- Mercredi 9 octobre 2019
- Projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relatif aux compétences de la prévôté sur le territoire de la République de Djibouti - Examen du rapport et du texte de la commission
- Projet de loi autorisant l'approbation du protocole d'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers - Examen du rapport et du texte de la commission
- Projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Macédoine du Nord - Examen du rapport et du texte de la commission
- Projet de loi de finances pour 2020 - Audition de Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l'administration du ministère des armées
- Projet de loi de finances pour 2020 - Audition du général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale
Mercredi 9 octobre 2019
- Présidence de M. Christian Cambon, président -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relatif aux compétences de la prévôté sur le territoire de la République de Djibouti - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Gilbert-Luc Devinaz, rapporteur. - Monsieur le Président, Mes chers collègues.
Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation du Protocole entre la France et Djibouti relatif aux compétences de la prévôté sur le territoire de la République de Djibouti. C'est le seul protocole de ce genre signé par la France.
À titre liminaire, rappelons ce qu'est la prévôté : il s'agit d'un service de la gendarmerie, institué auprès des forces armées françaises hors du territoire national, à la demande du ministère des armées - ici, à Djibouti -, pour l'exercice, sous la direction des magistrats des formations spécialisées du tribunal de grande instance de Paris, d'une mission de police judiciaire militaire - constatation des infractions commises par ou contre les forces armées, rassemblement des preuves et recherche des auteurs -. La prévôté exerce également une mission de police générale militaire pour assurer le bon ordre et la sécurité des forces. Elle apporte un appui à la force pour sécuriser des événements majeurs des forces françaises. Elle participe à la mission de renseignement pour préserver la sécurité des militaires et des emprises françaises.
Actuellement 33 prévôts sont déployés par la France à l'étranger dans des détachements permanents - outre Djibouti, il y en a, par exemple, aux Emirats arabes unis, au Gabon, au Sénégal, en Côte d'Ivoire et en Allemagne - et 28 dans des théâtres d'opérations extérieures pour des missions de 4 mois - par exemple au Sahel, en Centre-Afrique et en Jordanie. Depuis l'indépendance de Djibouti en 1977, un officier et six gradés de gendarmerie y sont affectés pour des missions de trois ans. En 2018, la brigade a constaté 46 crimes et délits, dont 26 atteintes aux biens et 12 atteintes aux personnes. En 2017, 46 accidents de la circulation ont été constatés et 69 procédures de renseignement judiciaire établies. Globalement, le nombre d'enquêtes décroît en raison de la réduction des effectifs français en mission de longue durée et des campagnes de sensibilisation.
S'agissant du contexte géopolitique, je ne reviendrai pas sur notre rapport sur Djibouti présenté l'année dernière, si ce n'est pour rappeler que la France entretient une relation ancienne et privilégiée avec Djibouti, dont le Français reste une des langues officielles. Sa situation au carrefour de l'Ethiopie, de la Somalie et de l'Erythrée en fait la porte d'entrée de l'Afrique de l'Est et un point de contrôle idéal du détroit stratégique de Bab-el-Mandeb par lequel transite la quasi-totalité du trafic commercial entre l'Asie et l'Europe. Les forces françaises basées à Djibouti (FFDJ) depuis 1977 représentent la première base de pré-positionnement de l'armée française avec 1 450 hommes répartis, pour moitié, entre missions pluriannuelles de longue durée et missions de courte durée de 4 mois. Compte tenu de l'intérêt géostratégique de Djibouti, il y a également une base militaire américaine , une base chinoise ainsi qu'une base japonaise. Portant son projet des routes de la soie, la Chine a largement financé les infrastructures portuaires et ferroviaires de Djibouti dont le remboursement des prêts s'annonce compliqué en dépit d'un moratoire obtenu jusqu'à 2020. La Chine est le principal créancier de Djibouti.
S'agissant du contexte juridique : ce protocole de 2017 actualise le protocole de 1980 sur les compétences de la prévôté à Djibouti, en conformité avec le nouveau traité bilatéral de coopération en matière de défense, signé en 2011 et en vigueur depuis 2014, en particulier son article 16, qui donne à la France la priorité de juridiction pour connaître de toutes les infractions résultant de tout acte d'un membre du personnel français commis en service ou à l'occasion du service, des infractions portant atteinte exclusivement à la sécurité ou aux biens de l'Etat français ou aux biens ou à la personne d'un membre des forces armées françaises ainsi que des infractions commises par les membres des forces françaises au sein des installations mises à disposition des autorités françaises. Par accord tacite entre les Parties, le mécanisme d'abrogation de tous les accords antérieurs n'a pas été appliqué au Protocole de 1980 mais a accéléré sa révision.
Ce protocole précise la répartition des compétences entre la prévôté et la police ou la gendarmerie djiboutienne pour la poursuite des infractions rendant leurs auteurs justiciables des juridictions françaises : la prévôté a la charge d'assurer la mission de police judiciaire avec le concours des autorités djiboutiennes, sauf à agir seule lorsque l'infraction a été commise par un militaire français ou l'un de ses ayants droit dans le périmètre des installations françaises. Le protocole distingue les cas du crime ou du délit flagrant selon qu'il est commis dans les installations françaises par un auteur relevant de la compétence des juridictions djiboutiennes - la prévôté prend alors toutes les mesures conservatoires (garde à vue, conservation de preuves) - ou hors des installations par un auteur relevant des juridictions françaises - la police ou la gendarmerie djiboutienne prend dans ce cas toutes les mesures conservatoires -, chaque autorité informant l'autre. Hors ce cas, tout justiciable des juridictions françaises ne peut être arrêté que par la prévôté, sauf demande contraire des autorités françaises. Si un membre du personnel est poursuivi pour des infractions multiples relevant des juridictions françaises et des juridictions djiboutiennes, il relève de l'autorité judiciaire compétente pour l'infraction dont la sanction est la plus lourde au regard du droit français. Le protocole précise également les modalités d'instruction des plaintes et des dénonciations, de communication des mandats et citations de justice, de transmission et d'exécution des commissions rogatoires. IL raccourcit certains délais en vue d'accélérer les enquêtes.
Outre les stipulations relatives aux accidents de la circulation mettant en cause les membres du personnel et aux accidents survenant à des aéronefs militaires français, le protocole traite de la mission de police générale militaire de la prévôté afin d'assurer la sécurité des forces françaises stationnées, en précisant son degré de coopération avec la police ou la gendarmerie djiboutienne. La prévôté a également pour mission de contrôler le comportement et la discipline des forces françaises en dehors des installations françaises, notamment par des patrouilles mixtes avec la police ou la gendarmerie djiboutienne - et de contrôler les véhicules des forces françaises en cas de déplacement en dehors des installations, y compris lors d'exercices par voie terrestre - respect du code de la route et des décisions de police de la circulation militaire. En 2017, 16 militaires ont été mis en cause dans des procédures délictuelles de conduite sous l'emprise d'un état alcoolique.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Sur le fond, ce nouveau protocole consolide le cadre juridique de l'exercice des missions des prévôts prévu par le protocole de 1980. Il permettra d'améliorer une coopération institutionnelle déjà très satisfaisante, tant du point de vue de la coordination des investigations que de la réciprocité des échanges d'informations directement entre les services d'enquête. Le processus de ratification est toujours en cours côté djiboutien.
L'examen en séance publique est prévu le jeudi 17 octobre 2019 selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.
M. Ladislas Poniatowski. - Le rapporteur a rappelé à juste titre que les Chinois étaient de plus en plus présents à Djibouti mais le plus important, ce sont les prêts et les investissements qu'ils y ont réalisés. À cet égard, le précédent du Sri Lanka est très inquiétant. Incapables de rembourser le prêt chinois, le Sri Lanka a dû « offrir » à la Chine un port qui est devenu un port militaire de grande importance dans cette partie du monde. N'est-ce pas le scénario qui pourrait se dérouler à Djibouti, compte tenu de son importance stratégique ?
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Nous avions évoqué ce point dans notre rapport de l'an dernier. Nous avions indiqué alors que Djibouti serait incapable de rembourser les prêts chinois en 2019 et risquerait alors de passer sous tutelle chinoise. Le moratoire obtenu jusqu'en 2020 renvoie le problème à l'année prochaine mais celui-ci se posera de la même façon. J'ai toujours considéré que les routes de la soie étaient en fait une toile d'araignée tissée par la Chine . En 2020, Djibouti sera incapable de rembourser la Chine et la Chine aura complétement «ficelé » Djibouti.
M. Christian Cambon, président. - Je peux témoigner, à la suite de mon déplacement à Djibouti avec le Président de la République, que l'abandon de ses positions par la France bénéficie immédiatement à la Chine. Les Chinois tiennent un raisonnement simple : si vous ne pouvez plus payer, nous devenons propriétaires. C'est comme cela que la base militaire chinoise a désormais une capacité d'accueil de 10 000 soldats. Il en va de même pour la voie ferrée.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - La présence de la France dans cette partie du globe paraît indispensable , stratégique, notamment s'agissant de la lutte contre le terrorisme. Je veux revenir sur la présence chinoise. On lit ça et là que les Chinois obtiennent des marchés avec des prix extrêmement compétitifs mais qu'ensuite, ils exercent une sorte de chantage, osons le mot, pour réaliser les derniers mètres et qu'alors, ils se rattrapent financièrement. Avez-vous des informations à ce sujet ?
M. Pierre Laurent. - Je constate qu'à chaque fois que nous parlons de Djibouti, la situation des droits de l'Homme est évacuée alors qu' elle est préoccupante. Ce régime avec lequel nous nous entendons très bien, si j'en crois ce rapport, est un régime dictatorial, assez corrompu. C'est un facteur d'instabilité majeur et je rappelle, à ce propos, qu'un des principaux opposants au régime, Mohamed Kadami, président du Front pour la restauration de l'unité et de la démocratie (FRUD), qui vit en France depuis des années sous la protection du droit d'asile, est actuellement dans une situation fragilisée dans la mesure où Djibouti demande son extradition au terme d'une procédure dont je vous laisse apprécier la qualité. Il risque la prison à vie ou la peine de mort. Il y a beaucoup d'opposants qui meurent dans les prisons djiboutiennes. Tout cela semble ne pas compter face à nos intérêts géostratégiques mais même de ce point de vue, je ne suis pas sûr que notre aveuglement sur la situation des droits humains et sur le régime soit un très bon calcul.
Mme Christine Prunaud. - Pierre Laurent vient de très bien dire ce que je voulais dire.
M. Olivier Cadic. - 97 %, c'est le taux d'élucidation des crimes à Djibouti. Puisque la Chine a jeté son dévolu sur Djibouti et on peut le comprendre, compte tenu de son intérêt géostratégique, il faut savoir que RFI n'émet plus à Djibouti. C'est une radio chinoise qui émet en Français à sa place. En début d'année, la Chine a offert à Djibouti 600 caméras à reconnaissance faciale et lorsque je suis passé sur place, les membres des milieux économiques avaient une grande crainte d'être suivis. Dans le cadre de la préparation de ce rapport, avez-vous eu des informations sur ces caméras qui doivent être positionnées auprès des forces de sécurité ?
M. Jean-Marie Bockel. - Tout a déjà été très bien dit. Djibouti n'est certes pas un parangon de vertu en matière de bonne gouvernance et de respect des droits de l'Homme. Si on regarde parmi nos partenaires de la région et ceux qui s'y implantent, on ne trouvera pas non plus beaucoup de parangons de vertu. Je pense que plus notre position sera forte à cet endroit stratégique et plus nous serons en mesure de passer un certain nombre de message concernant les abus. Il y a aussi une autre dimension à prendre en compte. Le choix a été fait de renforcer la relation avec l'Ethiopie, nouveau partenaire majeur dans la région. Un jour ce sera peut-être le tour de l'Erythrée. Je pense que nous avons vraiment intérêt à conforter notre présence à Djibouti et il faut malheureusement faire la part des choses.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Personne n'envisagerait de remettre en cause notre présence dans un lieu aussi stratégique mais notre présence militaire ne suffit pas. Olivier Cadic a évoqué la fin de RFI à Djibouti. C'est important car l'expression française via un média chinois est sujette à caution. Je veux parler de notre présence en termes éducatifs. Il fut un temps où le ministre de la coopération française avait des coopérations extrêmement prégnantes et efficaces avec Djibouti. Je me souviens d'échanges de cadres de l'éducation reçus dans des établissements français et que la France était chargée de former. À travers cette formation technique, passait un certain nombre de messages et de valeurs. Au vu des éléments dont je dispose, il me semble que ce volet s'étiole et c'est très dommage.
M. Richard Yung. - Ma question est relative aux relations entre Djibouti et l'Erythrée. La situation a radicalement changé en Erythrée et la paix a été conclue avec l'Erythrée. Il reste toutefois un conflit frontalier entre le Sud de l'Erythrée et Djibouti. Je voulais savoir si la situation avait évolué.
M. Pascal Allizard. - Plusieurs remarques. S'agissant du port, il y a le nouveau port de commerce financé par les Chinois mais la contrepartie a déjà été donnée. Au droit du camp militaire chinois qui accueille 4 000 personnes, les Chinois sont entrain de construire un quai militaire en eau profonde. S'agissant du chemin de fer, il ne fonctionne pas car il y a dix rotations par semaine alors qu'il en faudrait quatre ou cinq par jour pour l'amortir. J'y suis allé. Les wagons sont posés sur le sable ! Face à la ligne de chemin de fer d'un peu moins de mille kilomètres jusqu'à Addis-Abeba, il y a une route , équivalente à une route départementale française, sur laquelle circulent mille chauffeurs routiers, ce qui représentent mille familles et où il y a des stations-services, des villages financés et entretenus notamment par les Emirats arabes unis : les mosquées et les écoles coraniques y sont neuves. En fait, il y a ainsi tout un écosystème qui fonctionne et qui s'oppose au rail. Les Djiboutiens l'utilisent parfaitement comme moyen de blocage, c'est à prendre en compte. S'agissant de la francophonie, dans notre rapport sur les routes de la soie rédigé avec Gisèle Jourda, nous avions déjà souligné que des Chinois sont formés au Français pour devenir les futurs cadres de l'Afrique francophone.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Je veux rappeler que ce rapport retraite que du protocole relatif aux compétences de la prévôté sur le territoire de Djibouti. Je n'aurai pas la prétention de répondre ce matin à l'ensemble des questions sur la situation globale de Djibouti. Quand la mission de la commission s'est rendue à Djibouti l'an dernier, elle a constaté l'arrêt de toute construction sur le port. Il s'agissait peut-être d'une technique de « chantage » comme cela a été évoqué. Quant à la situation de Mohamed Kadami, c'est en effet un irritant dans les relations franco-djiboutiennes. Je veux rappeler que s'il y a 1 450 militaires français à Djibouti, la répartition entre missions de longue durée et missions de courte durée se fait au détriment des missions de longue durée. C'est mal vécu par les autorités djiboutiennes car les militaires qui viennent avec leur famille font fonctionner l'économie locale en ne vivant pas repliés sur la base militaire comme les Américains et les Chinois par exemple. C'est aussi un très bon moyen de savoir ce qui se passe réellement à Djibouti. Sur la question de l'enseignement français, lors de notre visite, nous nous sommes rendus au lycée français où la situation était difficile, mais elle semble s'améliorer. Cela présente un intérêt pour les enfants des militaires français mais aussi pour les enfants de l'élite djiboutienne. Le lycée va de nouveau être un lieu qui fonctionne. Pour moi, Djibouti est un positionnement stratégique, site de « porte-avion » en zone de crise. Lorsque l'on nous a montré, en commission, la carte des câbles sous-marins, j'ai réalisé qu'un grand nombre de câbles passent sous la Mer rouge et je ne serai pas étonné que les Chinois s'intéressent autant à ce qu'il y a sous la mer qu'à ce qu'il y a au-dessus. Au vu de ces éléments, il importe donc de maintenir notre présence et de voir si la tendance de répartition entre missions militaires de longue durée et de courte durée à Djibouti pourrait être inversée.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité.
Projet de loi autorisant l'approbation du protocole d'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Olivier Cadic, rapporteur. - Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l'approbation du protocole d'accord entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers.
Aujourd'hui, 100 000 Français vivent dans notre pays et travaillent au Luxembourg où ils occupent près du quart des emplois salariés du pays. Leur nombre, qui croît de 3 000 personnes chaque année, devrait atteindre les 135 000 personnes d'ici 2030.
Ces frontaliers, de plus en plus nombreux, font la navette chaque jour entre l'Hexagone et le Grand-Duché, ce qui pose inévitablement des problèmes accrus de transports : notre autoroute A31 est régulièrement congestionnée aux heures de pointe, et l'axe ferroviaire Metz-Thionville-Luxembourg est confronté à des incidents fréquents ainsi qu'à des irrégularités de service liés à la saturation de la ligne. J'ai pu m'en rendre compte lors de mes déplacements au Luxembourg en décembre 2015 - c'est-à-dire quelques semaines après la décision du président Hollande de fermer les frontières à la suite des attentats du 13 novembre - et en juin dernier.
Le protocole d'accord vise précisément à répondre à ces difficultés par la mise en oeuvre d'une politique de transports multimodale et concertée entre les deux parties, qui s'inscrit dans une perspective de développement durable. Cette politique répondra aux besoins de mobilités préalablement identifiés, à travers des projets routiers et ferroviaires.
Dans le domaine ferroviaire, une série d'aménagements devraient pallier la saturation de l'axe qui pourrait intervenir d'ici 3 ans, et permettre d'anticiper les besoins de capacité à l'horizon 2030. À cet effet, sont notamment envisagés : la création de parkings relais, l'allongement des quais dans certaines gares, le doublement des places assises dans les TER aux heures de pointe et la suppression des passages à niveau entre Thionville et la frontière. Ces aménagements permettront de tripler le nombre de voyageurs quotidiens, qui passerait ainsi de 12 000 à 34 000.
Dans le domaine routier, l'objectif est de développer des cars transfrontaliers et le covoiturage, grâce à la création de voies dédiées, de parkings de regroupement et de gares routières. Les infrastructures routières existantes seront adaptées en conséquence :
- côté français, le projet A31 bis prévoit, pour sa partie Nord, l'élargissement à 3 voies de l'A31 entre le nord de Thionville et la frontière franco-luxembourgeoise, ainsi que la création d'un contournement de Thionville par l'Ouest ;
- côté luxembourgeois, une troisième voie de circulation sera créée sur l'autoroute A3, et sa bande d'arrêt d'urgence sera aménagée pour permettre la circulation de cars sur une voie réservée.
La solution retenue est donc multimodale : elle s'appuiera sur les transports collectifs et sera complétée, sur le territoire luxembourgeois, par le développement de moyens de transport plus propres comme le vélo électrique. Si cette solution semble satisfaisante au regard des besoins actuels, on peut toutefois s'interroger sur sa capacité à « préparer l'avenir » au regard de l'évolution rapide du nombre de frontaliers.
Le coût total de ces travaux est estimé à 220 millions d'euros pour le volet ferroviaire, et à près de 20 millions d'euros pour le volet routier.
Le Luxembourg, qui avait participé au financement de la ligne à grande vitesse Est européenne reliant nos deux territoires, a accepté de cofinancer les nouvelles infrastructures réalisées sur le sol français. Le Grand-Duché prendra ainsi à sa charge la moitié du montant des travaux, plafonné, à ce stade, à 120 millions d'euros. En cas de dépassement du budget prévisionnel, les deux Gouvernements sont convenus d'établir un avenant au protocole d'accord, précisant les modalités retenues pour la poursuite et la finalisation du programme.
La part française sera quant à elle cofinancée par l'État et les collectivités territoriales, conformément aux règles classiques des contrats de plan État-Région. La majeure partie des travaux est déjà prise en compte dans le plan de financement du projet de loi d'orientation des mobilités.
En outre, des subventions européennes seront recherchées, via des instruments qui contribuent à la réalisation du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), comme le mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) par exemple.
J'ai auditionné l'ambassadrice du Luxembourg en France et évoqué avec elle la question du financement des projets intéressant nos deux pays, en rappelant l'absence de mécanisme de compensation fiscale, faute d'accord du Grand-Duché. Son pays a une approche pragmatique, portée par son Premier ministre Xavier Bettel, qui me parait tout à fait intéressante : plutôt que de verser une contribution fixe qui ne bénéficierait pas nécessairement à la coopération transfrontalière, le Luxembourg accepte d'étudier toute proposition de projet franco-luxembourgeois et d'apporter, s'il le juge pertinent, une contribution financière. Cette solution permet d'apporter des réponses concrètes à des problématiques locales, et de démontrer aux contribuables la pertinence de la démarche grâce à des résultats tangibles, sans toutefois compenser le manque à gagner fiscal pour notre pays. Une telle approche mériterait alors d'être étendue à d'autres domaines comme la formation du personnel infirmier qui, une fois diplômé en France après des études financées sur nos deniers publics, choisit d'aller travailler de l'autre côté de la frontière où les conditions de travail et de rémunération sont plus favorables.
Enfin, s'agissant de la gouvernance du dispositif, les projets ferroviaires transfrontaliers sont suivis par un groupe de travail franco-luxembourgeois composé notamment de représentants de la région Grand-Est, des gestionnaires d'infrastructures et des entreprises de transport ferroviaire. Un groupe de travail routier a également été créé pour le suivi des projets autour de l'axe autoroutier A31 - A3 ; il est composé, entre autres, des autorités organisatrices de la mobilité par transports collectifs routiers et covoiturage.
La question de la gouvernance est essentielle puisqu'elle conditionnera la réussite des différents projets prévus par le protocole d'accord qui devra être décliné par des textes d'application.
Pour conclure, ce protocole d'accord contribuera, d'une part, à dynamiser l'économie locale en favorisant les échanges transfrontaliers de marchandises, et d'autre part, à améliorer la qualité de vie de nos frontaliers en facilitant leur mobilité quotidienne.
À la lumière de ces observations, je préconise l'adoption de ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 8 juillet dernier. La partie luxembourgeoise a, quant à elle, déjà ratifié ce protocole d'accord, moins de six mois après sa signature, preuve de l'importance qu'attache le Grand-Duché à l'amélioration de la desserte transfrontalière.
L'examen en séance publique au Sénat est prévu le jeudi 17 octobre prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, ont souscrit.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Merci pour ce rapport très complet. Le développement des réseaux routiers et ferroviaires en Europe est une excellente initiative qui pose toutefois la question des contrôles aux frontières pour lutter contre toute forme de trafic, notamment humain, et contre le terrorisme ; il existe en effet quelques foyers au Nord de l'Europe qui pourraient migrer vers la France. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?
M. Jacques Le Nay. - Le financement de ces infrastructures - en particulier des plateformes de covoiturage - est-il pris en compte par le projet de loi de finances pour 2020 ainsi que par le projet de loi d'orientation des mobilités ? Par ailleurs, pourquoi la France a-t-elle négocié un accord bilatéral plutôt qu'un accord européen incluant les autres pays frontaliers ?
Mme Hélène Conway-Mouret. - Il faut veiller à faciliter la mobilité vers l'ensemble de nos pays voisins ; ce protocole d'accord y contribue, et c'est heureux. Paradoxalement, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a décidé de diminuer le nombre d'agents consulaires au Luxembourg alors que le nombre de Français croît dans ce pays. Cette décision est regrettable car elle conduit à une détérioration du service public dans ce consulat.
M. Jean-Marc Todeschini. - Je m'abstiendrai sur ce projet de loi car je doute qu'il puisse améliorer une situation qui n'a pas évolué au cours des vingt dernières années. Le réseau routier est quotidiennement paralysé en direction du Luxembourg et ce, à différentes heures de la journée. Le gouvernement précédent, auquel j'ai appartenu, n'a hélas pas résolu la question, pas plus que les précédents.
Par ailleurs, le Luxembourg surimpose désormais les revenus des frontaliers qui travaillent sur son territoire mais dont le conjoint travaille en France ! Nous sommes tributaires de la bonne volonté de ce partenaire qui a pourtant mis en place un système de compensation fiscale avec la Belgique...
Le projet A31 bis est à l'étude depuis très longtemps et risque de couper la ville de Florange en deux, ce qui n'est pas acceptable. Cela tient au refus du Luxembourg de créer une nouvelle voie d'accès à son territoire, ce qui aurait pu résoudre le problème d'engorgement de l'autoroute A31 avant la frontière. La situation est devenue invivable pour les Français travaillant au Luxembourg, même si les conditions de rémunération y sont plus intéressantes. Comme l'a souligné le rapporteur, notre pays forme des infirmières, des universitaires, qui sont ensuite embauchés de l'autre côté de la frontière.
M. Olivier Cadic, rapporteur. - Pour répondre à notre collègue Sylvie Goy-Chavent, la France et le Luxembourg sont membres de l'espace Schengen ce qui implique une libre circulation des personnes de part et d'autre de la frontière. À la suite des attentats du 13 novembre 2015, le président Hollande avait décidé, le soir même, de la fermeture des frontières alors que des dizaines de milliers de Français devaient se rendre au Luxembourg dès le lendemain pour travailler. Cette décision a engendré d'importantes difficultés de circulation dues à la réduction du nombre de voies sur l'autoroute, et a triplé le temps de trajet quotidien des frontaliers.
Les aménagements ferroviaires éligibles au titre du protocole d'accord ont, pour l'essentiel, vocation à être financés au titre du volet ferroviaire du contrat de plan État-région ; à ce titre, ils entrent bien dans le champ de la loi d'orientation des mobilités. En revanche, je doute que le projet de loi de finances pour 2020 ait prévu des crédits pour ces travaux dans la mesure où la France n'a pas encore ratifié le protocole d'accord.
Les problèmes rencontrés par le consulat de France au Luxembourg ne lui sont pas propres. Les Français de passage dans un pays étranger se rendent parfois au consulat pour refaire leurs pièces d'identité, ce qui accroît la charge de travail des agents consulaires dont les effectifs sont en baisse. À l'occasion de l'examen du programme 151, il faudra interroger le ministre sur la carte du réseau consulaire, son évolution et la stratégie du Quai d'Orsay.
La situation décrite par notre collègue Jean-Marc Todeschini correspond à celle qui m'a été décrite par les frontaliers. L'action de Bruno Théret, conseiller consulaire pour le Luxembourg, vise précisément à améliorer la circulation dans la zone frontalière et, par conséquent, la qualité de vie des frontaliers. Si le temps de trajet ne diminue pas, le Luxembourg aura des difficultés de recrutement en France malgré des salaires plus élevés. Cela explique probablement leur célérité à ratifier ce texte.
S'agissant enfin du système de compensation fiscale, les liens étroits du Luxembourg et de la Belgique, du fait du Benelux, ont favorisé sa mise en place. Pour que le Grand-Duché contribue financièrement à des projets sur notre sol, il faudra conclure des accords comme celui-ci.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité.
Projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Macédoine du Nord - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification du Protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Macédoine du Nord. Une fois ce Protocole ratifié par l'ensemble des parties, la Macédoine du Nord deviendra le 30e pays de l'Alliance atlantique. Il est envisagé que l'accession de la Macédoine du Nord à l'OTAN puisse être entérinée lors du prochain sommet de l'OTAN à Londres en décembre prochain.
Le Sénat est saisi en premier de ce projet de loi de ratification, alors que 23 des Etats membres de l'OTAN ainsi que la Macédoine du Nord elle-même, l'ont déjà ratifié.
Je rappelle que la Macédoine du Nord est un pays des Balkans qui s'étend sur 25 700 kilomètres carrés et compte un peu plus de 2 millions d'habitants. Elle a accédé à l'indépendance en 1991 lors de la dissolution de l'ex-Yougoslavie sous le nom provisoire d' « Ancienne République yougoslave de Macédoine » (ARYM). Pays multiethnique et multiconfessionnel comme la plupart de ses voisins, elle est marquée par un important clivage entre une communauté macédonienne slavophone majoritaire et des minorités dont la principale, qui représente environ 25 % de la population, est la communauté albanaise. La cohabitation n'est pas toujours facile et les tensions intercommunautaires avaient, on s'en souvient, failli entraîner le pays dans la guerre civile au début des années 2000. Ce clivage s'est encore fait sentir lors de la crise politique qui a secoué la Macédoine du Nord en 2017. Cependant, les tensions s'apaisent progressivement et les différentes communautés partagent, en tous cas, une même aspiration à l'intégration du pays dans l'espace euro-atlantique.
Depuis son indépendance, la Macédoine du Nord a en effet fait le choix résolu de se tourner vers l'OTAN et vers l'UE. Lors de son audition, l'ambassadrice de Macédoine du Nord a fait valoir que toute la génération née après l'indépendance avait grandi dans la promesse et le rêve d'un avenir euro-atlantique. Pourtant, si le pays s'est vu accorder le statut de pays candidat à l'Alliance et le bénéfice du Plan d'action pour l'adhésion (MAP) en 1999, toute avancée est restée bloquée du fait du litige qui l'opposait à la Grèce sur la fameuse « question du nom ». Depuis 1991, en effet, la Grèce contestait l'utilisation par son voisin du nom de République de Macédoine, qui a ses yeux ne pouvait désigner la région située au nord de son territoire, correspondant à la Macédoine antique. Lors du sommet de l'OTAN de Bucarest en 2008, qui a donné le feu vert à des négociations avec l'Albanie et la Croatie, les Alliés ont conditionné l'ouverture de négociations avec l'ARYM à la résolution de la question du nom.
Après des années de statu quo, les négociations entre les deux voisins ont repris en 2017 grâce à une volonté politique des gouvernements grec et macédonien, et ont abouti, de manière assez inattendue, à la signature de l'accord de Prespa le 17 juin 2018. Aux termes de cet accord, l'ARYM prend le nom de Macédoine du Nord, tant vis-à-vis de l'extérieur qu'au plan intérieur, et doit supprimer toute référence dans sa Constitution à la protection d'une « minorité macédonienne en Grèce ». Si la population de Macédoine du Nord a eu un peu de mal à accepter l'accord et a soutenu faiblement le référendum sur le sujet - puisque 36 % de la population seulement a voté, même si 91 % des votes ont été favorables). Cet accord n'en ouvre pas moins au pays la voie de l'accession à l'OTAN. Dès le mois suivant, en juillet 2018, les négociations d'adhésion sont lancées et aboutissent à la signature du présent protocole le 6 février 2019.
Comme pour le Monténégro, la perspective de l'adhésion à l'OTAN a été à l'origine de réformes et de progrès en Macédoine du Nord, dont font état les rapports établis chaque année dans le cadre du MAP : renforcement des standards de la police, lutte anticorruption, coopération avec Europol, adoption de documents stratégiques dans le domaine de la défense, renforcement de l'interopérabilité avec les forces de l'OTAN...
Certes, la Macédoine du Nord doit encore progresser en matière d'état de droit et de lutte contre la corruption (le pays figure au 107e rang des 180 pays classés par Transparency International dans ce domaine) et contre la criminalité organisée. Ce pays est, on le sait, en proie à de nombreux trafics (stupéfiants, armes, traite d'êtres humains). Ces considérations expliquent, au demeurant, les exigences de progrès exprimées en juin 2018 par les Etats membres de l'UE au sujet de l'ouverture - recommandée par la Commission européenne - des négociations d'adhésion à l'UE puisque la Macédoine du Nord a obtenu le statut de pays candidat en 2004. Le sujet devrait être examiné de nouveau prochainement par le Conseil européen.
Néanmoins, s'agissant du dossier otanien, force est d'admettre qu'avec la signature de l'accord de Prespa, la Macédoine du Nord a surmonté le principal obstacle qui s'opposait encore à son adhésion.
La contribution financière de la Macédoine du Nord au budget de l'Alliance sera modeste puisqu'elle en représentera 0,072 % (environ 1,7 million d'euros par an). Son budget de la défense s'élève, quant à lui, à 101,3 millions d'euros en 2018, soit 1% du PIB du pays. Il devrait toutefois être augmenté de 0,2 % par an, jusqu'en 2024 afin de tendre vers l'objectif des 2%. Cet effort permettra au pays de moderniser ses forces armées, pour l'essentiel terrestres, et surtout de renouveler leurs équipements qui sont totalement obsolètes.
En outre, la Macédoine du Nord prend part aux opérations extérieures de l'OTAN avec une contribution de 47 soldats à l'opération Resolute Support en Afghanistan et un soutien logistique de la KFOR au Kosovo. Elle participe également à la mission européenne Althea en Bosnie-Herzégovine et pourrait envoyer prochainement, dans le cadre d'un arrangement bilatéral avec la France, deux officiers dans l'opération EUTM RCA (qui est une mission de formation des forces de République centrafricaine), ce qui va dans le sens de nos objectif en Afrique et constitue un signe fort de bonne volonté de la part d'un pays peu habitué à ce type de théâtre extérieur.
Mais pour l'Alliance atlantique, le principal intérêt de cette adhésion est qu'elle contribue à renforcer la stabilité des Balkans occidentaux et s'avère, à ce titre, complémentaire de celle de la Croatie (2009), de l'Albanie (2009) et du Monténégro (2017). Elle s'inscrit en effet dans la politique dite de la « porte ouverte », appliquée à l'égard des pays de l'est de l'Europe après la fin de la guerre froide et qui avait permis, avant l'élargissement aux Balkans, d'accueillir la Pologne, la République tchèque et la Hongrie en 1999, puis la Roumanie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Slovénie et les Etats Baltes en 2004. Il s'agit là d'une démarche d'abord politique qui vise à conforter la sécurité des Alliés en promouvant la paix, la liberté et la démocratie. Comme l'a indiqué une des personnes auditionnées, « l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN cimente une dynamique vertueuse d'apaisement des tensions régionales ».
Pour la Macédoine du Nord, l'enjeu de l'adhésion à l'OTAN est double : outre la sécurité du pays, il s'agit surtout s'intégrer la communauté euro-atlantique et de se rapprocher de l'Union européenne.
Certes, les considérations géopolitiques ne sont pas absentes, compte tenu du rôle joué dans la région par des puissances extérieures (Russie, Chine...). Opposée aux élargissements de l'OTAN, la Russie a bien tenté d'influer sur le processus de ratification de l'accord de Prespa entre la Grèce et la Macédoine du Nord, notamment par un soutien à ses opposants dans les deux pays. Mais sa mobilisation a été moindre que celle manifestée à l'occasion de l'adhésion du Monténégro, pays avec lequel elle a davantage de liens (intérêts économiques, proximité culturelle), sans oublier son accès à la mer.
Pour autant, la Macédoine du Nord ne ressent pas de menace extérieure particulière. L'adhésion à l'OTAN est avant tout perçue - notamment par sa population - comme le corollaire d'un rapprochement avec l'UE, qui fait l'objet d'une forte aspiration, pour des raisons avant tout socio-économiques. Il représente, en effet, l'espoir d'un développement économique du pays, massivement touché par l'émigration des jeunes.
Un mot, avant de conclure sur la position française concernant cette adhésion. La France se montre traditionnellement prudente, pour ne pas dire réticente, à l'égard des élargissements de l'OTAN. Elle a pour préoccupation d'atténuer les malentendus qui pouvaient en découler dans les relations avec la Russie. Pour elle, l'élargissement de l'OTAN ne saurait être une fin en soi, toute candidature à l'adhésion devant être évaluée en fonction de sa capacité à contribuer à la stabilité de l'Alliance. S'agissant de la Macédoine du Nord, la France était opposée à l'adhésion tant que perdurait le litige sur le nom -elle a soutenu le veto grec en 2008 -. La signature de l'accord de Prespa et les progrès réalisés par la Macédoine du Nord dans le cadre du Plan d'action pour l'adhésion l'ont amené à donner le feu vert à cette adhésion.
J'ajouterai qu'il s'agit vraisemblablement du dernier élargissement de l'OTAN avant un certain temps, les perspectives demeurant lointaines pour la Bosnie-Herzégovine et, compte tenu du contexte géostratégique, le sont encore davantage pour la Géorgie et l'Ukraine. Même si le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg a affirmé lors d'une réunion à Tbilissi le 25 mars 2019 que la Géorgie rejoindrait l'OTAN malgré l'opposition de la Russie, suite à l'engagement pris à Bucarest.
Pour conclure et compte tenu de la présentation que je viens de vous faire, vous comprendrez, mes chers collègues, que je ne peux que recommander à notre commission l'adoption de ce projet de loi de ratification qui sera examiné en séance publique le jeudi 17 octobre à 10h30. Il s'agit, je le précise, d'une séance publique demandée par notre commission car l'élargissement de l'OTAN n'est pas un acte anodin.
M. Christian Cambon, président. - Merci à notre rapporteur. Effectivement, c'est rare que la commission demande l'examen d'une convention en séance publique. La Macédoine du Nord est très mobilisée pour obtenir non seulement la ratification de ce protocole d'accession à l'OTAN, mais aussi l'ouverture de négociations d'adhésion à l'UE, ce qui est un sujet compliqué vis-à-vis duquel la France et l'Allemagne se montrent pour le moment réticentes.
M. Pierre Laurent. - Nous ne partageons pas l'idée que cette adhésion s'inscrit dans une dynamique vertueuse pour la sécurité régionale. Cette adhésion est le résultat d'un processus de long terme mené de bout en bout par les Etats-Unis qui ont voulu l'adhésion du Kosovo, de l'Albanie et de la Macédoine du Nord à l'OTAN. D'ailleurs, le Pacte USA/Adriatic signé en 2003 est bien cité sur le site du ministère des affaires étrangères de Macédoine du Nord. Certes, cette adhésion a été différée à cause du différend avec la Grèce mais il s'agit bien d'un processus d'intégration atlantique poussé par les Etats-Unis pour étendre la ligne de front avec la Russie. Avec les résultats brillants que l'on connaît pour la sécurité de la région en Ukraine. La Serbie va se trouver cernée par des pays membres de l'OTAN. Des tensions sont aussi apparues entre la Russie et la Grèce. A nos yeux, il s'agit plus de satisfaire une volonté d'étendre l'OTAN jusqu'aux frontières de la Russie que d'encourager la stabilité régionale. J'ajoute qu'on peut se demander si c'est ce dont la Macédoine du Nord a besoin en priorité. En effet, ce pays dont 40 % de la population est en situation de pauvreté, va devoir augmenter son budget militaire. Quant à dire que son accession à l'OTAN est le premier pas vers une adhésion à l'UE, je crains plutôt qu'elle risque de renvoyer aux calendes grecques son entrée dans l'espace politique et économique européen. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi car nous considérons que cette adhésion ne permet pas de répondre - c'est même tout le contraire - aux problèmes d'intégration économique et de sécurité dans la région des Balkans.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur. - Les Balkans ont été en permanence affectés par des soubresauts, des oppositions et des tensions. Il est donc important de créer cet espace de paix dans la région. C'est aussi un enjeu économique. Oui, la Macédoine du Nord est pauvre et le peuple macédonien espère entrer dans l'UE. Nous devons nous prononcer à ce sujet. Mais le processus d'adhésion à l'OTAN - on l'a bien vu avec le Monténégro - permet de renforcer les structures, de lutter contre la corruption et de donner de l'espoir à un pays. Concernant la Serbie, je rappelle qu'elle coopère - et de manière efficace - avec l'OTAN. Nous ne pouvons pas refuser de ratifier ce protocole.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi précité, le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste votant contre, et huit sénateurs s'abstenant.
La réunion est ouverte à 10 heures.
Projet de loi de finances pour 2020 - Audition de Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l'administration du ministère des armées
M. Christian Cambon, président. - Dans le cadre de nos auditions budgétaires, j'ai le plaisir d'accueillir pour la première fois devant notre commission, Mme Isabelle Saurat, nouvelle secrétaire générale pour l'administration du ministère des armées. Votre carrière a été brillante tant dans le public - vous êtes conseillère maître à la Cour des comptes et avez été directrice de l'immobilier de l'État - que dans le privé, où vous avez été ingénieure. Vous avez la responsabilité du programme 212 « Soutien de la politique de la défense », doté de 22 milliards d'euros et qui finance les dépenses de personnel, de soutien, d'infrastructure, d'immobilier et de systèmes d'information de la mission « Défense ».
Cette audition est filmée et fait l'objet d'une retransmission sur le site internet du Sénat.
L'état de sous-consommation des crédits de personnel est préoccupant ; il est en outre symptomatique de la faible attractivité de nos armées. En 2018, 255 millions d'euros avaient été non consommés sur le titre 2 et réaffectés en fin de gestion à d'autres dépenses comme, par exemple, les opérations extérieures (OPEX). Quelles mesures avez-vous prises pour éviter que ce scénario ne se reproduise en 2019 et en 2020 ? Le titre 2 ne doit pas devenir une provision destinée à financer d'autres dépenses, alors que les besoins en personnel du ministère ne sont pas satisfaits !
Les crédits consacrés à la politique immobilière font l'objet cette année d'un redéploiement partiel du programme 212 vers les programmes 146 et 178. Pourquoi ce redéploiement et quelles en sont les conséquences ?
Depuis de nombreuses années, notre commission est soucieuse de l'état dégradé de nos infrastructures militaires. Or la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 (LPM) ne permet pas de couvrir tous les besoins. À combien s'élèvent les besoins non financés ? Du point de vue de la gouvernance, quels sont les efforts réalisés en vue d'une plus grande subsidiarité de la politique immobilière ? Parviendrez-vous à dépenser tous vos crédits d'infrastructure en 2019 ?
Nous avons exprimé à plusieurs reprises des doutes sur le bien-fondé de la cession du Val-de-Grâce. Où en sont les négociations ? Une disposition de la LPM, pour laquelle le Sénat s'était battu, prévoit le retour au ministère des armées de l'intégralité du produit de ses cessions immobilières ; comment sera-t-elle appliquée ?
Le nouveau logiciel de paie Source Solde est progressivement introduit au ministère des armées : il l'est cette année dans la marine, et le sera l'an prochain dans l'armée de terre - ce sera un moment de vérité. Comment ce basculement s'est-il opéré dans la marine ? Combien l'échec cuisant de Louvois et son remplacement par un nouveau logiciel ont-ils coûté à l'État ?
Enfin, pouvez-vous nous indiquer le coût précis de l'expérimentation du service national universel (SNU) en 2019 pour le programme 212 ? Comment cette expérimentation est-elle financée ? Un abondement en provenance du budget de la jeunesse est-il prévu ? Ma question vaut aussi pour 2020 alors qu'aucun financement spécifique n'est prévu dans le projet de loi de finances (PLF) pour le SNU, en contradiction totale avec ce que prévoit la LPM. Lorsque la ministre des armées m'a reçu avec les rapporteurs pour avis afin de nous présenter le PLF pour 2020, nous avons demandé la création d'une ligne budgétaire spécifique pour identifier les dépenses liées au SNU.
Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l'administration du ministère des armées. - Les crédits du ministère des armées prévus au PLF pour 2020 s'inscrivent dans la trajectoire de la LPM et confirment l'impulsion donnée il y a deux ans en faveur des armées. Le budget de la mission « Défense » s'établit à 37,5 milliards d'euros hors pensions, en augmentation de 1,7 milliard d'euros par rapport à 2019 à périmètre constant. Cette augmentation n'est que de 1,6 milliard d'euros à périmètre courant en raison de la suppression du dispositif des loyers budgétaires pour un montant de 89,9 millions d'euros. Les loyers budgétaires ont en effet été supprimés en 2019 dans l'ensemble des budgets des ministères civils et le seront en 2020 pour le budget des armées.
L'augmentation de 4,5 % de notre budget par rapport à 2019 est conforme à la trajectoire de la LPM et porte l'effort national de défense à 1,86 % de la richesse nationale. Les crédits de la mission « Défense » reflètent les ambitions et les priorités portées par le Président de la République et la ministre des armées.
Cette année, les crédits alloués reposent intégralement sur des ressources budgétaires, et nous poursuivons la sincérisation de la provision pour les OPEX et les missions intérieures (MISSINT), qui s'établit pour 2020 à 1,2 milliard d'euros, un montant désormais plus proche de la réalité de l'engagement opérationnel de la France constaté ces dernières années.
Le programme 212 « Soutien de la politique de défense » comporte, depuis 2015, la totalité des crédits de personnel du titre 2. À compter de 2020, une nouvelle répartition des crédits d'infrastructure se traduit par le transfert de 1,2 milliard d'euros du programme 212 vers les programmes 146 et 178. Les crédits d'infrastructure des programmes d'armement - par exemple, pour la réfection des bassins destinés au Barracuda - sont transférés au programme 146, à hauteur de 320 millions d'euros. Les crédits d'infrastructure à caractère opérationnel sont transférés au programme 178, à hauteur de 879 millions d'euros ; ce transfert permettra notamment la déconcentration, au niveau des bases de défense, de 400 millions d'euros de crédits d'entretien du locataire. Le périmètre du programme 212 se concentre donc désormais sur le financement des infrastructures liées aux réseaux - électricité, eau, etc. - et aux bâtiments d'intérêt général ainsi qu'aux conditions de vie et de travail du personnel et des familles - logements familiaux et hébergements en enceinte militaire, pour 509 millions d'euros. Même si les crédits d'infrastructure sont désormais répartis sur trois programmes, le secrétariat général pour l'administration conserve la responsabilité de la politique immobilière ministérielle. Cette nouvelle architecture de nos crédits d'infrastructure explique la diminution du niveau des crédits de paiement du programme 212, qui s'établit pour 2020 à 1,3 milliard d'euros hors titre 2, contre 2,6 milliards d'euros en 2019.
S'agissant de la masse salariale, le titre 2 sera doté en 2020 de 20 779 millions d'euros, dont 8 571 millions d'euros pour le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », 250 millions d'euros pour les OPEX et 100 millions d'euros pour les MISSINT. Le schéma d'emplois se traduit par une augmentation de 300 emplois pour répondre aux enjeux liés à la transformation des armées. Ces créations contribueront à renforcer la sécurité des emprises militaires, à agir dans l'espace numérique - avec 100 emplois pour la cyberdéfense - et à consolider les capacités de recueil de renseignement. Avec 27 000 recrutements prévus en 2020, dont 4 100 personnels civils, le ministère conserve sa place de premier recruteur. L'une des priorités de notre politique de ressources humaines est de conserver l'attractivité des carrières et de fidéliser nos personnels, dans un contexte marqué par la reprise économique et donc une concurrence exacerbée. Le budget consacré à la prime de lien au service, créée l'an dernier, sera renforcé, et le régime indemnitaire des fonctionnaires de l'État (RIFSEEP) pour les personnels civils sera également revalorisé.
Les mesures que nous prévoyons en faveur de l'amélioration des conditions de vie du personnel et de leurs familles s'inscrivent dans l'objectif de la LPM de se situer, comme le formule la ministre, « à hauteur d'homme ». En 2020, le plan Famille bénéficiera de 76 millions d'euros, soit 20 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2019. Ce plan est doté de 300 millions d'euros sur la période 2018-2022 et de 530 millions d'euros sur la période de la LPM 2019-2025. Il permettra d'améliorer la condition du personnel, l'action sociale, la formation professionnelle des conjoints, le logement familial et l'hébergement, aussi que le déploiement du wifi. L'investissement sera de 140 millions d'euros par an à compter de 2020 et pendant sept ans, pour un plan total de 700 millions d'euros. En matière d'action sociale, le montant inscrit au programme 212 est minoré par une mesure de transfert vers le programme 178 de crédits dédiés à l'amélioration du cadre de vie en enceinte militaire pour permettre la déconcentration des décisions.
Sont inscrits au programme 212 les crédits destinés au financement des infrastructures d'intérêt général - pour un montant de 122 millions d'euros de crédits de paiement -, du logement familial - 145 millions d'euros -, des infrastructures d'action sociale - 4,7 millions d'euros -, des restructurations de sites - 32 millions d'euros -, de diverses opérations immobilières conduites par l'administration centrale - 30 millions d'euros - et des efforts de soutien et de maintenance - 173 millions d'euros. Nous avions repéré en 2014 des points noirs dont les quatre cinquièmes ont été réglés ; il nous en reste une centaine à traiter, par ordre de priorité en fonction du niveau de dégradation. Enfin, 162 millions d'euros de crédits de paiement seront consacrés aux systèmes d'information.
L'opération envisagée sur le Val-de-Grâce n'est pas à proprement parler une cession. Il s'agit d'un projet interministériel, impliquant le ministère de la santé et celui de l'enseignement supérieur, qui conservera une dimension santé. Une soulte pourrait nous être reversée le moment venu. Nous allons développer la production d'énergie solaire sur certaines de nos emprises ; nous entamons des discussions pour obtenir le retour des redevances ainsi perçues.
Aucun financement du ministère des armées n'est prévu pour le SNU, qui est piloté par le ministère chargé de la jeunesse. Forts de notre expérience d'accueil des 760 000 jeunes chaque année dans le cadre de la journée défense et citoyenneté (JDC), nous avons apporté notre soutien à la première phase du SNU en 2019. Nous avons ainsi apporté appui et conseil à la mission de préfiguration, mis à disposition des locaux militaires pour la formation des 250 encadrants et fourni les supports et les animateurs de la journée défense et mémoire nationales ; le tout pour une dépense inférieure à un million d'euros.
S'agissant de la sous-consommation des crédits du titre 2, à ce stade de l'année, je peux vous indiquer que notre plan de recrutement se déroule conformément aux prévisions, à l'exception de deux secteurs au sein desquels nous constatons des tensions : le service de santé des armées et la marine. Nous sommes même en avance sur le plan de recrutement des civils ; j'ai décidé de ne pas le ralentir pour autant. Une inconnue demeure : ces recrutements prévus vont-ils se concrétiser ? Nous attendons en effet plus de 9 000 entrées dans les écoles en ces mois de septembre et octobre ; nous ferons un point précis à la mi-octobre. J'ai donc une confiance mesurée quant à notre capacité à consommer les crédits inscrits au titre 2 en 2019 ; en tout état de cause, je pense raisonnablement que nous ferons mieux qu'en 2018.
M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis des crédits du programme « Soutien de la politique de la défense ». - En écho à la question posée par M. le président en préambule concernant le SNU, je voudrais revenir sur le coût de l'expérimentation du SNU sur les crédits du titre 2. La réponse au questionnaire budgétaire évoque un « impact négligeable », chaque volet - recrutement et formation des encadrants, animation de la journée défense et mémoire nationales, évaluation du niveau scolaire des jeunes, etc. - étant assuré « sans titre 2 dédié ». À première vue, on pourrait se réjouir que la surcharge ait été absorbée, comme par enchantement. En réalité, il est évident que le personnel qui a été occupé, même à temps partiel, par le SNU, l'a été au détriment de ses missions habituelles. Or le dispositif du SNU va monter en puissance : qu'en sera-t-il en 2020 ? Est-il prévu que le programme 212 bénéficie d'un abondement du budget de la jeunesse en cours d'année pour compenser la consommation d'équivalents temps plein (ETP) induite par le SNU ?
Avec mon collègue Gilbert Roger, en tant que rapporteurs pour avis des crédits du programme 212, nous avons demandé communication du nombre de bénéficiaires et du montant de chacune des 152 primes et indemnités perçues par les militaires. Or, dans la réponse écrite que nous avons reçue, 23 d'entre elles n'étaient pas renseignées au motif que « le montant et le nombre de bénéficiaires n'étaient pas disponibles dans la base de données RH du ministère ». Nous versons des primes, mais nous ne savons ni combien ni à qui ! Je suis inquiet qu'une information aussi essentielle fasse défaut dans vos services au moment même où une importante réforme dite « nouvelle politique de rémunération des militaires » est engagée pour simplifier le système. Êtes-vous en mesure de nous communiquer rapidement les chiffres demandés pour les 23 primes concernées - parmi lesquelles la dotation personnelle pour frais de représentation des maréchaux de France et, plus sérieusement, l'indemnité de départ en campagne, la récente prime de lien au service ou la non moins récente indemnité spécifique de haute responsabilité, etc. ?
M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis des crédits du programme « Soutien de la politique de la défense ». - Dans le cadre de la LPM, le Sénat a fait adopter un dispositif, dit décote Duflot, qui permet de réserver davantage de logements sociaux en zones tendues au profit des militaires, tout particulièrement dans Paris intra-muros. Cette disposition est-elle appliquée ? Nous attendons des chiffres précis sur le nombre de logements ainsi réservés.
Vous nous annoncez des efforts supplémentaires en matière de politique immobilière. Pouvez-vous nous garantir que, au détour des changements de périmètre que vous nous avez exposés, les crédits n'ont pas été rognés ? Il est indispensable de maintenir nos efforts en faveur de l'amélioration des conditions de vie, de travail et de logement.
M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis des crédits du programme « Équipement des forces ». - Le programme 146 comporte 320 millions d'euros dédiés au financement des infrastructures d'accueil des équipements des armées et je m'en réjouis. Pouvez-vous nous préciser les infrastructures concernées ? La prime de lien au service est une très bonne idée, mais son montant est-il suffisant pour garantir son efficacité ?
M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis des crédits du programme « Environnement et prospective de la politique de défense ». - Nous sommes soucieux du maintien de l'attractivité des métiers militaires et de la concurrence avec le secteur privé. Quelles sont les évolutions récentes ? Des partenariats ont-ils pu être noués avec des structures privées ?
M. Jean-Marie Bockel, rapporteur pour avis des crédits du programme « Préparation et emploi des forces ». - J'aimerais avoir des précisions sur les crédits du programme 178. Vous avez, à raison, décidé de rapprocher les décisions du terrain ; mais tous les niveaux seront-ils prêts à consommer les crédits supplémentaires qui sont annoncés pour les armées et dont je me réjouis ?
Mme Christine Prunaud, rapporteure pour avis des crédits du programme « Préparation et emploi des forces ». - Nous ne sommes pas tous d'accord sur l'utilité et le contenu du SNU. Néanmoins, nous sommes unanimes à souhaiter que le budget et les effectifs des armées ne soient pas impactés par ce dispositif. En 2019, une première expérimentation a eu lieu dans huit départements, impliquant non pas des infrastructures militaires, mais un encadrement militaire. En 2020, quelle ligne budgétaire sera-t-elle ponctionnée ? À titre personnel, j'estime qu'il vaudrait mieux renforcer les dispositifs existants comme le service civique. Je rappelle également que le SNU est un projet pour les jeunes, axé sur la vie et la citoyenneté ; ce n'est pas un prérecrutement pour l'armée. J'espère que le Gouvernement reviendra sur son projet.
M. Jacques Le Nay. - Le nouveau logiciel Source Solde a heureusement remplacé Louvois. Il doit cependant faire face à de nouveaux défis comme celui du prélèvement à la source. Par ailleurs, les soldes de nos militaires sont rarement identiques d'un mois à l'autre. Pouvez-vous nous préciser les moyens que vous avez mis en oeuvre pour faire face à ces difficultés ? L'an dernier, dans le PLF pour 2019, le Parlement a voté une allocation de 106 834 euros en faveur des 26 harkis anciens membres des formations supplétives ; or le ministère des armées n'a pas attribué cette allocation. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi et nous préciser les mesures que vous comptez prendre pour faire aboutir ce dossier ?
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Les crédits d'investissement diminuent drastiquement alors que le Gouvernement avait annoncé leur augmentation en 2018, générant de la déception sur le terrain. Pouvez-vous nous apporter des éléments d'explication ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Les jeunes Français de l'étranger n'auront pas accès au SNU et, dans un premier temps, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a annoncé la suppression des JDC pour des raisons budgétaires ; il s'agit pourtant d'une demi-journée à peine ! Finalement, grâce à de multiples interventions, les JDC organisées à l'attention des jeunes Français de l'étranger pourront être maintenues, au cas par cas et au bon vouloir des consulats. Permettez-moi de vous rappeler que la moitié de ces jeunes est binationale et que cette JDC est souvent la seule occasion de développer chez eux un esprit de défense et de citoyenneté. J'ai besoin de votre aide pour maintenir ces journées !
M. Jean-Marc Todeschini. - Vous prévoyez d'augmenter de plus de 780 millions d'euros les crédits consacrés à l'amélioration des conditions de vie de nos soldats et des personnels. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les 40 millions d'euros destinés à la fidélisation, sur les 76 millions d'euros destinés au plan Famille, sur les 120 millions d'euros destinés aux travaux ainsi que sur les 540 millions d'euros prévus pour la maintenance et l'entretien. En particulier, je souhaiterais savoir à quelles régions et à quelles casernes, ces derniers crédits vont bénéficier.
Mme Isabelle Saurat. - En 2020, sur le programme 146, nous prévoyons notamment d'aménager les infrastructures d'accueil du Scorpion, du Rafale, du Barracuda, de l'A400M. En ce qui concerne le programme 178, des opérations de sécurisation seront menées sur l'emprise de Fontvieille, le programme Cerbère bénéficiera de 21 millions d'euros et des chambres de l'hôpital d'instruction des armées Bégin seront réaménagées.
Bien que 400 millions d'euros soient désormais déconcentrés au profit des bases de défense, le pilotage global des crédits d'infrastructure continuera à être assuré par le service d'infrastructure de la défense (SID), afin notamment d'en rendre compte, fidèlement et de manière consolidée, devant la représentation nationale.
Au sujet de la décote Duflot, à chaque fois que la vente d'une emprise est envisagée dans une zone où des besoins de logements sociaux se font sentir, nous privilégions les projets comportant la construction de logements sociaux.
La prime de lien de service a été mise en place en 2019 et les premiers paiements sont intervenus à la fin du mois de septembre 2019, ce qui peut expliquer qu'aucune donnée concernant cette nouvelle prime ne figure dans la réponse au questionnaire budgétaire qui vous a été transmise. Ainsi, 8,7 millions d'euros ont ainsi été versés à quelque 6 000 militaires, en contrepartie d'un nouvel engagement de plusieurs années, pour des montants unitaires allant de 5 000 à 25 000 euros, voire 50 000 euros pour des médecins militaires. Cette prime est à la main des gestionnaires des ressources humaines qui peuvent choisir les métiers en tension qu'ils souhaitent privilégier.
Dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), nous avons engagé une remise à plat du paysage particulièrement foisonnant des régimes indemnitaires. Nous décomptons en effet pas moins de 120 primes, dont seulement 80 sont véritablement actives. Nous travaillons à l'élaboration d'un cadre commun à tous les militaires, par la définition de huit rubriques permettant de rendre compte des sujétions militaires singulières - vie en garnison, mobilité géographique imposée, etc. Ces travaux préparatoires devraient s'achever au cours du premier semestre de 2020, pour une mise en place progressive à compter de 2021.
Concernant l'attractivité de nos métiers, les niveaux de rémunération que nous offrons aux informaticiens contractuels sont désormais beaucoup plus compétitifs et permettent désormais de recruter.
Depuis le mois de juin, toutes les paies de la marine sont traitées par le nouveau logiciel Source Solde. Il semblerait que tout se soit bien passé ; nous sommes confiants ; vous comprendrez cependant, compte tenu des déboires que nous avons connus par le passé avec Louvois, que je reste prudente. Le déploiement de Source Solde est prévu sur plusieurs années, avec, notamment, son extension à l'armée de terre en 2020. Les dysfonctionnements de Louvois sont désormais maîtrisés ; nous n'avons plus, en moyenne chaque mois, que 180 dossiers à traiter hors Louvois, soit à peine 4 % des soldes.
Le général Ménaouine est particulièrement attentif à la situation des jeunes Français de l'étranger. Ceux-ci pourront avoir accès soit aux JDC organisées par les consulats, soit, pour ceux qui reviennent régulièrement en France, au SNU. Les 30 millions d'euros de crédits qui financent le SNU sont inscrits au programme 163 « Jeunesse et vie associative ».
M. Christian Cambon, président. - Mais le jour où le SNU sera généralisé, le coût sera différent, même pour la seule journée défense et mémoire nationales !
Mme Isabelle Saurat. - Mme la secrétaire d'État Geneviève Darrieussecq nous a demandé de contacter les anciens membres des formations supplétives. Vingt-cinq d'entre eux ont été contactés : six sont accompagnés par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) ; sept n'ont pas exprimé de besoin ; six n'ont pas donné suite ; deux ont été aidés à hauteur de 3 000 euros chacun et un dossier est encore en cours d'examen.
M. Christian Cambon, président. - Nous vous remercions de votre participation.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est ouverte à 11 h 15.
Projet de loi de finances pour 2020 - Audition du général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale
M. Christian Cambon, président. - Mon général, nous sommes très heureux de vous recevoir pour la présentation des crédits du programme 152, consacré à la gendarmerie, d'autant que ceci me permet de vous rendre hommage. Vous allez en effet quitter l'institution dans quelques jours. C'est donc votre dernière intervention devant le Sénat.
Je voudrais, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, vous dire toute notre reconnaissance. Chacun de nous a apprécié votre franchise, la précision de vos propos, et votre volonté de partager avec nous les grands enjeux de la gendarmerie. Dieu sait si, au cours de ces dernières années, vous avez dû surmonter des défis particulièrement difficiles à relever. Vous vous en êtes ouvert à nous en avec beaucoup de confiance. Vous savez l'attachement que nous portons tous, dans cette maison qui représente les territoires, à notre gendarmerie nationale et à l'engagement des femmes et des hommes qui la composent.
Vous avez également dû vous battre sur le plan budgétaire pour trouver quelques marges de manoeuvre afin de préserver la capacité de la gendarmerie à remplir ses missions. Acceptez donc une fois encore notre reconnaissance. Je serai personnellement présent lors de votre cérémonie de départ, peut-être avec d'autres collègues.
Je parlais de marges de manoeuvre. Malheureusement, cette année n'échappe pas à la rigueur budgétaire et fait écho aux inquiétudes des parlementaires qui ont notamment donné lieu à la création de deux commissions d'enquête au Sénat et à l'Assemblée nationale. Nous préconisons en particulier depuis plusieurs années un effort d'investissement massif pour remettre à niveau le parc automobile et l'immobilier, car s'il existe de belles réalisations, certaines gendarmeries ne sont pas belles à voir. Or le nouveau projet de loi de finances prévoit plutôt un tassement des crédits - pour ne pas parler de diminution.
Nous avons aussi des inquiétudes sur les moyens de fonctionnement qui vous sont consentis et qui stagnent, alors même que l'on prévoit l'augmentation des effectifs. Il y a là une distorsion inquiétante. Vous nous direz quelles sont vos pistes pour maintenir un niveau de service adéquat.
Par ailleurs, l'institution connaît des évolutions importantes, comme la création, au sein du ministère de l'intérieur, de la direction du numérique ou du service des achats, de l'innovation et de la logistique (SAILMI). Tout ceci doit permettre de mutualiser certaines fonctions et - en théorie du moins -, de réaliser des économies d'échelle. On est toujours très inquiet quand ces réorganisations rassemblent sous un même sigle des services qui étaient quelque peu éparpillés. Peut-être y a-t-il derrière ceci une bonne intention : vous tenterez de nous dire quelles sont les conséquences de ces réformes pour la gendarmerie et s'il n'existe pas un risque de centralisation excessive qui pourrait nuire à la réactivité et à la proximité de terrain.
C'est encore une fois avec un sentiment d'inquiétude que nous abordons ce budget.
Comme d'habitude, je vous donne d'abord la possibilité de vous exprimer sur ce budget, puis nos collègues Philippe Paul et Yannick Vaugrenard, en tant que rapporteurs pour avis, s'exprimeront avant les interventions de nos collègues.
Général Richard Lizurey. - Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, c'est en effet la dernière fois que j'ai l'occasion de vous remercier pour le soutien que la gendarmerie a toujours reçu de la part des sénateurs, notamment lors de son passage par le ministère de l'intérieur, en 2009, action déterminante dans le cadre fixé à l'époque, alors que cette période avait constitué un moment d'inquiétude et d'appréhension. Nous avons bénéficié du soutien très appuyé du Sénat dans le maintien du socle de valeurs que nous avons su conserver tout au long de ces années.
Le soutien de votre commission ne s'est jamais démenti. Vous évoquiez les batailles budgétaires qui - et c'est normal - font partie de la vie de l'État. Nous sommes tous comptables du budget de la Nation et de l'argent public, mais il est également important de savoir fixer des priorités et de trouver un soutien dans les territoires.
Je me permets de le souligner car, comme vous l'avez dit, la gendarmerie est l'arme des territoires. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons remis le contact au centre de notre métier. Le contact et la proximité sont l'ADN de notre mission.
Nous avons progressé, et il reste encore des marges de progrès, mais nous avons véritablement réinvesti un certain nombre de territoires. Le gendarme sait aujourd'hui que l'essence de son métier consiste à aller vers les autres : la gendarmerie n'existe pas pour elle-même mais pour les citoyens qu'elle est chargée de protéger. Dans ce domaine, nous avons besoin de votre vision, de vos retours, ainsi que de votre soutien, pour lequel je vous remercie.
Merci également pour les mots que vous m'avez adressés. Je les transmettrai aux 130 000 personnels d'active et de réserve, qui sont au coeur du système. Je dis souvent que le directeur général est un VRP qui ne peut vendre qu'un bon produit. Si le produit n'est pas bon, cela ne peut fonctionner. Je considère que le produit est aujourd'hui excellent. Il peut être encore meilleur demain, mais le souhait de tous les personnels est d'être au service des autres, de s'engager et de protéger nos concitoyens.
On l'a bien constaté à travers les événements de l'année qui vient de s'écouler, par exemple le G7, sous l'autorité du ministère de l'intérieur. L'ensemble du ministère a été mobilisé. Cela fut une belle réussite, qui doit tout à la planification et au travail collectif.
Nous avons aussi connu des moments plus délicats, comme le mouvement des « gilets jaunes » qui, depuis le 17 novembre 2018, a mis le modèle à l'épreuve dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la tactique ou de la gestion des escadrons de gendarmerie mobile.
Je salue aussi l'engagement exceptionnel des personnels. Je rappelle que, le 8 décembre 2018, nous avions sur le terrain 65 500 personnes, dont 6 000 réservistes. Aujourd'hui encore, 2 000 réservistes contribuent au service public sur le terrain, en plus de leurs activités professionnelles. On parle souvent de perte de valeurs : on ne peut qu'être fier de leur engagement.
Le schéma national de maintien de l'ordre, tel qu'il est souhaité par le ministre de l'intérieur, nous donne l'occasion de réfléchir avec nos collègues de la police nationale, mais aussi des universitaires et un certain nombre de personnalités extérieures. Il faut en effet désormais adapter nos modes d'action. La société bouge tous les jours et les institutions doivent se montrer tout aussi agiles.
Il ne faut pas tenir des certitudes pour acquises, mais systématiquement adapter notre raisonnement et nos dispositifs aux besoins. C'est dans ce cadre que la fonction de contact est essentielle, parce qu'elle permet de prendre le pouls de la société, des citoyens et des élus.
La fonction de contact est au coeur du projet d'entreprise qui est le nôtre. Cela fait trois ans que nous avons mis en place 42 brigades de contact. Nous avons aussi 250 groupes de contact différents, avec des dispositifs circulant à bord de véhicules, dans les centres commerciaux...
J'ai souhaité « redonner les clefs du camion » au terrain, car c'est le terrain qui commande. 3 100 brigades territoriales, ce sont 3 100 réalités différentes. Il est donc illusoire et dangereux d'imaginer une politique partant d'en haut, qui explique à chaque gendarme comment procéder sur le terrain. C'est le gendarme qui doit expliquer au directeur général la manière dont les choses fonctionnent. C'est le sens du travail que nous avons réalisé durant ces dernières années, qui s'est encore amplifié au cours des mois écoulés grâce aux remontées du terrain et à l'innovation participative.
Nous avons redynamisé la feuille de route en la transformant en « Cap modernisation ». Aujourd'hui, chaque gendarme peut interroger la direction générale ou proposer n'importe quelle modification du processus. Il aura une réponse dans les quinze jours, par principe positive. On a changé le paradigme : auparavant, on proposait quelque chose et l'administration centrale expliquait doctement, trois mois après, que ce n'était pas possible. On a inversé la donne : le terrain a raison, sauf si, au niveau central, il existe un argument majeur pour expliquer qu'il a tort. Ceci change complètement la manière de voir les choses. On donne l'initiative au terrain et cela permet, en cas de doute, de lancer l'expérimentation.
Le droit à l'erreur est aujourd'hui reconnu et nous permet d'avancer très vite. Il permet surtout aux gendarmes de vivre leur métier de la manière dont ils estiment devoir le vivre et de réaliser leurs missions comme ils pensent devoir le faire. C'est à eux qu'il faut « donner les clefs du camion » !
Ceci a été amplifié au cours de l'année écoulée. « Cap modernisation », ce sont 400 propositions, dont environ 40 à 50 ont été validées et partagées. Nous avons également poursuivi un travail de modernisation technologique. L'important, en matière de contact, c'est le temps. Il faut retourner dans les « bistrots ». Cela a fait rire quand je l'ai dit la première fois, mais c'est là où on a le renseignement, l'information, où la vie locale s'exprime.
Comment donner du temps aux gendarmes ? D'abord en supprimant les missions indues. Ce travail a été engagé sous l'autorité du ministre de l'intérieur et de la ministre de la justice. Une grande partie de nos missions récurrentes ont en effet trait à la procédure pénale. Le travail sur la procédure pénale numérique est un travail extrêmement intéressant, porteur de beaucoup d'espoirs. Le gendarme en attend un allégement de ses missions dans ce domaine.
Les autres tâches indues concernent les missions d'extraction pénitentiaire. Les choses se sont normalisées. Le travail qu'on a effectué à ce sujet porte à présent ses fruits.
Donner du temps au gendarme, c'est aussi disposer de moyens technologiques. Néogend, déployé fin 2017, représente 67 000 tablettes et smartphones. L'objectif du prochain marché, à partir de 2020, est de 100 000 terminaux. Une partie des crédits budgétaires y est d'ailleurs consacrée, soit 72 millions d'euros. Cet équipement, qui offre l'accès à la totalité des données, permet d'imaginer la fin des ordinateurs de bureau d'ici deux à trois ans.
À moyen terme, cela représente des économies budgétaires intéressantes et libère du temps, puisqu'on n'entre les données qu'une seule fois dans la machine grâce à une intelligence sinon artificielle du moins augmentée. Ce gain temps sera réinvesti dans le contact, car on passe souvent plus de temps à évaluer les choses qu'à agir. Cela ne veut pas dire qu'il faut abandonner toute évaluation, mais ceci doit laisser suffisamment de temps aux gendarmes pour travailler.
Le gendarme doit aller vers la population, ainsi que vers les élus. J'ai donc besoin de votre retour. Si un élu me dit que tout va bien, je considère que l'évaluation est faite. Si un élu me signale un problème, c'est qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Ce lien constant est important. J'ai donc souhaité un rendez-vous semestriel entre le commandant de compagnie, ses commandants de brigades et les élus de la circonscription. Cela se fait dans beaucoup d'endroits. Il faut encore progresser dans certains autres.
Les nouvelles technologies vont également remonter en puissance dans le domaine de la police technique et scientifique ou du numérique. C'est en regroupant les compétences qu'on pourra avancer. Le tout est de fixer une limite à ce regroupement.
On voit en effet que tous les grands programmes, y compris informatiques, s'ils dépassent un certain seuil, finissent par imploser. Ce fut le cas de Louvois ou de l'Opérateur national de paye (ONP). Tout l'enjeu consistera donc à trouver l'agilité nécessaire pour aller de l'avant et rester en contact avec le métier. C'est le métier qui commande. Au quotidien, le gendarme a besoin d'outils opérationnels sur lesquels il a un avis à donner. C'est un des enjeux de la création de la direction du numérique.
Nous continuons également à travailler sur différentes innovations. Nous avons ainsi commencé à déposer des brevets, quatre à cinq par an. Aujourd'hui, nous tirons des royalties de deux brevets. Avec l'Agence du patrimoine immatériel de l'État (APIE), nous nous sommes associés à un cabinet d'avocats pour que tout soit clair. On reverse une partie du bénéfice à l'inventeur, et on donne ainsi envie aux personnels d'aller plus loin.
Bien évidemment, les brevets actuels tournent pour le moment autour de l'ADN mais, demain, il n'est pas exclu de déposer des brevets dans d'autres domaines. C'est une piste intéressante qui permet d'accroître les capacités budgétaires des administrations. Nous avons des pistes dans le domaine de l'empreinte olfactive, notamment avec nos camarades de la police nationale, ou de l'intelligence artificielle appliquée à la gestion des personnels.
Nous avons mis en place une application pour les officiers afin de leur indiquer le parcours professionnel qu'ils doivent emprunter pour mener la carrière qu'ils souhaitent. Il n'existe pas d'outil permettant aujourd'hui de modéliser les carrières. L'idée est d'en créer un afin que chacun puisse connaître sa ligne de carrière et répondre aux questions qu'il se pose. Nous allons compléter ce dispositif afin d'adapter la formation aux besoins de l'institution et aux envies des personnels.
Cette modernisation touche donc différents domaines : elle se fait au profit du dispositif missionnel, des individus et de l'usager. La brigade numérique est à ce sujet un excellent exemple. Elle représente vingt personnes basées à Rennes, qui sont sollicitées entre 250 et 300 fois par jour à propos de questions de toute nature. Ce service est à la disposition des usagers 24 heures sur 24.
On a, depuis cet été, ajouté à cette brigade numérique un certain nombre de gendarmes qui travaillent de chez eux. Il s'agit de personnels inaptes physiques qui ont connu un accident de service, mais qui font toujours partie de l'institution.
Le signal est très clair : on ne laisse personne au bord de la route. Cette modernisation allie à la fois l'intérêt du gendarme, du ministère et, avant tout, de l'usager. Notre rôle est en effet d'être au service de l'usager et de nous adapter à lui en permanence.
Le budget tel qu'il vous est proposé me semble intéressant au plan du titre II, puisqu'il est en augmentation de 120 millions d'euros, ce qui nous permet de suivre l'évolution des effectifs - environ 490 ETP. Cela nous permet aussi de répondre à l'augmentation catégorielle. Les différents plans engagés les années passées vont se poursuivent dans les années à venir.
Par ailleurs, la réserve opérationnelle est pour nous déterminante pour l'efficacité du service. Nous avons connu une année 2019 quelque peu compliquée, puisque nous n'avons pas pu engager un nombre de réservistes suffisant. Ceci est lié à la gestion budgétaire de la mise en réserve, qui constitue un véritable sujet.
Ce n'est peut-être pas politiquement correct, mais il ne me paraît pas acceptable que le budget soumis aux assemblées, dans la mesure où il est justifié, soit mis en réserve à peine voté.
M. Christian Cambon, président. - Nous sommes totalement d'accord avec ce point de vue !
Général Richard Lizurey. - Ces incertitudes pèsent sur la gestion, sur l'organisation, sur les missions et sur la qualité du service public. Je comprends qu'il faille prendre des précautions, mais cela fait des années que j'appelle de mes voeux une réflexion dans ce domaine. Pour un gestionnaire, c'est compliqué ! C'est l'occasion de faire passer le message. C'est aussi un élément important en matière de dépense des deniers publics.
Le budget connaît une augmentation en matière d'immobilier, où l'effort va se poursuivre s'agissant notamment de la sécurisation des casernes. On l'a bien vu ces dernières années : le niveau de violence augmente tous les ans. On compte environ vingt blessés par jour toutes catégories confondues. On a, notamment outre-mer, des foyers de violence extrêmement graves qui nous obligent à revoir la sécurité de nos casernes. La sécurité de nos personnels et de leur famille est un élément déterminant pour l'efficacité du service. J'ai en cet instant une pensée pour nos camarades de la police nationale, qui ont subi une attaque particulièrement dramatique il y a quelques jours. La sécurité des forces de l'ordre, sur leur lieu de travail, ainsi que dans leur vie quotidienne, doit être prise compte.
En matière d'immobilier, le travail va se poursuivre sur le plan de la rénovation des infrastructures. Il faudra sûrement raisonner sur d'autres modèles, moins patrimoniaux, pour ce qui concerne le domanial. Nous avions travaillé, il y a quelques années, sur des possibilités d'externalisation avec de grands opérateurs. Ce sont des pistes intéressantes. Il faut que l'on puisse là aussi trouver des marges de progression. À ce stade, je n'ai pas d'idée précise, mais on est en limite d'un système.
Quant aux véhicules, ils constituent un élément essentiel du travail de la brigade dans les territoires. La circonscription d'une brigade de neuf gendarmes correspond à la superficie de Paris intra-muros. Certes, on y compte moins de population, mais l'espace à couvrir reste néanmoins bien réel. Il faut donc des voitures. Les nôtres ont aujourd'hui sept ans et six mois. Il nous faudrait un volume de véhicules entre 2 800 et 3 000 voitures par an pour conserver notre efficacité opérationnelle. Ceci constitue, pour l'année prochaine, un élément important du budget.
M. Christian Cambon, président. - Merci pour cette présentation sous forme d'ultime témoignage.
Croyez bien que nous partageons nombre de vos observations, notamment concernant les gels de crédits. Je disais tout à l'heure à la secrétaire générale pour l'administration que, dès octobre, les mois difficiles commencent ! En matière de forces armées, ce ne sont pas de petites sommes !
Nous essayons, à la faveur de chaque discussion budgétaire, de nous opposer à cette méthode. On ferait mieux de ne pas faire rêver les effectifs qui attendent ces crédits pour les voir systématiquement rognés en fin d'année.
Je vous répète notre attachement à la gendarmerie. Je regrette, avec quelques élus franciliens, de ne plus avoir de gendarmes dans nos collectivités ! Lorsque j'étais maire, nous disposions de six gendarmes qui réalisaient un travail incroyable. Ceci ne met pas en cause, surtout dans les jours que nous traversons, la tâche de la police nationale, mais ce ne sont pas les mêmes méthodes. Prélever des forces de gendarmerie en Île-de-France - même s'il y avait de solides raisons pour les redéployer ailleurs - n'a pas constitué une bonne décision. Croyez bien que vous nous manquez !
La parole est aux rapporteurs pour avis.
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis. - Mon général, je tiens à souligner ici tout le plaisir que j'ai eu à travailler avec vous. Nos échanges ont toujours été très constructifs et sympathiques.
J'ai beaucoup apprécié votre présentation, mais on ne peut nier une forte dégradation des chiffres du programme de la gendarmerie pour l'année à venir.
Pour ce qui est du fonctionnement quotidien, vous avez évoqué l'achat de véhicules. La limite pour demeurer opérationnel avait été fixée au remplacement de 3 000 véhicules par an. Or on n'a acheté cette année que 1 900 véhicules. Sauf erreur de ma part, on ne devrait en acquérir l'année prochaine, selon le PLF 2020, que 1 500 à 1 600. À combien va-t-on finir ? Toutes les gendarmeries possèdent des véhicules dépassés, voire délabrés.
Par ailleurs, en matière de bâtiments, nous connaissons tous, sur nos territoires, des gendarmeries vétustes, parfois à la limite en matière d'hygiène. Certains lieux risquent de ne même plus pouvoir être utilisés.
J'éprouve également beaucoup d'inquiétudes au sujet des réserves. Vous avez parlé de gel. Nous tenons énormément, sur nos territoires, à la présence des réservistes, en particulier l'été, au moment des diverses manifestations qui se déroulent un peu partout. Or la situation perdure depuis deux ans.
Pour ce qui est de l'investissement capacitaire, on a vu que vous avez remis en service des blindés qui sont de véritables antiquités. Il s'agit presque d'objets de brocante. En outre, le Super Puma utilisé par le GIGN pour l'entrainement est emprunté à l'armée de terre ou à l'armée de l'air, la gendarmerie, compte tenu de son statut particulier, n'étant pas concernée par la loi de programmation militaire (LPM). Or, j'ai récemment appris par une revue bien connue que le GIGN ne pouvait pas les utiliser pour l'entraînement, faute de financement. C'est révélateur !
Par ailleurs, où en est le service national universel (SNU) dans la gendarmerie ? Il paraît que seuls les réservistes pourraient être concernés. Ceux-ci n'étant pas assez nombreux, comment allez-vous faire ?
Enfin, la gendarmerie a mis en oeuvre cinq ateliers d'idéation, dont le premier s'est tenu au Sénat. Le but était de demander à différentes personnes, civiles et militaires, d'essayer de définir la gendarmerie de demain. J'ai participé à cet atelier. Il s'agissait de trouver des pistes pour les futures missions de la gendarmerie, le dénominateur commun résidant dans l'absence de financement. Qu'est-il ressorti de ces ateliers ?
J'ai cru comprendre que la gendarmerie était intéressée par l'idée du Président de la République concernant les maisons France Service. Si vos brigades y ont recours du fait du désengagement de l'État, elles risquent de partager leurs locaux avec la caisse d'allocations familiales, le service des impôts, voire la boulangerie !
Je conclurai en disant que vous avez bien du mérite !
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis. - Mon général, je m'associe aux propos qui ont été précédemment tenus : vous serez incontestablement regretté.
La manière dont vous avez exprimé votre conception de la gouvernance dans votre exposé est particulièrement séduisante. Vous estimez que ce sont les 130 000 gendarmes qui détiennent les « clés du camion » et qu'il faut avant tout partir du terrain. Ceci traduit une forme d'humanité qui me convient.
La question centrale, me semble-t-il, est de savoir si celui qui va vous succéder aura les moyens de cette ambition. C'est là toute l'inquiétude par rapport au budget 2020.
Vous avez évoqué votre solidarité avec la police nationale, après les événements survenus à la préfecture de police de Paris. Cela ne concerne pas que la gendarmerie, mais toutes les forces de sécurité et relève du contrat de confiance qui s'était établi entre notre population et les services de sécurité après les attentats de 2015. Cette confiance s'est écornée depuis. Comment faire pour retisser ce lien avec la population qui, me semble-t-il, s'est un peu distendu ?
Plus généralement, s'agissant du moral de la gendarmerie, une récente commission d'enquête du Sénat sur l'état des forces de sécurité a relevé certaines difficultés, même si la situation est moins mauvaise dans la gendarmerie que dans la police. Les évolutions budgétaires prévues pour 2020 et au-delà ne risquent-elles pas de mettre le feu aux poudres ? 60 % des gendarmes considèrent que l'état de leur logement n'est pas satisfaisant. Le renouvellement du parc automobile est également insuffisant. Pouvez-vous dresser devant vous ce matin le bilan du climat social au sein de la gendarmerie ?
S'agissant des retraites, le rapport Delevoye préconisait, en juillet de cette année, de tenir compte des spécificités du métier militaire et de préserver en conséquence certains aspects permettant de compenser ses sujétions particulières. Or une déclaration récente du Président de la République a pu susciter de nouvelles inquiétudes. En effet, à Rodez, il a évoqué en même temps les gendarmes et les policiers s'agissant des retraites : qu'en est-il aujourd'hui ? Les gendarmes peuvent-ils être vraiment rassurés ou doivent-ils au contraire s'inquiéter ?
M. Christian Cambon, président. - La parole est à présent aux commissaires.
M. Olivier Cigolotti. - Mon général, je m'associe aux propos de notre président et des deux rapporteurs. Nos gendarmes ont eu la fierté de servir sous les ordres d'un patron qui était l'un des leurs, ce qui n'a pas toujours été le cas. Je voulais vous transmettre ce message qui vient de nos territoires.
Vous me permettez de revenir sur la notion de mutualisation et sur la nécessaire limite à trouver concernant un certain nombre de problématiques.
S'agissant de l'évolution du numérique au sein de la gendarmerie, compte tenu de la faible affectation des crédits fléchés sur cette transformation, ne pensez-vous pas que l'on risque, avec la création de la direction du numérique, de se retrouver dans une situation assez similaire à celle qu'on a connu au sein de la DGSI avec l'achat d'un logiciel étranger ? La gestion des données ne risque-t-elle pas de vous échapper faute de moyens ?
En termes de mutualisation, le Président de la République a appelé de ses voeux le regroupement des numéros d'appel d'urgence. Comment la gendarmerie peut-elle selon vous s'inscrire dans ce regroupement compte tenu de la mise en place de plateformes communes ?
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Mon général, je voudrais, après mes collègues, saluer votre action au service de la gendarmerie et vous dire combien elle a été appréciée.
Vous l'avez dit, la proximité constitue l'ADN de votre mission. Nous nous en félicitons au quotidien dans nos territoires, mais cette proximité, en secteur rural, avec une faible densité de population, passe par de très nombreux déplacements. La présence physique est importante, et pas seulement au plan de la sécurité : elle est cruciale pour raffermir le lien qui se distend entre nos concitoyens, l'État et la République. La présence des gendarmes en uniforme est un symbole fort, tout comme la présence des sous-préfets dans les territoires. Tout ce qui incarne l'État en ce moment est bon à prendre !
Ces déplacements passent bien sûr par un parc de véhicules dont on voit qu'il n'est pas adapté, mais aussi par le carburant. Or on nous rapporte régulièrement des tensions sur cette ligne budgétaire. Comment ces problèmes se règlent-ils ? Ils trouvent sans doute une solution au coup par coup, en fin d'année. Ce n'est pas la meilleure solution. Voyez-vous des perspectives en la matière ?
M. Michel Boutant. - Mon général, je m'associe à tous mes collègues et à notre président pour vous adresser nos remerciements les plus chaleureux pour votre mission à la tête de la gendarmerie, qui va bientôt s'achever.
Je voudrais aborder ici la question du Service central du renseignement criminel de la gendarmerie nationale (SCRCGN) et de la sous-direction à l'anticipation opérationnelle (SDAO), qui remonte à 2013. Vous avez sans doute eu l'occasion d'y recourir à propos de sujets autres que le terrorisme - « gilets jaunes », zadistes. Pourriez-vous nous faire un point sur l'action de cette sous-direction et tracer quelques perspectives pour les années qui viennent ?
M. Jean-Paul Émorine. - Mon général, les maires de nos départements nous interrogent sur leur rôle d'officier de police judiciaire. Il est en effet arrivé qu'un maire dépose plainte et que la gendarmerie ait des difficultés à prendre la plainte. Il faudrait que ce soit une priorité.
Par ailleurs, le contact de la gendarmerie avec les maires et les conseillers municipaux nous paraît indispensable. C'est selon moi au commandant de brigade ou à son adjoint de s'en charger, même si j'ai de l'estime pour l'ensemble des gendarmes.
Vous avez par ailleurs cité les cafés. Depuis 48 ans que je suis élu, je ne suis jamais entré dans un café. Si les gendarmes devaient s'y rendre, ils en tireraient une mauvaise image. Le réseau des maires et des conseillers municipaux peut vous fournir de bien meilleures informations.
Enfin, pour information, la commune dont j'ai été maire héberge depuis 24 ans une brigade de gendarmes dans des pavillons où ils sont fort bien logés !
M. Hugues Saury. - Mon général, ma question est liée à l'actualité, et je pourrais la poser à chacun de vos homologues des forces armées de notre pays. Il y a quelques jours, un événement gravissime frappait la préfecture de police de Paris, coûtant la vie à quatre fonctionnaires. Cet attentat, du fait de sa localisation et de la fonction de celui qui l'a perpétré, est particulièrement choquant et met en lumière le risque d'infiltrations par les djihadistes de tous les services de l'État, y compris les plus sensibles.
Quels sont les organisations, les actions et les moyens qui sont mis ton en oeuvre ou qui pourraient être mis en oeuvre au sein de la gendarmerie pour éviter qu'un tel événement puisse se produire ?
M. Jacques Le Nay. - Mon général, vous placez beaucoup d'intérêt et d'espoirs dans la montée en puissance du numérique. Sous un angle prospectif, quelles sont selon vous les nouvelles étapes dans la numérisation de la gendarmerie ? Le programme de reconnaissance faciale lancée par le Centre de recherche de l'école des officiers de la gendarmerie nationale (CREOGN) et utilisé pour les vidéosurveillances depuis 2018 a-t-il été généralisé ?
Pourrait-il recevoir des applications en préfecture afin de faciliter la remise de titres, ou sa dimension est-elle à l'heure actuelle strictement sécuritaire ?
M. Pascal Allizard. - Mon général, je joins mes félicitations et mes remerciements à ceux qui vous ont déjà été adressés. Je le fais en tant que parlementaire, mais aussi en tant que réserviste.
Ma question porte sur les week-ends de manifestations durant lesquels les forces de l'ordre ont été régulièrement mobilisées, notamment les forces de gendarmerie. Cela donne-t-il lieu à des récupérations ? Comment tout cela est-il comptabilisé ? J'imagine qu'au-delà de l'épreuve physique pour les personnels, ceci comporte aussi des conséquences budgétaires.
Mme Gisèle Jourda. - Mon général, je parlerai avec le coeur et avec émotion. Nous avons en effet été amenés à nous rencontrer à Trèbes, et je dois avouer que l'implication de la gendarmerie lors de moments extrêmement difficiles a constitué un soutien pour tous, y compris pour l'ensemble des élus.
Ma question portera sur le maillage territorial. Avec l'évolution de la délinquance, on a assisté à une déprise de la gendarmerie en secteur rural et hyper-rural. Il est logique, en cas de contrainte des effectifs, d'opérer un redéploiement surtout vers les villes centres, qui aspirent la totalité de l'activité, mais les maires de mon département ne voient plus leurs gendarmes, qui sont donc affectés sur un autre territoire d'opérations.
Certes, on cherche à assurer à nouveau cette présence, mais les personnes en charge des couvertures sécuritaires, pour qui j'ai le plus grand respect, ont une vue quelque peu urbaine des choses. Dans le secteur de la Montagne noire, il y a une autre donne à appliquer. Je souhaiterais que l'on tienne davantage compte des populations rurales et de la sécurité dans ces secteurs, qui peuvent parfois nécessiter une surveillance accrue.
M. Christian Cambon, président. - Mon général, vous avez la parole.
Général Richard Lizurey. - Je vous remercie tout d'abord pour les hommages que vous avez rendus à la maison et à son « VRP en chef ».
Monsieur Paul, vous avez évoqué les achats de véhicules. Jusqu'en septembre-octobre, on retient un peu les fonds, puis un dégel intervient. L'an dernier, on a réussi finalement à commander 2 900 véhicules. Cette année, on en est à 1 900 au moment où je parle. Tous les espoirs restent donc permis jusqu'à la fin de l'année. J'espère que l'évolution de la situation budgétaire au cours de 2020 permettra d'augmenter le chiffre de 1 600, qui ne me paraît pas suffisant. Je rejoins votre analyse sur ce point.
Nous bénéficions cependant de ressources extrabudgétaires, dont 1 300 véhicules saisis, de toutes natures, essentiellement employés par les unités de recherche. Nous travaillons également avec un certain nombre de constructeurs et d'industriels dans le cadre d'expérimentations de véhicules électriques ou d'hybrides. Un opérateur nous a récemment contactés pour expérimenter les véhicules à hydrogène. Je suis toujours prêt à tester un matériel gratuitement et à contribuer à l'effort de modernisation. Ces ressources sont certes limitées, mais importantes.
S'agissant de l'immobilier, je souhaite remercier par votre intermédiaire les collectivités locales qui sont engagées de manière exceptionnelle et exemplaire depuis de très nombreuses années auprès de la gendarmerie. L'immobilier locatif est aujourd'hui en meilleur état, les choix budgétaires portant toujours sur le secteur domanial, qui souffre du lissage budgétaire. Je suis très reconnaissant aux collectivités locales de tous niveaux qui s'engagent dans la construction, la rénovation, ou l'entretien de l'immobilier de la gendarmerie. C'est un élément important du moral des troupes et de l'attractivité des territoires.
Il existe cependant des inquiétudes sur la poursuite des rénovations, dont le niveau de l'année prochaine est un peu en recul par rapport à cette année. Ce qui est important, c'est finalement la dynamique générale. Il y a cinq ans, on était quasiment à zéro. La régularité est importante pour préparer les projets et les mener à bien.
Vous avez par ailleurs évoqué les blindés. On a aujourd'hui un parc de 84 blindés opérationnels. On a vu l'intérêt qu'ils pouvaient présenter, mais aussi les limites budgétaires : imaginer un programme d'achat de blindés neufs ne me paraît pas réaliste.
En revanche, nous travaillons depuis quelques mois sur le rétrofit de blindés existants - VBRG, VAB cédés par les armées. C'est là une bonne pratique interministérielle, les armées disposant d'un certain nombre de véhicules dont elles n'ont plus l'utilité et qui peuvent être « gendarmisés ». L'idée est de diviser par quatre ou cinq au moins leur coût d'acquisition
Les deux premiers prototypes ont été livrés. Les résultats, à ce stade, sont extrêmement encourageants. On s'achemine plus vers cette solution que vers l'achat de blindés neufs, qui pourraient coûter très cher et qui n'existent pas sur étagères en tant que tels.
Vous avez évoqué le groupement interarmées d'hélicoptères (GIH) et le GIGN. J'ai récemment rencontré le chef d'état-major des armées à ce sujet, ainsi que le chef d'état-major de l'armée de terre, qui vient de prendre ses fonctions. Le GIH a été créé lorsque les pelotons de sécurité et de protection des centrales nucléaires n'existaient pas encore, ni les antennes GIGN. Le biotope était donc assez simple. L'unité du haut du spectre était basée à Satory, et il fallait pouvoir la projeter en tout point du territoire. On avait donc impérativement besoin d'une capacité de projection à partir du niveau central.
La donne a changé : on a sept antennes GIGN en métropole, six outre-mer et 22 pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (sûreté des centrales nucléaires), qui bénéficient du niveau d'intervention requis pour le droit commun. La projection de l'élément central doit pouvoir se faire avec des moyens différents.
On a évoqué avec le chef d'état-major des armées le contrat capacitaire qui pourrait nous lier. Aujourd'hui, ce sont les hélicoptères. Demain, ce pourrait être n'importe quel vecteur aérien. Nous travaillons pour trouver la réponse capacitaire la plus adaptée à ce nouveau contexte, une grande partie des interventions se faisant depuis les antennes du GIGN.
Quant au SNU, 200 jeunes ont manifesté leur intérêt pour une participation active dans la gendarmerie. Nous avons développé le concept des cadets de la gendarmerie, qui existent déjà dans quelques départements, comme l'Isère. Ce système permet d'intégrer les jeunes dans une version du service national universel qui me paraît bien correspondre à un souci du service public.
Bien évidemment, l'encadrement sera fait par des réservistes. Les moyens qu'on y mettra ne pourront être consacrés à autre chose. Il faudra donc opérer des choix. Cela se fera au moment voulu.
Quant aux ateliers d'idéation, 1 483 réservistes citoyens nous apportent leur vision sur l'avenir de la gendarmerie, dans leur domaine de compétence. Ce regard est indispensable. L'idée est de réaliser ces ateliers à l'extérieur de la maison gendarmerie. Les cinq ateliers m'ont conduit à soumettre 101 propositions au ministre de l'intérieur. Certains domaines ont été retenus, comme la transformation des gendarmes adjoints volontaires en engagés. Ce sont des pistes sur lesquelles on travaille pour les fidéliser, accroître notre capacité opérationnelle, et les inscrire dans une perspective de plus long terme.
Nous travaillons sur d'autres pistes, comme la mutualisation des centres opérationnels. Nous menons des expérimentations avec le 112 dans les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes, ainsi que dans quatre départements de Champagne-Ardenne. La question est de savoir comment rendre concrètement service au citoyen. Il ne faut pas lui faire répéter deux fois le même message, et l'opérateur doit savoir immédiatement orienter l'appel dans la bonne direction. Nous cherchons à appréhender les obstacles techniques. Cela n'a l'air de rien, mais mutualiser deux centres opérationnels n'est pas si simple. L'opérateur a la responsabilité d'amener l'appel en un endroit donné. Dès lors que nous le transférons, c'est l'État qui en porte la responsabilité. C'est un sujet en termes techniques et en termes de responsabilité. Il est intéressant de continuer à y réfléchir dans une perspective globale. Le 112, c'est à la fois le 15, le 17 et le 18. Il me paraît donc intéressant de prendre la totalité du paysage dans le dispositif.
M. Vaugrenard m'a demandé si nous aurons les moyens de notre ambition. Je reste persuadé qu'on peut trouver des pistes, notamment extrabudgétaires, comme le dépôt de brevets. Par ailleurs, un certain nombre d'opérateurs s'adressent aujourd'hui à nous pour payer des réservistes, comme l'Île-de-France ou les Hauts-de-France, qui se sont engagés dans l'emploi de réservistes. Nous les mettons à leur disposition et ce sont eux qui les payent. Cela nous permet d'engager nos personnels et d'avoir des ressources budgétaires extérieures.
Nous faisons la même chose de l'autre côté du channel, avec un financement international. Nous travaillons également sur d'autres pistes. Il faut toutefois s'assurer que ces ressources restent complémentaires. Il faut rester vigilant à ce sujet.
La rupture avec la population est une des raisons qui ont conduit à la création des brigades et des outils de contact. Il faut continuer dans ce sens. C'est le moyen d'aller au contact de la population.
Je ne partage pas votre appréciation sur les bars. Il faut bien sûr aller d'abord vers les élus, mais il est important de rétablir le lien avec la population et enseigner à nos gendarmes ce qu'on attend d'eux. Nous avons mis en place 90 heures consacrées au contact dans la formation initiale afin de le leur expliquer. Il faut aussi donner les clés aux jeunes qui arrivent, qui sont pleins de bonne volonté. On s'est éloigné de ces principes, il faut à présent y revenir.
Quant au moral, je considère que les gendarmes manifestent une certaine confiance vis-à-vis de leurs chefs. C'est un élément déterminant. Une grande partie des gendarmes que je côtoie sont fiers d'avoir retrouvé l'ADN de leur métier, ce qui véhicule une image plutôt positive de la maison. Du coup, il est vrai que cela donne parfois l'impression que tout va bien. Il ne faut toutefois pas oublier que c'est grâce à l'engagement des personnels.
Je considère bien évidemment qu'il faut demeurer vigilant. On a malheureusement eu 33 suicides dans nos rangs l'année dernière. Cette année, on en est à quatorze. C'est toujours un point de fragilité. Les risques psychosociaux font pour moi partie des priorités sur lesquelles il faut continuer à travailler pour valoriser nos personnels au quotidien.
On a réformé la politique disciplinaire. Depuis deux ans, on a divisé par deux les sanctions disciplinaires qui étaient trop nombreuses dans la gendarmerie. En 2019, on enregistre environ 60 000 récompenses pour un effectif de 100 000 personnels d'active, sans compter les réservistes. Je considère en effet qu'il faut savoir être positif plutôt que de systématiquement sanctionner.
Vous avez abordé le sujet des retraites. Je n'ai pas d'indications officielles sur une évolution de la situation. Le ministre de l'intérieur et la ministre des armées ont rappelé récemment que la fonction publique militaire était dans une logique statutaire et serait traitée en conséquence. Aucun changement ne m'a été rapporté. À ce stade, il ne semble pas y avoir d'inquiétudes particulières.
Vous avez évoqué la mutualisation. C'est un vrai sujet, surtout avec l'évolution du numérique et la protection de nos données. Je considère que le numérique constitue un programme ministériel dans lequel nous nous sommes inscrits. Nous avons fait des propositions en temps utile. La décision a été prise. Notre travail est de tout faire pour que cela fonctionne.
La question des logiciels étrangers ou de l'achat de matériels étrangers est un vrai sujet de marché public, qui dépasse largement la gendarmerie nationale. On ne peut pas à la fois parler de souveraineté dans un certain nombre de domaines et, en même temps, expliquer que les marchés publics doivent être ouverts à tout le monde, en Europe ou ailleurs. Si on veut garantir notre souveraineté et la sécurité de nos données, il faut adapter le code des marchés publics. Ce n'est pas mon domaine de compétence, mais je me permets de le dire.
Mme Perol-Dumont a évoqué le lien entre les citoyens et l'État, ainsi que le rôle de la gendarmerie. Dans beaucoup d'endroits, le gendarme est le seul représentant de l'État dans le territoire.
Je fais ici un lien avec les maisons de services publics qui ont été évoquées par ailleurs. La proposition d'utiliser un certain nombre d'unités territoriales et de brigades comme maisons de service public est une proposition que j'ai faite et qui me semble avoir du sens. Aujourd'hui, l'État a besoin d'être présent physiquement dans les territoires. Le gendarme en tenue représente l'État. Les 3 100 brigades territoriales sont des infrastructures qui appartiennent à l'État. Dans ces brigades, l'accueil ne se fait pas toujours 24 heures sur 24, car les gens sont aussi sur le terrain. Il n'est pas complètement anormal d'imaginer que l'on puisse accueillir au sein des brigades territoriales quelques services publics, qui sont souhaités par l'usager.
Cela évite de construire des infrastructures ou d'en louer, et surtout d'irriguer les territoires avec des choses existantes. C'était le sens de ma proposition, et je souhaite que l'on mène une ou deux expérimentations afin de voir ce que cela donne. Ceci n'enlève rien à l'intérêt des sous-préfectures et des autres institutions et me paraît aller dans le bon sens.
S'agissant de la question des carburants, on y a réinjecté en septembre 4,5 millions d'euros grâce à un dégel partiel. La situation était délicate. Cela permet de tenir au moins jusqu'à fin novembre. Peut-être pourra-t-on, dans l'avenir, obtenir un dégel supplémentaire.
M. Boutant a évoqué la SDAO. Elle travaille en liaison étroite et parfaitement symbiotique avec le Service central de renseignement territorial (SCRT). Aujourd'hui, la chaîne de renseignement territorial est partagée. Nous ne sommes pas clients, mais actionnaires. Les services départementaux de renseignement territorial comptent des gendarmes et des policiers. Les renseignements remontent dans la chaîne hiérarchique et sont partagés par le SCRT et la SDAO. La situation a évolué avec le mouvement des « gilets jaunes » et l'augmentation du risque animaliste, qui fait écho aux problèmes des agriculteurs, avec des risques d'affrontement.
On a récemment réformé la SDAO en y adjoignant une branche consacrée aux animalistes, en liaison avec le SCRT. La SDAO me permet d'avoir des informations opérationnelles sur les ZAD, etc., en vue d'actions. Hier, on a évacué la zone de Saint-Victor-et-Melvieu, en Aveyron. Les choses se sont plutôt bien passées. Cela a été un travail de planification, d'anticipation et de renseignement partagé avec le renseignement territorial.
S'agissant des maires et de leurs fonctions d'OPJ, si ceux-ci déposent plainte, cette dernière doit être reçue, au même titre que celle de tous les citoyens. On se bat au quotidien de manière que tout usager qui dépose plainte puisse voir sa plainte recueillie. Il n'y a donc pas de sujet. On fera les rappels nécessaires. Parfois, dans le feu de l'action, on est amené à relativiser tel ou tel point. Je considère que le contact et le dépôt de plainte sont obligatoires.
Je ne partage pas tout à fait votre analyse sur les bars, ni sur les commandants de brigade et les adjoints. Dans certaines circonscriptions, comme la Haute-Garonne, il y a 585 communes et des endroits où la brigade regroupe 50 à 60 communes. C'était une des limites du système précédent. Auparavant, seuls le commandant de brigade et son adjoint avaient pour mission de rencontrer les élus. Ils ne les voyaient donc pas souvent. J'ai ouvert le champ, considérant qu'il était important que le maire ait un référent identifié, que ce soit le commandant de brigade, son adjoint ou un gendarme.
Je crains que les liens se distendent si on limite ces rapports au commandant de brigade et à son adjoint. Permettre à chaque gendarme d'être en lien avec un élu identifié me paraît aller dans le bon sens. Il faut bien entendu que les gens soient formés pour cela, nous sommes d'accord. C'est un sujet sur lequel nous allons continuer à travailler. J'entends votre observation.
Pour ce qui est du dispositif anti-radicalisation de la gendarmerie, tout peut arriver, dans n'importe quelle institution. Aucun système n'a de garantie absolue. Nous avons mis en place depuis 2013 un système d'identification des signaux faibles, qui s'est amélioré et qui a évolué en 2015, à la suite d'un incident important.
Il existe toute une chaîne qui remonte par les compagnies et les groupements vers le Bureau de la lutte anti-terroriste. Un travail est mené toutes les semaines sous la responsabilité de mon chef de cabinet. Il permet de lister les sujets et les cas individuels. Aujourd'hui, nous avons une vingtaine de cas en cours de traitement. Ils ne sont pas tous en rapport avec l'islamisme. Certains sont liés à l'extrême droite.
Depuis 2000, nous avons traité et accompagné vers d'autres horizons professionnels une vingtaine de personnels dont on estimait qu'ils n'avaient pas leur place chez nous. Personne n'est à l'abri, et il nous faut avoir des garanties dans ce domaine.
S'agissant des nouvelles technologies et de la reconnaissance faciale, il existe une asymétrie entre les possibilités technologiques et le cadre réglementaire et légal. Je comprends bien l'intérêt de la préservation des libertés publiques et du droit à la vie privée. Il y a en effet des points sur lesquels il faut rester intransigeant. Toutefois, dans d'autres démocraties, en Allemagne par exemple, la reconnaissance faciale existe également et on peut l'utiliser sans difficulté. Cela permet de résoudre un certain nombre de situations, d'en prévenir d'autres. Ceci échappe aussi à mon domaine de compétence, mais je pense que nous aurions intérêt à réfléchir à une réglementation et à un cadre légal adapté.
La technologie, pour se traduire sur le plan juridique, nécessite des efforts et du temps. Je place la reconnaissance faciale sur le même plan que les empreintes digitales. Demain, on aura peut-être des empreintes olfactives, mais il faut pour cela que le cadre légal et réglementaire accompagne le mouvement et ne le suive pas forcément. Je pense que le législateur doit mener une réflexion à ce sujet.
S'agissant de l'engagement des personnels et de la récupération, il n'existe pas d'heures supplémentaires dans la gendarmerie, et donc pas de questions budgétaires comme dans d'autres institutions. En revanche, il faut bien entendu que le gendarme puisse se reposer. Depuis le 1er septembre 2016, une instruction provisoire sur le temps de travail réglemente le dispositif de temps de travail et donne à chaque gendarme la possibilité de récupérer pendant 11 heures par tranche de 24 heures. Lorsque ce n'est pas possible, ce temps est récupéré plus tard à titre de repos physiologique compensateur.
Mme Jourda, enfin, m'a interrogé sur le maillage territorial. Cette question revient dans le cadre des ateliers d'idéation, où on a évoqué la diversification. Aujourd'hui, on parle de brigades territoriales. La première évolution a concerné les brigades de contact, qui ne font plus que cela. Ce qui est important, c'est la présence du gendarme dans le territoire. Il faut donc diversifier les modes de présence. On réfléchit actuellement à insérer un ou deux postes de gendarme en tenue dans la population, sans pour autant constituer une brigade. Je comprends votre souci. Ces postes peuvent offrir une solution pour rester en phase avec les territoires.
La deuxième option repose sur nos réservistes. Un certain nombre d'entre eux - 10 000 sur un total de 30 000 - sont des anciens de la maison qui continuent à avoir les compétences pour ce métier. Pourquoi ne pas les activer de chez eux ? Il faut étudier les conditions, mais cela permettrait d'avoir une présence du service public en tenue, donc de l'État, sur tout le territoire.
Il faut arriver à contrecarrer le phénomène d'aspiration urbaine avec d'autres méthodes et d'autres dispositifs que ceux d'aujourd'hui. Vous avez raison de parler de formation. Certains élus interviennent dans les écoles de gendarmerie pour expliquer aux jeunes gendarmes la manière dont ils doivent appréhender la coopération.
Aujourd'hui, on a abandonné l'accumulation de connaissances. Avec Néogend, pas la peine d'apprendre le code pénal ou le code de procédure par coeur. Il suffit de savoir utiliser son matériel. J'exagère un peu, mais l'idée est là. Il s'agit de consacrer le temps passé à accumuler les connaissances à la mise en situation, au discernement, au savoir-être, d'autant que les gendarmes qu'on recrute aujourd'hui peuvent être là pour 40 ans, voire plus.
On ne sait ce que sera leur métier dans vingt ans. Cela ne sert donc à rien de leur inculquer des connaissances pures et dures. Il faut simplement leur apprendre à réagir, à s'adapter, à ne pas avoir peur de la transformation. La seule chose qui restera, au bout du compte, c'est le contact humain. C'est ce qui fera la différence. On aura toujours besoin d'hommes et de femmes pour aller au contact d'hommes et de femmes. Il faut apprendre aux gendarmes ce que le service public attend d'eux.
Je vous remercie de votre attention.
M. Pascal Allizard, président. - Mon général, merci pour toutes ces précisions et pour l'humanisme de vos propos, qui ne dissipent toutefois pas entièrement nos craintes budgétaires.
La réunion est close à 12 h 45.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.