Mardi 2 juillet 2019
- Présidence de M. Vincent Capo-Canellas, président -
La réunion est ouverte à 16 h 15.
Audition de M. Patrick Gandil, directeur général de l'aviation civile
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Monsieur Gandil, vous êtes directeur général de l'aviation civile (DGAC) depuis douze ans et vous avez été vous-même pilote privé. Vous avez donc la passion du secteur aérien, une solide connaissance de son histoire et sans doute beaucoup de choses à nous dire sur son avenir.
Je rappelle que le Sénat a constitué cette mission d'information à l'initiative du groupe RDSE, dont fait partie Mme la rapporteure. Nous travaillons depuis le 14 mai dernier et conduisons un certain nombre d'auditions jusqu'à la fin de ce mois.
Vous avez connu des temps où les lignes d'aménagement du territoire (LAT) étaient mieux dotées. Vous avez organisé l'année dernière, à la demande de la ministre, les assises du transport aérien, avec un groupe de travail spécifique animé par Alain Rousset sur le thème « Aéroports et territoires », dont sont sorties un certain nombre de mesures.
On a compris au fil des auditions que le contexte réglementaire pouvait évoluer. Comment appréhendez-vous la question de l'aménagement du territoire et du transport aérien, alors qu'on assiste à un certain bashing vis-à-vis de ce dernier ? L'adaptation et l'évolution du secteur sont sans doute des nécessités par rapport aux contraintes environnementales.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Monsieur le directeur général, plus nous avançons dans nos auditions, plus le rôle du transport aérien nous paraît essentiel pour désenclaver les territoires non desservis efficacement par le rail ou par la route.
La continuité des lignes aériennes d'aménagement du territoire est un enjeu vital pour le développement économique et touristique de nos régions. Je sais que ce message fait partie de vos préoccupations. L'un des objectifs de la stratégie nationale du transport aérien 2025 est en effet « la connectivité efficace des territoires par le transport aérien ».
Cette audition est donc, pour vous, l'occasion de nous décrire les mesures qui seront prises très concrètement pour remplir cet objectif, qu'il s'agisse des moyens budgétaires, de l'amélioration des services aériens, de la modernisation du cadre réglementaire d'attribution des délégations de service public (DSP) ou des compensations financières aux lignes d'aménagement du territoire.
Au niveau central que vous occupez, comment voyez-vous les régions développer des stratégies en matière de transport aérien et d'exploitation des aéroports ? Y a-t-il des régions pilotes ou des bonnes pratiques à citer en exemple ?
Concernant les lignes aériennes proprement dites, sur quelles projections vous basez-vous pour fixer à près de 25 millions d'euros en 2022 et les années suivantes les crédits des lignes sous DSP en métropole, en Guyane, à Saint-Pierre-et-Miquelon et Strasbourg ?
Que pensez-vous des recommandations tendant à assouplir le modèle des appels d'offres afin de donner plus de souplesse aux compagnies aériennes attributaires en contrepartie d'une obligation de résultat plus stricte qui pourrait être assortie de mesures incitatives ?
Concrètement, vos équipes sont-elles en mesure de fournir aux collectivités territoriales un accompagnement technique et juridique plus personnalisé ?
Enfin, dans un contexte assez défavorable au développement du transport aérien, quels pourraient être les atouts de l'aviation régionale pour répondre aux besoins de mobilité, tout en réduisant son impact environnemental ? En d'autres termes, ce type d'aviation peut-il être optimisé pour réduire son bilan carbone et son bilan de gaz à effet de serre, à l'exemple des avions turbopropulseurs, comparativement au TGV ou à la route ?
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Monsieur le directeur général, vous avez la parole.
M. Patrick Gandil, directeur général de l'aviation civile. - Monsieur le président, Madame la rapporteure, les lignes d'aménagement du territoire existent depuis longtemps. Pour un certain nombre de villes, l'avion est la seule solution : les liaisons en train sont très longues, les autoroutes parfois éloignées.
Par ailleurs, par rapport aux années 1980-1990, l'économie a besoin de plus de vitesse et de réactivité. Des villes situées à 4 heures, voire 5 heures des grandes métropoles risquent fort de perdre leurs entreprises.
Les lignes d'aménagement du territoire ne représentent pas des volumes de trafic considérable. Il faut les considérer comme des liaisons d'affaires mutualisées qui proposent un tarif acceptable. Toutes les entreprises peuvent accéder aux lignes d'aménagement du territoire, mais elles ne pourraient certainement pas accéder à un avion-taxi, malheureusement assez cher. En outre, si les prix sont assez variés sur une même liaison, cela n'exclut pas de pouvoir en profiter pour des raisons familiales ou touristiques, l'idée maîtresse demeurant avant tout de sauvegarder le tissu économique.
Ces lignes ont été beaucoup plus importantes à une certaine époque. En 2005, les LAT représentaient 18,6 millions d'euros et comptaient 23 liaisons. En 2018, on en était à 4,3 millions d'euros pour six liaisons, quatre étant considérées comme un minimum vital.
Cette comptabilité est très compliquée. Il faut en effet étudier différemment les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP). Or quand on passe un contrat, il est pluriannuel. Le volume d'AE représente donc trois à quatre fois le volume des CP, et l'on était tombé à un étiage d'un peu moins de 5 millions par an. On y ajoute pour cette année et les années à venir 15 millions de plus. Ceci traduit une augmentation importante du volume qui va permettre de reconstituer les liaisons qui avaient disparu faute d'argent et d'en lancer d'autres pour pallier le déficit de l'offre ferroviaire. C'est le cas à Limoges, où sont installées deux entreprises majeures du CAC 40 et où les conditions d'accessibilité ont été jugées par tous insuffisantes, ou de Quimper, où une DSP va se substituer à la liaison qui va fermer pour des raisons économiques. Ceci permettra d'assurer la continuité de la liaison.
Il n'y a plus aucun espoir de créer quoi que ce soit en 2019 mais, en 2020 et 2021, on pourra répondre à des demandes. Cette politique est récente et je serais surpris que nous ne saturions pas nos budgets qui le sont déjà à la mi-année pour 2019 et sur une bonne partie de 2020 pour les liaisons à venir.
On dit souvent qu'il existe trop d'aéroports en France. On mélange beaucoup de choses très différentes. Roissy est un aéroport de rang mondial, un très grand hub international. Sa desserte long-courrier est la première d'Europe, et cette position sera encore renforcée après le Brexit.
Les perspectives de croissance de Paris sont bien supérieures à celle de Londres, pour des raisons de qualité de l'infrastructure. On peut se rendre dans la plupart des pays du monde directement ou avec une escale à partir de notre pays. C'est une vraie capacité économique.
Quant aux grands aéroports de province, ils enregistrent une croissance supérieure à Paris et ont connu ces dernières années l'ouverture européenne. Dans les années 1990, la ligne dominante d'un grand aéroport de province était la liaison avec Paris. On comptait alors peu de lignes internationales. Aujourd'hui, la ligne avec Paris est souvent dominée par d'autres liaisons, qui permettent d'aller un peu partout en Europe ou en Afrique du Nord. Ces lignes moyen-courriers sont d'une diversité considérable et ont accompagné la construction européenne.
La deuxième révolution à venir, c'est l'arrivée de l'A321 neo XLR, pour extra long range, qui va pouvoir aller de France jusqu'au milieu des États-Unis sans s'arrêter sur la côte est. C'est un nouvel avion long-courrier d'environ 200 places, contre 300 à 350 pour les modèles actuels. La taille de nos villes fait que, même à Lyon, il est très difficile de remplir un avion long-courrier de 300 places. En revanche, des avions de ce type vont faire que, dans nos grandes métropoles régionales, on va avoir accès à l'Amérique du Nord. Je pense que ceci va constituer un changement économique tout à fait significatif, ce genre d'idée pouvant ensuite « faire des petits ».
Les aéroports plus petits jouent des rôles assez variés. Ce sont des aéroports d'aménagement du territoire qui sont souvent les supports des LAT. Ce sont aussi des aéroports qui permettent de faire venir des touristes. C'est l'économie - qui n'a d'ailleurs pas que des avantages - de systèmes comme Ryanair, qui amènent beaucoup de touristes. Des villes comme Carcassonne se sont développées touristiquement autour d'un accès facile au transport aérien, alors que l'accès direct est plus difficile pour des voyageurs internationaux.
Enfin, un grand nombre de petits terrains, qui sont en fait de gros aérodromes, font d'abord de la formation aéronautique. J'insiste sur le fait que la France représente une petite moitié de la formation aéronautique de toute l'Europe. Il n'est donc pas étonnant que nous soyons un pays aéronautique majeur.
Beaucoup d'acteurs de l'aviation sont pilotes - et heureusement : on n'imaginerait pas un acteur de l'automobile qui ne sache pas conduire ! Il faut savoir ce qu'est un avion. On n'a pas besoin de piloter un très gros avion. J'ai personnellement appris à piloter en devenant DGAC. C'est indispensable pour exercer son métier. Un grand nombre de personnes qui travaillent dans la construction aéronautique ou les compagnies aériennes ont été formées comme pilotes privés, ce qui les aide considérablement dans la compréhension de leur activité. C'est en outre un sport et un loisir. Il est nécessaire pour cela de disposer de multiples terrains.
Enfin, la petite aviation d'affaires utilise tous ces terrains, qui servent aussi aux hélicoptères, aux évacuations sanitaires etc., ce qui constitue une activité assez importante.
Une évolution importante est apparue récemment : les régions commencent à se doter de politiques aéroportuaires. La Nouvelle Aquitaine a été l'une des premières à se lancer en 2017, suivie par l'Occitanie en 2018. La Bourgogne Franche-Comté nous a sollicités pour travailler avec elle et prépare quelque chose. La Bretagne s'y est intéressée également. On va ainsi selon moi bénéficier d'un certain maillage régional, car les aéroports ont des finalités et des rôles extrêmement différents. Nous sommes à l'entière disposition des régions pour leur apporter notre connaissance et nos statistiques en matière de transport aérien, ainsi qu'en matière juridique, le contexte étant complexe du fait de sa nature à la fois nationale, européenne et mondiale.
S'agissant des questions environnementales, l'avion émet forcément plus de CO2 que d'autres moyens de transport. En revanche, comparé à l'automobile, l'avion n'est pas si catastrophique. Les meilleurs avions consomment moins de 2 litres au 100 kilomètres par passager. Certaines voitures font mieux, mais c'est très rare. Le train fait beaucoup mieux si l'on oublie sa construction. Même en l'intégrant, il est cependant vrai que le TGV reste bien plus favorable que l'avion. C'est moins vrai s'il s'agit d'un train relativement peu fréquenté.
Pour ce qui est de l'avion et des lignes intérieures françaises, peu empruntées, le turbopropulseur présente un certain intérêt. Les turbopropulseurs, sur des liaisons de 500 à 600 kilomètres, allongent le temps de parcours d'une dizaine de minutes mais économisent environ 40 % de kérosène et des tonnes de CO2. Cela mérite donc d'être étudié de près. Énormément de pays à travers le monde utilisent des turbopropulseurs, qui sont des systèmes assez favorables.
Personne ne se satisfait cependant de la situation dans le transport aérien. Plusieurs questions ont émergé dans le débat politique s'agissant des différentes formes de taxation du secteur. Les taxes ne font toutefois pas directement économiser du CO2, même si cela peut jouer sur l'utilisation de ce type de transport et donc, indirectement, sur la quantité d'émissions. Je puis cependant vous garantir que les compagnies aériennes et les motoristes font tous les efforts qu'ils peuvent pour avoir des avions les plus performants possible. En effet, le kérosène représente un tiers du coût d'exploitation. C'est donc le premier poste sur lequel ils ont intérêt à faire des économies.
On l'a vu lors du dernier salon du Bourget, tous les constructeurs aéronautiques se sont lancés dans des programmes extrêmement coûteux en matière d'avions décarbonés. Est-on capable de réaliser un avion n'utilisant pas le carbone fossile, soit en recourant à l'hydrogène, soit à des gaz à faible nombre de molécules de carbone, comme le méthane par exemple, entièrement issu de l'atmosphère ?
Un grand nombre de sauts technologiques restent à réaliser. Je ne les décrirai pas ici, mais c'est un sujet totalement enthousiasmant pour les ingénieurs qui y travaillent. Il existe des pistes sérieuses et intéressantes. Ce n'est toutefois pas pour tout de suite. La prochaine génération d'avions fera des progrès incrémentaux progressifs. On va ainsi gagner environ 15 % d'une génération à l'autre, et l'on devrait arriver à faire nettement mieux d'ici deux générations. Peut-être connaîtra-t-on les premiers avions entièrement décarbonés vers 2050.
Enfin, une certaine souplesse existe déjà, dans la mesure où l'on peut accepter que le vol ait été annulé ou ait manqué de ponctualité. Les pénalités ne tombent pas tout de suite. L'aviation n'a pas la régularité du ferroviaire, la météo pouvant changer pas mal de choses.
La chaîne d'acteurs étant par ailleurs extrêmement complexe, le retard n'est pas toujours imputable à la compagnie aérienne. C'est au maître d'ouvrage de l'apprécier dans la gestion des systèmes de pénalités.
On peut aussi accepter des variations en cours d'année. Il existe beaucoup de lignes où les obligations sont beaucoup plus faibles en août. Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas de vol à cette période, mais peut-être desservira-t-on la Corse au lieu de Paris ou un autre lieu touristique... Ces formules peuvent être intéressantes.
Voilà ce que je pouvais dire en introduction.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - On comprend que le cadre réglementaire des obligations de service public (OSP) pourrait évoluer. Pouvez-vous nous donner quelques lignes directrices à ce sujet ?
M. Patrick Gandil. - Ce cadre réglementaire est moins rigide qu'il n'en a l'air. On peut envisager de le faire évoluer. Aujourd'hui, ce n'est pas tant la gestion du contrat avec l'entreprise de transport aérien qui est compliquée, mais l'acceptation d'un système d'OSP et d'un système d'aides. On est prêt à le faire évoluer.
La moindre des politesses est d'attendre la fin de cette mission pour présenter ce que nous avons prévu. On consultera ensuite les régions, les compagnies aériennes, la Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM) et les aéroports concernés. On espère pouvoir proposer un nouveau projet à l'automne.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Concrètement, vos équipes sont-elles prêtes à aider les collectivités territoriales et à leur apporter un accompagnement technique et juridique dans la mise en oeuvre et le suivi des OSP, celles-ci étant parfois complexes pour les petites collectivités ?
M. Patrick Gandil. - Nous sommes à leur entière disposition. C'est notre devoir. Nous le faisons depuis longtemps pour la Corse, avec laquelle il y a beaucoup de liaisons. L'office des transports corse connaît bien la partie dévolution et gestion du contrat.
En revanche, le lien avec la Commission européenne est compliqué. Nous jouons un rôle d'intermédiaire et suivons toutes les lignes et les OSP qui existent. Si une région souhaite aller plus loin, nous sommes à sa disposition.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Comment se déroulent les négociations d'ouverture de nouveaux droits de trafic ? Que pensez-vous de la possibilité d'en réserver une part aux aéroports régionaux ? Nous avons eu des demandes de cet ordre au cours de nos auditions.
M. Patrick Gandil. - Les droits de trafic sont malgré tout aujourd'hui extrêmement ouverts entre les zones du monde pour lesquelles il existe des accords de ciel ouvert, en particulier les États-Unis et le Canada. Beaucoup de pays des marches de l'Europe sont ouverts au titre de la politique du voisinage. Le Qatar vient de s'y ouvrir, et on est en négociation assez avancée avec les pays de l'ASEAN.
Dans certains pays, on n'a pas d'accord de ciel ouvert, mais la croissance prend de l'avance sur le trafic, comme en Chine. On a aussi des accords bilatéraux avec de très nombreux pays. C'est la force de la diplomatie et du transport aérien français. On peut aussi discuter des possibilités extra-bilatérales en cas de besoin. Nous avons orienté tous les accords récents prioritairement sur la province, notamment en ce qui concerne la Chine.
Il existe néanmoins des problèmes avec les pays du Golfe qui, contrairement au Qatar, ont refusé de s'inscrire dans la perspective d'un accord de ciel ouvert avec l'Union européenne, alors que nous leur tendions la main. La relation commerciale avec Emirates étant complexe, la situation n'avance pas pour l'instant. De même, on a des relations équilibrées mais compliquées avec la Russie. Il n'y a pas de difficulté avec la plupart des autres pays.
La lecture d'un accord bilatéral n'est cependant pas toujours très simple. Le mieux est que l'aéroport ou la région qui se pose des questions sur ce sujet nous en parle. Nous sommes là pour cela.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - L'aéroport de Nice fait régulièrement entendre sa demande avec une certaine forme d'insatisfaction, d'où la question.
M. Patrick Gandil. - Je pense que ceci est lié aux Émirats. Il existe une strate diplomatique avant de signer un accord mais Nice, en soi, n'est pas maltraité. La question porte sur l'équilibre de la relation.
Le marché intérieur de ces pays est assez réduit. Il faut donc trouver un certain équilibre de négociations.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - L'idée que l'État central parisien privilégie le hub de Paris au détriment de la province est sous-jacente. Je soulève la question en termes volontairement provocants, mais c'est parfois ce qui nous remonte. Pouvez-vous nous apporter des réponses à ce sujet ?
M. Patrick Gandil. - Fondamentalement, c'est faux ! On constate depuis 3 à 4 ans une ouverture plus forte en faveur de la province par rapport à Paris. Cependant, lorsqu'il s'agit de droits de trafic à faible volume - ce qui n'est pas le cas avec les Émirats -, la compagnie aérienne qui n'a qu'un seul vol par semaine et qui va desservir un seul point du territoire choisira Paris. Si on propose autre chose, on n'obtiendra pas d'accord. À chaque fois que l'on est sur des droits actifs, l'ouverture est assez importante. C'est notamment le cas de Nice et Lyon. On cite toujours en exemple ce qui ne fonctionne pas, mais il faut aussi se pencher sur tout ce qui fonctionne.
M. Sébastien Meurant. - On nous a dit que le premier hub pour Nice n'était pas Charles-de-Gaulle, mais Francfort.
Ma question porte sur l'évolution liée aux nouveaux avions. Ces changements économiques, au lendemain d'un salon du Bourget enthousiasmant par rapport à la capacité de la France à avoir une filière aéronautique au meilleur plan, ne vont-ils pas être de nature à modifier l'implantation et l'évolution des infrastructures aéroportuaires ?
En d'autres termes, le point par point, qui présente des intérêts économiques et écologiques évidents, n'est-il pas de nature à se modifier assez rapidement ? Je pense à la nécessité de construction d'un terminal supplémentaire au nord de la région parisienne.
M. Patrick Gandil. - Je pense que cela va induire des modifications, mais je ne crois pas que cela induise une révolution à l'échelle de Roissy. Aujourd'hui, la nouveauté vient du fait qu'on a enfin la capacité de traverser l'Atlantique assez facilement et aller au milieu des USA avec un avion d'environ 200 places. Je pense qu'il y aura une liaison avec les métropoles régionales françaises, notamment pour les très grands aéroports de province que sont Nice, Lyon, Marseille, Toulouse, mais aussi Bordeaux, Nantes, Bâle-Mulhouse, qui sont tous à plus de 5 millions de passagers - plusieurs en comptent déjà 10 millions.
Même avec une liaison par jour, l'effet sur Paris reste relativement faible. On est sur des métropoles régionales de l'ordre du million d'habitants, l'agglomération parisienne dépassant les 10 millions.
Par ailleurs, il y a rarement plus d'un vol par jour sur les très long-courriers. Celui-ci compte pas mal de passagers locaux, le complément venant du hub. Cela n'existe pas dans tous les pays, et ce type de fonctionnement particulier n'est pas reproductible à l'infini.
Je pense donc qu'on va connaître une croissance des aéroports de province, déjà aujourd'hui beaucoup plus rapide que celle de Paris, qui va elle-même continuer. Paris est à environ 100 millions de passagers aujourd'hui. Sa croissance tourne autour de 3 % par an, ordre de grandeur qui est celui de l'Europe de l'ouest, soit 3 millions de passagers en plus.
On n'est donc pas dans le même ordre de grandeur. Je pense qu'on a besoin à Paris d'une perspective de croissance pour des raisons de développement économique, d'emplois, etc.
En revanche, le débat sur l'architecture et le planning du T4, que l'on ne connaît pas encore, vient de se terminer. Le système va certainement être évolutif et la croissance ainsi que la construction d'aérogares dépendront de l'avancement du trafic. Cette évolution du long-courrier vers l'Amérique du Nord va atteindre nos villes de province. Une ville comme Lyon n'a jamais réussi à développer une liaison avec New York parce que l'avion était trop grand par rapport à l'hinterland de New York. Aujourd'hui, cela va devenir extrêmement facile.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Vous avez abordé la question des turbopropulseurs pour les lignes d'aménagement du territoire et les petites lignes. Un certain nombre de jets, notamment d'Embraer, opèrent également sur ce type de lignes. Le combat n'est pas gagné. Même si, du point de vue environnemental, un ATR émet beaucoup moins de CO2, il est un peu moins rapide. Une certaine pédagogie n'est-elle pas nécessaire ? Les jets devraient sortir du marché à une certaine échéance - à moins qu'on se remette à en produire pour ces petites lignes.
Par ailleurs, il y a à peu près deux ans, les petits avions se sont trouvé pénalisés par l'évolution de la tarification d'ADP. Ne s'agit-il pas d'une situation complètement ubuesque ? On pourrait, en caricaturant, estimer que l'on met de l'argent dans les lignes d'aménagement du territoire parce qu'on a en partie augmenté les redevances.
M. Patrick Gandil. - Ni la DGAC ni les compagnies aériennes ni les aéroports n'ont réussi à assurer la promotion du turbopropulseur, qui a une image ancienne d'appareil à hélice. Ce sont pourtant de splendides hélices fabriquées en France par Ratier-Figeac et dignes d'une sculpture moderne...
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Hop a très mal opéré durant des mois !
M. Patrick Gandil. - Je n'en disconviens pas. Ceci a sûrement joué un rôle important.
Cependant, lorsqu'on observe l'histoire des moteurs, les turbopropulseurs modernes sont arrivés relativement tard. On n'est pas dans les moteurs à hélice de la deuxième guerre mondiale, qui étaient de super moteurs à piston. Il s'agit d'un moteur de type moteur à réaction qui, au lieu de propulser de la masse d'air comprimé et des gaz brûlés vers l'arrière, fait tourner un plateau d'hélice. De face, on a une sorte d'énorme aspirateur avec, à l'intérieur du tuyau de réacteur, une sorte de plateau d'hélice tournante faite pour aspirer l'air et le pousser vers l'arrière. Dans le turbopropulseur, c'est à peu près pareil, mais l'hélice compte un assez grand nombre de pales et s'appuie sur l'air pour propulser l'avion vers l'avant. Un turbopropulseur moderne, un petit réacteur ou un moteur d'hélicoptère ont une certaine proximité. D'ailleurs, leurs progrès ont été parallèles.
Ce sont des moteurs modernes d'un rendement très intéressant. Le bruit peut être considéré comme plus ou moins agréable. Il est à coup sûr différent. Je pense qu'il est beaucoup plus agréable pour les riverains et plus pénible pour les passagers, mais cela dépend aussi de la qualité de l'insonorisation de la cabine. Les derniers modèles d'ATR, comme la série 600, sont bien insonorisés.
Il ne faut pas reprocher aux turbopropulseurs leur diamètre de cabine relativement faible. Qu'il s'agisse d'un CRJ à réaction ou d'un ATR à turbopropulseur, le diamètre est à peu près le même. La clé réside pour moi dans l'insonorisation.
Par ailleurs, ADP est une entreprise à capitaux publics. Cela n'en fait pas un établissement public dans lequel l'État décide comme il veut. Nous allons bientôt avoir un nouveau contrat de régulation économique. On aura alors un poids particulier sur l'ensemble de l'économie du système. Je compte bien que nous ayons quelques exigences en matière de qualité de services en général. Il y a pas mal de choses à faire pour éviter les situations actuelles, où l'arrivée est mal traitée, avec des parcours à pied souvent très importants.
Je pense qu'il est tout à fait en notre pouvoir d'agir lors du prochain contrat de régulation économique, qui va être présenté à l'automne.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Certaines choses sont donc à revoir en matière de tarification et de prise en charge de la clientèle...
M. Patrick Gandil. - En effet.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - J'emprunte souvent la ligne Aurillac-Paris. On est souvent débarqué au pied d'un escalier très raide, difficile à emprunter pour les personnes âgées ou celles qui ont des problèmes de mobilité, avec des parcours assez longs dans l'aéroport. C'est un véritable problème, qui donne le sentiment aux usagers, malgré les efforts des collectivités et de l'État, d'être traités comme des passagers de deuxième catégorie.
Une certaine péréquation entre les aéroports régionaux et départementaux pourrait-elle être envisageable dans des zones qui connaissent un faible taux de passagers ? En Bretagne, Quimper fonctionne avec Brest. Ce modèle peut-il être dupliqué ?
M. Patrick Gandil. - C'est un modèle à étudier avec précaution. Je ne dis pas que c'est impossible, mais cela vaut vraiment la peine de nous consulter avant. À Brest et Quimper, la DSP est la même pour les deux aéroports, ce qui permet de faire de la mise en commun, notamment en termes de coûts administratifs, d'achats, etc.
En revanche, chaque usager doit payer la redevance correspondant au coût de son service. Ce n'est pas l'usager qui est censé réaliser une péréquation. Si on peut dire que c'est le même système aéroportuaire, comme Orly et Roissy par rapport à Paris - et il n'y a pas de raison que cela ne se fasse pas en province -, il faut que l'on soit dans le cas du système aéroportuaire commun pour avoir une tarification commune.
Le fait d'être dans un système comme celui-ci peut présenter des avantages importants sur toute la partie commerciale. C'est ainsi que travaillent les entreprises concessionnaires de services publics sur plusieurs aéroports. Les parties stratégiques, commerciales et comptables sont communes à un ensemble d'aéroports et, d'une certaine façon, mutualisées. Ce pourrait être le cas dans un contexte régional. Il n'y a là aucune impossibilité.
Par ailleurs, en matière de sûreté, même si on prend garde que cela n'aille pas trop loin, il existe une part additionnelle à la taxe d'aéroport qui permet d'aider au financement des aéroports les plus fragiles. Si on ramène cela au coût par passager, les aides vont être d'un niveau considérable. La question est de savoir si le transport aérien est justifié dans ces aéroports. Si l'on répond oui - et je pense que c'est le cas général -, un terroriste peut très bien faire embarquer une bombe dans un aéroport secondaire. Celle-ci circulera ensuite un peu partout.
Il y a deux ans, l'Australie a été menacée à deux reprises. Du matériel en provenance de la zone orientale destiné à alimenter des réseaux terroristes a été acheminé par le fret. Il faut que l'on puisse traiter cette question partout avec les mêmes règles et les mêmes objectifs de sécurité. Ceci peut justifier une certaine péréquation, par exemple dans le cas de petits terrains qui ne reçoivent que quelques avions de ligne dans la journée.
Alors que la France est un pays assez bon marché en matière de navigation aérienne, elle est relativement chère en termes de services terminaux, tout simplement parce que l'on traite un grand nombre d'aéroports, parmi lesquels de très petits. Quelques outils de péréquation existent déjà, mais aller plus loin soulève des questions que l'on étudiera volontiers avec les régions qui le souhaitent.
Il s'agit d'un milieu effroyablement contentieux. Si on n'est pas dans le droit, on se fera rattraper.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - En matière de sûreté, l'interrogation était plutôt inverse il y a quelques mois : on disait alors que cela avait un impact fort sur les hubs, où on est presque à l'euro près quand on compare les prix des vols, certains prétendant même que la péréquation en faveur des petits aéroports avaient un impact négatif sur les plus importants.
La demande de transparence était également forte pour justifier des dépenses de sûreté, y compris dans les petits aéroports.
M. Patrick Gandil. - Vous avez parfaitement raison, mais il ne faut pas tomber dans l'excès inverse. On a réussi à diminuer la part de péréquation de façon relativement importante, mais on ne l'a pas annulée. On a augmenté la part maximale payée dans les petits aéroports, qui va jusqu'à 15 euros par passager environ. On a trouvé un nouvel équilibre, avec un niveau de péréquation plus faible, mais qui reste suffisamment important pour éviter des situations ingérables.
M. Cyril Pellevat. - Monsieur le directeur général, j'aimerais revenir sur les considérations environnementales. La DGAC gère les comptes du Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation (CORSIA) des opérateurs immatriculés en France. Quels sont les premiers résultats depuis la mise en place de ce programme ?
M. Patrick Gandil. - Pour l'instant, je n'en ai pas encore, car nous sommes dans la computation de l'année de référence. Le mécanisme CORSIA commencera à être appliqué en 2020, à partir de la computation des émissions de 2019.
En Europe, je suis certain que tous les pays rendront leur computation en temps et en heure à l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Nous avons été moteurs dans cette affaire. La question est de savoir comment les choses vont se passer ailleurs. Le vote du mécanisme CORSIA a été acquis à une majorité extraordinaire : nous n'avons pas eu d'opposition mais seulement des réserves importantes de la Russie et de l'Inde, et des remarques de tel ou tel autre pays. Les choses sont donc très bien parties.
Cela étant, il est important de tenir les engagements, à l'issue de l'année 2019, lorsque les bases de calcul devront être rendues. Il faudra ensuite étudier la façon dont se feront les paiements. Je ne suis pas très inquiet. Le plus important est d'éviter que certains pays, en réaction à l'évolution des taxes ou des mécanismes de marché européens, ne veuillent afficher une position différente. On verra le résultat lors de l'assemblée générale de cet automne. Je reste assez optimiste, mais quelques menaces existent.
Il faut aussi tenir compte du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (ETS), qui existe pour toute l'industrie. La difficulté de l'aviation est d'être un peu à part parce qu'elle est internationale par nature. L'Europe a été mise en minorité lorsqu'elle a proposé les prémices du mécanisme CORSIA. Elle a revu sa position en la limitant au périmètre européen, certains pays pauvres reprochant aux pays riches de vouloir les faire payer.
Un nouveau mécanisme limitant les ETS au périmètre européen a été accepté. Il a donné lieu au mécanisme CORSIA. Cet équilibre est important. Si l'on maintient un mécanisme européen ambitieux - l'aviation européenne représentant environ 15 % du total - et un mécanisme mondial traitant l'ensemble, on aura accompli un progrès significatif.
M. Vincent Capo-Canellas. - L'opinion juge le mécanisme CORSIA assez nébuleux. Sans parler des ETS, comment concilie-t-on la compétitivité du transport aérien, le besoin de se déplacer dans les airs et un plus grand respect de l'environnement ? Ce système suffit-il ?
M. Patrick Gandil. - Il s'agit de compenser les émissions en finançant des économies de carbone dans d'autres secteurs d'activité à des coûts moins élevés.
Au fur et à mesure, les projets vont devenir plus chers. Il faudra davantage compenser la production de CO2, le transport aérien ayant entre-temps augmenté. C'est une dépense a priori assez dynamique. Elle est toutefois partie d'assez bas, ce qui a constitué un facteur d'acceptabilité. Un grand nombre de pays étaient d'accord pour compenser mais non pour brider, considérant que le transport aérien est vital pour leur économie. Il ne s'agit pas uniquement d'une position des très grands pays, mais aussi de pays isolés, comme les îles Marshall, ou de petits pays africains enclavés.
Face à cette situation, et dans un contexte qui est celui des règles de l'ONU, je pense qu'on a abouti au meilleur compromis possible. Ceci va quand même peser sur les coûts des compagnies aériennes. On cherche à ce que cela ne bride pas la croissance du trafic. C'est ce que la majorité des pays du monde ont considéré comme la pierre angulaire de l'acceptabilité du système.
Si on veut faire plus, on ne pourra pas le faire au niveau mondial mais au niveau européen. Cela aura forcément un impact sur le volume et l'économie du transport aérien, ainsi que sur les déplacements. On est ici face à un paradoxe assez courant : une grosse partie de l'opinion publique voudrait qu'on diminue les émissions, mais il y a toujours plus de passagers au moment des départs en vacances et toujours plus d'avions dans le ciel. Si je prends ma casquette de contrôleur aérien, on est mieux préparé à l'été qui vient qu'à l'été précédent, mais ce n'est pas gagné. On va encore assister à une croissance du trafic.
Ce problème présente deux facettes. Tout le monde est conscient des enjeux du changement climatique, mais il existe des aspects positifs, comme la libre circulation des personnes, par exemple dans le domaine d'Erasmus. Trouver le bon équilibre revient probablement à essayer de freiner un peu la croissance sans faire n'importe quoi, à être attentif aux autres effets, comme le bruit, et à progresser plus vite vers une aviation de plus en plus décarbonée. On gagne environ 15 % à chaque génération d'avions : il faut faire plus !
M. Vincent Capo-Canellas, président. - On a le choix entre freiner la croissance ou freiner les émissions....
M. Patrick Gandil. - On ne réduira pas les émissions plus vite que ce qu'on fait aujourd'hui. Le secteur de l'aviation est probablement celui qui, en France, fait plus en matière de recherche et développement que le secteur pharmaceutique. Il est aidé par l'État, mais il en fait aussi beaucoup lui-même. Il perçoit beaucoup moins d'aides que ses concurrents outre-Atlantique. Malgré cela, on arrive à tenir un rang majeur au niveau européen.
Il faut certes essayer d'aller plus vite, tout en ciblant le long terme et une aviation décarbonée, ce qui peut nous faire prendre un peu de retard sur de petits progrès incrémentaux.
Les biocarburants peuvent également nous permettre de gérer des phases intermédiaires. Au fond, un réacteur ou un turbopropulseur brûlera tout aussi bien du kérosène à base de carbone fossile que du kérosène à base de carbone atmosphérique. C'est exactement le même produit. On est également capable, comme dans l'automobile, d'additionner au kérosène d'origine fossile des produits qui peuvent nous permettre d'économiser du CO2. La difficulté est de les produire sans concurrence alimentaire. C'est l'une des voies sur lesquelles on travaille beaucoup aujourd'hui, qui doit permettre de gagner un peu de temps dans la voie que vous recherchez.
Mme Sonia de la Provôté. - Monsieur le directeur général, l'encombrement de l'espace aérien se produit désormais hors période estivale. La croissance du trafic et la fréquentation ne vont pas s'arrêter, d'abord parce que l'avion se démocratise de plus en plus et parce que, du point de vue des entreprises, c'est un bon moyen pour travailler à plus grande échelle. Avec le low cost, la dimension touristique prend aussi beaucoup d'espace. Pour ne prendre que le cas de la France, ce phénomène est inévitable.
En outre, s'ajoute à cela une moindre qualité de service du train. Un certain nombre de failles sont apparues dans le transport ferroviaire au cours des années. Un certain nombre d'usagers se tournent désormais vers l'avion.
Tout ceci concourt à la saturation. Je ne sais si ce phénomène est identique dans les autres pays, en particulier européens. Comment voyez-vous la régulation se mettre en place ? Quels seront les arbitrages ? Défendra-t-on toujours les lignes d'aménagement du territoire dans un certain nombre d'années ? Il y a là des enjeux économiques qui nous dépassent, notamment du fait des très gros investisseurs étrangers, qui ne voient que la manne financière que cela représente.
M. Patrick Gandil. - Je ne me prononcerai pas sur la question des défaillances du transport ferroviaire. Ce n'est pas mon rôle. En France, nous enregistrons une baisse du trafic sur les grandes lignes radiales de transport aérien du fait du TGV lorsqu'un TGV met deux heures pour rejoindre Paris. Cela ne signifie pas qu'il n'y a plus d'avions vers Paris, car on continue à utiliser le hub de Roissy pour aller dans le reste du monde.
Lorsque le train met trois heures, un équilibre se crée. Quand il met quatre heures, cinq heures ou plus - comme pour Toulouse et Nice -, l'avion continue à jouer un rôle dominant. Ce sont les deux dernières grandes métropoles régionales concernées. Pour des villes plus éloignées de Paris, comme Brest ou Pau, sans parler de la Corse, l'avion est forcément dominant.
Va-t-on atteindre une totale saturation du ciel ? La situation actuelle est liée à un contexte très particulier de régulation économique du secteur. Les compagnies aériennes ont poussé à la réduction des dépenses consacrées au contrôle aérien, et pas seulement en France. Les choses ont été pires dans d'autres pays d'Europe. Tout ceci a fait qu'on a soit arrêté de recruter des contrôleurs aériens, soit qu'on en a réduit le nombre de façon continue. On s'est donc trouvé il y a deux ans face à un manque dans de nombreux pays.
En France, la conflictualité a joué un certain rôle. Cette année, les délais sont très raisonnables. M. Capo-Canellas a fait un rapport remarqué à ce sujet. L'année de ce rapport, l'Allemagne a connu les mêmes délais que la France sans avoir subi de grèves. Je ne jette pas la pierre aux Allemands : le centre de contrôle de Maastricht est également saturé, et l'Espagne connaît des difficultés, tout comme de nombreux autres pays.
Le plus souvent, cela est dû à une insuffisance de contrôleurs aériens. Un contrôleur aérien ne peut traiter plus d'une douzaine d'avions à la fois. Ce n'est pas si facile : il faut un grand entraînement. Il peut aller jusqu'à en contrôler vingt en cas de difficultés, mais durant très peu de temps. Il faut être capable de gérer un très grand nombre d'événements à la fois. Chaque fois qu'on essaie de le faire automatiquement, cela fonctionne moins bien. L'esprit humain, bien entraîné, reste plus performant. Encore faut-il avoir suffisamment de personnel. On est en train de remonter la pente en la matière. Cela ira mieux dans quelques années.
Le deuxième paramètre provient de la modernisation technique. Aujourd'hui, on vit sur des systèmes anciens, qui ont été modernisés et qui ont l'avantage de la robustesse, alors que les nouveaux systèmes vont subir une part inévitable de déverminage. C'est en les pratiquant qu'on découvrira un certain nombre de difficultés, même si tous les tests ont été pratiqués auparavant.
Cela a toujours été ainsi. On passe à du striping électronique et on abandonne le papier. Le strip avait des défauts, mais présentait l'avantage d'être complètement indépendant du système électronique. Dans un cas, cela nous aurait sauvé la mise. Un cas, c'est statistiquement très peu, mais c'est toujours un cas de trop. Il faut donc réinventer les systèmes de sécurisation en tenant compte de cette nouvelle situation. Quand tous nos contrôleurs seront formés et que tous ces systèmes fonctionneront bien, on devrait gagner entre 15 % et 30 %.
Si on est vraiment bloqué, on peut jouer sur le niveau des vols. Sur la route, on a inventé les giratoires pour faire passer plus de voitures. C'est la même chose pour les avions. On peut ainsi augmenter la capacité. Cette question peut être posée.
On peut aussi les faire voler plus bas. C'est ce qui sauvera les LAT, notamment les turbopropulseurs. Ce sont des lignes courtes, pour lesquelles on ne va pas faire monter l'avion très haut. L'optimum des turbopropulseurs se situe vers 25 000 pieds, alors que ce sera de l'ordre de 32 000 pieds pour un jet. Le trafic à 25 000 pieds n'étant pas très chargé, on doit y arriver dans de bonnes conditions. Enfin, on peut donner une priorité aux LAT dans les systèmes de navigation aérienne. Il faut cependant surveiller tout le reste. En désoptimisant un peu le système, on peut développer un certain nombre de capacités.
Si cela ne suffit pas, de même qu'on a créé des créneaux aéroportuaires pour gérer la saturation des aéroports, on peut très bien imaginer des créneaux dans les zones les plus chargées et avoir ainsi une pré-allocation.
Ce point a été débattu dans le groupe des sages monté par la commission pour réfléchir à l'avenir du contrôle aérien, auquel j'ai récemment participé. Même si tout le monde s'est dit que ce n'était pas pour tout de suite, personne n'a trouvé cette réflexion ridicule.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - La concertation à propos du T4 comporte un engagement sur le maintien du niveau de bruit. Je comprends que cela fonctionne dès lors que la descente en continu est bien mise en oeuvre par le contrôle aérien. Pouvez-vous nous rassurer sur les échéances et la faisabilité ?
M. Patrick Gandil. - Je peux en effet vous rassurer. C'est difficile à Roissy parce qu'on a deux doublés en descente continue et parallèle. On pratique la descente continue en totalité la nuit, un doublé sur deux étant fermé pour maintenance. Cela fonctionne très bien.
Lorsque deux avions sont axés en parallèle sur les pistes, ils n'ont pas une distance suffisante entre eux pour qu'on puisse considérer qu'ils sont séparés. C'est pourquoi on les sépare d'un niveau. On sait le faire lorsqu'ils volent à plat. En revanche, en descente, les systèmes de guidage des avions ne nous permettent pas de garantir que les deux droites resteront parallèles. En outre, cela ne fonctionne plus au moment d'atteindre le sol.
Les deux avions sont séparés lorsqu'ils accrochent le système de guidage radioélectrique (ILS), dans la phase finale de leur trajectoire. L'écart est alors suffisant pour assurer la sécurité. La navigation satellitaire nous permet de faire beaucoup de choses mais, aujourd'hui, on n'est pas tout à fait sûr d'avoir une séparation suffisante.
En réalité, la précision s'établit à un nautique près, mais la plupart des avions sont très centrés. Il est donc extrêmement improbable que deux avions soient chacun à l'extrémité de leur distribution. On est à peu près sûr que cela suffit largement, mais il faut le démontrer à une partie de la DGAC, qui est totalement indépendante, y compris de moi-même. Je ne peux en effet avoir à la fois autorité sur le contrôle et sur la sécurité qui contrôle le contrôle.
Au début de l'année prochaine, on va garder la technique actuelle sur une moitié de l'espace et, sur l'autre, mettre les nouvelles procédures en place. On gardera la séparation mais on pourra, durant plusieurs mois, réaliser des enregistrements et étudier la réalité de la distribution. Si on tient les probabilités, on pourra présenter les résultats à notre autorité. D'après les prétests, nous sommes assez sûrs de notre coup.
Cette étape aura un deuxième mérite. Elle permettra aux riverains concernés de porter une appréciation sur le niveau du bruit que représente la descente continue. Jusqu'à présent, on parlait de décibels. Cette fois, les riverains pourront entendre ce qui se passe. Ce sera une sacrée révolution : les avions vont arriver trop haut pour qu'on les entende. Ceux qui arrivent dans l'axe de la piste vont continuer, ceux qui arrivent à rebours vont effectuer un grand virage en hauteur. La fin du virage se fera en descente. Tous vont converger vers le point où ils accrochent l'ILS. On va utiliser le guidage satellitaire non pour les amener au sol mais sur l'ILS, dont on va profiter de la précision pour réaliser la courbe finale. Sur un aéroport de cette taille, c'est une première, mais on y croit !
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Monsieur le directeur général, notre mission s'intéresse à la continuité territoriale avec les outre-mer. Les OSP dans et vers les territoires ultramarins vous semblent-elles devoir évoluer en passant d'un système d'aide au passager à une OSP renforcée ?
M. Patrick Gandil. - Il faut mener une grosse partie des discussions avec les régions concernées. Des OSP pour des lignes transportant relativement peu de passagers sur de courtes distances sont injustifiées. Par ailleurs, cela coûtera probablement tellement cher que cela ne durera pas longtemps. Ce n'est toutefois pas à moi de faire le choix.
Ce n'est pas la même chose de faire des milliers de kilomètres avec un gros-porteur et de faire 500 kilomètres avec un ATR de 50 ou 70 places. C'est ce qui a conduit au développement des aides à la personne, en général sous condition de ressources, ce qui peut être beaucoup plus souple en fonction des situations individuelles. Ces aides sont couplées avec des aides de nature commerciale des compagnies aériennes, ou la prise en compte de cas particuliers - obsèques, etc. Néanmoins, la difficulté réside dans le fait que certaines saisons sont plus chargées que d'autres. On a toutefois amélioré les choses, même s'il y a encore des progrès à réaliser, comme à Mayotte, où il n'existe pas d'OSP. Mayotte n'était pas un département au moment où tout s'est monté. Aujourd'hui, on est en mesure de le faire pour des questions sanitaires - transport de médicaments, de malades, etc. Des choses importantes vont ainsi se faire sur La Réunion.
Quant à la Guyane, le ministère de l'outre-mer n'y intervient pas. On y trouve des crédits de transport mis en place par les autorités locales. Dans la mesure où tous les passagers sont aidés, on pourrait imaginer que la compagnie aérienne puisse directement faire quelque chose qui s'apparente à une DSP. Ce point n'est pas tranché aujourd'hui et mérite un débat avec les autorités concernées.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - N'est-ce pas envisageable en Guadeloupe, pour aller d'une île à l'autre ?
M. Patrick Gandil. - Pour les îles proches, je pense que c'est aux régions et aux départements concernés de le gérer.
Quand il s'agit de liaisons internationales, comme avec Air Caraïbes, il n'est pas question de prévoir une aide aux billets. En revanche, on essaie de faciliter des accords larges et si possible de ciel ouvert dans ces îles, dont certaines sont petites. Une économie touristique assez intéressante peut s'y développer. Il faut éviter de créer des difficultés diplomatiques. C'est une idée qui est sortie des assises et qu'il faut faire avancer.
Les problèmes n'étant pas tout à fait les mêmes, il s'agirait de tenir une conférence annuelle par bassin sur ces questions.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Merci beaucoup, monsieur le directeur général.
Nous sommes sensibles à votre connaissance très fine de tous ces sujets. La mission va continuer ses travaux. Nous entendrons la ministre chargée des transports ce jeudi 4 juillet. Nous aurons plaisir à revenir vers vous à l'automne avec des suggestions.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 17 h 45.
Jeudi 4 juillet 2019
- Présidence de M. Vincent Capo-Canellas, président -
La réunion est ouverte à 11 h05.
Audition de Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Madame la ministre, les assises du transport aérien, que vous avez lancées en 2017, comportaient un volet consacré aux territoires, animé par le président de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset. Vous vous êtes appuyée sur ces travaux pour annoncer une relance des lignes d'aménagement du territoire (LAT).
Madame Josiane Costes, rapporteure, ainsi que l'ensemble de nos collègues, ne manqueront pas de vous poser des questions sur ce point et, plus globalement sur la stratégie de desserte des territoires qui est la vôtre, la connectivité des territoires, la complémentarité des modes de transport et la place du transport aérien dans un contexte où la dimension environnementale se fait jour de manière plus forte à chaque instant.
La parole est à Madame la rapporteure.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat a constitué cette mission d'information, à l'initiative du groupe RDSE, et j'en ai été nommée rapporteure en mai dernier. Ma préoccupation majeure concerne bien évidemment la situation des régions très enclavées, restées à l'écart du TGV et des autoroutes et, si vous me permettez l'expression, hors de portée des radars de Paris et des grandes métropoles.
C'est le constat que fait le Cantal, dont je suis originaire, mais celui-ci est également partagé par mes collègues des régions où la continuité territoriale est un enjeu majeur de développement et d'attractivité. Je pense ici, entre autres, aux outre-mer.
Cette préoccupation, madame la ministre, je sais que vous la partagez également. Vous aviez organisé en octobre 2018, avec notre ancien collègue Jacques Mézard, à qui j'ai succédé, alors ministre de la cohésion des territoires, un colloque sur le thème « Aéroports et territoires », dans lequel il était réaffirmé que « les liaisons aériennes sont à même d'apporter très concrètement et plus rapidement qu'au travers de nouvelles infrastructures des réponses à l'enclavement que subissent encore de nombreux territoires, nos concitoyens qui y vivent et les entrepreneurs qui y sont installés ».
Aujourd'hui, un million de Français vivent à plus de 45 minutes d'un accès à l'autoroute, d'une gare TGV ou d'un aérodrome, et 10 millions d'entre eux n'ont accès qu'à un seul de ces modes de déplacement. C'est une forme d'assignation à résidence qui est préjudiciable au développement économique, à l'accès au travail, à l'accès au logement, à l'éducation, aux loisirs, et même parfois, malheureusement, à la santé.
Madame la ministre, pouvez-vous nous exposer les mesures qui seront prises très concrètement pour appliquer la stratégie nationale du transport aérien en direction des territoires les plus enclavés et de tous les territoires, qu'il s'agisse des moyens budgétaires, de l'amélioration des services aériens, de la modernisation du cadre réglementaire d'attribution des délégations de service public (DSP) et d'accompagnement technique, juridique, mais aussi financier des collectivités locales ?
L'État transfère aux collectivités des compétences qui impliquent d'une part des investissements aéroportuaires lourds pour certaines collectivités et, d'autre part, le cofinancement croissant des lignes d'aménagement du territoire. Dans le même temps, une programmation pluriannuelle des finances publiques qui vise à limiter l'évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriale est en jeu. Comment sortir de cette double injonction fixée par l'État aux collectivités territoriales ?
Enfin, au vu du débat à l'Assemblée nationale sur la loi d'orientation des mobilités (LOM), le contexte est assez défavorable au développement du transport aérien. Aussi sommes-nous intéressés par toute mesure qui pourrait limiter l'impact environnemental de ce mode de transport. Tout le monde a à l'esprit la taxe carbone, mais il faut absolument tenir compte de la spécificité de nos territoires et, en particulier, des territoires enclavés, qui ne sont pas les plus favorisés, dont les budgets sont relativement limités et pour lesquels il n'existe pas de moyen de transport se substituant à l'avion.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Madame la ministre, vous avez la parole.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. - Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie pour cette invitation à échanger sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire, notamment au Sénat : je considère que les liaisons d'aménagement du territoire sont essentielles pour nos territoires. Elles répondent à un besoin fort pour un certain nombre de nos concitoyens sur les territoires les plus enclavés, celui de l'accessibilité.
La question de l'accessibilité des territoires est la condition nécessaire pour que les emplois se maintiennent dans ces territoires et qu'ils puissent se développer. La connexion aux centres économiques est un enjeu important pour le dynamisme des territoires. La loi d'orientation des mobilités, dont la commission mixte paritaire se déroulera la semaine prochaine, porte en son coeur un objectif, celui de la mobilité pour tous et partout.
Nous devons sortir du tout TGV. Nous ne pouvons construire des lignes TGV et des autoroutes partout sur le territoire, et certains projets peuvent être questionnables d'un point de vue non seulement économique, mais aussi écologique.
Dans ce contexte, je considère que le transport aérien doit avoir toute sa place dans une politique de mobilité intermodale qui vise à une desserte adaptée et performante de tous les territoires. J'estime que les lignes d'aménagement du territoire sont réellement un outil essentiel au désenclavement des territoires.
Le maillage aéroportuaire dont nous disposons en France peut nous permettre d'apporter aux territoires des réponses adaptées, efficaces et rapides. Quand vous vivez à Castres, à Aurillac, au Puy-en-Velay, la desserte aérienne vers Paris vous connecte non seulement à la capitale, mais aussi au-delà. C'est donc le maillon indispensable sans lequel les entreprises et les emplois ne pourraient se maintenir.
La France compte actuellement trente-cinq liaisons exploitées sous obligation de service public, dont onze intérieures à la métropole. Les liaisons intérieures à la Guyane répondent quant à elles à une autre logique, avec des aides à caractère social et des liaisons entre la métropole et les départements d'outre-mer, pour lesquelles il existe aujourd'hui une offre avec des compagnies souvent diversifiées. Les exploitations sont assurées par le biais de délégations de service public, qui permettent de compenser le déficit d'exploitation des transporteurs aériens qui sont retenus par appel d'offres.
Je tiens beaucoup à ces liaisons d'aménagement du territoire. C'est pourquoi j'ai décidé, suite aux assises du transport aérien, de quadrupler le budget consacré au financement de ces lignes en 2019. Le budget alloué à ces liaisons permettra notamment de poursuivre le soutien de l'État sur les liaisons actuelles - je pense notamment à Aurillac, Brive-la-Gaillarde, Le Puy-en-Velay, Rodez -, de remettre un financement sur des liaisons existantes, notamment au départ d'Agen, Castres, Tarbes, La Rochelle et Poitiers, et de financer les nouvelles liaisons au départ de Limoges et, prochainement, de Quimper.
Je sais que la fiabilité et la qualité de service ne sont pas toujours au rendez-vous. La situation de Hop a particulièrement retenu toute mon attention depuis l'été 2017. J'ai constaté, comme vous, de nombreux retards ou annulations sur un certain nombre de lignes domestiques opérées par Hop, ce qui a conduit à une situation inacceptable pour certains de nos territoires et à une insatisfaction croissante de la part des passagers.
Je me félicite aujourd'hui que le plan d'action qui a été mis en oeuvre suite à mes rencontres avec la direction de la compagnie commence à porter ses fruits et que les annulations de vols se soient restreintes depuis la fin de l'été dernier. Je continue bien sûr à suivre la situation avec beaucoup d'attention, et je note l'attribution récente de deux renouvellements de délégation de service public à Air France sur Aurillac-Paris et Castres-Paris, ce qui doit être la preuve d'une satisfaction des usagers et d'une confiance en voie d'être retrouvée avec les élus.
Au-delà de cette vigilance, des modalités de contrôle administratif et contractuel permettent de s'assurer du respect par le transporteur des obligations de service public. Des pénalités financières ou même des amendes administratives peuvent être mises en place en cas de manquement. Nous n'avons pas eu, à ce stade, à en passer par là, mais cet outil existe.
Enfin, je souhaite que cette politique soit raisonnée et prenne en compte la complémentarité des plateformes et des différents modes de transport, dans une logique globale d'aménagement du territoire. C'est pourquoi j'ai souhaité associer, dès 2018, les régions aux réflexions engagées pour identifier les besoins en matière de dessertes aériennes.
Nous devons aussi prendre en compte la nouvelle réalité institutionnelle issue de la loi NOTRe, et agir en partenariat avec les collectivités territoriales, tout particulièrement les régions, qui sont cheffes de file de l'aménagement du territoire et du développement économique. Ce partenariat sera renforcé, notamment en s'appuyant sur les stratégies aéroportuaires que souhaiteront les régions, ou qui ont déjà été mises en place. Elles visent notamment à rechercher une plus grande cohérence de l'offre aéroportuaire et aérienne en examinant la réalité des besoins et la complémentarité avec les autres modes de transport.
À cet égard, en réponse à de nombreux élus locaux, j'ai signé, en mars dernier, conjointement avec Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu, une note clarifiant les compétences et les modalités d'intervention, notamment financières, des collectivités territoriales dans l'organisation et le financement des services de transport aérien public. Ceci visait à répondre à une inquiétude sur la possibilité pour les départements de continuer à intervenir sur ces liaisons d'aménagement du territoire, dont ils sont aujourd'hui, de fait, des acteurs importants.
La Direction générale de l'aviation civile (DGAC) va également publier prochainement un guide destiné aux aéroports et aux collectivités concernées pour bien clarifier le fonctionnement de ces liaisons et les responsabilités qui peuvent être prises par les uns et les autres.
Le dernier sujet que je souhaite évoquer concerne la question de l'impact environnemental du transport aérien. Comme vous l'avez sans doute vu, lors de l'examen de la loi d'orientation des mobilités à l'Assemblée nationale, de nombreux amendements proposant des taxations sous différentes formes ont été discutés. Ils n'ont pas été adoptés, mais les débats ont démontré une volonté de plus en plus forte que le transport aérien contribue davantage financièrement et que ses impacts soient davantage pris en compte en termes d'émissions de gaz à effet de serre et, plus généralement, d'impact environnemental.
Vous avez vu que le projet de loi acte le principe d'une contribution du secteur aérien au financement des infrastructures, ce qui devrait se traduire dans la loi de finances pour 2020. Je pense que la question de la taxation de l'aérien est une question légitime, qui doit être analysée. C'est un débat que la France a porté au niveau européen, et nous allons continuer, puisque c'est certainement la bonne échelle lorsqu'on mesure l'impact du transport aérien sur le climat. C'est aussi à une échelle mondiale qu'il faut agir, comme le fait le mécanisme CORSIA.
Le transport aérien doit évidemment prendre sa part dans les objectifs de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et le changement climatique, ce qui peut passer par l'usage de biocarburants, par une amélioration des motorisations et le recours à des carburants alternatifs, mais également par des mesures de compensation des émissions, ou des taxations.
Quoi qu'il en soit, je pense qu'il faut prendre en compte les liaisons d'aménagement du territoire de façon spécifique. Bien évidemment, ces liaisons ne doivent pas être pénalisées, à l'heure où le Gouvernement souhaite au contraire les encourager.
Je suis naturellement prête à répondre à vos questions.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Madame la ministre, comment évolueront les crédits affectés aux lignes d'aménagement du territoire d'ici 2022 ? L'augmentation du nombre de LAT ne risque-t-elle pas de pénaliser les LAT existantes ?
Par ailleurs, selon vous, ne faudrait-il pas contraindre ADP, dans le prochain contrat de régulation économique, à compenser l'augmentation importante des redevances aéroportuaires pour les petits porteurs, qui nous pénalise ?
Enfin, les OSP dans et vers les territoires ultramarins vous semblent-elles devoir évoluer ?
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Nous avons eu l'occasion de dire au président d'ADP que le nombre d'avions au contact devait laisser une place particulière aux petites lignes, qui représentent peu de trafic et peu de revenus potentiels. Pour les passagers des lignes en question, c'est un sujet majeur. Il serait bon, à l'avenir, d'étudier en creux ces indicateurs spécifiques et d'exiger un suivi particulier.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Je confirme que la trajectoire prévue concernant ces liaisons d'aménagement du territoire prend bien en compte le maintien des liaisons existantes. Les nouvelles liaisons que l'on souhaite mettre en place expliquent l'augmentation de ce budget, mais il ne s'agit évidemment pas de déshabiller l'un pour habiller l'autre. Les liaisons existantes sont sanctuarisées. Je relève que leurs besoins en subventions ne baissent pas. Il faut que l'on s'assure qu'ils n'explosent pas.
Pour ce qui est de la prise en compte par ADP des liaisons d'aménagement du territoire, nous avons prévu de rappeler dans le nouveau cahier des charges l'attention qui doit être portée à la qualité de service. Ces avions ont tendance à être renvoyés en bout de piste, ce qui nuit grandement à la fluidité du passage aéroportuaire, mais peut également dégrader considérablement le temps de liaison.
La question de la structure tarifaire intervenue en 2016 constituera aussi un point d'attention du prochain contrat de régulation économique. Il faut prendre garde à la façon dont on utilise les redevances. La redevance pour service rendu ne peut pas être totalement discriminante pour des avions identiques, mais on réfléchit à y intégrer des critères environnementaux dans une certaine limite. On sait que les avions à hélice sont plus performants en terme environnemental, ce qui devrait pouvoir se traduire dans les redevances.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Merci, madame le ministre.
La parole est aux commissaires.
M. Jean-Luc Fichet. - Madame la ministre, j'ai été très attentif à votre propos et à votre souci d'accessibilité de l'ensemble du territoire et d'aménagement du territoire. Ce qui rend la chose difficile, c'est le fait qu'on sollicite aujourd'hui de plus en plus les collectivités locales, que ce soit au niveau communal, intercommunal, départemental, régional, pour participer de manière assez massive au financement des petits aéroports ou des aéroports en déficit. Or ces montants sont très importants.
Les mêmes collectivités locales sont aussi sollicitées pour les ports, le très haut débit ou l'eau, comme dans le cadre du programme GEMAPI, pour lequel on a du mal à tenir notre engagement. Les collectivités, en plus du fait qu'elles aient subi des restrictions de dotations, ne sont plus du tout en mesure de faire face à ces financements.
Dans le futur, le risque est de voir les aéroports fermer. Prenons la ligne de Quimper : sans une aide plus importante de l'État, on peut avoir quelques soucis à propos de sa longévité. Notre mission l'a bien mesuré lors de son récent déplacement dans cette ville. Je voudrais connaître votre avis à ce sujet. Comment faire en sorte que les collectivités n'aient pas à supporter de telles charges ?
Mme Victoire Jasmin. - Madame la ministre, lors de notre déplacement à Quimper, nous avons constaté les inquiétudes des acteurs économiques, en particulier en termes d'emplois, comme chez Armor-Lux.
S'agissant des outre-mer, et plus particulièrement de la Guadeloupe, j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer les difficultés que nous rencontrons dans notre archipel. Ainsi, l'aérodrome de Marie-Galante n'est pas utilisé pour le moment. J'aurais aimé savoir ce que vous en pensez.
Par ailleurs, je voudrais attirer votre attention sur les difficultés que rencontrent les évacuations sanitaires entre les îles du Nord, la Guadeloupe, et la Martinique. La Norwegian, pour des raisons économiques, n'assure plus les rotations prévues avec les États-Unis ou la Guyane, et les coûts sont très importants du fait de l'exclusivité d'Air France entre la Guadeloupe et la Guyane.
En outre, du fait des sargasses, certains bateaux ont des difficultés pour se déplacer entre La Désirade, Marie-Galante, les Saintes, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas. Il faut certes penser aux problématiques liées à l'environnement, mais également trouver des alternatives.
M. Rachid Temal. - Madame la ministre, je salue la volonté qui est la vôtre de maintenir les LAT, avec les difficultés qu'a évoquées le sénateur Fichet.
Je suis sénateur du val d'Oise et j'aimerais évoquer les questions d'intermodalité que l'on rencontre avec Roissy, notamment en matière de transports ferroviaires, à propos desquels on connaît encore des problèmes d'aménagement. Qu'avez-vous prévu à ce sujet ?
Enfin, il semble nécessaire d'investir si l'on veut avoir, demain, des biocarburants de nouvelle génération dignes d'être utilisés à grande échelle. Pouvez-vous nous en dire plus ? Je pense qu'il s'agit là du point de départ d'une chaîne vertueuse.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Madame la ministre, vous avez la parole.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Monsieur Fichet, je voudrais tout d'abord rappeler que nous n'avons pas réduit les dotations des collectivités, contrairement à ce qui a pu se passer en d'autres temps. Je ne doute pas que les problèmes soient nombreux, mais je puis vous assurer que l'État a, de son côté, pas mal de sujets.
Il est très important que les régions s'emparent de ces enjeux de stratégie aéroportuaire - et elles sont en train de le faire. Ce sont bien elles qui peuvent trouver le meilleur équilibre. Elles ont une compétence d'aménagement du territoire et peuvent arriver à avoir à la fois le maillage de proximité dont on a besoin et, en même temps, s'assurer qu'il n'y a pas de doublon entre les différents aéroports.
Je pense que les choses avancent globalement. De nombreuses régions se sont maintenant emparées de ce sujet, comme on a pu le voir lors des assises du transport aérien. J'ai trouvé très intéressant qu'un président de région préside l'atelier sur les dessertes des territoires. Les régions pourront évidemment solliciter l'intervention complémentaire des autres collectivités, mais elles ont bien un rôle de cheffe de file pour déterminer le meilleur maillage aéroportuaire.
Madame Jasmin, l'aéroport de Quimper est dans ce cadre - et je pense que la région Bretagne l'a bien en tête. Je sais qu'une interruption de la liaison telle qu'elle était opérée jusqu'à présent, sans obligation de service public, est prévue à la rentrée. Nous avons immédiatement réagi en mettant en place une liaison avec obligation de service public. Nous sommes en discussion avec Air France. Je ne souhaite pas une interruption, même pour quelques semaines. Il faudra qu'Air France s'assure qu'on n'interrompt pas la liaison librement organisée le temps qu'arrive l'obligation de service public, qui doit démarrer fin octobre. Mon cabinet échange avec Air France pour arriver à cet objectif.
Je suis également bien consciente de l'importance du transport aérien pour les outre-mer. C'est une part importante du trafic domestique français, qu'il s'agisse des liaisons entre les outre-mer et l'Hexagone, mais aussi des liaisons entre les outre-mer elles-mêmes. Ce doit d'ailleurs être un des segments les plus dynamiques dans la croissance du trafic aérien.
Quantitativement, il existe des offres sur nos territoires d'outre-mer, même si on doit prêter attention à quelques cas particuliers. On doit parvenir à diversifier les compagnies. Norwegian s'est effectivement retirée. Cette société connaît un certain nombre de difficultés. On se demandait comment elle faisait : on voit que cela ne fonctionne pas si bien. Il n'existe malheureusement pas de recette magique.
De nouveaux transporteurs devraient arriver prochainement sur Pointe-à-Pitre. L'idée de l'atelier présidé par Serge Letchimy concernant les outre-mer lors des assises du transport aérien est de les faire rayonner dans leur bassin régional. Il convient de faire preuve de beaucoup plus de souplesse et d'adaptabilité en rendant possible des arrangements administratifs permettant des droits de trafic supplémentaires à l'échelle de chacun des bassins. C'est un outil important de développement et une façon de donner à la France le rôle qui lui revient à l'échelle de la planète. On va suivre avec beaucoup d'attention les discussions qui pourront avoir lieu dans chacun des bassins régionaux, sans gérer cela depuis Paris, ce qui paraît assez inadapté.
En effet, monsieur Temal, la question de l'accessibilité et de l'intermodalité de la desserte est un enjeu important. C'est évidemment le cas de Roissy, avec les perspectives de développement du nombre de passagers. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité mener à bien le projet CDG Express, même si, compte tenu des enjeux sur les transports du quotidien, on a fait le choix de partir sur un calendrier plus réaliste.
C'est aussi le cas d'autres aéroports : la desserte Nantes Atlantique est un sujet au coeur des débats. On doit absolument proposer des solutions alternatives à la voiture. C'est un travail que doivent mener les gestionnaires de plateformes et les collectivités.
S'agissant des biocarburants, la création d'une filière constitue un enjeu très important. Je crois à la possibilité d'avoir, après 2035, un transport aérien zéro carbone. La France est l'un des rares pays qui dispose de toute la chaîne de compétences dans le domaine de la construction aéronautique avec Airbus, Safran, Thales. Notre pays bénéficie en outre de grands acteurs de la filière hydrogène. Ce peut être une façon d'avoir un coup d'avance par rapport aux constructeurs aéronautiques mondiaux.
Ce n'est manifestement pas un sujet qui motive énormément Boeing qui, outre ses problèmes techniques propres, sur lesquels je ne reviendrai pas, travaille sur des avions supersoniques, ce qui est un signal étrange au moment où - en tout cas dans les pays européens - les enjeux écologiques prennent une importance particulière. On est certain que les supersoniques ne constituent pas la meilleure réponse en la matière. Je suis donc convaincue que la réflexion sur les filières zéro carbone donnera un coup d'avance aux transports aériens et terrestres. On a bien vu, au Bourget, que Safran dispose de toutes les cartes, même si cela suppose ensuite de concevoir des aéronefs différents.
Les biocarburants ont certainement un rôle important à jouer dans cette période de transition, durant laquelle des avions de plus petite capacité et de portée plus réduite pourront certainement passer progressivement à l'électrique.
On sait aujourd'hui que ce n'est pas la motorisation qui limite la capacité à utiliser du biocarburant. C'est pourquoi on réfléchit à l'obligation d'incorporer des biocarburants de façon aussi harmonisée que possible à l'horizon 2025, objectif prévu à l'échelle mondiale. La France devrait même pouvoir faire mieux grâce à ses filières sucrières, aux sous-produits vinicoles, ou aux algues. Ce pourrait être intéressant dans les outre-mer. C'est pourquoi il faut accélérer les choses.
M. Michel Canevet. - Madame la ministre, je partage totalement vos propos sur la question du carburant : à mon sens, il faudrait que les taxations sur le transport aérien soient orientées vers la valorisation et la recherche de solutions pour le développement des énergies alternatives. Cela me semble logique.
Je voulais surtout, en tant qu'élu du Finistère, revenir sur la liaison avec Quimper, dont le service a été dégradé du fait de l'absence d'intérêt de Hop : 150 vols ont été annulés entre Quimper et Paris ou Paris et Quimper en 2017. Ceci a fait fuir une bonne partie de la clientèle. Hop a prétendu perdre beaucoup d'argent sur la ligne, malgré des prix de billet très élevés pour la plupart des usagers.
Fort heureusement, vous avez proposé que cette ligne rejoigne les liaisons d'aménagement du territoire. À Quimper, les membres de la mission ont pu se rendre compte des attentes des acteurs économiques vis-à-vis de cette liaison.
Comme le disait Mme la rapporteure, il faut que le financement des contrats pluriannuels soit assuré et le cahier des charges bien cadré. Du côté de Lannion, la ligne d'aménagement du territoire a été abandonnée, le cadrage financier, insuffisamment précis, entraînant des surcoûts qui pénalisaient la pérennité de la ligne. Il faut donc rester dans le cadre de cette dotation. Comme le disait Jean-Luc Fichet, les collectivités ne disposant pas de moyens illimités, l'enveloppe doit être relativement cadrée.
Vous avez bien saisi la problématique née de l'interruption de la liaison pendant deux mois. Je pense personnellement qu'il faut permettre aux acteurs économiques d'utiliser au moins une liaison par jour si jamais on ne peut obtenir d'améliorations. Je ne méconnais pas les problèmes de fermeture d'une des pistes d'Orly pour travaux, mais il semble indispensable de ne pas « casser » la liaison. Seuls deux acteurs, Chalair et Hop, ont fait acte de candidature. Certes, le modèle économique de Hop a parfois posé question, mais il faudra que l'entreprise puisse s'adapter, car il s'agit d'un acteur important pour le désenclavement des territoires. Même si le train existe, il est nécessaire de conserver l'avion pour effectuer le trajet dans des temps plus courts.
M. Dominique Théophile. - Madame la ministre, vous n'avez pas répondu à Victoire Jasmin au sujet de la desserte de Marie-Galante par voie aérienne. Le seul moyen pour se transporter à Marie-Galante est d'emprunter la voie maritime. L'aérodrome n'est pas utilisé. Je sais que le terrain est propriété du conseil départemental. Le lancement de la DSP ou du marché relèverait de la région Guadeloupe. Quelle est la nature du problème ? Les habitants de Marie-Galante, compte tenu des problèmes de sargasses et de développement économique, ont un fort besoin de transport aérien.
Par ailleurs, il est parfois plus long de se rendre de la Guadeloupe à la Barbade que de Paris en Guadeloupe. J'ai moi-même été obligé d'aller à la Dominique, puis de repasser au-dessus de la Guadeloupe, soit sept heures de voyage, alors que le trajet entre la Guadeloupe et Antigua ne prend que 30 minutes environ.
Il existe, vous l'avez dit, des arrangements administratifs divers. Certaines compagnies sont prêtes à faire de l'avion taxi sur cette zone. On sait qu'une liaison entre la Guadeloupe et la Barbade ne sera pas rentable, mais on pourrait facilement opérer sur trois ou quatre destinations et trouver une forme de rentabilité.
Par ailleurs, la Guadeloupe vient de signer un accord avec l'Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO) qui va permettre d'intensifier les échanges. Or seul l'avion peut permettre les déplacements dans la région Caraïbes.
M. Jean-Michel Houllegatte. - Madame la ministre, la performance du trafic aérien dépend aussi de celle du contrôle aérien. Or d'énormes progrès sont à réaliser en la matière. Quel est votre avis à ce sujet ? Un plan d'action est-il prévu pour améliorer la situation dans les mois qui viennent ?
Enfin, on compte en France 460 aérodromes, dont 120 aéroports qui accueillent des passagers. Les petits aéroports régionaux sont-ils selon vous insuffisamment performants ? Comment rationaliser ce maillage ?
M. François Bonhomme. - Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions sur votre souhait de voir le transport aérien contribuer plus fortement au financement de l'AFIT ? Le secteur aérien doit-il financer la route ?
D'autre part, quelle place accordez-vous aux efforts réalisés par beaucoup de compagnies aériennes, dont Air France, dans la réduction du CO2 ? Il ne faudrait pas que l'urgence de la situation - que personne ne conteste par ailleurs - nous empêche d'avoir une vision plus globale du problème.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Il est vrai qu'il faut parvenir à concilier le maintien du service public, de la compétitivité et de l'emploi avec les exigences environnementales.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Monsieur Canevet, je partage entièrement votre point de vue concernant la nécessité de maintenir la continuité entre le niveau actuel des fréquences et l'obligation de service public qui interviendra fin octobre. Je peux vous assurer que nous avons des échanges nourris avec Air France à ce sujet. Air France doit pouvoir l'entendre, et mes équipes l'ont d'ores et déjà indiqué avec insistance.
On fonctionne dans un système normal d'autorisations d'engagement pluriannuelles et de crédits de paiement. On veille donc à la continuité afin de disposer des crédits pour honorer les engagements qui peuvent être signés.
Monsieur le sénateur Théophile, il existe des sujets intrarégionaux. On est donc tout à fait dans le champ de compétence de la région. Nous n'avons pas été saisis d'une demande sur la façon dont on pourrait techniquement mettre en place de telles obligations de service public, mais je suis à la disposition des élus pour étudier comment la région Guadeloupe pourrait intervenir sur ces questions.
Je pense qu'on doit être capable de simplifier très fortement la gestion des droits de trafic dans les bassins régionaux. C'est le sens des dispositions que nous portons avec le ministère des affaires étrangères. Il convient d'organiser des conférences annuelles avec les acteurs locaux pour apprécier les besoins et établir les arrangements administratifs qui permettront de lever les blocages. Ceci doit être géré au plan local.
Monsieur le sénateur Houllegatte, il existe un excellent rapport qui montre à quel point le contrôle participe de la performance du transport aérien...
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Vous êtes trop aimable - ou trop indulgente, madame la ministre !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Le retard à rattraper est important. Plusieurs phénomènes expliquent une forme de saturation de l'espace aérien que l'on retrouve dans toute l'Europe. La France fait partie des pays qui connaissent des difficultés. La régulation européenne a sous-estimé la croissance du trafic aérien. Les recrutements et les investissements ont été partout calibrés trop bas pour répondre aux enjeux.
Nous avons eu récemment des échanges avec la Commission européenne. Il faut prendre garde, quand on aborde ces questions, de ne pas avoir une approche uniquement financière et budgétaire, et de bien prendre en compte les enjeux de fluidité et de qualité du transport aérien à l'échelle européenne. C'est en ce sens que nous plaidons, avec d'autres États, pour ne pas refaire, dans la période de régulation à venir, les erreurs qui ont pu être commises, notamment en matière de contrôle aérien.
À ceci s'ajoute un retard en termes d'investissements, notamment s'agissant de tous les grands outils de contrôle aérien. C'est un retard qu'il va nous falloir rattraper. Il s'agit de systèmes logiciels complexes, sur lesquels, à la suite du rapport du sénateur Capo-Canellas, j'ai souhaité exercer un suivi régulier. Ces outils sont indispensables pour préparer l'aviation civile de demain.
J'admire les contrôleurs aériens : on ne mesure pas toujours la complexité de leur métier et la responsabilité qui est la leur de gérer, avec très peu d'outils technologiques modernes, un trafic aérien extrêmement dense. Il est de notre devoir de leur donner des outils adaptés. C'est ce à quoi on est en train de s'employer.
Quant au maillage, il est de la responsabilité des régions de réfléchir à leur schéma aéroportuaire. Je sais qu'elles s'en sont largement saisies et je ne porterai pas, depuis Paris, un jugement sur ce sujet. Je pense que les régions sauront mieux l'apprécier que nous.
Monsieur Bonhomme, le transport aérien a certes fait des progrès qui méritent d'être soulignés. Il est par ailleurs le premier à s'être engagé dans un accord international sur la maîtrise de ses émissions de gaz à effet de serre. Le mécanisme CORSIA doit être absolument préservé. Il faut l'articuler avec le système européen ETS. L'enjeu des deux systèmes est important.
On peut aussi entendre un certain nombre de questionnements de la part des citoyens sur le fait qu'il n'existe pas de TVA sur les vols intra-européens ou de taxation des carburants aériens. Il faut réfléchir à une approche partagée des efforts et des équilibres.
Cela ne doit pas pour autant handicaper nos compagnies aériennes. On peut partager les comparaisons qu'on a pu faire sur les coûts de toucher. Chaque État peut avoir des répartitions entre taxes et redevances correspondant à ses propres règles. Les comparaisons européennes montrent que le coût de toucher, en France, est très comparable à celui qu'on trouve en Allemagne, et inférieur au Royaume-Uni. La Suède et les Pays-Bas, qui se disent en pointe dans le combat en faveur de la transition écologique et de son inclusion dans le transport aérien, sont des États qui ont le niveau de taxes et de redevances le plus bas en Europe - même si on peut comprendre que leur prise de conscience soit plus tardive que les autres.
Un certain nombre d'amendements ont été déposés à l'Assemblée nationale pour interdire les liaisons aériennes domestiques. Je pense qu'il faut trouver un bon équilibre. Lorsqu'il existe une offre ferroviaire performante, les Français s'en saisissent. C'est ce qui explique que le trafic aérien a baissé de 42 % entre Paris et Bordeaux depuis la mise en service de la ligne Tours-Bordeaux, qu'on a plus de liaisons aériennes entre Paris et Strasbourg en dehors de la desserte du Parlement européen, et plus de liaisons aériennes entre Paris et Bruxelles.
On ne peut toutefois négliger le fait que certains territoires qui n'ont pas de TGV ont besoin de liaisons d'aménagement du territoire. Il ne faut pas non plus perdre de vue l'importance de la continuité territoriale avec nos outre-mer et la Corse, liaison qui s'est beaucoup renforcée ces dernières années.
Pendant que le trafic radial baisse, le trafic d'un certain nombre de transversales augmente. C'est dans l'ordre des choses. Il faut donc raison garder quand on parle de ces sujets très sensibles. En tout état de cause, il faut faire connaître la réalité de l'évolution du trafic aérien et son changement de positionnement dans notre pays. Au fur et à mesure des liaisons TGV, le trafic aérien diminue sur les lignes correspondantes, mais il reste des besoins à prendre en compte.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - S'agissant de la taxation, l'écart de compétitivité est dû à plusieurs facteurs, notamment les coûts sociaux. Par rapport à d'autres pays comparables, dont l'Allemagne, nous l'avons chiffré à plus ou moins 700 millions d'euros. Cet écart a été réduit, notamment à votre initiative, mais il reste au moins 500 millions d'euros à 600 millions d'euros de différence.
Quant à la TVA sur les billets d'avion, il ne faut pas oublier que l'on paye une TVA sur des taxes !
M. Didier Mandelli. - Madame la ministre, le Sénat a voté une demande de rapport sur la question des carburants, élargie aux transports maritimes, sans préjuger de la nature du carburant lui-même. On a plutôt parlé de carburants alternatifs au sens large, toutes les solutions devant être envisagées. Cette demande de rapport n'a pas été remise en cause à l'Assemblée nationale, où elle a même été enrichie.
Par ailleurs, un amendement a été voté à l'Assemblée nationale concernant l'affectation du surplus de la taxe dite « Chirac » à hauteur de 30 millions d'euros, ce qui ne préjuge en rien ce qui pourrait être proposé demain au travers du prochain projet de loi de finances.
Nous avons également, en lien avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, souhaité qu'une étude comparative soit menée sur les taxations des différents pays européens sur le sujet, ce qui nous permettra d'appréhender de façon globale l'ensemble des critères sur cette question. La CMP arrivant le 10 juillet, on devrait avoir, sur ces deux sujets, des éléments complémentaires.
Mme Sonia de la Provôté. - Madame la ministre, je voulais rebondir sur votre intervention concernant le ferroviaire et le lien avec l'aérien. Vous avez dit que les Français se saisissent de l'offre ferroviaire quand elle est performante. Or on ne peut pas toujours parler de performances dans ce domaine - je peux en témoigner !
La réflexion globale et la complémentarité entre les deux modes de déplacement est un peu faussée, la SNCF devant réfléchir à sa réorganisation, des transferts de compétence aux régions étant prévus dans le secteur ferroviaire. Beaucoup de ces fameuses lignes transversales ont disparu.
Y a-t-il une prospective globale, alors que la SNCF va devoir affronter l'ouverture à la concurrence ? Quelle est la meilleure solution pour aller d'un point à un autre ? A-t-on une cartographie des infrastructures nécessaires à mettre en place, ferroviaires ou aériennes ?
Il est en effet extrêmement compliqué de sanctuariser un faisceau ferroviaire - et donc du foncier - ou de prévoir une extension d'aéroport. Je pense que ces questions vont se poser à l'avenir. Peut-être faut-il s'unir pour avoir une véritable vision de l'aménagement du territoire et des projets communs sur le terrain.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Madame la ministre, vous l'avez souligné, il existe des territoires très enclavés, dont le seul moyen d'en sortir reste l'aérien. Malheureusement, ces territoires sont généralement des territoires dont le revenu par habitant est bas et où les collectivités ont souvent des difficultés financières.
Une exonération totale de la carte de la taxe carbone ou une prise en compte d'un degré de substituabilité entre l'avion et le train sont-elles éventuellement envisageables pour ces lignes d'aménagement du territoire qui concernent des zones particulièrement enclavées ?
M. Vincent Capo-Canellas, président. - On a bien en tête que la réflexion sur la taxe carbone se situera au niveau européen.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Je n'ai pas grand-chose à ajouter par rapport à ce qu'a dit le sénateur Mandelli. Je pense que la démarche de mise à plat que vous avez engagée avec l'Assemblée nationale est vraiment importante. Il faut qu'on sorte des visions un peu trop schématiques que j'évoquais pour les pays qui paraissent en pointe et qui sont finalement en retrait. Cela vaut pour tous les comparatifs.
Oui, il faut s'assurer que nos villes bénéficient d'une bonne accessibilité et des moyens adaptés à leur situation. Je pense que notre réseau ferré reste puissant. La difficulté qu'on a est de s'assurer d'un maillage fin, ce qui renvoie à des sujets très sensibles pour certaines lignes, mais on maintiendra les liaisons dites principales du réseau ferré dans les prochaines années.
On va devoir continuer à approfondir l'évaluation des projets avec la mise en place du Conseil d'orientation des infrastructures (COI). Je partage l'avis du Commissariat général au développement durable (CGDD) sur la nécessité de prendre en compte le fait que la valeur du temps, paramètre important dans l'appréciation d'une infrastructure, change lorsqu'on effectue un trajet en TGV avec la Wifi et son ordinateur portable. La fréquentation de la liaison Toulouse-Paris, depuis la mise en service de la ligne Tours-Bordeaux, a été sous-estimée.
Je pense qu'il faut qu'on relance cette réflexion. Le Conseil d'orientation des infrastructures devra le faire pour actualiser la vision qu'on peut avoir de notre programmation. On doit absolument prendre en compte les évolutions des enjeux environnementaux, qui sont peut-être sous-pondérées dans l'appréciation de nos projets, et par ailleurs l'évolution de la valeur du temps, qui doit aussi nous amener à recaler nos modèles, qui ne rendent pas bien compte de la réalité actuelle.
Enfin, concernant la substituabilité, certains motifs d'intérêt général doivent être pris en compte face aux enjeux de l'aérien. Quand il n'existe pas d'alternative, il faut évidemment y réfléchir.
Certains amendements l'ont bien démontré : prendre l'avion pour un trajet Paris-Rennes peut paraître curieux. Pour Paris-Aurillac, il n'y a pas vraiment de substitution à la hauteur.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Merci, madame la ministre.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion, suspendue à 12 h 10, est reprise à 12 h 15.
Audition de M. Pierre-Olivier Bandet, directeur général-adjoint de Air France HOP
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir ce matin M. Pierre-Olivier Bandet, directeur général adjoint d'Air France et président de HOP. Lors de la précédente audition, Monsieur le directeur général, j'ai indiqué que vos oreilles allaient sans doute siffler. En effet, nous avons été interpellés à de nombreuses reprises sur la qualité des dessertes des territoires.
Nous sommes conscients que vous venez de prendre votre poste, il y a quelques mois à peine. Nous avons également constaté que le cap est en train de changer. Madame la rapporteure et chacun de nos collègues vont sans doute vous interroger sur la capacité de HOP à retrouver une qualité de service sur l'ensemble des liaisons que vous opérez, y compris les lignes d'aménagement du territoire.
Par ailleurs, Air France a annoncé une série de décisions, entraînant une « réduction de sa voilure » assez importante. Pouvez-vous nous en indiquer les raisons ? Comment allez-vous maintenir la connectivité entre certains départements et nos territoires ?
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Monsieur le directeur général, avant de vous poser mes questions, je tiens à préciser que je suis sénatrice du Cantal, et à ce titre, j'emprunte régulièrement la ligne Paris-Aurillac, sur laquelle nous avons connu des déconvenues importantes en 2017 et 2018. C'est le cas également de mes collègues finistériens sur la ligne Quimper-Paris, que nous avons expérimentée le 24 juin dernier. Nous avons d'ailleurs volé avec deux appareils différents : un ATR à l'aller et un Embraer au retour.
L'objet de notre mission est avant tout de nous préoccuper du désenclavement par le transport aérien de territoires éloignés de Paris et à l'écart du TGV et des autoroutes. Aussi, votre avis nous intéresse car vous êtes à la tête de la seule grande compagnie régionale opérant des lignes commerciales et sous délégation de service public en métropole. Nous avons également auditionné les dirigeants de CHALAIR et de TWINJET qui, à une moindre échelle, opèrent des vols régionaux.
Vous vous en doutez, nous aurons des questions assez critiques sur le service rendu par HOP en ce qui concerne sa qualité et sa ponctualité. On a parfois l'impression que la clientèle du transport régional est une clientèle de « seconde zone » qui n'est pas la priorité de la compagnie.
Mais avant de revenir sur ces sujets, je souhaiterais que vous commenciez par nous donner votre vision du transport régional en France, notamment : des données chiffrées sur le nombre de lignes opérées et de passagers transportés par Air France HOP ; la refonte en cours du transport régional et de HOP au sein d'Air France et les orientations stratégiques du groupe concernant les lignes commerciales et lignes sous DSP ; enfin, l'identification des besoins de liaisons aériennes pour desservir certains territoires qui à votre sens présentent une attractivité économique et touristique à développer.
Je vous remercie pour vos premières réponses et nous prolongerons la discussion avec mes collègues.
M. Pierre-Olivier Bandet, directeur général-adjoint de Air France HOP. - Avant de répondre à vos questions, permettez-moi de procéder à une clarification : l'année dernière, HOP était à la fois une marque commerciale et le nom de la compagnie aérienne correspondante. Depuis le début de l'année, le groupe a pris la décision d'utiliser uniquement le nom Air France comme marque commerciale, HOP restant le nom de la compagnie aérienne. Cette compagnie est de taille significative : une soixantaine d'avions, 2 400 personnels au sol, 700 pilotes, 700 hôtesses et stewards, 1 100 personnels au sol qui sont répartis entre les sites de Nantes, Clermont-Ferrand, Morlaix, Lille, Lyon et en région parisienne. Désormais notre compagnie opérera uniquement sous la marque commerciale Air France.
Comme vous l'avez souligné, la compagnie HOP a connu, en 2017 et 2018, un véritable accident industriel. Je ne vais pas revenir sur les causes, mais de manière schématique, nous avons procédé à la fusion de trois compagnies. Une fusion de sociétés est toujours quelque chose de très difficile - et cela l'est encore plus dans le secteur du transport aérien. À cela s'est ajouté le nombre important de départ de pilotes vers la société mère Air France. La conjoncture de ces deux évènements s'est traduite par de nombreuses annulations de vols, de nombreux retards, des affrètements d'autres compagnies. Toutes les lignes ont été touchées. Je tiens à le préciser : nous n'avons pas particulièrement ciblé les lignes sous délégation de service public (DSP). Nos dessertes entre Roissy et les grandes villes européennes ont également été concernées. Bien évidemment, il ne s'agit pas des standards de services que nous visons au sein du groupe Air France, et cela ne reflète pas non plus - et je tiens à le dire devant vous - l'engagement et le professionnalisme des personnels de HOP. Je vous réitère nos excuses. Depuis, la situation s'est un peu redressée. Vous aurez peut-être encore des critiques à nous faire. Mais, et il s'agit d'un combat quotidien, les niveaux d'annulation et de problèmes rencontrés par la compagnie HOP sont comparables aux attentes du groupe Air France. Toutefois, et j'en suis bien conscient, il est évident que toute annulation est une annulation de trop. La ponctualité de nos vols s'est également améliorée.
Nous exploitons actuellement au sein du groupe Air France six lignes d'aménagement du territoire : Aurillac-Orly, Castres-Orly, Brive-Orly, Tarbes-Lourdes-Orly, La Rochelle-Poitiers, Lyon-Strasbourg-Amsterdam. En outre, nous participons à un consortium avec Air Corsica, afin d'assurer un service public de transport vers la Corse et ses aéroports : Bastia, Ajaccio, Figari. Ces lignes d'aménagement du territoire - hors desserte de la Corse - représentent environ 400 000 passagers par an. Ce nombre est en augmentation. Nous avons également augmenté de 30 % notre capacité de transport ces quatre dernières années. Ces lignes représentent 2 à 3 % du nombre de passagers du court-courrier d'Air France. Cela représente moins de 1 % du trafic total d'Air France, et moins de 0,5 % du trafic d'Air France-KLM.
Le groupe Air France a communiqué sur des pertes importantes sur le court-courrier. Une partie de ces pertes peut s'expliquer par l'accident industriel que j'évoquais aux débuts de mes propos. Toutefois, il y a une tendance de plus long terme. Aussi, Air France a annoncé son intention de réduire la capacité de ses lignes de 15 % environ entre 2018 et 2021. Malgré cela, le groupe Air France conservera environ 65 % de parts de marché des destinations françaises, que ce soit au départ de Paris ou entre les régions. Nous sommes proportionnellement plus présents en France que nos principaux concurrents dans leurs pays d'origine : Lufthansa en Allemagne, et de manière encore plus importante British Airways au Royaume-Uni. Bien évidemment, je n'indiquerai pas aujourd'hui les lignes qui ont vocation à être réduite ou suspendue dans les saisons ultérieures. Nous avons dû prendre un certain nombre de décisions. Par exemple, nous nous sommes désengagés de l'obligation de service public (OSP) entre Orly et Agen. Nous avons également fermé quelques lignes au départ de Strasbourg. Mais dans tous les cas, nous continuerons à maintenir une présence forte sur l'ensemble du territoire.
Nous avons pris la décision de faire sortir l'ensemble des ATR de la flotte d'HOP. Ce n'est pas parce qu'il s'agit d'un mauvais avion. Je tiens à affirmer avec beaucoup de conviction qu'il s'agit d'un très bel appareil. Mais, depuis la fusion entre nos compagnies, la gestion de la flotte est très complexe en raison de l'existence de cinq cockpits différents. Cette diversité a une incidence forte, en termes de formation de nos pilotes, de maintenance et d'entretien de nos appareils. Aussi, nous allons réduire progressivement notre flotte à deux cockpits, en sortant les deux variantes d'ATR que nous possédons : les ATR 500 et les ATR 600. Nous avons également annoncé notre intention, à l'horizon de l'été 2021 de sortir de notre flotte les Embraer 145.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Quels modèles d'avion conservez-vous ?
M. Pierre-Olivier Bandet. - Nous conservons les Embraer 170 et 190 qui ont une capacité de 70 à 100 sièges, ainsi que les CRJ 700 et les CJ 1000 d'une capacité équivalente. Nous aurons 32 modèles de l'un et 40 de l'autre, soit une flotte de taille suffisante pour garantir une exploitation. Nous n'aurons plus d'appareils de 50 sièges, comme celui qui opère la desserte d'Aurillac. Nous n'aurons plus non plus d'avions à turbo-propulsion. Enfin, pour les lignes d'aménagement du territoire, comme nous le faisons aujourd'hui, nous pourrons dans certains cas recourir à des partenaires, soit sous le mode de l'affrètement, c'est-à-dire que nous gardons la responsabilité commerciale et nous faisons appel à un prestataire, soit sous forme de partage de code, une autre compagnie commerciale déploie sa capacité sur la ligne et nous apportons notre présence commerciale, notre force de commercialisation.
En conclusion, nous devons continuer à améliorer la qualité du service rendu. Nous pouvons encore faire mieux. Ce travail se fait en liaison également avec Aéroport de Paris. Je sais que vous avez auditionné Augustin de Romanet. Nous observons une augmentation du taux de contact à Orly - c'est-à-dire que le passager n'a pas besoin d'un bus pour rejoindre le terminal - qui est passé de 40 % à 67 %. Nous travaillons également sur une réduction des coûts, avec notamment des plans de départs volontaires sur un certain nombre d'escales, la simplification de la flotte. Toutefois, je tiens à souligner qu'une grande partie du prix payé par le passager est due à des taxes - entre 30 et 50 % du prix du billet. En outre, pour de nombreux coûts, nous avons une marge de négociation à peu près nulle, comme le prix du carburant ou de certaines pièces de main d'oeuvre en situation de monopole ou duopole. Lorsque l'on enlève tous ses postes de coût, nous arrivons à des postes à fort taux de main d'oeuvre, en raison du droit social français. D'ailleurs, en tant qu'élus, vous nous interpellez lorsqu'un site d'Air France sur les territoires risque de perdre des emplois. La capacité à améliorer notre économie est assez limitée. Aussi, des financements sont nécessaires pour les lignes d'aménagement du territoire.
Le financement des OSP représente 30 millions d'euros sur l'ensemble des destinations, auxquels s'ajoutent 30 millions d'euros annoncés par Mme Borne. Nous sommes conscients de l'effort financier que cela représente pour l'État et les collectivités territoriales. Toutefois, il faut savoir que les lignes d'aménagement du territoire sont inscrites dans nos comptabilités en perte : les subventions sont donc insuffisantes. Certes, ces lignes coûtent cher au contribuable, mais il faut les comparer au coût d'un kilomètre de TGV, qui est je crois de 30 millions d'euros. Il faut également le comparer aux aides directes ou indirectes attribuées par les collectivités locales et les aéroports aux compagnies low-cost. On les estime de 40 à 100 millions d'euros, pour autant que l'on puisse accéder à ces informations. La légalité de ces subventions est parfois douteuse. La Commission européenne a d'ailleurs demandé à la France de récupérer des aides illégales versées aux aéroports d'Angoulême, Pau et Nîmes. Il me semble que cet argent pourrait être mieux utilisé dans l'aménagement du territoire, plutôt que versé à des compagnies aériennes souvent étrangères. Mais je suis conscient que la situation sur le terrain est plus compliquée que sur le papier.
Enfin, et je terminerai sur ce point, j'ai noté avec plaisir la tribune signée par des parlementaires, dont un certain nombre d'entre vous, pour redonner un peu de rationalité au débat sur le transport aérien et le développement durable. C'est un sujet évidemment important. Les compagnies aériennes s'engagent aussi dans ce domaine.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Je souhaite signaler que le chiffre que vous citez nourrit notre réflexion : peut-être qu'une certaine réorientation serait possible, sans toutefois remettre en cause la liberté des collectivités territoriales. J'ai également noté les efforts faits par la compagnie HOP pour assurer une meilleure ponctualité et régularité.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Ma première question concerne les ATR. Si j'ai bien compris, vous allez les sortir de votre flotte, alors qu'ils sont utilisés sur de nombreuses lignes d'aménagement du territoire. Vous allez donc être obligé de sous-traiter, car ces lignes n'ont pas la capacité de remplir des avions plus grands. Comment cela va se passer concrètement ? À quelle difficulté réelle êtes-vous confrontés avec les ATR ? Nous avons connu sur Aurillac des années catastrophiques, avec des annulations, des atterrissages à Toulouse, qui se situe quand même à trois heures et demie en voiture de la destination prévue, ou encore à Montpellier ou Limoges. Nous avons même subi un incident très grave qui a marqué les esprits et n'a pas forcément contribuer à augmenter la fréquentation de cette ligne.
Nous avons tous une relation complexe avec les avions à hélice qui attirent moins les voyageurs. Mais nous avons compris qu'ils émettent moins de CO2 et sont plus faciles à rentabiliser sur des petites lignes. Certes, ils mettent un peu plus de temps, mais sont plus respectueux de l'environnement et moins coûteux dans leur exploitation. En quoi le fait de sortir ce type d'avions de votre flotte va vous aider à régler vos problèmes de compétitivité et de coûts ?
M. Pierre-Olivier Bandet. - Bien évidemment, nous reconnaissons les mérites et vertus de l'ATR. Nous pensions pouvoir améliorer la situation de la compagnie HOP en ayant recours à la nouvelle génération d'ATR, les 600. Toutefois, les résultats n'ont pas été au rendez-vous. Aussi avons-nous fait le choix de simplifier le nombre de types d'avions exploités par la compagnie : une compagnie aérienne de 60 ou 70 avions ne peut pas fonctionner avec cinq types d'avions différents. Vous passez beaucoup de temps à former les pilotes, et lorsqu'un commandant de bord part à la retraite, par un effet cascade, vous devez reformer 5 ou 6 pilotes à de nouveaux types d'appareils. Nous avions un besoin fort de simplifier cette gestion. L'ATR est un bon avion, mais l'histoire a montré qu'aucune compagnie n'arrivait à exploiter en même temps des avions à hélices et des jets. BritAir le faisait avant de se débarrasser de sa flotte d'ATR. Nous ne remettons pas en question l'appareil lui-même. Cela nous amène, pour répondre à votre deuxième question, à passer par de la sous-traitance. Nous le faisons déjà à Aurillac, puisque nous exploitons un ATR de la compagnie Regourd Aviation. Il en est de même sur la ligne Castres-Mazamet. Nous passons par de l'affrètement. Cela nous permet de conserver notre empreinte commerciale, et les passagers peuvent profiter des services Air France, en cas d'aléa d'exploitation par exemple. Certes, il est très désagréable d'atterrir à Toulouse lorsque votre destination était Aurillac, mais Air France vous accompagne jusqu'à votre destination finale.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Je souhaite être bien clair. L'avion ATR est un très bel avion de dernière génération. Nous avons compris que vous aviez du mal à le maintenir, parce que vous disposez d'un nombre trop important de type d'avions différents. Mais d'autres compagnies opèrent très bien avec cet avion. Il s'agit en aucun cas dans vos propos d'une remise en cause de la qualité de cet avion.
M. Michel Canevet. - Je suis élu du Finistère, département dans lequel nous avons une forte sensibilisation à l'avion, puisque nous avions la compagnie Britair. Mon collègue Jean-Luc Fichet évoquera certainement tout à l'heure l'avenir du site de Morlaix qui nous préoccupe. L'aéroport de Brest s'est beaucoup développé, puisqu'il accueille désormais plus d'un million de passagers. Les vols vers Paris, ainsi que d'autres vols intérieurs lui ont permis de développer son aura national. L'aéroport de Quimper fait l'objet d'une OSP en cours sur laquelle vous avez candidaté, ainsi que la compagnie CHALAIR. Je pense que les types d'avions seront différents. La fréquentation de cette ligne a baissé de 108 000 passagers en 2011 à 68 000 l'année dernière. Cette baisse est très significative. A mon sens, elle est due à une très forte dégradation de la qualité du service réalisé par HOP. En 2017, nous avons enregistré 150 annulations de vols entre Paris et Quimper. Les passagers ont perdu confiance dans l'aéroport. Il est important de regagner cette confiance. Notre bassin économique et de population est important. En outre, c'est une région touristique. Le potentiel de développement existe. Et, même si la liaison ferroviaire s'est améliorée, elle fait elle aussi l'objet de retards réguliers et n'est dons pas forcément fiable.
Certes, et heureusement, la qualité de votre service s'est améliorée. Mais cette perte de confiance existe. En outre, de fin août au 27 octobre, la compagnie a annoncé son intention de cesser tous les vols. Cela serait extrêmement préjudiciable à la reprise de cette ligne par un futur opérateur. Ne serait-il pas possible de garder l'avion du matin et du soir, c'est-à-dire celui qui permet aux passagers de se rendre à Orly le matin et de rentrer le soir même à Quimper, par rapport aux trois vols quotidiens existants aujourd'hui, afin d'éviter que cette ligne ne soit complétement coupée ? Je comprends les impératifs liés aux travaux à Orly, mais l'interruption totale de service pendant deux mois est catastrophique pour l'aéroport de Quimper.
M. Jean-Luc Fichet. - Monsieur le directeur général, nous nous sommes vus récemment afin d'évoquer la situation du Pays de Morlaix. Je souscris aux questions qu'a posées mon collègue Michel Canevet.
L'aéroport de Quimper fonctionne bien, il y a eu des améliorations vis-à-vis des retards et des annulations. Je crois d'ailleurs que la fréquentation de l'aéroport est en hausse.
Ma question porte sur la plateforme technique de Morlaix, où il existe de nombreux problèmes. Vous nous avez rassurés, lorsque vous avez pris vos fonctions, sur l'avenir à court terme de cette plateforme. Nous avons ainsi une visibilité sur un ou deux ans en termes de maintenance. En outre, les simulateurs sont beaucoup utilisés. Depuis notre dernier échange téléphonique, les études menées permettent-elles d'avoir une meilleure lisibilité sur l'avenir de Morlaix ? Vous avez indiqué qu'un certain nombre de pilotes de HOP étaient partis à Air France.
Mme Victoire Jasmin. - Monsieur le directeur général, je suis sénatrice de la Guadeloupe. Je fais très souvent des allers-retours entre Paris et ce territoire, dans le cadre de mes missions au Sénat. Ma première question concerne l'exploitation des données des enquêtes de satisfaction des usagers.
Ma deuxième question porte sur les tarifs des billets pratiqués entre La Guadeloupe, la Martinique et la Guyane d'une part, et ces territoires d'outre-mer et la métropole d'autre part. Les prix passent du simple au triple pour un même trajet, en fonction des périodes. Quelle est la part des taxes dans l'élaboration des prix des billets ?
M. Jean-Michel Houllegatte. - Mes questions vont porter sur l'articulation avec la compagnie Transavia. Un journal économique a évoqué l'existence de difficultés dans les négociations actuelles entre les pilotes et Air France, le fait que Transavia se développerait, avec un déplafonnement du nombre d'appareils - actuellement 40 - qui seraient autorisés. Vous annonciez dans votre propos introductif un plan de départ volontaire pour les personnels au sol. Il est également prévu une réduction de 645 personnes dans les escales et la fermeture de 10 lignes. En outre, le nombre d'appareils passerait de 60 à 51. Pouvez-vous nous en dire plus sur l'articulation entre Air France, HOP et Transavia, ainsi que sur le plan de départ volontaire et la réduction de la voilure de la société ?
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Sans doute certains sujets sont très sensibles, mais si vous souhaitez nous communiquer des informations sur ceux-ci, n'hésitez pas à le faire.
M. Pierre-Olivier Bandet. - L'aéroport de Quimper a connu une baisse de fréquentation importante, même si ces derniers temps les chiffres repartent à la hausse. Cela est dû à deux effets : les difficultés opérationnelles de l'an dernier, et aussi, d'après l'analyse que nous avons faite, de la ligne à grande vitesse. Elle a souvent un impact sur le transport aérien lorsqu'elle concerne des durées de trajets inférieures à 3h30 - 4h00. Mes collègues ont dû vous le dire. Sur ces lignes, et c'est là toute la difficulté de l'exploitation aérienne, nous vivons de la clientèle d'affaires, celle qui n'attendra pas le train et qui veut faire l'aller-retour dans la journée. Toutefois, la viabilité d'une telle ligne nécessite une alchimie associant une clientèle « loisirs », surtout pour un appareil de capacité un peu importante de 50 à 70 places. Cette clientèle « loisirs » est essentielle pour assurer un équilibre économique de la ligne. Dans ces conditions, nous avons considéré avec l'État que cette ligne devait faire l'objet d'une OSP. Comme vous l'avez indiqué, nous avons candidaté avec un Embraer 145.
Vous avez également indiqué la suspension que va
connaître la ligne à la rentrée en raison des travaux
à l'aéroport d'Orly. La direction générale de
l'aviation civile a demandé à l'ensemble des compagnies de
réduire leur trafic. Les lignes qui sont affectées sont des
lignes courtes : Nantes, Lyon, Quimper. Quimper est
particulièrement touché, car la suspension est totale pendant
deux mois. Mais nous avons connu ce type de situation avec d'autres
destinations : Metz et Biarritz, au moment où ces aéroports
étaient en travaux. L'aéroport de Rennes sera également en
travaux l'hiver prochain. Nous avons constaté que le fait
d'arrêter la ligne pendant quelques semaines n'obérait pas la
suite : le trafic reprend
- peut-être pas dès la
première semaine - mais ces évènements sont assez
vite laissés derrière nous. J'en veux pour preuve que nous avons
candidaté à la délégation de service public :
le fait d'interrompre la ligne n'est pas pour nous un facteur de
réduction à moyen terme du trafic. Nous avons été
beaucoup interpellés sur ce sujet. La situation est extrêmement
difficile, car si on remet des appareils sur la ligne de Quimper, il faut en
enlever sur d'autres destinations. Le coût économique pour nous
n'est pas négligeable.
Nous avons déjà eu un certain nombre d'échanges sur Morlaix. 120 personnes font de la maintenance sur ce site, qui est doublé par un site administration, puisque nous y avons notre centre de formation avec des simulateurs de vol. Le site industriel traite essentiellement les appareils Bombardier, soit les CRJ. Ce site tourne aujourd'hui à plein régime et cela va continuer dans les deux prochaines années. Il n'y a donc pas d'inquiétude sur l'emploi à avoir pour l'instant. Nous avons même recruté des apprentis en début d'année. Certes, il faut se projeter à l'horizon 2021-2022, avec une flotte simplifiée. Si on prend l'ensemble de l'appareil industriel de HOP - Clermont-Ferrand, Morlaix, Lille, et Lyon - nous sommes en surcapacité par rapport aux besoins d'entretien de la flotte. Mais nous faisons le pari de développer notre chiffre d'affaires pour le compte de tiers, c'est-à-dire d'autres compagnies. Nous avons fait le constat qu'en Europe, il existe peu d'entreprises qui offrent des services de maintenance d'appareil de type Bombardier. Pour être honnête, certaines entreprises qui le font se trouvent dans les pays d'Europe de l'Est, où le coût de la main d'oeuvre est moins élevé. Si les prix qu'ils pratiquent sont légèrement en dessous du prix du marché, nous constatons une réduction de l'offre ces dernières années. Or, nous avons des personnels hautement qualifiés. Et, lors de la visite du site de Morlaix, j'ai pu mesurer l'engagement et l'attachement des personnels à leurs métiers et à leur région. Nous pensons que cela constitue une opportunité de marché. L'objectif est de sécuriser des contrats à long terme, permettant de justifier notre appareil industriel. Nous avons des bonnes pistes. Le produit que nous proposons est de qualité supérieure nous permettant d'avoir un prix un peu plus élevé que dans d'autres pays. Nous nous donnons jusqu'à la fin de l'année pour mesurer les effets de cette démarche. En outre, pour les simulateurs de vol, nous allons continuer à les utiliser pour former nos pilotes, mais également ceux d'autres compagnies. Nous formons déjà actuellement sur le site de Morlaix des pilotes d'Afrique du Sud. Ce site est bien positionné sur ce marché.
Les enquêtes de satisfaction nous permettent de procéder à un suivi qualitatif et quantitatif. Les données collectées sont agrégées et permettent d'élaborer chaque mois un indicateur de satisfaction des passagers en agrégé - le NPS, net promoteur score - qui est présenté au comité exécutif. Pour l'obtenir, nous enlevons du traitement des données les avis très favorables et très défavorables. L'indicateur de satisfaction fait partie des objectifs présents dans les accords d'intéressement des dirigeants. Ils sont en outre largement communiqués au sein de la société. Nous publions les remarques qualitatives les plus intéressantes. Enfin, si vous voulez déposer une plainte ou signaler un incident, des traitements spécifiques existent via le service après-vente. Bien évidemment, les questionnaires sont lus. Nous utilisons également l'intelligence artificielle pour regrouper les commentaires les plus fréquents. En tout cas, continuez à nous faire part de vos remarques, nous y sommes très attentifs.
Mme Victoire Jasmin. - Ces données sont-elles également exploitées pour une communication externe ?
M. Pierre-Olivier Bandet. - Je ne peux pas vous répondre avec exactitude sur ce point. Je ne pense pas que cela figure sur notre site.
En ce qui concerne la tarification dans les outre-mer, je ne vais pas pouvoir vous répondre précisément. Ce que je peux vous indiquer, c'est que sur le prix d'un billet entre Paris et Nice à 90 euros, 42 euros sont perçus par Air France. Le reste est constitué de taxes et redevances. Certes, les tarifs ne sont pas les mêmes pour des trajets entre Cayenne et Fort-de-France.
Mme Victoire Jasmin. - Le billet coûte 800 euros entre la Guadeloupe et la Guyane.
M. Pierre-Olivier Bandet. - Les temps de vol ne sont pas les mêmes. Après, nous pratiquons pour les vols au départ de la Martinique et de la Guyane, comme toutes les compagnies, du yield management : plus on s'y prend à l'avance, plus on peut avoir des tarifs bas. Voici les principes généraux, mais n'étant pas en charge de la tarification, je ne peux pas vous répondre de façon plus précise.
Le plan de 465 départs volontaires à Air France porte sur les personnels d'escale, ceux qui, à l'aéroport, vous enregistrent, vous accueillent dans les salons, ou s'assurent de la transition des bagages jusque dans les soutes. Nous sommes sur une tendance de long terme de réduction de ces effectifs. Sachez que des compagnies comme Transavia sous-traitent totalement cette activité.
En ce qui concerne les négociations avec Transavia, si on en croit la presse, il est possible qu'une étape soit franchie aujourd'hui. D'un point de vue métier, Transavia France se développe et est aujourd'hui, une des entités rentables du groupe. Son modèle d'exploitation est celui du low-cost, avec une sous-traitance importante lors des escales. Bien entendu, le standard de qualité est élevé. En termes de destination, Transavia dessert beaucoup le Maghreb, la péninsule ibérique, et plus récemment le Liban et Israël, les îles grecques. Il peut y avoir un certain recoupement avec les lignes opérées par HOP, mais très majoritairement, les lignes exploitées ne sont pas les mêmes. Il y a un effet d'optique, du fait que cette compagnie se développe, alors que d'autres se réduisent, mais nous ne sommes pas dans une logique de transfert. Sans préjuger des décisions de ma consoeur présidente de Transavia, je ne pense pas que cette compagnie va se positionner sur Paris-Quimper, parce que les avions qu'elles exploitent sont trop gros. Afin de pouvoir pratiquer les tarifs qu'elle propose, il est nécessaire d'avoir un volume de trafic suffisant. Il peut y avoir des intersections sur des lignes que le groupe Air France a abandonnées, mais cela reste très limité. Fondamentalement, nous sommes sur deux modèles différents. Enfin, le cycle des entreprises évolue. Aujourd'hui, nous sommes dans une période où le transport régional, avec des appareils de 50 à 70 places connait des difficultés en France, mais également dans toute l'Europe.
M. Dominique Théophile. - J'ai été contacté à un moment pour être référent client. J'avais fait remonter les remarques concernant l'aménagement de la cabine des vols depuis la Guadeloupe. Air France m'a indiqué qu'un plan de rénovation était en cours. En effet, des améliorations sont possibles en classe Business.
Nous avons tout à l'heure évoqué les compagnies low-cost. Or, le prix des billets en ce moment entre la Guadeloupe et Paris est de 1000 à 1 300 euros. Mais c'est précisément le moment où les étudiants partent pour la métropole. À d'autres périodes de l'année, les prix descendent jusqu'à 490 à 500 euros. Ne serait-il pas possible pour Transavia d'opérer à titre expérimental cette ligne ? J'utilise cette compagnie pour me déplacer en Europe et le prix est convenable.
M. Pierre-Olivier Bandet. - Actuellement, nous utilisons, entre la Guadeloupe, la Martinique et Paris, des 777. Un programme de rénovation a été lancé et devrait être achevé d'ici 2020. Nous rénovons totalement la cabine affaires, en y installant notamment un fauteuil qui permet de s'allonger totalement.
L'axe La Guadeloupe-Paris est un des axes les plus concurrentiels. J'ai en tête le nom de cinq compagnies au moins opérant cette ligne. Il y a des effets d'hyperpointe. Mais, c'est parce que l'on arrive à gagner de l'argent pendant les périodes d'hyperpointe que l'on peut se maintenir toute l'année et offrir dans les périodes plus creuses des tarifs qui restent intéressants. Par ailleurs, d'un point de vue purement technique, les avions qu'exploite Transavia ne peuvent pas effectuer de dessertes transatlantiques, puisqu'elle exploite des 737. Si je ne me trompe pas Norwegian Airlines était venue se positionner, mais est rapidement ressortie.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Je souhaitais également évoquer le prix des billets. Un aller-retour Paris-Aurillac, pris peu de temps avant le départ coût 480 euros. Cela m'interpelle. Je souhaite ainsi savoir comment sont construits vos prix.
Par ailleurs, le groupe Air France envisage-t-il de développer des liaisons transversales entre métropoles régionales et éventuellement, à travers ces dernières, des liaisons vers d'autres métropoles européennes ?
M. Pierre-Olivier Bandet. - Pour la ligne Paris-Aurillac, malgré la subvention, et même en utilisant un exploitant qui est assez compétitif en termes de coûts, nous restons en déficit avec la grille tarifaire que nous pratiquons. Une compagnie aérienne comme la nôtre pratique des tarifs élevés, permettant d'offrir dans d'autres conditions des tarifs plus bas : en faisant la moyenne des prix des billets, nous arrivons à une moyenne inférieure à 480 euros aller-retour. En outre, le développement des compagnies low-cost a fait évoluer la philosophie de l'avion. En publiant des tarifs d'appel très bas, on a introduit dans l'esprit des passagers l'idée selon laquelle un billet à plus de 50 euros est cher. Or, cela ne correspond absolument pas à ce dont nous avons besoin pour faire voler nos appareils.
Nous avons introduit en début d'année une nouvelle politique tarifaire nous permettant d'avoir une gamme de prix un peu plus étendue afin d'éviter la situation que vous décrivez : soit des prix très bas, soit des prix très élevés.
En matière de liaisons transversales, le groupe Air France a construit à partir du hub de Lyon un réseau entre les métropoles françaises et européennes. Avec un terminal vraiment optimisé, nous arrivons à faire des correspondances de 25 minutes entre Caen, Pau et Marseille ou Marseille et Brest. Nous avons également une liaison entre Lille et Nice, ou Marseille et Rennes. Nous desservons quelques destinations vers l'international. Cela dit, ces liaisons régionales sont celles sur lesquelles nous avons des difficultés économiques. Pour 85 % de nos lignes en court-courrier, nous sommes en concurrence avec un autre opérateur, alors qu'il y a une dizaine d'années ce taux était de 40 %. Nous avons ainsi 2 à 3 compagnies présentes sur un même flux de trafic assez fin, et lorsqu'une guerre des prix se déclenche, il est difficile pour nous de se maintenir. Nous cherchons en permanence de nouveaux flux de trafic, de nouvelles destinations. Nous faisons sans cesse des évaluations, mais il est vrai que ce type de desserte est très difficile à rentabiliser.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Monsieur le directeur général, vous avez répondu aux inquiétudes des différents territoires. Nous souhaitons en tout cas que le cap que vous nous avez donné se traduise par les résultats que vous espérez.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 13 h 10.