COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES
Mardi 20 novembre 2018
- Présidence de M. Alain Milon, président -
La réunion est ouverte à 18 heures.
Commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019
M. Alain Milon, sénateur, président. - Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, une commission mixte paritaire (CMP) est chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019, adopté par l'Assemblée nationale le 30 octobre dernier et par le Sénat aujourd'hui même. Nous devons tout d'abord procéder à la constitution du bureau de notre CMP. Je vous propose qu'il soit ainsi composé : Alain Milon, sénateur, président ; Brigitte Bourguignon, députée, vice-présidente ; Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur, rapporteur pour le Sénat ; Olivier Véran, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen du texte.
M. Alain Milon, sénateur, président. - Le Sénat ayant adopté 49 articles dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale, 63 articles restent en discussion : 8 ont été supprimés, 30 modifiés et 25 ajoutés. Globalement, le Sénat s'est retrouvé dans certaines des orientations proposées par ce texte, en particulier sur son volet relatif à la santé. Il a manifesté des inquiétudes, que nos commissions pourraient partager, sur la dette sociale résiduelle logée à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).
Les points de désaccord sont finalement peu nombreux, mais suffisamment importants pour rendre difficile l'élaboration d'un texte de compromis entre nos deux assemblées. Ils portent en particulier sur la décision du Gouvernement de ne pas revaloriser les prestations sociales en 2019 et 2020 et sur l'absence de choix en matière d'âge de départ à la retraite, alors qu'il semble au Sénat que ce choix est aussi inéluctable qu'urgent.
Mme Brigitte Bourguignon, députée, vice-présidente. - Merci de votre accueil. Oui, il existe entre nous des divergences difficiles à réduire, mais le dialogue entre nos assemblées, y compris en amont d'une CMP, est utile. D'ailleurs, notre rapporteur est disposé, je crois, à reprendre quelques-unes de vos propositions s'il y a une nouvelle lecture. Plus généralement, nous devons réfléchir au sens de la navette parlementaire. Après tout, nous avons pu faire aboutir la CMP sur le projet de loi d'habilitation à prendre des ordonnances pour réformer le code du travail. Pour qu'une CMP soit profitable, il faut limiter au maximum les sujets restant en discussion - sans pour autant dissimuler les divergences politiques parfois irréconciliables - et, sur les principales dispositions en question éviter de prendre des positions orthogonales : amender est une chose, supprimer ou dénaturer un dispositif en est une autre et ne permet pas le rapprochement des points de vue.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je suis toujours favorable à la recherche du consensus ou du compromis, qui est l'art même du politique. Si nous pouvions discuter des dispositions envisagées avant le dépôt d'un projet de loi, éventuellement en présence de la ministre, le Parlement se grandirait. Ce serait un utile apport du « Nouveau monde » ! Je n'appartiens certes pas à l'ancien, mais je considère que, sous la Ve République, le Parlement existe et fait la loi. Or j'ai le sentiment que nous sommes des jouets, réduits à opiner du bonnet si l'on siège dans la majorité, ou à s'opposer systématiquement - je n'en blâme pas spécialement le Gouvernement, car cela dure depuis longtemps. Il faut sortir de cette situation, en développant la concertation en amont des arbitrages ministériels. Nous l'avons dit solennellement à la ministre en séance, où le débat a d'ailleurs été très respectueux des positions de chacun. De même, le Parlement doit être respecté par le Gouvernement.
Le Sénat a abordé ce PLFSS de manière constructive, même si nous serons en désaccord sur certains articles, essentiels à l'équilibre budgétaire : en commission, nous nous sommes efforcés de maintenir l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, dans le souci de l'intérêt général. Comme l'a indiqué le président Alain Milon, notre assemblée a adopté conformes environ la moitié des articles, parmi lesquels les articles récapitulatifs.
Nous n'avons supprimé que huit articles en provenance de l'Assemblée nationale, parfois d'ailleurs avec l'accord du Gouvernement. Je pense, en particulier, à l'article 7 bis, relatif au régime social de certains avantages accordés par les employeurs ou les comités sociaux d'entreprise, comme les chèques-cadeaux ou les chèques-vacances.
Peu des modifications que nous avons opérées vont frontalement à l'encontre des orientations de l'Assemblée nationale, surtout lorsqu'elles ont reçu l'avis favorable de la commission des affaires sociales et du Gouvernement.
L'une d'elles est essentielle, et me semble compromettre à elle seule la perspective de l'élaboration d'un texte commun par la CMP. Il s'agit du refus très net par le Sénat du choix de limiter à 0,3 % la progression d'un très grand nombre de prestations sociales, notamment les pensions de retraite et les allocations familiales, après une année blanche en 2018 et alors que les mêmes retraités ont déjà subi l'augmentation sans compensation de la CSG de 1,7 point en début d'année. Le Sénat a privilégié un autre levier en repoussant l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 63 ans d'ici au 1er mai 2020, avec un premier palier de six mois en 2019. Il s'agissait de signifier, à la suite notamment de notre participation à l'excellent travail de concertation du haut-commissaire Jean-Paul Delevoye, que, avec ou sans réforme structurelle, le critère de l'âge restera incontournable à l'avenir. Les exemples étrangers le montrent très bien, et c'est ainsi qu'a raisonné l'Agirc-Arrco. Il s'agissait aussi de partager l'effort entre générations. Les retraités sont trop sollicités, et il nous semble injuste de « taper toujours sur les mêmes » - pour reprendre leurs mots -, car cela finira, qu'on le veuille ou non, par saper réellement le pouvoir d'achat des intéressés, réduire leur consommation et donc diminuer la croissance.
Par ailleurs, afin de conserver l'équilibre des comptes sociaux en 2019, et vu que la mesure d'âge n'aura alors pas encore produit son effet en année pleine, le Sénat a prévu une contribution exceptionnelle des organismes complémentaires d'assurance maladie l'année prochaine, dont j'ai débattu en amont de cette CMP avec le rapporteur de l'Assemblée nationale. Ce sujet, en effet, reviendra inévitablement dans les prochaines années : il nous faut éviter les postures idéologiques et l'aborder avec pragmatisme.
Au-delà de ce clivage peut-être insurmontable, je tiens à attirer l'attention de l'Assemblée nationale sur les autres mesures que nous avons prises et sur lesquelles, je l'espère, nous pourrons nous retrouver.
Il y a, bien entendu, toutes celles sur lesquelles le Gouvernement a donné un avis favorable ou de sagesse et dont nous espérons qu'elles seront reprises par l'Assemblée nationale en cas d'échec de cette CMP. Il y en a d'autres qui, bien qu'ayant recueilli un avis défavorable du Gouvernement, pourraient peut-être nous réunir et dont nous pouvons d'ailleurs débattre si vous le souhaitez.
Je pense tout d'abord à l'article 8, qui maintient le régime spécifique dont bénéficient les employeurs du secteur agricole pour l'emploi de travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi (TO-DE). Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale a suscité au Sénat un émoi très compréhensible, tant il frappe des filières déjà fragilisées. Nous espérons que notre texte, qui maintient ce dispositif, pourra être retenu, ou qu'au moins l'Assemblée nationale fera évoluer les paramètres qu'elle a retenus et se rapprochera de la position du Sénat. Cela ne me paraît pas impossible.
Je pense également, à l'article 11, à la mesure de justice et de cohérence que nous avons adoptée en matière de CSG sur les pensions de retraite. Puisqu'il faudra désormais dépasser deux années de suite un certain seuil de revenus pour être frappé par la CSG au taux de 8,3 %, nous avons considéré que ce même critère de dépassement du seuil deux années consécutives devait s'appliquer pour le passage du taux nul au taux de 3,8 %. En effet, les intéressés subissent un effet de seuil presque aussi puissant qu'au niveau supérieur - 4,3 % en incluant la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) - alors qu'ils sont, par définition, plus modestes que les personnes assujetties au taux de 8,3 %. Le coût de cette mesure serait d'environ 90 millions d'euros.
Je pense aussi aux articles 19 et 26 et à la suppression de la trajectoire financière prévoyant des coupes de TVA à hauteur de 3,5 milliards d'euros en 2021 et de 5 milliards d'euros à partir de 2022. Ces coupes qui, au demeurant, ne correspondent à aucune conclusion du rapport du Gouvernement sur les relations financières entre l'État et la sécurité sociale reviennent, pour ainsi dire, à faire les poches de la sécu avant qu'elles ne soient pleines et à modifier sa trajectoire financière. Pire, au vu même des projections - non pessimistes - du Gouvernement figurant en annexe B du PLFSS, ces coupes se traduiraient par la persistance d'une dette de la branche maladie et du Fonds de solidarité vieillesse de 14,5 milliards d'euros fin 2022, ce qui ne serait pas acceptable quand on prétend amortir l'ensemble de la dette sociale. Je défendrai un amendement sur ce sujet à l'article 36 du projet de loi de finances, et j'ai bon espoir que le Sénat se montrera cohérent sur ce sujet. Nous avons donc les moyens d'agir sur un véritable sujet d'intérêt général pour la sécurité sociale.
Si je suis pessimiste sur nos chances d'aboutir aujourd'hui à un texte commun, j'espère que nous nous rejoindrons sur de nombreux articles, notamment sur les points particuliers que je viens de soulever, sans préjudice des sujets que d'autres collègues voudraient mettre en lumière.
M. Olivier Véran, député, rapporteur. - Oui, nous sommes d'accord sur beaucoup de sujets, non seulement sur le fond, mais aussi sur des questions de forme, notamment sur la possibilité pour les parlementaires de coconstruire un texte budgétaire -c'est le travail d'une année. Nos relations ont été excellentes avec les ministres, constructives avec les cabinets ministériels, mais les arbitrages interministériels ont été compliqués pour nous.
Ainsi, alors que nous avions travaillé à des mesures économiques annoncées par le cabinet, comme la prise en charge par les employeurs d'une partie des indemnités journalières maladie, nous avons découvert à la fin de l'été la mesure de sous-indexation des pensions et prestations, décidée sans aucune discussion préalable avec les députés. Le Gouvernement a fait ce choix, il l'assume, et c'est vrai que, pour les grands équilibres budgétaires, il est aussi difficile pour nous dans le « nouveau monde » que dans « l'ancien » de faire entendre nos propositions. Il est plus difficile à accepter qu'on les ignore lorsqu'elles concernent des sujets plus précis et à l'impact financier plus limité, sur lesquels le Parlement est fondé à s'écarter des préconisations édictées par les cabinets ministériels. Si vous souhaitez que, l'an prochain, nous nous réunissions en amont pour peser sur les décisions, je suis d'accord. Nous avons d'ailleurs eu des discussions serrées avec les cabinets, qui m'ont reproché d'avoir parfois émis des avis de sagesse ou favorables à des amendements qu'ils souhaitaient voir rejeter.
Quant aux relations financières entre l'État et la sécurité sociale, j'ai interpellé à de nombreuses reprises le ministre de l'action et des comptes publics pour lui signifier que, si les excédents de la sécurité sociale devaient être prélevés par l'État, celui-ci devait s'engager en contrepartie à consacrer une partie de ces sommes à des dépenses ayant un intérêt au moins indirect pour le domaine social et sanitaire. Par exemple, consacrer 1 milliard d'euros supplémentaires à l'écologie aurait un impact sanitaire non négligeable.
Il y a au moins trois dispositions sur lesquelles nos deux assemblées ne peuvent s'accorder : le recul d'un an de l'âge de départ à la retraite, la « super-taxe » sur les complémentaires santé et la restauration de cotisations de chômage pour les salariés, alors que nous travaillons à augmenter le pouvoir d'achat de nos concitoyens ! Cela dit, vous avez adopté près de la moitié des articles conformes, et d'autres n'ont subi que des modifications rédactionnelles. Plusieurs de vos amendements enrichissent le texte, y compris, parfois, ceux qui ont été adoptés contre l'avis du Gouvernement. Je me prépare donc à en reprendre certains, notamment pour ce qui concerne l'intervention de médecins libéraux dans les centres de santé ou l'autorisation donnée aux médecins coordonnateurs de prescrire dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Je suis en revanche déçu que vous ayez supprimé à l'unanimité mon amendement sur les urgences, dans la mesure où celui-ci s'inspirait directement d'un rapport sénatorial de l'an dernier ! J'y reviendrai en nouvelle lecture.
Mme Catherine Deroche, sénatrice. - J'ai rapporté les articles relatifs à la branche maladie. Nous avions globalement peu de désaccords avec le texte de l'Assemblée nationale, même si pour un certain nombre de dispositions, nous n'avions qu'une vision imprécise de leur impact réel ou de leurs modalités d'application. Nous avons ainsi voté les dispositions sur les assistants médicaux pour ne pas retarder les négociations sans toutefois disposer d'éclairages précis sur leurs profils ou leurs missions. Nous avons également regretté une tendance à la complexification : l'article 42 était emblématique de ce point de vue, avec ses onze pages et sa rédaction à la limite de l'incompréhensible !
Sur les hybrides, il y avait un vrai manque de préparation. Sur les congés maternité des travailleuses indépendantes, imposer une durée minimale n'est pas adapté. Nous pourrions trouver un accord sur la branche maladie, mais encore faudrait-il ne pas avoir l'impression, désagréable, de signer des chèques en blanc.
M. Jean-Pierre Door, député. - Le Sénat, dans sa grande sagesse, a adopté 50 articles conformes, ce dont nous nous satisfaisons, supprimé 7 articles et introduit des articles additionnels. Vous avez donc rencontré un plus grand succès que les députés de l'opposition de l'Assemblée nationale puisque tous nos amendements ont été systématiquement rejetés.
Le Sénat a adopté le principe selon lequel les médecins coordonnateurs des Ehpad ont la possibilité de prescrire ; j'espère que le rapporteur de l'Assemblée nationale, qui réfléchit à la question, retiendra cette mesure. Le Sénat a aussi rétabli l'indexation sur l'inflation des pensions de retraite et des allocations familiales ; nous en sommes satisfaits, car nous l'avions proposé. Vous avez toutefois assorti cette mesure d'un report de l'âge du départ à la retraite à 63 ans. Pourquoi pas ? Nous reviendrons sans doute sur cette question lors du débat sur les retraites. En revanche, faut-il faire participer à titre exceptionnel les organismes complémentaires en augmentant la taxe de solidarité additionnelle (TSA) ? Je n'en suis pas certain.
Dans le dispositif « reste à charge zéro », vous avez introduit un plafonnement du montant de la sanction en cas de non-respect par les fabricants. Nous sommes tous favorables à ce dispositif, et il faut probablement l'encadrer. La mesure que vous proposez semble aller dans le bon sens.
Vous avez supprimé à très bon escient le forfait expérimental de réorientation des urgences, une proposition très iconoclaste, qui est rejetée par l'ensemble des professionnels de santé.
L'article 42 est effectivement incompréhensible. Pourtant, nous sommes tous favorables à l'autorisation temporaire d'utilisation (ATU). S'agissant des médicaments génériques et biosimilaires, vous avez raison de suspendre l'adoption des médicaments hybrides. En quoi consistent-ils ? Pour quelles pathologies ? Quelles sont les évaluations ? Personne ne peut le dire.
Nous approuvons le dispositif que vous avez adopté concernant les TO-DE, qui sont dans des filières extrêmement fragiles.
Enfin, je rejoins le président Milon, qui a pointé de manière pénétrante en séance publique les limites et les insuffisances des amendements de simple correction déposés pour ce qui concerne l'engagement de révision de la sécurité sociale.
M. René-Paul Savary, sénateur. - La mesure pour les TO-DE représente 39 millions d'euros. Elle pourrait être adoptée, car elle répond à une préoccupation de la population.
Nous avons effectivement commis un rapport sur les urgences, mais vous n'avez repris qu'une mesure sur les trois proposées : ainsi prise isolément, elle ne sera pas fonctionnelle. Néanmoins, il est clair que la tarification à l'activité (T2A) atteint ses limites ; il faut impérativement revoir le dispositif. Un autre amendement important, difficilement compréhensible, concerne l'utilisation testimoniale éclairée et surveillée du médicament (UTES) ; ce dispositif vaut surtout pour la maladie d'Alzheimer. Le Gouvernement s'honorerait de modifier son point de vue en la matière, en adoptant un droit à l'essai à la demande du malade. Ce sujet mérite d'être approfondi. Si l'on peut gagner quelques années dans la recherche - des molécules sont de plus en plus efficientes sur les essais réalisés sur les animaux -, ne nous en privons pas ! Les États-Unis ont pris l'an dernier des dispositions pour avancer dans ce domaine. On peut comprendre que les cabinets soient rétifs, mais nous devons faire avancer les esprits.
M. Gilles Lurton, député. - Je suis heureux d'entendre notre rapporteur dire qu'il serait souhaitable que l'Assemblée nationale et le Sénat travaillent plus en amont, y compris avec les cabinets ministériels, pour essayer de coconstruire un texte. J'observe que tous les amendements de l'opposition, sauf un, ont été rejetés. Mais notre rapporteur serait prêt à accepter certains amendements introduits par le Sénat... L'opposition peut en effet être constructive. Le Parlement se grandirait en travaillant ensemble, car opposition et majorité n'ont pas toujours des positions si éloignées que cela.
M. Yves Daudigny, sénateur. - En tant que deuxième groupe politique au regard du nombre de sénateurs, nous exprimons une autre sensibilité.
Nous verrons dans les mois qui viennent si les représentants des majorités sénatoriale et gouvernementale parviennent à traduire dans les faits la promesse et l'engagement de travailler ensemble en amont.
Notre groupe s'est opposé à ce texte sur quelques points fondamentaux. La non-indexation des pensions de retraite et d'invalidité ainsi que des prestations familiales sur l'inflation nous paraît de mauvaise politique. Cette mesure très négative va affaiblir le pouvoir d'achat des retraités, qui consomment l'essentiel de leurs ressources et participent donc largement à l'évolution du PIB.
Nous sommes également fortement opposés au changement de la règle d'or qu'est la compensation par l'État des exonérations de charges au bénéfice de la sécurité sociale. Cela augure d'un changement de paradigme de la sécurité sociale : son autonomie est entamée. Or la sécurité sociale doit rester une assurance pour les Françaises et les Français contre les accidents de la vie, même si les modalités à mettre en oeuvre dans les différentes branches doivent tenir compte des nouveaux défis qui se présentent à nous.
Le plan « Ma santé 2022 » a recueilli un avis plutôt favorable. Nous avons été attentifs aux traductions dans le PLFSS des mesures annoncées par le Président de la République. Nous avons surtout affirmé qu'aucune mesure ne répond à la situation dramatique des hôpitaux. L'ensemble des personnels hospitaliers est en souffrance. En témoignent les actions communes menées par les quatre grandes fédérations hospitalières représentant autant le secteur public que privé.
M. Guillaume Arnell, sénateur. - Je porte la voix du groupe du RDSE, qui a la particularité d'avoir une liberté de vote et de parole. C'est ainsi que certains collègues ont voté pour le PLFSS, d'autres contre et d'autres encore se sont abstenus.
Comment ne pas saluer l'effort réalisé pour assurer l'équilibre de la sécurité sociale après tant d'années de déviance ? Nous sommes sensibles à l'engagement de la ministre, qui veut toujours aller au fond des choses, en apportant des éclairages. Dans le cadre des explications de vote en séance publique, nous avons mis en lumière toutes les mesures qui nous paraissaient justes, qu'elles émanent d'un groupe ou d'un autre.
Je porte aussi la voix des outre-mer. Nous sommes contre la réforme des régimes spécifiques d'exonérations issus de la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodeom) et contre la taxation d'un produit phare, le rhum, qui représente une part substantielle de notre économie. Nous regrettons l'absence de discussion et de concertation. Le 27 novembre prochain, les parlementaires vont se réunir pour essayer de trouver un accord sur l'ajustement des seuils de rémunération en deçà desquels s'appliqueront les exonérations « Lodeom ». Ce travail aurait pu être fait en amont. Devons-nous nous satisfaire de la mesure proposée par la ministre ? Devons-nous faire réévaluer les taux en fonction des territoires ? Certains territoires doivent-ils sortir du dispositif ? Nous sommes là pour trouver une voie médiane.
J'ajoute que la ministre n'est pas entièrement responsable de la situation. La situation de souffrance que connaît l'hôpital résulte des politiques antérieures. La ministre tente de la corriger avec les moyens mis à sa disposition. Il nous appartient de l'accompagner plus fortement.
Mme Nathalie Élimas, députée. - Je veux dire à mes collègues Jean-Pierre Door et Gilles Lurton que les élus de la majorité partagent leur frustration : seuls trois amendements du groupe Modem ont été adoptés. Concernant la politique familiale, nous n'avons pas été entendus sur un amendement qui nous tenait à coeur : la prime à la naissance. Je crois que ce sujet peut faire consensus avec le Sénat ; nous devons travailler ensemble.
M. Michel Amiel, sénateur. - Je partage l'ambition de travailler ensemble en amont. Au sein de la commission, il est rare que des désaccords s'expriment pour toutes les questions relatives à la branche maladie.
Il sera difficile de parvenir à un accord sur les trois sujets évoqués par Jean-Marie Vanlerenberghe, qui sont d'ordre financier.
Un sujet d'inquiétude : le cloisonnement ville-hôpital n'est pas près de disparaître. La question de la réorientation des urgences relève de cette logique : comment un malade réorienté par les urgences pourrait-il se retrouver dans un parcours de soins à 23 heures ? C'est la raison pour laquelle nous avons voté contre à l'unanimité. Mais, si nous avions discuté de ce problème en amont, peut-être aurions-nous pu trouver d'autres solutions ?
M. Francis Vercamer, député. - Le Parlement devient de plus en plus une chambre d'enregistrement des décisions du Gouvernement. Travailler en amont avec le Gouvernement est une bonne idée, si l'on parvient toutefois à contenir l'empilement des textes, avec des délais de plus en plus courts.
Le groupe UDI-Agir et Indépendants se satisfait de l'équilibre de la sécurité sociale. Néanmoins, trois sujets me préoccupent.
Premièrement, la non-compensation par l'État d'un certain nombre de mesures témoigne d'un changement de la politique gouvernementale et pose la question de la solidarité nationale. Est-ce le travail, par le biais des cotisations salariales, ou l'État, au travers de l'impôt, qui paiera la solidarité ? Nous n'avons pas eu de réponse du Gouvernement sur cette question de société.
Deuxièmement, la fracture sanitaire s'accroît. La situation de morbidité ou de mortalité dans les territoires n'est pas la même selon les territoires. Le PLFSS ne prend absolument pas en compte cette donnée : on est sur une masse nationale et non pas sur des masses territoriales. Il faut adapter les moyens aux besoins des territoires.
Troisièmement, la solidarité entre les générations est battue en brèche. La CSG pèse de plus en plus sur les personnes âgées.
Il conviendrait d'approfondir ces sujets de société très importants dans le cadre de la discussion du PLFSS.
M. Olivier Véran, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. -Permettez-moi d'apporter une réponse purement factuelle à mes collègues députés. Que l'on soit dans la majorité ou l'opposition, on est tous frustré de ne pas voir ses amendements adoptés. La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale travaille aussi dans une ambiance constructive.
Or, ont été adoptés 15 amendements du groupe LaREM ; 9 amendements du groupe LR, et non pas zéro ; 8 amendements du groupe UDI-Agir et Indépendants et le Modem a le plus fort taux d'adoption au prorata des amendements déposés, à savoir 12 %, contre 5 % pour le PS et 11 % pour l'UDI-Agir et Indépendants. Ne dites donc pas qu'aucun amendement n'a été adopté.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Les statistiques sont extraordinaires !
M. Alain Milon, sénateur, président. - Étant donné ce qui vient d'être dit, nous constatons un désaccord sur plusieurs points.
Mme Brigitte Bourguignon, députée, vice-présidente. - Nous faisons le même constat.
La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
La réunion est close à 18 h 55.
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
La réunion est ouverte à 18 heures.
Commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2018
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2018 s'est réunie au Sénat le 20 novembre 2018.
La commission mixte paritaire procède d'abord à la désignation de son bureau : M. Vincent Éblé, sénateur, président ; M. Éric Woerth, député, vice-président ; M. Albéric de Montgolfier, sénateur, rapporteur pour le Sénat ; M. Joël Giraud, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
M. Vincent Éblé, sénateur, président. - Le projet de loi initial comportait neuf articles. Le texte transmis au Sénat en comportait autant.
Notre assemblée n'ayant adopté ni l'article d'équilibre ni, par conséquent, la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2018, l'ensemble du texte a été considéré comme rejeté. En conséquence, les neuf articles du projet de loi restent en discussion.
M. Éric Woerth, député, vice-président. - L'écart entre nos deux assemblées me semble cette fois assez important.
M. Albéric de Montgolfier, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Hier soir, l'examen de ce texte a été assez bref au Sénat : il a été interrompu par le rejet de l'article d'équilibre. En tant que rapporteur général de notre commission des finances, j'avais plutôt préconisé l'abstention.
Ce texte contient de réels motifs de satisfaction. Il revient à la vocation initiale d'un projet de loi de finances rectificative : procéder à des ajustements principalement budgétaires, tout en évitant le traditionnel décret d'avances de fin d'année. M. le président de la commission et moi-même nous étions suffisamment plaints des conditions d'examen des précédents collectifs budgétaires, qui étaient trop souvent la voiture-balai de toutes les mesures fiscales que les ministères voulaient passer. Une année, nous avions ainsi dû réformer la fiscalité du tabac au travers d'un amendement gouvernemental long de plusieurs pages et déposé quelques minutes avant son examen !
Cette fois, le Gouvernement a tenu l'engagement qu'il avait pris : ne faire figurer dans ce texte que les ajustements budgétaires et autres dispositions nécessaires pour la fin de l'année.
Autre motif de satisfaction, un réel effort a été fait pour rendre les comptes plus sincères. Il est tout d'abord, moins fait recours à la réserve. Ensuite, on constate moins de sous-budgétisations qu'auparavant.
Pour autant, nous ne pouvions approuver ce texte. Du point de vue macroéconomique, le scénario retenu par le Gouvernement reste inchangé, alors que celui-ci aurait pu constater que la reprise est plus faible qu'escompté. L'objectif de déficit est certes tenu, mais il était extrêmement modeste. Ce projet de loi de finances rectificative s'inscrit dans le droit fil de la loi de finances pour 2018, que nous avions rejetée ; le déficit reste donc très élevé, supérieur de 12,3 milliards d'euros à sa valeur en 2017. L'amélioration de 1,3 milliard d'euros du solde budgétaire s'explique uniquement par la vente de 2,35 % du capital de Safran. C'est insuffisant !
Certaines réserves peuvent par ailleurs être émises. Concernant la défense, même si les crédits ont ensuite été dégelés, on abandonne le principe de la solidarité interministérielle pour le financement des opérations extérieures.
Quant à la fiscalité énergétique, dès le mois de juillet, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) avait considéré que la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) produisait plus de ressources que n'en nécessitait le compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique ». L'affectation de cet excédent au budget général n'a rien de contestable d'un point de vue budgétaire, mais le Gouvernement aurait sans doute pu, d'un point de vue politique, affecter plus de moyens à la transition énergétique à un moment où les prix de l'énergie montaient et où la fiscalité énergétique devenait un sujet important. Cela aurait pu s'effectuer par le biais de l'Agence nationale de l'habitat ou par un renforcement du crédit d'impôt pour la transition énergétique.
Toutes ces raisons nous ont conduits à préconiser l'abstention sur ce projet de loi de finances rectificative. Néanmoins, les forces politiques opposées à ce texte étant plus importantes que ses partisans, il a été rejeté.
Au vu du nombre d'articles restant en discussion, je doute que cette commission mixte paritaire puisse être conclusive.
M. Joël Giraud, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Notre réunion sera sans doute relativement brève. Vous aviez déclaré, monsieur de Montgolfier, avoir de ce texte une interprétation générale positive. Vous n'aviez, à lire vos propos, pas de raison d'être en désaccord avec ce projet de loi de finances rectificative.
De fait, ce collectif budgétaire respecte ce que nous avons toujours voulu : il porte sur les seuls ajustements budgétaires nécessaires. On ne peut que saluer cette volonté du Gouvernement de bien séparer le domaine du projet de loi de finances et celui du projet de loi de finances rectificative. Il aurait pu publier un décret d'avances : il n'y aurait alors pas eu de débat dans les assemblées. D'aucuns s'en seraient sans doute plaints !
Je prends acte de la position du Sénat.
Sur l'article 2 et la réaffectation de 600 millions d'euros du CAS « Transition énergétique », nous savons tous qu'il s'agit d'une mesure technique et normée. Il n'était pas forcément utile de la présenter dans la presse comme un prélèvement sur la transition énergétique susceptible d'affecter le devenir de celle-ci. Je n'ai pas compris qu'on tienne de tels propos sur un article aussi technique. Peut-être la presse les a-t-elle mal interprétés.
M. Albéric de Montgolfier, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - En effet, abonder à nouveau le CAS « Transition énergétique », comme tendaient à le faire certains amendements, auxquels notre commission était défavorable, n'aurait eu aucun sens. Cette trésorerie n'aurait pas été consommée ! Cela dit, c'est un choix politique d'en faire plus ou moins pour la transition énergétique. Du point de vue budgétaire, en revanche, il n'y a rien à dire.
La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à l'adoption d'un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2018.
La réunion est close à 18 h 15.