Mardi 17 avril 2018

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Proposition de loi relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes - Examen des amendements au texte de la commission

Article 1er

M. François Bonhomme, rapporteur. - Les amendements nos  31, 30 rectifié, 7, 8, 26, 4 rectifié bis, 5 et 13 ont pour objet, avec des variantes :

- d'une part, de maintenir le principe du transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération, prévu par la loi NOTRe ;

- d'autre part, de permettre à une minorité de blocage des communes membres, tantôt de ces deux catégories d'intercommunalités, tantôt des seules communautés de communes, soit de s'y opposer, soit de le reporter.

Ils sont contraires à la position de la commission des lois, et surtout à la position prise par le Sénat il y a à peine plus d'un an, en faveur du maintien des compétences « eau » et « assainissement » parmi les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d'agglomération. Avis défavorable.

M. François Grosdidier. - Je ne comprends pas ces amendements et je suis heureux que notre rapporteur propose un avis défavorable. Nous voulons que ces deux compétences demeurent optionnelles car, pour les communautés d'agglomération et les communautés de communes, les bassins versants ne correspondant pas forcément aux bassins de vie : l'Insee et la nature ne délimitent pas forcément les mêmes périmètres. Ces amendements rétabliraient donc un transfert obligatoire de ces compétences. Les communes veulent pouvoir s'organiser librement en fonction des singularités de leurs territoires.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  31, ainsi qu'aux amendements nos 30 rectifié, 7, 8, 26, 4 rectifié bis, 5 et 13.

Articles additionnels après l'article 1er

M. François Bonhomme, rapporteur. - Les amendements nos  23, 33, 6 rectifié, 28, 2, 3, 19 et 25 ont pour objet d'éviter que certaines communes, notamment de montagne, qui avaient conservé l'une ou chacune de leurs compétences en matière d'eau et d'assainissement cessent de bénéficier des subventions ou aides des agences de l'eau ou d'autres organismes oeuvrant dans le domaine. La réponse à cette inquiétude légitime ne semble pas devoir être législative. Pour autant, il importe que le Gouvernement puisse donner aux communes concernées des assurances en ce sens. Au bénéfice de ces observations, avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  23, ainsi qu'aux amendements nos  33, 6 rectifié, 28, 2, 3, 19 et 25.

M. François Bonhomme, rapporteur. - L'amendement n°  16 tend à permettre la création d'une régie unique pour la gestion des services publics de l'eau et de l'assainissement. S'il s'agit de prévoir un budget unique, cette faculté serait contraire à la nécessité, pour chaque service public à caractère industriel et commercial, financé par les usagers, de bien identifier les coûts et les ressources y afférents. Je suis défavorable à cet amendement.

Mme Catherine Troendlé. - C'est dommage !

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  16.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  20 rectifié ainsi qu'à l'amendement n°  21 rectifié.

M. François Bonhomme, rapporteur. - L'amendement n°  18 propose un assouplissement bienvenu en étendant l'absence d'obligation d'établir un budget annexe pour les services publics de l'eau potable et de l'assainissement à l'ensemble des communes et des communautés de communes. Cet amendement ne mettant pas à mal le principe d'individualisation des montants des recettes et des dépenses, j'y suis favorable.

M. Philippe Bas, président. - Je vois que M. Grosdidier approuve.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  18.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  24 rectifié.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  9.

La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°  17 ainsi que sur les amendements nos 29 et 32.

M. François Bonhomme, rapporteur. - Mon avis est défavorable sur les amendements nos 11 et 12 qui portent sur la question du transfert des résultats budgétaires de la gestion des services publics de l'eau et de l'assainissement lors du transfert de l'une ou l'autre de ces compétences des communes vers l'intercommunalité.

M. Jean-Pierre Sueur. - Le Conseil d'État a rappelé qu'à l'occasion d'un transfert d'un SPIC communal vers une intercommunalité, les résultats budgétaires du budget annexe de ce SPIC pouvaient être positifs ou négatifs. Mais que faire de ce solde ? Aujourd'hui, certaines communes ne veulent pas verser leur solde positif à l'intercommunalité tandis qu'en cas de solde négatif, les communes veulent le transférer. Peut-être conviendrait-il d'interroger le Gouvernement sur ce sujet.

M. François Bonhomme, rapporteur. - Un transfert automatique dérogerait au droit général des services publics industriels et commerciaux (SPIC). Chaque commune doit être libre de l'affectation du solde, qu'il soit positif ou négatif.

M. Jean-Pierre Sueur. - Cette question agite de nombreux élus locaux. Il faut leur apporter une réponse.

Mme Catherine Troendlé. - À partir du moment où le budget annexe est transféré à l'intercommunalité, il devrait être possible de récupérer le solde et de le transférer à l'intercommunalité.

Mme Marie Mercier. - Pour avoir vécu cette situation lors de la reprise d'une compétence par une intercommunalité, le solde a été repris par l'EPCI et fléché sur la compétence.

M. Alain Richard. - Le principe de continuité des services publics s'impose. Lorsqu'il y a transfert de compétences, on ne fait que transférer un service public qui préexistait à une autre structure, mais la continuité ne saurait être remise en cause. Si ce service public fait l'objet d'un budget annexe, le solde, qu'il soit positif ou négatif, doit être transféré avec la mission du service public.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  11 ainsi qu'à l'amendement n°  12.

Article 2

M. François Bonhomme, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements nos  15, 14 et 10 car ils sont contraires à la position de la commission.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  15 ainsi qu'aux amendements nos  14 et 10.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  27.

Article additionnel après l'article 2

Mme Sophie Joissains. - Mon amendement n°  22 est relatif à la métropole Aix Marseille Provence, la plus grande de France mais aussi la plus endettée avec 2 milliards d'euros de dettes. Par convention, cette métropole a demandé à ses communes membres de gérer les compétences transférées car elle ne peut y parvenir seule. Il s'agit donc d'un amendement d'appel. La présidente du conseil départemental a d'ailleurs estimé qu'elle ne pourrait assumer la gestion de son département avec, en son sein, une métropole exerçant autant de compétences car cela paralyserait le département.

M. François Bonhomme, rapporteur. - Cette question a déjà été tranchée par notre commission des lois lors de l'examen de la proposition de loi « Bas-Retailleau » et il avait déjà reçu un avis défavorable. L'avis ne peut donc être, par cohérence, que défavorable.

Mme Sophie Joissains. - La commission avait effectivement rejeté cet amendement mais il avait été adopté en séance publique.

M. Philippe Bas, président. - Cela vous laisse bon espoir.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  22.

Article 3

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n°  1.

La commission adopte les avis suivants :

Auteur

Avis de la commission

Article 1er
Maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d'agglomération

M. GABOUTY

31

Défavorable

M. GABOUTY

30 rect.

Défavorable

Mme Nathalie DELATTRE

7

Défavorable

Mme Nathalie DELATTRE

8

Défavorable

Mme HARRIBEY

26

Défavorable

M. DELCROS

4 rect. bis

Défavorable

Le Gouvernement

5

Défavorable

M. de BELENET

13

Défavorable

Articles additionnels après l'article 1er

Mme MORHET-RICHAUD

23

Défavorable

Mme MORHET-RICHAUD

33

Défavorable

M. ROUX

6 rect.

Défavorable

Mme Maryse CARRÈRE

28

Défavorable

M. Alain MARC

2

Défavorable

M. BRISSON

3

Défavorable

M. TODESCHINI

19

Défavorable

Mme MONIER

25

Défavorable

M. Henri LEROY

16

Défavorable

Mme CUKIERMAN

20 rect.

Défavorable

Mme CUKIERMAN

21 rect.

Défavorable

M. Henri LEROY

18

Favorable

Mme MONIER

24 rect.

Défavorable

Mme Maryse CARRÈRE

9

Favorable

M. Henri LEROY

17

Avis du Gouvernement

M. GABOUTY

29

Avis du Gouvernement

M. GABOUTY

32

Avis du Gouvernement

M. JACQUIN

11

Défavorable

M. JACQUIN

12

Défavorable

Article 2
Sécabilité de la compétence « gestion des eaux pluviales urbaines »
et suppression de l'inclusion des « eaux de ruissellement urbaines »
au sein de la compétence « assainissement » pour les communautés de communes
et les communautés d'agglomération

M. de BELENET

15

Défavorable

M. de BELENET

14

Défavorable

Mme Maryse CARRÈRE

10

Défavorable

Mme HARRIBEY

27

Défavorable

Article additionnel après l'article 2

Mme JOISSAINS

22

Défavorable

Article 3
Assouplissement des règles de représentation-substitution des communes
par les communautés de communes et d'agglomération
au sein de syndicats compétents en matière d'« eau » et d'« assainissement »

Mme ESTROSI SASSONE

1

Sagesse

Proposition de loi portant transposition de la directive (UE) 2016-943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites - Examen des amendements au texte de la commission

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 1er

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  86 répond à la demande de M. Bigot qui, la semaine dernière, s'inquiétait de la suppression du mot « significative ». Nous le rétablissons, mais à la bonne place.

L'amendement n°  86 est adopté.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  87 est un amendement de cohérence rédactionnelle avec les alinéas 25 et 26.

L'amendement n°  87 est adopté ainsi que l'amendement n°  88.

Article 2

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  89 est de coordination avec l'amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 3, consistant à déplacer à la fin de la proposition de loi l'article relatif à son application outre-mer, pour assurer une meilleure lisibilité du texte ainsi que la cohérence de sa discussion.

L'amendement n°  89 est adopté.

Article additionnel après l'article 3

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  90 est la conséquence du précédent, avec quelques précisions supplémentaires sur l'application outre-mer.

L'amendement n°  90 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

M. Pierre-Yves Collombat. - Je n'interviendrai pas sur tous les amendements déposés par mon groupe qui reprennent, en détail, notre refus global de ce texte qui affirme la protection du secret, sauf exceptions. Il aurait fallu poser le principe de la liberté puis instaurer des exceptions. Certes, l'espionnage industriel est redoutable et il est couramment admis que les Américains ne perdent jamais un marché, mais ce texte ne parviendra pas à endiguer ce phénomène préoccupant, d'où notre question préalable.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Même si l'on peut légitimement déplorer les conditions de présentation et d'examen de ce texte - proposition de loi sans étude d'impact pour transposer une directive, à peine deux semaines entre l'adoption en séance par l'Assemblée et le passage en commission au Sénat, examen quelques semaines seulement avant l'expiration du délai de transposition -, l'adoption de la question préalable entraînerait le rejet du texte, pourtant nécessaire pour mieux protéger les informations confidentielles des entreprises françaises et transposer la directive dans les délais. L'avis est donc défavorable.

M. Jacques Bigot. - L'adoption de cette motion obligerait le Gouvernement à retravailler le texte et à nous présenter une étude d'impact. Le vote de cette motion aurait donc du sens.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - La navette se poursuivrait et le texte de l'Assemblée nationale serait adopté. Essayons au moins de défendre notre point de vue.

M. Philippe Bas, président. - Notre ambition est modeste, mais elle a le mérite d'exister.

M. Jean-Pierre Sueur. - Tout le monde a bien compris le tour de passe-passe qu'opère cette proposition de loi, qui permet au Gouvernement de s'affranchir de toute étude d'impact. En votant cette question préalable, le Sénat affirmerait qu'il n'est pas dupe.

M. Philippe Bas, président. - Cela aurait du sens, mais serait-ce efficace ? Nous pouvons protester contre la procédure retenue autrement qu'en votant l'une des deux motions présentées.

La commission émet un avis défavorable à la motion n°  1 tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi.

M. Philippe Bas, président. - Je pense que le vote sera identique sur la motion de renvoi en commission n°  37.

M. Jacques Bigot. - Ce n'est pas la même chose : le renvoi en commission permettrait au Sénat d'approfondir son travail sur ce texte. Je vous invite à voter cette motion.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Même si le Sénat votait ce renvoi en commission, le Gouvernement pourrait l'obliger à se prononcer sans délai. Cette motion serait donc sans effet, d'où mon avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à la motion n°  37 tendant au renvoi en commission de la proposition de loi.

Article 1er

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  2 propose la suppression du régime de protection du secret des affaires dans le code de commerce : il est contraire à la position de la commission, qui a adopté le texte, le jugeant nécessaire pour mieux protéger les secrets d'affaires des entreprises et pour transposer la directive. Avis défavorable.

M. Pierre-Yves Collombat. - Comme je l'ai dit tout à l'heure, la logique de ce texte n'est pas la bonne.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n°  2.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  3 limite le champ de la protection du secret des affaires aux entreprises. Cet amendement est le premier d'une série visant à préciser expressément que la protection du secret des affaires ne concerne que les entreprises entre elles, intervenant dans le champ commercial ou concurrentiel. Cette approche paraît logique, mais en réalité elle dénature la directive que nous devons transposer, car une atteinte au secret des affaires peut provenir d'une personne qui n'est pas une entreprise, sans pour autant être un journaliste, un syndicaliste ou un lanceur d'alerte. Si les atteintes au secret peuvent le plus souvent relever d'une concurrence déloyale entre entreprises qui confine à la guerre économique - c'est d'ailleurs la raison de la création par la commission du délit d'espionnage économique à l'article 1er quater -, elles peuvent aussi être le fait de personnes malveillantes qui ne sont pas des entreprises. L'avis sera donc défavorable pour tous les amendements de cette nature.

M. Pierre-Yves Collombat. - Il faut protéger les entreprises pour que la concurrence soit libre et non faussée... Mais évitons les dérives dont ce texte est porteur.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  3.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  5 rectifié se situe dans le prolongement de l'amendement n° 3, visant à restreindre le champ de la protection du secret des affaires aux entreprises et aux relations entre elles. De plus, la définition du secret des affaires qu'il propose n'est pas conforme à celle de la directive. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  5 rectifié.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  40 veut en revenir à la rédaction du texte de l'Assemblée nationale pour le premier critère de la définition du secret des affaires. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  40.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Les amendements nos 4 et 82 sont quasiment identiques. Ils reviennent sur la modification adoptée par la commission, consistant à ce que l'information protégée par le secret ait une valeur économique et pas seulement commerciale, tout en exigeant qu'elle confère un avantage concurrentiel à son détenteur. Sur ce second point, de nombreuses informations confidentielles ne confèrent pas nécessairement par elles-mêmes d'avantage concurrentiel à leur détenteur, mais leur divulgation pourrait donner un avantage concurrentiel à une autre entreprise. Ces amendements sont donc contraires à la position de la commission.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 4 et 82.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Alors que la commission a précisé que la valeur économique de l'information protégée, en raison de son caractère secret, était l'un des trois critères de la définition du secret des affaires, les amendements identiques nos  39, 52 et 56 proposent de revenir au texte de l'Assemblée nationale, qui retenait la notion plus limitée de valeur commerciale. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 39, 52 et 56.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  68 rétablit une disposition supprimée par la commission, selon laquelle les mesures de protection raisonnable d'une information protégée pourraient « notamment » consister en la mention explicite de son caractère confidentiel. Cette disposition est non seulement inutile, mais source d'insécurité juridique pour les entreprises, car il n'est pas certain que la simple mention du caractère confidentiel d'une information pourrait toujours être jugée suffisante par un juge en tant que mesure de protection raisonnable. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  68.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  46 traite de deux questions : les données personnelles dans le cadre du secret des affaires et l'exploitation de ces données à des fins de profilage commercial.

Compte tenu de la définition du secret des affaires, il est évident que des données personnelles en tant que telles ne peuvent pas être considérées comme des informations susceptibles d'être protégées par le secret des affaires au bénéfice de l'entreprise. En outre, le RGPD définit le profilage à partir des données personnelles et interdit de fonder des décisions sur la base exclusive d'un traitement de données de ce type, sauf lorsque ces traitements sont nécessaires à la conclusion ou à l'exécution d'un contrat, sous le contrôle des autorités compétentes. Avis défavorable.

M. Pierre-Yves Collombat. - Il n'est pas justifié de faire commerce de ce type d'informations. L'adoption de cet amendement ne dénaturerait pas le texte.

M. Jean-Yves Leconte. - Mieux vaut préciser les choses plutôt que de laisser se développer des recours abusifs.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Soit le traitement des données est conforme au RGPD, soit il ne l'est pas, mais cela n'a guère à voir avec le secret des affaires. Le texte prévoit que le secret n'est pas opposable aux autorités administratives dans leurs missions de contrôle, ce qui préserve les pouvoirs de la CNIL. L'objectif de l'amendement est donc déjà atteint.

M. Philippe Bas, président. - Il existe déjà des dispositions spécifiques qui permettent de couvrir cette intention.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  46.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  48 soustrait les mécanismes d'optimisation fiscale de la protection du secret des affaires. Soit il s'agit d'optimisation fiscale licite, auquel cas il n'y a pas lieu de ne pas appliquer le secret, soit il s'agit d'évasion fiscale illicite, et là nous sommes dans le cas de la possible révélation d'une activité illégale par un lanceur d'alerte.

En tout état de cause, le secret des affaires n'est pas opposable à l'administration fiscale, laquelle peut procéder à tous les contrôles nécessaires et vérifier que ce qui est pratiqué est licite ou non. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte. - L'optimisation fiscale doit donner lieu à un débat politique : doit-elle être protégée par le secret des affaires ou bien divulguée car contraire à l'intérêt général ? À nous de trancher.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - On ne peut opposer le secret des affaires à l'administration fiscale.

M. Jean-Yves Leconte. - Pour nous, l'optimisation fiscale qui permet de réaliser des bénéfices ne doit pas faire l'objet d'une protection particulière : ces mécanismes doivent être connus et faire éventuellement l'objet de rectifications par le législateur.

M. Philippe Bas, président. - Ce que vous appelez optimisation fiscale peut être qualifié par l'entreprise de stricte application de la législation. Il n'y a pas de brevet d'optimisation fiscale en vente sur le marché. Le salarié qui lancerait une alerte en raison de l'optimisation fiscale supposée réalisée par son entreprise ne pourrait bénéficier de droits supplémentaires.

M. Jacques Bigot. - Les fiscalistes sont à la recherche d'astuces pour détourner la législation afin de permettre aux entreprises de réaliser des économies fiscales. Le mécanisme qu'ils mettent en place a une valeur économique et il n'est pas aisément accessible aux particuliers car, si tel était le cas, le fisc aurait déjà réagi. Cet amendement a pour but de définir plus précisément ce qui relève du secret des affaires. La réflexion doit donc se poursuivre.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Je comprends vos interrogations, mais l'administration fiscale a tous pouvoirs pour contrôler les entreprises : dès qu'elles entrent dans l'illicite, le fisc intervient et sanctionne. En l'état, je ne vois pas comment donner un avis favorable à cet amendement.

M. Philippe Bas, président. - Nous débattrons à nouveau de ce sujet dans l'hémicycle.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  48.

M. Pierre-Yves Collombat. - L'inflation de nos amendements, dont cet amendement n°  7, est le reflet de la perversité de la méthode employée par ce texte. Tout est interdit, sauf dérogation, ce qui nous amène à allonger la liste des dérogations !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Sur un certain nombre de points, l'amendement n° 7 est satisfait, car le secret des affaires n'est pas opposable aux autorités administratives ou juridictionnelles, dans leurs missions de contrôle ou de sanction, ni aux lanceurs d'alerte qui divulguent des activités illégales ou des comportements répréhensibles : informations sanitaires ou environnementales, optimisation fiscale, fraude fiscale, infraction pénale. Par conséquent, avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  7.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  6 est satisfait par le texte, puisque le secret des affaires n'est pas opposable aux lanceurs d'alerte, dans le cadre du droit d'alerte prévu par la directive comme dans le cadre de la loi Sapin 2.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  6.

M. Jacques Bigot. - L'amendement n°  49 du groupe socialiste et républicain reprend utilement une disposition de la directive européenne relative aux droits des travailleurs.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Cet amendement est parfaitement satisfait par le texte, qui prévoit clairement une exception au secret des affaires pour l'exercice du droit à l'information et à la consultation des salariés et de leurs représentants. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  49.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Les amendements nos 51 et 8 ainsi que les amendements identiques nos  67 et 69 répondent à la même finalité. Ils limitent les cas dans lesquels l'obtention d'un secret est illicite à ceux où l'obtention est réalisée dans un but commercial ou concurrentiel, à des fins de concurrence déloyale ou illégitime, ou pour en retirer un profit, de façon à écarter clairement les chercheurs, les journalistes, les lanceurs d'alerte ou les associations. En cela, ils ne sont au demeurant pas conformes à l'article 4 de la directive, qui n'est pas aussi restrictif.

Le texte prévoit clairement des exceptions au secret pour les journalistes et les lanceurs d'alerte, ainsi que pour les représentants des salariés. Ces amendements sont donc satisfaits sur ce point. Quant aux chercheurs, je ne comprends pas pourquoi ils sont mentionnés.

J'ai déjà expliqué lors de l'examen de l'amendement n° 3 pourquoi il ne fallait pas restreindre la protection du secret des affaires aux seules relations entre entreprises. Les personnes autres que les entreprises qui peuvent y porter atteinte ne sont pas nécessairement des journalistes, des lanceurs d'alerte ou des représentants des salariés. Avis défavorable aux quatre amendements.

M. Pierre-Yves Collombat. - Contrairement à ce que pense le rapporteur, la question des chercheurs mérite d'être traitée. Ce sont eux qui ont le temps et la capacité de décortiquer les mécanismes compliqués des comportements financiers délictueux, et les publications des journalistes sont souvent alimentées par les résultats de leurs travaux. Puisque nous en sommes, dans l'examen de ce texte décidément politique, à faire des listes d'exceptions, autant les y inclure...

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Contrairement aux journalistes ou aux représentants des salariés, je ne vois pas à quel titre un chercheur aurait accès à des informations relevant du secret des affaires, qui sont par nature confidentielles.

M. Pierre-Yves Collombat. - Il y a par exemple des chercheurs, au CNRS, qui travaillent sur l'évasion fiscale.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Ce n'est pas le cas traité ici.

M. Pierre-Yves Collombat. - Beaucoup d'informations sur les pratiques commerciales sont disponibles dans la littérature mais ne sont exploitables que par des chercheurs.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Si ces informations sont disponibles, c'est qu'elles ne relèvent pas du secret des affaires...

M. Philippe Bas, président. - Nous sommes en présence de deux approches opposées. La première consiste à considérer que, dans ce monde dominé par la concurrence exacerbée et la guerre économique, il ne faut pas baisser la garde, et des informations précieuses pour le développement des entreprises ne doivent pas être divulguées, quand bien même ce serait pour de nobles motifs. La seconde repose sur l'idée que les entreprises se livrant parfois à des pratiques opaques que la morale réprouve, il convient de restreindre le secret des affaires. Ce sont deux positions d'ordre quasi philosophique, entre lesquelles il n'est pas de compromis possible.

M. Pierre-Yves Collombat. - Si l'on veut vraiment lutter contre l'espionnage industriel, il faut prendre de véritables mesures de rétorsion contre les États qui s'en sont fait une spécialité ! Au lieu de cela, nous nous taisons. Ce texte ne changera strictement rien.

M. Alain Richard. - C'est une nouvelle guerre de l'opium que vous voulez !

M. Pierre-Yves Collombat. - Pourquoi pas ?

M. Jacques Bigot. - Pour ma part, je ne crois pas impossible de trouver un compromis. Le rapport de MM. Frassa et Delebarre, et la proposition de loi de M. Jean-Jacques Urvoas, alors président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, insistaient sur la nécessité de légiférer sur le secret des affaires tout en trouvant un équilibre. D'où la complexité du texte. À mon avis, celui-ci ne prend en compte que les grandes entreprises et la concurrence internationale, alors qu'il faudrait se concentrer sur les PME qui démarrent et les start-ups qui n'ont pas le réflexe de se protéger. Il ne faut pas non plus être insensible aux arguments sur la protection des journalistes et des lanceurs d'alerte. En somme, le fond du débat est la définition du secret des affaires...

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - C'est justement pour cela que j'ai proposé, dans un amendement que la commission a accepté la semaine dernière, de remplacer la notion de valeur commerciale par celle de valeur économique. Les start-ups développent ainsi des algorithmes dépourvus de valeur commerciale mais présentant une très forte valeur économique, et dont le vol pourrait contraindre l'entreprise à mettre la clé sous la porte.

Mme Brigitte Lherbier. - Les lanceurs d'alerte ont-ils un statut particulier ?

M. Philippe Bas, président. - Vaste débat, que nous avons eu lors de l'examen de la loi « Sapin 2 »...

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Pour la protection des lanceurs d'alerte, un mécanisme à double détente a été mis en place dans la transposition de la directive. En effet, la loi « Sapin 2 » apporte une protection notamment contre les poursuites pénales, dans le cadre d'une procédure d'alerte précisément définie, alors que la directive européenne n'assure qu'une protection au plan civil. Le lanceur d'alerte est donc mieux protégé par le système français.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 51, 8, 67 et 69.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur- L'amendement n°  42 est satisfait par l'un des miens. Retrait ?

La commission demande le retrait de l'amendement n°  42 et, à défaut, y sera défavorable.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Presque identiques, les amendements nos  79 et 25 inversent la charge de la preuve en matière d'utilisation illicite d'un secret des affaires. En réalité, ils auraient pour effet de protéger les entreprises qui captent illégalement un secret de leurs concurrents, ces derniers devant prouver qu'elles l'ont fait en connaissant le caractère illicite de cette utilisation, ce qui est impossible...

Ces amendements reviennent sur l'emploi du conditionnel dans la formule « aurait dû savoir » appliquée à la connaissance du caractère illicite de l'obtention ou de l'utilisation d'un secret. Or le conditionnel est connu du droit français, par exemple à l'article 2224 du code civil, qui fixe le droit commun du délai de prescription. De plus, cette formulation précise est exigée par la directive. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  79 et 25.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  43 appelle les mêmes arguments que les nos 79 et 25, concernant l'usage du conditionnel. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  43.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur- Même avis et même justification à propos des amendements identiques nos  26 et 78.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  26 et 78.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  57 mentionne utilement les traités internationaux pouvant requérir l'obtention, l'utilisation ou la divulgation du secret pour prendre en compte, notamment, la convention de La Haye de 1970 qui encadre l'obtention des preuves dans un État étranger dans le cadre d'une procédure judiciaire. Cet amendement nous rapproche ainsi de la « loi de blocage »... Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  57.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  76 revient à l'absence de protection, là où la commission a prévu une inopposabilité, par cohérence avec le texte de la directive. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  76.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Bien que la rédaction de l'alinéa sur la liberté d'expression et la liberté de la presse modifié par l'amendement n°  83 ne soit pas parfaitement claire, la commission n'a pas souhaité y toucher. En outre, les mots « y compris » sont ceux de la directive européenne. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  83.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements identiques nos  9 et 45. Je ne vois pas pourquoi les enseignants-chercheurs bénéficieraient d'un régime dérogatoire spécifique au regard du secret des affaires. La directive ne prévoit rien de tel, sauf à ce qu'ils agissent pour lancer une alerte au nom de l'intérêt général - et, dans ce cas, l'exception des lanceurs d'alerte s'appliquerait.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  9 et 45.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Les amendements identiques nos  53 et 58 reviennent à la rédaction de l'Assemblée nationale, qui faisait exception au secret des affaires pour le signalement d'une faute, d'une activité illégale ou d'un comportement répréhensible, y compris pour l'exercice du droit d'alerte prévu par la loi « Sapin 2 ».

Cette rédaction n'ayant manifestement pas été comprise, la commission a voulu clarifier le fait que deux régimes d'alerte coexistaient, au moins dans l'attente de la directive annoncée sur les lanceurs d'alerte, et que le dispositif de la loi « Sapin 2 » n'était pas remis en cause d'une quelconque manière. Quoi qu'il en soit, le problème de l'articulation entre les deux régimes demeurera car cette proposition de loi n'esquisse pas de solution, se contentant de transposer a minima la directive sur cette question.

La rédaction adoptée par la commission était conforme à la directive, dès lors qu'elle préservait dans toute sa pureté le droit d'alerte général et inconditionnel prévu par l'article 5.

Il était parfaitement inutile de mentionner le droit d'alerte encadré par la loi « Sapin 2 » dans ce texte, car le secret des affaires ne lui est pas opposable. Je recommande à tous les lanceurs d'alerte potentiels d'utiliser la procédure de la loi « Sapin 2 », car elle est pour eux plus protectrice que la formule quelque peu hors sol de la directive... Sagesse.

Quant aux amendements nos  11, 27, 70, 71 et 10, qui ont pour objet commun d'étendre le droit d'alerte prévu par la directive, ils sont satisfaits par le texte de la commission. Avis défavorable.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements nos  53 et 58 et émet un avis défavorable sur les amendements nos  11, 27, 70, 71 et 10.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Sort de l'amendement

Article 1er
Mise en place d'un régime général de protection du secret des affaires en matière civile

M. FRASSA

86

Adopté

M. FRASSA

87

Adopté

M. FRASSA

88

Adopté

Article 2
Application outre-mer du régime de protection du secret des affaires

M. FRASSA

89

Adopté

Article additionnel après l'article 3

M. FRASSA

90

Adopté

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

La commission adopte les avis suivants :

Auteur

Avis de la commission

Motions

M. BOCQUET

1

Défavorable

M. Jacques BIGOT

37

Défavorable

Article 1er
Mise en place d'un régime général de protection du secret des affaires en matière civile

M. BOCQUET

2

Défavorable

M. BOCQUET

3

Défavorable

M. BOCQUET

5 rect.

Défavorable

M. Jacques BIGOT

40

Défavorable

M. BOCQUET

4

Défavorable

M. LABBÉ

82

Défavorable

M. Jacques BIGOT

39

Défavorable

M. MOHAMED SOILIHI

52

Défavorable

Le Gouvernement

56

Défavorable

M. LABBÉ

68

Défavorable

M. LECONTE

46

Défavorable

M. LECONTE

48

Défavorable

M. BOCQUET

7

Défavorable

M. BOCQUET

6

Défavorable

Mme LIENEMANN

49

Défavorable

Mme de la GONTRIE

51

Défavorable

M. BOCQUET

8

Défavorable

Mme LIENEMANN

67

Défavorable

M. LABBÉ

69

Défavorable

M. Jacques BIGOT

42

Demande de retrait

M. LABBÉ

79

Défavorable

Mme LIENEMANN

25

Défavorable

M. RAYNAL

43

Défavorable

Mme LIENEMANN

26

Défavorable

M. LABBÉ

78

Défavorable

Le Gouvernement

57

Favorable

M. LABBÉ

76

Défavorable

M. REQUIER

83

Défavorable

M. BOCQUET

9

Défavorable

M. Jacques BIGOT

45

Défavorable

M. MOHAMED SOILIHI

53

Sagesse

Le Gouvernement

58

Sagesse

M. BOCQUET

11

Défavorable

Mme LIENEMANN

27

Défavorable

M. LABBÉ

70

Défavorable

M. LABBÉ

71

Défavorable

M. BOCQUET

10

Défavorable

La réunion est close à 10 heures.

Mercredi 18 avril 2018

- Présidence de MM. Philippe Bas, président de la commission des lois, et Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable -

La réunion est ouverte à 08 h 40.

Groupe de travail sur la sécurité routière - Examen du rapport d'information

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Mes chers collègues, la commission des lois et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sont réunies pour examiner le rapport d'information du groupe du travail sur la sécurité routière.

Le Gouvernement a présenté le 9 janvier dernier un plan de lutte contre l'insécurité routière, dont la mesure phare est l'abaissement de 90 à 80 kilomètres par heure de la vitesse maximale autorisée sur les routes à double sens sans séparateur central, à partir du 1er juillet prochain.

Dès l'annonce de ce plan, Philippe Bas et moi-même avons demandé au Premier ministre les résultats de l'expérimentation menée entre 2015 et 2017. Nous avons reçu - au bout d'un certain temps... - une réponse ne comportant aucun élément sur l'effet de cette mesure sur l'accidentalité.

Nos deux commissions ont auditionné le délégué interministériel à la sécurité routière, M. Emmanuel Barbe, dont les explications ne nous ont pas franchement convaincus de la nécessité d'une mesure générale ne tenant pas compte de la qualité des routes. Dans ce contexte, nous avons chargé un groupe de travail composé de Michel Raison, Jean-Luc Fichet et Michèle Vullien d'évaluer l'utilité et l'efficacité du plan gouvernemental, en particulier de la réduction de vitesse à 80 kilomètres par heure.

Il est regrettable qu'aucune mesure de ce plan ne concerne la qualité des infrastructures car, comme la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable l'a déjà souligné, notre réseau routier, national comme départemental, se dégrade du fait des baisses de crédits.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Je me félicite que nos deux commissions aient mis en place ce groupe de travail, dont je suis impatient de connaître les conclusions.

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - Malgré les politiques mises en oeuvre au cours des dernières décennies, la route demeure la première cause de mort violente en France. Chaque année, environ 3 500 personnes meurent dans un accident de voiture, et 75 000 sont blessées, dont 28 000 grièvement. En 2016, la route a fait environ 10 morts et 79 blessés graves par jour.

Les facteurs accidentogènes sont multiples : pour 2016, on cite à titre de cause principale des accidents mortels la vitesse excessive ou inadaptée dans 31 % des cas, l'alcool dans 19 %, les stupéfiants dans 9 %. Par ailleurs, l'inattention du conducteur, liée notamment à l'usage du téléphone au volant, a été à l'origine d'un accident mortel sur dix.

Ce constat préoccupant appelle une politique publique forte de lutte contre l'insécurité routière.

Des étapes importantes ont été franchies par le passé, avec des résultats probants. La fixation de vitesses maximales autorisées, le port obligatoire de la ceinture et du casque, l'introduction du permis à points et, plus récemment, le renforcement des contrôles de la vitesse avec le déploiement des radars automatiques sont autant de mesures qui ont permis de mieux sécuriser nos routes. Entre 1970 et 2010, le nombre de morts a ainsi baissé de manière importante, passant de plus de 17 000 personnes tuées chaque année à moins de 4 000.

Toutefois, il semblerait que nous ayons aujourd'hui atteint un palier : malgré de nouvelles mesures, les chiffres de l'insécurité routière ont cessé de diminuer depuis 2013 et, même, certaines années, ils ont légèrement augmenté.

Pour répondre à cette inversion de tendance, le Premier ministre, Édouard Philippe, a dévoilé le 9 janvier dernier un nouveau plan de lutte contre l'insécurité routière, destiné à donner une nouvelle impulsion à la politique dans ce domaine et à refaire baisser la mortalité routière, pour atteindre moins de 2 000 morts sur les routes d'ici à 2020.

Ce plan, présenté à nos deux commissions par le délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe, comprend des mesures diverses visant aussi bien au renforcement de la prévention qu'au durcissement de la réglementation et des sanctions.

L'une d'elles a focalisé le débat public : l'abaissement de 90 à 80 kilomètres par heure de la vitesse maximale autorisée sur les routes à double sens sans séparateur central. Cette réduction, qui devrait entrer en vigueur le 1er juillet prochain, concernerait une part importante du réseau routier secondaire, c'est-à-dire des routes départementales et nationales. Une clause de rendez-vous est prévue dans deux ans pour en évaluer l'efficacité. Selon le Gouvernement, 300 à 400 vies par an pourraient être épargnées.

Cette mesure, sans nul doute la plus forte du plan, est aussi celle qui a fait naître le plus de critiques. Son utilité et sa proportionnalité ont suscité et suscitent encore de nombreuses interrogations et incompréhensions, d'autant plus vives que le Gouvernement n'a pas procédé à une concertation préalable suffisante ni fourni d'éléments de nature à étayer sa décision. Selon une étude récente de l'assureur Axa Prévention, 76 % des Français y seraient opposés.

Or nous savons que l'efficacité d'une mesure repose en partie sur sa compréhension et son acceptabilité par la population, spécialement dans un domaine, la sécurité routière, où les comportements individuels jouent un rôle majeur.

C'est dans ce contexte que nos deux commissions ont décidé la création d'un groupe de travail pluraliste, dont nous vous présentons ce matin les conclusions.

Nous avons travaillé dans des délais contraints, afin de rendre nos conclusions avant la publication du décret de mise en oeuvre de la mesure de réduction de vitesse. L'essentiel de nos travaux a consisté à évaluer, sans a priori, l'utilité et l'efficacité de cette mesure, la plus contestée et la première à devoir entrer en vigueur.

Au cours des deux derniers mois, nous avons organisé une série d'auditions avec l'ensemble des parties prenantes : principaux acteurs de la sécurité routière, représentants d'élus locaux, usagers de la route, entre autres. Au total, 47 personnes ont été entendues, à l'occasion de 17 tables rondes et auditions.

Parallèlement, nous avons ouvert sur le site du Sénat un espace participatif, afin d'associer à la réflexion l'ensemble de la société civile. Le succès de cette plateforme est sans précédent, puisque, en quelques semaines, plus de 23 000 contributions de citoyens y ont été collectées. Dans l'ensemble, elles témoignent d'un rejet assez large de la mesure au sein de la société civile. S'il est difficile de généraliser ces conclusions - les personnes qui ont répondu étaient en majorité opposées à la mesure -, nous pouvons, en tout état de cause, y voir le signe d'une très forte mobilisation.

Avant que mes collègues rapporteurs ne vous présentent nos résultats et propositions, je tiens à préciser qu'un consensus s'est très naturellement dégagé entre nous : si réduire la mortalité sur les routes doit être une priorité, il est de notre devoir de parlementaires de nous assurer que les mesures prises sont pertinentes et proportionnées à l'objectif visé.

M. Michel Raison, rapporteur. - Nous avons essayé de comprendre ce qui a pu motiver la décision du Gouvernement.

Voilà longtemps que les experts recommandent de baisser la vitesse à 80 kilomètres par heure ; Gilles de Robien, le ministre des transports qui a mis en oeuvre le plan Chirac, lui-même très hostile à la mesure, nous l'a bien expliqué.

En 2013, le Gouvernement s'est donné pour objectif de réduire le nombre de morts à 2 000 en 2020. Le comité des experts du Conseil national de la sécurité routière a alors planché et ressorti les vieilles études, y compris celles qui étaient un peu poussiéreuses. Ils ont envisagé deux hypothèses : réduire la vitesse à 80 kilomètres par heure sur une partie du réseau routier secondaire seulement ou sur l'ensemble des 400 000 kilomètres de ce réseau. Ils ont finalement proposé la seconde option, mais le ministre de l'intérieur de l'époque a retenu une expérimentation. C'est là que l'effervescence a commencé.

Ces experts se sont fondés sur un certain nombre de travaux dont il ressort que plus la vitesse est élevée, plus les accidents sont nombreux et graves... C'est une lapalissade : à 0 kilomètre par heure, il n'y aurait probablement plus de morts ! Il s'agit de savoir où l'on place le curseur pour que la limitation soit acceptée ; pour une mesure comme pour un médicament, il y a toute une dimension de psychologie.

Le ministre de l'intérieur qui a décidé l'expérimentation sur 86 kilomètres de routes avait expliqué qu'un dispositif d'évaluation permettrait de suivre l'évolution du comportement des automobilistes et de mesurer les effets de la réduction de vitesse. Cette expérimentation, promettait-il, serait « transparente, honnête, rigoureuse » : « c'est sur cette base que nous pourrons prendre, là où cela sera nécessaire, les décisions qui pourront s'imposer à tous, parce qu'elles seront comprises par tous et parce qu'elles résulteront de données tangibles et non de spéculations ou de pétitions de principe »...

Seulement voilà : quand nous avons commencé à nous inquiéter de ne pas voir les résultats de ces études et que, brutalement, le Premier ministre a mis en avant cette mesure parmi toutes celles du plan - ce qui a engendré le conflit -, nous nous sommes demandé sur quoi il avait pu se fonder. Des questions ont été posées au Gouvernement, à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Les réponses, infantilisantes, un peu violentes même, ont consisté à nous traiter d'inconscients par rapport à la sécurité routière. Les parlementaires, qui tous veulent qu'il y ait le moins de morts possible, en ont conçu un certain agacement. Sans compter que, lorsque nous avons essayé d'accéder aux études, on n'a pas voulu nous les communiquer.

Une de nos premières découvertes, assez étonnante, est que le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, le Cerema, n'avait pas mesuré l'accidentalité, mais seulement la vitesse. Quand on abaisse la limite et qu'on installe des radars, assez logiquement, la vitesse diminue... Au moins avons-nous appris de combien elle avait diminué : 4,7 kilomètres par heure. Peut-être cela leur permet-il de calculer le surplus des PV, puisqu'on sait qu'on dépasse plus la vitesse sur les tronçons à 80 kilomètres par heure que sur ceux à 90 kilomètres par heure...

En ce qui concerne l'accidentalité, nous avons tout de même fini par obtenir quelques données : M. Barbe nous a apporté, au mois de mars, un petit document de trois pages ou quatre. Mais nous n'avons guère approfondi, le Premier ministre nous ayant répondu que l'expérimentation était trop brève et les tronçons trop courts pour qu'on puisse se fonder sur ces résultats.

On n'en tire pas moins argument de ce que la mortalité a baissé. Elle a baissé, certes, de façon insignifiante - il est vrai que, sur un aussi faible kilométrage, l'analyse est difficile. Seulement, nous nous sommes aperçus que, sur la même période, elle avait moins baissé sur les routes soumises à l'expérimentation que sur les autres !

Ainsi donc, les autorités nous mentent, tout en prétendant être doublement honnêtes : les statistiques sont bonnes, disent-elles, mais nous ne nous en servons même pas, parce que la période de deux ans est trop courte...

L'expérimentation, dont les justifications étaient déjà factices, s'est donc avérée inconclusive et opaque.

À cela s'est ajouté un problème de forme. J'ai bien expliqué au Premier ministre qu'il ne s'agissait pas de l'offenser, et que sur un sujet aussi grave on ne faisait pas de politique politicienne. Je l'ai cependant senti très buté. Au demeurant, quand cinquante d'entre nous lui ont envoyé un courrier, il y a répondu avec une certaine langue de bois et en faisant sentir que nous ne l'intéressions pas beaucoup. Notre groupe de travail lui a à son tour écrit : il a répondu au bout d'un mois et complètement à côté de la question.

On nous explique que deux ans d'expérimentation n'ont pas de valeur statistique, ce qui est vrai - la sécurité routière, c'est un peu plus compliqué que le cours du blé. Mais pourquoi alors le Président de la République dit-il que, dans deux ans, on reviendra peut-être sur la mesure ? On se moque de nous !

Ce qui a aussi contribué à notre énervement, c'est qu'on ne propose rien de neuf en matière de prévention, ni moyens nouveaux pour ceux qui s'occupent de prévention.

La première mesure à prendre aurait été d'allouer une partie de l'argent des PV à la prévention. Au lieu de ça, on affecte le surplus des PV - parce qu'ils savent qu'il y en aura un - aux hôpitaux. Le financement des hôpitaux relève de l'État, des assurances, mais pas de la sécurité routière ! Mieux vaut essayer d'agir en amont des accidents, au niveau de la prévention. Sans compter qu'organiser une conférence de presse au milieu des fauteuils roulants n'est pas très correct - cela aussi m'a un peu énervé.

Telles sont, mes chers collègues, nos tentatives pour comprendre les raisons qui ont motivé la décision du Gouvernement. Je laisse à Michèle Vullien le soin de vous exposer nos conclusions.

Mme Michèle Vullien, rapporteure. - Il me revient de vous présenter nos principales préconisations. Le Président de la République et le Premier ministre ont fait des annonces qui paraissaient clore le débat, mais, pour nous, le débat n'est pas clos.

La mesure d'abaissement de la vitesse a été annoncée brutalement et sans concertation avec les acteurs concernés, au premier rang desquels les départements et les usagers. Elle doit s'appliquer sans discernement à la majorité des routes nationales et départementales, alors qu'il avait été prévu, comme notre collègue Michel Raison l'a souligné, qu'elle serait mise en oeuvre là où cela serait nécessaire.

Cette mesure est vécue comme fortement pénalisante par un grand nombre de nos concitoyens, en particulier dans les territoires enclavés, où la route est le seul mode de déplacement possible. Elle est perçue comme d'autant plus injuste que les services de l'État ont parfois refusé d'aménager les routes nationales pour les transformer en routes à deux fois deux voies. Il faut dire que, lorsque certaines routes nationales ont été transférées aux départements, l'État ne les entretenait qu'a minima depuis un certain temps.

Cette mesure pose ainsi un véritable problème d'acceptabilité, d'autant qu'elle a été isolée parmi les 18 mesures envisagées, ce qui a cristallisé les exaspérations. Chacun a pu mesurer dans son département les crispations. Mon territoire n'est certes pas de ceux où les réactions sont les plus vigoureuses, et d'ailleurs souvent mes collègues rapporteurs m'ont dit : tu raisonnes comme une métropolitaine... Mais non, j'ai conscience des problèmes qui se posent sur tous les territoires, y compris ceux où il n'y a pas d'alternative à la route !

Au cours de nos auditions, le manque de concertation a été particulièrement souligné.

C'est pourquoi notre groupe de travail, au sein duquel nous avons travaillé en harmonie, a recherché une solution permettant à la fois de prendre en compte les enjeux de sécurité routière - tous, nous voulons qu'il y ait moins de morts et de blessés - et d'assurer la proportionnalité du dispositif.

Nous proposons que la réduction de la vitesse maximale autorisée soit décidée de façon décentralisée, au niveau des départements, et ciblée sur les routes accidentogènes. Il s'agit d'adapter la réduction de vitesse aux réalités des territoires, plutôt que de l'appliquer de manière indifférenciée. La France n'est pas uniforme !

Du reste, la décentralisation de la décision est déjà la règle pour la détermination des vitesses maximales autorisées : les présidents de département et les maires - ou, à Lyon, le président de la métropole - sont compétents pour réduire les vitesses limites sur les routes dont ils ont la gestion. Cette faculté est fréquemment utilisée, comme en témoigne la mise en place de zones de rencontre et de « zones 30 » dans de nombreuses agglomérations. La méthode a fait ses preuves, et on ne voit pas pourquoi l'État prendrait d'un seul coup la main en la matière.

Nous proposons donc que soient organisées dans chaque département, de juin à décembre 2018, des conférences départementales de la sécurité routière, sous l'égide du président du conseil départemental, ou du président de la métropole, et du préfet. Ces conférences auraient pour mission d'identifier les routes ou tronçons de route les plus accidentogènes, pour lesquels une réduction de la vitesse à 80 kilomètres par heure permettrait de réduire les accidents de manière certaine.

Ces conférences devraient associer l'ensemble des acteurs concernés, en particulier les représentants des services de l'État et des départements en charge de la gestion des routes, les associations d'usagers de la route, les associations de lutte contre la violence routière et les représentants des chambres consulaires locales.

Le travail d'identification des routes accidentogènes pourrait s'inspirer de la démarche entreprise par le département de la Haute-Saône, qui a déjà procédé à la détermination des routes départementales dont les caractéristiques pourraient justifier une réduction de vitesse, sur la base de sept paramètres techniques incluant notamment la largeur de la chaussée, la présence de zones de récupération et d'obstacles latéraux, la visibilité aux carrefours et dans les virages et la nature du trafic.

Une fois les routes concernées identifiées, la liste définitive en serait arrêtée en décembre 2018, pour une entrée en vigueur de la réduction de vitesse au 1er janvier 2019, soit six mois seulement après l'entrée en vigueur prévue par le Gouvernement. Six mois seulement, mais six mois qui changent tout, puisqu'ils permettront une véritable concertation locale. Pour une décision de cette importance, un report de six mois ne paraît pas déraisonnable...

Nous proposons enfin qu'un bilan de l'efficacité de la mesure soit dressé au bout de deux ans, en vue d'un éventuel ajustement. C'est d'ailleurs ce que le Président de la République a annoncé.

Lors de nos auditions, de nombreux acteurs nous ont alertés sur le risque que la politique de sécurité routière soit perçue sous un angle punitif, alors qu'elle devrait être conçue de façon à associer le plus grand nombre d'acteurs. Tel est le sens de notre proposition, qui est équilibrée.

En même temps que la baisse de la vitesse maximale, à laquelle nous ne sommes donc pas défavorables, il conviendrait de mettre en place des mesures contre l'usage du téléphone portable au volant - car ceux qui écrivent des textos en conduisant sont des malfaisants - et contre la consommation d'alcool et de drogues par les automobilistes. Plutôt que de pointer la seule vitesse, il faut agir sur tous les facteurs d'accidents !

Enfin, en matière de prévention, il nous paraît essentiel d'agir dès l'école primaire, pour que les enfants prennent conscience des dangers de la route.

Mme Catherine Troendlé. - Je félicite nos rapporteurs pour le travail approfondi qu'ils ont accompli, en dépit des messages reçus du Gouvernement, qui valaient presque fin de non-recevoir à leurs demandes.

J'avais travaillé sur une proposition de loi de Jean-Pierre Leleux visant à intégrer dans la formation au permis de conduire les cinq gestes qui sauvent. Ce qu'on a fait se réduit à quelques diapositives sur les numéros d'appel ou la sécurisation du lieu. Il faut aller plus loin.

Des accidents se produiront toujours - je ne suis pas fataliste, c'est simplement la réalité. Plutôt que de réduire la vitesse, travaillons à la prévention, qui est indispensable. Certains gestes élémentaires, comme le massage cardiaque, devraient être connus de tous.

M. Alain Fouché. - Je salue le travail très intéressant accompli par nos trois rapporteurs.

Avec plusieurs collègues, j'avais rédigé un amendement visant à faciliter la récupération de points, parce que j'estime que, dans tout cela, il y a une part de « racket » financier de la part de l'État.

Les expérimentations ne sont pas significatives, et beaucoup d'accidents ne sont pas dus à la vitesse. Une limitation à 80 kilomètres par heure serait dangereuse, car il serait difficile de doubler. Aux États-Unis, beaucoup d'accidents se produisent sur les grandes routes où la vitesse est très limitée, notamment parce que les conducteurs s'endorment.

L'État encourage la construction de voitures électriques, qui lui fera perdre des ressources énormes. Il a donc intérêt à faire entrer des recettes... Il faudrait au moins exiger qu'elles soient affectées à la sécurité routière !

Des radars ambulants sont confiés à des entreprises privées, ce qui est scandaleux. L'État rackette !

L'abaissement de la vitesse maximale aura pour effet de désertifier les campagnes au plan économique et industriel, puisque les entreprises iront s'installer le long des grands axes.

Continuons à nous battre contre cette décision sans fondement, d'autant que l'opinion est avec nous ! La solution proposée par nos rapporteurs me paraît tout à fait intelligente, mais, les routes étant départementales, c'est le président du département, et non le préfet, qui devrait présider la conférence départementale de la sécurité routière.

Mme Josiane Costes. - Je souscris pleinement aux propositions du groupe de travail, étant l'élue d'un département, le Cantal, dont toutes les routes seront concernées par la mesure. Nous n'avons en effet aucune route à 4 voies, en plus de subir une dégradation des conditions de circulation en train : pour rejoindre Paris, on met plus de temps qu'en 1900... Nous qui sommes déjà enclavés, on nous enclave encore davantage !

Il est très important que les décisions soient prises localement, par les présidents de conseil départemental et les préfets.

La prévention routière aussi est très importante : elle devrait figurer de manière obligatoire dans les programmes scolaires, dès la maternelle.

M. Gérard Cornu. - Je félicite à mon tour nos trois rapporteurs : des conclusions de bon sens, cela fait du bien...

La vitesse n'est pas le seul facteur d'accidents. A-t-on des statistiques sur l'accidentologie lorsque les 90 kilomètres par heure sont respectés ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Cette question est extrêmement pertinente : ce qui tue, en général, c'est l'excès de vitesse par rapport à la vitesse autorisée, plutôt que le fait que cette vitesse autorisée soit trop élevée.

M. Michel Raison, rapporteur. - Il est très difficile de définir les causes d'un accident, mais une vitesse excessive ou inappropriée en fait presque toujours partie. Si tout le monde respectait le code de la route, il n'y aurait plus beaucoup d'accidents...

Les experts qui prêchent depuis trente ans le 80 kilomètres par heure expliquent que moins la vitesse est élevée, moins le choc est violent et plus on peut l'éviter. Mais, si je considère les cinq ou six morts dans mon département depuis le début de l'année, la vitesse excessive ou inappropriée était chaque fois en cause.

Par ailleurs, les gendarmes sont beaucoup moins nombreux au bord des routes. Je ne reproche rien à personne - il y a eu des baisses d'effectifs, et les forces sont mobilisées ailleurs -, mais, quand on voit un képi, on lève généralement le pied !

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - Beaucoup d'accidents résultent d'un léger dépassement de vitesse causé par un autre comportement, comme l'usage d'un téléphone portable ou la somnolence. La vitesse en tant que telle n'est pas la cause essentielle des accidents.

Mme Michèle Vullien, rapporteure. - Les accidents sont toujours multifactoriels : ils résultent d'une conjugaison de causes et de distracteurs, comme disent les experts.

M. Michel Raison, rapporteur. - On nous dit que 55 % des morts se produisent sur les 400 000 kilomètres du réseau secondaire, mais seulement 51 % de ces morts surviennent dans des véhicules légers. Sur une moto, même si la vitesse est un peu réduite, on est à mon avis tout aussi vulnérable. Les poids lourds, de leur côté, auront ni plus ni moins d'accidents. Épargner 400 morts sur 51 % des 55 % morts, ce ne sera pas si simple...

M. Yves Détraigne. - Les propositions des rapporteurs sont de bon sens. Or il faut garder le bon sens sur cette question qui devient très vite passionnelle.

Voilà quelques années, j'ai déposé une proposition de loi, très commentée par la presse, sur la question du permis de conduire à vie. On passe son permis à 18 ans, et à 88 ans on conduit toujours sans le moindre contrôle ! Moi qui roule 35 000 kilomètres par an, je peux vous assurer qu'on a parfois des sueurs froides avec l'aïeul au volant de sa 2 CV...

Cette question est marginale dans les statistiques, mais nous ne la réglons pas en France, alors que, dans un certain nombre d'autres pays de l'Union européenne, un stage de remise à niveau est prévu au bout d'un certain temps.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je suis tout à fait d'accord. J'avais d'ailleurs cosigné la proposition de loi de M. Détraigne...

Mme Angèle Préville. - Je souscris tout à fait aux préconisations du groupe de travail.

Si la vitesse n'est pas la cause des accidents, elle en est un facteur aggravant. L'énergie acquise par les véhicules est proportionnelle au carré de la vitesse...

Un travail de prévention est mené dans les collèges. Dans les collèges où j'ai travaillé, tous les élèves étaient formés aux premiers secours.

Mme Catherine Troendlé. - En moyenne, seuls 34 % le sont.

Mme Angèle Préville. - Comme professeur de physique-chimie, je faisais en classe de troisième une leçon intitulée « Énergie cinétique et sécurité routière ». Quand je faisais calculer à mes élèves des distances d'arrêt, souvent ils trouvaient les résultats incroyables... Preuve qu'il y a du travail à faire !

Je me souviens d'une association qui était venue au collège de Martel avec un simulateur. Cette expérience, plus concrète, avait beaucoup intéressé et, je pense, marqué les élèves. Malheureusement, les associations manquent de subventions...

M. André Reichardt. - Vous êtes-vous intéressés à la part des poids lourds dans l'accidentologie ? Nous savons tous que, excédés par la lenteur de certains poids lourds, des automobilistes prennent des risques de dépassement : avez-vous réfléchi à une différenciation de la vitesse entre poids lourds et véhicules légers ?

M. Michel Raison, rapporteur. - Les transporteurs routiers, qui sont aujourd'hui à 80 kilomètres par heure, sont très silencieux. C'est parce qu'ils craignent qu'on les passe à 70 kilomètres par heure...

Le délégué interministériel prétend que, si tout le monde roule à la même vitesse, le trafic sera plus fluide. Seulement, il y a un certain pourcentage d'automobilistes qui roulent un peu en dessous de la limite : quand, derrière une voiture roulant à 78 kilomètres par heure, il y aura un camion à 85 kilomètres par heure, je vous laisse imaginer les dangers...

Cela est vrai surtout dans les départements où il n'y a pas d'autoroutes. Les camions posent un vrai problème.

M. Christophe Priou. - Et parfois les engins agricoles...

M. Michel Raison, rapporteur. - Nous avons parlé de distracteurs, pas de dix tracteurs !

M. Jean-François Longeot. - Je vous félicite de vous être saisis de ce dossier et de l'avoir traité avec le pragmatisme qu'il impose. En particulier, votre focus au niveau départemental est très bienvenu. Avez-vous recueilli des statistiques sur l'accidentologie entre le vendredi à 18 heures et le lundi à 6 heures ? Le représentant qui parcourt 25 000 ou 30 000 kilomètres par an n'est pas celui qui cause le plus d'accidents. En revanche, le danger qui le menace est de devenir représentant à pied, à cheval ou à vélo, s'il n'a plus de points sur son permis.

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - Les questions de sécurité routière nécessitent un travail de dentelle, sur le comportement des automobilistes, l'état des véhicules... Depuis les années 1970, où le nombre de morts sur la route chaque année atteignait 17 000, tous les Gouvernements se sont préoccupés de la sécurité routière, et l'objectif actuel est de faire passer ce chiffre sous 2000 à l'horizon 2020. Pour être efficace, il faut éviter de multiplier les dispositions, ce qui affaiblirait le dispositif global. En ce qui concerne les poids lourds, il faut s'interroger sur le coût d'accès aux voies rapides et aux autoroutes, qui fait que certains transporteurs continuent d'emprunter les routes départementales pour faire des économies, ce qui est plus dangereux - même remarque pour les jeunes conducteurs.

M. Michel Raison, rapporteur. - Les chiffres sont disponibles, mais nous ne les avons pas fait figurer dans le rapport, car nous n'imaginons pas de mesures spécifiques le samedi ou le week-end, si ce n'est l'accroissement du nombre de contrôles routiers. En moyenne, il y a 9,5 morts par jour. Ce chiffre s'accroît le vendredi, et passe à 11,1 le samedi, et 9,9 le dimanche.

M. Olivier Jacquin. - Je souscris à votre proposition pragmatique d'adapter la mesure au niveau local. Mme Tocqueville a récemment présenté un rapport sur la pollution de l'air, et sur le contentieux européen qui menace la France. Quel sera l'impact de la limitation à 80 kilomètres par heure ? Le responsable de la sécurité routière n'avait pas répondu à mes questions sur la perte d'attention liée à l'utilisation du téléphone, même avec les dispositifs autorisés. Il n'y a pas d'étude, en France, sur cette question, qui doit pourtant être sérieusement approfondie.

M. Jean-Marc Boyer. - Cette décision vient d'une proposition technocratique formulée par le centre d'études et de formation à la sécurité routière qui, sans concertation, est devenue une proposition politique. Le Premier Ministre s'étant engagé, il est difficile de revenir en arrière. J'espère que le travail du Sénat sera pris en compte. S'il devait être balayé d'un revers de la main, ce serait faire peu de cas de l'apport parlementaire. Les auditions ont montré qu'il y a très peu de partisans de cette diminution de la vitesse maximale autorisée. Et la population est exaspérée par cette mesure, comme en témoignent des manifestations considérables qui, curieusement, ne sont pas couvertes par les médias. Vos propositions sont raisonnables, équilibrées et intelligentes. Il serait bon que le Gouvernement en tienne compte.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Nous partageons ce souhait.

Mme Nelly Tocqueville. - Je souscris à vos analyses et à vos propositions. Je suis surprise de ne pas voir apparaître, dans le discours du Premier Ministre, l'une des raisons pour lesquelles cette décision a été prise. Dans mon récent rapport sur la lutte contre la pollution de l'air, j'ai rappelé que la France était mauvaise élève en termes de pollution atmosphérique, et qu'elle a transmis son plan d'amélioration de la qualité de l'air à la Commission européenne parce qu'elle n'a pas le choix. Elle doit diminuer les émissions polluantes des véhicules, et en particulier les PM10. Parmi les propositions transmises par la France figure l'abaissement de la vitesse maximale de circulation sur les routes secondaires. Cet engagement a été pris. Pourquoi ne pas le dire ? Avez-vous évoqué cet aspect avec les services de l'État ? Comment percevez-vous cet engagement ?

Mme Françoise Gatel. - Vous auriez pu avoir une position caricaturale, puisque le sujet avait été abordé de manière excessive, mais votre travail est très constructif et complet, puisque vous faites une analyse exhaustive des causes d'accident. Comme beaucoup de nos concitoyens, je suis agacée par la focalisation sur la vitesse comme cause d'accident. Cela affaiblit la sensibilité aux causes de la vitesse que sont l'alcool et la drogue. Nous serons attentifs à l'écho de votre rapport, qui se soucie d'efficacité plus que d'avoir l'éclat d'une annonce. Il ne suffit pas d'avoir une bonne idée, il faut associer les acteurs et les responsables, et en particulier les départements, avec lesquels il aurait fallu dialoguer. Sans cela, on est dans la pensée courte : une annonce forte, et de l'impuissance.

M. Olivier Léonhardt. - Je suis un mauvais garçon : je suis venu en moto. Cela m'a fait gagner une bonne heure... En région parisienne, on a récemment autorisé les deux-roues à passer entre les deux files de voitures les plus à gauche. Cela donne des résultats positifs, alors qu'au départ cette mesure était très contestée : ceci montre qu'on s'appuie souvent sur des idées préconçues. Chacun s'accorde à dire que la question centrale est l'attention du conducteur. Alcool, drogue, téléphone au volant sont les principales causes d'accident. Il faut être pragmatique, et les motards le savent : sur certaines routes, il serait bon de baisser la limitation à 60, ou même 50 kilomètres par heure ; sur d'autres, une vitesse un peu supérieure à l'actuelle pourrait être autorisée. En somme, il faudrait des mesures non pas technocratiques, mais modulées en fonction du terrain. Sur certaines voies, il faut réduire la vitesse maximale autorisée. C'est en expliquant cela que nous serons entendus.

M. Éric Gold. - Certaines difficultés sont liées au paramétrage ou à la mise à jour de certains GPS. On trouve des poids lourds, souvent étrangers, sur certaines routes départementales qui n'y sont pas adaptées, dans des zones où il existe des autoroutes ou des voies plus adaptées. C'est aussi une cause d'accidents.

Mme Michèle Vullien, rapporteure. - Oui, c'est un problème. Maire, je l'avais constaté, mais avais aussi vu qu'il est très difficile de faire changer les paramétrages, même avec l'aide de la préfecture. Il faut souvent payer pour l'obtenir. Nous avons survolé le sujet de la qualité de l'air, alors qu'il pourrait aider à faire accepter la mesure. Il est vrai que la qualité de l'air est moins immédiatement perceptible que les nuisances sonores... Merci d'avoir approuvé nos conclusions. Nous avons travaillé sans a priori. J'ai découvert au fil des auditions que nombre de collègues avaient déjà perdu des points !

M. Michel Raison, rapporteur. - Une étude américaine démontre que, même en Bluetooth ou en Air Link, on n'est plus tout à fait concentré sur la conduite. Écouter la radio est une chose, avoir une conversation intéressante au téléphone en est une autre. Quant à la frustration éprouvée au vu du sort de certains rapports sénatoriaux, elle ne doit pas nous empêcher de continuer à avancer : nous ne sommes pas là pour rester sans rien dire ! Et le travail finit toujours par payer.

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - En matière d'environnement, ce sont souvent nos enfants qui nous font progresser. Il peut en aller de même pour la sécurité routière : aussi devons-nous mettre l'accent sur la formation et la pédagogie.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Vous n'avez pas répondu sur la qualité de l'air.

Mme Michèle Vullien, rapporteure. - Nous n'avons pas eu le temps d'approfondir ce sujet, il aurait été intéressant de l'intégrer dans notre rapport.

La commission des lois et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable autorisent la publication du rapport.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Vous m'avez convaincu que la seule position responsable n'est pas celle du Gouvernement.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Nous demanderons audience au Premier ministre, et demanderons l'inscription d'un débat en séance publique sur ce rapport, ce qui obligera le Gouvernement à prendre position.

La réunion, suspendue à 9 h 55, est reprise à 10 h 05.

Proposition de loi relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire

La commission soumet au Sénat la nomination de MM. Philippe Bas, François Bonhomme, Mathieu Darnaud, Hervé Marseille, Mme Laurence Harribey, MM. Jean-Pierre Sueur et Arnaud de Belenet, comme membres titulaires, et de M. Philippe Bonnecarrère, Mme Maryse Carrère, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Catherine Di Folco, MM. Laurent Duplomb, Didier Marie et François Grosdidier, comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire.

Proposition de loi portant transposition de la directive (UE) 2016-943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire

La commission soumet au Sénat la nomination de MM. Philippe Bas, Christophe-André Frassa, François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Jean-Yves Leconte, Jérôme Durain et Thani Mohamed Soilihi, comme membres titulaires, et de M. Éric Bocquet, Mme Maryse Carrère, M. Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de la Gontrie, Muriel Jourda et M. Hervé Marseille, comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire.

Projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique - Échange de vues sur une éventuelle saisine pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis

La commission des lois demande à être saisie pour avis du projet de loi n° 846 (A.N., XVe lég.) portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, et nomme M. Marc-Philippe Daubresse rapporteur pour avis sur ce projet de loi, sous réserve de sa transmission.

Nomination de rapporteurs

M. Philippe Bas est nommé rapporteur sur la proposition de résolution n° 364 (2017-2018) relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d'intérêts des sénateurs, présentée par M. Gérard Larcher, Président du Sénat.

M. Loïc Hervé est nommé rapporteur sur la proposition de loi n° 390 (2017-2018) visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination, présentée par M. Gérard Larcher, Président du Sénat, et plusieurs de ses collègues, et sur la proposition de loi n° 840 (A.N., XVe lég.) visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination, sous réserve de sa transmission.

Proposition de loi portant transposition de la directive (UE) 2016-943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites - Suite de l'examen des amendements sur le texte de la commission

SUITE DE L'EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Article 1er

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Les amendements nos  12 et 28 sont en partie identiques. Ils reposent sur une lecture abusive de la directive concernant les exceptions au secret applicables aux représentants des salariés, qui prévoit trois hypothèses d'atteinte au secret des affaires : l'obtention illicite, l'utilisation illicite et la divulgation illicite. Pour l'exercice du droit à l'information et à la consultation des salariés et de leurs représentants, son article 3 prévoit un cas d'obtention licite, mais pas d'utilisation ou de divulgation. Pour l'exercice légitime de leurs fonctions par les représentants des salariés, l'article 5 prévoit un cas de divulgation non illicite par un salarié, mais pas d'obtention ou d'utilisation, « pour autant que cette divulgation ait été nécessaire à cet exercice ». La proposition de loi y est parfaitement conforme ; je suis, en conséquence, défavorable à ces deux amendements.

M. Pierre-Yves Collombat. - Le fait que ces amendements soient contraires à la directive plaide au contraire en leur faveur ! Je croyais, en effet, qu'elle prévoyait de telles possibilités.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Certes ! Mais pas dans n'importe quelle condition. La directive prévoit, je vous le rappelle, trois hypothèse d'atteinte au secret des affaires.

M. Pierre-Yves Collombat. - Les représentant des salariés ont, en somme, le droit de savoir, mais ne peuvent rien dévoiler !

M. Jacques Bigot. - L'article 3 de la directive est précis, mais il permet des applications nationales variables en fonction des protections offertes aux représentants des salariés. Nous sommes donc invités à débattre de l'étendue de sa transposition en droit national.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Lors de la présentation de votre rapport la semaine passée, vous avez insisté sur le soin que vous avez apporté à éviter toute surtransposition. C'est pourtant bien ce que vous faites sur cette disposition !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - A la lecture du II de l'article 3 de la directive, il me semble au contraire que j'en propose une transposition juste. Nous n'en avons tout simplement pas la même compréhension.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  12 et 28.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  13 porte sur les caractères de l'exception au secret des affaires pour les salariés. La proposition de loi prévoit déjà clairement ces exceptions et la formulation de l'amendement n'est pas conforme au texte de la directive : j'y suis défavorable. En tout état de cause, si la divulgation d'un secret est le fait d'un salarié, le juge appréciera sa responsabilité en fonction de son intention de divulguer le secret, dès lors qu'il ne se trouvera pas dans les exceptions prévues au titre de la communication entre les salariés et leurs représentants ou de l'exercice du droit à l'information des salariés.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  13.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  15, qui instaure un délit d'entrave au signalement d'une alerte, est déjà satisfait par l'article 13 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », s'agissant des alertes consistant à révéler un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général, avec les mêmes peines. J'y suis donc défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  15.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Les amendements nos  14 et 50 restreignent la possibilité de prévoir des clauses de non-concurrence dans les contrats de travail en cas de connaissance d'un secret des affaires par un salarié. La réglementation de ce type de clause relève du droit du travail. En tout état de cause, les salariés sont tenus à une obligation de confidentialité et au secret professionnel concernant les informations dont ils peuvent avoir connaissance, indépendamment de toute clause de non-concurrence, sauf dans le cas des exceptions prévues par le texte en matière de communication avec les représentants des salariés. Mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  14 et 50.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Les amendements nos  47, 30, 74, 21, 22, 75 et 32 réservent au seul tribunal de grande instance, voire au seul tribunal de grande instance de Paris, la compétence pour connaître des actions relatives aux atteintes au secret des affaires. En application des règles de compétence juridictionnelle, le tribunal de commerce sera compétent en cas de conflit entre deux entreprises concurrentes
- commerçants ou sociétés commerciales, y compris une société de presse par conséquent, selon l'article L. 721-3 du code de commerce - et le tribunal de grande instance dans tous les autres cas - notamment un lanceur d'alerte personne physique, une association, un syndicat, un journaliste personne physique... Ces deux juridictions relèvent de l'ordre judiciaire, de sorte que les cours d'appel et la Cour de cassation assureront l'harmonisation des jurisprudences. Le tribunal de commerce ne pourra donc connaître d'une affaire mettant en cause un journaliste, un lanceur d'alerte, un syndicat ou une association. Il n'y a pas lieu de remettre en cause les règles habituelles de compétence, qui découlent de la qualité des parties, raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements.

M. Jacques Bigot. - Le tribunal de commerce n'est effectivement pas compétent lorsque le défendeur est une personne physique ou une association. Mais les organes de presse sont très majoritairement constitués en sociétés ! Lorsqu'un procès opposera une entreprise à un organe de presse, le tribunal de commerce sera attaché à la protection du secret des affaires, plus qu'à celle de la liberté d'expression et de la presse. Même un journal comme Les Échos s'inquiète de cette disposition ! Il convient d'instaurer une exception pour les organes de presse, y compris lorsqu'il s'agit de sociétés. Je vous proposerai donc de préciser qu'alors le tribunal de grande instance, de Paris ou d'ailleurs, est compétent. Cette protection particulière au profit de la presse me semble représenter un équilibre satisfaisant.

M. Pierre-Yves Collombat. - Je partage l'analyse de Jacques Bigot. Certes, monsieur le rapporteur, votre raisonnement est juste sur le plan du partage des compétences entre juridictions. Mais, en pratique, cela serait calamiteux pour les sociétés de presse, y compris d'un point de vue financier ! Je ne remets pas en cause les tribunaux de commerce, mais avouez que certains jugements sont loin de nous rassurer...

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - J'entends vos arguments mais, en l'état, vos amendements ne proposent pas la distinction que vous appelez de vos voeux. J'attends donc vos précisions...

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  47, 30, 74, 21, 22, 75 et 32.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  62 du Gouvernement propose de revenir au texte de l'Assemblée nationale, pourtant contraire à la directive, s'agissant des mesures que le juge peut prendre pour préserver le secret des affaires d'une pièce discutée dans une procédure judiciaire. L'article 9 de la directive ne permet pas au juge de prendre seul connaissance de la pièce, sans aucune forme de communication aux parties. Au demeurant, cela porterait atteinte au principe du contradictoire et aux droits de la défense. Dans le texte de la commission, nous proposons une prise de connaissance préalable par le juge, effectivement systématique lorsqu'une partie invoque le secret pour une pièce, afin de voir s'il y a lieu ou non de prévoir ultérieurement des mesures particulières de protection. Mais ce n'est pas une mesure de protection en tant que telle car il y a communication aux parties ensuite. Sur ce point, le texte de l'Assemblée nationale a été contesté avec constance lors des auditions... L'article 9 ne permet pas davantage de limiter l'accès d'une pièce aux seuls avocats des parties, même si cela a pu être été envisagé. La directive exige l'accès d'au moins une personne et un avocat pour chaque partie, ce que prévoit également notre texte. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Jacques Bigot. - Je partage globalement votre analyse, mais il nous revient de transposer la directive. Le procès peut porter atteinte au secret des affaires. Quelle solution proposez-vous ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Celle que nous avons adoptée la semaine passée, qui fait du juge le pivot de l'appréciation de la protection à accorder à une pièce pour laquelle est invoqué le secret.

M. Jacques Bigot. - Quelles seraient les sanctions applicables en cas de divulgation ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Au moins la responsabilité de celui qui divulgue de façon illicite....

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  62.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Le texte de l'Assemblée nationale était incohérent concernant l'obligation de confidentialité portant sur les pièces couvertes par le secret des affaires dans les procédures judiciaires, lorsqu'une personne morale, souvent une société, était partie à la procédure. Les personnes représentant la société devant le tribunal étaient tenues à l'obligation de confidentialité, mais pas envers les dirigeants de la société, lesquels n'étaient soumis à aucune obligation de confidentialité, conduisant immanquablement à une « fuite par le haut » du secret des affaires. Pour remédier à cette incohérence, la commission a prévu une obligation de confidentialité vis-à-vis des dirigeants de la société. L'amendement n°  63 du Gouvernement propose une autre manière de rétablir la cohérence, en étendant l'obligation de confidentialité aux dirigeants. Cet amendement pourrait conduire à élargir davantage le « cercle de confidentialité », mais sans doute évite-t-il l'hypocrisie selon laquelle le salarié n'aurait pas le droit de révéler la teneur d'un secret au dirigeant de sa société, tout en respectant la hiérarchie interne à la société... J'y suis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  63.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Les amendements nos  16, 41 rectifié, 72 et 29, auxquels je suis défavorable, sont similaires ; ils limitent la prise en compte des atteintes au secret des affaires aux seuls cas d'atteintes dans le but d'en tirer profit au sens économique, dans les relations entre entreprises. Cette restriction est inopportune et contraire à la directive.

La commission émet un avis défavorable à aux amendements nos  16, 41 rectifié, 72 et 29.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  59 du Gouvernement supprime les règles de prescription spécifiques au secret des affaires. Notre commission a effectivement prévu ces règles spécifiques, comme cela a été demandé par les magistrats, les avocats et les entreprises que nous avons entendus. En l'absence de mention expresse, l'article 2224 du code civil se serait alors appliqué. Toutefois, il a paru plus cohérent de prévoir un dispositif de prescription dérogatoire, non pas sur le délai mais sur le point de départ du délai, directement inspiré du droit de la propriété industrielle, car les analogies sont nombreuses entre ce droit et le dispositif mis en place par la proposition de loi. Le délai serait donc de cinq ans et le point de départ la date des faits en cause, comme en matière de contrefaçon, ce qui appelle une appréciation objective par le juge. Cette règle existe en matière de dessins et modèles, de brevets, de produits semi-conducteurs et d'obtentions végétales, hypothèses les plus comparables au secret des affaires. En revanche, elle ne s'applique pas aux marques et indications géographiques : l'utilisation illicite est alors suffisamment visible pour que l'appréciation du point de départ du délai de prescription soit objective... En tout état de cause, rien ne s'oppose à la solution simple et cohérente prévue par la commission. Je vous propose donc un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  59.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Les amendements nos  17, 33 et 80 proposent de réduire le délai de prescription à trois ans, voire à un an, alors que la commission s'est tenue au délai de droit commun de cinq ans, par analogie avec le droit de la propriété industrielle : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  17, 33 et 80.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  60 du Gouvernement, auquel je suis défavorable, supprime la précision selon laquelle les mesures provisoires ou conservatoires peuvent être prises sur requête ou en référé.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  60.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  61 du Gouvernement apporte une précision utile relative à l'application de l'indemnité forfaitaire en cas d'utilisation illicite d'un secret des affaires : avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  61.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  31 supprime l'éventuelle indemnisation du préjudice moral, en sus de l'indemnisation par une somme forfaitaire, en cas d'action en réparation pour atteinte à un secret des affaires. J'y suis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  31.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Les amendements nos  18, 20, 19, 44, 54 et 73 visent à rétablir, avec des variantes notamment sur les montants, le mécanisme d'amende civile imaginé par l'Assemblée nationale pour sanctionner les procédures engagées abusivement par une entreprise au titre d'une violation alléguée du secret des affaires. Nous avons déjà eu un débat de ce type lors de l'examen de la loi du 28 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre.

La commission a supprimé ce mécanisme, avec une double argumentation. D'une part, il existe dans le code de procédure civile une amende civile de 10 000 euros pour procédure abusive, qui n'est presque jamais prononcée, ni par les juges civils ni par les juges consulaires. Au nom du droit d'agir en justice, la Cour de cassation est très regardante sur un tel dispositif et les juges répugnent beaucoup à l'utiliser, dans son principe même, sauf abus vraiment caractérisé et flagrant. Dans ces conditions, il n'y a pas de raison qu'un nouveau dispositif, quel que soit le montant, soit davantage appliqué. Le réintroduire ne nous procurerait qu'une satisfaction symbolique. Au surplus, les montants prévus par l'Assemblée nationale, qui s'établissent au plus à 60 000 euros, n'auraient pas dissuadé une grande entreprise. D'autre part, à des degrés divers, ces amendements posent un problème de nature constitutionnelle, concernant le droit au recours, ainsi que le principe de proportionnalité des peines. Mon avis est donc défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  18, 20, 19, 44, 54 et 73.

Article 1er bis

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n°  24 de suppression de l'article, contraire à la position de la commission.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n°  24.

Article 1er ter

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Je suis, pour les mêmes raisons, défavorable aux amendements nos  23, 34 et 77 de suppression de l'article.

La commission émet un avis défavorable aux amendements de suppression nos  23, 34 et 77.

Article 1er quater

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Les amendements nos  38, 55, 65 et 84 suppriment l'article et, partant, le délit de détournement d'une information économique protégée, encore appelé délit d'espionnage économique, dont notre commission a prévu la création. Ils sont contraires à la position de la commission.

La commission émet un avis défavorable aux amendements de suppression nos  38, 55, 65 et 84.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  85 exclut les lanceurs d'alerte du délit de détournement d'une information économique protégée. Par définition, les lanceurs d'alerte, les journalistes ou les représentants des salariés sont en dehors du champ de cette incrimination, quand bien même un tribunal considèrerait que les exceptions à la protection civile du secret des affaires ne seraient pas applicables. L'objectif de ce délit est d'abord de viser des intérêts économiques concurrents et peu scrupuleux. La protection des lanceurs d'alerte me semble donc parfaitement garantie par cet article car, en principe, ils n'agissent pas afin d'obtenir un avantage de nature exclusivement économique. Mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  85.

Article 2

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  66 du Gouvernement supprime l'application en Nouvelle-Calédonie des exceptions au secret des affaires. S'il me semble pertinent, compte tenu de la compétence de la Nouvelle-Calédonie en matière de droit commercial, il n'en demeure pas moins satisfait par la proposition de la commission, qui déplace à la fin du texte l'article sur l'application outre-mer, tout en apportant quelques compléments. J'en souhaite donc le retrait.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  66 et, à défaut, y sera défavorable.

Article additionnel après l'article 2

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  35 aggrave, en les établissant à sept ans de prison et à 375 000 euros d'amende, les peines encourues pour dénonciation calomnieuse lorsque celle-ci vise un enseignant-chercheur, un journaliste ou une association - mais pas un lanceur d'alerte. Je doute de sa conformité au principe d'égalité devant la loi pénale et ne comprends pas le motif qui justifierait de façon objective une telle différence de traitement : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  35.

Article 3

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  64 du Gouvernement réalise une coordination dans le code de commerce s'agissant du remplacement du secret industriel et commercial par le secret des affaires. Il vient corriger utilement un oubli du texte de l'Assemblée nationale, qui rendait incompréhensibles les dispositions d'application dans les îles Wallis et Futuna. J'y suis évidemment favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  64.

Intitulé de la proposition de loi

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Enfin, l'amendement n°  36 modifie l'intitulé de la proposition de loi mais cette proposition, limitée aux seules entreprises, me semble bien trop restrictive. J'y suis donc défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  36.

La commission adopte les avis suivants :

Auteur

Avis de la commission

Article 1er
Mise en place d'un régime général de protection du secret des affaires en matière civile

M. BOCQUET

12

Défavorable

Mme LIENEMANN

28

Défavorable

M. BOCQUET

13

Défavorable

M. BOCQUET

15

Défavorable

M. BOCQUET

14

Défavorable

Mme LIENEMANN

50

Défavorable

M. Jacques BIGOT

47

Défavorable

Mme LIENEMANN

30

Défavorable

M. LABBÉ

74

Défavorable

M. BOCQUET

21

Défavorable

M. BOCQUET

22

Défavorable

M. LABBÉ

75

Défavorable

Mme LIENEMANN

32

Défavorable

Le Gouvernement

62

Défavorable

Le Gouvernement

63

Favorable

M. BOCQUET

16

Défavorable

M. Jacques BIGOT

41 rect.

Défavorable

M. LABBÉ

72

Défavorable

Mme LIENEMANN

29

Défavorable

Le Gouvernement

59

Défavorable

M. BOCQUET

17

Défavorable

Mme LIENEMANN

33

Défavorable

M. LABBÉ

80

Défavorable

Le Gouvernement

60

Défavorable

Le Gouvernement

61

Favorable

Mme LIENEMANN

31

Défavorable

M. BOCQUET

18

Défavorable

M. BOCQUET

20

Défavorable

M. BOCQUET

19

Défavorable

M. Jacques BIGOT

44

Défavorable

M. MOHAMED SOILIHI

54

Défavorable

M. LABBÉ

73

Défavorable

Article 1er bis
Suppression du régime spécifique de protection du secret des affaires
devant les juridictions civiles et commerciales en cas d'instance
en réparation d'un dommage causé par une pratique anticoncurrentielle

M. BOCQUET

24

Défavorable

Article 1er ter
Protection du secret des affaires devant les juridictions administratives

M. BOCQUET

23

Défavorable

Mme LIENEMANN

34

Défavorable

M. LABBÉ

77

Défavorable

Article 1er quater
Instauration d'un délit de détournement d'une information économique protégée

M. Jacques BIGOT

38

Défavorable

M. MOHAMED SOILIHI

55

Défavorable

Le Gouvernement

65

Défavorable

M. REQUIER

84

Défavorable

M. REQUIER

85

Défavorable

Article 2
Application outre-mer du régime de protection du secret des affaires

Le Gouvernement

66

Demande de retrait

Article additionnel après l'article 2

Mme LIENEMANN

35

Défavorable

Article 3
Coordinations dans les textes législatifs en vigueur
traitant de la protection du secret industriel ou commercial

Le Gouvernement

64

Favorable

Intitulé de la proposition de loi
Simplification et clarification de l'intitulé

M. BOCQUET

36

Défavorable

Projet de loi relatif à la protection des données personnelles - Examen, en nouvelle lecture, du rapport et du texte de la commission

M. Philippe Bas, président. - Nous examinons en nouvelle lecture le projet de loi relatif à la protection des données personnelles, après l'échec de la commission mixte paritaire. Cet échec est d'autant plus incompréhensible qu'il s'agit d'un texte dont les principales orientations sont consensuelles, dont l'objet est d'adapter le droit interne au droit européen et sur lequel la marge de manoeuvre du législateur national est étroite...

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Le projet de loi vise effectivement à adapter la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés au règlement général sur la protection des données (RGPD), directement applicable aÌ partir du 25 mai 2018 et qui entend favoriser l'émergence d'un modèle européen harmoniseì et ambitieux de protection des données aÌ caractère personnel, tout en favorisant la compétitivitéì des entreprises européennes sur la scène internationale, ainsi qu'à la directive relative aux traitements mis en oeuvre en matière policière et judiciaire, qui doit être transposée avant le 6 mai 2018.

Tout en approuvant les grandes orientations du projet de loi initial et la majorité des apports de l'Assemblée nationale, le Sénat s'est attacheì, en première lecture, aÌ accompagner les petites structures dans la mise en oeuvre de leurs nouvelles obligations et à renforcer la protection des droits et libertés des citoyens. Il a ainsi tenu aÌ répondre aux attentes et aux vives inquiétudes des petites entreprises et des collectivités territoriales, ignorées par le Gouvernement comme par l'Assemblée nationale, alors qu'elles ne sont pas en mesure d'appliquer la nouvelle réglementation à compter du 25 mai. À cet effet, il a dégagé de nouveaux moyens financiers pour la mise en conformitéì, en fléchant le produit des amendes et astreintes prononcées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) aÌ leur intention, et en créant une dotation communale et intercommunale pour la protection des données personnelles. Le Sénat a également voulu faciliter la mutualisation des services numériques entre collectivités, réduire l'aléa financier auquel elles sont confrontées en supprimant la facultéì pour la CNIL de leur imposer des amendes administratives et en reportant de deux ans l'entrée en vigueur de l'action de groupe en réparation en matière de données personnelles. Enfin, nous avons souhaité encourager la diffusion d'informations et l'édiction de normes de droit souple par la CNIL adaptées aux besoins et aux moyens des collectivités territoriales et des petites entreprises.

Le Sénat a également souhaiteì rééquilibrer certains éléments du dispositif pour renforcer la protection des droits et libertés des citoyens. Reprenant des propositions émanant des divers groupes politiques et fidèle aÌ son rôle de chambre des libertés, il a ainsi rétabli l'obligation d'autorisation préalable des traitements de données portant sur les infractions, condamnations et mesures de sureté, et précisé les conditions d'extension de la liste des personnes autorisées aÌ mettre en oeuvre ces fichiers. Il a, en outre, encouragé le recours aux technologies de chiffrement des données personnelles pour assurer leur sécurité et conservé le droit général aÌ la portabilitéì des données pour garantir la concurrence entre services en ligne. Il s'est assuré que les utilisateurs de terminaux électroniques aient le choix d'y installer des applications respectueuses de la vie privée, et il a encadré plus strictement l'usage des algorithmes par l'administration pour prendre des décisions individuelles tout en renforçant les garanties de transparence en la matière.

Examineì selon la procédure acceìleìreìe, le projet de loi n'a fait l'objet que d'une seule lecture par chaque chambre avant la réunion d'une commission mixte paritaire. Malgréì deux rencontres préparatoires entre rapporteurs qui avaient permis, aÌ l'issue de près de trois heures de neìgociation et au prix de concessions réciproques, de nouer un compromis, nous nous sommes heurtés au refus des députés du groupe majoritaire aÌ l'Assembleìe nationale de transiger avec le Seìnat. Dans ces conditions, la commission mixte paritaire du 6 avril dernier a logiquement constateì qu'elle ne pouvait eìlaborer un texte commun.

Lors de la nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rétabli pour l'essentiel le texte qu'elle avait adoptéì en première lecture, sans tenir compte des apports du Sénat. La navette a permis de parvenir, il est vrai, aÌ quelques accords entre les deux assemblées, mais limités aÌ des sujets techniques - nouvelles garanties dans l'exercice du pouvoir de contrôle et de sanction de la CNIL, application territoriale des marges de manoeuvre, traitements aÌ des fins archivistiques, obligations des sous-traitants, transferts internationaux de donneìes... Pour le reste, des désaccords importants persistent.

Je ne désespère pas de convaincre les députés de la justesse de nos arguments et vous propose en conséquence de rétablir plusieurs de nos propositions de première lecture. Le refus de prendre en compte les spécificités des collectivités territoriales et les difficultés que va susciter pour elles l'application du RGPD, alors même que le Gouvernement se montrait ouvert à des concessions, est incompréhensible ! Pour la majoritéì des députés, une collectivitéì est un responsable de traitement comme un autre. Ce n'est évidemment pas notre opinion ! Les collectivités territoriales sont soumises aÌ des sujétions particulières : elles traitent des données personnelles, non pour en tirer profit, mais parce qu'elles y sont obligées par la loi. Comme l'État, elles sont chargées de missions de service public et exercent des prérogatives de puissance publique.

Hélas, ces arguments n'ont pas suffi aux députés, qui ont rétabli la possibilitéì pour la CNIL d'imposer aux collectivités territoriales et aÌ leurs groupements des amendes administratives et des astreintes, dont l'Eìtat, lui, continuera d'être exoneìreì, supprimeì l'affectation du produit des amendes prononceìes par la CNIL au financement de mesures d'accompagnement destineìes aÌ aider les responsables de traitement aÌ se mettre en conformiteì et supprimeì la dotation communale et intercommunale pour la protection des donneìes aÌ caractère personnel. Je vous proposerai logiquement de revenir sur ces trois reculs, en rappelant qu'il ne s'agit nullement pour autant d'exonérer les collectivités territoriales de l'application, au 25 mai, du RGPD.

Seule concession au Seìnat, même si nous aurions pu souhaiter une disposition de porteìe plus geìneìrale, les deìputeìs ont accepteì une proposition de compromis envisagée en amont de la commission mixte paritaire pour faciliter la mutualisation des moyens des collectiviteìs dans le champ des donneìes personnelles.

Sur les traitements en matière pénale, l'Assemblée nationale a acceptéì des reculs inquiétants pour les droits et libertés de nos concitoyens en supprimant l'encadrement, protecteur pour la vie privée, de l'open data des décisions de justice, le régime d'autorisation preìalable par la CNIL des traitements d'infractions pénales et de condamnations, ainsi que les garanties concernant les personnes morales deìsormais autoriseìes aÌ mettre en oeuvre ces traitements. A également été supprimé l'encadrement aÌ un mois du délai imposeì au responsable de traitement pour rectifier ou effacer des donneìes et l'information concernant la possibilitéì de former un recours juridictionnel. Enfin, s'agissant du traitement des antécédents judiciaires, aucune des garanties introduites par le Seìnat, pourtant très raisonnables, n'a survécu aÌ la nouvelle lecture aÌ l'Assembleìe nationale... Je vous proposerai donc de les réintroduire, compte tenu de leur importance pour les droits et liberteìs de nos concitoyens : le Seìnat aura ainsi jusqu'au bout tenu son ro?le de chambre des liberteìs !

M. François Pillet. - Très bien !

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - S'agissant des algorithmes, je regrette la suppression injustifiée de plusieurs garde-fous et un sérieux recul du principe de transparence que notre commission avait renforcéì. Je souhaite en particulier attirer votre attention sur Parcoursup et dénoncer à cet égard une véritable hypocrisie. À rebours de ses annonces, l'Assemblée nationale a reculéì en séance publique face au Gouvernement et accepté que les établissements d'enseignement supérieur dérogent aux règles de transparence des algorithmes. Il me paraît invraisemblable que les lycéens choisis par les universités au moyen d'algorithmes ne puissent pas savoir quels paramètres leur ont étéì appliqués. Les critères de sélection sont donc, par définition, ni vérifiables et ni évaluables. Sur un sujet aussi sensible, fondamental et central dans notre République, l'Assemblée nationale, nonobstant le contexte dans nos universités et la récente délibération de la CNIL, se contente de demander un rapport au Parlement ! Le rôle du législateur étant de fixer des normes, de s'assurer que les principes fondamentaux sont respectés et non de commander des rapports, je vous proposerai, conformément à notre rôle de défenseurs des libertés publiques, de réinscrire dans la loi le principe de transparence voteì par le Sénat en première lecture.

Concernant l'action de groupe, dont nous approuvons le principe y compris pour la réparation des dommages, je vous proposerai de rétablir deux mesures de prudence introduites en première lecture afin d'empêcher d'éventuels abus et de laisser un délai aux petites entreprises et aux collectivités territoriales avant de les exposer aÌ un tel risque contentieux : le report de deux ans de l'entrée en vigueur de la nouvelle procédure et l'agrément préalable obligatoire des associations.

Je ne m'étends pas sur plusieurs autres divergences - objets connectés, charte de déontologie, chiffrement, amendement sur les moteurs de recherche... Un dernier mot cependant sur l'âge du consentement car le régime protecteur à instaurer pour les enfants et adolescents mérite un vrai débat. Problèmes physiques et parfois psychiques, cyber harcèlement, radicalisation, emprise, pédopornographie : Marie Mercier nous en a dévoilé, lors d'un récent rapport, un aperçu éloquent. La présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, Catherine Morin-Desailly, devrait prochainement publier un rapport sur l'éducation et le numérique posant les termes du débat.

M. Philippe Bas, président. - Merci, madame le rapporteur, pour cet exposé d'une grande clarté.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - J'étais présente à la commission mixte paritaire du 6 avril et je puis vous dire qu'elle ne fut pas le théâtre d'un rapport de force politique, mais bien d'une confrontation institutionnelle. Le point de vue du Sénat n'y avait ni valeur, ni intérêt... Dans la perspective de la réforme institutionnelle à venir, cet épisode m'apparaît fort inquiétant !

M. Philippe Bas, président. - Le projet de loi constitutionnelle transmis par le Gouvernement au Conseil d'État est effectivement des plus inquiétants s'agissant des prérogatives du Parlement et, singulièrement, du Sénat. L'extension de l'ordre du jour prioritaire, la restriction sans précédent du droit d'amendement déjà sérieusement encadré par la Constitution, ainsi que la révision de la procédure législative après l'échec éventuel de la commission mixte paritaire, selon laquelle l'Assemblée nationale n'aurait jamais à délibérer sur les propositions du Sénat, tout cela donne à réfléchir. Je n'ose croire que l'attitude des députés du groupe majoritaire à la commission mixte paritaire du 6 avril témoigne du fait qu'ils anticipent cette réforme...

M. Jérôme Durain. - Le caractère brutal de cette commission mixte paritaire rappelle combien la révision constitutionnelle annoncée porte en effet le risque d'un affaiblissement des pouvoirs du Parlement et notamment du Sénat. Pour en revenir au projet de loi, je trouve assez piquant que Bercy, dans une vidéo qui circule sur YouTube, se trouve aujourd'hui pris en défaut en matière de protection des données... Le Gouvernement devrait avoir la sagesse de prêter attention à la situation particulière des collectivités territoriales, dont les moyens sont bien loin d'être équivalents à ceux du ministère des finances, dans la mise en oeuvre de la réforme exigée par l'Union européenne. Le groupe socialiste et républicain suivra le rapporteur sur la plupart de ses propositions, se laissant toutefois la liberté de déposer des amendements en séance sur quelques points de désaccord relatifs notamment aux modalités de saisine de la CNIL, à la publicité de l'ordre du jour de la CNIL lorsqu'elle se réunit en formation plénière et aux actions de groupe.

Mme Esther Benbassa. - Je félicite Mme Joissains et lui rends hommage pour son travail très important sur les universités, eu égard au contexte actuel. La loi « Orientation et réussite des étudiants » (ORE) instaurait le secret des délibérations, qui pose question pour les futurs citoyens. Les universités ont reçu un nombre inconsidéré de dossiers qu'elles ne pourront pas traiter. Le secret sur le paramétrage des algorithmes pose problème. Si l'on révélait la façon dont les algorithmes sont paramétrés, on verrait que Parcoursup ne marche pas, car chaque département universitaire paramètre à sa façon... Ce n'est pas seulement injuste mais contraire à la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016. Qui peut traiter à lui seul 450 dossiers et lire toutes les lettres de motivation des étudiants ? Je suis heureuse que nous rétablissions la rédaction du Sénat à l'article 14.

M. Jean-Pierre Sueur. - Vous avez évoqué l'avant-projet de loi constitutionnelle soumis au Conseil d'État, mais n'avez pas cité la disposition qui prévoit qu'après une commission mixte paritaire, en dernière lecture, l'Assemblée nationale pourra reprendre des amendements déposés - et non plus seulement adoptés - au Sénat et qui auront reçu l'accord du Gouvernement. Il suffira que le Gouvernement trouve un sénateur ou une sénatrice pour proposer cette insertion dans le texte in fine. Je pense l'avoir compris ainsi... L'heure est vraiment grave. Je doute qu'il existe de nombreux précédents d'une telle situation où les deux rapporteurs, après trois heures de débat, arrivent à un accord, mais où la commission mixte paritaire n'aboutit pas, par volonté de ne pas aboutir. En général les membres de la majorité sont solidaires de leur rapporteur et de l'accord entre les rapporteurs !

S'agissant d'un texte relatif aux libertés, et sur lequel le Sénat a fait des propositions utiles et nécessaires qui ne seront pas reprises, c'est grave et cela présage du pire. C'est une sorte de manifeste d'une volonté d'en faire de même pour de futurs textes... Monsieur le président, vous devriez saisir le président du Sénat pour qu'il évoque cette question au plus haut niveau. Il est étrange qu'on puisse invoquer sans cesse la bienveillance et que sur un texte sur les libertés, on impose une fin de non-recevoir à toute proposition.

Tous les groupes ont participé aux discussions sur le projet de révision constitutionnelle. Nous sommes dans un état d'esprit positif, mais ce que nous observons est très grave. Je souhaite que le président du Sénat soit saisi.

M. Philippe Bas, président. - Bien sûr. Cette démarche a d'ores et déjà été engagée.

M. Yves Détraigne. - Je félicite également le rapporteur. Dès 2009, avec Mme Anne-Marie Escoffier, nous avions publié au sein de cette commission le rapport d'information La vie privée à l'heure des mémoires numériques. Certains éléments nous faisaient un peu peur ; nous y sommes désormais. Il est d'autant plus important de s'occuper de la protection des données personnelles.

Je n'ai pas de remarque particulière sur le fond du rapport mais je m'inquiète du comportement de nos collègues députés. La précédente majorité avait déjà une telle attitude. En commission mixte paritaire, on nous avait opposé une fin de non-recevoir sur le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle dont j'étais le rapporteur.

La situation est inquiétante pour nos institutions.

M. Philippe Bas, président. - Votre avis semble unanimement partagé par les membres de notre commission.

M. Jean-Yves Leconte. - Je félicite le rapporteur pour son travail. Nous aurions pu simplement constater nos désaccords et laisser l'Assemblée nationale décider, mais le combat mérite d'être mené jusqu'au bout. La majorité de l'Assemblée est souvent soumise au Gouvernement. Le refus des propositions du Sénat est dû à l'injonction du Gouvernement, qui ne souhaite pas expliquer l'enjeu même du RGPD sur lequel il faut faire de la pédagogie. Ce n'est pas le contrôle a posteriori qui importe, mais d'expliquer que chacun est responsable des données qu'il traite. Les ajouts du Sénat sur le cryptage et sur la transparence absolue des algorithmes sont indispensables.

La CNIL est née il y a 40 ans - tout comme la notion même d'autorité administrative indépendante - pour répondre aux interrogations et protéger les citoyens de la capacité de l'État d'exploiter des informations personnelles et de créer des fichiers. Or, si le projet de loi renforce les pouvoirs de sanction de la CNIL, l'État ne sera pas sanctionnable. On ne peut pas s'en tirer par une pirouette, selon laquelle il est inutile de le sanctionner puisque l'État perçoit l'argent in fine. Il est possible de procéder comme pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), avec une entité spécifique qui peut percevoir le produit des amendes, y compris lorsqu'elles sont payées par l'État. Sinon, la CNIL ne pourra plus contrôler l'État ni protéger les citoyens. Les collectivités territoriales, elles, ne seraient pas soumises aux mêmes règles... Ayons une véritable deuxième lecture !

M. Patrick Kanner. - Je me félicite de notre soutien collectif lorsque l'essentiel est en jeu ; c'est à l'honneur du Sénat et de nos différentes sensibilités politiques. Je suis très inquiet de la première version du projet de révision constitutionnelle, qui témoigne d'un antiparlementarisme inconnu jusqu'ici durant la Ve République. C'est à croire que nous dérangeons... Il faut respecter le pouvoir législatif.

Madame le rapporteur, nous soutiendrons les mesures de progrès que vous proposez. Nous ferons aussi des propositions importantes et espérons qu'elles seront regardées avec un intérêt particulier pour que la position du Sénat soit la plus unanime possible.

M. Simon Sutour. - Rapporteur de la commission des affaires européennes, je témoigne que ce texte a été élaboré au niveau européen avec un grand sens du compromis, après un long processus. Nous aurions espéré la même chose au niveau national, alors que le Président de la République faisait part hier de ses grandes ambitions pour l'Europe devant le Parlement européen. Cela n'a pas été le cas.

Franchement, Monsieur le président, Madame le rapporteur, vous avez fait preuve de beaucoup de patience. Après une première réunion préparatoire à la commission mixte paritaire où un accord semblait possible et qui n'a pas abouti, vous avez bien voulu prendre part à une nouvelle réunion. En vain. On vous a fait perdre votre temps. Je pense qu'il s'agit d'un désordre organisé... Si l'échec de la commission mixte paritaire était une option cyniquement choisie, ce serait extrêmement grave.

Ce texte porte sur les libertés individuelles, sujet sur lequel l'apport du Sénat est extrêmement important. L'amendement sur les collectivités territoriales, lui aussi, est majeur, d'autant que le texte s'appliquera dès le 25 mai. On nous a répondu que les collectivités, quelle que soit leur taille, étaient comme les entreprises... Mais on leur impose de traiter des données, tandis que les entreprises le choisissent ! Le Gouvernement n'a pas voulu favoriser la recherche d'un consensus. La transposition de la directive et le toilettage de la législation qui s'ensuit seront entachés par cette tare originelle.

M. Philippe Bas, président. - Le président Gérard Larcher a envoyé le 11 avril au président de l'Assemblée nationale un courrier où il fait part de son incompréhension sur l'échec de la commission mixte paritaire.

M. Pierre-Yves Collombat. - Rendons-nous que nous n'obtiendrons rien. Hier, le même scénario s'est produit lors de l'examen de la proposition de loi relative à la mise en oeuvre du transfert aux intercommunalités des compétences « eau » et « assainissement »... Jusqu'à présent, le Sénat faisait le dos rond et se bridait dans ses propositions - même intelligentes - pour ne pas froisser. La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a montré que cela ne donne pas de résultats satisfaisants et ne sert à rien ! Défendons nos positions de principe sur les libertés et souvenons-nous en lors de la révision constitutionnelle.

M. Philippe Bas, président. - Les deux textes ne sont pas de même nature. Je vous remercie de vos recommandations tactiques et stratégiques, que nous essaierons de mettre en oeuvre le mieux possible...

Le Sénat vote des lois sur lesquelles il peut avoir une certaine distance, voire des désaccords : dans les négociations, il soupèse les gains et les pertes afin de maximiser ses gains. Dans ce bicamérisme inégalitaire, l'esprit constructif du Sénat lui a permis d'obtenir des apports substantiels et de voter ainsi la plupart des textes au cours de la précédente législature. Cela ne nous empêche pas de défendre nos convictions.

Mme Brigitte Lherbier. - Ces propos de nos collègues sont extrêmement rassurants. La protection des libertés est fondamentale ; c'est l'essence même de notre engagement d'élus.

Le tirage au sort doit disparaître de l'entrée à l'université. J'ai cru en Parcoursup, qui me semblait une occasion pour les jeunes de former des voeux de formation, et de trouver carrière et débouchés. J'ai vu tant de jeunes sélectionnés uniquement pour remplir les cours de certains professeurs n'ayant pas assez d'heures sans que personne s'interroge sur les débouchés de ces filières ; cela me faisait énormément de peine. Parcoursup était l'occasion pour que les jeunes s'expriment et reçoivent une formation adaptée à leur choix. L'absence de transparence fait de cette procédure un faux semblant, c'est extrêmement dommage.

M. Éric Kerrouche. - Je remercie le rapporteur pour son travail et sa pugnacité. Tous les gouvernements ont eu la tentation d'abuser de leur force. Mais il y a, cette fois-ci, une différence de nature et non de degré. C'est un véritable mépris du Parlement qui s'exprime. Les propositions provoquant l'ire des parlementaires semblent se succéder de façon programmée. La révision constitutionnelle annoncée remet en cause l'équilibre parlementaire et démocratique des institutions.

Pour en revenir au projet de loi, il est important que les algorithmes soient transparents : ils ne tombent pas du ciel, mais reflètent les préférences sociales de ceux qui les définissent. Si on ne les connaît pas, on ne comprend pas les fondements de la décision.

Par ailleurs, le Gouvernement et les députés font preuve d'une incompréhension totale de la spécificité des collectivités territoriales. Eu égard au nombre de fichiers dans les services des collectivités, imposer les mêmes règles aux collectivités qu'aux entreprises, c'est ne pas comprendre le fonctionnement du système local, voire le mépriser. À nous de corriger cela.

M. Philippe Bas, président. - J'espère que votre point de vue sera entendu.

M. François Pillet. - J'évoquerai deux très vives inquiétudes : d'abord, nous sommes en train de sentir ce qui peut arriver au fonctionnement du Parlement ; les présidents Bas et Sueur ont été très clairs.

Je suis abasourdi par l'indifférence des députés du groupe majoritaire à l'égard de la protection des libertés fondamentales. Le Sénat est depuis toujours la sentinelle de ces libertés, quels que soient les gouvernements. Quand mon groupe appartenait à la majorité gouvernementale, il a refusé au Gouvernement la mise en place du « fichier des gens honnêtes ». Ce fichier a finalement été inscrit dans la loi par la voie d'un amendement du Gouvernement, mais censuré par le Conseil constitutionnel. J'appelle nos collègues qui se rattachent de près ou de loin à la majorité gouvernementale à s'en souvenir, et à agir d'abord comme sénateurs, en défendant les libertés et en se montrant solidaires de notre rapporteur. J'ai été très heureux de sa fermeté, de ses remarquables démonstrations, de la clarté de son exposé qui nous permettent d'être unanimes.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Après l'immense inquiétude et la déception de la commission mixte paritaire. Votre soutien unanime me fait chaud au coeur. Nous sommes de taille à défendre ensemble notre institution.

Marie-Pierre de la Gontrie a raison : nous sommes dans un rapport de force institutionnel, même s'il y a aussi un rapport de force politique interne à l'Assemblée nationale.

Nous examinerons demain les amendements relatifs à la CNIL. Celle-ci ne souhaite pas un élargissement de ses modes de saisine car elle fait déjà l'objet de nombreuses saisines informelles. Elle ne pourrait pas assumer plus de procédures. La publication de son ordre du jour relève du règlement et non de la loi. Concernant l'action de groupe, nous avons souhaité un agrément préalable des associations pour unifier un régime, mais je suis prête à regarder cela de plus près.

Avec Parcoursup, il n'y aura bien souvent aucune délibération sur le choix des candidats, car il est impossible d'examiner des centaines voire des milliers de dossiers. D'ailleurs, le secret des délibérations s'impose lorsqu'un jury évalue la prestation personnelle d'un candidat, par exemple à l'ENA, pas lors de l'examen d'un dossier. La juridiction administrative annule des décisions de refus d'admission en master lorsqu'elles ne sont pas motivées.

Nous pouvons craindre que ce refus d'aboutir en commission mixte paritaire ne se généralise, comme c'était le cas pour le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle ou, la semaine dernière, pour le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance et le projet de loi relatif à la protection des données personnelles. Nous sommes devant le mur de l'Assemblée, et devons tous être vigilants face à cette opposition de principe. Il est dommage de constater ces problèmes institutionnels au niveau national, alors que la France a beaucoup influencé la rédaction du RGPD. Je remercie le président Larcher de son courrier dès le 11 avril.

EXAMEN DES ARTICLES

M. Philippe Bas, président. - La plupart des amendements rétablissent le texte déjà adopté par le Sénat.

Article 1er

Les amendements COM-5, COM-6, COM-7 et COM-8 sont adoptés.

Article 2 bis

L'amendement COM-9 est adopté.

Article 6

M. Philippe Bas, président. - L'amendement COM-10 aborde un sujet important.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Il rétablit l'exemption, au bénéfice des collectivités territoriales, des amendes ou des astreintes de la CNIL.

L'amendement COM-10 est adopté ainsi que l'amendement COM-11.

Article 6 bis (supprimé)

L'amendement COM-12 est adopté et l'article 6 bis est rétabli.

Article 10 bis (supprimé)

L'amendement COM-13 est adopté et l'article 10 bis est rétabli.

Article 11

L'amendement COM-14 est adopté.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - L'amendement COM-15 est de compromis.

L'amendement COM-15 est adopté ainsi que les amendements COM-16 et COM-17.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Après en avoir délibéré et avoir adopté cette décision à l'unanimité, les avocats nous ont demandé que leur nom apparaisse dans les décisions de justice publiées en open data. On ne fait pas le bonheur des gens malgré eux.

L'amendement COM-18 est adopté.

Article 13

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - L'amendement COM-19 rétablit la rédaction du Sénat sur les données personnelles de santé.

M. Philippe Bas, président. - Mme Delmont-Koropoulis y attachait beaucoup d'importance.

L'amendement COM-19 est adopté.

Article 14 A

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - L'amendement COM-20 supprime l'article 14 A et maintient à 16 ans au lieu de 15 l'âge du consentement autonome d'un mineur. Tant que nous n'avons pas débattu sur les risques et le régime complémentaire pouvant accompagner les mineurs, nous devons être prudents.

L'amendement de suppression COM-20 est adopté.

Article 14

L'amendement de précision COM-21 est adopté.

M. Philippe Bas, président. - L'automatisation des décisions individuelles prises par l'administration ne saurait être autorisée que sous des conditions strictes.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - En effet, seules les décisions n'appelant aucun pouvoir d'appréciation doivent pouvoir être prises sur le fondement exclusif d'un algorithme.

L'amendement COM-22 rectifié est adopté.

L'amendement COM-2 n'a plus d'objet.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - L'amendement COM-23 tend à supprimer l'alinéa du code de l'éducation qui fait déroger Parcoursup aux règles de transparence.

M. Philippe Bas, président. - Vous prenez soin de préciser dans l'objet écrit de l'amendement que vous ne faites, en cela, que vous conformer « aux engagements du Président de la République ». Nous essaierons d'obtenir un avis favorable du Gouvernement !

L'amendement COM-23 est adopté.

Article 14 bis

L'amendement de coordination COM-24 est adopté.

Article 16 A

L'amendement COM-25 est adopté ainsi que l'amendement COM-26.

Article 16

L'amendement de coordination COM-27 est adopté.

Article 17 bis

M. Philippe Bas, président. - L'amendement COM-1 a pour objet de corriger l'article 17 bis dont la rédaction actuelle fait paradoxalement obstacle à son propre objectif.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - L'Assemblée nationale a introduit des exemples plus précis des pratiques contractuelles prohibées, pour mieux cibler les services et les terminaux de communications électroniques. Selon elle, peut constituer un tel obstacle au consentement de l'utilisateur le fait de limiter son choix au moyen de certaines configurations ou installations par défaut. La formulation choisie ménage cependant de larges exceptions peu contraignantes, puisqu'il suffit au responsable de traitement d'avancer une « justification d'ordre technique, économique ou de sécurité » que les grands acteurs du marché ne manqueront pas de mettre en avant pour faire obstacle à l'application effective de ce nouveau principe. Pour éviter cet écueil, notre collègue Alain Marc propose de restreindre le champ de ces exceptions, en prévoyant que les responsables de traitement ne puissent désormais se prévaloir que d'un « motif légitime d'ordre technique ou de sécurité ». Avis favorable.

L'amendement COM-1 est adopté.

Article 17 ter (supprimé)

L'amendement COM-28 est adopté et l'article 17 ter est rétabli.

Article 19

L'amendement COM-29 est adopté ainsi que les amendements COM-30 et COM-31.

Mme Maryse Carrère. - Nous avions défendu en première lecture les amendements COM-3 et COM-4 sur les sous-traitants.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Avis favorable à ces deux amendements.

Les amendements COM-3 et COM-4 sont adoptés.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Comme en première lecture, l'amendement COM-32 encadre à un mois le délai de réponse aux demandes d'effacement ou de rectification.

M. Philippe Bas, président. - Le Sénat défend les libertés publiques !

L'amendement COM-32 est adopté ainsi que l'amendement COM-33.

Article 19 bis (supprimé)

L'amendement COM-34 est adopté et l'article 19 bis est rétabli.

Article 20 bis

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - M. Frassa a su nous convaincre sur la portabilité des données non personnelles.

M. Christophe-André Frassa. - Il faut maintenir la position du Sénat.

L'amendement de suppression COM-35 est adopté.

Article 23

Les amendements COM-36, COM-37, COM-38 et COM-39 sont adoptés.

Article 24

Les amendements COM-40 et COM-41 sont adoptés.

M. Philippe Bas, président. -.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Philippe Bas, président. - Bravo à Mme le rapporteur pour cette adhésion unanime. Le Sénat fera valoir ses vues dans l'hémicycle !

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er
Missions et outils de la Commission nationale de l'informatique et des libertés

Mme JOISSAINS, rapporteur

5

Labellisation facultative par la CNIL des objets connectés

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

6

Établissement par la CNIL d'une liste des traitements entrant dans le champ de la directive et susceptibles de créer un risque élevé

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

7

Consultation de la CNIL par les présidents des assemblées parlementaires sur une proposition de loi

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

8

Possibilité de consultation de la CNIL pour avis sur certaines dispositions d'une proposition de loi

Adopté

Article 2 bis
Délégation de certaines missions au secrétaire général
et publicité de l'ordre du jour des réunions plénières de la CNIL

Mme JOISSAINS, rapporteur

9

Suppression de la mention, réglementaire, prévoyant de rendre public l'ordre du jour des réunions plénières de la CNIL

Adopté

Article 6
Mesures correctrices et sanctions

Mme JOISSAINS, rapporteur

10

Suppression des amendes administratives et des astreintes pour les collectivités territoriales et leurs groupements

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

11

Affectation du produit des sanctions pécuniaires et des astreintes prononcées par la CNIL au financement d'actions d'aide à la mise en conformité avec la nouvelle réglementation

Adopté

Article 6 bis (Supprimé)
Charte de déontologie pour les délégués à la protection
des données des administrations publiques

Mme JOISSAINS, rapporteur

12

Rétablissement de cet article relatif à l'élaboration d'une charte déontologique pour les délégués à la protection des données dans les administrations publiques

Adopté

Article 10 bis (Supprimé)
Incitation au chiffrement pour remplir l'obligation de sécurité
à laquelle sont tenus les responsables de traitement de données personnelles

Mme JOISSAINS, rapporteur

13

Rétablissement de cet article prévoyant une incitation au chiffrement "de bout en bout" des données personnelles

Adopté

Article 11
Traitements de données relatives aux condamnations pénales,
aux infractions ou mesures de sûreté

Mme JOISSAINS, rapporteur

14

Adaptation stricte de la loi Informatique et libertés aux exigences de l'article 10 du RGPD

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

15

Encadrement de la possibilité pour les personnes morales de droit privé de mettre en oeuvre des fichiers en matière pénale

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

16

Modalités d'application du régime des fichiers d'infractions pénales

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

17

Maintien du régime actuel d'autorisation préalable par la CNIL des fichiers d'infractions pénales non mis en oeuvre par l'État

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

18

Encadrement de l'open data des décisions de justice

Adopté

Article 13
Données de santé

Mme JOISSAINS, rapporteur

19

Interdiction de l'utilisation des données personnelles de santé par les régimes complémentaires d'assurance maladie pour la détermination des choix thérapeutiques ou la sélection des risques

Adopté

Article 14 A
Âge du consentement autonome des mineurs au traitement
de leurs données par certains services en ligne

Mme JOISSAINS, rapporteur

20

Suppression de l'article et maintien à 16 ans de l'âge pour le consentement autonome d'un mineur dans le cadre d'une offre directe de services de la société de l'information

Adopté

Article 14
Décisions prises sur le fondement d'algorithmes

Mme JOISSAINS, rapporteur

21

Information des personnes à l'égard de qui auront été prises des décisions entièrement automatisées dans la sphère privée

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

22 rect.

Restriction du champ des décisions administratives individuelles susceptibles d'être entièrement automatisées - Nullité de plein droit des décisions non assorties de la mention prévue à l'article L. 311-3-1 du code des relations entre le public et l'administration

Adopté

Mme Maryse CARRÈRE

2

Nullité des décisions administratives individuelles en cas d'omission de la mention prévue à l'article L. 311-3-1 du code des relations entre le public et l'administration - Publication systématique des règles définitoires et des principales caractéristiques de mise en oeuvre des algorithmes

Satisfait ou sans objet

Mme JOISSAINS, rapporteur

23

Transparence des algorithmes utilisés dans le cadre de « Parcoursup »

Adopté

Article 14 bis
Information des mineurs de moins de 15 ans

Mme JOISSAINS, rapporteur

24

Coordination (avec la suppression de l'article 14 A)

Adopté

Article 16 A
Action de groupe en réparation

Mme JOISSAINS, rapporteur

25

Date des faits générateurs des dommages susceptibles d'être réparés dans le cadre d'une action de groupe en réparation

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

26

Agrément préalable des associations habilitées à introduire une action de groupe

Adopté

Article 16
Recours par mandataire

Mme JOISSAINS, rapporteur

27

Dispense d'agrément pour les associations mandatées pour agir

Adopté

Article 17 bis
Nullité de certaines clauses contractuelles

M. Alain MARC

1

Limitation des exceptions dont peuvent se prévaloir les responsables de traitement pour démontrer que les contrats conclus concernant des équipements ou services internet ne portent pas atteinte au consentement de l'utilisateur

Adopté

Article 17 ter (Supprimé)
Prohibition de l'exploitation abusive d'une position dominante sur le marché des services
de communication au public en ligne en subordonnant la vente d'un terminal à l'achat d'un service

Mme JOISSAINS, rapporteur

28

Rétablissement de cet article relatif à l'interdiction des abus de position dominante ayant pour effet d'imposer au consommateur d'acheter des matériels dotés d'applications et services préinstallés du fait de la position dominante des éditeurs de ces applications et services vis-à-vis des fabricants

Adopté

Article 19
Traitements de données à caractère personnel en matière pénale

Mme JOISSAINS, rapporteur

29

Maintien de l'autorisation préalable de la CNIL pour les fichiers en matière pénale non mis en oeuvre par l'État

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

30

Transformation des obligations de moyens en obligations de résultats

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

31

Encadrement des décisions fondées exclusivement sur un traitement automatisé de données

Adopté

Mme Maryse CARRÈRE

3

Informations relatives aux sous-traitants

Adopté

Mme Maryse CARRÈRE

4

Transparence des informations concernant la sous-traitance

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

32

Encadrement des délais de réponse aux demandes d'effacement ou de rectification

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

33

Droit à l'information concernant les recours juridictionnels

Adopté

Article 19 bis (Supprimé)
Dotation communale et intercommunale
pour la protection des données à caractère personnel

Mme JOISSAINS, rapporteur

34

Rétablissement de cet article instituant une dotation communale et intercommunale pour la protection des données à caractère personnel

Adopté

Article 20 bis
Droit à la portabilité des données personnelles
et des données non personnelles

Mme JOISSAINS, rapporteur

35

Suppression de cet article afin de maintenir le droit à la portabilité des données non-personnelles

Adopté

Article 23
Modification du cadre légal des traitements d'antécédents judiciaires

Mme JOISSAINS, rapporteur

36

Effacement de droit des données illégalement collectées

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

37

Délai de réponse aux demandes de rectification ou d'effacement

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

38

Amendement de précision

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

39

Droits des personnes bénéficiant d'un non-lieu

Adopté

Article 24
Entrée en vigueur

Mme JOISSAINS, rapporteur

40

Report de deux ans de l'entrée en vigueur de l'action de groupe en matière de données personnelles

Adopté

Mme JOISSAINS, rapporteur

41

Applicabilité immédiate de la nullité de plein droit des décisions non assorties de la mention prévue à l'article L. 311-3-1 du code des relations entre le public et l'administration

Adopté

La réunion est close à 11 h 45.

Jeudi 19 avril 2018

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 1 h 15.

Proposition de loi portant transposition de la directive (UE) 2016-943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites - Examen de l'amendement de seconde délibération

Article 1er

M. Philippe Bas, président. - Dans le cadre de cette seconde délibération, nous devons examiner un amendement présenté par notre rapporteur pour revenir sur un vote incohérent intervenu au cours de l'après-midi. Il s'agissait de l'adoption de l'amendement n° 8 contre l'avis de la commission et du Gouvernement. Cet amendement proposait une définition trop restrictive de l'obtention illicite d'un secret des affaires, excluant par exemple une personne malveillante ou un salarié indélicat voulant nuire à une entreprise.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement n°  A-1 vise en effet à supprimer une disposition contraire à la directive et dont l'adoption a créé une incohérence dans le texte délibéré par le Sénat. La directive ne limite pas les cas d'obtention illicite aux seuls cas d'obtention à des fins de concurrence déloyale permettant au bénéficiaire des informations d'en retirer un profit. La protection du secret des affaires n'est pas restreinte aux champ des relations entre entreprises, mais vise toutes les captations illicites d'informations protégées, quel qu'en soit l'auteur, sous réserve des exceptions concernant les autorités administratives et juridictionnelles, les journalistes, les lanceurs d'alerte et les représentants des salariés.

M. Philippe Bas, président. - Je vous propose donc d'adopter cet amendement.

M. Jacques Bigot. - Les membres du groupe socialiste et républicain votent contre.

L'amendement n°  A-1 est adopté.

La réunion est close à 1 h 20.

- Présidence de M. François Pillet, vice-président -

La réunion est ouverte à 14 h 05.

Projet de loi relatif à la protection des données personnelles - Examen des amendements sur le texte de la commission

M. François Pillet, président. - Nous examinons les amendements au texte de la commission sur le projet de loi relatif à la protection des données personnelles.

EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR

L'amendement rédactionnel n°  23 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Article 1er

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Demande de retrait ou avis défavorable à l'amendement n°  5 rectifié bis, qui élargit la possibilité pour la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) de recourir à des règlements-types.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  5 rectifié bis et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  16, qui supprime la mission de labellisation des objets connectés par la CNIL. Il est contraire à la position de notre commission, suivie par le Sénat en première lecture.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  16.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - L'amendement n°  10 étend la possibilité de saisir la CNIL sur une proposition de loi aux présidents de groupe parlementaire. La CNIL elle-même y est défavorable. Retrait ou avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  10 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 2

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - L'amendement n°  2 concerne les compétences requises en matière de numérique et de protection des libertés individuelles pour les membres de la CNIL désignés par l'exécutif et par les présidents des assemblées. Retrait.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  2 et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - L'amendement n°  3 instaure une évaluation et une audition préalables des compétences de tout candidat à un siège au sein du collège de la CNIL, confiées à un jury paritaire de parlementaires, d'experts et de citoyens. L'idée est belle mais, en pratique, rendrait la procédure extrêmement complexe. Retrait ou avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  3 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 2 bis

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - L'amendement n°  11 prévoit la fixation par décret des modalités de publicité de l'ordre du jour de la CNIL. Sagesse.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n°  11.

Article 7

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - L'amendement n°  6 rectifié bis interdit le traitement des données à caractère personnel collectées dans le cadre de l'utilisation de services numériques au sein de l'Éducation nationale. Certes, l'intention est bonne, néanmoins j'en demanderai le retrait ou, à défaut, émettrai un avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  6 rectifié bis et, à défaut, y sera défavorable.

Article 10 bis

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement de suppression n°  17, contraire à la position de la commission et du Sénat en première lecture.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n°  17.

Article 11

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - L'amendement n°  18 tend à supprimer une disposition introduite par le Sénat : la fixation par un décret en Conseil d'État des modalités d'application du régime des fichiers d'infractions pénales. Avis défavorable.

M. François Pillet, président. - La commission a pris une position très ferme sur ces questions.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  18.

Article 13

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Je suis aussi défavorable à l'amendement n°  15, qui précise sans nécessité les conditions de recueil du consentement en cas de traitement de données dans le domaine de la santé à fins de recherche. Il a déjà été examiné en première lecture.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  15.

Article 14

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Le groupe CRCE a déposé une motion n°  1 rectifiée tendant à renvoyer en commission l'examen de l'article 14. Je suis d'accord sur le fond avec les griefs formulés à l'encontre de l'article 14 et le texte adopté par la commission va dans le sens des auteurs de la motion. Il me semble donc, même si la problématique cruciale de l'automatisation des décisions des administrations par des algorithmes doit faire l'objet d'une attention particulière, que ce n'est pas un renvoi en commission - avec un retour en séance une heure plus tard - qui nous permettra d'obtenir les réponses que nous demandons. Je demande par conséquent le retrait de cette motion, mais la commission demandera en séance au Gouvernement la communication de la note de l'inspection générale de l'Éducation nationale mentionnée par ses auteurs.

M. François Pillet, président. - Cette motion n'est en effet pas très utile ; de plus, le texte adopté par la commission répond à son argumentaire. Nous demanderons en séance au Gouvernement de confirmer que les informations souhaitées seront bien transmises au Sénat.

M. Dany Wattebled. - Je souhaite que cette motion soit défendue sur le fond.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Elle le sera, et la commission veillera à obtenir les éléments d'information qu'elle demande.

La commission demande le retrait de la motion n°  1 rectifiée et, à défaut, y sera défavorable.

Article 14 bis

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - J'ai expliqué ce matin, en séance, pourquoi la commission avait maintenu à 16 ans l'âge du consentement au traitement de données pour les mineurs, tout en demandant un véritable débat en vue de l'instauration d'un régime protecteur des mineurs. Demande de retrait ou avis défavorable aux amendements nos  7 rectifié, 9 rectifié bis et 8 rectifié, qui sont partiellement satisfaits.

La commission demande le retrait des amendements nos  7 rectifié, 9 rectifié bis et 8 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

Article 16 A

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - L'amendement n°  12 revient sur le report de deux ans de l'entrée en vigueur de l'action de groupe en réparation des préjudices matériels et moraux subis en matière de données personnelles. Notre commission a voulu ce report pour protéger les petites entreprises et les collectivités territoriales, inquiètes de ne pas pouvoir mettre en oeuvre le règlement général sur la protection des données au 25 mai 2018. Retrait ou avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  12 et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - L'amendement n°° 13 supprime l'agrément préalable des associations habilitées à introduire une action de groupe en matière de données personnelles, alors que cet agrément est requis en matière de consommation, d'environnement et de santé. Pourquoi une telle différence de traitement ? Néanmoins, la loi apporte déjà des garde-fous, et il s'agissait d'un point susceptible de faire l'objet d'un compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Sagesse.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n°  13.

Article 19

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  19 qui supprime l'autorisation préalable pour les fichiers en matière pénale. C'est totalement contraire à la position de la commission.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  19.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Avis également défavorable à l'amendement n°  20, qui supprime l'encadrement des délais de réponse aux demandes de rectification et d'effacement de données.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  20.

Article 23

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - L'amendement n°  22 est contraire à la position de la commission ; avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  22.

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - C'est aussi le cas de l'amendement n°  21. Même avis.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  21.

Article 24

Mme Sophie Joissains, rapporteur. - Retrait de l'amendement n°  14.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  14 et, à défaut, y sera défavorable.

Le sort de l'amendement du rapporteur examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Sort de l'amendement

Titre IV
Habilitation à améliorer l'intelligibilité de la législation
applicable à la protection des données
(Division et intitulé supprimés)

Mme JOISSAINS

23

Adopté

La commission donne les avis suivants :

Auteur

Avis de la commission

Article 1er
Missions et outils de la Commission nationale de l'informatique et des libertés

M. MALHURET

5 rect. bis

Demande de retrait

M. de BELENET

16

Défavorable

M. DURAIN

10

Demande de retrait

Article 2
Compétences des personnalités qualifiées nommées
par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat

M. MALHURET

2

Demande de retrait

M. MALHURET

3

Demande de retrait

Article 2 bis
Délégation de certaines missions et publicité de l'ordre du jour
des réunions plénières de la CNIL

M. DURAIN

11

Sagesse

Article 7
Traitement des données personnelles dites « sensibles »

M. MALHURET

6 rect. bis

Demande de retrait

Article 10 bis
Incitation au chiffrement pour remplir l'obligation de sécurité
à laquelle sont tenus les responsables de traitement de données personnelles

M. de BELENET

17

Défavorable

Article 11
Traitements de données relatives aux condamnations pénales,
aux infractions ou mesures de sûreté

M. de BELENET

18

Défavorable

Article 13
Données de santé

M. de BELENET

15

Défavorable

Article 14
Décisions prises sur le fondement d'algorithmes

Motion

M. OUZOULIAS

1 rect.

Demande de retrait

Article 14 bis
Transparence du traitement des données scolaires

M. MALHURET

7 rect.

Demande de retrait

M. MALHURET

9 rect. bis

Demande de retrait

M. MALHURET

8 rect.

Demande de retrait

Article 16 A
Action de groupe en réparation

M. DURAIN

12

Demande de retrait

M. DURAIN

13

Sagesse

Article 19
Traitements de données à caractère personnel en matière pénale

M. de BELENET

19

Défavorable

M. de BELENET

20

Défavorable

Article 23
Dotation communale et intercommunale pour la protection
des données à caractère personnel

M. de BELENET

22

Défavorable

M. de BELENET

21

Défavorable

Article 24
Entrée en vigueur

M. DURAIN

14

Demande de retrait

La réunion est close à 14 h 15.