Mercredi 5 juin 2019
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
La réunion est ouverte à 16 h 35.
Projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018 - Audition de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, sur l'exécution des crédits de la mission « Cohésion des territoires »
M. Vincent Éblé, président. - Nous recevons M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Nous recevrons après lui plusieurs autres membres du Gouvernement sur l'exécution du budget en 2018 : Mme Jacqueline Gourault viendra le 18 juin avec M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales ; le 19 juin nous recevrons Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Enfin, le 26 juin, nous entendrons Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le ministre, vous venez échanger avec les membres de notre commission au sujet de l'exécution en 2018 des crédits relatifs à la ville et au logement, c'est-à-dire des programmes 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », 147 « Politique de la ville » et 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », dont le rapporteur spécial est notre collègue Philippe Dallier. Nombre de politiques portées par votre ministère jouent un rôle majeur dans nos territoires, comme la politique de la ville. Et votre venue est d'autant plus utile que nous nous souvenons des débats très intenses que nous avons eus avec le Gouvernement, lors de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2018, sur la réforme des aides au logement et la réduction des loyers perçus par les bailleurs sociaux.
Je salue la présence parmi nous de M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et de Mmes Dominique Estrosi Sassone et Annie Guillemot, rapporteures pour avis de la commission des affaires économiques.
M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement. - Je vous remercie pour votre invitation à discuter de l'exécution 2018. C'est la deuxième année que nous faisons cet exercice, qui me paraît très utile, notamment en matière de cohésion des territoires. Cette fois, la Cour des comptes a salué la sincérité du budget de cette mission, alors qu'elle avait coutume de souligner, pour ces programmes, les différences entre la programmation et l'exécution.
C'est la politique qui doit guider le budget, et pas l'inverse. L'exécution 2018 a manifesté plusieurs choix politiques du Gouvernement.
Sur le programme 177, relatif à l'hébergement d'urgence et au logement d'abord, la situation reste très difficile. Vous m'avez interrogé à plusieurs reprises dans l'hémicycle. Il y a encore des milliers de personnes dans des situations de grande précarité, qui sont à la rue. Nous apportons des solutions d'hébergement d'urgence : la semaine dernière, nous avons annoncé la pérennisation de 6 000 nouvelles places s'ajoutant aux 5 000 places pérennisées dans le budget 2018. Nous cherchons également, avec la politique du logement d'abord, à apporter des solutions durables, c'est-à-dire à permettre à ceux qui en ont besoin de sortir de la pauvreté et d'avoir une adresse, un chez soi, et pas simplement un abri. En effet, il est beaucoup plus difficile de se réinsérer lorsqu'on a comme adresse celle d'un centre d'hébergement d'urgence. Cette stratégie du logement d'abord a porté ses fruits en 2018 : nous avons permis à plus de 70 000 personnes de sortir de la rue ou de l'habitat de grande précarité. C'est 30 % de plus qu'en 2017. Bien sûr, il faut aller encore plus fort, encore plus loin, encore plus vite - et nous continuons à le faire.
Malgré la sincérisation du programme 177, on déplore toujours une certaine porosité avec le programme 303, géré par le ministère de l'Intérieur et consacré aux places dédiées aux demandeurs d'asile. Nous avons procédé à un abondement de crédits complémentaires à hauteur de 60 millions d'euros dans l'exécution 2018 au titre de ce programme - somme en forte baisse par rapport aux habitudes passées.
Le programme 109, d'aide à l'accès au logement, reflète dans son exécution en 2018 les dispositions prises dans la loi de finances initiale, qui a instauré le mécanisme de la réduction de loyer de solidarité. L'idée est d'opérer une réduction d'aide personnalisée au logement (APL) couplée à une réduction de la quittance. La mise en oeuvre du mécanisme s'est bien déroulée, grâce à une association étroite entre l'ensemble des partenaires. Deuxième enseignement : l'effort demandé en 2020 était trop important - il faut savoir le reconnaitre. Nous avons donc mis en place une clause de revoyure avec l'ensemble des bailleurs sociaux, et plusieurs d'entre vous, comme M. Dallier et Mme Estrosi-Sassone, s'y sont impliqués. Nous avons obtenu un accord de toutes les familles des bailleurs sociaux pour trouver un nouveau chemin pour 2020.
Le budget 2018 s'accompagne de la grande réforme portée par la loi « Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique » (ELAN), qui a fait l'objet de la conférence de consensus voulue par le président Gérard Larcher et par le ministre Jacques Mézard, qui a duré plusieurs mois et fut lancée au Sénat. Au titre de la réforme du logement social, se posait la question du regroupement des bailleurs sociaux, avec un seuil de 12 000 logements. Ces regroupements sont très largement enclenchés et se passent bien, avec plus de 260 regroupements lancés sur 350 organismes concernés.
Notre politique publique du logement doit s'appuyer sur deux jambes : la construction neuve, avec tous les dispositifs fiscaux - même si on ne les retrouve pas dans l'exécution budgétaire - et la politique en faveur de la rénovation, là aussi avec des dispositifs fiscaux, et notamment celui qui porte mon nom, comme le veut la coutume, et qui favorise l'investissement locatif dans l'ancien, dans les villes de nos territoires qui en ont besoin, et notamment toutes celles du programme Action Coeur de ville, mais aussi toutes celles qui mettent en place une opération de revitalisation du territoire. C'est l'une des premières fois qu'un dispositif fiscal n'est pas attaché à un zonage bête et méchant, mais associé à un projet territorial.
Avec le plan initiative copropriété, près de 700 grandes copropriétés dégradées sont en cours de traitement. Les crédits de la politique de la ville, dans le programme 147, ont été sanctuarisés, comme nous nous y étions engagés au début du quinquennat, et nous avons accéléré un certain nombre de décaissements. En matière de rénovation urbaine, notamment, nous avons tenu nos engagements, puisque la dernière loi de finances, comme celle de 2018, incluent de véritables autorisations d'engagement pour que l'État abonde à hauteur de 1 milliard d'euros le nouveau programme de rénovation urbaine. Nous avons beaucoup travaillé pour accélérer la rénovation urbaine et avons engagé plus de 5,7 milliards d'euros sur les 10 milliards d'euros du nouveau plan de rénovation urbaine. Le travail de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), avec les élus locaux et les bailleurs sociaux, partout sur le terrain, a abouti à la rénovation de plus de 200 écoles et de plus de 40 000 logements. La consolidation des programmes de réussite éducative (PRE) est au coeur de notre stratégie de réussite républicaine en faveur des quartiers. Ceux-ci sont non seulement stabilisés sur l'exécution 2018 mais ils progresseront en 2019, puisque nous lançons, avec le ministre Jean-Michel Blanquer, l'initiative des cités éducatives, qui vise à accompagner nos jeunes dans les quartiers vers la pleine maîtrise de leur destin.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - La Cour des comptes le dit : pour l'exercice 2018, on observe une notable amélioration en termes de sincérisation, pour la prévision comme pour la réalisation. J'ai assez dénoncé la tendance des gouvernements à ajouter, en fin d'année, des dizaines et parfois des centaines de millions d'euros de crédits, pour reconnaître bien volontiers un effort important et une inflexion notable en 2018.
Il y a tout de même quelques remarques à faire. L'un des problèmes que nous connaissons depuis longtemps est la porosité entre le programme 177 et ceux qui relèvent de l'asile et de l'intégration. La Cour pointe toujours la difficulté qu'il y a à y voir clair, et se demande même si vous serez un jour capable, en accord avec ceux qui gèrent le programme « intégration », de séparer clairement les choses. Bien sûr, c'est difficile, puisque l'accueil est forcément inconditionnel : lorsque quelqu'un se présente et qu'on doit le mettre à l'abri, qu'il soit demandeur d'asile, en phase de demande ou qu'il relève d'une autre situation, la séparation complète est difficile à obtenir. La Cour note toutefois qu'on peut encore faire des progrès. En Île-de-France, les crédits seront mieux séparés en 2019. Pour la préparation du budget 2020, pourrez-vous nous apporter des éléments permettant d'obtenir ce résultat ? Plus que de sincérité, il s'agit de bien éclairer le Parlement.
Sur le logement d'abord, vous nous dites que la sortie vers le logement est en progression, ce dont on peut se féliciter mais, en 2018, le recours aux nuitées hôtelières a continué à progresser ! On nous dit chaque année qu'on cherche à diminuer ce recours, mais il augmente toujours, et on est, en 2018, à plus de 48 000...
La création de places de pensions de famille avance aussi difficilement. Un objectif de 10 000 créations a été fixé. En 2018, on est à 1 400, et il semble très peu probable qu'on atteigne l'objectif. De même, l'intermédiation locative rencontre des difficultés de mise en oeuvre.
On constate sur le programme 109 un gros effort de sincérisation : nous n'avons ajouté que 90 millions d'euros en loi de finances rectificative ! Mais la Cour pointe que la dette du fonds national d'aide au logement (FNAL) envers les organismes payeurs a augmenté d'une soixantaine de millions d'euros en 2018, pour atteindre 313 millions d'euros. Si on inscrit moins d'un côté et que de l'autre côté on reconstitue de la dette, ce n'est pas très vertueux ! L'année 2019 pourrait peser relativement lourd. Pouvez-vous nous dire un mot de la prise en compte des revenus contemporains pour les bénéficiaires des APL ? Votre objectif était d'économiser 1,2 milliard d'euros en année pleine. On sait que ce ne sera pas le cas. Les 900 millions d'euros d'économies que vous aviez inscrits en 2019 ne seront pas réalisés, et il manquera des sommes importantes pour le FNAL.
La réduction de loyer de solidarité (RLS) devait s'accompagner d'un système d'aide à la réorganisation des bailleurs, mis en place par la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Cela n'a pas été fait en 2018 mais, à l'occasion d'une réunion en mars dernier, la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages nous a indiqué que les décrets étaient en cours d'écriture. Pouvez-vous nous en dire plus ?
La RLS visait à réaliser une économie de 1,5 milliard d'euros dès 2018. Après d'âpres discussions au Parlement, nous avions obtenu l'étalement de la mesure sur trois ans et, en contrepartie, l'augmentation de la TVA pour les bailleurs, évaluée à 800 millions d'euros. Ces éléments ne semblent toutefois pas figurer dans le chiffrage de cette dépense fiscale en 2018, qui est au près au même niveau qu'en 2017. Certes, les rentrées de TVA sur les opérations de construction sont décalées dans le temps, mais n'y a-t-il pas une autre explication ?
Le recentrage du Pinel, du prêt à taux zéro (PTZ) et la suppression de l'APL accession sont des choix politiques à visée budgétaire que vous dites assumer. Avec un an de recul, qu'en pensez-vous ? La construction a baissé : y voyez-vous un lien de cause à effet ? Entendez-vous revenir sur ces choix ?
Sur le programme 147, un indicateur de performance affiche une surprenante évolution : l'écart de revenu entre les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les habitants de l'agglomération dans laquelle ils se trouvent s'accroît. C'est un paradoxe absolu ! Quelles conclusions en tirez-vous ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Je m'associe à toutes les remarques et questions qui ont été dites.
La clause de revoyure a été signée, mais nous n'avons encore aucune visibilité sur ce qui se passera ensuite. À l'issue de la clause de revoyure, nous devrions être à un montant global de RLS de 1,3 milliard d'euros. Y aura-t-il toujours une baisse de la TVA sur certaines opérations ? Avez-vous évalué l'impact de toutes les mesures - RLS, baisse des APL, suppression de l'APL accession, hausse de la TVA, etc. - sur la santé des bailleurs sociaux ? Savez-vous combien d'entre eux pourraient rester dans une situation difficile ?
Le fonds national des aides à la pierre (FNAP) a connu des difficultés de fonctionnement - l'absence de président, le retard de versement de la contribution d'Action logement... Qu'en est-il en 2019 ?
Des rapports devaient être remis sur les différents dispositifs fiscaux. Un rapport d'évaluation sur les zonages a été remis au Parlement - quoique tardivement. D'autres, relatifs à l'évaluation des dispositifs eux-mêmes et leur réforme, doivent nous être remis avant le 1er septembre : les recevrons-nous en temps et en heure ? Dans son rapport sur la gestion des dépenses fiscales en faveur du logement, la Cour des comptes invite le Gouvernement à renoncer aux dépenses fiscales dont l'administration n'est pas en mesure de contrôler effectivement les contreparties attendues des bénéficiaires : mettrez-vous en oeuvre cette recommandation ?
Quel recul avez-vous sur le dispositif Denormandie, notamment en termes de nombre de logements et de coût budgétaire ?
En 2018, le Gouvernement a voulu mettre un coup d'accélérateur sur la rénovation énergétique en fixant l'objectif de 75 000 logements à rénover ; seuls 62 345 logements ont été aidés. Comment expliquer que l'objectif n'ait pas été atteint ? Comment y remédier ?
Mme Annie Guillemot, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques pour le programme 147. - La Cour des comptes, dans sa note d'analyse sur l'exécution budgétaire 2018, a remarqué à propos des indicateurs de performance retenus pour le programme 147, que les résultats restaient globalement proches de l'exercice précédent mais qu'ils ne permettent pas d'évaluer réellement les effets de cette politique. Ces indicateurs mesurent pour l'essentiel les résultats d'actions auxquelles le programme 147 ne contribue que très marginalement - la mixité fonctionnelle des territoires et la réussite scolaire, par exemple. En outre, ajoute la Cour des comptes, ils prennent peu en compte les dispositifs fiscaux en dépit de leur poids financier, qui est énorme, et la démarche ne comporte pas de volet relatif à la cohésion sociale alors qu'il s'agit d'un des pivots des actions construites en faveur des quartiers prioritaires.
L'institut d'aménagement et d'urbanisme vient d'ailleurs de publier une étude, dont Le Monde s'est fait l'écho, qui met en évidence le recul de la mixité sociale en Île-de-France, l'accroissement des inégalités entre les quartiers et, surtout, comme Valérie Létard et moi l'avions dit dans le cadre de notre mission d'évaluation commune sur la politique de la ville, la paupérisation absolue de secteurs urbains entiers - une centaine. Dans 44 communes parmi les plus pauvres de la région Île-de-France, regroupant 15 % de la population, le revenu médian aurait baissé... C'est ce qu'illustre aussi le film Les misérables, tourné à la cité des Bosquets. Comptez-vous suivre les observations de la Cour des comptes et modifier les indicateurs de performance du programme, qui sont d'ailleurs liés à l'application des crédits de droit commun ?
Où en est-on de la mise en oeuvre du pacte de Dijon, signé le 16 juillet 2018, auquel les élus et les maires tiennent beaucoup ? Je songe notamment aux mesures de simplification du fonctionnement de l'ANRU : simplification administrative et financière, réduction du nombre d'études - la métropole de Lyon vient de repartir sur une étude de 800 000 euros pour un quartier de Bron -, rapprochement avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour améliorer la lutte contre les copropriétés dégradées, etc.
La Cour des comptes a pointé dans son analyse budgétaire 2018 le financement de l'ANRU. Quel sera l'impact de la création de l'agence nationale de cohésion des territoires sur ce financement ?
Je ne tire pas le même bilan que vous sur la RLS et la clause de revoyure. Dans certains quartiers, l'entretien a chuté de 30 % à 40 % car l'office HLM a fait des économies. Et la moindre revalorisation des APL, de 0,3 % au lieu de 1,8 %, va peser sur les ménages. Avec les aides au logement en temps réel, près de 1,2 million de ménages ne percevront plus cette aide, or ils ne s'y attendent pas ! De plus, la situation des caisses d'allocations familiales (CAF) est préoccupante ; certaines ferment des journées entières pour traiter les dossiers. Quel est l'impact de la RLS sur la mise en oeuvre du nouveau programme de renouvellement urbain ? Des bailleurs engagés dans ce programme ont-ils décidé de renoncer à leur engagement ou de le réduire ? On le lit parfois.
Où en êtes-vous des emplois francs ? Près de 740 quartiers font partie du dispositif. Envisagez-vous de le réformer ? Où en sont les postes « Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire » (Fonjep), dont vous aviez annoncé le doublement, ainsi que les postes d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) ?
La Cour des comptes, dans son analyse budgétaire, souligne aussi une sous-exécution des crédits consacrés au programme de réussite éducative : elle atteint 62 millions d'euros en 2018, contre 68 millions d'euros budgétés. À quoi est due cette sous-exécution ? Pouvez-vous nous donner une estimation des crédits pour 2019 ?
Pouvez-vous enfin nous dire un mot sur la consommation des crédits relatifs au dispositif d'adultes-relais, dont le doublement était prévu ?
M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le programme 177. - En 2018, une fois n'est pas coutume, le budget était égal au budget réalisé l'année précédente, ce qui n'avait guère été le cas auparavant. Il manque cependant 145 millions d'euros en exécution, par rapport à ce qui était prévu.
Ce budget n'est pas facile à gérer, car il est en permanence à l'épreuve de l'urgence. M. Guillaume Arnell et moi-même travaillons sur le financement des structures d'hébergement. Les structures d'hébergement d'urgence - nous en avons visité à Lille et à Nantes - suscitent de nombreuses interrogations en matière de gestion.
Le programme 177 pâtit de la gestion des campements. Il faut régler ce problème une fois pour toutes pour éviter les mélanges !
Un gros effort a été fait sur les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO), qui fonctionnent bien.
L'hébergement d'urgence est saturé, ce qui se répercute sur l'hôtel : en 2018, nous sommes passés d'environ 45 000 à 48 000 nuitées d'hôtel, soit une augmentation de 5,3 %, alors que l'objectif d'une stabilisation avait été fixé.
Sur les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), nous avons eu un grand débat sur l'objectif de convergence des coûts dans le cadre du dernier PLF. Cela a déstabilisé tous nos opérateurs, vous en avez été le témoin, monsieur le ministre. Vous avez accordé une enveloppe supplémentaire de 5 millions d'euros pris sur le plan pauvreté, mais le système reste à améliorer. Tous les établissements ont été pénalisés par la définition des plafonds. Il n'est pas normal de sanctionner ceux qui ont fait des efforts.
Sur les logements adaptés, un effort a été fait, mais il va falloir prévoir un budget supplémentaire pour mettre en oeuvre le plan que vous avez proposé de 40 000 places d'intermédiation et 10 000 places en pension de famille car, en 2018, seules 1 378 places en pension ont été créées.
Une petite ligne est prévue dans le budget pour financer le programme européen de relocalisation des réfugiés. En 2017, le Gouvernement avait décidé d'accorder aux communes une aide de 1000 euros par réfugié accueilli. Beaucoup de communes avaient répondu à l'appel du Gouvernement, mais on leur a opposé une fin de non-recevoir au dernier moment... Une circulaire a pourtant été cosignée en ce sens ! Une telle somme pour une commune de 300 habitants qui accueille un réfugié syrien, c'est pourtant une bonne chose.
Les opérateurs se posent un certain nombre de questions en ce moment. Nous aurons à réfléchir sur le statut de toutes les structures : centre d'hébergement et de réinsertion sociale, centre d'hébergement d'urgence, résidence hôtelière à vocation sociale, etc. Leur public n'est pas forcément le public prévu - nous aurons l'occasion de vous le dire lorsque nous présenterons les conclusions de notre mission.
Avez-vous l'intention d'étendre la convergence tarifaire à toutes les structures d'hébergement ? Il faudrait, je crois, revoir la tarification en fonction des activités menées et en fonction des territoires, pour éviter que les tarifs soient uniformes. Clarifions en outre la tarification entre le parc généraliste et le dispositif national d'accueil des migrants. Nous le disons depuis plusieurs années.
Enfin, nous sommes satisfaits que la situation budgétaire s'arrange, mais il manque 103 millions d'euros au budget 2019 par rapport au budget réalisé en 2018. Et vous nous avez annoncé la pérennisation de 6 000 places ! C'est une interrogation supplémentaire...
M. Julien Denormandie, ministre. - La porosité entre les programmes 177 et 303, nous la constatons tous. Nous avons fait des progrès, notamment avec les centres d'hébergement d'urgence pour les migrants (CHUM), qui sont passés du programme 177 au programme 303. Nous savons que quelques lignes budgétaires du premier programme relèvent encore du second. L'immense difficulté est que nous restons tous attachés au principe intangible de l'inconditionnalité de l'accueil, qui a pour conséquence inévitable que de nombreuses personnes, réfugiées, demandeurs ou éligibles à l'asile, sont dans des centres d'hébergement d'urgence. Cela n'empêche toutefois pas de travailler à améliorer la sincérité budgétaire et la coordination entre mon ministère, celui de l'intérieur et les associations.
La politique du logement d'abord repose sur des objectifs très ambitieux : 40 000 intermédiations locatives, 10 000 pensions de famille. Nous avons aussi fixé des objectifs ambitieux de sortie vers le logement social ou les dispositifs adaptés comme les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) adaptés. Avec 6 000 intermédiations locatives et 1 300 pensions de famille, la progression est nette par rapport aux années précédentes. Pour les intermédiations locatives, l'objectif que j'avais fixé cette année a été dépassé ; pour les pensions de famille, nous sommes encore en-deçà. Selon les territoires, les unes décollent nettement mieux que les autres.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Pourquoi ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Pour les pensions de famille, il faut identifier les lieux où c'est possible et prévoir de la formation. Nous y avons travaillé, avec Nexity par exemple. L'immense difficulté de l'intermédiation locative est d'identifier les propriétaires acceptant de mettre leur logement à disposition. Je me suis époumoné sur le sujet, lançant des appels, publiant des tribunes, mobilisant les associations ; nous menons encore une campagne de publicité pour alerter nos concitoyens. J'aime autant les propriétaires que les locataires et je suis le ministre des deux, mais j'estime que l'on ne peut être un propriétaire citoyen et posséder un logement vacant. De nombreuses raisons peuvent certes l'expliquer. Je sais bien que l'on peut ne pas avoir les moyens de réhabiliter son logement - je me suis toujours battu contre la caricature du propriétaire nanti, comme celle du locataire indélicat - mais certains estiment qu'il est trop compliqué de gérer un locataire... Bref, nous nous battons pour que tout propriétaire d'un logement vacant en donne les clés à une association ; garantie de loyer, garantie de remise en état du bien, bail classique 3-6-9, tout est alors prévu. J'ai adopté une politique très proactive : des objectifs ont été fixés à chaque préfet de région et j'échange en visioconférence avec eux régulièrement - toutes les semaines en période hivernale, tous les mois ou tous les deux mois sinon - pour savoir où en sont les sorties d'hébergement d'urgence.
La dette du FNAL est aux alentours de 300 millions d'euros et a augmenté de 50 à 60 millions d'euros cette année. C'est encore trop ; nous travaillons à sa résorption totale.
J'en viens à la contemporanéité des aides au logement. Le rendement de la mesure initialement prévu pour l'année 2019 a été revu à la baisse. Cette réforme, qui consiste à calculer le droit aux APL à partir de l'année n et non plus de l'année n-2, est juste, mais aussi extrêmement complexe techniquement. Songez que l'instruction sur le versement des APL fait plus 100 pages, et le tableau Excel recensant tous les cas de figure entre 200 et 300 lignes ! Sans compter que certaines situations ne sont pas prévues dans les mesures de compensation en attendant que la contemporanéité soit mise en place, telle celle de la femme à la tête d'une famille monoparentale travaillant à mi-temps. La réforme est donc complexe, et il faudra s'assurer qu'elle n'aura pas d'effets de bord. Je salue le travail de la CAF, qui mène cette réforme sous la tutelle de la ministre de la santé et du ministre du budget, qui avait déjà été sollicitée lors de la mise en place de la prime d'activité. Nous prendrons le temps nécessaire pour que la réforme se passe bien, car il y va de la situation de millions de personnes.
Le décret relatif à la CGLLS vient de sortir du Conseil d'État. La première réunion de la commission est prévue pour début juillet.
S'agissant des dispositifs fiscaux, l'objectif premier est de donner de la visibilité aux acteurs. J'ai découvert à ma prise de fonction en mai 2017 que tous les dispositifs fiscaux - PTZ, Pinel... - prenaient fin en décembre de la même année : pour planifier des investissements, bonjour ! C'est pourquoi notre première décision a été de les reconduire pour quatre ans, hors les cas particuliers du PTZ en zone rurale dans le neuf, reconduit pour deux ans seulement, et le Pinel en zones B2 et C, que nous avons interrompu. Notre choix politique, que j'assume, consiste à privilégier la rénovation des centres villes qui périclitent au bénéfice de leurs alentours. Le rétrécissement des dispositifs dans les zones B2 et C entraîne toutefois une chute de la construction neuve. La difficulté est qu'une telle décision exige un zonage pour s'appliquer ; or ce n'est pas une bonne approche de l'aménagement du territoire, car la zone B2 de l'Oise n'a rien à voir avec la zone B2 du Bas-Rhin : il peut être absolument nécessaire d'encourager la construction neuve en périphérie ici, et en centre-ville là. Ma priorité est donc à présent de sortir de ce zonage. Nous expérimenterons ainsi un dispositif non zoné en Bretagne, que nous vous présenterons dans les prochains textes financiers. Ce sera une composante du prochain acte de décentralisation annoncé par le président de la République. Je crois beaucoup à la possibilité de rendre les zonages intelligents, c'est-à-dire répondant aux réalités des territoires définies par les élus locaux.
Les QPV font partie des derniers endroits où l'ascenseur social fonctionne encore, mais ceux qui en sortent sont remplacés par des personnes dont les difficultés peuvent être plus grandes encore. Un jeune sur six vit dans un QPV : le défi est donc colossal et nous concerne tous. Je crois beaucoup à la politique de réussite républicaine que nous mettons en oeuvre. La première des libertés est la sécurité ; c'est l'objet de la politique de reconquête républicaine du ministre de l'intérieur. Mais le deuxième enjeu, que connaît tout père de famille, est celui de l'école. J'ai entendu un promoteur dire qu'il tenait compte de l'heure de sortie des classes pour organiser des visites immobilières en-dehors de celle-ci... Vous pouvez faire toute la rénovation urbaine que vous voulez, si vous ne tenez pas compte de l'école, vous n'avez traité que la moitié du problème ! C'est pourquoi il était fondamental pour moi que l'État participe de nouveau au financement de l'ANRU - c'est chose faite, à hauteur d'un milliard d'euros sur les 10 milliards -, pour rénover les écoles. Les 5,7 milliards d'euros que j'évoquais représentent 200 écoles rénovées, et 300 équipements publics. La difficulté de cette politique est qu'elle prend du temps. J'en profite pour indiquer que le 13 juin, nous organiserons un grand événement sur cette politique de réussite républicaine autour de deux piliers : la réussite éducative et l'insertion par le travail.
Madame Estrosi Sassone, la clause de revoyure porte sur trois ans. À la demande des offices publics de l'habitat, nous ferons cependant un nouveau point en 2021, et non en 2022. Sur le volet TVA, nous sommes redescendus à un taux de 5,5 % sur les PLAI, les acquisitions-améliorations et les programmes ANRU.
Je reconnais que l'effort demandé pour atteindre les objectifs était trop important, d'où la clause de revoyure. Nous avons réalisé des analyses macro, mais aussi micro, pour l'ensemble des bailleurs. C'est aussi pourquoi les missions de la CGLLS ont été élargies. Sur ce sujet, nos équipes ont beaucoup travaillé ; je les en remercie, ainsi que les préfets et les responsables de la mission Pierre Quercy et Marie-Dominique de Veyrinas.
Le retard de versement de la contribution d'Action logement au FNAP a été rattrapé et n'a eu aucune conséquence sur la programmation.
Je vous confirme que les rapports seront bien remis au Parlement au 1er septembre 2019.
Améliorer la connaissance des endroits où les dispositifs fiscaux fonctionnent est un énorme enjeu, y compris pour le ministre du logement lui-même... Par exemple, je pouvais jusqu'à récemment vous dire combien de dispositifs Pinel avaient été actionnés mais pas où ils l'avaient été. Dans le même ordre d'idée, le ministère du logement publie tous les trois mois les chiffres de la construction, mais ceux de la rénovation ne sont pas consolidés.
Mme Annie Guillemot, rapporteure pour avis. - Et les mises en vente ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Ceux-là existent. Mais la politique que je mène de soutien à la rénovation se heurte à ce manque d'informations - de même que votre fonction de contrôle, d'ailleurs.
Je ne peux vous dire quels sont les effets du dispositif Denormandie dans l'ancien, car l'instruction fiscale n'a été finalisée qu'à la fin mars. Ce décalage s'explique par le fait que les premières moutures du dispositif étaient trop complexes. J'ai pris le temps nécessaire pour élaborer quelque chose de simple ; il faudra par exemple choisir deux travaux de rénovation énergétique parmi cinq, ou réduire de 30 % sa consommation d'énergie, pour être éligible. Le coût budgétaire prévu s'élève à 120 millions d'euros.
J'avais fixé à l'ANAH un objectif de 75 000 rénovations énergétiques en 2018, soit une augmentation de 18 % par rapport à l'année précédente. Il était certes très ambitieux, mais c'est ainsi que l'on avance... Le véritable défi à relever reste celui de la simplification des aides. La complexité des dispositifs que nous avons créés ne doit pas reposer sur les Français ! Avec la chaudière à un euro, pour la première fois, ce sont les administrations et les entreprises qui consolident l'ensemble des aides. C'est l'objet de la plateforme Faire, joignable au 0 808 800 700. J'ai très bon espoir que l'objectif de 75 000 rénovations soit atteint cette année, grâce au nouveau portail créé par l'ANAH.
M. Victorin Lurel. - L'ANAH a-t-elle des instructions particulières pour les outre-mer ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Bien sûr, et nous travaillons avec Annick Girardin sur le plan logement outre-mer 2019-2022.
En ce qui concerne la politique du logement, beaucoup d'indicateurs ont été définis. Un observatoire a même été créé. Mais notre but est surtout de chercher à savoir si les indicateurs et objectifs retenus permettent d'améliorer la vie des Français. J'ai ainsi eu l'honneur il y a quelques jours d'être l'un des premiers ministres à inaugurer la première partie du Conseil des ministres consacrée aux résultats, à propos de la politique de la ville. Les indicateurs en matière de politique de la ville sont nombreux, encore faut-il savoir s'ils ont un effet sur la vie des Français. Ainsi, il y a 18 mois, le Président de la République a fixé un objectif de 30 000 stages de troisième en faveur des lycéens des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous avons réussi à en proposer 33 000. On aurait pu s'arrêter à ce chiffre flatteur. Mais nous avons préféré retenir comme objectif le nombre de stages pourvus, qui est seulement de 8 000 stages. Cela change le regard et conduit à réfléchir avec l'Éducation nationale sur les causes de ce phénomène pour prendre les mesures correctives. Nous avons fixé un objectif de 15 000 stages pourvus l'année prochaine. La partie du Conseil des ministres consacrée aux résultats est donc fondamentale.
Sur le pacte de Dijon, on a simplifié et 5,7 milliards d'euros ont déjà été engagés en 8 mois. Il fallait parfois attendre un an à partir de la décision du conseil d'administration avant de voir la convention financière signée et les crédits débloqués. Cela a changé.
On voit dans les territoires, comme j'ai pu le constater à Toulouse récemment, la complémentarité entre les programmes de l'ANRU et le dispositif des copropriétés dégradées de l'ANAH. La création de l'ANCT n'a aucun impact sur les financements de l'ANRU.
On a fixé un objectif de 20 000 emplois francs, on en est à 6 000, c'est mieux que le dispositif précédent qui n'avait permis d'en créer que 300, mais il reste encore beaucoup à faire ; nous avons pris des mesures correctrices pour améliorer la visibilité du dispositif car plutôt que de retenir des départements entiers, où tous les quartiers prioritaires de la politique de la ville auraient été éligibles, on avait ciblé des quartiers spécifiques ; on travaille aussi avec Pôle Emploi pour sensibiliser les entreprises.
Je ne peux vous dire actuellement le nombre de postes Fonjep qui ont été créés mais je vous répondrai par écrit.
En ce qui concerne le programme des réussites éducatives (PRE), l'exécution s'élève à 62 millions d'euros pour 68 millions d'euros planifiés. La progression est forte grâce à un meilleur ciblage et une meilleure gestion des crédits. Les cités éducatives que nous avons lancées avec Jean-Michel Blanquer s'accompagneront en 2019 d'une hausse des crédits PRE de 12 millions d'euros et des crédits Fonjep.
On vise également 1 000 postes supplémentaires d'adultes relais en 2019.
Monsieur Morisset, il est important en effet de prévenir les expulsions. La loi ELAN contient des mesures à ce sujet. On constate une diminution du nombre d'expulsions réalisées mais le nombre d'expulsions prononcées par la justice stagne. Le seul remède consiste à prévenir les expulsions. C'est le sens de notre politique. Merci d'avoir salué le rôle des SIAO. En ce qui concerne l'exécution 2018, n'oublions pas que nous avons connu trois vagues de grand froid. Dans le budget 2019, nous avons prévu 4 millions d'euros pour accompagner la sortie d'hôtel. Il n'est plus possible de voir des familles rester de nombreuses années dans des hôtels faute d'être accompagnées à la sortie.
Vous avez aussi raison sur les prix plafond des CHRS : l'instruction que j'ai envoyée n'a pas été comprise ou mise en oeuvre comme elle aurait dû. Dans certains territoires, en effet, tous les CHRS ont été affectés et pas seulement ceux au-dessus du prix plancher. Nous avons pris les mesures correctives.
Enfin, l'an dernier, nous avons identifié 8 600 logements vacants que nous avons pu flécher vers les réfugiés. Nous visons un objectif de 16 000 cette année.
M. Vincent Éblé, président. - Je voulais poser une question, mais vous y avez largement répondu, sur la mise en place du plan logement, en particulier sur le retard concernant la création de places en pensions de famille : vous aviez annoncé vouloir réaliser 10 000 places en 5 ans et finalement, la première année, on n'en compte que 1 300 ; le compte n'y est pas tout à fait...Dans le même temps, les nuitées d'hôtel - dispositif coûteux et peu satisfaisant pour les personnes ainsi hébergées - passent de 45 700 en 2017 à 48 195 en 2018. L'inquiétude est donc grande. Si l'intention est bonne en général, il y a donc loin de la coupe aux lèvres et la réalisation ne suit pas.
Par ailleurs, dans la loi de finances initiale pour 2018, nous avions adopté, à l'initiative de notre rapporteur général, un plafonnement du montant des frais et commissions payées lors de l'acquisition d'un logement faisant l'objet du dispositif Pinel. Un projet de décret avait été mis en consultation il y a un an et la loi de finances pour 2019, sur la proposition du Gouvernement, a précisé le dispositif pour faciliter sa mise en oeuvre. Néanmoins, le décret n'est toujours pas publié. J'ai interrogé le secrétariat général du gouvernement sur cette question et on nous a répondu qu'il fallait consulter le comité du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière. Où en sommes-nous ? Comment surmonter ces difficultés d'ordre administratif pour faire en sorte qu'un dispositif voté par le Parlement soit enfin mis en oeuvre ?
M. Jean-François Husson. - Vous avez évoqué la rénovation des écoles dans le programme ANRU et le programme de réussite éducative. Comment s'établit la clef de répartition des financements entre l'État et les collectivités territoriales dans ces programmes de rénovation des écoles, qui sont des programmes d'investissement ? De même les programmes de réussite éducative qui ont été resserrés sur les territoires prioritaires sont-ils pris en charge totalement par des crédits d'État ?
M. Antoine Lefèvre. - Je voulais vous interroger sur le nouveau mode de calcul de l'APL et ses conséquences pour les finances publiques en raison du décalage dans le temps, mais vous avez déjà évoqué le sujet.
La Banque des territoires a noté, dans son étude d'octobre 2018, une baisse de 40 % de la production de logements neufs. J'ai entendu votre réponse. Certes il ne faut pas se focaliser sur le neuf et la rénovation des centres-villes et des centres bourgs est indispensable. Mais on manque de chiffres sur cette politique. Je ne suis pas un adepte des observatoires mais il serait intéressant de connaître les efforts faits par les bailleurs publics ou privés. Parvenir à reconquérir nos centres-villes tout en créant des logements, et des logements sociaux en centre-ville, serait l'idéal. Il y a urgence dans nos centres-villes. Faute de chiffres, on continuera toujours à vous dire que la production de logements est insuffisante. La demande de logements sociaux n'a jamais été aussi forte. On a parfois l'impression que plus on légifère, moins on construit. Peut-être faut-il moins légiférer et privilégier une approche plus pragmatique, comme vous semblez le faire avec les rénovations.
M. Bernard Delcros. - Il est très délicat de définir un zonage car on risque toujours en voulant répondre à un problème dans certains territoires d'en pénaliser d'autres. Les différents zonages ont été resserrés au profit des zones dites tendues où la pénurie de logements est la plus forte. Mais cette approche reste théorique : si l'idée fonctionne bien sur le papier, c'est moins net sur les territoires car il y a des effets pervers. En concentrant trop les dispositifs fiscaux sur certaines zones, on provoque une forte hausse du foncier et on pénalise d'autres territoires, notamment les bourgs ruraux, qui ont aussi besoin d'investisseurs pour rénover les centres-bourgs et les centres-villes. Le dispositif que vous avez mis en place me parait intéressant. Je partage votre point de vue selon lequel il faut progressivement passer de zonages nationaux à des dispositifs adaptés aux besoins des territoires et aux projets locaux. Mais quelle réponse comptez-vous apporter aux petits bourgs ruraux ? Les charges de centralité ne dépendent pas du nombre d'habitants. Dans mon département, certains petits bourgs d'un millier d'habitants jouent un rôle fondamental de centralité et ont besoin de fonds pour rénover et revitaliser leur centre. Le nombre d'habitants ne saurait être le seul critère. Un rapport d'évaluation des critères attachés au logement locatif devrait paraître. Où en est-on ? Quelles sont vos intentions pour faire en sorte que le resserrement des zonages ne pénalise pas les autres territoires qui ont aussi besoin d'attirer des investisseurs privés ?
De même, pour le PTZ, vous avez, à raison, choisi de privilégier dans certains territoires, notamment dans le monde rural, la rénovation sur la construction. Je partage l'idée. J'ai été maire d'une petite commune. On a essayé de revitaliser le centre-bourg. Mais à côté de cette volonté politique, il faut aussi tenir compte des réalités de terrain : comment expliquer au fils d'agriculteur qui veut construire sa maison dans un hameau où il n'y a pas de logement vacant à rénover pour installer sa famille qu'il n'aura pas droit au PTZ, alors qu'il y aurait été éligible en ville ; il en va de même pour le couple de jeunes qui veut construire une maison à la campagne pour profiter du terrain autour. Ces situations sont vécues comme injustes. C'est d'autant plus injuste pour mon département qui se dépeuple et cherche à attirer des jeunes. J'attire donc votre attention sur les effets induits de politiques pertinentes au niveau national, avec l'accent mis sur la rénovation plutôt que sur la construction, mais qui peuvent avoir des conséquences perverses sur le terrain. Quelles sont donc vos intentions sur le zonage et la suppression du PTZ pour la construction en milieu rural ? Nous avons aussi besoin d'un zonage adapté aux projets locaux, avec des dispositifs simples et stables dans le temps qui ne changent pas tous les ans.
M. Yvon Collin. - Le dispositif Pinel, dernier-né d'une succession de dispositifs, constitue une dépense fiscale très importante. N'est-ce pas le dénaturer que de le présenter comme une aubaine fiscale, lorsqu'on en fait la promotion, alors qu'il avait pour objet que les gens s'approprient et gèrent les logements qu'ils mettaient à disposition de leurs locataires ? En tant que maire, j'ai vu des Strasbourgeois acheter dans le Tarn-et-Garonne. Autant dire qu'ils ont acheté un appartement qu'ils ne verront jamais. Ne serait-il pas temps de faire un bilan de ce dispositif ? Vous dites vous-mêmes que vous avez du mal à localiser les endroits où le dispositif Pinel est mis en oeuvre.
M. Jérôme Bascher. - J'ai bien noté que vous connaissiez l'Oise et le pays de Bray. S'il est difficile de faire un zonage, que ce soit en matière agricole ou de logement, il est encore plus difficile de le défaire. J'ai bien noté l'amélioration de la connaissance de votre ministère. Cependant, des politiques d'annonce sans résultats, c'est dommage.
Dans tous nos centres-bourgs, nous voyons des logements aux fenêtres désespérément fermées, aux façades décrépies, en déshérence. Ce problème ne mérite-t-il pas qu'on s'y intéresse ?
M. Michel Canévet. - Le dispositif du PTZ est important en Bretagne où les gens sont très attachés à la propriété individuelle. Il faut l'accompagner, car il permet à ceux qui ont des ressources limitées d'accéder à la propriété. Cela contribue aussi à réduire la pression de la demande sur le parc du logement locatif.
Pas moins de 212 millions d'euros avaient été inscrits en autorisations d'engagement en 2017 pour les contrats de ruralité, dont 22 millions d'euros ont été consommés en 2017 et 44 millions d'euros en 2018. Y a-t-il encore des dossiers en attente ? Comment se passe le financement des projets en cours ?
M. Victorin Lurel. - Vous avez supprimé l'allocation logement accession en Outre-mer et restreint le champ de la défiscalisation notamment pour la rénovation des maisons vieilles de plus de vingt ans, ce qui a considérablement réduit le nombre de projets subventionnés : on est passé de 476 à 94 projets pour tous les outre-mer. Un plan a été agréé qui prévoyait de rénover 150 000 logements. On constate un effondrement total des objectifs, avec seulement 8 000 logements rénovés. Vous avez engagé des travaux pour améliorer l'accession sociale à la propriété pour les ultra-marins. Pouvez-vous m'en dire plus sur les conséquences qu'auront ces travaux, notamment dans la prochaine loi de finances ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Monsieur Éblé, le décret du plafonnement des frais de gestion dans le dispositif Pinel se heurte non pas à un problème administratif, mais juridique, avec des modifications dans la loi ELAN. Les décrets sont en cours de discussion et le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière (Cntgi) doit se prononcer. Cela relève de l'application de la loi.
Monsieur Husson, les bailleurs sociaux, Action logement et les collectivités participent au financement des programmes de l'ANRU. Pour ce qui est des programmes de réussite éducative, l'État et les collectivités les financent à part égale. Les associations et un grand nombre d'acteurs participent aussi au projet des cités éducatives. Paul Valéry écrivait que « l'éducation ne s'arrête pas aux murs de l'école ».
Monsieur Lefèvre, beaucoup de dispositifs existent en matière de rénovation. L'enjeu est de consolider les chiffres, afin de piloter et d'évaluer la politique de manière fine. Nous connaissons les chiffres de l'ANRU et de l'ANAH, mais pas ceux de la fédération Solidaires pour l'habitat (SOliHA), ni ceux de la TVA à taux réduit, et nous n'avons pas non plus de vision fine sur le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Le diable se cache dans les détails.
Monsieur Delcros, sur le zonage, nous cherchons à mettre en oeuvre la politique d'aménagement du territoire la plus territorialisée possible. Je suis ingénieur agronome du génie rural. À la fin de ma formation, en 2003, il a fallu que j'aille au « grand rendez-vous », à 150 mètres de Matignon, avec le Secrétaire général au Plan qui pilotait toutes les politiques d'aménagement du territoire. On ne peut plus fonctionner comme cela.
Il y a quelques semaines, j'étais à La Rochelle, pour inaugurer la rénovation urbaine de Villeneuve-les-Salines, qui était le centre de vie initial de la ville, d'où partaient les bateaux, il y a encore 40 ans. On l'a recouvert de béton ! Et il nous faut désormais rénover le quartier pour rouvrir les salines qui font l'identité de ce territoire. Le zonage repose sur des dépenses fiscales. Territorialiser ce genre de dépenses n'est pas facile.
Monsieur Collin, depuis le 1er janvier 2018, nous avons obtenu un échange d'informations entre les ministères sur le dispositif Pinel. Nous savons exactement dans quelle mesure les dépenses que nous faisons sont utiles. Je salue le travail de Bercy.
Monsieur Bascher, je n'ai pas bien compris votre allusion à une politique d'annonce sans résultat.
M. Jérôme Bascher. - Un certain nombre de chiffres n'ont pas été consolidés. On annonce beaucoup de créations, et à la fin on obtient bon gré mal gré un chiffre de la construction.
M. Julien Denormandie, ministre. - Ce n'est pas ma façon de faire.
Pour ce qui est des centres-bourgs, la politique de rénovation n'est pas limitée au programme Action coeur de ville. Dans certains endroits, on a constaté que certains dispositifs, comme le Pinel, ne fonctionnaient pas. Il faut absolument qu'il soit lié à une politique de revitalisation du territoire. Mme Gourault finalise le pendant du programme Action coeur de ville pour les centres-bourgs.
Monsieur Canévet, vous voyez bien quelle est ma conception du zonage. Une expérience bretonne devrait se mettre en place. Sur les contrats de ruralité, des annulations de crédits ont retardé le programme 112 en 2017.
Monsieur Lurel, le dispositif APL Accession en outre-mer a la particularité d'être un outil privilégié de lutte contre l'habitat indigne. D'où le mécanisme transitoire que nous avons prévu pour les territoires ultra-marins. Il faudra voir dans quelle mesure nous pourrons le pérenniser.
Quant au soutien à la construction en outre-mer, il pose la question des normes de construction, qui s'opposent parfois de manière irréconciliable dans certain territoires, par exemple lorsque coexistent la norme sismique et la norme anticyclonique. Avec Action logement, nous avons finalisé un plan de relance d'investissements volontaires de 9 milliards d'euros pour, notamment, rénover 25 000 pavillons en zone rurale. À partir du 1er septembre, nous lancerons le premier plan de rénovation des salles de bain avec pour objectif de remplacer 200 000 baignoires par des douches pour les plus de 70 ans. Le nombre d'accidents domestiques devrait ainsi diminuer. Ce plan sera financé par Action logement et par les partenaires sociaux.
Nous développons aussi un soutien à la construction, avec un volet dédié à l'outre-mer qui bénéficiera de 1,5 milliard d'euros sur un total de 9 milliards d'euros. Ce programme est en cours de finalisation dans le cadre des assises de l'outre-mer que nous avons lancées avec Mme Annick Girardin.
M. Vincent Éblé, président. - Merci pour vos réponses, même si elles n'ont pas toujours réussi à nous satisfaire, concernant particulièrement l'application du plafonnement des frais dans le cadre du dispositif « Pinel », voté en décembre 2017.
M. Julien Denormandie, ministre. - Nous devons recueillir l'avis du Cntgi.
La réunion est close à 18h20.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.