « Acquisitions et enrichissement des collections publiques » et de l'action 9 « Patrimoine archéologique » sont reconduits par rapport à 2019. Les crédits de l'action 3 relative aux musées sont en revanche en baisse. Celle-ci s'explique par la réduction de la dotation du Louvre, qui est en capacité d'accroître ses ressources propres. Nous pourrons surveiller de près les résultats qu'il enregistre grâce à l'exposition consacrée à Léonard de Vinci, actuellement en cours.
Les auditions m'ont montré qu'il existe toujours de fortes préoccupations autour du risque que les crédits ne soient pas réellement consommés au cours de l'exercice. Le niveau de la réserve de précaution a été abaissé depuis l'année dernière. Une partie des crédits de 2019 n'a pas été consommée. Le Gouvernement prévoyait d'ailleurs d'annuler un montant de crédits significatif dans le projet de loi de finances rectificative pour 2019, à la différence de l'an dernier où il avait décidé de dégeler l'intégralité de la réserve de précaution en faveur du patrimoine monumental pour compenser le montant des taxes prélevées par l'État sur le Loto du patrimoine. Le Sénat est intervenu la semaine dernière, à l'initiative de la commission des finances, et avec l'appui de notre commission, pour restaurer les crédits qui avaient été gelés en début d'exercice, ce qui devrait permettre de réinjecter plus de 20 millions d'euros dans le patrimoine d'ici la fin de l'année. L'Assemblée nationale ne s'y est pas opposée en commission mixte paritaire.
J'ai discuté avec les associations de patrimoine pour essayer d'identifier les raisons qui peuvent expliquer ces difficultés dans l'exécution des crédits. Les problèmes de fonctionnement de l'assistance à la maitrise d'ouvrage, très inégal selon les régions, pourraient être partiellement en cause. Il serait utile de la structurer davantage, compte tenu des besoins des petites communes, mais aussi des propriétaires privés en la matière.
Les auditions que j'ai réalisées cette année ont clairement montré que les inquiétudes portent davantage sur les menaces fiscales que sur les questions budgétaires.
La réforme des dispositifs de soutien au mécénat est au coeur des préoccupations. Il faut dire que compte tenu des fortes contraintes budgétaires qui pèsent sur l'État et les collectivités territoriales, le concours de la sphère privée au financement de la protection du patrimoine est devenu essentiel. La suppression de la réserve parlementaire en 2017 a déjà eu des effets dramatiques sur le financement des travaux de restauration du petit patrimoine rural. Il ne faudrait pas que cette nouvelle réforme vienne casser la dynamique positive en faveur du patrimoine.
Les craintes sont particulièrement vives sur le financement des opérations de moins grande envergure. La Fondation du patrimoine estime qu'un million d'euros sur le million et demi qu'elle a récolté au titre du mécénat des grandes entreprises dans le cadre de la mission Bern pourrait être menacé. L'échelle à laquelle sera apprécié le seuil des 2 millions d'euros sera, de ce point de vue, déterminante. La situation sera différente selon que sera pris en compte le montant des dons consentis par un groupe, par chaque société qui le compose, ou même par chaque filiale.
Cette réforme semble assez contradictoire avec la décision de l'État de relever exceptionnellement le taux de défiscalisation pour financer la restauration de Notre-Dame ou encore avec sa demande répétée auprès de ses opérateurs de recourir davantage au mécénat pour faciliter le financement de certaines de leurs opérations.
L'autre sujet fiscal d'inquiétude, c'est évidemment celui du dispositif « Malraux », qui pourrait pourtant être mobilisé pour répondre aux enjeux de revitalisation des centres historiques. Alors qu'une réforme est attendue depuis plusieurs années sur ce sujet - vous vous souvenez sans doute des préconisations d'Yves Dauge à ce sujet, que nous avions entendu devant la commission en décembre 2017 -, l'Assemblée nationale a au contraire envisagé de limiter l'application du dispositif à 2023, avant de renoncer à ce projet. Nous devrions être amenés à examiner des amendements du rapporteur spécial de la commission des finances lors de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances destinés à rendre les incitations fiscales plus attractives pour les propriétaires.
En tout cas, l'actualité de l'année écoulée me laisse à penser que le patrimoine devrait véritablement devenir une cause nationale.
Il sera difficile à l'avenir de se remémorer l'année 2019 sans penser au terrible sinistre qui a ravagé Notre-Dame.
La loi pour la conservation et la restauration de Notre-Dame a été promulguée le 29 juillet dernier. Elle a institué une souscription nationale pour recueillir des dons en faveur du chantier de restauration de la cathédrale. Comme le ministre de la culture nous l'a indiqué lors de son audition, 922 millions d'euros ont été promis dans ce cadre, mais seuls 110 millions d'euros ont été récoltés pour l'instant par les 4 organismes collecteurs habilités et 69 millions d'euros déjà reversés à l'État.
Ce premier versement lui a permis de se rembourser à la suite des frais qu'il a engagés pour prendre en charge le coût des premières opérations d'urgence. Le coût de la phase de mise en sécurité et de la consolidation est évalué à 87 millions d'euros. Elle devrait se poursuivre jusqu'en juin 2020, ce qui permettra ensuite de finaliser les diagnostics pour ouvrir la phase de restauration en tant que telle. Pour l'instant, l'établissement public n'est toujours pas créé, mais son installation est attendue d'ici la fin de l'année.
Certaines des inquiétudes que nous avions exprimées lors des discussions sur le projet de loi Notre-Dame sont largement confirmées par le projet de loi de finances. Aucun crédit n'est inscrit, ni aucun emploi n'est prévu pour la restauration de la cathédrale. Le Gouvernement compte apparemment bien faire financer l'intégralité du chantier, y compris les coûts de fonctionnement de l'établissement public, par les donateurs privés, ce qui est contradictoire avec ses propositions de réforme du dispositif du mécénat.
C'est regrettable, parce que le chantier de Notre-Dame est un chantier emblématique et qu'il devrait également pouvoir contribuer à accroître la visibilité et l'attractivité des métiers du patrimoine. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous nous sommes d'ailleurs inquiétés du délai de cinq ans voulu par le Président de la République pour la restauration de Notre-Dame.
Le temps pourrait manquer pour former correctement des professionnels qualifiés. Sans compter que ces contraintes de calendrier pourraient favoriser la sélection de grandes entreprises au détriment de la multitude de petites entreprises qui sont spécialisées dans la restauration de patrimoine. Or, leur équilibre économique est aujourd'hui fragile. Prenons garde à ne pas perdre peu à peu ces métiers et ces savoir-faire si nous n'apportons pas notre soutien aux petites entreprises.
Le drame de Notre-Dame a également eu un impact sur le Centre des monuments nationaux (CMN), qui est chargé de l'exploitation de ses tours. Leur fermeture depuis l'incendie s'est traduite par un manque à gagner important pour le budget de fonctionnement de l'établissement, qui était déjà confronté aux baisses de fréquentation d'un de ses principaux monuments, l'Arc de Triomphe, en raison des nombreuses manifestations qui ont paralysé les Champs-Élysées depuis un an.
Le fonctionnement du CMN repose sur un mécanisme de péréquation : les recettes générées par ses monuments sont versées au budget de l'établissement qui répartit l'ensemble des crédits aux différents monuments du réseau selon leurs besoins. Certains des monuments dont il est chargé ne sont pas rentables.
Le Gouvernement a décidé de compenser ces pertes de recettes. Curieusement, au lieu d'abonder ses crédits de fonctionnement, il a choisi d'accroître de 3 millions d'euros sa subvention d'investissement, qui lui sert à financer les travaux de restauration des monuments dont il a la charge. Ces crédits sont bienvenus mais ils ne règlent pas les problèmes du CMN à court terme, d'autant que la mise en place d'un nouvel établissement public pour le Mont-Saint-Michel le 1er janvier prochain devrait encore réduire ses recettes et fragiliser le mécanisme de péréquation.
J'espère que l'ouverture de l'Hôtel de la Marine en juillet prochain et la réouverture de la colonne de Juillet au printemps lui permettront de retrouver une certaine santé financière.
Le drame de Notre-Dame nous a inévitablement renvoyés à la question de l'état de notre patrimoine. Le ministre de la culture nous a indiqué que 2 millions d'euros seraient débloqués en 2020 pour la mise en sécurité des cathédrales contre les incendies. Mais les besoins vont bien au-delà. Le dernier état sanitaire du patrimoine protégé, réalisé en 2018, a ainsi révélé que l'état de dix cathédrales était préoccupant et que la cathédrale de Clermont-Ferrand était en situation de péril !
Globalement, les résultats de cet état sanitaire font apparaître que 23 % des immeubles protégés au titre des monuments historiques sont en mauvais état ou en péril. Près de 5 % très exactement sont en situation de péril, dont la très large majorité est détenue par des communes ou des propriétaires privés. Il y a donc urgence à agir.
C'est pourquoi je regrette la baisse de 5 % (7 millions d'euros) des crédits octroyés pour la restauration des monuments historiques dont les collectivités territoriales et les personnes privées sont propriétaires, qui ont le plus besoin d'un accompagnement de la part de l'État. Ces 7 millions d'euros de crédits seront utilisés en 2020 pour financer le plan de mise en sécurité des cathédrales, dont l'intérêt est évident, et l'augmentation de 5 millions d'euros des crédits du fonds incitatif et partenarial pour la restauration des monuments historiques des petites communes à faibles ressources, qui joue un rôle important en particulier dans les zones rurales.
Créé en 2018, ce fonds reste très faiblement doté : 10 millions d'euros en crédits de paiement y sont inscrits. Même si les collectivités territoriales viennent abonder ses crédits, il serait nécessaire, à mon sens, d'en accroître les moyens à l'avenir, compte tenu du nombre de petites communes qui ont des monuments historiques inscrits ou classés.
Je crois qu'il faudrait aussi que nous développions enfin dans notre pays une réelle culture de l'entretien. L'entretien régulier des monuments reste le meilleur moyen d'éviter la survenance de situations de péril. C'est aussi un moyen de permettre à nos petites entreprises spécialisées dans la restauration du patrimoine, présentes sur tout le territoire, de vivre tout au long de l'année.
L'État consacre chaque année en moyenne 50 millions d'euros à l'entretien des monuments historiques : c'est sans doute un peu faible par rapport aux besoins. Les DRAC peuvent donc aider les propriétaires à entretenir leur patrimoine, mais ces derniers sont libres d'entretenir leur patrimoine ou pas. Là encore, un meilleur fonctionnement de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage permettrait sans doute d'améliorer la situation, mais je suis conscient que les DRAC n'ont plus les moyens de l'assurer dans la plupart des régions.
Un dernier mot concernant la dernière édition du Loto du patrimoine.
Même si elle n'a pas bénéficié du même niveau de médiatisation que la première édition, la Française des Jeux estime que celle-ci devrait pouvoir récolter un minimum de 25 millions d'euros cette année, sachant que le jeu de grattage pourrait se prolonger jusqu'en juin 2020.
Les leçons de la première édition ont été tirées et un rééquilibrage a été opéré dans les projets sélectionnés pour la deuxième édition au profit des immeubles non protégés et des immeubles appartenant à des personnes privées. La proportion d'édifices non protégés atteint 42 %, celle des édifices appartenant à des propriétaires publics réduite à 51 %. Ces évolutions me semblent de nature à renforcer la pertinence du Loto du patrimoine. La protection du petit patrimoine représente en effet un enjeu essentiel pour de nombreux territoires, en particulier ruraux.
En plus d'avoir mobilisé le grand public autour de la cause du patrimoine, le Loto du patrimoine a permis d'améliorer le recensement du patrimoine en danger depuis la décentralisation aux régions de l'inventaire général du patrimoine culturel. C'est pourquoi il me paraitrait indispensable que l'opération soit pérennisée au-delà de 2020.
En revanche, il faudra que nous soyons très vigilants pour nous assurer que la pérennisation de cette nouvelle source de financement ne se substitue progressivement aux crédits de l'État.
Tel n'avait pas été le cas lors de la première édition. Les monuments historiques sélectionnés par la mission ont bénéficié de taux de subventions majorés de la part du ministère de la culture, grâce au dégel des crédits en faveur du patrimoine intervenu dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2018, en pleine polémique autour des recettes tirées par l'État de la mise en place du Loto du patrimoine.
Les inquiétudes sont plus vives concernant la deuxième édition, puisque l'État n'a pas cherché à compenser le montant des taxes qu'il perçoit sur le Loto du patrimoine, ce qui a justifié l'immense mobilisation, la semaine dernière, dans le cadre de l'examen du PLFR pour 2019, qui prévoyait d'annuler de nombreux crédits.
Au bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 175 « Patrimoines ».
Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis des crédits des programmes 131 « Création » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». - Ce budget intervient dans un climat de grande inquiétude, perceptible aussi bien chez les acteurs culturels que les élus. La perspective de la transformation du ministère de la culture engagée dans le cadre du plan « Action publique 2022 », mais aussi les réformes à venir en sont sans doute la cause.
En tenant compte des nombreuses modifications de périmètre qui interviennent dans le projet de loi de finances pour 2020, et qui rendent ce budget difficilement lisible, il semble que les crédits sont globalement stables l'an prochain à périmètre constant, hors dépenses de personnel.
Trois des quatre priorités mises en avant par le ministre de la culture lors de son audition devant notre commission le 31 octobre dernier concernent plus particulièrement les programmes 131 et 224 : faire des arts et de la culture un levier d'émancipation, mobiliser les arts et la culture au service des territoires, et faire de la France une terre d'artistes et de créateurs.
Elles ont conduit le Gouvernement à consentir des efforts financiers en faveur de quelques dispositifs : le Pass culture, les Micro-Folies et le Fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), auxquels s'ajoutent quelques grands travaux jugés prioritaires, en particulier le projet de Cité du théâtre dans les ateliers Berthier et l'aménagement d'une salle modulable à l'opéra Bastille.
Il est vrai que, pour les financer, le ministère de la culture a dû procéder à des redéploiements importants de crédits à l'intérieur des deux programmes, tant les crédits sont désormais calculés au plus juste, sans réelle marge de manoeuvre, ni pour l'administration centrale, ni pour les DRAC, pour lesquelles l'essentiel des crédits est fléché.
Pour autant, les crédits d'intervention ont globalement été préservés, voire confortés. Ainsi, sur le programme 131, la légère croissance des dépenses d'intervention a été rendue possible par des efforts réalisés sur les dépenses d'investissement. Cette méthode reste possible à court terme, mais elle ne sera pas soutenable à long terme. C'est ce qui me fait dire que ce budget est dans un entre-deux.
Il faudra donc que nous soyons vigilants dans les années à venir, et ce d'autant plus que les collectivités territoriales restent largement attendues pour contribuer à la mise en oeuvre de plusieurs des grandes priorités nationales : Pass culture, Micro-folies, éducation artistique et culturelle... Or, nous savons tous que les capacités financières de ces dernières sont contraintes, encore plus pour celles dont les contrats avec l'État prévoient désormais de limiter la progression de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2 %.
Je souhaite partager avec vous plusieurs considérations sur les politiques mises en oeuvre par le ministère de la culture au regard des objectifs qui lui sont assignés l'an prochain.
Je crois qu'il est important, au regard des inquiétudes actuelles, que nous soyons très vigilants dans notre activité de contrôle sur les actions qui seront engagées par le ministère dans l'année à venir.
Par rapport à l'objectif d'émancipation culturelle, qui constitue la première priorité du ministère l'an prochain, je constate, à mon grand regret, que les crédits de l'éducation artistique et culturelle (EAC), hors Pass culture, sont en baisse par rapport à 2019, à 96 millions d'euros.
C'est d'autant plus regrettable que la politique actuelle en matière d'EAC manque encore, à mon sens, de cohérence. Compte tenu de la multiplicité des acteurs qui interviennent dans sa mise en oeuvre, dont les collectivités territoriales, le monde culturel, les associations et, évidemment la communauté éducative, des efforts restent nécessaires pour mieux la définir, renforcer les mécanismes de concertation ou faire davantage usage de ceux qui existent et améliorer la formation commune des acteurs de l'EAC. On ne peut pas estimer que l'objectif du « 100 % EAC » est atteint dès lors que les enfants sont sortis au musée une fois dans l'année.
Il ne faudrait pas que le Pass culture, même s'il a intégré la question des pratiques artistiques, résume progressivement la politique de l'État en matière d'EAC, alors qu'il ne s'applique qu'à de jeunes adultes pendant seulement une année et n'a véritablement de sens que s'il vient s'inscrire dans le continuum d'un parcours d'EAC déjà complet et abouti.
Le Pass culture devrait être doté de 39 millions d'euros en 2020, soit une hausse de crédits de 35 %. Pourtant, l'intégralité des crédits n'a une nouvelle fois pas été consommée en 2019 malgré le lancement cette année des deux premières vagues d'expérimentation. 10 millions d'euros non consommés devraient d'ailleurs être reportés sur 2020, portant à 49 millions d'euros le budget total qui pourrait être consacré au Pass culture l'an prochain.
Une société par actions simplifiée a été créée depuis juillet dernier pour prendre en charge la gestion du Pass culture en lieu et place du ministère de la culture, même si elle reste à ce stade intégralement financée par de l'argent public.
Le premier bilan de l'expérimentation, paru la semaine dernière, est en demi-teinte.
Il manque à mon sens de données qualitatives pour apprécier la pertinence du Pass culture au regard des objectifs qui lui ont été assignés. En tout cas, il ne permet pas de lever les réserves que nous avions formulées dès le départ dans le cadre du groupe de travail sur le Pass culture, en particulier la capacité de ce dispositif à, d'une part, réduire les inégalités sociales et territoriales qui font obstacle à l'accès des jeunes à la culture et, d'autre part, diversifier leurs pratiques culturelles, surtout en l'absence de dispositifs de médiation qui lui seraient associés.
J'ai senti chez le directeur de la SAS une envie de tenir compte des retours d'expérience pour améliorer progressivement l'outil.
Nous devrons analyser de près les résultats de l'expérimentation dans un an, puisqu'il est prévu d'ouvrir celle-ci à davantage de départements au printemps et que nous saurons enfin si l'algorithme destiné à ouvrir les jeunes à d'autres habitudes culturelles fonctionne : il doit en effet être élaboré et testé dans le courant de l'année prochaine.
Notre prise de position sera d'autant plus importante qu'il est prévu de réaliser ensuite une grande évaluation en 2021, avant l'éventuelle généralisation du Pass culture en 2022. Plus nous avançons dans le temps, plus un retour en arrière paraît difficile au regard des fonds publics déjà investis. Je ne vous cache pas que j'ai le sentiment que nous sommes pris au piège du fait de la méthode de construction qui a été retenue et qui manque cruellement de transparence.
En ce qui concerne les enseignements artistiques, les crédits de l'État sont enfin stabilisés. Il serait cependant utile que de nouvelles instructions soient transmises aux DRAC pour que leurs modalités d'attribution soient uniformes sur le territoire, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
En revanche, la réforme du classement des conservatoires a pris du retard depuis 2016. Une étude d'impact est attendue pour 2020 concernant les différentes évolutions proposées par le ministère. Les directeurs de conservatoire semblent dépités et craignent une nouvelle phase de décentralisation dans le cadre du projet de loi « décentralisation, différenciation, déconcentration » à venir l'année prochaine, qui pourrait expliquer une certaine inertie de l'administration centrale.
La réforme du statut des enseignants des écoles d'art territoriales n'a pas davantage avancé au cours de l'année écoulée, alors qu'il s'agit d'un enjeu majeur pour éviter le décrochage de ces écoles vis-à-vis des écoles nationales et pour garantir la cohérence du réseau des écoles d'art, comme la qualité de l'enseignement supérieur des arts plastiques.
Les retards enregistrés dans ce dossier s'expliquent par la réforme imminente de la grille indiciaire des enseignants des écoles nationales. Le ministre de la culture a jugé préférable d'attendre que la réforme statutaire des professeurs des écoles nationales soit intervenue avant de réviser le statut des enseignants des écoles territoriales, pour éviter le risque de tout nouveau décrochage entre les deux statuts.
La réforme doit désormais être traitée dans le cadre du nouveau Conseil des territoires pour la culture (CTC), mais aucun calendrier n'a été précisé, ce que nous ne pouvons que déplorer au regard de l'urgence à traiter ce dossier. Aucune avancée ne peut être envisagée avant le printemps en raison des élections municipales à venir.
S'agissant de la deuxième priorité du ministère, la correction des déséquilibres territoriaux, l'essentiel des nouveaux efforts en la matière reposent sur le déploiement de 1 000 Micro-Folies à l'horizon 2022. Pour le reste, les crédits destinés à corriger les déséquilibres territoriaux et sociaux dans l'accès à la culture baissent même de 5 millions d'euros, soit une contraction de 13 %.
Je ne suis pas opposée au numérique, mais l'accès physique aux oeuvres, à la création me semble préférable encore. Il faudrait donc que ce dispositif soit systématiquement accompagné d'une offre de médiation appropriée et que des artistes soient régulièrement invités à se produire ou à présenter leur travail dans ces lieux.
Le déploiement des Micro-Folies risque par ailleurs de se heurter à des difficultés financières. 3 millions d'euros sont inscrits à cet effet dans le projet de loi de finances pour 2020. Mais les crédits de l'État ne permettront, au mieux, que de couvrir l'équipement de base. Ce sera ensuite aux collectivités de prendre à leur charge les coûts de fonctionnement des structures et les coûts de maintenance des équipements numériques, faute de quoi le dispositif pourrait rapidement se transformer en coquille vide.
Dans ces conditions, on peut se demander si les communes rurales, en particulier, pourront supporter une telle charge.
J'en viens à la dernière priorité, le soutien aux artistes et à la création. Cette priorité devrait à mes yeux être la première tant les artistes et la création sont au coeur et à la base de nos politiques culturelles. Là encore, il y a plusieurs points de vigilance.
Dans le domaine du spectacle vivant, nous avons évoqué la semaine dernière le problème posé par la suppression de la taxe perçue au profit de l'ASTP et sa transformation en subvention. Le Sénat est revenu sur cette suppression en fin de semaine dernière lors de son examen en séance publique.
Je souhaiterais également vous proposer un amendement pour rétablir le bénéfice du crédit d'impôts pour le spectacle vivant aux spectacles de variétés. La loi de finances pour 2019 les en a privés depuis le début de l'année, alors que vous vous souvenez sans doute que nous nous étions opposés à cette évolution. Et comme nous sommes tenaces...
Les arts visuels sont une nouvelle fois le parent pauvre de ce budget. Le soutien aux arts visuels reste profondément déséquilibré par rapport au spectacle vivant, en dépit de la fragilité économique du secteur et de la grande précarité dans laquelle sont plongés les artistes visuels. Un certain nombre de mécanismes de soutien n'existent que pour le spectacle vivant.
Même si le Conseil national des professions des arts visuels est enfin en place depuis décembre 2018, il reste des efforts importants à faire pour accompagner la structuration des professions et aider les arts visuels à mieux faire entendre leur voix.
Dernier sujet, la question de l'emploi des artistes. Les crédits du Fonpeps n'ont cessé d'être abaissés au fil des exercices depuis sa mise en place il y a trois ans, faute d'être consommés en raison, principalement, du mauvais calibrage des mesures qui le composent.
Le Fonpeps a enfin fait l'objet d'une refonte en octobre 2019.
Alors que le Gouvernement proposait d'accroître de 5 millions d'euros les crédits du Fonpeps l'an prochain pour accompagner le lancement de cette réforme, les députés ont décidé de réaffecter ces crédits supplémentaires au financement des harmonies musicales, fanfares et autres sociétés de musique. Je n'ai rien contre ces ensembles structurants pour les territoires ruraux et périurbains, mais cette minoration des crédits adresse à mon sens un très mauvais signal aux artistes et techniciens du spectacle à la veille de grandes échéances sociales. Je vous proposerai un amendement pour les rétablir.
Un mot positif en ce qui concerne la compensation de la hausse de la CSG : après deux années de flottement, les crédits sont enfin inscrits en loi de finances et n'auront pas à être dégagés en gestion.
Il est néanmoins regrettable que cette compensation soit prise en charge sur les crédits du ministère de la culture, plutôt que dans le cadre du régime de droit commun. S'il devait, à l'avenir, systématiquement prendre en charge les éventuelles compensations sociales des réformes menées par le Gouvernement sans que ses crédits augmentent en conséquence, il pourrait voir ses marges de manoeuvre de plus en plus réduites pour financer ses politiques publiques.
Voici mes alertes sur les grandes orientations du ministère. Le budget qui sera présenté pour 2021 sera crucial. J'espère que nous serons alors mieux informés pour nous permettre de porter un avis plus éclairé. Au demeurant, je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de ces deux programmes, qui n'enregistrent pas de baisse.
M. Alain Schmitz. - Je regrette la maladresse du ministère de la culture sur le sujet du mécénat. D'ailleurs, est-il vraiment à la manoeuvre ? Dans le cadre de la mission d'information présidée par notre collègue Maryvonne Blondin, dont j'étais le rapporteur, nous avions plaidé pour le maintien, dans sa globalité, du dispositif de mécénat créé par la loi dite « Aillagon ». Je m'étonne donc que l'on réforme un système particulièrement performant ! La seule réponse du ministère de la culture est de dire que le mécénat des particuliers ne sera pas concerné. Je trouve la notion de plafonnement du montant des dons très maladroite. Le manque à gagner qui résultera de cette mesure ne sera jamais compensé par l'État ! Il y a vraiment une incohérence à vouloir restreindre un dispositif qui fonctionne. Le monde du mécénat est d'ailleurs très inquiet.
Quant au Loto du patrimoine, son principal intérêt est de porter un coup de projecteur sur l'enjeu de la protection du patrimoine. Mais il faut savoir raison garder compte tenu du caractère modeste des sommes récoltées au regard des besoins. Il s'agit avant tout d'une bonne opération en termes d'image et de mobilisation. Je suivrai donc l'avis favorable du rapporteur, mais en soulignant que l'État ne doit en aucun cas s'abriter derrière ce dispositif pour réduire son soutien.
Concernant Notre-Dame, ce serait un comble que sa restauration, qui relève normalement de l'État, soit entièrement portée par le mécénat alors que, dans le même temps, le Gouvernement coupe l'élan pris par ce mode de financement !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - C'est l'ultime paradoxe. L'État peut s'abriter derrière le Loto du patrimoine pour autant qu'il n'en préempte pas les crédits. Ou alors, c'est de l'hypocrisie pure...
Mme Colette Mélot. - Le budget de la culture bénéficie d'une hausse de 1 % des crédits par rapport à la précédente loi de finances. L'engagement du Gouvernement s'élève à 15 milliards d'euros, dont 8,2 milliards entrent dans le périmètre du ministère de la culture. Nous partageons ses deux grandes priorités, à savoir la démocratisation de la culture et la valorisation du patrimoine culturel matériel et immatériel de la France. Parmi les principales mesures financées, nous retenons la généralisation de l'éducation artistique et culturelle dès le plus jeune âge, la montée en charge du Pass culture et la création de la cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts. Nous saluons également la mise en oeuvre du plan d'éducation aux médias et à l'information, mené en lien avec le ministère de l'éducation nationale. Le renforcement des aides pour les bibliothèques, destinées à soutenir l'effort des collectivités en matière d'extension des horaires d'ouverture et de diversification des activités, mérite aussi d'être mentionné. Dans le domaine du patrimoine, 7 millions supplémentaires seront consacrés à la restauration de monuments historiques, redéployés entre Paris et les territoires. Le Gouvernement prévoit également une enveloppe de 2 millions d'euros pour financer le plan d'action « sécurité cathédrale ». Notre groupe salue ces avancées et votera en faveur des crédits de cette mission. Je tiens pour ma part à remercier nos collègues rapporteurs pour leur travail.
Mme Sonia de la Provôté. - Toutes les mesures prises par le Gouvernement depuis l'année dernière ont plutôt des effets déstabilisateurs sur le financement de la protection du patrimoine : incertitudes fiscales et réduction des incitations fiscales, alors que le recours à la sphère privée est indispensable face à l'ampleur des besoins ; chantiers de restauration menés dans l'urgence ; grandes embardées budgétaires au risque de déstabiliser les entreprises.
Au-delà du coup d'éclat que représente le Loto du patrimoine et de l'augmentation des crédits du fonds incitatif et partenarial, les équilibres mériteraient d'être repérés pour mieux répartir les crédits entre le patrimoine francilien, pour ne pas dire parisien, et celui des autres régions, pour améliorer le recensement du patrimoine vernaculaire présent sur tous nos territoires, pour mieux accompagner les élus locaux face aux enjeux de protection et de rénovation. Le patrimoine est un ensemble qui ne se limite pas à quelques monuments emblématiques d'Ile-de-France. Or, ce budget n'apporte pas de réponse à la problématique des territoires.
En matière de politique culturelle, plusieurs mesures sont attendues depuis déjà deux voire trois ans : la réforme des conservatoires a pris du retard, les arts visuels restent insuffisamment soutenus, la refonte du statut des enseignants des écoles d'art patine. Le budget 2020 est axé sur des mesures très budgétivores comme le Pass culture ou la nouvelle cité internationale de la francophonie à Villers-Cotterêts, dont pâtissent les actions culturelles traditionnelles.
Enfin, l'éducation artistique et culturelle est clairement pénalisée par ce budget. Le ministère de l'éducation nationale ne vient pas compenser ces baisses puisque le ministre n'a même pas évoqué cette préoccupation lors de son audition. Comment parvenir à atteindre l'objectif du « 100 % EAC » dans ces conditions ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - A force de développer de nouveaux projets, on déshabille peu à peu ce qui constituait le socle de nos politiques culturelles qui servent le plus grand nombre. Au final, ce sont les collectivités territoriales qui devront compenser !
M. Pierre Ouzoulias. - Je partage le bilan triste et dramatique dressé par Sonia de la Provôté. Nous assistons à l'abandon progressif de la politique culturelle telle qu'elle avait été conçue sous le ministère d'André Malraux.
L'exemple de Notre-Dame est particulièrement symptomatique d'une nouvelle manière de faire. Les engagements pris par le Gouvernement dans l'hémicycle ne sont pas tenus ! Pas un centime d'argent public n'est investi dans la rénovation de la cathédrale ; tout vient du mécénat ! Au point que l'État tarde à régler les factures des entreprises intervenant sur le chantier dans l'attente du déblocage des fonds privés. Sans parler de la concentration de l'autorité qui caractérise la gestion de ce dossier et qui rend toute contribution extérieure impossible ou empêche tout travail inter-institutionnel. Le programme de recherche un temps envisagé risque de ne jamais être engagé de ce fait, alors qu'il y aurait eu matière à ce qu'il soit exemplaire.
Sur tous les grands chantiers culturels, le ministère agit comme une entreprise de prestations événementielles et annonce ses différents projets à grand renfort de coups de communication. Jamais il n'est question de structuration d'une politique publique. Nous sommes face à une dérive insupportable, qui prend la forme d'un démembrement du ministère de la culture. Dans ce contexte, quelle place pour la représentation nationale ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Cela fait une dizaine d'années que ce mouvement est en cours...
Mme Marie-Pierre Monier. - Je tiens tout d'abord à remercier les rapporteurs pour la manière dont ils ont organisé et ouvert leurs auditions.
Les crédits de paiement consacrés au patrimoine en 2020 sont en hausse de 6,85 %, évolution rassurante, après la stagnation de 2019 et la baisse de 2018. En revanche, les autorisations d'engagement sont en diminution de 7,11 %. Nous partageons tous, quelle que soit notre appartenance politique, les mêmes préoccupations sur ce secteur.
Le patrimoine aura marqué l'actualité législative en 2019 à travers des événements tragiques comme l'incendie de Notre-Dame ou l'examen de textes spécifiques comme la proposition de loi de Dominique Vérien sur la Fondation du Patrimoine.
Comme souvent, le Gouvernement tient un double discours : il communique autour de sa volonté de faire de la protection du patrimoine un enjeu majeur de sa politique culturelle mais il supprime dans le même temps des crédits importants pour le secteur, notamment dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2019. Sans compter le fait que nous nous retrouvons à quémander, pour la deuxième année consécutive, que les taxes prélevées par l'État sur les jeux et loteries ne s'appliquent pas au Loto du patrimoine !
Bien sûr, le budget n'est pas en baisse. Mais son analyse dans le détail montre qu'il n'est pas non plus porteur d'un élan. Ainsi, l'action 1 consacrée au patrimoine monumental enregistre une légère augmentation de ses crédits destinés aux monuments historiques ; celle-ci reste toutefois insuffisante au regard des besoins de restauration. Je salue tout de même la hausse de 5 millions d'euros au bénéfice du fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques situés dans les petites communes. L'action 9 sur le patrimoine archéologique voit ses crédits reconduits à l'identique. Or cette stabilisation des moyens limite les marges de manoeuvre de l'Institut national d'archéologie préventive (INRAP) qui, dès l'automne de chaque année, manque de financements pour assurer ses missions. L'action 3 relative au patrimoine des musées est confrontée à une baisse de sa dotation, ce qui aura évidemment une répercussion sur les petits musées de province. Ceux-ci sont pourtant indispensables pour l'accès de tous à la culture, l'attractivité touristique et le développement économique de nos territoires. Enfin, les moyens consacrés à l'action 4, relative aux archives, ne vont pas assez loin.
En résumé, ce budget 2020 manque d'ambition claire et de souffle, en dehors de quelques dispositifs.
Mme Maryvonne Blondin. - Je suis absolument d'accord avec le constat de Pierre Ouzoulias sur la perte de compétences du ministère de la culture.
Je m'inquiète par ailleurs de la part prépondérante des projets numériques dans notre politique culturelle. Cela semble en effet négliger les difficultés liées à l'accès au réseau internet dans certaines zones enclavées, une problématique qui demeure mal gérée par l'État.
Le ministère a perdu 1 907 emplois ces dernières années, ce qui le fragilise. Ce budget est complexe à analyser avec des transferts de crédits dont on ne perçoit pas bien la finalité. Je note, à l'opposé, que des moyens ont pu être dégagés pour créer des emplois pour favoriser le développement du Pass culture. Pour que ce dispositif permette véritablement d'améliorer l'accès des jeunes à la culture et de diversifier leurs pratiques culturelles, il devrait intégrer des outils pour faciliter leur mobilité, qui est un vrai souci dans certains territoires ruraux, et comporter des dispositifs d'accompagnement par la médiation.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je partage le constat d'une fragilisation du ministère qui ne date pas d'aujourd'hui et traduit un manque de vision stratégique. Si je prends l'exemple de l'éducation artistique et culturelle, le désengagement de l'État n'a pas été compensé par un accompagnement suffisant des collectivités territoriales. Il lui revenait pourtant a minima d'organiser au mieux le système suite à son retrait. Je suis par ailleurs très inquiète de la baisse des crédits en faveur de l'éducation artistique et culturelle.
Je crois primordial de rappeler l'inscription dans la loi des droits culturels et j'ai l'impression que leur mise en oeuvre ne trouve pas de traduction financière dans le budget, alors qu'ils sont au coeur de la politique de démocratisation culturelle.
Je profite de ce débat pour vous rappeler que j'avais fait adopter, dans la loi du 7 juillet 2016 dite « LCAP », un amendement pour permettre aux régions de demander à l'État de lui transférer les crédits pour la prise en charge de l'organisation de l'enseignement préparatoire aux pôles supérieurs d'enseignement artistique. Je vous invite à en parler dans vos régions pour qu'elles suivent au plus vite l'exemple de la Normandie, en faisant jouer cette clause. Ce serait utile avant un éventuel approfondissement de la décentralisation dans le domaine des enseignements artistiques.
Enfin, il me paraît important de réfléchir aux modes de répartition des recettes générées par les monuments du Centre des monuments nationaux. Je comprends bien que les recettes du Mont-Saint-Michel sont importantes pour le budget du Centre mais les collectivités qui engagent de lourdes dépenses à proximité sont loin de percevoir leur juste part.
Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis. - La question des droits culturels est en effet beaucoup trop ignorée et il est significatif de voir qu'elle n'est presque jamais mentionnée par nos interlocuteurs. De manière générale, je déplore un manque de transparence ; j'en ai fait l'expérience s'agissant du Pass culture, n'étant jamais parvenue à savoir précisément comment les crédits avaient été consommés en 2019, malgré des questions posées à divers interlocuteurs.
Je déplore moi aussi une fragilisation du ministère qui se traduit par un glissement des missions vers les collectivités territoriales et parfois, vers des acteurs privés.
Je vous propose l'adoption de deux amendements :
- le premier n° II-575 vise à rétablir le montant des crédits alloués au fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), dans le projet de loi de finances déposé par le Gouvernement en revenant sur la diminution de 5 millions d'euros de ces crédits votés à l'Assemblée nationale ;
- le second n° II-576 portant article additionnel après l'article 50 nonies, a pour objet de rétablir le bénéfice du crédit d'impôts pour le spectacle vivant aux spectacles de variétés. Nous avions déjà adopté cet amendement l'année dernière.
La commission adopte les amendements n° II-575 et n° II-576.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous propose un troisième amendement qui vise à supprimer le dispositif de « rationalisation » du régime fiscal du mécénat des entreprises inscrit à l'article 50 du projet de loi de finances.
Je vous propose cependant de conserver la possibilité accordée à Radio France de bénéficier du dispositif du mécénat d'entreprises et de conserver également le passage de 10 000 € à 20 000 € de la franchise fiscale destinée à lever les obstacles au développement du mécénat des PME TPE.
La commission adopte l'amendement CULT-1.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2020.
La réunion est close à 12 h 40.
Désignation d'un membre au sein d'un organisme extra-parlementaire
La réunion est ouverte à 12 h 40.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - À la demande du Président du Sénat et aux termes de l'article 10 de la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, il nous appartient aujourd'hui de désigner le nom du Sénateur appelé à siéger au sein du Conseil d'orientation stratégique de l'Institut français.
Dans le respect de la parité et du pluralisme des sensibilités politiques, je vous propose de prolonger mon mandat au sein de cette instance d'orientation, Claudine Lepage demeurant quant à elle membre du conseil d'administration de l'Institut.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à 12 h 45.