Mardi 7 mai 2019
- Présidence de Mme Annick Billon, présidente -Audition de Mme Brigitte Henriques, vice-présidente déléguée de la Fédération française de football et vice-présidente du comité d'organisation de la Coupe du monde féminine de la Fifa
Mme Annick Billon, présidente, co-rapporteure. - Nous poursuivons nos travaux sur le football féminin et la Coupe du monde 2019 en accueillant Brigitte Henriques, vice-présidente de la Fédération française de football (FFF), vice-présidente du comité d'organisation du Mondial et ancienne joueuse internationale de l'équipe de France aux multiples sélections. Notre réunion est ouverte aux membres du groupe d'étude « Pratiques sportives et grands événements sportifs » et fait l'objet d'une captation vidéo.
La délégation aux droits des femmes a décidé de mener des travaux sur le football féminin, dans la perspective de la Coupe du monde féminine qui se tiendra en France du 7 juin au 7 juillet 2019. Il nous a paru important de donner de la visibilité aux joueuses qui portent nos couleurs et de réfléchir à la féminisation de la gouvernance d'un milieu encore très masculin. De plus, le football féminin met en jeu des questions d'égalité professionnelle. Nos travaux ont notamment décelé un paradoxe : les joueuses de haut niveau dépendent non pas de la Ligue de football professionnel, mais de la Ligue amateur, ce qui nous laisse perplexes... Notre objectif est aussi d'encourager le développement de la pratique du football féminin dans nos territoires. De ce point de vue, la Coupe du monde suscitera sans doute une impulsion significative, ce qui nécessitera de garantir de bonnes conditions d'accueil pour les licenciées supplémentaires.
Pour mener ce travail, nous avons désigné quatre co-rapporteures -Céline Boulay-Espéronnier, Victoire Jasmin, Christine Prunaud et moi-même - représentant différentes sensibilités politiques de notre assemblée. Nous avons commencé nos travaux le 13 décembre dernier, avec l'audition de la ministre des Sports. Nous avons ensuite entendu Frédérique Jossinet, directrice du football féminin et de la féminisation à la FFF, le 21 mars ; Laura Georges, secrétaire générale de la FFF, le 28 mars ; Nathalie Boy de la Tour, présidente de la Ligue de football professionnel, le 4 avril. Enfin, Marianne Gazeau, fondatrice du projet citoyen Foot d'Elles, nous a parlé le 11 avril de la visibilité des footballeuses et de l'enjeu de la communication autour du football féminin. Nous complétons ces auditions, dans la mesure du possible, par des déplacements dans les territoires. Nous avons ainsi échangé avec des dirigeants et des joueuses du Paris Football Club (PFC) au centre d'entraînement et de formation d'Orly, mais aussi avec des clubs vendéens. En outre, la table ronde que nous organiserons le 16 mai, en partenariat avec la FFF, sera dédiée au rayonnement de la Coupe du monde 2019 dans les territoires et dans les médias.
Nous constatons une dynamique favorable autour du football féminin, impulsée par la Coupe du monde. Les billets pour les matchs de la compétition se vendent très bien. Nous avons également noté une hausse des sujets consacrés au foot féminin et à la compétition à venir dans les différents médias - et notre venue en Vendée a aussi fait l'objet de nombreux articles ! Tout cela est très encourageant et résulte en grande partie de la stratégie développée par la FFF, sous votre égide, en vue du Mondial.
Nous connaissons votre engagement en faveur de la promotion du foot féminin et l'action que vous menez à la FFF pour développer la mixité de ce sport. Nous sommes donc particulièrement heureux de vous recevoir car vous symbolisez, aussi, un modèle de réussite susceptible d'inspirer les jeunes filles. Vous incarnez par ailleurs une évolution positive en matière de féminisation de la gouvernance du football français.
Quels sont les principaux défis du football féminin aujourd'hui ? Que peut apporter l'organisation de la Coupe du monde féminine de football dans notre pays pour la promotion et le développement du foot féminin en France ? Quels sont les facteurs de réussite de cette compétition ? Pouvez-vous nous présenter la stratégie du Comité d'organisation du Mondial pour faire de cet événement un réel succès populaire, susceptible d'attirer des jeunes filles de façon pérenne vers la pratique du football ? Pourriez-vous nous parler plus précisément, aussi, du plan de communication et de médiatisation déployé par la FFF en vue de l'événement ? Quels sont les liens avec les villes-hôtes dans le cadre de la préparation du Mondial ?
Enfin, au-delà du Mondial lui-même, quelles sont vos ambitions, en tant que vice-présidente déléguée de la FFF, en ce qui concerne le développement et la promotion du foot féminin, et plus généralement de la mixité et de l'égalité femme-homme dans le football ? Vous pourrez aussi nous parler de votre propre parcours professionnel et de votre vécu en tant que femme au sein d'un univers encore plutôt masculin.
Mme Brigitte Henriques, vice-présidente déléguée de la Fédération française de football et vice-présidente du comité d'organisation de la Coupe du monde féminine de la Fifa. - Merci pour votre accueil. L'histoire de ma vie se confond en quelque sorte avec celle du football féminin, dont mon parcours reflète les évolutions. J'ai commencé à jouer à l'âge de cinq ans, avec mes six frères. Lorsque j'ai voulu m'inscrire dans un club, on m'a répondu qu'on ne prenait pas les filles. Quand on est enfant, on se dit simplement que c'est comme ça... Ce n'est qu'après des années que j'ai intégré, en 1983, un club de Poissy qui entraînait des jeunes filles. Il y en avait soixante-dix, c'était aussi l'époque du premier match international dans les Yvelines, France-Norvège. Je me suis dit en le voyant que c'était ce que je voulais vivre. J'ai intégré l'équipe de France, ce qui m'a permis de jouer aux États-Unis, où j'ai découvert que les choses étaient bien différentes : ce pays comptait quatre millions de licenciées, contre 20 000 chez nous à cette époque. J'ai joué pendant dix ans au sein de l'équipe de France, avec quarante sélections internationales et trois victoires en championnat de France.
J'ai passé mon diplôme d'entraîneur et suis devenue professeure d'EPS, car il n'était pas possible de vivre du football. J'ai été manager de la section féminine du PSG pendant deux ans : ce club a eu la volonté de faire advenir des joueuses professionnelles, mais l'a perdue en 2010. Je l'ai donc quitté, et Noël Le Graët m'a alors sollicitée pour être élue avec lui au poste de secrétaire générale. C'était la première fois dans notre fédération qu'un poste à responsabilité était proposé à une femme. Auparavant, Marilou Durringer était la seule représentante du football féminin sur les vingt-cinq membres du conseil fédéral. Noël Le Graët a voulu mettre une femme à un poste important. Dans la foulée, il a nommé Florence Hardouin directrice générale de notre fédération.
Pour nous, le défi était de montrer que nous étions physiquement présentes dans le paysage du football qui, historiquement, n'avait guère donné de visibilité aux femmes. Pourtant, en 1917, quand les hommes étaient au front, les femmes ont repris leurs loisirs et se sont emparées du football. Dans les années 1920, elles y avaient un succès phénoménal, avec plus de 20 000 spectateurs dans les stades, notamment pour le premier match France-Angleterre. Mais quand les hommes sont revenus du front, les choses ont repris leur cours, et le football féminin a été interdit, d'abord en Angleterre puis en France, où il a été complètement exclu par le régime de Pétain. Il n'a réapparu qu'en 1970.
Aussi n'étions-nous pas présentes dans les mentalités lorsque j'ai été élue en 2011. Noël Le Graët a trois filles et est convaincu de la nécessité de développer la place des femmes dans la société, dans les entreprises et dans le sport. Pour nous, le principal défi était l'implication des femmes. Nous avons donc lancé un premier plan de féminisation qui nous a fait passer de 50 000 licenciées en 2011 à 180 000 en 2016 et, dans la même période, de 25 000 à 40 000 dirigeantes, de 2 000 à 3 000 éducatrices et de 600 à 800 arbitres. Avec notre deuxième mandat, nous voulions permettre aux femmes d'accéder aux postes à responsabilité - passer, en quelque sorte, de la féminisation à la mixité. L'idée est de mettre des hommes et des femmes dans les mêmes structures - entreprises, société, sport - car nos clubs ont besoin de cette harmonie et de cet équilibre. Hommes et femmes apportent des choses différentes et, ensemble, font bouger les lignes. Nous avons porté de 3 000 à 6 000 le nombre de clubs ayant au moins une équipe féminine et le nombre d'inscrites par an est passé de 1 000 avant 2011 à 10 000 après 2011, pour atteindre 15 000 depuis 2018. Le défi était de faire tomber les barrières culturelles.
Elles sont tombées, notamment avec la médiatisation, elle-même rendue possible par le fait que nos joueuses ont progressé, grâce aux moyens conséquents mis en place par notre fédération, sous l'égide d'Aimé Jacquet, qui a permis à des joueuses d'intégrer le pôle France à Clairefontaine comme les garçons. Celles-ci ont ensuite intégré l'Olympique lyonnais et Montpellier, qui étaient des clubs offrant des conditions nettement supérieures à la moyenne, ce qui a permis d'élever leur niveau. Résultat : lors de la Coupe du monde de 2011, pour la première fois de notre histoire, nous avons franchi les demi-finales. Du coup, les médias se sont emparés du sujet. Beaucoup ont pensé que c'était pour compenser la crise des Bleus en Afrique du Sud. Pour moi, je crois surtout que c'était parce que le niveau de jeu avait progressé. En Allemagne, les stades étaient pleins !
On me demande souvent si je suis vice-présidente de la Fédération française de football féminin. Non, je suis vice-présidente de la Fédération française de football : il n'y a pas un football féminin et un football masculin mais un football tout court !
En matière de gouvernance, il était important d'accompagner les femmes vers les postes à responsabilité. La loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes de Najat Vallaud-Belkacem a rendu la parité obligatoire dans les instances fédérales mais, comme les pratiquantes représentent moins de 25 % du total, c'est la proportion de 25 % qui prévaut au comité exécutif. J'espère que pendant la prochaine olympiade, tous nos comités locaux seront obligés de la respecter aussi. Déjà, nos comités régionaux et départementaux intègrent de plus en plus de femmes. Notre devoir était aussi de fournir un réservoir de femmes clairement identifiées, pour qu'on ne puisse pas dire qu'on n'en trouvait pas. Nous devions les repérer, les valoriser et les accompagner. C'est ce que nous avons fait avec le club des Cent femmes, afin de faciliter leur accès aux responsabilités.
La Coupe du monde de 2011 nous a beaucoup aidés à rattraper notre retard. Notre objectif, pour celle de 2019, est d'arriver à 200 000 licenciées. Sur ce plan, la nation européenne la plus développée est l'Allemagne, avec 250 000 licenciées. Aux États-Unis, il y en a quatre millions, mais c'est un pays beaucoup plus grand... Cela dit, si nous ne comptons que 180 000 joueuses de football, les chiffres sont encore plus faibles dans d'autres disciplines : 200 000 basketteuses, certes, mais 70 000 danseuses ! Il est vrai que, sur un total de deux millions de licenciés, les 180 000 joueuses représentent une proportion encore assez faible. En fait, nous avons connu un envol spectaculaire et, après cette Coupe du monde, nous souhaitons que plus d'un club sur deux accueille des jeunes filles. Pour cela, nous avons prévu une enveloppe de 14 millions d'euros pour construire vestiaires et mini-terrains, acheter du matériel, des buts, des tenues et des chasubles, mais aussi pour renforcer l'encadrement.
Pour qu'elle soit le coup d'accélérateur que nous voulons, cette Coupe du monde doit être bien médiatisée. Je viens de rencontrer les équipes de Canal Plus et de TF1, qui sont, pour la première fois, les diffuseurs officiels. On m'a présenté leur dispositif : c'est exactement le même que pour la Coupe du monde des garçons. J'en suis très émue. Il est vrai qu'on attend un milliard de téléspectateurs, et que la Fifa veut en faire le plus grand événement de l'histoire des Coupes du monde féminines de football ...
À présent que les barrières culturelles sont tombées, quand un club décide d'ouvrir sa section féminine, il y a cinquante gamines qui viennent à ses journées portes ouvertes ! La fédération dispose de 300 cadres techniques très actif en régions dans le cadre de la mobilisation pour la Coupe du monde. Je suis très fière que, pour cet évènement, la mayonnaise ait pris ! Il nous faut remplir cinquante-deux matchs, jaugeant chacun 20 000 à 50 000 places. Pour l'Euro 2016, il fallait tirer au sort les billets. Cette fois, notre objectif a été d'associer la réussite sportive à la qualité organisationnelle. Nous voulons aussi que l'évènement rayonne sur tout le territoire. Il ne s'agit pas seulement de remplir les stades, il faut laisser un héritage tangible. Les villes-hôtes sont Le Havre, Valenciennes, Rennes, Paris, Reims, Grenoble, Lyon, Nice et Montpellier. Nous sommes allés dire à leurs élus que ce serait plus qu'un événement sportif, que cela devrait faire bouger les lignes de la société : ce Mondial sera le rendez-vous de la mixité.
Il doit en effet être un vecteur de nos politiques publiques de la mixité. À Reims, Arnaud Robinet favorise déjà l'inclusion et la mise en mouvement des sportifs dans les quartiers pour les amener vers les clubs. Laurent Degallaix a déclaré vouloir redonner aux Valenciennois leur fierté par l'organisation de cet événement. Et il en va ainsi dans chaque ville-hôte. Chacune a mobilisé sa population depuis deux ans. Nous avons fait de même avec nos 16 000 clubs, y compris les clubs professionnels : c'est toute la famille du foot qui doit participer. Résultat : plus de soixante-dix actions mobilisent entre 1 000 et 2 000 joueurs ou joueuses de tous âges, qui organisent des événements festifs sur tout le territoire.
Il est important que tout le monde puisse venir voir cette Coupe du monde. Pour la première fois, il y aura des billets à 9 euros - pour une Coupe du monde ! 750 000 billets ont déjà été vendus, et sept matches sont à guichet fermé, alors que nous sommes à un mois de la compétition. Dans une semaine, douze matches seront à guichets fermés. Il s'agit, évidemment, de la finale, des demi-finales, des matches de l'équipe de France, mais également d'un match Pays-Bas-Cameroun à Valenciennes, ou d'un match États-Unis-Suède au Havre. Plus de 30 % des achats de billets viennent des États-Unis. Les Hollandais, les Anglais et les Allemands viennent également en masse soutenir leurs équipes. Tout cela est nouveau. Et Corinne Diacre, la première femme à avoir obtenu le diplôme d'entraîneur professionnel, a annoncé la liste au JT de TF1 !
Pour notre part, nous sommes prêts. Plus de 250 salariés ont été recrutés par le comité local d'organisation, auxquels s'ajoutent plus de 1 500 volontaires. Cette Coupe du monde doit donner de la visibilité au sport féminin, qui n'est pas suffisamment médiatisé. Nous espérons faire bouger durablement les lignes.
Comme je ne pouvais pas vivre du football mais que j'étais passionnée de sport, j'ai choisi d'être professeure d'EPS. J'ai donc passé le Capes, puis l'agrégation, et j'ai obtenu mes diplômes d'entraîneur, notamment avec Didier Deschamps. J'ai deux filles, de 14 et 18 ans. J'ai perdu mon mari l'année dernière. Il était danseur, et m'a fait découvrir et aimer la danse - et je lui ai fait aimer le football. Ma fille de 14 ans fait du foot et veut être danseuse, ce qui montre bien que les barrières culturelles ont bougé.
Quand je suis arrivée à la Fédération, je pensais que ma mission serait de faire en sorte que toutes les jeunes filles puissent jouer au football et qu'on gagne des titres. En fait, je me suis rendu compte que mon travail était plus une mission de vie, presque un devoir, car le football a un pouvoir considérable dans notre société, tout comme le sport en général. Et il y a de la place pour tout le monde ! En intégrant les hommes et les femmes, on ne pourra que gagner en harmonie dans notre société.
Mme Annick Billon, présidente, co-rapporteure. - Merci pour ce témoignage plein d'une passion et d'un militantisme dont je souhaite qu'ils contribuent à faire avancer l'égalité femmes-hommes et la place des femmes dans l'espace public. Je salue Michel Savin, président du groupe d'études « Pratiques sportives et grands événements sportifs » du Sénat, qui vient de nous rejoindre.
Mme Victoire Jasmin, co-rapporteure. - Merci de nous faire part avec passion de votre vécu au sein de la Fédération et comme joueuse professionnelle. Dans le sport, l'économie et la société s'opère un bouleversement irréversible, dont le football féminin constitue une image fidèle, à en juger par le nombre de pratiquantes.
Pourquoi le football féminin de haut niveau dépend-il toujours de la Ligue de football amateur et non de la Ligue de football professionnel ? Comment la FFF compte-t-elle progresser sur la professionnalisation ? Nous avons également constaté une très grande disparité entre les rémunérations de footballeuses de haut niveau et celles de leurs homologues masculins. Que faire pour y remédier ? Qu'est-ce qui reste à faire pour développer la mixité ?
Mme Céline Boulay-Espéronnier, co-rapporteure. - Votre engagement et la clarté de vos propos nous font toucher du doigt l'importance de ce sujet, auquel le Sénat a bien raison de s'intéresser puisque, vous l'avez dit, vous allez dans les villes-hôtes de la Coupe du monde féminine de football expliquer ses enjeux aux élus. Vous dites que c'est un rendez-vous de la mixité, dont nous parlons très souvent à la délégation aux droits des femmes, et pour laquelle vous voyez en la Coupe du monde un vecteur pour les politiques publiques des élus. Votre objectif est d'atteindre 200 000 licenciées, et qu'un club sur deux accueille des jeunes filles à l'avenir. Mais il y a encore beaucoup de problèmes à régler - et d'abord, l'accueil de ce sport dans les écoles, qui pose le problème des vestiaires.
Les joueuses américaines, qui comptent parmi les meilleurs au monde, ont récemment attaqué leur fédération pour discrimination en matière de salaires et de conditions de travail par rapport à leurs homologues masculins. Que vous inspire cette démarche ? Serait-ce dans l'ADN du football français d'engager ce type de procédure ? Faut-il en passer par un rapport de force pour atteindre l'égalité hommes-femmes dans le foot, et plus généralement dans le sport ?
Comme pour les Jeux olympiques de 2024, il serait bon que l'impact de la Coupe du monde ne soit pas concentré dans les villes-hôtes ou certains territoires, mais rejaillisse sur tout le territoire français. Quelles actions sont mises en oeuvre par la FFF pour développer la pratique du foot féminin dans tous les territoires et à tous les niveaux ?
Mme Brigitte Henriques. - Pour être exacte, je précise que le football féminin n'est pas rattaché à la Ligue du football amateur, mais à la FFF, qui est elle-même composée de la Ligue de football amateur et de la Ligue de football professionnel. Si la gouvernance du football féminin n'est pas rattachée à la Ligue de football professionnel, c'est tout simplement parce que le football féminin n'est pas professionnel ! Les sections féminines de la majorité des clubs de D1 sont rattachées à l'association de leur club - même à l'Olympique lyonnais, où l'équipe féminine de Jean-Michel Aulas va disputer la finale de la Champions League. De plus, nos joueuses ne sont pas sous contrat professionnel mais fédéral. Bref, ni les structures ni les joueuses ne sont professionnelles.
Il y a deux ans, il y avait quatre clubs complètement amateurs et huit qui comportaient des sections féminines rattachées aux clubs professionnels. Les clubs professionnels ont fait le choix de créer des sections féminines ou d'absorber des clubs de haut niveau déjà existants. Avec Noël Le Graët, nous avons hésité à imposer en 2011 à tous les clubs de Ligue 1 et Ligue 2 d'avoir des sections féminines. Nous avons senti que ce n'était pas le moment, et nous ne l'avons pas fait. Ce fut une bonne décision, puisqu'il ne reste aujourd'hui que deux clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 dépourvus de sections féminines.
Entre la Ligue de football professionnel et Noël Le Graët, il n'y a pas de problème. L'important est de permettre aux clubs d'augmenter leurs ressources. Pour l'instant, les droits TV de la Ligue de football professionnel ne profitent qu'au football masculin. Sur les retombées économiques de la Coupe du monde des garçons, un million d'euros a été donné par la Ligue de football professionnel aux clubs de la D1, qui ont reçu chacun 100 000 euros.
Le montant des subventions publiques n'est pas le même, de surcroît, pour les clubs féminins et masculins. Pour notre part, au lieu de donner du cash, nous avons investi dans la structuration des clubs. Ainsi, nous avons mis à leur disposition des prestataires pour les accompagner dans la recherche de partenaires privés et publics. Nous avons fait un appel d'offres pour les diffuseurs TV, pour que la D1 féminine soit diffusée localement. C'est ainsi que le Paris Football Club (PFC) a vu son budget passer de 500 000 à 850 000 euros.
Sur 250 joueuses de D1, une cinquantaine seulement vit du football - et encore, avec un salaire mensuel moyen de 2 500 euros. En effet, les budgets vont de 70 000 euros à Rodez à 7 millions d'euros pour le PSG ou pour l'Olympique lyonnais. Les budgets parisiens et lyonnais sont un sommet en Europe, dû au fait que les Qataris ont décidé d'investir beaucoup d'argent dans le PSG, dont une partie profite aux filles et, à l'Olympique Lyonnais, au pari de Jean-Michel Aulas sur le fait que le football féminin générerait des recettes si les joueuses étaient mises dans les mêmes conditions que les garçons. Mon travail est de convaincre nos clubs professionnels qu'un club qui n'accueille que des garçons n'est pas équilibré.
Aux États-Unis, c'est la Fédération qui paie ses joueuses. De même, la Fédération anglaise donne à peu près 2 000 livres à ses joueuses internationales, qu'elles complètent par des revenus tirés des sponsors. En France, nous avons des contrats fédéraux. J'ai trouvé légitime la démarche des joueuses américaines, car elles ont tout gagné : elles ont remporté la Coupe du monde à trois reprises, elles ont été championnes olympiques à trois reprises, elles génèrent d'énormes recettes. Ce sont elles qui tirent le football aux États-Unis.
Notre fédération est alimentée à 90 % par les recettes commerciales de l'équipe de France masculine. Bien sûr, je rêverais que les joueuses gagnent beaucoup plus d'argent, et si possible autant que les garçons. Mais ne confondons pas la valeur commerciale et la valeur morale ! Quand je suis arrivée à la Fédération, le football féminin coûtait plus qu'il ne rapportait, mais c'était un pari. Notre président voulait rattraper notre retard. Le fait que les joueuses de l'équipe de France aient été mises dans les mêmes conditions de pratique de haut niveau que les garçons, que les matchs aient été organisés de la même manière, avec une promotion, un habillage des stades, de grands stades pour pouvoir faire des spectacles de qualité, tout cela nous a permis d'atteindre l'équilibre il y a deux ans. Avec l'engouement naissant créé par la Coupe du monde, les droits TV ont été achetés par Canal Plus pour la D1 féminine et les stades se remplissent, ce qui génère des recettes. Lorsqu'il est arrivé, Noël Le Graët a supprimé les primes de match pour toutes les sélections, estimant que porter le maillot bleu était en soi un honneur. Il les a conservées uniquement pour les joueuses, car elles ont besoin d'être aidées.
J'espère qu'après cette Coupe du monde les sponsors vont s'engager durablement pour la mixité, notamment en termes de rémunération. Tant que l'économie du sport féminin ne sera pas enclenchée, on aura beaucoup de mal à procurer aux joueuses des conditions de haut niveau. Afin de développer un accueil de même qualité dans les clubs pour les filles que pour les garçons, notre fédération a dédié des enveloppes financières depuis deux ans pour construire des vestiaires, acheter du matériel et fournir de l'encadrement. Et tout a été consommé !
L'accroissement du nombre de licenciées a commencé avec la catégorie 6-8 ans, puis 11-13 ans, puis les adolescentes, et désormais cela concerne tout le monde, et la hausse atteint 24 % cette année. Alors que les garçons s'entraînent le mercredi et jouent le samedi, les joueuses n'avaient pas de matchs, faute d'équipe à affronter. Cette situation s'améliore. Chez les filles, c'est l'offre qui crée la demande et non l'inverse : c'est parce qu'on propose une compétition que les équipes se mettent en place, pourvu qu'on introduise de la flexibilité sur le nombre de participants.
L'initiative « Le football des princesses » a fait couler beaucoup d'encre. Ce n'était pas un stéréotype mais une référence aux joueuses de l'équipe de France, qui avaient été extraordinaires, et qu'on a voulu faire entrer à l'école pour casser les stéréotypes. Plus de 1 500 classes se sont inscrites, il y avait des clips vidéo pour éduquer aux valeurs du football. En plus des douze séances de pratique, il y avait des séances interdisciplinaires et un concours. Cette action est prolongée par l'initiative « Ma Coupe du monde 2019 », qui touche 6 000 classes. Au passage, on laisse du matériel dans chaque école pour en favoriser la pratique. Et plusieurs ministres sont intervenus lors d'un récent séminaire à Clairefontaine qui rassemblait tous les acteurs pour réaffirmer les valeurs du football comme outil éducatif au sein des écoles, notamment pour casser les stéréotypes.
Pendant deux ans, nous avons pris notre bâton de pèlerin pour aller dire à quoi la Coupe du monde allait servir. C'était palpitant car il fallait susciter l'adhésion de tous ! Nous avons aussi parcouru des villes non hôtes, et demandé qu'il y ait tous les mois une action de promotion pour les filles et les garçons sur chaque territoire. Cette semaine est la semaine du football féminin - c'est une action récurrente depuis 2011. Demain, avant la finale de la Coupe de France à Châteauroux, 2 000 enfants vont être réunis, avec une couverture médiatique importante. À Auxerre, qui avait été pré-nominée, le stade était plein et les animations avaient un grand succès et étaient associées à une sensibilisation à la place des femmes dans le football et son encadrement.
Sur la mixité, nous avons un partenariat avec l'Université de Lyon, qui mesurera l'impact sociétal. Il a été difficile de créer une telle mobilisation, vous savez... Ce n'était pas gagné d'avance ! Dans les dossiers de candidature, il fallait faire le point sur la place des femmes dans la pratique sportive, dans les entreprises, dans les universités, et dire quelle serait la situation après la Coupe du monde. Nous mesurerons aussi l'impact sur une ville non hôte : Bordeaux.
Mme Annick Billon, présidente, co-rapporteure. - Vous l'avez dit, cette Coupe du monde est un événement sportif mais va au-delà, elle s'inscrit dans une actualité favorable à l'égalité hommes-femmes et à la promotion des valeurs du sport. Le Sénat va bientôt débattre du texte sur l'école de la confiance. Or l'école a un rôle à jouer aussi dans la lutte contre les stéréotypes.
M. Michel Savin, président du groupe d'études « Pratiques sportives et grands événements sportifs ». - La professionnalisation aura lieu dans le football féminin. Comment peut-il mobiliser davantage de ressources, sans faire appel à l'État ou aux collectivités territoriales ? La recette la plus importante vient des droits TV, qui vont essentiellement aux hommes. La création d'une Ligue féminine ne pourrait-elle déclencher une avancée ? Cela permettrait de discuter des droits TV. Le football masculin connaît des remous, notamment sur les comportements dans les stades : racisme, homophobie... Y a-t-il ce type de comportements dans le football féminin ? Avez-vous pris des mesures contre ? La FFF travaille-t-elle pour les jeunes joueuses attirées par la professionnalisation, pour que ces études soient compatibles avec les contraintes de cet engagement ?
Mme Marta de Cidrac. - Merci pour votre enthousiasme. Le football féminin a fait beaucoup de progrès ces dernières années. Y a-t-il des valeurs spécifiques au foot féminin ? L'univers du foot masculin ignore quelque peu l'univers du foot féminin : lorsqu'il y a un grand événement de foot masculin, il n'y a guère de passerelles. Ne faut-il pas en développer ? Cela aiderait le foot féminin à acquérir de la notoriété. Dans la gouvernance, les femmes sont présentes à hauteur de 25 %...
Mme Brigitte Henriques. - C'est une obligation.
Mme Marta de Cidrac. - Est-ce lié au nombre de licenciées ? Trouvez-vous cela juste ? On connaît beaucoup de gouvernances très masculines, sans que nul ne s'interroge sur le poids relatif des hommes.
Mme Françoise Cartron. - Élue de la Gironde, j'ai noté que Bordeaux n'est pas une ville-hôte. Quel a été le taux de sélection ? Quels furent les critères ? Y aura-t-il un suivi pour que ces villes améliorent leur engagement en faveur du foot féminin ? Nous avons un club éminemment masculin, pour lequel on a construit un très grand stade...
M. Michel Savin. - Très cher !
Mme Françoise Cartron. - Avec un tel écrin, dommage que nous ne soyons pas une ville-hôte. Comment luttez-vous contre les stéréotypes qui vont avec la représentation du foot au féminin, notamment à l'école ? Il faut susciter des vocations.
Mme Annick Billon, présidente, co-rapporteure. - Je crois que les infrastructures n'étaient pas le critère principal de sélection...
Mme Brigitte Henriques. - J'ai fait partie du groupe de travail sur le sport professionnel, sous l'égide de Thierry Braillard, et notamment sur le sport professionnel féminin. Le président Le Graët et moi ne sommes pas favorables à la création d'une ligue féminine, car cela empêcherait la mutualisation des services et des compétences. De plus, la création d'une ligue féminine reviendrait à mettre le sport féminin à part du sport, donc à l'isoler. Pour autant, confier la gouvernance du football féminin à la Ligue de football professionnel ne posera aucun problème à partir du moment où l'ensemble des structures accueillant les équipes de D1 féminines seront dans les clubs professionnels et que l'économie du football féminin permettra à toutes les joueuses d'être professionnelles.
M. Michel Savin. - Les équipes féminines seront donc intégrées à la Ligue professionnelle masculine ?
Mme Brigitte Henriques. - Ce n'est pas à l'ordre du jour dans l'immédiat. Mais on peut raisonnablement penser qu'après la Coupe du monde, il faudra entre cinq et dix ans pour que les joueuses puissent enfin bien vivre de leur métier.
Mme Marta de Cidrac. - Ce que vous dites m'étonne : pour moi, il y a un véritable enjeu sur la rémunération des joueuses par rapport à celle des joueurs. Certes, il y a un univers amateur et un autre plus professionnel, avec des structures différentes. Mais pour les acteurs de ces univers, il y a un enjeu.
Mme Brigitte Henriques. - Je disais simplement qu'on ne peut rien faire aujourd'hui, faute de recettes. Je suis aussi diplômée du centre de droit et d'économie du sport de Limoges, où j'ai côtoyé Zinedine Zidane. Un des paramètres serait de faire diminuer la dépendance aux droits TV. Les ressources des clubs allemands, par exemple, sont beaucoup plus diversifiées, ce qui leur donne une grande résilience face à des chocs financiers. Au Royaume-Uni, les droits TV atteignent six milliards d'euros ; même si la part qui revient aux équipes féminines est infime, elle leur suffit pour se développer. Chez nous, les droits vont augmenter dans deux ans, et nous avons accru les exigences sur la présence des équipes féminines pour l'obtention des licences des clubs. Ce n'est donc qu'une question de timing - et la Coupe du monde accélérera cette évolution.
Il y a trois ans, on entendait beaucoup que les clubs de judo étaient les vraies écoles de la vie. Nous savions qu'il nous fallait réaffirmer les valeurs du football. Nous avons donc lancé un plan éducatif fédéral, qui est un dispositif dans lequel les clubs s'engagent volontairement, en instaurant un référent éducatif chargé de la lutte contre le racisme et l'homophobie et de la diffusion de nos valeurs : plaisir, respect, engagement, tolérance et solidarité (PRETS). Pour nous, l'éducation se fonde sur la famille, l'école et le club, et nous insistons pour que les joueurs adultes reviennent de temps en temps dans les clubs. Chaque année, lors de la finale nationale à Cap-Breton, filles et garçons sont sur le même site, et l'équipe la plus fair-play reçoit des points supplémentaires.
Avant de parler de casser les stéréotypes dans les écoles, encore faut-il parvenir à y faire entrer le football ! Les médias parlent tant de ses dérives que ce n'est pas évident. Cela rebute les enseignants. Pourtant, les dispositifs de foot à l'école que j'ai mis en place quand je suis arrivée en 2011 sont très efficaces.
Je n'aime pas qu'on préfère le football féminin parce qu'il n'y a pas de critiques de l'arbitre et que le jeu dure plus longtemps parce que, quand elles tombent, les joueuses ne restent pas au sol... Il ne faut pas opposer les deux mondes. Pour ma part, à 48 ans, je joue encore régulièrement, et avec des garçons. Je constate que l'envie de gagner fait que cela peut partir très vite ! La vraie différence reste que les hommes courront toujours plus vite et sauteront toujours plus haut, même si les différences physiques tendent à se réduire. En tous cas, il faut développer les passerelles entre les deux univers, et faire évoluer les mentalités, qui pendant longtemps n'avaient pas de représentation de ce qu'est un match féminin de haut niveau. Pour le handball, c'est plus simple, car ce sport a toujours été identique pour les filles et les garçons.
Pour le football, à l'Olympique lyonnais, à Guingamp, dans d'autres clubs, les équipes commencent à se mélanger et à partager des moments ensemble. Quand j'étais en équipe de France, nous avons été au Château avec Aimé Jacquet et les joueurs de l'équipe de France - même si ce n'était pas médiatisé. La campagne de communication de TF1 pour la Coupe du monde à venir ne laisse plus apparaître de différence, puisque les commentaires seront assurés par Bixente Lizarazu et Grégoire Margotton pour tous les matchs de l'équipe de France.
Par ailleurs, je vais inaugurer tout à l'heure le nouveau centre d'entraînement du Paris Football Club (PFC) : pour la première fois, joueurs et joueuses se côtoieront dans la même structure, dans un même lieu de vie. C'est cela, la solution. Aux États-Unis, le soccer est très féminin parce que garçons et filles pratiquent tous les sports à l'Université.
Comme le dit Noël Le Graët, ce qui a changé, c'est que les railleries qui accueillaient auparavant l'arrivée d'une jeune fille dans un club de foot ne durent plus qu'une journée...
Pour obtenir l'organisation de la Coupe du monde face à la Corée, nous savions que la Fifa souhaitait que l'ensemble des territoires aient déjà développé le football féminin. La région du Sud-Ouest est plus une terre de rugby que de football... Remplir le stade Chaban-Delmas et le Matmut Atlantique n'est pas si facile, même pour les garçons. Nous avions déjà joué là-bas, et le public ne répondait pas. Or la Fifa nous imposait des jauges, jusqu'à 50 000, à remplir pour six ou sept matchs - et pas uniquement ceux de l'équipe de France. Sacré défi ! De fait, pour les cadres techniques, la Nouvelle-Aquitaine est une région plus difficile à investir en raison des mentalités plus tournées vers le rugby.
Mme Françoise Cartron. - Au Cap-Breton, nous avons un club qui développe beaucoup le football féminin.
Mme Brigitte Henriques. - Jusqu'à récemment, nous étions plutôt défavorables à l'imposition de quotas et cela paraissait compliqué, car le réservoir de candidates n'était pas pleinement identifié. Désormais, nous n'avons plus besoin d'imposer les choses, même si seulement deux femmes sont présidentes de districts. On ne compte par ailleurs qu'une vice-présidente, à la ligue Bourgogne-Franche-Comté. Il y a donc encore beaucoup de travail à faire...
M. Michel Savin. - Dans le monde politique aussi...
Mme Brigitte Henriques. - Je prépare un ouvrage avec Marie-Christine Maheas, qui est très engagée en faveur du développement de la mixité dans les entreprises, et Bruno Lalande, qui écrit dans un mensuel sur le sport féminin, pour mettre en évidence à la fois les freins, que chacun connaît, et les leviers dont dispose la Fédération. Je suis contente du travail que nous avons fait avec les hommes comme avec les femmes. Nous invitons les hommes à comprendre que la mixité bénéficie à tous. C'est vrai que lorsqu'on demande à un homme de prendre un poste à responsabilités, il répond « oui » dans la seconde. Moi, j'ai eu trois rendez-vous avec mon président avant d'accepter - et la plupart des femmes demandent généralement une dizaine de jours pour réfléchir à ce type de promotion. Le club des Cent femmes est là pour lever ces doutes plus rapidement. J'ai récemment assisté à la SNCF à une réunion mensuelle sur le thème de la mixité avec Guillaume Pépy. J'ai découvert que pour faire accéder des femmes à des postes jusqu'alors réservés à des hommes, il faisait un travail similaire au nôtre. La seule raison qui pourrait justifier les quotas, ce serait la lenteur du processus, notamment dans les entreprises. Le directeur général de la SNCF disait que sans quotas, cela n'avançait pas. Pour moi, le changement se fait plus en profondeur si l'on convainc et si l'on invite à évoluer. En tous cas, le poids de l'Histoire fait qu'il faut agir.
Mme Annick Billon, présidente, co-rapporteure. - Les choses avancent souvent par la contrainte, comme on peut le constater en politique...
M. Michel Savin. - Quid des actions en faveur des jeunes filles voulant réussir à la fois leur parcours scolaire et un engagement professionnel ?
Mme Brigitte Henriques. - Pour l'instant, on parle plus de semi-professionnalisme. Pour la couverture contre les accidents, les joueuses doivent souscrire des assurances. La Direction technique nationale (DTN) oblige les joueuses à poursuivre leurs études jusqu'à leurs 18 ans - et leur taux de réussite au Baccalauréat frôle les 100 %. Puis, plutôt que d'injecter du cash dans leur masse salariale, nous préférons professionnaliser la structure. Nous avons imposé la présence d'un référent socio-éducatif pour placer la joueuse dans un parcours professionnel. Véronique Barré, fondatrice de Trajectoires Performance et directrice de Collectif Sports, propose pour cela aux clubs un dispositif clefs en main. Nous sensibilisons les joueuses au fait que celles qui étaient, en 2011, sur le devant de la scène, peinent parfois aujourd'hui dans leur vie professionnelle. Mais comme quelques rares joueuses gagnent déjà près de 30 000 euros, les jeunes pensent que c'est possible... Nous insistons néanmoins sur la reconversion. Par exemple, Élodie Thomis, ancienne joueuse internationale, a fait une formation de camerawoman et va couvrir la Coupe du monde 2019. À cet égard, le football féminin est un laboratoire pour ne pas reproduire certaines dérives qu'a connues, à ses débuts, le football des garçons. Quand un joueur de 14 ans, payé 5 000 euros, dit à son chef d'établissement qu'il gagne plus qu'elle...
Mme Annick Billon, présidente, co-rapporteure. - Merci pour votre enthousiasme et votre passion. Nous souhaitons la victoire aux Françaises, mais voulons aussi que cette Coupe du monde soit un beau moment sportif et un véhicule pour l'égalité femmes-hommes et pour les valeurs du sport.
Une vidéo est projetée à la fin de l'audition pour illustrer les propos de Brigitte Henriques.