Mardi 9 avril 2019
- Présidence de Mme Catherine Fournier, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 35.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la croissance et la transformation des entreprises - Examen des amendements de séance
Mme Catherine Fournier, présidente. - Nous avons évoqué la semaine dernière la possibilité d'opposer une question préalable sur le projet de loi Pacte tel qu'adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Le texte déposé à l'été 2018 visait à libérer les entreprises d'un certain nombre de contraintes et à modifier leur environnement pour stimuler la croissance. Il était attendu et aurait pu recueillir une large majorité, même s'il manquait d'ambition. Un important travail commun entre l'Assemblée nationale et le Gouvernement a cependant développé des sujets secondaires par rapport au coeur du projet, comme le désengagement de l'État du capital d'ADP ou de la Française des jeux...
Nous regrettons que les députés aient repris leurs rédactions de première lecture, en particulier sur les seuils d'effectifs, l'épargne salariale, le contrôle légal des comptes, et qu'ils aient rétabli les articles sur la cession d'actifs publics - il y a là un obstacle à la poursuite d'échanges fructueux entre les deux assemblées.
Le Sénat a joué pleinement son rôle dans l'examen du projet de loi. Nous avons dénoncé, sur les privatisations, l'impréparation et le peu d'éléments communiqués par le Gouvernement. Du reste, l'Assemblée a retenu nos dispositions sur les outils de régulation, concernant ADP, ou sur la fiscalité, concernant la Française des jeux.
Comme il était prévisible dès la CMP, l'Assemblée nationale en nouvelle lecture n'a pas renoncé à ses ajouts, elle est même allée plus loin. Dès lors, la question préalable s'impose.
M. Richard Yung. - Je regrette la présentation d'une motion qui prive le Sénat d'une nouvelle discussion. L'essence de la démocratie est pourtant la recherche de compromis : ce n'est pas la démarche qui est ici privilégiée. Cependant, la rencontre avec les gilets jaunes vous permettra peut-être d'avoir une vision plus claire cet après-midi ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Si vous me passez ce jeu de mots, l'atterrissage du texte a de quoi nous décevoir. Il est dommage que le chapitre privatisations l'ait fait dévier de sa trajectoire, car ce sujet ne présente pas d'intérêt pour les entreprises, il en a seulement pour les médias, qui n'ont rien retenu d'autre de ce texte. Compte tenu de la situation, j'approuve la question préalable.
J'ai entendu ce matin à la radio que le Sénat allait aujourd'hui entendre en audition M. Drouet et une délégation de gilets jaunes. Quelle est la justification de cette audition ? Pouvons-nous avoir quelques explications ?
M. Fabien Gay. - Après en avoir beaucoup discuté au sein de notre groupe, nous avons décidé que nous ne prendrions pas part au vote sur la motion. M. Yung a parlé de compromis : mais pour parvenir à un compromis, il faut être deux. Or on a compris à la CMP que cette condition n'était pas vérifiée... Je suis communiste, dans une assemblée qui est à droite ; je suis opposé au texte, opposé à la majorité sénatoriale. Mais j'estime que l'Assemblée nationale n'a pas fait beaucoup de pas vers le Sénat sur ce texte - pas plus que sur de nombreux autres. Mépris, arrogance, médiocrité sur un certain nombre de sujets...
Lors du grand débat nous aurons à nous prononcer sur les réponses à apporter au mouvement des gilets jaunes. Cependant, si un cycle d'auditions est engagé, il faut recevoir l'intersyndicale, entendre à nouveau le PDG d'ADP, les usagers... Cette annonce concernant une rencontre avec les gilets jaunes renforce notre décision de ne pas prendre part au vote.
Mme Christine Lavarde. - La semaine dernière, j'ai présenté à des chefs d'entreprise la loi Pacte, dans sa rédaction issue de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale. « Tout ça pour ça ! », disaient mes interlocuteurs. Ils étaient déçus : la montagne accouche d'une souris. Ils demandaient pourquoi le texte n'incluait pas telle ou telle mesure : c'étaient les dispositions votées au Sénat, mais l'Assemblée est revenue dessus... Nous avons travaillé, en commission puis en séance, dans un sens qui donnait satisfaction aux entrepreneurs. À présent, il est inutile de poursuivre la discussion, car nous n'aurons pas le dernier mot, bien que ce soit le mot de la raison.
Mme Catherine Fournier, présidente. - Concernant les gilets jaunes, une demande d'audition a été adressée il y a quinze jours au président Gérard Larcher. Celui-ci en a demandé l'objet, qui était la privatisation d'ADP et de la Française des jeux. Le président a donc souhaité que je le représente et reçoive cette délégation. J'ai prié M. Husson, rapporteur sur cette partie du texte, d'être présent. La semaine dernière, j'ai voulu savoir qui ferait partie de la délégation : c'est alors seulement que j'ai appris la présence de M. Drouet.
Le rendez-vous a été finalement annulé : j'avais émis des réserves sur cette entrevue, après le 29 mars, puisque nous avions décidé de présenter au Sénat une question préalable.
Mme Pascale Gruny. - Vous m'apprenez ce rendez-vous ! Il aurait été à mon sens inconvenant de recevoir cette délégation. Mais si elle est annoncée dans la presse, faut-il laisser penser que le Sénat refuse de rencontrer les gilets jaunes ? Soyons prudents, face à ceux qui font plus de communication qu'ils ne défendent une cause...
Mme Catherine Fournier, présidente. - L'intox médiatique, à propos de ce rendez-vous qui devait durer un quart d'heure, s'est développée hier soir seulement. Éric Drouet a fait une annonce sur son compte twitter, Le Parisien a relayé l'information, les chaînes de télévision s'en sont emparées. Nous avons géré cette affaire dans la nuit - et jugé qu'un non-événement était préférable à un buzz. Le président a tranché il y a deux heures à peine.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Il est tout de même curieux de conduire des auditions après le vote du texte...
Mme Catherine Fournier, présidente. - Une demande a été reçue par la présidence, elle est conforme au Règlement du Sénat. Ce n'est pas une audition préparatoire à l'examen d'un texte. Nos interlocuteurs ont utilisé tout ce qu'autorise le Règlement.
Mme Anne Chain-Larché. - La loi Pacte a accouché d'une souris. Les Français, les parlementaires, ont aussi pris conscience à cette occasion que la privatisation était une erreur. La demande d'audition intervient dans ce cadre : car on parle de plus en plus à ce sujet d'un référendum d'initiative partagée.
La motion tendant à opposer la question préalable est adoptée.
M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'avis est par conséquent défavorable à tous les amendements.
La commission spéciale émet un avis défavorable à l'ensemble des amendements.
La réunion est close à 9 h 55.