- Mercredi 27 juin 2018
- Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude - Examen du rapport et du texte de la commission
- Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis
- Mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu - Communication (sera publié ultérieurement)
- Audition de M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, préalable au débat d'orientation des finances publiques (DOFP), sur le rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques
Mercredi 27 juin 2018
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
La réunion est ouverte à 09 h 05.
Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Vincent Éblé, président. - Nous poursuivons notre travail sur la lutte contre la fraude, après le cycle d'auditions menées ces deux dernières semaines. Nous examinons ce matin le rapport sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude afin d'établir le texte de la commission qui sera débattu en séance les 3 et 4 juillet prochains.
La commission des lois s'est réunie hier pour examiner les articles 1er, 8 et 9, que nous lui avions délégués au fond. Nous n'aurons donc qu'à entériner ses positions, même si notre collègue Nathalie Delattre, rapporteur pour avis, pourra nous en faire une brève présentation.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous sommes saisis en premier du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, déposé le 28 mars dernier au Sénat. Le ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, nous l'avait présenté le jour même.
Nous connaissons bien ce sujet, qui a pris une ampleur particulière depuis la crise de 2008 et la mise sous tension des finances publiques qui en a résulté. La lutte contre les phénomènes d'évitement de l'impôt s'est imposée comme un impératif économique et social. Il s'agit non seulement d'assurer la collecte des ressources publiques et les conditions de la concurrence entre acteurs économiques, mais surtout de respecter le socle du contrat social posé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Certaines initiatives internationales ont renforcé la lutte contre la fraude : les dirigeants du G20 ont décidé, à l'occasion du sommet de Saint-Pétersbourg en septembre 2013, de confier à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) la mission de réfléchir à l'actualisation du système fiscal international : le projet de lutte contre « l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices » ou « BEPS ». À l'échelle nationale, ce projet de loi fait suite à la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, ainsi qu'à la loi « Sapin 2 » du 9 décembre 2016, qui ont procédé à un renforcement des sanctions applicables en matière de fraude fiscale et à une diversification des moyens de contrôle à disposition de l'administration.
Ce texte constitue en quelque sorte le pendant du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, examiné en début d'année par notre assemblée, qui vise notamment à reconnaître un « droit à l'erreur » pour les contribuables vertueux et à renforcer les garanties dont ils bénéficient. En regard, l'administration fiscale doit disposer des moyens nécessaires pour contrôler efficacement le respect des règles et déceler les faits de fraude. Les sanctions doivent également être suffisamment efficaces et dissuasives.
Le projet de loi, qui comprend onze articles, appréhende la fraude dans ses différentes extensions : fiscale, douanière et sociale - quoiqu'accessoirement dans ce dernier cas. Deux axes le structurent : le renforcement des moyens de lutter contre la fraude, aux articles 1er à 4, et le renforcement des sanctions applicables, aux articles 5 à 11. La commission des finances a délégué l'examen des articles 1er, 8 et 9 à la commission des lois, qui s'est également saisie pour avis de l'article 5.
Ce projet de loi aurait dû être examiné mi-juillet, le calendrier a été quelque peu anticipé et nous avons donc disposé de moins de temps que prévu pour l'examiner. Nous avons entendu l'administration, le Parquet national financier, des avocats fiscalistes, des organisations non gouvernementales (ONG), et avons effectué des contrôles sur place pour mieux comprendre comment fonctionne le verrou de Bercy - même si ce point ne figure pas dans le projet de loi.
S'agissant du renforcement des moyens de lutter contre la fraude, l'article 1er, délégué à la commission des lois, crée une nouvelle police fiscale au sein de Bercy. L'article 2 renforce la lutte contre les logiciels de comptabilité ou de gestion « permissifs » et donne aux agents des douanes des pouvoirs de contrôle et de sanction similaires à ceux dont dispose l'administration fiscale. L'article 3 créé un droit d'accès direct aux informations détenues par la Direction générale des finances publiques (DGFiP) pour les assistants spécialisés détachés auprès des tribunaux, les organismes chargés de la lutte contre le travail illégal et les agents de police judiciaire. L'article 4 prévoit la transmission automatique des revenus perçus par les utilisateurs des plateformes en ligne, un dispositif que nous avions été les premiers à adopter et que nous votons chaque année à l'unanimité.
S'agissant du renforcement des sanctions, l'article 5 inverse le principe actuellement applicable pour la publication des sanctions pénales, en prévoyant que la publication s'applique par défaut, sauf à ce que le juge décide, par un avis motivé, de ne pas l'ordonner. L'article 6 autorise l'administration fiscale à rendre publiques les sanctions administratives prononcées en matière fiscale à l'encontre des personnes morales. L'article 7 introduit une amende à l'encontre des intermédiaires - avocats, experts comptables - ayant intentionnellement fourni une prestation à leur client leur ayant directement permis de commettre des agissements ou manoeuvres frauduleuses en matière fiscale et sociale. Les articles 8 et 9, délégués à la commission des lois, prévoient respectivement une aggravation du montant de certaines amendes pour fraude fiscale et ouvrent la possibilité pour le Procureur de la République de recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité en matière de fraude fiscale. L'article 10 actualise les sanctions prévues en matière douanière. Enfin, l'article 11 ajoute à la liste française des États et territoires non coopératifs (ETNC) les pays qui figurent sur la nouvelle liste établie par l'Union européenne - cela revient à rajouter les Palaos, à 1 500 kilomètres des Philippines...
Que faut-il en penser ? Nous avons travaillé dans un temps contraint mais de façon approfondie, avec quatre auditions en commission et sept auditions que j'ai personnellement menées mais ouvertes aux membres de notre groupe de suivi sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. J'ai procédé à deux contrôles sur pièces et sur place, l'un accompagné du Président, dans différents services fiscaux.
Sur le principe, nous ne pouvons que partager l'esprit de ce texte, mais les différents dispositifs proposés par le Gouvernement, s'ils ne sont pas en eux-mêmes contestables, sont en réalité bien souvent de portée modeste. Le projet de loi ne comprend rien sur la fraude sur internet et les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). La direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF) a insisté sur la complexité du sujet. La fraude fiscale est aussi ancienne que les impôts ! À tout le moins, les dispositifs proposés peuvent être améliorés et complétés : c'est dans cet esprit que nous avons travaillé.
À l'article 2, sur la lutte contre les logiciels dits « permissifs » qui permettent de dissimuler des recettes, des transactions ou des flux de marchandises, nous regrettons que l'extension aux agents des douanes ne porte que sur le volet « éditeurs » du dispositif. Pourquoi ne pas avoir également étendu le volet « utilisateurs », qui oblige les commerçants à utiliser des logiciels de caisse certifiés pour déclarer la TVA ? Ce volet pourrait être utile dans le cadre de contrôles sur les contributions indirectes - pour les débits de tabacs, de boissons alcooliques, etc. Je vous proposerai un amendement en ce sens.
À l'article 4, le dispositif de transmission automatique des revenus par les plateformes en ligne constitue évidemment une très bonne nouvelle et marque la reconnaissance des travaux menés depuis plusieurs années par notre commission et son groupe de travail sur la fiscalité et le recouvrement de l'impôt à l'heure de l'économie numérique : le dispositif reprend presque mot pour mot celui de notre proposition de loi du 29 mars 2017. La version précédente, adoptée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2016, était également issue de nos travaux. Le Gouvernement s'y était alors opposé... Mieux vaut tard que jamais !
Je vous proposerai toutefois d'y apporter quelques modifications, afin que ces informations puissent alimenter directement la déclaration pré-remplie des contribuables. Cela suppose, notamment, que les plateformes précisent de manière simple la qualification des revenus déclarés quand elles en ont connaissance - bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou bénéfices non commerciaux (BNC), biens ou services, partage de frais, ventes d'occasion - comme le font tous les autres tiers déclarants pour les traitements, salaires et pensions.
Je vous proposerai également d'adopter à nouveau l'amendement que le Sénat avait voté, qui prévoit un abattement de 3 000 euros pour les revenus perçus via des plateformes et déclarés automatiquement par celles-ci. Celui-ci est en effet le complément nécessaire à la déclaration automatique. D'autres pays comme la Belgique, le Royaume-Uni ou le Danemark ont apporté des réponses simples à des questions compliquées. La France fait l'inverse... Le temps est venu de faire comme eux !
Aux articles 5 et 6 sur la mise en oeuvre du « name and shame » en matière fiscale, à savoir la publication des décisions, nous avons entendus les ONG actives en la matière, nous savons également comment certaines entreprises font désormais de leur acquittement effectif de l'impôt un élément de leur communication. L'on comprend, dès lors, que les personnes condamnées par une juridiction fassent l'objet d'une peine complémentaire de publication de la décision de justice, sauf si le juge en décide bien sûr autrement.
Je ne suis pas opposé à ce que l'administration fiscale puisse rendre publique une sanction qu'elle prononce - cela existe déjà pour certaines sanctions non juridictionnelles, prononcées par exemple par l'Autorité de la concurrence ou l'Autorité des marchés financiers. Pourquoi l'administration fiscale ne pourrait-elle pas le faire pour les personnes morales ? Le Conseil d'État a estimé dans son avis que cette possibilité devait être restreinte aux seules personnes morales, ce que retient le dispositif proposé. Il faut cependant encadrer cette possibilité de publication : tous les recours doivent avoir été épuisés, la sanction doit être définitive. Le dispositif proposé par le Gouvernement permettrait de rendre publiques des sanctions qui ne seraient pas encore devenues définitives, à charge pour l'administration d'en suspendre la publication en cas de recours. Compte tenu de l'écho que serait susceptible de recevoir cette publication, sa suspension risquerait d'être vaine et l'entreprise pourrait être ainsi sanctionnée à tort publiquement, au risque d'importants préjudices économiques - comme une chute du cours de bourse. C'est pourquoi mon amendement prévoit la publication des seules sanctions définitives. En outre, afin d'éviter de créer une nouvelle commission chargée d'émettre un avis sur la décision de l'administration de rendre publique une sanction, comme le prévoit le Gouvernement, je vous propose de confier cette mission à la commission des infractions fiscales (CIF)
À l'article 7, il est indispensable de prévoir que l'amende à l'encontre des tiers ne peut être appliquée au tiers que dans le cas où la sanction prononcée à l'encontre de son client est devenue définitive, afin notamment de garantir les conditions du droit au recours et d'éviter de sanctionner le conseil d'un contribuable qui contesterait la sanction dont il fait lui-même l'objet. Je vous propose d'améliorer la rédaction sur les types de prestations pouvant conduire le tiers à encourir une amende. L'article 10 ne soulève guère de commentaires : il procède essentiellement à une actualisation du montant d'une amende qui n'avait pas varié depuis 1981.
À l'article 11, le contraste est saisissant entre le poids donné par le Gouvernement à l'ajout des pays de la liste européenne des paradis fiscaux à la liste des États et territoires non coopératifs (ETNC) et la réalité. D'abord, les deux listes ne comportent chacune que sept États dont aucun n'est un centre majeur de la finance mondiale. Ensuite, dans le détail, seuls les pays de la liste européenne qui ne respectent pas le critère dit « offshore » se verraient appliquer l'ensemble des sanctions prévues pour les ETNC, les autres n'en subissant qu'une petite partie - à savoir six sanctions sur vingt-quatre. Dans ces conditions, « l'élargissement » de la liste se résume à l'ajout des Palaos, archipel océanien de 21 000 habitants, auquel la France n'a jamais adressé la moindre demande d'information au cours des dernières années. À tout le moins pourrait-on faire évoluer les critères de la liste française pour inclure l'échange automatique d'informations, et non plus à la demande, et améliorer l'information du Parlement sur les motifs justifiant un ajout ou retrait. C'est le sens des deux amendements que je vous proposerai.
Au-delà de l'amélioration des dispositions existantes, je vous propose d'enrichir le texte par plusieurs articles additionnels, et tout d'abord, de rétablir la possibilité, supprimée en 2013, de procéder à une transaction y compris lorsque l'administration envisage des poursuites pénales. « Un bon accord vaut mieux qu'un mauvais procès ». La transaction ne met aucunement fin aux poursuites pénales, qui conserveraient toute leur exemplarité. En outre, la transaction ne peut en aucun cas porter sur les droits éludés, mais seulement sur les pénalités. Le montant de l'impôt est toujours dû... Selon le Procureur national financier, la transaction est un outil de plus en plus utilisé par les juges eux-mêmes, sous la forme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), étendue par l'article 9 du projet de loi, ou de la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), qu'un amendement de la commission des lois propose d'étendre à la fraude fiscale. Actuellement, l'administration qui souhaite poursuivre au pénal ne peut négocier d'accord et recouvrer les droits, c'est stupide ! Rétablissons cette possibilité.
En contrepartie du rétablissement de la transaction, parallèlement à l'action pénale et afin de garantir la plus grande transparence possible, complétons les éléments du jaune budgétaire publié chaque année sur le sujet pour être mieux informés des transactions fiscales. Les transactions d'un montant supérieur à 200 000 euros ou celles qui concernent des dossiers transmis à l'autorité judiciaire seraient spécifiquement notifiées, une fois par an, au président et au rapporteur général des commissions des finances.
Par ailleurs, ce texte comporte deux grandes absentes : la lutte contre la fraude à la TVA en matière de commerce en ligne, et surtout, la réforme de la procédure applicable aux poursuites pénales pour fraude fiscale, ce « verrou de Bercy » dont nous avons beaucoup débattu ces derniers mois. Nos collègues députés Éric Diard et Émilie Cariou ont travaillé sur le sujet, et le Sénat a discuté le mois dernier une proposition de loi, sur le rapport de Jérôme Bascher.
Sur la fraude à la TVA dans le commerce en ligne, je vous propose d'adopter un dispositif auquel j'attache une grande importance, et qui avait déjà été adopté à la quasi-unanimité du Sénat dans une version précédente : la responsabilité solidaire des plateformes en ligne pour le paiement de la TVA due par les vendeurs qui y exercent leur activité. Concrètement, il s'agit de rendre les grandes plateformes, comme Amazon ou Alibaba, redevables de la TVA à la place des vendeurs qui se seraient soustraits à leurs obligations, à condition bien sûr que ceux-ci lui aient été signalés par l'administration et qu'aucune mesure n'ait été prise pour assurer leur mise en conformité.
Le Royaume-Uni s'est doté d'un régime similaire en 2016, et les résultats sont éloquents : 2 100 procédures ont été lancées, ayant conduit à récupérer 120 millions de livres de recettes supplémentaires. Le nombre de vendeurs hors Union européenne enregistrés auprès de l'administration est passé de 1 600 en 2015 à 28 000 en 2018, pour encore 100 millions de livres de plus. Le dispositif a donc incité les vendeurs à s'inscrire auprès de l'administration. Par comparaison, la France fait pâle figure avec ses 3 100 entreprises enregistrées, 18 contrôles effectués, 2,1 millions d'euros de droits et pénalités notifiés, et 172 419 euros effectivement recouvrés. Cette fraude représenterait pourtant au minimum un milliard d'euros. L'amendement sur la responsabilité solidaire serait complété par un autre permettant de prélever la TVA au moment de la transaction (split payment), lui aussi issu des propositions de notre groupe de travail.
Une disposition novatrice permettrait à l'administration fiscale d'appliquer aux filiales françaises des entreprises multinationales les amendes encourues en cas de non réponse au droit de communication non nominatif. Cette responsabilité solidaire existe déjà dans certains cas en matière fiscale et dans d'autres domaines.
Enfin, un de mes amendements interdirait aux plateformes de verser des revenus à leurs utilisateurs sur des cartes prépayées. Nous avions adopté une disposition similaire pour les plateformes d'hébergement dans le projet de loi de finances rectificative pour 2017, mais le problème concerne aussi - voire surtout - les vendeurs présents sur des marketplaces.
Pour travailler sur la réforme de la procédure applicable aux poursuites pénales pour fraude fiscale - le « verrou de Bercy » - j'ai pris en compte les travaux menés sur cette question. Ce verrou est double : d'une part les poursuites pour fraude fiscale n'ont lieu que sur plainte de l'administration, d'autre part cette plainte doit être précédée d'un avis conforme de la CIF.
Je suis allé à Bercy avec le Président, pour consulter les dossiers que l'administration centrale ne transmet pas à la CIF. Plus de 47 000 contrôles fiscaux sont réalisés chaque année, et environ 4 000 sont considérés à fort enjeu. Un millier de dossiers sont remis à la CIF, qui en retient 95 %. Cette limitation du nombre de dossiers transmis est souvent due à des raisons valables - âge du contribuable, contribuable déjà poursuivi et condamné, crainte que le dossier ne perdure pas devant la juridiction pénale... Il n'est pas question de remettre en cause la qualité du travail que fait l'administration fiscale.
Comme le disait Jérôme Bascher ici même, une disparition pure et simple du verrou aurait engorgé les parquets et est inconcevable si l'on ne met pas en place un autre dispositif, à la fois transparent et réaliste. Il faut garantir que le renvoi vers la justice pénale concerne bien l'ensemble des dossiers les plus graves, ainsi que le prévoit le Conseil constitutionnel, dans ses décisions relatives à deux questions prioritaires de constitutionnalité du 24 juin 2016, M. Jérôme C. et M. Alec W. et autre (affaire Wildenstein). Selon le Conseil, on peut poursuivre à la fois pour des pénalités fiscales et de la fraude fiscale, à condition que la plainte pour fraude fiscale soit réservée aux cas les plus graves, à titre d'exemplarité. Les deux avocats de la Cour de cassation que nous avons entendus ne souhaitaient pas qu'il y ait davantage de contentieux, et préfèrent se concentrer sur les cas les plus graves. Mais parfois, les juges ont du mal à condamner une personne déjà redressée avec une majoration de 80 %. Seules quatre peines de prison ont été prononcées.
Fixons dans la loi des critères qui s'imposent à l'administration fiscale, et mettons fin au verrou de Bercy. L'obligation de dépôt doit alors porter sur des dossiers d'un montant significatif, susceptibles de recevoir des pénalités importantes, en vérifiant que la fraude résulte d'agissements particulièrement répréhensibles. Lorsque ces critères légaux sont remplis, le dépôt de plainte s'impose, ou alors l'administration doit faire valoir des motifs particuliers au parquet, lequel aura le choix final d'engager ou non des poursuites.
Comme les critères ne peuvent pas tout prévoir, l'administration doit conserver la possibilité de porter plainte dans des cas particuliers, par exemple vis-à-vis des récidives multiples sur de faibles montants ou lorsque la fraude a été commise par une personne qui, par sa profession ou son activité, a un devoir particulier d'exemplarité.
Ces principaux apports sont complétés par quelques amendements techniques, rédactionnels ou de cohérence, et constituent d'utiles ajustements et compléments.
M. Jean-François Rapin. - Au regard de la réduction de prix effectuée par un vendeur sur une plateforme en ligne du fait de l'absence de TVA, le consommateur ne peut-il pas être considéré comme complice du fraudeur ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Non, il faudrait prouver l'intention de frauder, or souvent le vendeur envoie une facture avec une fausse TVA.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Le groupe socialiste et républicain partage l'analyse du rapporteur selon laquelle le projet de loi ne répond pas aux enjeux majeurs de la fraude fiscale, puisqu'un certain nombre de sujets nous échappent, et qu'il ne traite pas ceux sur lesquels il pourrait avoir prise. Nous partageons votre proposition sur la fraude à la TVA. Mais même si quelques moyens supplémentaires sont alloués, cela ne suffira pas pour que l'administration fiscale et le ministère de la justice s'attaquent à ce fléau. Il reste des trous dans la raquette.
Depuis quelques jours, le suspense est grand sur l'avenir du verrou de Bercy. Vous avez mentionné notre proposition de loi et la mission d'information de l'Assemblée nationale. Vous nous proposez de le supprimer, mais de manière extrêmement restreinte, car vos critères sont cumulatifs. Cela ne peut nous satisfaire. Le nombre de dossiers transmis automatiquement au Parquet serait très faible, le reste relèverait du libre arbitre de l'administration. L'Assemblée nationale avait une lecture non cumulative des critères : la pénalisation était prévue en cas de fraude aggravée, récidive ou pour des sommes importantes. Nous restons sur notre faim ; la suppression du verrou de Bercy est indispensable. Un tri doit être fait sous le contrôle du juge, et dans une coopération renforcée. Chaque critère devrait conduire à des poursuites pénales, en raison des montants importants : cela nuit au contrat social.
M. Éric Bocquet. - C'est étrange, voilà un Gouvernement qui n'attend pas le scandale pour prendre des mesures ! Le texte me laisse aussi sur ma faim, avec de grands absents, comme la fiscalité des GAFA, le verrou de Bercy. La liste des paradis fiscaux est une mascarade absolue. Le texte veut même renforcer les moyens en matière de police fiscale, alors que six directions nationales s'occupent déjà du sujet. La police fiscale ne règlera pas tout. Bruno Parent, directeur général des finances publiques, nous rappelait que 30 000 emplois avaient été supprimés en vingt ans. En embaucher quelques dizaines ne le contrebalancera pas. Le projet de loi se saisit du sujet par quelques petits bouts. Nos amendements y remédieront. Le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste déposera une vingtaine d'amendements en séance publique.
M. Marc Laménie. - J'approuve l'analyse d'Éric Bocquet sur l'insuffisance des moyens humains. Donnons-nous les moyens de réussir ! Quelles autres administrations que la DGFiP et les douanes seraient concernées ? Quelle coopération est réalisée avec l'Union européenne, avec quelle efficacité ?
Mme Nathalie Goulet. - Nous sommes plusieurs sénateurs à être experts comptables, avocats... Nous pourrions être mis en difficulté si nous sommes obligés de nous déporter à de multiples reprises, alors que nos ordres vont nous assaillir de propositions d'amendements que nous ne pourrons défendre. Comment se positionner ? Il faudrait en parler au déontologue.
M. Bernard Lalande. - La fraude fiscale, ce n'est pas une déclaration de vertu. Les propositions du rapporteur sur l'économie numérique et la responsabilité solidaire des plateformes sont très intéressantes. Nous avions proposé un abattement de 3 000 euros : le travail de notre commission est entendu par le Gouvernement. Je soutiendrai presque totalement ces amendements pragmatiques et d'application simple. Je partage également les interrogations de Nathalie Goulet.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Essayons d'avoir une position la plus unanime possible sur l'économie numérique, cela finit par marcher ! Des solutions pragmatiques fonctionnent à l'étranger. Ce n'est pas simplement une question de fraude, mais aussi de concurrence déloyale par rapport aux commerçants s'acquittant de toutes leurs obligations, et détruit le tissu économique ; soyons fermes sur ce sujet !
S'agissant du « verrou de Bercy » et de son évolution, il faut bien relire les décisions du Conseil constitutionnel : la possibilité de poursuivre à la fois au pénal et sur le plan administratif est exceptionnelle, et permise à condition que les poursuites pénales soient réservées aux cas les plus graves. C'est au législateur de fixer le seuil. Ancien président de conseil départemental pendant près de vingt ans, j'ai pu voir les limites de l'action du parquet sur la fraude sociale ; je crains que les dossiers soient traités différemment d'une juridiction à l'autre. La justice ne s'intéresse pas beaucoup à la fraude fiscale, et rechigne à infliger une amende si la personne a déjà subi une majoration de 80 %. Il faudra qu'elle traite les bons dossiers - les plus graves -mais cela ne fera pas moins de dossiers. Actuellement, près de 1 000 dossiers sont transmis au pénal. Avec les trois critères cumulatifs, cela aurait représenté 1 396 dossiers en 2015, 1 356 en 2016 et 1 262 en 2017. Mais au pénal, il faut prouver l'intention - cela fait peu débat en cas de fraude à 80 %, de récidive ou de fraude aggravée.
Je partage l'avis d'Éric Bocquet sur les GAFA et la fraude internationale. Nous attendons vos amendements.
L'Union européenne organise une coopération en matière d'échanges de données fiscales. Elle aurait pu émettre des propositions sur l'évasion fiscale et la fiscalité numérique, mais se heurte à la règle de l'unanimité en matière fiscale.
Nous partageons tous l'interrogation de Nathalie Goulet. Si je devais appliquer à la lettre les règlements en tant que rapporteur général - je paie la taxe foncière et l'impôt sur le revenu - je devrais me déporter durant la totalité de l'examen du projet de loi de finances ! De même, les médecins ne pourraient plus déposer d'amendements sur la médecine, les agriculteurs sur l'agriculture... La frontière se situe entre la défense de l'intérêt collectif d'une profession et la défense, ad hominem, d'un cas particulier.
M. Emmanuel Capus. - Avocat moi-même, je souhaiterais vous faire bénéficier de mon expérience professionnelle : dès lors qu'on ne défend pas un intérêt privé, il n'y a pas de conflit d'intérêt lorsqu'on défend le principe même du droit à la défense.
Déterminer dans la loi des critères pour la transmission au parquet évite certes des petits arrangements au sein de Bercy, mais cela les transfère au parquet. Il y aura une absence totale de transparence des poursuites. On transfère le problème d'un spécialiste à un autre.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Dont acte.
Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis de la commission des lois. - Vous avez délégué à la commission des lois l'examen au fond des articles 1er, 8 et 9 du projet de loi. Nous nous sommes également saisis pour avis de l'article 5.
Les articles sur lesquels la commission des lois a dû se prononcer concernent la procédure pénale. Les poursuites pénales sont réservées, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, aux cas de fraude fiscale les plus graves au regard du montant des droits éludés, de la nature des agissements et des circonstances de l'affaire. Un consensus s'établit autour de l'exemplarité des dossiers qui doivent être poursuivis.
J'entre dans le détail des quatre articles en expliquant le cheminement de la commission des lois.
L'article 1er vise à autoriser la création, au sein du ministère du budget, d'un nouveau service à compétence nationale chargé de mener des enquêtes judiciaires en matière de fraude fiscale.
Pourtant, depuis 2010, procureurs et juges d'instruction peuvent s'appuyer sur une Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF). Dépendante du ministère de l'intérieur et co-administrée par Bercy, cette brigade associe des officiers de police judiciaire (OPJ) et des officiers fiscaux judiciaires (OFJ). Elle peut ainsi mettre en oeuvre les techniques d'investigation de la police judiciaire (écoutes, filatures, balises, etc.) et bénéficier d'une expertise pointue en matière fiscale, avec des agents rompus au contrôle fiscal. Cette brigade, qui est originale par sa mixité de fonctions, comprend environ quarante personnes qui peuvent s'appuyer sur l'ensemble du maillage territorial de la police judiciaire, soit environ 5 700 personnes.
Le Conseil d'État précise dans son avis qu'un second service d'enquête judiciaire fiscale hors du ministère de l'intérieur serait concurrent du premier. Il dit ne pas comprendre pourquoi, dans un souci de bonne administration, n'est pas retenue l'option consistant à renforcer le service existant.
La commission des lois est également peu convaincue du bien-fondé de la création d'une nouvelle police, celle de Bercy, alors que la BNRDF a déjà pour mission de mener des enquêtes fiscales. Il nous semble plus simple, plus sain et plus efficace de doter la BNRDF de moyens supplémentaires que de créer un nouveau service, qui risque d'alimenter une guerre des polices, préjudiciable à l'efficacité de l'action publique, et qui risque de faire fi de la nécessaire coordination que nécessite ce type de dossiers complexes. La commission des lois vous propose donc de supprimer cet article.
L'article 5 a été largement évoqué par Albéric de Montgolfier. La commission des lois estime que le dispositif proposé est satisfaisant, en ce qu'il permet de rétablir la règle qui était en vigueur jusqu'en 2010, tout en la conciliant avec le principe d'individualisation des peines.
L'article 8 traite de l'alourdissement des amendes prévues en cas de fraude fiscale. L'article 1741 du code général des impôts prévoit que les personnes physiques condamnées pour fraude fiscale encourent une peine de 5 ans d'emprisonnement et de 500 000 euros d'amende ; en cas de fraude fiscale aggravée, les peines sont portées à 7 ans d'emprisonnement et à 3 millions d'euros d'amende. Pour les personnes morales, le montant de l'amende est cinq fois plus élevé, soit 2,5 millions d'euros, et 15 millions d'euros en cas de fraude aggravée. Quoique d'un niveau élevé, ces peines d'amende se révèlent insuffisamment dissuasives face à certaines fraudes.
C'est pourquoi le projet de loi prévoit que le montant de l'amende puisse être porté au double du produit tiré de l'infraction. Pour les personnes morales, compte tenu du principe figurant à l'article 131-38 du code pénal, le montant de l'amende pourrait atteindre le décuple du produit de l'infraction. La commission des lois ne peut qu'encourager la commission des finances à suivre cette disposition, qui, si le juge s'en empare, rendra les amendes pour fraude fiscale plus dissuasives.
Enfin, l'article 9 vise à étendre la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CRPC, à la fraude fiscale. Le plaider-coupable a été introduit dans notre code de procédure pénale en 2004. Il est applicable à une personne majeure qui reconnaît avoir commis un délit - sont donc exclus les crimes et les contraventions. L'avantage est une réponse pénale beaucoup plus rapide pour les infractions reconnues par leur auteur. Le procureur commence par faire une proposition ; si la personne poursuivie accepte la peine proposée, s'ouvre une phase d'homologation auprès du président du tribunal de grande instance. Un procès long est évité, le dossier est clos en quelques mois sans effacer pour autant la culpabilité de l'auteur. Il s'agit d'un outil que le juge peut utiliser ; il conserve néanmoins la liberté de refuser de transiger lors de l'audience publique. Alors la procédure reprend son cours. La commission des lois vous propose d'accepter cette mesure.
Souhaitant compléter la boîte à outils dont dispose la justice, en lien avec une proposition pertinente de nos collègues députés Émilie Cariou et Éric Diard dans leur rapport sur ce sujet, la commission des lois vous propose d'étendre à la fraude fiscale la possibilité de conclure une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP).
La conclusion d'une telle convention par une personne morale est possible sur proposition du procureur. Elle implique de verser au trésor public une amende d'intérêt public et de mettre en oeuvre un programme de mise en conformité. La convention doit être obligatoirement homologuée par un juge, qui doit également en faire publicité via un communiqué de presse.
Déjà autorisée pour le blanchiment de fraude fiscale, la CJIP a été utilisée avec succès par le parquet national financier pour traiter certains dossiers ; il est donc cohérent de l'autoriser aussi pour la fraude fiscale.
Enfin, la commission des lois vous propose d'inscrire la jurisprudence Talmon dans la loi. Depuis 2008, la Cour de cassation considère que le parquet national financier et les parquets territoriaux peuvent engager des poursuites sur le fondement du blanchiment de fraude fiscale, le blanchiment étant considéré comme un délit distinct de la fraude. L'objectif de notre amendement est de sécuriser les procédures engagées depuis une dizaine d'années sur la base de cette jurisprudence, et d'inscrire définitivement cette dernière dans la loi.
EXAMEN DES ARTICLES
Article additionnel avant l'article 1er
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le 2° de l'amendement COM-21 me paraît déjà satisfait ; l'objet du 3° me semble hors du cadre du projet de loi. Si Nathalie Goulet acceptait de restreindre sa rédaction au 1°, donc de supprimer le 2° et le 3°, je serai favorable à son adoption.
Mme Nathalie Goulet. - J'accepte de le rectifier ainsi.
L'amendement COM-21 ainsi rectifié est adopté et devient article additionnel.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-22 me paraît satisfait par la décision « Société Export Press » du 2 décembre 2016. Je demande à Nathalie Goulet de bien vouloir le retirer.
L'amendement COM-22 est retiré.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-24 soulève une vraie question, qui fait partie d'un tout. Je souhaite que nous y retravaillions. En particulier, quid de la possibilité de prononcer des condamnations pénales alors même que le juge de l'impôt a rendu une décision favorable au contribuable ? Demande de retrait.
Mme Nathalie Goulet. - Beaucoup d'amendements sont liés à ces questions préjudicielles. Nous avons travaillé avec des magistrats.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ce travail n'est pas abouti, mais c'est un vrai sujet.
Mme Nathalie Goulet. - Nous les déposerons à nouveau en séance.
L'amendement COM-24 est retiré.
Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis. - La commission des lois a adopté les amendements de suppression COM-13 et COM-56.
Les amendements COM-13 et COM-56 sont adoptés et l'article 1er est supprimé.
En conséquence, l'amendement COM-12 devient sans objet.
Article additionnel après l'article 1er
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je demande à Nathalie Goulet de bien vouloir retirer l'amendement COM-26, afin que nous y retravaillions.
La Cour de cassation résiste à la décision du Conseil constitutionnel. En un mot, peut être condamné pour fraude fiscale un contribuable qui a été déchargé de toute imposition par le juge de l'impôt. Or, par définition, il n'y a pas de faute s'il n'y a pas d'impôt dû ! Il faut que nous trouvions une solution, qui pourrait passer, en effet, par l'instauration d'un renvoi préjudiciel.
L'amendement COM-26 est retiré.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-37 vise à harmoniser les amendes prévues en cas d'opposition au droit de communication à l'égard des éditeurs de logiciels de comptabilité, de gestion ou de caisse.
L'amendement COM-38 ouvre aux agents des douanes la possibilité de mettre en oeuvre les dispositions qu'utilisent déjà les agents du fisc en matière de contrôle des logiciels permissifs.
L'amendement COM-39 est un amendement de précision.
Les amendements COM-37, COM-38 et COM-39 sont adoptés.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 2
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Le Conseil constitutionnel a été saisi la semaine dernière d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le sujet dont traite l'amendement COM-25 ; je préfèrerais que nous attendions que la décision soit rendue. Peut-on prévoir que le délit en question soit puni de « dix ans » d'emprisonnement et non de « deux à dix ans » ? Il faut respecter le principe de proportionnalité ; trancher aujourd'hui me paraît un peu prématuré. Demande de retrait.
Mme Nathalie Goulet. - Je le redéposerai en séance. Je ne vois pas en quoi le sort de cet amendement devrait dépendre de celui de la QPC. C'est juste une question de délai.
M. Vincent Éblé, président. - Tel le phénix, l'amendement COM-25 renaîtra de ses cendres en séance.
L'amendement COM-25 est retiré.
Article 3
L'amendement COM-36 est adopté et l'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-40 est un amendement de cohérence et de simplification.
L'amendement COM-41 est important ; il vise à rendre obligatoire la collecte et la transmission des numéros de TVA des vendeurs de pays tiers sur les plateformes en ligne - je pense que vous allez tous y souscrire.
L'amendement COM-42 précise les informations qui doivent être communiquées par les plateformes pour permettre la bonne imposition des revenus et alimenter les déclarations pré-remplies.
L'amendement COM-43 vise à permettre à l'administration de distinguer, parmi les revenus déclarés par les plateformes, ceux qui sont tirés d'une activité à caractère commercial et ceux qui ne sont pas imposables.
Mme Nathalie Goulet. - Je suis très favorable à ces amendements. Il est quand même préférable de procéder ainsi plutôt que de taxer au kilomètre !
M. Vincent Éblé, président. - Certes ! Parlez-en à nos collègues du groupe de travail sur la revitalisation des centres-bourgs.
M. Didier Rambaud. - Je suis contre l'adoption de ces amendements.
Les amendements COM-40, COM-41, COM-42 et COM-43 sont adoptés.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-31 me semble satisfait par le b) du 2° du futur article 242 bis du code général des impôts, qui prévoit la transmission systématique obligatoire des éléments d'identification de l'utilisateur de la plateforme, notamment le numéro fiscal.
L'utilisateur, qui peut payer par PayPal, ne souhaite pas forcément que ses coordonnées bancaires soient transmises. Au titre des éléments d'identification exigibles, le numéro fiscal suffit. Demande de retrait.
L'amendement COM-31 est retiré.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-63 vise à corriger une erreur de référence.
L'amendement COM-63 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-44 est, au sein de cette série, l'amendement le plus important, sur la responsabilité solidaire des filiales des plateformes en matière de paiement des amendes.
L'amendement COM-44 est adopté.
L'amendement COM-10 rectifié est également adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 4
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-4 est déjà satisfait par le droit existant ; j'en demande le retrait.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je suis défavorable à l'adoption des amendements COM-6, COM-7 et COM-8.
Les amendements COM-6, COM-7 et COM-8 ne sont pas adoptés.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-45 vise à instituer un abattement forfaitaire minimal de 3 000 euros applicable aux revenus perçus par des particuliers via des plateformes en ligne. Je propose que l'amendement COM-34, qui va dans le même sens, soit retiré au profit de celui de la commission.
M. Vincent Éblé, président. - La différence entre les deux tient à l'ajout par Bernard Lalande, dans son amendement, d'un VII : « Les dispositions du présent article entrent en vigueur au 1er janvier 2019. »
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Rectifions l'amendement COM-34 afin qu'il devienne identique à l'amendement COM-45.
M. Bernard Lalande. - C'est d'accord.
L'amendement COM-34 est ainsi rectifié. Les amendements identiques COM-45 et COM-34 ainsi rectifiés sont adoptés et deviennent article additionnel.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-9 vise à supprimer le régime fiscal dérogatoire accordé à la Corse pour les produits du tabac. La fiscalité des tabacs est un sujet de loi de finances.
L'amendement COM-9 n'est pas adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-46, qui institue un régime de responsabilité solidaire des plateformes, est très important.
L'amendement COM-46 est adopté et devient article additionnel.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-47 est également important : il crée un mécanisme de « paiement scindé » (split payment) pour le prélèvement de la TVA à la source.
L'amendement COM-47 est adopté et devient article additionnel.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-48 vise à rendre solidairement responsables du paiement des amendes les filiales françaises des entreprises condamnées pour refus de communication de documents.
L'amendement COM-48 est adopté et devient article additionnel.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-49 vise à interdire aux plateformes d'effectuer des versements sur des cartes prépayées anonymes, du type de celles qui sont enregistrées à Chypre.
L'amendement COM-49 est adopté et devient article additionnel.
Article additionnel avant l'article 5
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-14 me semble déjà satisfait par le droit existant : le délai de reprise peut être prolongé en cas de non-déclaration d'avoirs à l'étranger ou de revenus provenant d'ETNC, d'États et territoires non coopératifs, en vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.
L'amendement COM-14 est retiré.
Article 5
L'article 5 est adopté sans modification.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-60 vise à confier à la commission des infractions fiscales le soin de donner un avis à l'administration lorsque celle-ci envisage de rendre publiques des sanctions administratives. Pas la peine de créer une commission spécifique ! Qui dit commission dit locaux, président, etc.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Nous proposons, nous, de supprimer la commission des infractions fiscales. Nous nous abstiendrons donc sur cet amendement.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Vous comptez envoyer 100 000 dossiers à la justice ?
Mme Sophie Taillé-Polian. - Pas 100 000, 4 000 ! Nous aurons le débat en séance.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Oui ! Nous discuterons du verrou de Bercy en séance.
Les amendements COM-1, COM-17 et COM-18 seraient satisfaits par l'adoption de l'amendement COM-60.
L'amendement COM-60 est adopté ; l'amendement COM-1 n'est pas adopté ; les amendements COM-17 et COM-18 sont retirés.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous sommes d'accord pour permettre à l'administration fiscale de rendre publiques les sanctions administratives qu'elle prononce, mais à condition que ces dernières soient devenues définitives. Sinon, imaginez la catastrophe pour une société cotée qui, confrontée à un tel cas de figure, ferait un recours qui s'avèrerait victorieux ! Les effets de la publication de la sanction, à savoir, par exemple, une baisse de sa cotation en bourse, ne pourraient être effacés.
Tel est l'objet de l'amendement COM-50, ainsi que de l'amendement COM-19, qui lui est quasi identique.
L'amendement COM-50 est adopté ; l'amendement COM-19 est retiré.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - S'agissant de l'amendement COM-32, les sanctions administratives, aujourd'hui, sont toutes publiées par voie électronique.
Mme Sophie Taillé-Polian. - L'idée est de suivre l'avis du Conseil d'État, qui demande de limiter cette disposition aux personnes morales, mais de mettre en oeuvre une mesure vraiment dissuasive, qui permette d'attaquer les marques. La publicité doit donc être importante.
Nous sommes d'accord pour préciser que la publication ne pourra être réalisée qu'une fois la sanction devenue définitive.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - C'est le minimum !
Mme Sophie Taillé-Polian. - Nous ne souhaitons pas que soient mises sur la place publique des décisions qui seraient encore susceptibles d'être remises en cause.
Ceci dit, pour que la mesure ait toute sa portée, il faut veiller à ce que la publicité soit large.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Prenez les décisions de l'AMF, l'Autorité des marchés financiers ; elles ne sont publiées que sur le site de l'AMF, mais je vous assure que la presse les reprend systématiquement. L'annonce dans le journal du coin ne s'impose peut-être pas ! C'est pourquoi je suis plutôt défavorable à l'adoption de cet amendement.
M. Jérôme Bascher. - Cette disposition me semble risquée !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Quant à l'amendement COM-20, je suis défavorable à son adoption. En l'état, la disposition proposée me semble impossible à appliquer.
Mme Nathalie Goulet. - Le texte prévoit que la publication disparaît au bout d'un an, ce qui me semble totalement illusoire.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La publication sera retirée du site de l'administration fiscale. La question du droit à l'oubli est une vraie question.
Les amendements COM-32 et COM-20 ne sont pas adoptés.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 6
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-2 est satisfait. Demande de retrait.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Pour éviter que les intermédiaires n'intègrent dans leurs prix le montant éventuel de l'amende prévue, qui ne nous semble pas extrêmement important, il convient de rendre les intermédiaires solidaires des véritables responsables de la fraude, comme cela est déjà proposé pour les éditeurs de logiciels.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Juridiquement, je m'interroge. Peut-on appliquer deux amendes à un tiers ?
Mme Sophie Taillé-Polian. - Il s'agit de créer le même dispositif que celui instauré pour les éditeurs à l'article 2.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous aurons le débat en séance.
M. Vincent Éblé, président. - Cela permettra un débat plus approfondi.
L'amendement COM-33 n'est pas adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - S'agissant de l'amende visant un tiers ayant fourni une prestation permettant la commission par un contribuable d'agissements sanctionnés, d'accord, mais à condition que la sanction principale visant son client soit devenue définitive.
L'amendement COM-15 serait satisfait par l'adoption de l'amendement COM-51.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Quid du terme « notamment » ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous supprimons ce terme, qui n'a rien à faire dans la loi. Depuis quand met-on des illustrations dans la loi ? Nous ne sommes pas en train de faire de la peinture ! La définition qui demeurera est très large : « tout procédé destiné à égarer l'administration », de sorte que nous ne réduisons pas la portée du dispositif.
M. Vincent Éblé, président. - Laissons les « notamment » aux littérateurs !
L'amendement COM-51 est adopté ; l'amendement COM-15 est retiré.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Pour ce qui concerne l'amendement COM-16, je suis défavorable à ce que diffèrent les délais de prescription applicables respectivement en matière fiscale et en matière sociale.
L'amendement COM-16 n'est pas adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-52 est un amendement de précision sur la date d'entrée en vigueur du présent article.
L'amendement COM-52 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 8 (délégué)
L'article 8 est adopté sans modification.
Article additionnel après l'article 8
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'impôt sur le revenu étant calculé sur la base du foyer fiscal, l'amendement COM-3 est contraire au principe d'individualisation des peines.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis. - La commission des lois vous propose de ne pas adopter l'amendement COM-11, qui vise à revenir sur le principe du « plaider-coupable ». Elle vous propose en revanche d'adopter l'amendement COM-59, qui est purement rédactionnel.
L'amendement COM-11 n'est pas adopté ; l'amendement COM-59 est adopté.
L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 9
Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis. - Il s'agit, via les amendements COM-57 et COM-58, d'étoffer la boîte à outils du juge en autorisant le recours à la procédure de convention judiciaire d'intérêt public et en inscrivant dans la loi l'arrêt Talmon sur l'auto-saisine du parquet sur le fondement du blanchiment de fraude fiscale.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - J'y suis favorable.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Nous sommes extrêmement réticents sur la CJIP ; nous nous abstiendrons sur l'amendement COM-57.
En revanche, ancrer dans la loi la jurisprudence Talmon nous semble positif ; nous voterons donc pour l'amendement COM-58.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Pourquoi suis-je favorable à l'adoption de l'amendement COM-57 ? C'est qu'il est assez étonnant que la CJIP soit possible en matière de blanchiment de fraude fiscale mais non en matière de fraude fiscale. On nage en pleine hypocrisie ! Je vous rappelle, en outre, que de telles conventions sont conclues sur proposition du parquet et doivent être validées par le juge. Par cohérence, donc, je propose que nous adoptions cet amendement.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Il existe d'autres incohérences dans la loi : par exemple, il n'est pas nécessaire de prouver l'intentionnalité en matière de blanchiment. Il faut mettre en place un système véritablement dissuasif ; or la procédure de CJIP ne prévoit aucune reconnaissance de culpabilité, ce qui pose un problème de fond. Nous nous abstiendrons.
M. Éric Bocquet. - Nous nous abstiendrons également.
Les amendements COM-57 et COM-58 sont adoptés et deviennent articles additionnels.
Article 10
L'article 10 est adopté sans modification.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-53 vise à prendre en compte, pour l'établissement de la liste des ETNC, le critère de l'échange automatique d'informations. C'est le minimum !
L'amendement COM-53 est adopté ; l'amendement COM-54 de précision rédactionnelle est également adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-55 prévoit que l'arrêté de mise à jour de la liste des ETNC indique le motif justifiant l'ajout ou le retrait d'un territoire. Communiquer ce genre d'informations au Parlement me semble le minimum.
L'amendement COM-55 est adopté.
L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 11
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je suis défavorable à l'amendement COM-5.
L'amendement COM-5 n'est pas adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Tracfin enregistre environ 70 000 déclarations de soupçon par an et réalise un travail vraiment technique et approfondi. Il ne s'agit pas d'un filtre, mais d'un tri technique. Certaines banques se couvrent de manière systématique en envoyant chaque jour des déclarations de soupçon, y compris pour des retraits de 1 000 euros, donc pour des choses sans intérêt qui ne relèvent en aucun cas du parquet national financier. À défaut d'un tri, ledit parquet serait engorgé de la pire des façons. Discutez-en avec Éliane Houlette : il faut un tri, sans quoi le PNF sera débordé. Tracfin reçoit de tout, comme nous avons pu le constater, avec Michèle André, lors de la visite que nous avions effectuée !
Je ne suis donc pas favorable à l'amendement COM-30.
Mme Sophie Taillé-Polian. - L'article L. 561-31 du code monétaire et financier dispose aujourd'hui que le service « peut transmettre » les informations.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Votre amendement est donc satisfait !
Mme Sophie Taillé-Polian. - Cette proposition fait partie des pistes de réforme du rapport Cariou, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Il me semble utile que nous ayons ce débat.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La loi prévoit déjà que Tracfin peut transmettre ces informations au PNF et à l'administration fiscale. Tracfin fait partie de la communauté du renseignement. Cet organisme est extrêmement utile ; il a permis, dans un certain nombre d'affaires, notamment en matière de terrorisme, de reconstituer les circuits financiers. Mais la transmission d'une déclaration de soupçon ne fait pas forcément foi. Il faut un tri ! Tout ne relève pas de la fraude fiscale.
M. Bernard Lalande. - Tracfin reçoit des déclarations de soupçon. Lorsqu'on est un professionnel, avocat, notaire, expert-comptable ou banquier, et qu'on a un soupçon, on se décharge, en même temps qu'on déclare ce soupçon, d'une certaine responsabilité, ce qui ne veut pas dire que l'agissement en question est qualifié comme fait délictueux. Il faut donc être extrêmement prudent. Tracfin juge en opportunité s'il doit transmettre ou non les informations enregistrées, ce qui permet au professionnel d'émettre une déclaration de soupçon sans faire prendre de risque à son client. Ainsi une déclaration de soupçon n'est-elle pas une délation.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Je vais retirer cet amendement, et le redéposerai éventuellement en séance. Il y a un débat technique à avoir. L'article L. 561-31 du code monétaire et financier comprend une liste de personnes à qui Tracfin peut transmettre des informations. L'idée est de prévoir que, lorsque Tracfin juge qu'il faut transmettre certaines informations à l'administration fiscale, lesdites informations sont transmises au PNF. Il ne s'agit donc pas de créer une obligation, mais une possibilité.
L'amendement COM-30 est retiré.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'adoption de l'amendement COM-35 serait contraire au droit européen et au secret fiscal.
L'amendement COM-35 n'est pas adopté.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-61 vise à rétablir la faculté interdite par l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, donc à permettre à l'administration de transiger - sur les pénalités, bien sûr, jamais sur le principal - lorsqu'elle envisage de déposer plainte pour fraude fiscale. Il s'agit d'assurer le recouvrement des droits.
L'amendement COM-61 est adopté et devient article additionnel.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement COM-62 propose de supprimer le verrou de Bercy en lui substituant des critères transparents fixés par la loi. La décision du Conseil constitutionnel, en la matière, est très éclairante : il y est fait mention d'un critère de gravité, cette gravité s'appréciant notamment par rapport au montant des droits fraudés et à la nature des agissements - sont visées les manoeuvres frauduleuses révélant une intention.
Il faut donc des critères stricts, dont je propose qu'ils soient fixés par la loi. Dès lors que ces critères légaux sont remplis, l'administration est tenue de porter plainte. Je ne tiens pas à encombrer le parquet ; en revanche, je veux que les gros dossiers lui soient obligatoirement transmis, et que l'administration ne puisse pas les garder. D'après les simulations, 1 400 dossiers par an, les plus graves, seraient ainsi transmis, ce qui n'interdit pas de porter plainte pour des montants inférieurs.
S'agissant des amendements COM-27 et COM-28, je propose à Nathalie Goulet qu'elle les retire au profit du dispositif que j'ai présenté.
Quant à l'amendement COM-29, il me semble moins précis que le mien. Il me paraît préférable que les critères soient fixés par la loi, et qu'aucune discussion ne soit possible avec le parquet. La transmission obligatoire est prévue soit lorsque des pénalités d'au moins 80 % sont susceptibles d'être appliquées, ce qui correspond à des cas de fraude fiscale aggravée, soit en cas de récidive, sachant que l'administration peut porter plainte hors critère.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Sauf erreur de ma part, dans notre amendement, des critères sont prévus ; simplement, ils ne sont pas cumulatifs. Le dispositif que nous proposons nous semble à même de supprimer le verrou de Bercy de manière vraiment significative, ce qui ne veut pas dire 300 dossiers de plus, ni 100 000, d'ailleurs, mais 4 000.
L'amendement COM-29 supprime les quatre mots qui font le verrou de Bercy.
Mme Nathalie Goulet. - Je comprends que le rapporteur général préfère sa rédaction ; néanmoins, l'amendement COM-28 est compatible avec le sien. Son adoption permettrait d' « agrandir le parapluie » en ajoutant des conditions.
M. Vincent Éblé, président. - Mes chers collègues, par souci de clarté, je vous propose que nous nous prononcions sur l'amendement COM-62 du rapporteur général ; nous débattrons aussi de vos propositions dans l'hémicycle. Si vous pensez devoir préciser le texte de la commission, vous le ferez.
M. Didier Rambaud. - Notre groupe s'abstient sur cet amendement.
L'amendement COM-62 est adopté et devient article additionnel.
Les amendements COM-27 et COM-28 sont retirés ; l'amendement COM-29 n'est pas adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis
La commission demande à se saisir pour avis du projet de loi constitutionnelle n°911 (A.N. XVe lég.) pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, sous réserve de sa transmission, et nomme M. Albéric de Montgolfier rapporteur pour avis.
Mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu - Communication (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.
La réunion est close à 12 h 50.
La réunion est ouverte à 14 h 35.
Audition de M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, préalable au débat d'orientation des finances publiques (DOFP), sur le rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques
M. Vincent Éblé, président. - Nous recevons cet après-midi Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques.
Ce rapport préliminaire de la Cour, établi en application de l'article 58-3° de la loi organique relative aux lois de finances, est en principe conjoint au dépôt du rapport du Gouvernement sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, que nous attendons pour les prochains jours.
Je remercie donc le Premier président d'avoir bien voulu venir devant notre commission le jour même de la présentation du rapport de la Cour, pour nous en présenter les principales conclusions et orientations. Cet éclairage nous sera particulièrement utile pour préparer le débat d'orientation des finances publiques, qui se tiendra le jeudi 12 juillet dans notre hémicycle.
Didier Migaud est accompagné de Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour, et de Roch-Olivier Maistre, rapporteur général.
Notre réunion est ouverte aux membres de la commission des affaires sociales, particulièrement intéressés comme nous-mêmes aux enjeux des finances publiques, et je salue à cet égard la présence de notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de cette commission.
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Je suis heureux de vous faire part des conclusions du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.
J'ai à mes côtés Raoul Briet et Roch-Olivier Maistre, présidents de chambre, ainsi que les magistrats chargés de la préparation de ce rapport : Éric Dubois, Vianney Bourquard et Vladimir Borgy, rapporteurs, ainsi que Christian Charpy, contre-rapporteur.
Après le rapport sur le budget de l'État, que j'ai eu l'occasion de vous présenter il y a un mois, et avant les travaux portant spécifiquement sur les finances locales et sur celles de la sécurité sociale, qui seront présentés à l'automne, ce rapport fait le point sur l'évolution d'ensemble des finances publiques.
Établi chaque année en application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), il est en effet destiné à nourrir votre débat sur les orientations des finances publiques, qui se tiendra très bientôt au Parlement.
Dans cette perspective, le rapport propose une photographie de la situation de départ, c'est-à-dire de la situation de 2017, et une analyse des risques qui pèsent sur le respect de la trajectoire fixée par les pouvoirs publics pour l'année en cours et pour la période 2019 à 2022.
Particularité de cette année, vous trouverez dans le rapport un exercice rétrospectif que je crois inédit, portant sur la manière avec laquelle la France a traversé dix ans de crise financière et économique, entre la crise dite des « subprimes » et celle des dettes souveraines des pays de la zone euro.
En définitive, notre instruction nous a conduits à formuler quatre constats.
Tout d'abord, l'année 2017 a été caractérisée par une nette réduction du déficit, obtenue grâce au dynamisme des prélèvements obligatoires dû à l'accélération de l'activité économique et malgré une sensible augmentation des dépenses.
Deuxième constat : même si le déficit est revenu, en 2017, à un niveau comparable à celui du milieu des années 2000, il ne s'agit pas d'un retour à la situation antérieure et l'état des finances publiques s'est profondément détérioré dans l'intervalle.
Troisième constat : la prévision de déficit pour 2018 apparaît atteignable, même si la Cour observe un risque de dépassement modéré.
Enfin, de fortes incertitudes entourent à la fois la construction de la trajectoire des finances publiques et l'atteinte des objectifs qu'elle a fixés pour les années 2019 à 2022.
Je vais à présent revenir brièvement sur chacun de ces points.
S'agissant tout d'abord de la situation de 2017, la Cour observe que le retour à un déficit inférieur à 3 points de PIB a été obtenu grâce à l'augmentation des recettes et malgré une hausse de la dépense publique plus forte qu'au cours des années précédentes.
Vous le savez, le déficit public a nettement diminué en 2017, de 0,8 point de PIB. Il s'est établi à 2,6 points de PIB, contre 3,4 points de PIB en 2016.
Ce résultat se situe 0,1 point en dessous de la cible prévue par la loi de finances initiale (LFI) pour 2017 et 0,6 point en dessous du niveau que la Cour avait estimé susceptible d'être atteint, dans l'audit remis au Premier ministre en juin 2017, sans mesure de correction de la trajectoire. Cette estimation se fondait sur les prévisions de croissance disponibles à l'époque - je reviendrai sur ce point.
Le solde structurel, c'est-à-dire le solde qui ne prend pas en compte l'évolution de la conjoncture, s'est, quant à lui, réduit beaucoup moins nettement en 2017, à hauteur de 0,3 point de PIB.
Après plus de neuf ans, cette amélioration notable a permis à la France de sortir de la procédure de déficit excessif le 22 juin dernier, ce dont la Cour ne peut évidemment que se réjouir. Je rappelle d'ailleurs que notre pays était, avec l'Espagne, le dernier pays concerné par cette procédure européenne.
Au-delà de cette évolution globale satisfaisante, je voudrais vous faire part de deux analyses de la Cour permettant de comprendre en profondeur les déterminants de la situation financière de 2017.
Tout d'abord, la proximité entre le solde prévu dans la loi de finances initiale (LFI) et le solde constaté effectivement pour 2017 masque des différences majeures entre la construction de la LFI et sa réalisation. Deux soldes proches ne recouvrent pas forcément des situations équivalentes.
Les recettes comme les dépenses effectives se sont en effet avérées bien supérieures aux estimations de la LFI, quoique pour des raisons différentes.
Les recettes fiscales avaient été sous-estimées parce que l'amélioration de la conjoncture n'a été réellement perceptible que progressivement au cours du second semestre de 2017.
Établie à 1,5 % au printemps 2017 et donc au moment où la Cour a rendu public son audit, la prévision de croissance a ainsi été relevée plusieurs fois, jusqu'à ce que l'Insee évalue cette dernière à 2,2 % en février 2018.
C'est d'ailleurs sur ce point, et exclusivement sur ce point, que porte l'écart entre les prévisions formulées par la Cour dans son audit de juin 2017, et les évolutions effectivement constatées.
S'agissant des dépenses, de nombreuses sources d'augmentation avaient été sous-estimées dès l'origine. J'ai eu l'occasion, lors de la présentation du rapport sur le budget de l'État il y a un mois, de revenir en détails sur les sous-budgétisations que la Cour avait constatées en examinant la loi de finances initiale.
En définitive, la nette amélioration du solde public en 2017 est essentiellement imputable à la dynamique des prélèvements obligatoires, dont la progression s'est avérée supérieure au PIB sous l'effet de la forte accélération de l'activité qu'il a été possible de constater à partir du second semestre.
Cette amélioration résulte également, dans une moindre mesure, d'économies sur des éléments dont l'évolution à court terme ne dépend pas des décisions des pouvoirs publics, comme la charge d'intérêts et le prélèvement sur recettes au bénéfice de l'Union européenne.
En ce qui concerne le solde structurel, dont je rappelle qu'il a été réduit de 0,3 point de PIB contre une baisse de 0,8 point de PIB du solde nominal, l'amélioration tient en totalité à une élasticité élevée des recettes au PIB, à hauteur de 1,4, tandis que l'effort en dépenses, qui correspond à la variation structurelle des dépenses rapportées au PIB, a été nul.
En effet, et c'est le second élément que je voudrais souligner, l'amélioration a été obtenue malgré une augmentation de la dépense plus forte que la moyenne des années précédentes, en dépit des efforts qui ont été engagés par le Gouvernement pour freiner en cours d'année les dépenses de l'État.
En dehors des facteurs exogènes que j'évoquais à l'instant, la charge d'intérêts et la contribution à l'Union européenne, il apparaît ainsi que la dépense a augmenté de 1,5 % en volume en 2017, soit un rythme sensiblement plus élevé que le rythme moyen des années 2012 à 2016, à savoir 1,1 %. Auparavant, c'était encore plus élevé : 1,8 % entre 2007 et 2011 et 2,4 % entre 1998 et 2007.
Un déficit nominal réduit n'est donc pas forcément le signal d'une situation durablement assainie, et l'amélioration constatée en 2017 n'autorise aucun relâchement des efforts.
En témoignent trois éléments à garder à l'esprit.
D'abord, la baisse du déficit et le retour à une croissance économique plus soutenue n'ont toujours pas permis de réduire ou même de stabiliser la dette publique rapportée au PIB, passée de 96,6 points de PIB en 2016 à 96,8 points de PIB en 2017. Cela rend nos finances publiques d'autant plus sensibles au risque de remontée des taux d'intérêt.
Ensuite, le déficit public de la France, effectif comme structurel, reste plus élevé que celui de la plupart de nos partenaires européens, plusieurs d'entre eux, dont l'Allemagne, présentant même des excédents.
Enfin, le déficit structurel, de 2,1 points de PIB selon les estimations de la Commission européenne, reste très supérieur à l'objectif de moyen terme que s'est fixé la France en application du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne, à savoir 0,4 point de PIB.
Cet écart la place au troisième rang des pays ayant le plus à réduire leur solde structurel pour respecter leur objectif de moyen terme, les deux premiers étant l'Italie et l'Espagne.
J'en viens au deuxième message, qui porte sur l'analyse des finances publiques françaises, dix ans après la crise financière de 2008.
Le retour à un niveau de déficit comparable à celui de 2007 n'est pas un retour à la situation d'avant la crise.
En dix ans, la situation de nos finances publiques s'est sensiblement dégradée, dans l'absolu et relativement à celle de nos partenaires européens, même si les effets de la crise ont été variables selon les catégories d'administrations publiques.
Après neuf ans au-dessus de 3 points de PIB, le déficit public est revenu à son niveau de 2007. Cette similitude ne doit pas dissimuler l'écart entre les deux situations.
Entre 2007 et 2017, les prélèvements obligatoires et les dépenses, hors crédits d'impôts, rapportés au PIB, ont augmenté chacun de 3 points.
La dette publique, qui était à peine au-dessus du seuil de 60 points de PIB en 2007, a, quant à elle, augmenté de 32,3 points, pour atteindre 96,8 points de PIB en 2017.
La situation de la France ne s'est pas détériorée que dans l'absolu : elle s'est détériorée également en comparaison avec celle de ses partenaires européens.
Ces derniers n'ont en effet augmenté le poids de leurs recettes et de leurs dépenses dans le PIB que de 1,1 point en moyenne, et celui de leur dette de 25,6 points. La France est l'un des deux seuls pays de la zone euro dont la dette publique croît encore en 2017 - le second étant le Luxembourg, dont la dette représente à peine 20 % du PIB...
Cette appréciation d'ensemble recouvre des situations variables selon les catégories d'administrations publiques.
Au cours des dix dernières années, les efforts de maîtrise des dépenses sociales, en particulier en matière de retraite et d'assurance maladie, ont été réels, mais insuffisants pour empêcher une augmentation des dépenses équivalent à 2,4 points de PIB - soit la plus forte hausse au sein des administrations publiques.
Mais la forte augmentation de leurs recettes, due à la fois aux mesures de hausse des prélèvements obligatoires, au dynamisme relatif de leur assiette et à des transferts de l'État, a permis aux administrations sociales de retrouver un solde comparable à celui de 2007.
Après une forte augmentation entre 2007 et 2013, les dépenses des administrations publiques locales (APUL) ont, quant à elles, été freinées à partir de 2014 sous la contrainte de la baisse des dotations de l'État. Ce ralentissement a davantage porté sur les dépenses d'investissement, en baisse de près de 0,5 point de PIB entre 2007 et 2017, que sur les dépenses de fonctionnement, en hausse de 0,5 point de PIB en dix ans.
En dépit de la réduction des concours financiers de l'État, les recettes des administrations publiques locales ont cru plus vite que le PIB, grâce au dynamisme de l'assiette de leurs prélèvements obligatoires. En définitive, leur solde s'est amélioré par rapport à 2007.
Enfin, les dépenses de l'État et de ses opérateurs ont été en apparence mieux maîtrisées : mesurées à périmètre constant, elles ont baissé de 0,1 point de PIB en dix ans. En apparence seulement, car en mettant de côté la charge d'intérêts et les prélèvements sur recettes au bénéfice de l'Union européenne, qui ont connu une forte baisse, leurs dépenses ont augmenté de 0,7 point de PIB.
Par ailleurs, les recettes de l'État ont été peu dynamiques au cours de la période. Cela s'explique par une assiette des prélèvements obligatoires moins favorable en situation économique dégradée et par d'importants transferts de recettes au profit de la sécurité sociale.
Au total, c'est donc l'État qui a supporté la majeure partie des effets de la crise sur les recettes publiques. Son solde s'est dégradé de 0,5 point en dix ans.
Voilà pour la photographie de la situation actuelle, considérée au regard de l'évolution des dix dernières années. La Cour s'est également penchée sur les risques qui pèsent sur le respect de la trajectoire fixée par les pouvoirs publics pour l'année en cours et pour la période 2019 à 2022.
S'agissant tout d'abord de 2018, je rappelle que le programme de stabilité remis à la Commission en avril dernier retient une prévision de déficit public de 2,3 points de PIB, en amélioration de 0,3 point de PIB par rapport au résultat de 2017. Nous considérons que la prévision de déficit est atteignable, avec toutefois un risque de léger dépassement.
Pour commencer, la prévision de recettes apparaît plausible, quoiqu'un peu élevée.
Le Programme de stabilité retient en effet une prévision de croissance du PIB de 2,0 % en 2018, qui paraît aujourd'hui un peu forte au vu des informations conjoncturelles parues depuis avril.
Dans sa dernière note de conjoncture, l'Insee retient une prévision de croissance plus faible que celle du programme de stabilité, à 1,7 % pour 2018. Ce tassement constitue évidemment un aléa pour l'évolution des recettes en 2018 et plus encore, s'il se confirmait, pour 2019.
En outre, le programme de stabilité suppose une croissance spontanée des prélèvements obligatoires un peu supérieure à celle du PIB en valeur, qui se traduirait par une élasticité au PIB de 1,1, soit un niveau proche de sa moyenne historique, après 1,4 en 2017.
Cela paraît atteignable, sous réserve cependant que certains facteurs favorables de 2017 continuent de se manifester en 2018, notamment s'agissant de la TVA et de l'impôt sur les sociétés, ce qui n'est pas garanti dans un contexte de moindre dynamisme de l'activité.
Après les recettes, la Cour a observé les prévisions de dépenses. Le programme de stabilité prévoit une évolution de 0,6 % en volume hors crédits d'impôt, ce qui paraît également atteignable, même si, j'y reviendrai, une incertitude forte entoure l'évolution des dépenses des collectivités territoriales.
Trois éléments peuvent être soulignés.
En premier lieu, les risques de dépassement du budget de l'État par rapport à la loi de finances initiale sont bien plus faibles en 2018 - moins de 2 milliards d'euros - que lors des deux dernières années - plus de 5 milliards d'euros. Cela est dû aux efforts notables qui ont été entrepris cette année pour rendre le budget plus sincère. Sous réserve d'une gestion très stricte d'ici la fin de l'année, les dépassements devraient pouvoir être compensés par des économies identifiées en cours d'année et par l'annulation d'une partie des crédits mis en réserve.
Ensuite, la prévision des dépenses des administrations de sécurité sociale est réaliste.
Enfin, le principal risque concerne les dépenses des collectivités locales.
La prévision du programme de stabilité table en effet sur un net ralentissement des dépenses de fonctionnement - + 0,4 % en valeur après + 1,6 % -, sous l'effet du nouveau mécanisme de contractualisation entre l'État et les 322 plus grandes collectivités territoriales, mis en oeuvre en application de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022.
Si cet objectif n'apparaît pas hors de portée, comme le montre l'analyse par la Cour des budgets primitifs d'un large échantillon de collectivités territoriales, son atteinte est toutefois incertaine, compte tenu de la nouveauté de la démarche et de l'ampleur de l'ambition affichée.
L'objectif global de réduction du déficit semble donc atteignable. Mais je voudrais rappeler que même s'il se réalisait, il ne représenterait qu'une faible amélioration.
L'ambition de réduction du déficit nominal de 0,3 point de PIB correspond, du fait du niveau de la croissance attendue en 2018, à une cible de réduction du déficit structurel limitée à 0,1 point de PIB. Les pouvoirs publics se sont ainsi éloignés des règles européennes, qui prévoient une amélioration du solde structurel d'au moins 0,5 point par an.
Par ailleurs, même si cette baisse suppose un effort en dépense un peu supérieur à l'année précédente, l'objectif reste modeste et est en grande partie compensé par des mesures de baisse des prélèvements obligatoires.
L'amélioration attendue serait ainsi presque exclusivement imputable à la conjoncture.
Le dernier message du rapport porte sur les perspectives pour les années 2019 à 2022. Le rapport met en évidence à la fois les incertitudes qui entourent l'atteinte des objectifs fixés dans la loi de programmation des finances publiques et le programme de stabilité et les fragilités de construction de la trajectoire elle-même.
Vous le savez, une nouvelle loi de programmation, portant sur les années 2018 à 2022, est entrée en vigueur en janvier 2018. Le programme de stabilité déposé en avril s'inscrit dans son prolongement, en actualisant ses hypothèses macroéconomiques et sa trajectoire de finances publiques.
Il prévoit, à horizon 2022, le retour à un excédent des finances publiques et l'atteinte d'un solde structurel proche de l'objectif d'équilibre à moyen terme que la France s'est fixé en application du Traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).
Avant d'entrer dans le détail de la trajectoire, je voudrais formuler deux observations générales.
D'une part, la loi de programmation s'écarte des engagements européens de la France, en particulier en matière de redressement du solde structurel. L'observation formulée précédemment sur 2018 ne se limite en effet pas à cette année. La loi de programmation prévoit une amélioration annuelle du solde de 0,3 point, alors que le strict respect de nos engagements requerrait une amélioration annuelle d'au moins 0,5 point.
En outre, au-delà de l'introduction du mécanisme de contractualisation entre l'État et les 322 plus grandes collectivités territoriales, la loi de programmation ne retient aucune innovation significative en matière de gouvernance des finances publiques.
Au contraire, elle enregistre certains reculs par rapport aux dernières LPFP : à titre d'exemple, le plafond du montant total des dépenses fiscales est si élevé qu'il ne sera pas contraignant.
Pourtant, des pistes existent, qui ont été mises en évidence par la Cour à de nombreuses reprises et qui permettraient d'améliorer la portée et la cohérence des textes financiers et l'appropriation par tous des objectifs de maîtrise des dépenses.
Le périmètre général des lois financières pourrait ainsi être revu et clarifié. Celui des lois de financement de la sécurité sociale pourrait être étendu à l'ensemble de la protection sociale, et une loi de financement des collectivités locales pourrait aussi être envisagée.
Par ailleurs, un objectif pluriannuel de dépenses portant sur toutes les administrations publiques et décliné dans les différentes lois financières pourrait être institué pour compléter l'objectif portant sur le solde structurel et fournir un repère solide et aisément compréhensible au pilotage d'ensemble de nos finances publiques.
Enfin, je crois que la réactivation d'une instance du type de la conférence nationale des finances publiques permettrait d'associer utilement l'ensemble des acteurs à la définition des objectifs et des méthodes de maîtrise des dépenses publiques.
Au-delà de ces remarques générales, la Cour a relevé quatre grandes fragilités de la trajectoire des finances publiques.
Premièrement, elle repose sur une hypothèse de croissance optimiste pour toute la période, continûment supérieure à la croissance potentielle, ce qui ne s'est jamais produit sur une durée aussi longue.
Je l'ai déjà dit : le risque d'un tassement de la croissance est réel et est renforcé par des aléas internationaux comme l'évolution du commerce international, l'évolution du prix du pétrole et les fragilités constatées au sein de la zone euro. Ce ralentissement pourrait rendre plus délicat encore le freinage des dépenses tel qu'il est envisagé. Il est toutefois encore trop tôt pour avoir des certitudes : il y a de grands débats en cours parmi les économistes pour savoir s'il s'agit d'une simple pause.
Deuxièmement, la trajectoire de prélèvements obligatoires ne prend en compte qu'une partie des mesures annoncées, et n'intègre pas, notamment, la suppression totale de la taxe d'habitation. Supprimer cette taxe tout en respectant la trajectoire du programme de stabilité imposera donc soit de reporter ou d'abandonner certaines des mesures de baisse des prélèvements prévues à partir de 2020, soit d'accroître les économies en dépenses.
Troisièmement, la trajectoire suppose un net infléchissement de la croissance des dépenses. Une stabilisation puis une baisse en volume des dépenses (hors charge d'intérêts et contribution à l'Union européenne) entre 2020 et 2022 sont en effet nécessaires pour atteindre les cibles fixées par le programme de stabilité, alors que ces dépenses, je le rappelle, ont encore crû d'un peu plus d'1 % par an en moyenne au cours des cinq dernières années.
Le rythme d'évolution prévu pour les dépenses de l'État, qui suppose une baisse en volume des dépenses « pilotables » à partir de 2020, apparaît particulièrement exigeant.
S'agissant des dépenses sociales, compte tenu de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) retenu et du fait qu'aucune mesure d'économie n'est envisagée avant la réforme structurelle des retraites, l'atteinte de la cible nécessitera des efforts particulièrement significatifs sur les autres champs.
La prévision du programme de stabilité suppose enfin que les administrations publiques locales respectent un objectif de stricte maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement, à hauteur de 1,2 % en valeur par an, qui entraînerait une baisse en volume de 0,5 % à partir de 2020.
Alors même que la réalisation de l'objectif de dépenses est l'élément-clé de la trajectoire, les leviers de maîtrise de la dépense publique permettant de l'atteindre n'ont, à ce jour, pas été précisés. En particulier, les propositions du comité « Action publique 2022 » n'ont pas été rendues publiques et le Gouvernement n'a pas fait connaître les suites qu'il entendait leur réserver.
Enfin, et c'est la quatrième fragilité, l'amélioration prévue du solde de l'ensemble des administrations publiques repose sur l'hypothèse d'un plafonnement des excédents des administrations de sécurité sociale au profit du solde de l'État, et sur la constitution d'excédents de plus en plus importants pour les administrations publiques locales.
Le programme de stabilité suppose en effet que l'excédent des administrations de sécurité sociale soit plafonné en 2019 par des transferts de recettes vers l'État. Les modalités de mise en oeuvre de ces transferts, d'un montant important - de l'ordre d'un point de PIB en fin de période -, restent toutefois à préciser, alors même que les excédents de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) doivent être préservés pour lui permettre de résorber la dette et que le pilotage des soldes de l'Unédic et de l'Agirc-Arcco ne relève pas directement de l'État.
Surtout, le programme de stabilité prévoit que les administrations publiques locales dégagent un excédent constamment croissant et atteignant 0,7 point de PIB en 2022. Or, quand bien même elles respecteraient leur objectif de croissance des dépenses de fonctionnement, ces collectivités territoriales pourraient choisir d'accroître leurs investissements ou de baisser leur fiscalité plutôt que de laisser croître leurs excédents.
En définitive, compte tenu de la situation très contrastée des différentes catégories d'administrations publiques, la sécurisation de l'objectif de solde global rendra vraisemblablement nécessaire un réexamen du partage actuel des recettes et des charges entre l'État, les administrations de sécurité sociale et les collectivités territoriales.
Pour conclure, je voudrais insister sur la dégradation de la situation des finances publiques de la France au cours de la décennie passée. En 2017, notre situation restait moins favorable que celle de la plupart de nos partenaires européens, et le retour à un déficit inférieur à 3 points de PIB ne doit pas nous conduire à ignorer cette fragilité structurelle.
Pour restaurer durablement la soutenabilité de nos finances publiques, une action résolue sur la dépense publique doit encore être engagée. Cela nécessite de prendre « à bras le corps » les inefficacités et les inefficiences qui entravent encore trop souvent les politiques publiques. Les objectifs fixés par le Gouvernement sont tout à fait atteignables mais nécessitent des choix politiques clairs et un effort de pédagogie important.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. - Je partage très largement les analyses de la Cour des comptes. En particulier, je considère que nous avons été confrontés à deux facteurs d'anesthésie : la faiblesse, voire la baisse des taux d'intérêt, qui a fait oublier l'augmentation de la dette, et la très bonne élasticité des recettes, de 1,4, qui a permis une réduction des déficits.
Or les dernières prévisions de l'Insee font état d'un ralentissement de la croissance. Le Gouvernement devrait-il selon vous réviser à la baisse ses hypothèses de croissance à l'occasion du débat d'orientation sur les finances publiques ?
Par ailleurs, nous partageons votre analyse sur le programme « Action publique 2022 » : le Gouvernement a du mal à se dévoiler sur la question de la maîtrise de la dépense publique. Celle-ci reste à ce jour très peu documentée. L'une de nos collègues a interrogé le Gouvernement sur ce point lors d'une séance de questions d'actualité. Les réponses qui lui ont été apportées ne nous semblent pas satisfaisantes. Dans la mesure où, pour parvenir à maîtriser les dépenses publiques, le rabot ne suffira désormais plus, quelles sont, selon vous, les politiques publiques ou les catégories de dépenses qui devraient être ciblées en priorité ? S'agit-il des aides sociales, des concours de l'État aux collectivités territoriales, du logement, de l'audiovisuel public, etc. ? En effet, du fait de la probable moindre élasticité des recettes, il faudra réduire les dépenses.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Comme Albéric de Montgolfier, je partage largement le constat que vous établissez sur l'état de nos finances publiques. Je note en particulier, s'agissant des finances sociales, que vous proposez l'extension du périmètre de la loi de financement de la sécurité sociale à l'ensemble de la protection sociale. Cette évolution me semble en effet nécessaire. Par ailleurs, vos notez une amélioration du solde des administrations publiques, reposant sur un plafonnement des excédents des administrations de sécurité sociale au profit du solde de l'État. Cela pose la question des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Le Gouvernement devra apporter des éclaircissements sur ces deux points.
Le 18 juin dernier, à l'Assemblée nationale, vous avez demandé l'instauration d'un « temps fort de l'évaluation » au moment de la loi de règlement en précisant que la Cour des comptes y prendrait sa part en avançant la publication de ses rapports sur les finances publiques. Selon vous, ce « temps fort de l'évaluation » doit-il aussi concerner les finances sociales ? Dans la même logique, la révision institutionnelle en cours doit-elle, selon vous, aboutir à la mise en place d'une loi de règlement pour les finances sociales ?
Vous avez également plaidé pour une clarification des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Partagez-vous l'idée selon laquelle l'existence même d'un « trou » de la sécurité sociale, à laquelle nous avons été trop habitués au cours des dernières décennies, est inacceptable ? En d'autres termes, toute ponction de l'État sur les recettes de la sécurité sociale ne devrait-elle pas intervenir que si le remboursement de la dette de la sécurité sociale est assuré, voire même que celle-ci soit en situation d'équilibre structurel, pour ne pas voir se recréer un tel « trou » ?
M. Vincent Éblé, président. - Je souhaiterais poser deux questions d'ordre structurel.
Dans votre rapport, vous rappelez que les objectifs fixés par les différentes lois de programmation sont en pratique peu respectés et semblez regretter que ces dernières soient dépourvues de toute valeur prescriptive. Est-ce à dire qu'il faudrait que les lois de programmation des finances publiques s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale ?
Par ailleurs, vous recommandez la mise en place de lois de financement couvrant chacune des composantes des administrations publiques. Comment un projet de loi de financement des collectivités territoriales s'articulerait-il avec le projet de loi de finances ? Devrait-il être contraignant, au risque de susciter des réticences de la part des élus locaux ?
M. Didier Migaud. - Pour répondre à votre question, Monsieur le Président, il est utile d'ajuster, via la loi de finances de l'année, des objectifs qui ont pu perdre en pertinence du fait de l'évolution de la conjoncture. La difficulté à laquelle nous sommes confrontés, c'est que la loi de programmation des finances publiques ne constitue pas un cadre de référence suffisant. Il est possible de s'en écarter sans avoir à justifier ces écarts. Il conviendrait que lorsqu'une loi de finances s'écarte de la trajectoire fixée par la loi de programmation, cela soit argumenté et justifié. Cela suppose l'existence de clauses permettant d'officialiser les mesures de correction qui sont proposées par rapport à la loi de programmation. Il s'agit par conséquent de modifier l'articulation entre les lois de finances et les lois de programmation des finances publiques.
Il existe en outre une pluralité d'instruments en plus de la loi de programmation - le programme de stabilité, le budget triennal pour l'État, le traité européen, etc. - dont l'articulation pourrait être utilement clarifiée.
La pluriannualité constitue par ailleurs un concept utile. Envisager une politique publique sur une seule année peut manquer de sens. Il existe d'ailleurs des pays qui ont choisi de voter un budget tous les deux ans seulement.
D'éventuelles lois de financement des collectivités territoriales ne pourraient pas être de même nature que les lois de finances, du fait du principe de la libre administration des collectivités territoriales, même si celle-ci s'exerce dans le cadre des lois qui la règlementent.
Nous suggérons que cela prenne la forme d'un article de la loi de finances ou d'une loi spécifique, comme la loi de financement de la sécurité sociale, afin que le Parlement puisse discuter de l'évolution des comptes des collectivités territoriales au regard des orientations fixées dans la loi de programmation des finances publiques, dans la mesure où celles-ci rentrent dans le périmètre des administrations publiques (APU) et que l'État s'engage donc aussi pour elles vis-à-vis de ses partenaires européens.
Pour répondre au rapporteur général de la commission des affaires sociales, il nous apparaîtrait en effet utile de mettre en place une loi de règlement pour les comptes de la sécurité sociale. Celle-ci pourrait être discutée en même temps que le projet de loi de règlement et d'approbation des comptes de l'État. Cela permettrait au Parlement, avant le débat d'orientation sur les finances publiques, de disposer d'une vision documentée de l'ensemble des comptes publics. La Cour des comptes pourrait avancer la publication de ses rapports sur l'exécution du budget de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, afin de les mettre à la disposition de la représentation nationale avant la fin du premier semestre, c'est-à-dire avant le débat d'orientation des finances publiques et avant l'examen des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Cet enchaînement nous semble plus logique, plus vertueux et plus intéressant pour les parlementaires. Cela nécessite cependant que nous disposions bien plus en amont de certaines données. Je pense notamment à celles concernant les collectivités territoriales. Cela nécessite aussi des ajustements de niveau législatif, voire organique.
De la même façon, nous suggérons qu'avant l'examen des textes financiers, un débat soit organisé sur l'ensemble des prélèvements obligatoires concernant l'État et la sécurité sociale.
Oui, nous pensons que le périmètre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pourrait être élargi. Les relations entre l'État et la Sécurité sociale mériteraient d'être clarifiées : un magistrat de la Cour a identifié des marges de progrès. Depuis dix ans, l'État a pris des mesures afin d'accélérer le rééquilibrage des comptes sociaux, prenant en charge des dépenses qui auraient pu être supportées par la Sécurité sociale.
L'évaluation est importante, car il faut s'interroger sur les résultats de l'année passée avant de débattre des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.
À propos du « trou » de la Sécurité sociale, nous avons parlé de « véritable anomalie », car il s'agit de dépenses courantes, qui ne devraient pas être financées par l'emprunt, c'est-à-dire en partie par les générations futures. On peut débattre de la nécessité ou non d'instaurer une « règle d'or ». Mais en tout cas lorsqu'un déséquilibre des comptes sociaux apparait, des mesures devraient être prises immédiatement, comme en Allemagne.
La Cour ne fait pas de prévisions de croissance mais nous constatons que l'Insee a révisé les siennes pour 2018 et que certains économistes prévoient un ralentissement plus prononcé en 2019 et 2020. C'est pourquoi le Haut Conseil des finances publiques et, à sa suite, la Cour, ont considéré que les hypothèses du Gouvernement pour 2020 à 2022 nous apparaissaient optimistes. Toutefois, il est difficile en économie de faire des prévisions véritablement fiables à plus d'un an. Il est donc trop tôt pour dire si nous connaissons actuellement un ralentissement ou une pause : le troisième trimestre sera intéressant de ce point de vue. L'Insee peut encore corriger ses chiffres : pour le premier trimestre 2017, l'Institut avait évoqué une croissance de 0,4 %, réévaluée huit mois plus tard à 0,7 %.
S'agissant du plan « Action publique 2022 », à partir du moment où les objectifs sont plus ambitieux que ce qui a été réalisé ces dernières années, sauf pour l'année 2017, cela nécessite un changement de méthode et des arbitrages. Si le ciblage relève du choix des pouvoirs publics, nous avons proposé des pistes telles que la clarification des missions entre l'État et les collectivités territoriales.
M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes. - Sur le scénario de croissance économique du Gouvernement, le trait saillant c'est l'absence de profil cyclique. Cette linéarité n'est pas habituelle et elle laisse un peu perplexe au vu des évolutions prévisibles des politiques budgétaire et monétaire, qui devraient exercer un effet plutôt restrictif sur l'activité économique.
Sur la « loi de règlement sociale », si techniquement nous pouvions produire les comptes des administrations de sécurité sociale plus tôt dans l'année, nous pourrions disposer des moyens d'élaborer un tel texte. Je rappelle qu'il existe un article liminaire dans la loi de règlement qui vise toutes les administrations publiques, intégrant ainsi les opérations des administrations de sécurité sociale. Il est envisageable d'aller plus loin. Quant aux relations financières entre l'État et la sécurité sociale, il est nécessaire d'instaurer un cadre permettant à la CADES de continuer à résorber la dette sociale. Il doit en aller de même pour la dette sociale hors CADES, c'est-à-dire la dette de l'ACOSS, sans quoi le rééquilibrage des comptes ne serait que partiel.
M. Vincent Éblé, président. - Nous allons passer aux questions de nos autres collègues.
M. Jérôme Bascher. - Je ne voudrais pas vous mettre en porte-à-faux avec le Gouverneur de la Banque de France, qui nous a très justement rappelé que faire des prévisions c'est très facile, mais que faire des prévisions justes, c'est très difficile. L'attention renforcée à la loi de règlement que nous vous devons ainsi qu'à Alain Lambert en tant qu'artisans de la loi organique relative aux lois de finances, est véritablement utile. Sans doute davantage que les lois de programmation pluriannuelles des finances publiques, qui ne sont pas souvent respectées. Le passé nous permet d'éclairer l'avenir. Sur l'élasticité des recettes, je me souviens de 1999. Peut-être que dans le cadre des révisions de la croissance nous reviendrons à des élasticités plus normales.
Sur l'écart de production, il devrait se refermer en cours de période, si bien que la prévision de croissance à 1,7 %, dont doute la Banque de France, peut apparaître, sinon insincère, du moins utopique. Il y a un sujet que vous n'évoquez pas, c'est l'inflation. Or, il s'agit d'une composante de la situation économique qui est susceptible d'influencer les équilibres des comptes publics, par des impacts en recettes, mais aussi en dépenses, notamment dans le domaine des dépenses sociales.
Sur les collectivités locales, vous avez mis en exergue une prévision de croissance de la dépense en volume de 0,4 %. Or vous savez que l'État contractualise avec les plus grosses collectivités sur la base d'un chiffre de 1,2 % en valeur. Là encore se posera peut-être le problème de l'inflation. Mais, au-delà, ne voyez-vous pas un hiatus entre les initiatives de l'État et la prévision sous-jacente à la loi de programmation ?
Sur la sphère des administrations publiques centrales (APUC), on a un peu l'impression que l'État est à l'os, si vous me permettez cette expression. Faut-il modifier l'organisation territoriale de l'État pour lui permettre de surmonter cette contrainte ? Faut-il rationaliser les organismes divers d'administration centrale (ODAC), comme les autorités administratives indépendantes, dont on parle peu ? Faut-il réviser ce qui est pris en charge par l'État par rapport aux responsabilités de la sphère privée, en particulier le logement où des écarts assez nets ressortent de ce point de vue des comparaisons internationales ?
Dernière question : sur la sphère sociale, si les comptes se redressent, on a l'impression que c'est au détriment de l'hôpital, qui semble aller mal et même très mal. Nous sommes aux limites de la tarification à l'activité. Quelles sont vos recommandations ?
M. Pascal Savoldelli. - Dans vos fonctions, vous plaidez pour une action résolue de réduction de la dépense publique. De par mes fonctions, et mes convictions, j'aurais aimé que vous pointiez aussi la nécessité d'une action en faveur d'une hausse résolue des recettes publiques. Nous parlons de l'État. Vous me direz si je me trompe, mais, si on regarde les effets de la suppression de l'impôt sur la fortune, il nous restera avec l'impôt sur la fortune immobilière moins de recettes que n'en procure la contribution économique territoriale (CET) des collectivités. Cela me semble grave.
Dans peu de temps, la taxe d'habitation pour les 20 % les plus riches va être supprimée. Là aussi, cela ouvre des perspectives très problématiques. Je voudrais recueillir votre avis sur ce point.
Je m'interroge également sur les raisons qui vous conduisent à souhaiter une loi de financement des collectivités locales plutôt qu'une loi sur la fiscalité locale. Ce n'est par une simple question de sémantique. C'est une question qui a été posée à l'Assemblée nationale par un intervenant de sensibilité politique différente de la mienne.
Sur la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales, j'ai apprécié votre prudence. Mais, il y a là un problème puisque les 322 collectivités concernées représentent les deux tiers de l'investissement des collectivités françaises.
Dernière question : l'investissement public correspond à 3 % du PIB en comptabilité nationale. Cela m'apparaît bien trop faible. Vous savez le rôle que jouent les collectivités territoriales. Faut-il, selon vous, qu'elles réduisent cet effort ?
Enfin, pour conclure, je vous livre une inquiétude. Je pense que la situation de la dette privée, qui représente plus de 140 % du PIB, va se réinviter dans nos débats sur les finances publiques, comme cela a été le cas avec la crise financière de 2007-2008. Je crains fort que la crise de solvabilité qui se déclencherait n'exerce des effets très négatifs pour l'État mais aussi pour les collectivités territoriales.
M. Claude Raynal. - Je voudrais quelques éclaircissements factuels. Vous indiquez qu'il y a une interrogation sur la réalisation de l'objectif de dépense des collectivités territoriales, en faisant ressortir que la contractualisation ne porte que sur les budgets principaux, ce qui est exact, mais aussi qu'elle ne couvre que la moitié des dépenses de fonctionnement. Je m'en étonne puisque le Gouvernement a présenté les choses tout autrement, en indiquant un taux de couverture de 70 %. Pouvez-vous confirmer cette estimation ? Il s'agit d'un sujet important. L'effort demandé aux collectivités est exigeant et, s'il apparaît que la contractualisation concerne une assiette de dépenses plus faible que celle avancée par le Gouvernement, on peut nourrir des inquiétudes sur la pression qu'exercera l'objectif de 13 milliards d'euros d'économies, qui est le seul qui soit inscrit dans la loi, pour les collectivités.
Toujours dans le même document, vous indiquez que le solde des administrations publiques locales associé au programme de stabilité, avec un excédent de 0,7 point de PIB jamais atteint depuis 1950, est suspendu à l'absence de réductions d'impôts ou de progression des investissements publics. Je serais étonné qu'il y ait une diminution de la fiscalité.
Je peine à cerner la priorité pour l'État. S'agit-il de faire diminuer de 0,75 point de PIB les dépenses locales ou bien de faire reculer la part des collectivités locales dans le stock de dette nationale, de 8,8 % du PIB à 5 % du PIB ?
Je pensais avoir compris que le Gouvernement n'exigeait pas des collectivités locales qu'elles diminuent leurs dépenses d'investissement, mais leur demandait de modifier le mode de financement de l'investissement, en recourant moins à la dette - c'est-à-dire davantage aux impôts. Mais cette impression semble contredite par l'analyse que vous présentez.
Aussi j'aimerais vous demander quel est, selon vous, l'objectif principal qui doit être retenu en matière de finances locales : réduire la dette, ou la dépense ?
Par ailleurs, vous évoquez l'évolution des recettes de l'État en indiquant qu'une baisse de 11 milliards d'euros sera perceptible dès 2018, en raison de la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) et de son remplacement par un impôt sur la fortune immobilière (IFI) dont l'assiette est nettement plus réduite et de diverses mesures en faveur des investisseurs. Bref, on observe une baisse des recettes immédiate sans traduction dans la trajectoire de la croissance ni dans les chiffres concernant l'investissement productif ! La théorie du ruissellement pouvait pourtant laisser penser que ces mesures s'accompagneraient d'un renforcement de l'investissement et, à terme, de la croissance. On nous annonce une éventuelle hausse de la croissance de 0,1 % dans six ans... Était-ce vraiment le bon moment pour procéder à de telles ponctions sur les recettes de l'État ?
M. Julien Bargeton. - Les mesures prises en 2017 pour maîtriser les dépenses - portant sur les collectivités locales, les aides au logement... - ont défrayé la chronique - et les débats de notre commission ! Vous indiquez que les dépenses de l'État ont, malgré tout, progressé. J'aimerais savoir quelle aurait été la hausse des dépenses si les mesures mises en oeuvre à l'été 2017 ne l'avaient pas été.
Vous soulignez aussi qu'il faut changer de méthode pour réduire la dépense. Ce constat n'est pas nouveau. On voit bien, avec le processus « Action publique 2022 », qu'il y a une volonté mais que ce n'est pas évident. Alors, comment faire ? Que préconisez-vous ? Il faut réduire la dépense en général, mais dès lors que l'on évoque une économie en particulier, plus personne n'est d'accord. Peut-être faudrait-il construire un outil d'aide à la décision publique, en collaboration entre le Parlement, la Cour des comptes, et des économistes. On se heurte toujours aux mêmes difficultés, qu'il s'agisse de la revue générale des politiques publiques (RGPP), de la modernisation de l'action publique (MAP) ou d' « Action publique 2022 »...
M. Jean-François Husson. - L'endettement de la France reste élevé alors que les taux d'intérêt pourraient remonter. Les dépenses publiques ne sont pas maitrisées, le coût des matières premières augmente, la suppression de la taxe d'habitation à horizon 2020 contribue à réduire les recettes... Nous devons avouer une forme de sentiment d'impuissance pour réguler la dépense et pérenniser les ressources publiques.
Au risque de vous mettre un peu en porte-à-faux, j'aimerais connaître les préconisations, fussent-elles douloureuses, qui vous paraissent pertinentes pour permettre un rétablissement progressif de nos comptes publics.
La divergence entre la France et l'Allemagne est tout de même très préoccupante.
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Concernant les remarques de Pascal Savoldelli, je voudrais rappeler qu'il n'appartient pas à la Cour des comptes de fixer les objectifs en matière de recettes et de dépenses. Nous nous référons à l'engagement du Gouvernement - similaire, en cela, aux orientations du Gouvernement précédent - de redresser les comptes publics à travers la seule maîtrise de la dépense, approuvé par le Parlement dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
Nous avons observé que l'amélioration du déficit obtenue au début du quinquennat précédent reposait exclusivement sur la hausse des recettes publiques. Les prélèvements obligatoires ayant atteint un niveau particulièrement élevé, les dépenses sont alors apparues au Gouvernement comme un levier prioritaire d'amélioration des comptes publics. Cela étant, le Parlement a tout à fait la capacité d'arbitrer entre différents impôts et de baisser certains impôts dès lors que le produit d'autres taxes augmente.
Nous pensons d'ailleurs qu'il est absolument fondamental de procéder à un travail de revisite des dépenses fiscales, qui atteignent 93 milliards d'euros, un montant considérable. Certains de ces dispositifs ont été imaginés pour contourner la norme de dépenses. Il serait sans doute utile de vérifier qu'ils restent tous pertinents et que leur rapport coût/efficacité est favorable. Par exemple, concernant l'impôt sur les sociétés, un taux facial élevé au regard de la législation de nos principaux voisins européens a conduit à la création de nombreuses niches fiscales. Dès lors que le taux nominal de l'impôt sur les sociétés devrait être réduit significativement dans les années à venir, peut-être serait-il opportun de réinterroger certaines dépenses fiscales qui pèsent aujourd'hui sur le niveau des recettes de l'État, y compris le crédit d'impôt recherche (CIR) ?
Nous ne nous focalisons pas sur la seule dépense publique et nous nous efforçons de vous livrer de nombreux travaux, aussi bien sur le champ budgétaire que le champ fiscal, pour éclairer tous les enjeux de finances publiques. Nous travaillons également sur la fraude à l'impôt et aux cotisations sociales, afin que personne n'échappe à la contribution commune, que ce soit en métropole ou en Outre-mer.
Concernant la pertinence d'une loi qui regrouperait les dispositions relatives à la fiscalité locale, je note que le Parlement examine aujourd'hui dans le cadre du projet de loi de finances de l'année la totalité des mesures fiscales, qu'elles concernent les ménages, les entreprises ou bien les collectivités territoriales. Le regroupement dans un seul texte serait-il pertinent ? Au Parlement d'en décider.
Cette idée diffère de notre proposition de créer une loi de financement des collectivités territoriales : il s'agirait, à travers une telle loi, de donner une place plus importante dans le débat public aux questions relatives aux dépenses des collectivités locales et à l'équilibre de leurs finances, alors que le sujet est abordé, pour l'heure, uniquement sous l'angle des recettes.
La Cour des comptes n'a pas vocation à se livrer à un commentaire de nature politique sur la pertinence de la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) ou de la taxe d'habitation (TH). Nous notons simplement que la suppression totale de la taxe d'habitation n'est pas prise en compte dans la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques et que ce sujet devra être traité, afin que les conséquences financières de cette mesure soient soumises à l'approbation du Parlement.
De la même façon, un certain nombre d'économies en dépenses ne sont pas assez documentées pour que la Cour des comptes soit en mesure d'apporter un éclairage sur les conséquences potentielles des mesures qui seraient mises en oeuvre.
Le Gouvernement fait état d'un objectif de maîtrise de l'augmentation de la dépense, sans préciser comment il compte y parvenir. Il faudra bien se livrer à cet exercice un jour pour assurer la crédibilité de la trajectoire des finances publiques. Le Gouvernement semble avoir le souci de l'équilibre global des comptes publics, lorsqu'il fixe des objectifs pour chaque sous-secteur des administrations publiques, qu'il s'agisse de l'État, des administrations de sécurité sociale ou des collectivités locales. Il s'agit de revenir à un solde public effectif moins dégradé et de respecter l'objectif à moyen terme (OMT) d'équilibre structurel en lien avec les engagements qui résultent des traités européens. L'OMT de la France est fixé à 0,4 % du PIB et, dans la loi de programmation, nous en restons à 0,6 % du PIB en 2022.
Il faudra de toute façon une clarification des liens entre les administrations centrales, les administrations de sécurité sociale et les administrations locales, au fur et à mesure de l'exécution de la loi de programmation 2018-2022.
Sur la contractualisation, nous n'avons pas d'appréciation de principe à apporter. Nous constatons qu'il y a une procédure différente qui est mise en oeuvre - la contractualisation se substituant aux décisions d'autorité de diminution des dotations. Nous disons seulement qu'à ce stade, nous ne pouvons pas encore savoir si les objectifs présentés par le Gouvernement seront réalisés. Nous avons utilisé le terme de « pari » dans un autre rapport. Si le pari n'est pas tenu, cela peut remettre en cause les objectifs fixés dans la loi de programmation, car les résultats obtenus par les collectivités territoriales sont importants dans la trajectoire globale de maîtrise de la dépense.
Sur les investissements, il faut rappeler que la dette française tient peu à des investissements publics : elle correspond essentiellement à des dépenses de fonctionnement. La Cour des comptes n'a jamais été contre l'investissement. Il y a bien entendu des investissements productifs qui peuvent contribuer à augmenter la croissance potentielle du pays. Encore faut-il préciser que tout investissement n'est pas vertueux en lui-même - d'où l'intérêt des études d'impact.
S'agissant de la dette des entreprises et des ménages, il s'agit effectivement d'un point de vigilance, comme l'a d'ailleurs récemment souligné le Gouverneur de la Banque de France.
Pour ce qui concerne les pistes de maîtrise de la dépense, de nombreux rapports de la Cour des comptes formulent des recommandations en la matière. Nous les avions d'ailleurs reprises l'an passé dans le cadre du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Nos recommandations concernent tant la dépense budgétaire que la dépense fiscale. C'est ensuite aux politiques de faire les arbitrages. Nous reconnaissons à cet égard la difficulté de l'exercice : derrière tout euro, même mal dépensé, il y a du monde ! Mais l'intérêt général n'est pas la somme des intérêts particuliers. C'est notre rôle d'éclairer le Parlement sur les arbitrages possibles - et nous sommes bien évidemment prêts à venir vous présenter certains travaux qui retiendraient plus particulièrement votre attention.
M. Raoul Briet. - L'élasticité des prélèvements obligatoires a été révisée à la hausse, pour atteindre 1,4. Un très léger ajustement est peut-être encore possible mais il est probable que le « record » de l'exercice 1999 auquel Jérôme Bascher faisait allusion - et au cours duquel l'élasticité avait atteint 1,6 - ne sera pas battu ni même réitéré. D'ailleurs, cette élasticité de 1,6 n'avait jamais été totalement expliquée...
La justesse des prévisions est particulièrement difficile. Nous prenons acte de la difficulté des prévisions ex ante mais nous demandons, de la part du Gouvernement, un exercice de transparence sur la méthode utilisée pour réaliser les prévisions de recettes et une explication des écarts constatés. C'est l'objet de l'une de nos recommandations dans le cadre du rapport sur le budget de l'État en 2017.
Concernant les hôpitaux, vous avez raison de souligner, Jérôme Bascher, que leurs comptes connaissent une dégradation de plus de 1 milliard d'euros en 2017 en comptabilité nationale. Il s'agit d'un signal d'alarme sur les tensions financières accrues auxquelles ils font face.
Claude Raynal s'interrogeait, avec d'autres, sur le périmètre retenu par la Cour des comptes pour évaluer le taux de couverture des dépenses locales par les contrats prévus en loi de programmation des finances publiques. Nous calculons un taux de 57 %, qui diffère de la proportion de deux tiers votée en loi de programmation des finances publiques. En effet, le taux de deux tiers ne porte que sur les budgets principaux des seules collectivités territoriales, alors que nous retenons aussi les budgets annexes et les dépenses des organismes divers d'administration locale (ODAL) pour aboutir à un taux de couverture de 57 %.
La cible de 0,4 % de croissance des dépenses de fonctionnement en 2018 doit être distinguée de la cible de moyen terme de croissance des dépenses, qui s'établit à 1,2 % en valeur. Nous avons interrogé Bercy sur le caractère plausible de l'objectif fixé pour 2018. Deux éléments de réponse nous ont été apportés, que nous laissons à votre appréciation. D'une part, la base 2017 d'évolution des dépenses étant particulièrement dynamique, un contrecoup de modération des dépenses peut être attendu en 2018. D'autre part, les mesures salariales liées au protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) n'auront pas d'impact supplémentaire sur les dépenses des collectivités locales en 2018 - avant de reprendre en 2019. Au total, une relative incertitude demeure. Cela reste un pari.
Julien Bargeton, la difficulté pour évaluer ce qu'auraient été les dépenses de l'État en l'absence des mesures prises par le Gouvernement provient du fait qu'il faudrait pour cela disposer d'un contrefactuel, c'est-à-dire pouvoir se prononcer sur l'exécution « normale » des dépenses de l'État, ce qui est extrêmement délicat. Nous observons en tous cas une reprogrammation d'ensemble des crédits du budget général, quelques mesures d'économies ciblées et un niveau d'annulations particulièrement élevé en 2018, dans le cadre des décrets d'avance de juillet et de fin de gestion, et du décret d'annulation de juillet, bien au-delà des efforts habituels en gestion. Cela n'a pas empêché une forte progression des dépenses publiques, de 1,5 % en 2017.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 16 h 20.