Jeudi 17 octobre 2019

- Présidence de M. Jean Bizet, président -

La réunion est ouverte à 8 h 30.

Politique régionale - Sous-utilisation des fonds structurels européens - Communication de Mmes Laurence Harribey et Colette Mélot

M. Jean Bizet, président. - Nos yeux sont rivés sur Bruxelles où s'ouvre ce matin le Conseil européen qui pourrait ouvrir le chemin au Brexit. Nous avons eu l'occasion de prendre position en amont sur ce sujet puisque nous avons présenté avant-hier à la presse les conclusions du nouveau rapport du groupe de suivi sénatorial sur le Brexit, intitulé Brexit : tous perdants. L'attention se focalise sur le backstop, mais n'oublions pas l'accord politique qui concerne la relation future entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne. J'ai toutefois confiance en M. Barnier, grâce à qui les Vingt-Sept ne se laisseront pas abuser.

Pour ce qui concerne notre réunion, nous avons deux points à l'ordre du jour de ce matin : l'utilisation des fonds structurels et l'accord entre l'Union européenne et Monaco.

Nous entendrons d'abord la communication de nos collègues Laurence Harribey et Colette Mélot, qui étaient respectivement présidente et rapporteure de la mission d'information sur la sous-utilisation chronique des fonds européens en France. Cette mission avait été demandée par le groupe Les Indépendants - République et Territoires et vient de conclure ses travaux en adoptant son rapport il y a trois semaines.

Ses conclusions étaient particulièrement attendues, alors que les négociations sur le cadre financier pluriannuel entrent dans la dernière ligne droite. La secrétaire d'État aux affaires européennes nous l'a rappelé : si la France veut être crédible dans la défense des crédits consacrés à la politique de cohésion, elle doit mieux les utiliser aujourd'hui. C'est pourquoi l'état des lieux sur le niveau de consommation des presque 30 milliards d'euros alloués à notre pays pour 2014-2020 au titre des fonds européens est éminemment précieux. Sans doute l'analyse doit-elle être nuancée selon qu'il s'agit du Fonds européen de développement régional (FEDER), du Fonds social européen (FSE), du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) ou du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

Mme Colette Mélot. - Notre groupe politique avait choisi ce thème à la suite d'articles parus dans la presse il y a environ six mois et d'échanges avec les élus de nos départements, qui témoignaient d'un ressenti négatif sur l'accès aux fonds européens, le montage des dossiers, les très nombreux contrôles, etc. Nous avons donc souhaité faire un diagnostic et des préconisations.

Mme Laurence Harribey. - Les acteurs locaux, dont les groupes d'action locale (GAL), et la presse ont en effet soulevé la question de l'accès aux fonds européens, en particulier pour les territoires ruraux, et plus spécifiquement au programme LEADER, qui fait partie du FEADER. Mais le sujet nous est apparu progressivement relever moins de la sous-consommation que des difficultés d'accès et de complexité du montage des dossiers.

Nous avons procédé à une trentaine d'auditions en deux mois, et à deux visites sur le terrain, dont une en Nouvelle-Aquitaine, qui illustre bien les difficultés qui se posent puisque, issue de la fusion de trois régions, elle a dû fusionner trois programmes opérationnels différents sur trois territoires différents. Depuis 2014, les fonds européens sont en effet partiellement décentralisés, en particulier l'essentiel du FEDER et du FEADER, le FSE restant centralisé à hauteur d'un tiers. Mais le rapport de la Cour des comptes, qui a contribué à alimenter notre réflexion, qualifiait cette décentralisation de décentralisation en trompe-l'oeil : la compétence a été transférée, mais pas l'intégralité de l'instruction ni les moyens, en particulier pour le programme LEADER. Nous avons également examiné le cas de la communauté d'agglomération de Melun-Val-de-Seine car il était utile de connaître le point de vue d'une intercommunalité.

Nous avons aussi passé une journée à Bruxelles, où nous avons rencontré les autorités européennes, fait une comparaison avec le land de Saxe et rencontré des représentants de la Cour des comptes européenne. Le titre du rapport met en évidence un « retard au démarrage » plutôt qu'une « sous-utilisation des crédits ». Nous avons donc choisi un titre plus positif : Pour une mobilisation plus ambitieuse des fonds européens au service des territoires. À Colette Mélot de vous présenter maintenant nos propositions.

Mme Colette Mélot. - J'ai classé nos propositions en trois axes. En premier lieu, la décentralisation des fonds européens doit être confirmée, en clarifiant les compétences respectives de l'État et des régions. Cela nécessitera de donner vraiment aux régions les moyens d'assurer leur mission de gestion des fonds européens, qui leur a été transférée en 2014. Pour le FEADER, il faudrait confier aux régions l'instruction et le suivi de l'intégralité des mesures dites non surfaciques dans le cadre de la prochaine programmation. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Gourault, que nous avions entendue en audition en septembre, a pris acte de ces demandes. La décentralisation dans ce domaine étant « en trompe-l'oeil », pour reprendre les mots de la Cour des comptes, ce serait déjà une avancée. Mais il ne faudrait pas se limiter aux mesures non surfaciques : les régions pourraient avoir une compétence sur toutes les aides relatives à l'agriculture et au développement durable. Enfin, il faudrait conduire des études visant à identifier les facteurs de succès et bonnes pratiques organisationnelles dans les autres États membres pour déterminer l'architecture institutionnelle conduisant à la mobilisation optimale des fonds européens : il est toujours bon d'aller voir ce qui se fait ailleurs.

Deuxième axe : la gouvernance des programmes opérationnels doit reposer sur une plus grande participation de tous les niveaux de collectivités pour tenir compte des spécificités des territoires. Mes propositions sont les suivantes : développer une approche partenariale entre l'État et les différents niveaux de collectivités territoriales, et pas seulement les régions ; réduire le nombre de programmes opérationnels, trop nombreux en France puisqu'elle en compte 83 et se trouve ainsi être le pays qui en a le plus ; faire concorder le calendrier des contrats de plan État-régions et celui des programmations successives des fonds européens ; améliorer l'ingénierie des fonds européens au niveau local par la mutualisation de l'expertise entre collectivités territoriales, l'intercommunalité devenant un guichet unique de soutien pour les porteurs de projets ; renforcer les moyens de la future Agence nationale de cohésion des territoires afin de soutenir et accompagner les collectivités territoriales -Mme Gourault nous a donné des assurances sur ce point.

Troisième axe : rapprocher l'Europe du citoyen en simplifiant et valorisant la politique de cohésion de l'Union européenne. Nous faisons cinq propositions : alléger certains contrôles, ce qui réduirait les délais de paiement - les contrôleurs eux-mêmes trouvent les contrôles trop lourds - ; faire preuve de pragmatisme en évitant de demander plusieurs fois le même document entre l'instruction et la vérification du service fait ; moderniser le système d'information pour qu'il soit opérationnel dès le début de la prochaine programmation et permettre une dématérialisation totale des demandes ; mieux communiquer sur les cofinancements que permettent les fonds européens pour mettre en évidence la valeur ajoutée européenne ; évaluer la contribution des fonds européens au développement économique et social et à la réduction des inégalités infrarégionales par l'analyse de leur performance. Dans certaines collectivités, il y a des acteurs qui ne savent pas qu'ils pourraient avoir recours à ces fonds, et encore moins comment y avoir recours. Espérons que ces recommandations seront mises en oeuvre pour que la programmation 2021-2027 se passe mieux que les précédentes. Les paiements de la programmation en cours se feront néanmoins jusqu'en 2023. Les fonds de la programmation 2007-2013 ont été consommés à 99 %. On ne peut donc pas dire qu'il y a un problème récurrent de sous-utilisation des fonds européens dans notre pays.

M. Jean Bizet, président. - Merci. Vous avez fait un travail important sur un sujet touffu. Nous pourrions nous saisir de la proposition n° 3 du premier axe « Conduire des études dans les autres États membres ». Le Sénat s'est doté d'un budget pour financer de telles études. Il faudrait aussi observer le fonctionnement de l'Agence de cohésion des territoires en cours d'installation.

M. André Reichardt. - Bravo à la mission d'information ! Certains de vos constats et propositions ne me surprennent pas car ils correspondent aux conclusions auxquelles j'étais moi-même parvenu après avoir suivi l'utilisation des fonds dans l'ancienne région Alsace pendant quinze ans. Je m'interroge, comme vous, sur la pertinence du choix de l'échelon régional. Le Grand Est résulte de la fusion de trois anciennes régions n'ayant pas grand-chose en commun et peinant à créer une identité régionale. C'est un vrai problème. On voit bien que la meilleure façon de mobiliser passe par un échelon de proximité au plus près du citoyen. Ce n'était pas simple dans la petite région Alsace, cela devient impossible pour une très grande région, où les orientations ne peuvent être les mêmes partout. La chambre régionale des comptes et la Cour des comptes ont indiqué qu'il y avait beaucoup de choses à améliorer... c'est un euphémisme !

Nous avons créé dix maisons de la région qui sont autant de points d'entrée ; mais il faut trouver pour chacune d'entre elles des personnels formés, ce qui n'est pas facile car l'État ne les a pas transférés. Or c'est un métier ! Résultat ? On assiste à une chasse à une subvention, dans laquelle chacun se demande comment obtenir des aides pour faire fonctionner sa structure. Pour caricaturer : « peu importe mes orientations, je fais rentrer mes demandes dans les orientations des aides européennes ». Les acteurs ont du mal à trouver des interlocuteurs et, quand ils les trouvent, leurs orientations ne correspondent pas, et les interlocuteurs doivent avoir les compétences pour calquer les orientations choisies sur les fonds.

J'adhère à votre proposition n° 7 « Faire de l'intercommunalité ou du département un guichet d'entrée. » Il faut être le plus proche possible du territoire. Je suis désolé de donner l'impression de faire un procès à charge, alors que je suis conseiller régional...

Le pire, c'est quand la région établit des grands programmes. Dernièrement, elle a lancé un plan régional de bioéconomie. L'idée centrale est la bonne utilisation de la biomasse entendue au sens large : agriculture, sylviculture, industrie agroalimentaire, textile, pharmacie, chimie, collecte des déchets, bref, des secteurs totalement différents. La seule chose qui les relie, c'est le titre ! Pourquoi ? Parce que l'on a dit à Bruxelles que la bioéconomie est un secteur porteur. La région croit que, grâce aux fonds européens, elle va démultiplier ses propres investissements. Comment voulez-vous que l'on fasse reprendre le chemin de l'Europe à des gens qui ne la voient plus que sous cet angle ?

Je suis mille fois d'accord avec l'axe 3 et notamment la proposition de mettre fin aux contrôles redondants et excessifs. L'instruction doit être faite au plus proche du terrain, comme le contrôle, et il faut faire un peu confiance - même si une grande confiance n'interdit pas une petite méfiance...

M. Simon Sutour. - Félicitations à nos collègues. Il s'agit d'une mission d'information du Sénat et non d'un rapport de notre commission, mais le hasard a bien fait les choses puisque la présidente et la rapporteure en sont membres. Cette initiative du groupe Les Indépendants était la bienvenue.

La nouvelle approche est très pertinente. Aborder le problème des fonds européens par l'angle de leur sous-utilisation ne correspond pas à la réalité et n'était peut-être pas stratégique alors que l'on travaille sur la période budgétaire 2021-2027.

Au sein de notre commission, j'ai eu la responsabilité de ce dossier pendant des années avec notre ancien collègue Yann Gaillard. Nous avions organisé une table ronde avec des représentants des régions, notamment le président de Basse-Normandie et le vice-président d'alors de la région Languedoc-Roussillon, Jean-Claude Gayssot.

On oublie le combat permanent mené pour conserver ces fonds et leur montant. Au départ, ils ont été créés pour les régions situées en dessous de la moyenne de richesse de l'Union européenne. Quand les anciens pays de l'Est ont adhéré à l'Union européenne, cette moyenne a fléchi considérablement et des portions entières du territoire européen n'ont plus bénéficié de ces fonds. À l'époque, nous nous sommes battus pour leur pérennité avec Michel Barnier qui, jusqu'en 2004, était commissaire européen chargé de la politique régionale. Cela s'est joué à une voix et nous avons sauvé les fonds structurels. À l'époque, on nous reprochait de vouloir ces fonds, mais de ne pas les consommer. Des régions comme l'Andalousie les consommaient très bien, contrairement à nos régions. Il y avait, à l'époque comme aujourd'hui, un problème de complexité administrative. La semaine dernière, j'ai été heureux d'entendre la secrétaire d'État chargée des affaires européennes souligner que les difficultés ne provenaient pas seulement de la Commission européenne, mais aussi de l'administration française. Elle semble avoir la volonté de réduire cette complexité. Souhaitons qu'elle y parvienne. Cela fait des années que nous dénonçons cette situation.

Nous travaillons à l'élaboration du budget européen pour les sept années à venir. Les négociations vont reprendre avec la Commission. On débattra de l'enveloppe. Une baisse de 50 milliards d'euros est actuellement prévue, dont 11 milliards attribuables au Brexit.

La secrétaire d'État estime que seuls les objectifs importent et que le montant de l'enveloppe ne compte pas, mais les chiffres sont têtus. Ces propos sont une manière de nous faire entrer dans la souricière.

Je souhaite que notre commission continue à se battre pour ces fonds structurels lorsque le débat reprendra à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine.

M. Michel Raison. - J'adresse mes compliments à la présidente et à la rapporteure, dont le rapport est important. Nous sommes en train de faire de la politique noble. Aux Jeux Olympiques, c'est le meilleur qui gagne, et c'est normal. Mais, dans les domaines de l'économie, du social ou du développement, la politique doit assurer un rééquilibrage entre les plus faibles et les plus forts. Les fonds structurels en sont un outil.

La proposition n° 7 est importante. Elle devra être affinée sur le terrain car les dossiers mobilisant des fonds européens ont un effet boule de neige. Les zones denses pouvant consacrer des moyens supplémentaires à l'ingénierie bénéficient positivement de cet effet, mais les zones les plus pauvres n'ont pas forcément la matière grise pour monter des dossiers complexes. On a parfois l'impression qu'elles ne décrochent même pas la médaille de bronze.

M. André Gattolin. - Mes félicitations pour ce rapport.

Nous avions souligné avec Jean-François Rapin, dans notre rapport sur la programmation européenne 2021-2027 pour l'innovation et la recherche, à quel point nous sommes en dessous des objectifs d'utilisation des fonds européens, et de loin, notamment pour ce qui concerne les projets collectifs. Dans beaucoup de cas, il existe des effets de subsidiarité entre les aides et les financements nationaux, qui demandent déjà beaucoup de préparation, et les aides européennes.

Je souhaite souligner le faible armement administratif de nos régions en matière européenne. En France, il existe cinq Instituts régionaux d'administration (IRA) qui forment de futurs fonctionnaires de l'administration d'État centrale et déconcentrée. Les étudiants peuvent effectuer une partie de leur scolarité dans les instances européennes - il n'y a presque aucun contenu de formation sur l'Union européenne. Sur 700 personnes issues de ces instituts, entre 3 et 7 deviennent secrétaires des affaires étrangères. Nous avons, en France, un vrai problème d'investissement dans l'Union européenne, à tous les niveaux.

Les dossiers de fonds structurels sont certes compliqués, mais ils le sont pour tous les États membres. Quant à l'influence française en Europe, cela fait quinze ans qu'on a laissé couler toute volonté de présence au sein des institutions européennes. Nous sommes sous-représentés là où les Allemands sont totalement surreprésentés. L'une des grandes fonctions du Bundesrat est de faire circuler l'information entre l'Union européenne et les Länder. Au cours de mon précédent mandat, j'avais contribué à certaines consultations publiques de la Commission. Généralement, il y avait trois ou quatre contributeurs français - le ministère, l'agence déléguée et un syndicat professionnel, parfois une organisation non gouvernementale - alors qu'il y avait entre 100 et 150 contributeurs allemands, dont pratiquement la moitié des Länder. Comprenons ce décalage avec nos régions, qui sont par ailleurs immenses et sous-dotées.

Récemment, j'ai constaté qu'une formation expérimentale d'État dans le domaine du handicap, qui existait depuis deux ans, avait dû être arrêtée car la région d'Île-de-France n'avait pas déposé le dossier en temps et en heure pour le renouvellement du financement... Il faut de la formation et de l'accompagnement sur l'Union européenne.

Oui, poursuivons le travail de simplification, mais la difficulté s'impose aux 28 États membres et pas seulement à la France. Nous avons un problème qu'il faut identifier. Intéressons-nous à la formation au sein de nos écoles d'administration. Dernier exemple, l'École nationale d'administration a une formation ouverte sur l'Europe, mais qui rencontre de gros problèmes budgétaires. Ces cours sont dispensés sur la base du volontariat. Mais alors, construit-on la France du XXe ou du XXIe siècle ?

M. Jean Bizet, président. - Cette remarque très pertinente sera intégrée au suivi de cette mission.

M. Jean-François Rapin. - Merci pour cette belle mission d'information.

Nous dressons le constat d'une immensité des régions qui porte atteinte, parfois, à la proximité. Mais ce n'est pas vrai partout. Certaines régions nouent des liens directs entre certains dispositifs et des intercommunalités ou des communes. C'est ainsi dans les Hauts-de-France. La proposition n° 7 peut très bien s'adapter à certains territoires, mais je crains que nous ne créions de l'inéquité. Certains territoires auront les moyens et l'ingénierie pour gérer des fonds européens, et d'autres non. Allons-y avec grande parcimonie et ne créons pas d'inéquités supplémentaires défavorisant les territoires ruraux. Plus il y aura des échelons sachants, mieux ça marchera.

M. Pierre Cuypers. - Je suis heureux de ce rapport qui clarifie les fonctionnements et dysfonctionnements, et je vous en remercie.

Dans mon département de Seine-et-Marne, j'ai constaté une difficulté à solliciter les fonds européens. Une petite entreprise agroalimentaire a voulu se développer. Elle avait besoin de fonds pour acheter de coûteuses machines de grande taille et a déposé un dossier. Or elle devait commander rapidement à l'étranger une première machine car le délai de fabrication était très long - de neuf à dix mois. Elle a donc versé un acompte. De ce fait, comme elle avait payé, elle n'avait plus droit aux fonds, dont elle avait pourtant besoin. Les fonds n'ont pas été consommés et l'entreprise a été en difficulté. Ne peut-on pas simplifier et faciliter l'attribution des fonds ?

Mme Laurence Harribey. - Merci à tous.

Je comprends les difficultés de certaines régions, mais veillons à ne pas faire peser sur la gestion des fonds européens la responsabilité de la difficulté de mise en route de nos propres régions.

J'aurais voulu aller plus loin dans le rapport sur certains aspects, mais ma fonction de présidente m'a contrainte au consensus. Les députés qui ont récemment travaillé sur le même sujet poussent beaucoup plus leur demande de décentralisation, notamment en ce qui concerne les mesures surfaciques et de la PAC. Nous avons proposé de séparer ces deux points pour la prochaine programmation des fonds européens. C'est un problème de fond. Il n'est pas très cohérent que les mesures agroenvironnementales soient traitées à l'échelon national, et le développement rural à l'échelon régional. Il aurait fallu clarifier qui fait quoi, comment, pourquoi. Le lobby des fédérations agricoles a pesé pour redonner à l'échelon national la gestion des mesures surfaciques, ce qui pose des problèmes.

André Reichardt dit que l'on fabrique des orientations de projets pour coller aux objectifs de l'Union européenne. Oui, et alors ? J'ai passé trente ans de ma vie à former des étudiants à l'ingénierie de projets européens. Comme André Gattolin, je pense que l'on manque de capacités d'ingénierie. Ce n'est pas parce que l'on essaie de formuler un projet de territoire autour de priorités communément adoptées à l'échelon européen que l'on n'est pas proche du territoire ou que l'on dénature ce projet. Et plus l'articulation entre les échelons locaux et régionaux est étroite, moins on a besoin de dénaturer le projet pour correspondre aux objectifs européens.

Je rejoins les propos de Jean-François Rapin. Les régions qui mettent en place des dispositifs d'articulation entre les territoires infrarégionaux et la région, sous forme de contractualisation, ont une vraie adéquation des fonds européens aux priorités de développement des territoires.

Comme Michel Raison, je pense que l'objectif est bien l'équité territoriale, c'est-à-dire amener des régions en difficulté vers le développement. Mais ce n'est pas en privilégiant les petits projets que l'on y parviendra parce qu'ils risquent de s'essouffler.

La région est le bon échelon, même s'il y a des régions qui ont des problèmes. J'étais inquiète de la création de régions XXL, mais ce qui est intéressant, c'est qu'elles sont obligées de revenir aux territoires pour redonner du sens à leur action. Or, ce n'est pas leur nature. Elles reviennent à la contractualisation territoriale, même si cela peut poser d'autres difficultés, avec les schémas de cohérence territoriale (SCOT) ou les pôles territoriaux.

J'en viens à la difficulté des petits porteurs de projets. Dire qu'il faut une taille critique, c'est suivre une tendance gestionnaire et technocratique. Je pose la question de l'appropriation de l'Union européenne par les citoyens. Refuser de faire appel aux financements européens pour des projets de 5 000 ou 10 000 euros, c'est éloigner, de fait, les citoyens de l'Union européenne. L'intérêt du programme LEADER est d'être gouverné par des GAL, composés à parité d'élus locaux et d'acteurs socio-professionnels, ce qui favorise une appropriation de la question européenne sur les territoires. L'intervention de l'Union européenne en faveur d'une maison de santé pluridisciplinaire a du sens, surtout lorsque l'on constate la montée du vote extrémiste dans les circonscriptions victimes de la fracture territoriale. Faisons très attention à ne pas adopter une approche trop macro des crédits européens.

Des régions mettent en place des avances de trésorerie. C'est risqué. Mais soyons pragmatiques et ne restons pas sur des dogmes intangibles.

Continuons ce travail, comme le suggère le président Bizet, car il y a un vrai enjeu démocratique.

Mme Colette Mélot. - J'ai bien noté vos différentes observations, tant celle de l'opportunité d'un rapport d'étape, que votre intérêt pour la proposition n° 7 de notre rapport. La prochaine programmation, indépendamment des montants accordés, devrait se dérouler dans de meilleures conditions. Les retards constatés lors de la programmation en cours sont en effet imputables aux délais de transfert de la compétence aux régions, ainsi qu'à des problèmes informatiques. Ces difficultés ponctuelles ne devraient plus se reproduire.

M. André Reichardt. - La proximité est au coeur de la réussite des projets cofinancés par les fonds européens. La pertinence d'une gestion régionale telle qu'elle se présente aujourd'hui doit cependant faire l'objet de réflexions plus avancées. Je regrette qu'un tel débat n'ait pu avoir lieu lors de la discussion du projet de loi sur la collectivité européenne d'Alsace.

M. Jean Bizet, président. - Dans le cadre des négociations du prochain cadre financier pluriannuel, il faudra veiller à défendre les fonds structurels, tout comme nous le faisons pour la PAC. La mission d'information s'est achevée, mais nous restons mobilisés sur ces sujets.

Politique étrangère et de défense - Accord d'association entre l'Union européenne et la principauté de Monaco - Communication de MM. Jean Bizet, Simon Sutour et Christophe-André Frassa

M. Jean Bizet, président. - Simon Sutour, Christophe-André Frassa et moi-même nous sommes récemment rendus à Monaco dans le cadre du suivi des négociations en cours pour la conclusion d'un accord d'association avec l'Union européenne. La perspective de la signature à court terme d'un tel accord semble s'éloigner mais nous souhaitons faire un bilan des efforts engagés. Il y a quelques semaines, nos collègues Laurence Harribey et Cyril Pellevat ont rendu compte du projet d'accord-cadre entre l'Union européenne et la Suisse. Dans les deux cas, l'Union européenne souhaite normaliser ses rapports avec ce qu'elle désigne comme « petits États ». En ce qui concerne Monaco, Il s'agissait pour nous d'appréhender plus précisément les différentes positions et attentes qui se sont exprimées et parfois cristallisées au sein de la Principauté. Nous avons souhaité vous faire part de la teneur de nos échanges sur place car, au-delà des prises de position politique, l'approfondissement des relations entre l'Union et Monaco est l'intérêt des deux parties, peut-être plus encore de Monaco que du reste de l'Union.

Il s'agit d'assurer la pérennité du succès d'un modèle monégasque fondé, certes, sur le respect de certaines spécificités locales, mais aussi sur son intégration dans le tissu économique européen. Il apparaît d'ailleurs à ce titre particulièrement opportun pour la Principauté d'aller au-delà des conventions existantes avec la France. Un accord global avec l'Union européenne permettrait une émancipation de la relation bilatérale et une véritable intégration au marché intérieur avec, à terme, une diversification et une dynamisation de l'économie monégasque.

L'enjeu est aussi le respect des quatre libertés et la préservation de l'intégrité du marché intérieur européen. C'est un débat précisément d'actualité de l'autre côté de la Manche. Les conditions d'accès octroyées à des États tiers sont particulièrement sensibles dans le contexte des négociations en cours avec la Suisse et le Royaume-Uni.

Dans quel contexte s'inscrit cette négociation ?

Bien que la Principauté de Monaco soit considérée comme un État tiers à l'Union européenne, elle n'en est pas moins un acteur continental estimé et reconnu par les États membres. Cette négociation s'inscrit ainsi dans le cadre de relations déjà solides entre la Principauté de Monaco et l'Union européenne. Cette dernière est un partenaire incontournable pour la Principauté de Monaco avec laquelle elle entretient des relations étroites mais fragmentées, notamment dans le domaine pharmaceutique, cosmétique ou encore policier. Ces échanges sont le plus souvent régis par des accords bilatéraux franco-monégasques. La France participe en effet activement à l'inscription de Monaco dans le contexte européen et consolide de fait ses liens avec la Principauté. Le cadre privilégié des relations bilatérales entre la France et Monaco, qu'il conviendra tout à la fois de préserver et de faire évoluer, repose notamment sur 132 conventions bilatérales de toute nature - c'est le même ordre de grandeur avec la Suisse. Ainsi, en vertu de 2 accords bilatéraux conclus avec la France, le territoire de la Principauté est englobé dans l'espace Schengen, bien que Monaco ne soit pas partie à la Convention. Pour l'heure, les Monégasques, étant des ressortissants d'État tiers, doivent solliciter une autorisation pour étudier ou travailler dans un État membre de l'Union. Toutefois, la libre circulation des ressortissants de l'Union et de Monaco est assurée sur l'ensemble du territoire Schengen et les autorités françaises se chargent des contrôles aux passages frontaliers autorisés. D'ores et déjà, 92 % de la population active monégasque est constituée de ressortissants européens. Depuis 1968, Monaco est aussi incluse dans le territoire douanier de l'Union européenne du fait d'une Convention douanière conclue avec la France. Les accords franco-monégasques signés en 1963 et en 2003 permettent, en outre, l'intégration de Monaco dans le système européen de TVA. La Principauté a été autorisée également à utiliser l'euro comme sa monnaie officielle.

C'est l'intérêt des deux parties de trouver un accord et les autorités monégasques devraient comprendre que c'est d'abord et avant tout l'intérêt de la pérennité du modèle économique monégasque. Je passe la parole à mon collègue Simon Sutour.

M. Simon Sutour. - Ces relations se sont effectivement construites de façon trop fragmentée pour assurer, dans la durée, un équilibre des bénéfices et des contraintes. Fort de ce constat et souhaitant une meilleure intégration au marché intérieur de Monaco, mais aussi d'Andorre et de Saint-Marin, la Commission a pris l'initiative de la négociation. Elle a adopté en novembre 2012 une communication visant à renforcer les relations de l'Union européenne avec ces trois États dits de petite dimension territoriale. Différentes options étaient alors présentées, notamment l'adhésion à l'Union européenne. Dans ses conclusions du 20 décembre 2012, le Conseil a estimé que les solutions permettant une meilleure prise en compte des spécificités de chacun de ces États étaient, soit une participation à l'Espace économique européen, soit la négociation d'un ou plusieurs accords-cadres d'association. Monaco a écarté la première option, estimant qu'elle ne permettait pas de prendre suffisamment en compte ses spécificités, notamment géographiques et démographiques. Les négociations qui ont débuté en 2015 s'inscrivent finalement dans le cadre de l'article 8 du traité sur l'Union européenne, qui prévoit la possibilité pour l'Union de conclure des accords d'association et que complète une déclaration disposant que « l'Union prendra en compte la situation particulière des pays de petite dimension territoriale entretenant avec elle des relations spécifiques de proximité ».

Quels sont les principaux enjeux de l'accord d'association ?

La volonté de Monaco est clairement affirmée « de pouvoir bénéficier d'un accès au marché intérieur européen tout en préservant ses spécificités et sa législation en matière d'autorisation »1(*). Monaco augmenterait ainsi ses exportations vers les États membres de l'Union, qui souffrent pour l'heure de certains obstacles, et verrait l'installation de ses ressortissants facilitée. L'accord permettrait aussi à Monaco de voir appliquées à ses exportations des conditions identiques à celles applicables aux exportations de l'Union européenne dans le cadre des accords commerciaux négociés par l'Union. L'accord avec l'Union européenne favoriserait les régions limitrophes (la France en l'espèce) ce qui permettrait la création d'emplois à Monaco au bénéfice des ressortissants de l'Union. L'accord devrait également inclure une coopération dans les politiques horizontales (environnement, ERASMUS, programmes européens de recherche, etc). Monaco ne se montre toutefois pas prête à faire des compromis pour se conformer aux principes fondamentaux liés au marché intérieur et à l'indivisibilité des quatre libertés. La Principauté est déterminée à sécuriser une exception en ce qui concerne la circulation des personnes afin de préserver la priorité nationale, telle qu'inscrite dans la Constitution, en matière d'emploi et de logement. Ce sujet est particulièrement sensible car la population monégasque est minoritaire dans son propre pays : la Principauté de Monaco compte 36 000 résidents de 121 nationalités différentes et seulement 21,5 % de la population est monégasque. Monaco s'inquiète des conséquences de la liberté de circulation sur le marché du travail et sur l'accès au logement.

La prise en compte des trois autres libertés semble, à première vue, moins critique. Elles sont d'ailleurs déjà en partie traitées à travers les conventions bilatérales.

Un point spécifique est à noter en ce qui concerne l'accès au marché européen des services financiers. Il constitue une priorité absolue pour Andorre et Saint-Marin qui bénéficieraient dès lors sans restriction du passeport financier, sous certaines conditions à définir, liées à la reprise de l'acquis communautaire et à la supervision. Certains États membres, dont la France, ont toutefois marqué des réserves sur cet aspect des négociations qui nécessiterait a minima un renforcement considérable des conditions d'accès au passeport financier. En ce qui concerne Monaco, l'accord monétaire conclu avec l'Union en 2011 précise le cadre de prestation des services bancaires entre Monaco et la France et exclut explicitement la liberté d'établissement au sein de l'Union pour les établissements monégasques. Or le mandat du Conseil précise que l'accord d'association ne remplace ni ne modifie les accords monétaires existants. Il en ressort que les services bancaires pourraient être exclus de l'accord d'association qui nécessite, en tout état de cause, l'accord unanime du Conseil. Pour Monaco, le sujet n'est, en tout état de cause, pas essentiel, le secteur bancaire étant constitué principalement par des filiales et succursales de banques françaises et européennes.

M. Christophe-André Frassa. - Quelles sont les positions respectives dans les négociations ?

Il apparaît que le lancement des négociations est intervenu dans un contexte d'impréparation et d'inquiétude de l'opinion publique monégasque. Cette dernière interprète comme rigide la position de négociation de départ de la Commission européenne et exprime une forme de méfiance vis à vis de l'Union européenne.

La majorité « Primo ! » (Priorité Monaco), qui a obtenu 21 des 24 sièges au Conseil National monégasque aux élections législatives de 2018, reconnaît désormais l'intérêt potentiel d'un cadre modernisé de relations avec l'Union européenne. Elle défend toutefois le succès du modèle économique de la Principauté comme étant fondé sur une certaine souveraineté et autonomie par rapport aux contraintes européennes. Le Conseil national s'est fixé, nous le citons, « des lignes rouges » sur la préservation des spécificités de la Principauté et veut s'assurer de la pérennité des dérogations qui pourraient être négociées. Le Président du Conseil national, Stéphane Valeri, précise que tout accord doit être ratifié par le Conseil national et que cette ratification ne pourra intervenir qu'à la condition que ces lignes rouges soient respectées et la sécurité juridique assurée. La position du Prince de Monaco sera déterminante.

M. Jean Bizet, président. - C'est la phrase la plus brève mais la plus importante.

M. Christophe-André Frassa. - C'est effectivement le cas. Gilles Tonelli, ministre des relations extérieures et de la coopération qui est l'unique négociateur pour la Principauté, sera remplacé à son poste de ministre le 21 octobre. Deux jours après l'annonce de son remplacement, un communiqué du gouvernement princier précise que Gilles Tonelli est nommé ambassadeur, conseiller spécial en charge des négociations avec l'Union européenne. Le communique princier précise que la préservation des spécificités de la Principauté demeure une priorité de la négociation. Gilles Tonelli a porté depuis le début des négociations les sujets tant institutionnels que sectoriels et en informe le Conseil national. La nécessité de respecter les règles du marché intérieur n'est pas remise en cause mais la négociation s'oriente vers une dérogation temporaire à la liberté de circulation permettant de préserver les intérêts des 8 000 Monégasques, tant que la Principauté respecte certains seuils de participation des Européens à la vie économique monégasque, qui fait pour l'heure figure de bonne élève en la matière avec 90 % de salariés d'origine étrangère.

Pour sa part, la délégation de l'Union chargée des négociations, dirigée par le SEAE (Service Européen pour l'Action Extérieure), souhaitait parvenir en juin dernier à la conclusion de l'accord ou, à défaut, à la rédaction d'une déclaration politique sur l'accord cadre commun aux AMS (Andorre, Monaco, Saint-Marin), ainsi que sur certains éléments liés aux demandes de dérogations ou d'exceptions à la reprise de l'acquis. Les négociations devaient originellement se terminer en 2020 mais cette échéance est d'autant plus compromise que le renouvellement des interlocuteurs à la Commission européenne contribue mécaniquement à la repousser et que les Monégasques ne semblent pas encore prêts d'aboutir. Une difficulté supplémentaire est liée à la structure de l'accord cadre global qui doit être négocié avec et pour les trois pays et qui sera complété par des protocoles et annexes spécifiques par pays.

Quelles sont dès lors les perspectives de cet accord Union européenne - Monaco ? Des entretiens avec les principaux interlocuteurs monégasques, nous retenons une forte mobilisation et une grande expertise sur les différents aspects de l'accord d'association. La négociation semble au milieu du gué et ce d'autant plus que les interlocuteurs changent du côté européen. Toutefois les approches, qui semblent actuellement divergentes, devraient pouvoir à terme faire l'objet d'un compromis. En effet la nécessité d'établir un cadre équilibré servant les intérêts de l'ensemble des parties s'impose à tous. La France oeuvrerait opportunément dans cet objectif tant pour l'intérêt européen que pour celui de la relation bilatérale franco-monégasque. Il ne s'agit pas d'éluder l'attachement de Monaco à une mise en oeuvre différenciée des quatre libertés pour préserver les spécificités monégasques mais de concilier ces attentes avec la préservation de l'intégrité du marché intérieur européen, dans une période où l'Union doit faire face à de nombreux enjeux. En l'occurrence, les éléments spécifiques à chaque pays au sein de l'accord d'association doivent permettre de tenir compte des enjeux propres à Monaco. C'est dans ce contexte que l'opinion publique monégasque doit être conduite à voir dans cet accord d'association une opportunité qui, seule, permettra une inclusion durable de la Principauté dans le tissu économique et social européen, gage de sa prospérité future. Je vous remercie.

M. Jean Bizet, président. - Les négociations avancent lentement. Nous avons d'excellentes relations avec la Principauté et il faudrait aller plus avant et avec doigté. Il convient d'attendre de voir comment la Commission européenne va bouger sur ce sujet.

M. Christophe-André Frassa. - Monaco est le plus souverain des trois pays concernés par l'accord d'association. La France pourrait faciliter la négociation en démontrant à Bruxelles que ces trois pays ne sont pas identiques. Le concept latin des micro-États est difficile à appréhender pour une approche anglo-saxone.

M. Simon Sutour. - On sent bien que la principauté de Monaco n'est pas demandeuse de cet accord en raison de l'accès à l'Union européenne qu'elle a déjà via la France et qu'elle est bousculée par l'Union européenne qui veut normaliser la situation. Le problème du logement est un vrai sujet.

M. Christophe-André Frassa. - L'État investit à perte pour que ses nationaux puissent habiter dans leur propre pays. Cette aide nationale au logement se justifie par le fait que les Monégasques sont très peu nombreux à être propriétaires de leur logement dans leur propre pays.

La réunion est close à 10 h 10.


* 1 Source site Gouvernement princier / Monaco et l'Union européenne