Mardi 28 mai 2019
- Présidence de Mme Colette Mélot, présidente d'âge -
La réunion est ouverte à 17 h 50.
Réunion constitutive
Mme Colette Mélot, présidente. - Il me revient, en ma qualité de présidente d'âge, de présider la réunion constitutive de la mission d'information sur la sous-utilisation chronique des fonds européens en France.
La constitution de cette mission d'information fait suite à une demande du groupe Les Indépendants-République et Territoires au titre du droit de tirage prévu à l'article 6 bis du Règlement du Sénat, ce groupe souhaitant se voir attribuer la fonction de rapporteur. Je vous rappelle que le Règlement dispose que les fonctions de président et de rapporteur d'une mission d'information sont partagées entre la majorité et l'opposition.
La Conférence des Présidents a pris acte de cette demande le 14 mai dernier et le Sénat a désigné les membres au cours de sa séance du mercredi 22 mai.
Je vous propose de procéder dès à présent à l'élection du président de notre mission d'information. J'ai été informée de la candidature de notre collègue Laurence Harribey, du groupe Socialiste et républicain.
La mission d'information procède à la désignation de sa présidente, Mme Laurence Harribey.
- Présidence de Mme Laurence Harribey, présidente -
Mme Laurence Harribey, présidente. -Je salue notre présidente d'âge et vous remercie tous de m'avoir confié la présidence de cette mission d'information, dont le sujet est particulièrement important pour nos territoires. Les fonds européens ont été confiés à la gestion des régions, pour lesquelles ils représentent des capacités financières importantes, mais aussi une capacité de contractualisation avec les territoires. Nous arrivons au bout d'un cycle, avant l'émergence d'un nouveau. Aussi, je remercie le groupe Les Indépendants d'avoir proposé cette mission d'information. L'Assemblée nationale a mené un travail à ce propos et demandé un rapport à la Cour des comptes qui a été rendu récemment. Il est important que le Sénat, représentant des territoires, se saisisse de ce sujet.
Je vous propose d'abord de poursuivre la constitution du Bureau de notre mission d'information. Comme il a été rappelé tout à l'heure, le poste de rapporteur revient, s'il le demande, au groupe à l'origine de la mission d'information. Le groupe Les Indépendants-République et Territoires a proposé le nom de notre collègue Colette Mélot.
La mission d'information procède à la désignation de son rapporteur, Mme Colette Mélot.
Mme Laurence Harribey, présidente. - Il nous reste à compléter le bureau en désignant comme vice-présidents un représentant de chaque groupe et un autre, supplémentaire, pour les deux groupes les plus importants, étant entendu que le président et le rapporteur sont pris en compte.
J'ai reçu les candidatures de MM. Daniel Gremillet et Philippe Mouiller pour le groupe Les Républicains, Mme Catherine Conconne pour le groupe Socialiste et républicain, MM. Pierre Louault pour le groupe Union centriste, Georges Patient pour le groupe La République En Marche, Jean-Yves Roux pour le groupe Rassemblement démocratique et social européen, et Mme Cécile Cukierman pour le groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste.
La mission d'information procède à la désignation des autres membres de son bureau : Mmes Catherine Conconne et Cécile Cukierman, MM. Daniel Gremillet, Pierre Louault, Philippe Mouiller, Georges Patient et Jean-Yves Roux.
Mme Laurence Harribey, présidente. - Quelques éléments sur l'organisation de nos travaux, à présent. Notre mission d'information devra avoir terminé ses travaux d'ici la fin du mois de septembre, avant que ne s'ouvre le nouveau droit de tirage. Notre calendrier est contraint, dans un ordre du jour chargé. Concrètement, nous disposons de trois mois pour travailler : juin, juillet et septembre.
Il me semble que nous avons intérêt à avoir terminé nos investigations, c'est-à-dire les auditions et les déplacements, à la fin du mois de juillet, pour consacrer le mois de septembre à la rédaction et aux différentes étapes de l'adoption du rapport, afin de lui donner une certaine visibilité. Nous pouvons donc d'ores et déjà prévoir de nous réunir jusqu'à la fin de la session extraordinaire, en veillant bien entendu à respecter les travaux en séance publique. Je n'exclus pas la possibilité de travailler le lundi ou le vendredi, en particulier pour effectuer les déplacements. Le bureau, que je compte réunir sans tarder, pourra en débattre plus précisément.
Profitons de cette réunion pour nous exprimer sur notre sujet. Entendons le rapporteur.
Mme Colette Mélot, rapporteur. - Merci à tous pour votre confiance. Le sujet que nous avons à traiter, la sous-utilisation chronique des fonds européens en France, revêt une dimension technique évidente. Vous avez tous à coeur de débattre de ce sujet et de proposer des solutions.
Plusieurs aspects me semblent devoir être précisés afin de circonscrire les travaux de notre mission d'information. En premier lieu, de quoi parle-t-on lorsque l'on évoque les fonds européens ? Quel est le périmètre couvert ? Quel est leur montant ? Quelle est la réglementation européenne applicable ? Comment la met-on en oeuvre dans notre pays et quelle est l'organisation mise en place pour gérer et contrôler ces fonds, au niveau tant national que local ?
Par ailleurs, l'avenir de la politique de cohésion s'inscrit dans les négociations relatives au prochain cadre financier pluriannuel, couvrant les années 2021 à 2027. Nous devrons analyser les enjeux des évolutions annoncées.
En deuxième lieu, nous devrons poser un diagnostic. Ces fonds européens font-ils vraiment l'objet d'une sous-utilisation chronique ? Si oui, quelle est son ampleur ? Quelle est son évolution ? Comment l'expliquer ? Les raisons sont-elles techniques, en particulier un décalage temporel entraînant des difficultés de trésorerie, ou sont-elles plus substantielles ? Les problèmes rencontrés sont-ils généraux, ou plus ciblés - je pense plus particulièrement au programme Leader en faveur du développement rural. Quel est l'impact de la fraude et des irrégularités comptables sur la sous-utilisation de ces fonds ?
La Commission européenne a proposé de simplifier la gestion de la politique agricole commune et de la politique de cohésion, en allégeant la charge administrative. Nous devrons également nous pencher sur cet aspect et nous prononcer sur la pertinence de ces propositions.
Enfin, l'intitulé de notre mission d'information limite son champ de compétences à la France. Nous devrons donc concentrer nos investigations sur la situation dans notre pays - de toute façon, nos délais ne nous permettent pas de faire autrement. Pour autant, nous aurons besoin d'informations à des fins de comparaison.
Nous devrons aussi consacrer une partie de nos travaux à la situation outre-mer.
Pour traiter ces différents aspects, nous procéderons à plusieurs auditions. À ce stade, j'envisage d'auditionner : le Secrétariat général des affaires européennes, pour une présentation de la réglementation européenne et de la politique de cohésion ; le Commissariat général à l'égalité des territoires, qui a une vision d'ensemble de la situation en France ; les ministères qui assurent la gestion des différents fonds européens : action et comptes publics, travail, agriculture et alimentation, outre-mer ; la Cour des comptes, qui a récemment produit des rapports sur notre sujet ; les représentants des collectivités territoriales, bien sûr : régions, départements et communes ; et des instances plus techniques, mais qui jouent un rôle important dans la gestion des fonds européens : la Commission interministérielle de coordination des contrôles, qui est l'autorité d'audit pour les fonds européens en France, et l'Agence de services et de paiement, qui est l'organisme payeur. Enfin, nous pourrions clore nos auditions par celle de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Par ailleurs, la mission d'information pourrait effectuer plusieurs déplacements qui, compte tenu de nos délais contraints, pourraient avoir lieu, dans la mesure du possible, le lundi et le vendredi. Je pense à un déplacement à Bruxelles, pour rencontrer la Commission, et à Luxembourg, au siège de la Cour des comptes européenne. Par ailleurs, nous pourrions également nous rendre sur les territoires, dans une région en transition et dans une région développée. Enfin, pour le volet outre-mer, nous pourrions avoir recours à la visioconférence.
Comme l'a dit la présidente, notre mission d'information devrait avoir achevé ses investigations à la fin du mois de juillet.
Enfin, je suggère que, compte tenu de l'intérêt de nos travaux pour les territoires et les élus locaux, les auditions fassent l'objet, en plus d'un compte rendu publié, d'une ouverture à la presse et au public. Elles pourraient également, en fonction de la disponibilité des moyens techniques, être captées et diffusées en direct sur le site internet du Sénat. Ce principe de publicité serait bien sûr à modérer, si besoin, afin de laisser les personnes auditionnées plus libres de leur expression.
M. Alain Houpert. - Quand j'étais élu local, j'ai eu à utiliser les fonds européens du précédent plan, dont le ciblage était très différent de ceux du plan actuel. Le drame de Notre-Dame a montré le fort attachement des Français à leur patrimoine et il serait intéressant que, par cette mission d'information, nous parvenions à modifier les ciblages en cours de programme.
Mme Laurence Harribey, présidente. - La mission porte sur la consommation des crédits. Son intitulé peut d'ailleurs porter à confusion, car, selon la Cour des comptes, la France se situe dans la moyenne. Si, parmi les raisons de cette sous-consommation, une émerge en particulier, alors nous pourrons faire des préconisations du type de celle que vous faites et nous interroger sur la nature de la contractualisation.
M. Benoît Huré. - Vous dites que nous nous situons dans la moyenne européenne : ce n'est pas le sentiment que j'ai.
Mme Laurence Harribey, présidente. - C'est ce que dit la Cour des comptes. Pour autant, cela ne signifie pas que, sur certaines lignes, sur certains programmes ou dans certaines régions, il n'y a pas de problème. La thématique choisie est révélatrice de la manière dont les choses sont perçues.
M. Patrice Joly. - La consommation des crédits diffère selon les fonds et selon les programmes. En particulier, les fonds du programme Leader, destinés aux territoires ruraux, sont sous-consommés. À cet égard, il serait intéressant d'entendre les responsables de Leader France. Cette sous-consommation importante est liée à des problèmes de procédure et de fonctionnement qu'il faudra analyser.
Mme Laurence Harribey, présidente. - Il est prévu de les auditionner.
M. Daniel Gremillet. - Au-delà de cette question de la sous-consommation des fonds européens, il faut également souligner que leur perception tardive - deux à trois ans - par de petites entreprises peut mettre celles-ci en difficulté. Je ne suis pas optimiste pour l'avenir. Il faudra aborder cet angle économique.
Mme Laurence Harribey, présidente. - Entreprises et associations. Il arrive même que des porteurs de projet abandonnent pour cette raison.
M. Georges Patient. - Les outre-mer sont très concernées par les fonds européens et pointées du doigt pour leur sous-consommation. J'aimerais qu'elles fassent l'objet d'un traitement équitable.
On pourrait inviter certains responsables de collectivité à venir s'exprimer devant notre mission d'information.
Mme Laurence Harribey, présidente. - C'est une idée à retenir, mais il faudra voir si cela est possible d'un point de vue logistique.
Mme Pascale Gruny. - Je confirme les propos de M. Daniel Gremillet.
Il faut aussi souligner la gestion administrative de ces fonds, complexe. Au Parlement européen, j'ai beaucoup travaillé pour sa simplification.
Ce qui explique aussi la sous-consommation des crédits européens, c'est la baisse des budgets des collectivités, puisque les fonds portent sur des projets cofinancés.
Mme Colette Mélot, rapporteure. - Les projets peuvent être également portés par des intercommunalités. Il est aussi possible de recruter des personnes chargées de suivre les dossiers dont les salaires sont pris en charge par les fonds.
M. Yannick Botrel. - Sans anticiper sur les conclusions de la mission, il serait intéressant de se pencher sur nos propres règles de fonctionnement. Je peux citer l'exemple d'une commission régionale en Bretagne : ce qui bloquait à l'époque le versement des subventions européennes, c'étaient les règles appliquées par la paierie régionale, dont il manquait le visa. C'est souvent un reproche que l'on nous fait, à nous élus.
Je m'interroge également sur les disparités régionales dans l'utilisation de ces fonds.
Mme Laurence Harribey, présidente. - Suggestion fondée. Nous ferons en sorte que les auditions nous mettent à l'écoute des territoires, au plus proche de leurs préoccupations.
M. Jean-Yves Roux. - Pour les petites communes rurales, il y a un problème d'ingénierie pour monter les dossiers, même si elles se rassemblent en structures plus grandes. Elles en appellent à la Région, mais cela ne suffit pas, et le Premier ministre a annoncé que l'État formerait les Régions pour qu'elles puissent venir en aide aux communes sur ce point.
Mme Agnès Canayer. - Il faut aussi une visibilité sur le coût réel de ces aides, qui approchent parfois 20 % ou 30 % de leur montant. Je pense à la gestion administrative, au personnel qu'il faut payer pour monter les dossiers, aux contrôles à réaliser après coup... Sans parler de ce qui arrive à l'État : la préfecture de Normandie, contrôlée, a dû geler les fonds du FSE pendant deux ans. Cela a occasionné des difficultés aux missions locales, ressenties dans toute la Basse-Normandie.
Mme Laurence Harribey, présidente. - Merci pour vos interventions, qui soulignent bien l'intérêt et la légitimité de cette mission !
La réunion est close à 18 h 20.