Mercredi 21 mars 2018
- Présidence de M. Michel Magras, président -Jeunesse des outre-mer et le sport - Visioconférence avec la Polynésie française
M. Michel Magras, président. - Mes chers collègues, comme il y a quinze jours pour notre sujet d'étude sur les risques naturels majeurs, nous avons à nouveau le plaisir, ce soir, de retrouver nos amis de Polynésie, sur la thématique du sport cette fois. Je remercie le président Fritch de s'être rendu disponible : figurent entre autres dans son large portefeuille la jeunesse et le sport, ce qui, d'emblée, révèle l'importance de ces sujets pour la Polynésie.
En ce qui concerne notre délégation, sont en charge de notre étude sur « la jeunesse des outre-mer et le sport » une équipe de 4 sénatrices que nous avons désignées comme rapporteures : Catherine Conconne, sénatrice de la Martinique, pour représenter les territoires du bassin Atlantique, Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, pour l'hexagone, Viviane Malet, sénatrice de La Réunion, pour le bassin océan Indien, et bien sûr Lana Tetuanui, notre collègue de la Polynésie française, pour le bassin Pacifique. Catherine Conconne est malheureusement retenue sur son territoire ; nous avons en revanche la chance d'avoir avec nous Robert Laufoaulu, sénateur de Wallis-et-Futuna, que vous connaissez tous.
La pratique sportive de loisir comme de haut niveau représente une activité très importante dans nos outre-mer ; c'est un vecteur d'insertion qu'il faut encourager, c'est aussi un outil de politique sanitaire, d'affirmation d'une identité culturelle et un facteur de développement économique en matière de tourisme par exemple ou à travers l'organisation d'événements qui contribuent au rayonnement des territoires. Nous savons tous, en outre, que nos outre-mer portent haut les couleurs de la France dans les compétitions internationales - je pense en particulier aux Jeux olympiques - et nous avons à coeur de donner de la visibilité à cette réalité qui valorise nos territoires. Nous voyons donc que ce sujet présente des approches multiples sur lesquelles nous souhaitons recueillir vos témoignages et je vous remercie d'avoir répondu nombreux à notre sollicitation.
Nous souhaiterions que vous nous présentiez les grands axes et les moyens de votre politique locale en matière de sport, les coopérations entre le pays et les communes, vos relations avec l'État, comment vous assurez la promotion du sport de haut niveau, comment vous préparez les grands événements ainsi que les singularités de votre territoire et votre intégration dans votre environnement régional.
M. Édouard Fritch, président de la Polynésie française. - Je salue notre frère Robert et lui indique que j'ai eu la chance de rencontrer hier le président de l'assemblée de Wallis-et-Futuna et ses compatriotes qui sont présents en Polynésie pour les Pacific Business Days.
Je voudrais souligner en préambule que la Polynésie française doit faire face à des difficultés structurelles en raison de l'éparpillement de ses îles. Par ailleurs, les jeunes représentent près de la moitié de la population et, face aux problèmes liés au chômage et à l'oisiveté tels l'alcoolisme ou la drogue, le sport est un moyen pour nous de les occuper et de les cadrer. Avec les maires, qui sont représentés ici par M. Damas Teuira, maire de Mahina, nous essayons de travailler ensemble car ce pays ne peut pas être géré uniquement au niveau de l'institution gouvernementale.
Depuis maintenant près de deux ans, le gouvernement, avec le ministère de la santé, a mis en place un plan de développement du sport-santé. Au-delà de la détermination avérée des uns et des autres, ce plan va nécessiter des moyens financiers supplémentaires et accroître les besoins d'infrastructures du pays. M. Anthony Pheu, directeur de la jeunesse et des sports, vous dressera le tableau de la situation actuelle du pays, des communes et de l'État. Le président du comité olympique polynésien, M. Louis Provost, vous exposera ensuite nos projets importants, qui concrétisent ma préoccupation d'élargir le rayonnement de la Polynésie française dans le Pacifique. Dans le domaine du sport, nous voulons culminer.
M. Michel Magras, président. - L'objectif de notre rapport est de dresser un état des lieux mais aussi et surtout de formuler des préconisations adaptées à chacun des territoires.
M. Anthony Pheu, directeur de la jeunesse et des sports. - Je souhaite dresser un panorama global de l'organisation du sport en Polynésie française. En vertu de la loi organique statutaire de 2004, la compétence en matière de jeunesse et de sport relève en totalité de la Polynésie française. Nous sommes épaulés par une mission d'assistance technique de l'État dont le pilote est M. Gérard Dubois, ici présent. Nous avons également notre propre comité olympique ; nos fédérations, autonomes, entrent en convention avec les fédérations françaises, contrairement à celles d'autres collectivités comme la Nouvelle-Calédonie qui sont encore des ligues.
Nous disposons d'un service qui coopère avec les associations implantées au niveau communal mais celles-ci ne font pas remonter toutes les informations techniques jusqu'au ministère si bien que, depuis plus d'un an, nous essayons de récupérer ces informations auprès du terrain afin de pouvoir définir des stratégies et des politiques sportives plus collégiales.
Nous manquons de référents communaux et travaillons beaucoup avec les mairies. Neuf communes ont des quartiers prioritaires. Nous entendons déployer notre stratégie sur l'ensemble de la Polynésie mais nous avons une problématique géographique très importante du fait de l'éparpillement du territoire et cela impose des coûts de transport très importants. La continuité territoriale, en dehors de Tahiti, reste largement théorique. Il y a un défaut de compétitivité sportive dans les îles par manque et vétusté des infrastructures, l'obsolescence étant accélérée par la salinité. Tout cela génère des coûts supplémentaires.
Notre politique sportive était, il y a encore quelques années, exclusivement orientée vers la performance ; nous voulions gagner des médailles. Désormais, elle se développe sur plusieurs axes : nous veillons à répondre aux problématiques de santé et d'emploi de la population. Nous prenons en compte les objectifs de développement du tourisme, de l'emploi sportif et de l'emploi associatif que nous aidons au travers de dispositifs que j'évoquerai ultérieurement. Ces politiques volontaristes tendent à répondre aux besoins sociétaux spécifiques de la Polynésie française : la pratique physique et sportive pour tous ; la prévention sanitaire par des pratiques adaptées ; le développement de la formation et de l'emploi dans la filière du sport ; le soutien au sport de haut niveau, car nous ne délaissons pas la performance.
Notre organisation s'appuie sur un ministère avec une direction de la jeunesse et des sports qui pilote, initie et organise le sport, avec une réglementation propre. Le code du sport national ne s'applique pas en Polynésie française. Nous avons un établissement public pour gérer le parc des installations et des équipements sportifs possédés à 80 % par le pays. En métropole, ce sont plutôt les communes qui possèdent ces équipements. La directrice de l'Institut de la jeunesse et des sports de Polynésie française (IJSPF), Mme Jasmine Richmond, est parmi nous. Elle est en charge de la politique de rénovation, de construction et d'investissement, en partenariat avec l'État via des contrats de projets structurants.
Notre partenariat avec l'État passe par la mission d'assistance technique qui nous permet de bénéficier des fonds du Centre national pour le développement du sport (CNDS). L'attribution des fonds d'État a été notifiée à la Polynésie française et nous avons pu les répartir, avec les fonds polynésiens, entre l'ensemble des associations et des fédérations sportives.
Nous sommes en négociation avec le CNDS car celui-ci ne peut pas subventionner un établissement public. Or, c'est l'établissement public du pays qui gère les équipements. Sans doute, d'autres collectivités ultramarines sont-elles confrontées à cette même difficulté ?
Dans le développement de notre premier axe, qui consiste à développer la pratique sportives pour tous et à ouvrir les installations à tous les publics, nous rencontrons des difficultés si nous ne pouvons pas les rénover, mettre de l'éclairage pour augmenter les amplitudes horaire...
Nous avons une loi du pays relative au sport de haut niveau, une loi relative au dopage - le maire de Mahina est le référent pour le dopage en Polynésie française et il pourra vous en parler mieux que moi ; une loi relative aux certificats médicaux pour ouvrir la pratique physique à tous. Nous avons quasiment le même dispositif qu'en métropole. Une loi du pays relative à la plongée subaquatique de loisir a été votée en 2017 - ses décrets d'application sont parus en 2018 - car, pour favoriser l'emploi local, le tourisme et la sécurité des pratiquants, il fallait revisiter une délibération vieille de plus de 25 ans. Les polynésiens peuvent ainsi plus facilement se former et enseigner la plongée.
Nous avons créé un brevet professionnel polynésien de guide d'activités physiques de pleine nature, et nous avons édité des guides de randonnée pédestre, de randonnée équestre, d'activités lagunaires et de plongée subaquatique. Nous avons également créé des brevets professionnels polynésiens d'éducateurs sportifs (BPPES). Ces BPPES se situent entre le brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (BPJEPS) actuel et le brevet d'État ancien. La négociation entre les fédérations polynésiennes et les fédérations françaises pourraient permettre d'obtenir des équivalences car notre diplôme a un vrai contenu.
Nous avons également créé des diplômes d'animateur de quartier qui nous permettront de mettre en place des maisons de quartier. Il nous faudra voir comment organiser ce dispositif avec les mairies et créer de l'emploi dans le cadre de la politique de la ville et de la jeunesse.
Fin 2018 - début 2019, nous devons actualiser notre délibération 99 qui organise le sport en Polynésie française et la transposer sous la forme d'une loi de pays.
Nous devons également préparer une loi de pays relative au sport-santé, et mettre en place, en complément des brevets professionnels polynésiens ou des brevets d'État, une formation spécifique incluant des modules de physico-thérapeutique ou d'éducation médico-sportive. Aujourd'hui, un réseau est en place et nous essayons d'instaurer un partenariat intelligent avec le mouvement sportif qui possède déjà des dispositifs de sport-santé, notamment pour le handisport dont les représentants sont ici présents.
Nous devons enfin créer des brevets d'animateur sportif, diplôme de niveau 4, soit inférieur d'un cran à celui d'éducateur sportif, qui déboucheraient sur des compétences d'encadrement.
L'organisation juridique de la direction de la jeunesse et des sports est en cours, sous le regard de la présidence, en charge des sports, avec l'objectif d'être plus efficace et d'assurer un meilleur service au public.
Un plan pluriannuel de rénovation et de réhabilitation des équipements sportifs a été adopté en 2015. Le 15 décembre 2017, notre schéma de développement des équipements sportifs a été validé, après expertise, par le haut-commissariat et la présidence en charge des sports. Nous avons entrepris le recensement des équipements sportifs de la Polynésie française, en partenariat avec l'État.
Nous avons été lauréats dans le cadre d'un appel à projets pour les équipements sportifs démonstrateurs innovants. Le CNDS a permis à la Polynésie française de faire des études pour la création d'un fare « jeunesse et sport » qui permettrait d'accueillir aussi bien des activités de jeunesse, des activités culturelles, sociales, une mini-médiathèque, une cuisine pour apprendre aux parents à mieux cuisiner pour leurs enfants, des activités sportives ou du théâtre, de la danse polynésienne. Ce type de fare serait réalisé à partir de matériaux polynésiens comme le tressage des fibres de coco et pourrait être reproduit dans les outre-mer où se trouve le même type de matériaux.
Le développement des équipements sportifs multisports en accès libre se fera en partenariat avec les communes et permettra aux jeunes d'accéder à des lieux dédiés à l'activité physique, de se rencontrer et de bénéficier de bienfaits sanitaires et sociaux.
Nous avons quarante sportifs polynésiens de haut niveau, du meilleur niveau français au meilleur niveau international. Deux champions sont parmi nous : Naea Bennett, capitaine des Tiki Toa et double vice-champion du monde de beach-soccer, et Henri Burns pour les sports de combat. Nous avons également des champions de niveau olympique pour la voile - Billy Besson - ou le taekwondo - Anne-Caroline Graffe. Dans l'athlétisme, nous avons des sportifs qui sont membres de l'équipe de France. Nous avons des champions du monde en pirogue polynésienne et en surf. En Polynésie française, le haut niveau se porte bien mais il pourrait se porter mieux encore. Nous avions une politique sportive de haut niveau largement ouverte et nous l'avons resserrée en mettant en place un parcours d'excellence, avec le mouvement sportif et le scolaire notamment. Nous sommes en discussion avec le ministère de l'éducation pour introduire davantage de sport dans les temps scolaires et périscolaires, ceux-ci pouvant constituer une passerelle vers le haut niveau.
Nous disposons d'aides financières et d'un suivi médical des sportifs de haut niveau.
Nous sommes intégrés au Forum des îles du Pacifique en tant que membre à part entière alors que la Nouvelle-Calédonie ne l'est que depuis peu. Nous sommes également membre à part entière de l'Organisation océanienne de lutte contre le dopage (ORADO) qui est une émanation de l'Agence mondiale antidopage (AMA).
Nous avons le projet de participer à certains jeux, notamment aux jeux de la Francophonie et du Commonwealth.
M. Damas Teuira, maire de Mahina. - La commune de Mahina est une commune de la côte est qui appartient à l'agglomération de Papeete. Elle compte 14 763 habitants, dont un peu moins de 7 000 de moins de 25 ans, et le taux de chômage est de 20 %.
En matière de jeunesse et sport, la problématique est plutôt d'ordre institutionnel. Nous relevons du code général des collectivités territoriales (CGCT) ; or, celui-ci ne prévoit pas que les communes disposent de la compétence en matière de sport. Il n'y a pas de cadre légal qui permette aux communes d'intervenir. Le pays a la pleine compétence en la matière mais les communes participent à l'effort social par le biais du sport, ce qui impacte leurs budgets. Il faudrait des passerelles entre les politiques du pays et celles des communes en matière de jeunesse et sport.
Les communes ont bien compris l'avantage de mutualiser leurs moyens avec l'État et le pays. Nous avons élaboré, avant la mandature 2014-2020, une programmation des politiques communales. Je voudrais souligner plusieurs problématiques. La première concerne le soutien aux associations sportives et le nombre d'éducateurs bénévoles qui participent à l'effort social. Toutes ces personnes ont atteint la limite du découragement et de l'investissement personnel. Je voudrais revenir sur la franchise de cotisation sociale qui existe en métropole et n'est pas applicable ici. Elle pourrait alléger la participation des communes pour les indemnités versées aux agents qui encadrent les manifestations sportives, à Mahina comme dans les autres communes.
En ce qui concerne le sport de haut niveau, Mahina a la particularité d'ouvrir toutes les pratiques sportives à l'international et nous avons décidé de miser sur le tourisme sportif. Aujourd'hui, Mahina accueille la plupart des compétitions de combat : le judo, avec des licenciés de Mahina en pôle France, ainsi que le jujitsu brésilien. Pour le football, nous avons passé une convention avec le football club de Toulouse qui a accueilli des jeunes de la commune. Le budget de la commune participe à la prise en charge des billets d'avions et des frais de séjour sur place. Nous avons prévu une ligne budgétaire pour les athlètes de Mahina âgés de 13 à 25 ans qui participent à des compétitions de niveau national et international. Mais ces moyens ne sont pas suffisants et nous percevons le déracinement des athlètes polynésiens qui partent pour intégrer un centre de formation. Il n'est pas facile de convaincre les familles de se séparer de leurs enfants.
Nous avons une autre problématique : celle du développement de la pratique de masse dans les quartiers pour favoriser la cohésion sociale. Nous manquons d'infrastructures sportives mais je voudrais surtout insister sur l'importance des encadrants bénévoles. En métropole, les rémunérations, à hauteur de 127 € versés aux encadrants, diplômés ou pas, à l'occasion chaque manifestation sportive donnant lieu à compétition, bénéficient d'une franchise de cotisations sociales, dans la limite de 5 manifestations par mois. Vous ne pouvez pas vous imaginer l'importance que cette aide représenterait pour nos dirigeants et nos entraîneurs.
Le club de football a 1 600 licenciés et nous avons du mal à accompagner nos 11 éducateurs qui jouent un rôle de cohésion sociale essentiel. Les jeunes qui ont intégré le centre de formation de Toulouse viennent pour la plupart de quartiers prioritaires, au nombre de 11 à Mahina, la problématique du logement y est très prégnante. Je suis soucieux du devenir de nos jeunes de demain. Nous faisons beaucoup d'actions dans les quartiers, mais il faut qu'elles soient soutenues. La commune de Mahina est la seule qui a 2 équipes de football en ligue 1. J'ai rencontré des dirigeants la semaine dernière qui sont à la limite d'arrêter car la plupart d'entre eux investissent de leurs deniers personnels.
La commune de Mahina est en queue de peloton en matière d'aménagements et d'infrastructures sportives. Hormis le complexe communal, nous n'avons pratiquement pas d'infrastructures sportives et nous essayons de rattraper notre retard. En accord avec le pays, je voudrais faire de la commune de Mahina une destination disposant d'une structure d'accueil des sports de combat. Le conseil municipal a la volonté de réaliser un projet marqué par la singularité et d'ancrer la commune dans sa vision économique et sociale. Nous souhaitons développer les activités de proximité avec les quartiers, les inter-quartiers, les inter-villes, et les activités culturelles. Nous avons mis en place des festivités pour le Heiva et les troupes, les groupes et la population se regroupent pour la pratique des chants et des danses traditionnels.
M. Louis Provost, président du comité olympique de Polynésie française. - Notre équipe dirigeante a été élue le 2 décembre 2017, à la suite de l'annulation de l'élection précédente, et son mandat prendra fin dans un an et demi. Nous avons établi un programme jusqu'en 2027, date à laquelle nous devrions pouvoir récupérer l'organisation des Jeux du Pacifique. Le comité olympique est constitué de 38 membres, dont 12 siègent au conseil d'administration. Nous représentons 37 fédérations, près de 70 000 licenciés, 45 000 au titre des fédérations sportives et 24 000 au titre du sport scolaire et universitaire. 18 fédérations sont affiliées aux fédérations internationales ; 17 le sont aux fédérations océaniennes et 19 ont des conventions avec des fédérations françaises.
90 % de notre budget de fonctionnement émane du pays ; des fonds nous sont octroyés par le CNDS à hauteur de 2,5 % de l'enveloppe globale destinée à la Polynésie française. Ces sommes ne permettent pas à notre comité olympique, qui regroupe l'ensemble des fédérations, de gérer toutes les missions qui lui sont imparties et qui sont pratiquement les mêmes que celles du CNOSF.
Auparavant, le comité olympique était un comité territorial olympique et sportif puisque l'ensemble des fédérations étaient des ligues, affiliées aux fédérations françaises, mais, avec la réforme des statuts de la Polynésie qui a donné toute la compétence au pays, celles-ci sont devenues des fédérations polynésiennes. Même si avec le temps celui-ci s'est atténué, cette modification a créé un certain malaise au sein des fédérations françaises, et certaines fédérations polynésiennes ne bénéficient toujours pas de convention.
Nous ne sommes pas reconnus par le Comité international olympique (CIO) car la Polynésie n'est pas un État indépendant, comme le prévoit l'article premier du statut du CIO. Il ne peut pas y avoir deux comités olympiques représentatifs pour un même pays.
Notre équipe dirigeante est favorable à un rattachement au CNOSF par le biais d'une convention de partenariat, ce qui nous permettrait d'être identifié comme un comité territorial - comme c'est le cas pour la Nouvelle-Calédonie ou Wallis-et-Futuna - et de bénéficier d'une reconnaissance - notamment pour l'appellation de comité olympique - et surtout d'être éligible à la solidarité olympique qui nous fait défaut aujourd'hui. Nous ne souhaitons pas intégrer le CNOSF mais être l'un de ses partenaires puisque nous avons des règlements sportifs qui nous sont propres et un statut d'autonomie qui donne la pleine compétence au pays. Même si le statut est différent, nous souhaitons être reconnus comme des Français d'outre-mer.
Notre autre priorité concerne la préparation des Jeux du Pacifique qui auront lieu en 2019 à Samoa, puisque Tonga s'est désisté. Nous aurions peut-être pu récupérer l'organisation de ces jeux mais n'avions pas les infrastructures adéquates, modernes et aux normes.
Le handisport est également l'une de nos priorités, notamment au travers des épreuves paralympiques.
Nous avons d'excellents surfeurs, de très haut niveau. La Fédération tahitienne de va'a va organiser au mois de juillet les championnats du monde de vitesse, après avoir organisé l'an passé, pour la première fois, le championnat de marathon.
Nous sommes représentés au comité économique, social et culturel de la Polynésie française et sommes en phase avec la politique sportive du Gouvernement français.
M. Michel Magras, président. - Vous soulignez la problématique de la reconnaissance des organisations propres aux territoires au niveau olympique. Elle est commune à l'ensemble des territoires ultramarins.
M. Gérard Dubois, chef de la mission d'aide et d'assistance technique de l'État (MAAT). - Inspecteur de la jeunesse et des sports, cadre d'État affecté au haut-commissariat, je suis à la tête d'une mission de cinq personnes - deux inspecteurs, deux professeurs de sport et un conseiller d'éducation populaire et de jeunesse - qui sont affectées pour travailler sur tout ce qui concerne la politique de la ville, le développement du sport, la formation et mènent des actions de conseil et de soutien auprès des autorités polynésiennes.
Le thème de votre étude est la jeunesse des outre-mer et le sport, mais les thèmes abordés dans la trame me paraissent porter essentiellement sur le sport de haut niveau.
M. Michel Magras, président. - Notre rapport s'intéresse au sport dans son ensemble, de ses impacts dans le domaine de la santé, de l'insertion sociale, de la lutte contre le chômage ou de la formation professionnelle.
M. Gérard Dubois. - Des rapports d'étude ont déjà été faits sur le thème qui vous préoccupe. Ainsi, la chambre territoriale des comptes a produit un rapport en 2013 sur la direction de la jeunesse et des sports. Un rapport commun de l'IGJS et de l'IGA sur les activités jeunesse et sport dans les outre-mer a été rédigé en 2016. Une mission d'inspection générale du ministère de la jeunesse et du sport est intervenue il y a trois ans sur le thème de la mission des assistants techniques en Polynésie française. Il y a eu également un rapport du Conseil économique, social et culturel sur le sport.
Tous les outre-mer peuvent obtenir des financements publics mais les jeux dans l'océan Indien, dans les Caraïbes (CARICOM) et les Jeux du Pacifique ne sont plus éligibles aux crédits d'aide et de soutien au titre des grands événements sportifs internationaux que le CNDS soutenait jusqu'à l'année dernière. Quand les jeux ont lieu localement, que ce soit en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie, une aide est versée pour l'organisation des jeux, sous la forme de crédits d'investissements qui sont très importants, mais lorsque vous devez vous déplacer à l'extérieur, il n'y a aucune aide pour les dépenses liées à la préparation et au déplacement. Il faudrait voir comment rétablir les aides du CNDS.
Depuis l'an passé, il n'y a plus de dominante sportive au sein du Fonds exceptionnel d'investissement (FEI). Cet aspect devrait être réintroduit dans ses priorités.
Heureusement, il y a des contrats de projet État-pays et État-communes. Ils sont importants et intéressants et il faudra être vigilant sur le maintien de volets jeunesse et sport en leur sein.
Le problème structurel des équipements sportifs a été évoqué par les précédents intervenants. Il concerne tous les outre-mer. Une mission d'audit et de prospective a été mise en oeuvre. Il faudra qu'elle se traduise par la possibilité d'obtenir des aides. Nous avons constaté que les crédits du CNDS ont diminué de moitié cette année, passant de 300 à 150 millions d'euros. Heureusement, la part territoriale qui est versée pour les fédérations et les associations n'a pas trop bougé, mais la part réservée à l'investissement a subi une baisse draconienne. La privatisation de la Française des jeux est envisagée par les pouvoirs publics et il faudra être attentif aux impacts de cette privatisation sur les crédits reversés au CNDS.
L'établissement public (IJSPF) qui gère 80 % des équipements sportifs de la Polynésie française n'est pas éligible directement aux crédits du CNDS car c'est un établissement public. En effet, seules les collectivités territoriales, les associations et les groupements sont éligibles. Nous demandons à nos sénateurs et à nos députés d'oeuvrer pour que cette règle soit modifiée ou qu'une dérogation soit accordée pour la Polynésie en raison de son statut.
M. Michel Magras, président. - Je comprends votre demande qui rejoint celles de nombre de nos compatriotes ultramarins. Nous avons voté la loi pour l'égalité réelle dans les outre-mer qui visait à faire reconnaître les spécificités des outre-mer, mais vous connaissez les priorités du Gouvernement en matière de diminution des dépenses et de la dette.
M. Gérard Dubois. - Tous les outre-mer ne se joindraient pas à cette demande car ce handicap tient à la particularité de notre statut et de notre établissement public. Dans les outre-mer, et même en Nouvelle-Calédonie, les aides du CNDS peuvent aller aux communes, aux collectivités territoriales. Chez nous, le pays pourrait recevoir ces subventions, le problème vient du mode de gestion de l'IJSPF.
M. Michel Magras, président. - L'État part du principe que le sport est une compétence qu'il peut partager mais qu'il ne délègue pas. Chez vous, le sport est de la compétence du pays. Dans la mesure où l'État verse une subvention globale au pays, il n'est pas possible d'émarger également aux autres dispositifs.
M. Gérard Dubois. - La Polynésie française peut édicter sa propre réglementation et mettre en place ses propres diplômes en matière de formation. Nous sommes bien soutenus par l'État. C'est un facteur de développement et de structuration des pratiques sportives très important.
M. Michel Magras, président. - Le directeur de la jeunesse et des sports avait insisté sur votre capacité à former et la possibilité d'équivalences. Le jeune qui a obtenu un diplôme polynésien équivalent à un brevet d'État peut-il exercer en métropole ?
M. Anthony Pheu. - Les équivalences peuvent être sollicitées par les fédérations polynésiennes auprès de la fédération française concernée, mais ce n'est pas automatique.
M. Gérard Dubois. - Le diplôme polynésien n'est pas reconnu en métropole. Il faut qu'il soit inscrit au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et il doit y avoir une démarche active de la Polynésie pour qu'il soit reconnu. Le problème est que, dans la plupart des cas, il faut qu'il y ait eu au moins deux ou trois promotions pour prouver la validité et le bien-fondé de cette formation. Un effort de réglementation qui réduirait à une seule promotion la condition de la validité du diplôme serait le bienvenu.
M. Michel Magras, président. - La validation des acquis de l'expérience (VAE) existe-t-elle en Polynésie française ?
M. Gérard Dubois. - Oui, nous utilisons beaucoup ce dispositif, identique à celui de la métropole, particulièrement dans le domaine de la plongée sous-marine.
M. Anthony Pheu. - Ce dont parle M. Dubois concerne exclusivement le va'a pour l'inscription au RNCP. L'équivalence peut en effet être demandée pour toutes les autres disciplines, plus traditionnelles. On peut aussi prétendre à un BPJEPS d'athlétisme si on détient un brevet local mention athlétisme. C'est une négociation de fédération à fédération.
M. Gérard Dubois. - Un seul diplôme polynésien est reconnu en métropole, le brevet de surveillant aquatique qui est l'équivalent du brevet de surveillant de baignade métropolitain. Il permet à certaines personnes de surveiller des activités de natation dans les centres de vacances et de loisirs. C'est un diplôme mis en place par la Polynésie française, qui ne dépend pas d'une fédération de natation mais de la direction de la jeunesse et des sports.
M. Michel Magras, président. - Les titulaires de ce diplôme travaillent sous le contrôle d'un maître-nageur sauveteur.
M. Gérard Dubois. - Oui, mais il permet à cette personne, en autonomie totale, de surveiller les baignades.
Ce matin, j'ai reçu un tableau des communes qui bénéficient d'aides à la ruralité. Je me suis aperçu que s'il y en a dans les départements d'outre-mer (Guadeloupe, Martinique, La Réunion), il n'y a aucune commune des collectivités d'outre-mer. Pourtant, la ruralité d'une commune des Tuamotu ou des Marquises est très marquée. Comment les collectivités d'outre-mer pourraient-elles être éligibles à ces aides ?
M. Michel Magras, président. - C'est un problème lié à la différence de statut.
M. Gordon Barff, directeur technique de la Fédération tahitienne de va'a et de canöe-kayak. - Je suis également entraîneur pour le lancer en athlétisme, et tout cela bénévolement. La Fédération tahitienne de va'a organisera au mois du juillet les championnats du monde de va'a, pirogue polynésienne qui comporte un balancier. Nous comptons entre 5 000 et 6 000 licenciés pour 16 000 pratiquants, en scolaire, en collectivité et en individuel.
Nous avons défini quatre priorités en assemblée générale : promouvoir la pratique féminine ; développer la formation ; assurer un meilleur suivi de jeunes ; préserver l'environnement.
La pratique féminine a doublé depuis 2015. C'est très important car, par tradition et bien qu'elle tende à s'estomper, la femme est le chef de la famille en Polynésie.
Nous avons mis en place depuis 2005 la première formation fédérale d'initiateur, de moniteur et d'entraîneur de va'a. Depuis 2010, grâce au pays et à l'État, nous avons mis en place un BPJEPS mention va'a. Nous devons transposer les textes sur la sécurité, la pratique, le suivi pédagogique et l'entrainement qui existent déjà en canöe-kayak, pour les adapter aux spécificités du va'a. Nous ne pratiquons pas le kayak de torrent mais celui de haute mer ainsi que le kayak lagonnaire, davantage basé sur la vitesse.
Notre fédération a formé environ 800 cadres. Grâce au pays, nous avons formé 15 BPJEPS en va'a. Nous avons juste un petit souci d'équivalence avec les diplômes français qui permettrait à l'activité de se développer.
Pour le suivi des jeunes et la pratique de masse, nous avons mis en place, avec la fédération, un rapprochement avec le sport scolaire. 2 400 jeunes en âge scolaire, en primaire ou en secondaire, pratiquent le va'a. Nous essayons de partager avec eux nos valeurs qui sont celles de la République, comme le respect des autres, de l'environnement, le partage et l'esprit collectif.
Le dernier objectif est de faire en sorte que le va'a puisse être un facteur de cohésion sociale car les difficultés dans les quartiers sont devenues une réalité polynésienne. La jolie carte postale de Tahiti et de ses îles tend à disparaître !
Pour conclure, l'an passé l'activité du va'a a généré près de 40 millions de francs Pacifique - soit 3 millions d'euros - essentiellement grâce à la vente de pirogues polynésiennes qui s'est internationalisée.
Nous vous invitons à venir en juillet chez nous pour les championnats du monde organisés à Tahiti ou chez la sénatrice Lana Tetuanui où sera organisée la plus grande course du monde !
M. Anthony Pheu. - Je vais donner la parole à Mme Henriette Kamia, la présidente de la fédération handisport et sports adaptés, fédération très active, transversale avec l'ensemble des fédérations polynésiennes, et qui fait énormément pour le développement du sport.
Mme Henriette Kamia, présidente de la Fédération polynésienne des sports adaptés et handisports. - J'ai perdu la vue à 21 ans et c'est ce handicap qui m'a incitée à créer la fédération en 1999. Notre fédération s'est développée dans les années 2000, notamment grâce à des subventions versées à la suite de la participation de Zinédine Zidane à des matchs de football. Ensuite, nous nous sommes battus en nous appuyant sur le bénévolat. Le ministère des affaires sociales et de la santé a bien voulu nous aider car nous avons utilisé le sport comme moyen de gagner en autonomie et de développer la socialisation des personnes handicapées. Faire du sport leur permet d'être bien dans leur corps, dans leur tête et d'éviter des hospitalisations. Les personnes handicapées sont trop souvent mises de côté.
Notre fédération s'est développée, elle a mis en place des formations.
J'aimerais féliciter la France pour toutes les médailles qu'elle a gagnées aux derniers jeux paralympiques. J'ai suivi toutes les compétitions et suis très fière de voir ces personnes handicapées récompensées.
Grâce à l'appui de toutes les fédérations polynésiennes, nous avons pu accéder au haut niveau. Aujourd'hui, nous avons 1 200 licenciés handisports et sports adaptés dans les établissements scolaires, les structures des institutions médico-éducatives (IME), mais aussi des jeunes et des adultes. Nous signerons prochainement une convention avec la fédération de football ; nous en avons signé une avec celle qui structure le tennis de table. Nous avons mis en place des diplômes validés par la Fédération française handisports et sports adaptés. Je signerai bientôt une convention avec la Fédération française de canoé-kayak. Le va'a est inscrit aux Jeux paralympiques et nous nous préparons aux Jeux paralympiques de 2020 au Japon en espérant bien venir à Paris en 2024. Nous aspirons à être davantage aidés car le bénévolat est précaire et nous aurions besoin d'un suivi par des personnes salariées.
M. Michel Magras, président. - Nous vous remercions pour votre témoignage complet et émouvant.
M. Henri Burns, sportif (sports de combat). - Cette année, j'ai été élu meilleur athlète 2018 par une revue sportive de Polynésie française. Je pratique le Mixt Martial Arts (MMA), un sport qui n'est pas encore reconnu en Polynésie et en France. Je déplore d'être davantage reconnu à l'international que dans mon propre pays ! Mais je suis fier de représenter les couleurs de mon pays à l'international, de dire que je viens de Tahiti et de la Polynésie française. Il faudrait améliorer les infrastructures afin de mieux accueillir et canaliser les jeunes qui vivent dans des milieux difficiles que je connais bien car j'en suis issu. Je sais ce que les jeunes ressentent : ils sont dans le doute et ne savent pas comment réussir. Ils restent dans leurs quartiers et ils n'osent pas. Le handisport me tient également à coeur. À Moorea, j'ai rencontré des personnes handicapées et j'ai été touché par la détermination des jeunes. Je souhaite les aider.
En ce qui concerne le haut niveau, je souhaiterais une harmonisation des statuts entre les différentes disciplines.
M. Michel Magras, président. - Votre témoignage relaie des problèmes évoqués par nombre d'ultramarins : la reconnaissance à l'international, la capacité de se mesurer avec le reste du monde, le manque d'infrastructures et les différences statutaires.
M. Henri Burns. - En Polynésie, nous avons un potentiel certain. Le combattant est inscrit dans les gênes polynésiens. En dépit de la faiblesse de nos moyens, nous avons des champions du monde en jujitsu brésilien, dans les sports de combat.
M. Naea Bennett, ancien sportif de beach soccer et capitaine des Tiki Toa. - Pour reprendre la métaphore de l'écrin richement orné en forme de présentoir qui finit par éclipser la perle qu'il est censé mettre en valeur, les sportifs de haut niveau finissent par disparaître derrière l'organisation et tout ce qui se passe autour d'eux. Ce sont pourtant les sportifs qui font vivre les organisations. Comment faire en sorte que le sportif puisse vivre de sa passion ?
En 2010, en accord avec la FIFA, nous avons mis en place une équipe de beach soccer pour participer aux championnats du monde. Depuis, nous avons participé à 4 coupes du monde. Nous sommes allés en repérage en Italie en 2011 ; en 2013 nous avons accueilli chez nous la coupe du monde. En demi-finale, nous avons perdu contre la Russie et nous avons joué la petite finale contre le Brésil. Après avoir fait 4-4 dans le temps réglementaire, nous avons perdu aux tirs au but. Nous étions très fiers et les brésiliens étaient étonnés par cette équipe qui parvenait à rivaliser avec eux. En 2015, nous avons perdu la finale contre le Portugal et, en 2017, au Bahamas, contre le Brésil qui joue dans l'année entre 100 et 120 matchs dans le monde, alors que nous en jouons seulement 5 ou 6 ! La différence est là ! Tous les pays européens, les grands pays comme le Brésil ont des facilités que nous n'avons pas. L'éloignement est une grande difficulté pour les sportifs polynésiens de haut et de très haut niveau.
Nous remercions le pays et la compagnie aérienne pour les aides qu'ils nous accordent au moment des compétitions officielles. Mais pour être au plus haut niveau, un sportif doit se préparer et c'est souvent là que nous rencontrons des difficultés. La compétition officielle peut durer 10 jours, mais il faut un an pour se préparer et nous n'avons pas les budgets nécessaires. Dans notre équipe, nous sommes tous bénévoles et exerçons une activité professionnelle. Ainsi, un employeur n'a pas accepté de donner de congés à l'un de ses salariés sportifs et celui-ci a démissionné pour pouvoir participer à la compétition. Je ne sais pas ce qu'il est possible de faire pour aider ces sportifs.
Mme Moeama Mu-Greig, directrice générale de la Fédération tahitienne de football. - Le plan d'action de la Fédération tahitienne de football est décliné en 6 axes : l'éducation, la santé, l'économie, la bonne gouvernance, l'investissement et la solidarité.
La coopération avec le pays, et les communes, notamment en matière d'infrastructures et d'équipements sportifs, est harmonieuse. Nous travaillons en étroite collaboration avec l'Institut de la jeunesse et des sports de Polynésie Française pour pouvoir bénéficier de ses infrastructures. Nous bénéficions de la subvention de fonctionnement du CNDS.
Pour le développement de la pratique, nous concluons des conventions avec les écoles publiques et les écoles privées. Nous signerons prochainement une convention avec la Fédération tahitienne des sports adaptés et handisports. Nous avons des conventions avec des centres de jeunes adolescents (CJA) dont la plupart sont en décrochage scolaire. Nous travaillons avec les CJA à travers un programme Just play mis en place par l'UEFA (Union of European Football Associations).
Pour la promotion du sport de haut niveau et de la performance, nous rejoignons un des axes prioritaires de la fédération tahitienne, l'éducation, avec la labellisation des écoles de football de Polynésie française.
Nous sommes affiliés à la Fédération internationale de football association (FIFA) depuis le 7 juin 1990. Nous avons l'obligation d'organiser des tournois qualificatifs avec la confédération océanienne de football. Nous organisons des tournois qualificatifs pour les coupes du monde de la FIFA. Cette année, sur 5 tournois qualificatifs, la fédération tahitienne, en étroite collaboration avec le pays et l'Institut de la jeunesse et des sports, organise deux tournois qualificatifs pour la coupe du monde de 2019, et nous participons également au tournoi U16 organisé dans un des pays de l'Océanie ainsi qu'à la Coupe des nations féminine de l'Oceania football confederation (OFC). L'affiliation à la FIFA induit de nombreuses obligations.
M. Lionel Teihotu, président de la Fédération tahitienne de surf. - Je voudrais tout d'abord rendre hommage à M. Jean Tapu qui nous a quittés récemment et qui a été plusieurs fois champion du monde tahitien de pêche sous-marine. En 1986, Vetea David est devenu le premier Français champion du monde de surf en remportant les Mondiaux juniors à Newquay, en Angleterre. Les Polynésiens ont quitté l'équipe de France de surf en 1990, conséquence de la création de la fédération tahitienne.
Nous avons environ 500 licenciés pour plus d'un millier de pratiquants. Nous avons voulu faire évoluer le surf avec l'appui de la DJS qui nous a accordé la délégation de service public et nous a aidés - y compris financièrement - à mettre en place l'enseignement du surf dans deux lycées, avec des sections surf espoir. Malgré cette aide financièrement appréciable, nous puisons sur nos fonds propres et espérons que l'enveloppe impartie grandira car nous contribuons à endiguer le décrochage scolaire. Beaucoup de jeunes seraient davantage motivés s'ils pouvaient pratiquer le surf et d'autres disciplines. Ne serait-il pas possible de proposer un baccalauréat avec une option surf ? Cela pourrait également intéresser les établissements de la côte Atlantique française.
Nous multiplions les rencontres de championnat amateur et de championnat professionnel. Nous avons la chance d'avoir un événement au mois d'août qui fait partie du tour professionnel mondial et auquel notre surfeur Jérémy Florès participe. C'est un évènement très couteux pour lequel nous recevons une aide du pays.
La Polynésie française, vaste comme l'Europe, essaie de faire venir des compétiteurs des îles des autres archipels et ce n'est pas évident. Avec le service de la jeunesse et des sports, nous organisons des compétitions : des mini-jeux et des jeux inter-îles pour découvrir des pépites, de jeunes talents.
En ce qui concerne le haut niveau, nous souhaiterions que les sportifs soient davantage accompagnés. Il faut que la fédération trouve un moyen de mettre en place une traçabilité pour suivre les parcours et les résultats des athlètes.
Les surfeurs polynésiens participeront aux JO de 2020 sous la bannière française. Prochainement, une réunion aura lieu en Floride car les épreuves de surf se dérouleront sans doute dans une piscine à vagues. La fédération internationale et la fédération française seront représentées et je ferai sans doute partie de ce déplacement : nous souhaitons avoir un vrai partenariat avec la FFS de façon à pouvoir évoluer dans nos projets.
La population de la Polynésie française est d'environ 270 000 habitants alors que la France en compte 65 000 000. Les fédérations n'ont donc pas les mêmes budgets et nous souhaiterions que la législation sur le sponsoring résultant de la loi Évin soit mieux adaptée.
M. Michel Magras, président. - C'est un sujet délicat et il n'est pas simple de toucher à la loi Évin. Votre suggestion d'un baccalauréat option surf, au même titre que la natation, est intéressante.
M. Anthony Pheu. - Vous avez pu entendre ce qui se passe sur le terrain. Dans nos départements et territoires ultramarins, nous avons une culture de la demande mais nos fédérations et nos sportifs sont également des forces de propositions. Nous comptons sur votre mission pour les porter.
Mme Viviane Malet, co-rapporteure. - Je vous remercie tous pour la qualité de vos interventions. L'île de La Réunion est confrontée aux mêmes défis que la Polynésie française en ce qui concerne l'éloignement, le climat et la vétusté des installations. Nous avons tous beaucoup de mérite car nous sommes une pépinière de sportifs de haut niveau alors que nos contraintes sont supérieures à celles de la métropole.
Mme Gisèle Jourda, co-rapporteure. - Je vous remercie pour cette immersion au coeur de vos problématiques. J'ai ressenti la grande cohésion de vos volontés et comprends les difficultés structurelles liées à l'éparpillement de vos îles. M. Damas Teuira, le maire de Mahina, a bien exprimé les problématiques et les difficultés pour les collectivités.
Combien de jeunes sont-ils accompagnés par les titulaires de brevets d'éducateurs sportifs ? Comment le maillage avec les maisons de quartiers et les animateurs est-il réalisé avec l'ensemble des collectivités ?
L'enthousiasme de Mme Henriette Kamia a beaucoup touché l'ancienne présidente d'association oeuvrant dans le monde du handicap que je suis. Je voudrais vous dire mon respect pour votre dynamisme et les résultats que vous avez obtenus.
Le rugby n'a pas été évoqué par les différents intervenants : il me semblait que Pierre Villepreux avait lancé le rugby en Polynésie.
M. Anthony Pheu. - Nous sommes toujours en train de travailler sur le maillage. Chaque commune a sa politique de développement, d'emploi, de jeunesse et de la ville. Le maillage opéré par le pays consiste à récupérer des informations via des référents dans les communes de Tahiti et Moorea, qui représentent 80 % de la population polynésienne. Notre organisation juridique, sur un territoire grand comme l'Europe, passe par des administrateurs placés dans les archipels des Australes, des Marquises, des Tuamotu et des îles Gambier. Le numérique doit nous aider à pallier les difficultés dues aux distances pour le déplacement des biens et des personnes. Il nous faut toucher les communes pour connaître leur politique associative et les financements qu'elles y consacrent pour une bonne coordination avec les financements du pays et un accompagnement efficace. Sur Papeete, à Mahina ou Arue, nous n'avons pas les mêmes objectifs mais nous voulons harmoniser l'accompagnement. Nous avons signé très récemment une charte d'accompagnement à la scolarité entre l'État, le pays et les communes qui permet aux jeunes d'accéder aux activités sportives et de jeunesse ; cette charte de décembre 2017 permet la prise en charge par le périscolaire de tout ce qui est sportif et loisir éducatif.
Les bras armés des politiques publiques sont les associations que je remercie. Les associations, comme les communes, ont des besoins et notre rôle est d'homogénéiser et d'encadrer les pratiques pour l'ensemble de la population. C'est pour cela que nous devons réformer nos textes qui datent de 1999.
Les BPPES ont un impact important puisqu'ils concernent environ 25 000 jeunes dans le cadre scolaire, avec les associations sportives et les sections sportives qui sont en lien ou en convention avec les fédérations locales. Ces sections sportives sont aussi un premier moyen de détection des talents pour développer le haut niveau. Ces BPPES permettent d'éviter les contraintes et les coûts résultant de la nécessité qui s'imposait jusque-là de suivre une formation de huit mois en métropole. Une autre formule pourrait être un diplôme d'encadrant de moindre niveau qui permettrait de recruter davantage du fait de rémunérations moins élevées.
Pour le maillage et la création d'infrastructures en partenariat avec les communes, les fare jeunesse sont à l'étude. Des expérimentations dans quelques communes révèlent des effets prometteurs et offrent une vision globale de ce qui se passe dans les quartiers.
Pour répondre à la question sur M. Villepreux je laisserai la parole à M. Gérard Dubois, qui connaît très bien l'histoire du rugby en Polynésie française.
M. Gérard Dubois. - Par rapport à d'autres collectivités d'outre-mer comme la Nouvelle-Calédonie ou Wallis-et-Futuna, en Polynésie française moins de joueurs accèdent au très haut niveau métropolitain. Une vingtaine seulement évoluent entre la catégorie honneur et l'antichambre du Top 14. Deux joueurs, et notamment Téva Jacquelain, jouent à Toulon et pourraient prochainement intégrer le Top 14. Pour ce qui est des cadres techniques, vous avez cité Pierre Villepreux et j'ajouterai Robert Antonin ; depuis leur départ, la Polynésie a été assez pauvre en éducateurs et il y a eu une coupure avec la Fédération française de rugby dans la formation et le suivi des athlètes. Mais les liens sont en train de se retisser. Si Tahiti participe aux éliminatoires de la coupe du monde, il est difficile d'émerger dans un contexte régional où dominent les meilleures équipes du monde telles la Nouvelle-Zélande ou l'Australie. Depuis plus de quinze ans, aucun cadre technique de la fédération française n'est présent ici du fait du statut d'autonomie de la Polynésie et de l'existence d'une fédération polynésienne autonome. Pour compenser cet inconvénient, les fédérations polynésiennes perçoivent une aide du CNDS équivalant aux trois-quarts d'un salaire versé à un cadre technique. Actuellement quatorze fédérations disposent d'un cadre technique de niveau 4.
Mme Viviane Malet, co-rapporteure. - Je voudrais savoir si les équipements sportifs répondent aux besoins scolaires.
M. Anthony Pheu. - Comme je vous l'ai dit, 80 % du parc en équipements sportifs appartient au pays qui met à disposition de manière gratuite ses piscines, ses stades et ses gymnases. Les communes, en tant que de besoin, mettent également leurs infrastructures à disposition des scolaires et des associations en fin de journée.
Dans le schéma de développement qui nous a été proposé par des experts, existe un accompagnement des collectivités pour l'investissement dans des équipements sportifs car les coûts de fonctionnement en sont très élevés. De tels investissements doivent donc rester mesurés et leur utilisation optimisée par la plus large ouverture aux différents publics.
M. Michel Magras, président. - Le moment de conclure est arrivé. Je retiendrai deux mots qui ont été prononcés : innovation et vigilance. J'estime qu'en milieu insulaire, notamment outre-mer, l'innovation n'est pas une option mais une nécessité. Par ailleurs, je vous assure de la vigilance de notre délégation parlementaire et de sa contribution à une meilleure connaissance des problématiques ultramarines.
Je vous remercie tous pour la qualité de vos interventions et j'exprime toute ma reconnaissance et mon amitié personnelle au président Fritch qui a permis l'organisation de cette rencontre.
Jeudi 22 mars 2018
- Présidence de M. Michel Magras, président -Jeunesse des outre-mer et le sport - Visioconférence avec la Nouvelle-Calédonie
M. Michel Magras, président. - Mes chers collègues, après la Polynésie française hier soir, nous poursuivons ce matin notre périple dans le Pacifique avec la Nouvelle-Calédonie dans le cadre de notre étude sur la jeunesse des outre-mer et le sport.
Je rappelle que nous avons désigné comme rapporteures une équipe de 4 sénatrices : Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, pour l'hexagone, Viviane Malet, sénatrice de La Réunion, pour le bassin océan Indien, Catherine Conconne, pour les territoires du bassin Atlantique, aujourd'hui retenue en Martinique, et Lana Tetuanui, notre collègue de la Polynésie française, pour le bassin Pacifique. Je dois également excuser l'absence de cette dernière, retenue chez elle par la préparation des élections territoriales. À leurs côtés se trouve le sénateur de Wallis-et-Futuna, Robert Laufoaulu, ami de la Nouvelle-Calédonie.
Au nom de l'ensemble de la délégation, je vous remercie, Madame et Messieurs, d'avoir répondu favorablement à notre sollicitation.
Il est important pour nous de recueillir des témoignages au plus près du terrain et, malheureusement, il ne nous est pas possible d'effectuer des déplacements dans l'ensemble des territoires pour chaque sujet traité. Les visioconférences sont un pis-aller mais nous permettent d'avoir néanmoins un contact direct : je vous engage donc à nous faire part de vos préoccupations que nous nous emploierons à relayer au mieux.
Avant de vous céder la parole, j'ajouterai que le thème du sport est particulièrement valorisant pour nos outre-mer et à forts enjeux à maints égards. L'étude développera trois axes figurant dans la trame qui vous a été transmise :
- les moyens et objectifs des politiques de développement de la pratique sportive, ainsi que son impact social pour la jeunesse ;
- le sport de haut niveau et les parcours des sportifs ultramarins ;
- le sport comme vecteur de rayonnement des territoires.
Madame Valentine Eurisouké, il vous revient, au sein du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, d'exercer le portefeuille de la santé, de la jeunesse et des sports. C'est une charge lourde mais exaltante. Je vous remercie de nous exposer votre stratégie.
Mme Valentine Eurisouké, membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, chargée de la santé, de la jeunesse et des sports. - Je vous remercie, Mesdames et messieurs les membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Je salue la présence des représentants des institutions de la Nouvelle-Calédonie, du mouvement sportif ainsi que de sportifs de haut niveau.
M. Bertrand Turaud, directeur adjoint de cabinet du Président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. - Je me permets de vous indiquer que nous sommes en liaison vidéo avec nos collègues des Îles Loyauté qui n'ont pas pu se rendre à Nouméa. De même, les représentants de la province Nord n'ont pas pu se libérer mais nous présenterons leur diaporama qui vous sera communiqué à l'issue de la visioconférence.
Mme Valentine Eurisouké. - Je vous propose de laisser la parole aux directeurs afin qu'ils vous exposent les grands axes de la politique sportive.
M. Pierre Forest, directeur de la jeunesse et des sports. - Pour rappel, la Nouvelle-Calédonie est un archipel d'Océanie situé dans l'océan Pacifique à 1 500 kilomètres à l'est de l'Australie et à 2 000 kilomètres au nord de la Nouvelle-Zélande, à quelques degrés au nord du tropique du Capricorne. D'une superficie de 18 575,5 kilomètres carrés, ce territoire ultramarin est situé à 17 000 kilomètres de l'hexagone.
La Nouvelle-Calédonie compte 268 767 habitants, d'après le dernier recensement d'août 2014. La croissance de sa population demeure l'une des plus dynamiques des îles du Pacifique. Depuis 2009, la population s'est accrue de 23 000 personnes. La province Sud concentre désormais 74 % de la population contre 19 % en province Nord et 7 % dans les Îles Loyauté. Deux Calédoniens sur trois vivent dans le grand Nouméa, composé de la capitale et des communes voisines : le Mont-Dore, Dumbéa et Païta. Par ailleurs, le vieillissement de la population s'accélère, même si la part des jeunes reste élevée. La communauté kanak est la plus nombreuse, devant celle des Européens et celle des Wallisiens-Futuniens. Toutefois, une part grandissante de la population déclare être métissée ou « calédonienne ».
La province Sud s'étend de l'Île des Pins au sud à la commune de Poya, sur la Grande Terre, au nord. La province Nord est délimitée par Poya-nord et Canala au sud et les îles de Belep au nord. Enfin, Lifou, auquel l'île de Tiga est rattachée administrativement, Maré et Ouvéa composent la province des Îles Loyauté.
En ce qui concerne son organisation institutionnelle, la Nouvelle-Calédonie est une collectivité territoriale de la République française au statut particulier dit « sui generis ». Les évolutions statutaires issues de l'accord de Nouméa prévoient une consultation sur le futur statut institutionnel de la Nouvelle-Calédonie qui sera organisée le 4 novembre 2018. Ce statut relève de la loi organique n° 99-209 relative à la Nouvelle-Calédonie. Le 29° de son article 22 précise que « la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de réglementation des activités sportives et socio-éducatives, infrastructures et manifestations sportives et culturelles intéressant la Nouvelle-Calédonie ».
L'organisation du sport en Nouvelle-Calédonie repose sur des fondements législatifs et règlementaires. À cet égard, la délibération n° 251 du 16 octobre 2001, votée à l'unanimité par les élus du Congrès, représente le texte de référence. D'autres délibérations complètent dans des champs spécifiques ce corpus juridique telles que la délibération n° 24 de 1978 réglementant la profession d'éducateur physique ou sportif et les écoles et établissements où s'exerce cette profession ou encore la délibération n° 165 du 16 mars 1982 relative à la déclaration des éducateurs physiques ou sportifs et des écoles et établissements où s'exerce cette profession. Je me permets d'indiquer par ailleurs que la délibération du 22 août 2006 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage entre en contradiction avec le décret du 26 août 2016 assouplissant l'obligation de fournir un certificat médical pour renouveler une licence sportive.
La répartition des prérogatives des différents acteurs impliqués dans la gestion et le développement du sport en Nouvelle-Calédonie est particulièrement complexe. L'organisation de la pratique sportive repose essentiellement sur le secteur associatif. Il existe néanmoins un secteur marchand constitué d'encadrants professionnels qui participent eux aussi au développement du sport. La Nouvelle-Calédonie compte 45 ligues ainsi que la Fédération calédonienne de football dont les modalités de fonctionnement et les rôles sont précisés par la délibération du 16 octobre 2001. Ces associations sont affiliées aux fédérations sportives françaises de tutelle et en convention avec elles. Elles contribuent au développement de la pratique sportive sur le territoire en organisant des championnats, en encadrant et en sélectionnant les équipes de Nouvelle-Calédonie, en formant les bénévoles en partenariat avec les institutions et le reste du mouvement sportif et en assurant la formation et le passage de grades dans les sports de combat.
Le comité territorial olympique et sportif (CTOS) est également un acteur majeur de l'organisation du sport puisqu'il s'agit de l'organe officiel de représentation du mouvement sportif en Nouvelle-Calédonie. Il est constitué sous la forme d'une association loi 1901 composée des 45 ligues et de la Fédération calédonienne de football. Le CTOS est chargé de constituer, organiser et diriger la délégation de la Nouvelle-Calédonie aux Jeux du Pacifique, aux Mini-Jeux (en alternance tous les 4 ans avec les Jeux du Pacifique) et à toute manifestation sportive sous l'égide du Comité International Olympique (CIO). Le CTOS a également la responsabilité de faire respecter la déontologie du sport et de mener des activités d'intérêt commun avec les ligues sportives. Il assure par ailleurs une mission de médiation dans les conflits sportifs et oeuvre pour la propagation des principes fondamentaux de l'olympisme. Le CTOS s'est vu confié l'organisation des Jeux du Pacifique de 2011 en Nouvelle-Calédonie par le Conseil des Jeux du Pacifique avant de déléguer cette mission d'organisation à l'association « NC 2011 ». Comme pour les ligues, comités et fédérations, le comité directeur, le bureau et le président du CTOS sont élus tous les 4 ans, l'année qui suit les jeux du Pacifique.
Le Haut conseil du sport calédonien (HCSC), instance consultative mise en place par la délibération n° 251 du 16 octobre 2001, mérite également d'être cité parmi les acteurs majeurs du sport en Nouvelle-Calédonie. Le haut conseil est composé des représentants des institutions et du mouvement sportif mais aussi du secteur privé. Il a un rôle de régulation, de conseil et d'expertise.
En matière de sport, l'État intervient dans plusieurs domaines, principalement au travers de la Direction de la jeunesse et des sports de la Nouvelle-Calédonie (DJSNC) grâce à une convention qui lie le gouvernement calédonien et le haut-commissariat. Ainsi, la DJSNC est mise à disposition de l'État pour certaines actions qui visent à assurer le déploiement sur le territoire des actions initiées par le ministre chargé de la jeunesse et des sports. L'État intervient également dans le cadre des conventions d'objectifs de la période 2016-2019 qui définissent la part territoriale des crédits alloués par le Centre national pour le développement du sport (CNDS). Concernant l'enseignement, qui fait l'objet d'un partage de compétences entre l'État, le gouvernement et les provinces, la pratique de l'éducation physique et sportive représente un enjeu majeur pour l'ensemble de la jeunesse calédonienne.
La Nouvelle-Calédonie joue évidemment un rôle primordial dans la définition et la conduite de la politique sportive puisque la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 confère au gouvernement la compétence en matière de « réglementation des activités sportives et socio-éducatives, d'infrastructures et de manifestations sportives et culturelles intéressant la Nouvelle-Calédonie ». Le membre du gouvernement en charge de la santé, de la jeunesse et des sports est Mme Valentine Eurisouké ici présente. La DJSNC assure la mise en oeuvre de ces compétences.
Par ailleurs, la commission sport du Congrès, assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie qui vote les lois du pays et les délibérations, étudie les textes relatifs au sport avant présentation en assemblée plénière.
À cette organisation s'ajoute l'échelon provincial puisque chaque province possède des services administratifs chargés d'appliquer les directives provinciales en matière de sport. Le travail de soutien des équipes provinciales, qui disposent de moyens matériels, humains et financiers pour mener à bien leurs missions, permet un maillage territorial efficace, d'autant que des liens non conventionnels existent entre la DJSNC et chaque service provincial. Leur mission consiste à articuler de façon pertinente les politiques de développement des ligues et les objectifs provinciaux concernant la jeunesse et les sports.
Au plan local, les 33 communes de Nouvelle-Calédonie déploient des actions ciblées dans leur périmètre administratif. Cependant, peu d'entre elles disposent d'un service des sports en dehors des communes du grand Nouméa.
Enfin, d'autres acteurs peuvent être associés à la politique sportive tels que les coutumiers et les professionnels du secteur privé marchand qui travaillent dans les établissements d'activités physiques et sportives du territoire et sont représentés au sein d'une branche professionnelle. Les coutumiers sont représentés au sein de chaque tribu, au niveau du Sénat coutumier et du haut conseil du sport. De fait, ils peuvent être sollicités aux différents échelons des décisions concernant le sport en Nouvelle-Calédonie.
M. Michel Magras, président. - Les ligues locales restent liées aux fédérations françaises de tutelle alors que la Nouvelle-Calédonie a le pouvoir de fixer sa propre règlementation sportive. Cette articulation ne pose-t-elle pas de difficultés aux sportifs calédoniens qui doivent disposer d'une licence française pour pratiquer ?
M. Pierre Forest. - La possibilité d'affiliation des ligues aux fédérations françaises de tutelle ne pose pas de difficulté à ce niveau. Les athlètes calédoniens peuvent ainsi disputer les championnats de France et participer sous la bannière française aux compétitions internationales telles que les championnats d'Europe, les championnats du monde et les Jeux olympiques.
M. Michel Magras, président. - Je vous remercie pour votre réponse qui nous permet d'apprécier les différences entre l'organisation du sport en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
M. Dominique Molé, 3e vice-président de la province Sud. - La province Sud concentre 75 % de la population dont plus de la moitié de jeunes. Faire du sport un élément du vivre ensemble constitue donc un enjeu majeur, en particulier à l'approche du référendum d'autodétermination du 4 novembre prochain. Le deuxième axe prioritaire de la politique du sport, qui consiste à faire la promotion du sport-santé, est identifié dans le plan calédonien de santé « Do Kamo » et décliné à l'échelon provincial. J'ajouterai que la province Sud apporte d'abord son soutien aux associations sportives et la Nouvelle-Calédonie aux ligues.
M. Philippe Le Poul, directeur de la jeunesse et des sports de la province Sud. - Je commencerai par vous donner quelques chiffres clefs pour mieux comprendre les enjeux de la politique provinciale du sport. La province Sud compte 46 000 licenciés, dont 27 000 jeunes de moins de 18 ans et 12 000 licenciés en sport scolaire. Le taux de licences féminines s'élève à 33 %. Parmi les 397 associations sportives recensées, certains clubs se sont regroupés pour former 17 comités provinciaux afin de mutualiser leurs moyens techniques et humains.
Ces chiffres mettent en lumière le poids de la jeunesse en province Sud. Il s'agit donc d'un axe prioritaire de la politique sportive provinciale, d'autant que la loi organique n° 99-209 relative à la Nouvelle-Calédonie donne de vastes compétences aux provinces en matière de jeunesse. À cet égard, la province Sud lancera dans deux semaines une grande enquête à destination des jeunes afin d'identifier leurs attentes et leurs besoins. La province organise en outre les centres de loisir et les centres de vacances ainsi que de nombreuses actions de proximité.
Sur la question de la pratique sportive, la province apporte un soutien financier à des dispositifs variés en faveur du développement du sport au féminin et du handisport, du sport de haut niveau, de l'emploi, ou encore de la formation des dirigeants. La province Sud participe également au financement de nombreuses manifestations sportives et s'est fortement engagée dans le développement du sport de pleine nature, l'objectif étant de développer une économie autour de ces activités.
En ce qui concerne les besoins identifiés, l'agglomération du grand Nouméa n'est pas suffisamment dotée en infrastructures sportives au regard de ses besoins, tandis que les autres communes font surtout face au problème du manque d'encadrement. Les transports représentent également un coût important pour les clubs sportifs et pour la province qui les soutient financièrement.
M. Bertrand Turaud. - Compte tenu de la mauvaise qualité de la liaison avec les représentants de la province des Îles Loyauté, je propose que M. Pierre Forest lise leur présentation. Nous maintenons la liaison de sorte que vous puissiez leur poser vos questions.
M. Pierre Forest. - Les missions de la direction de la jeunesse, des sports et des loisirs (DJSL) de la province des Îles Loyauté se déclinent en plusieurs objectifs, en particulier la poursuite de la mise en place d'un schéma directeur des équipements pour un meilleur maillage territorial. La direction a donc la charge du suivi, de la création, de la rénovation et de l'entretien des plateaux sportifs et des équipements socio-éducatifs. Notons à cet égard l'existence de deux bases de voile provinciales, l'une à Lifou et l'autre à Ouvéa.
La DJSL intervient également en soutien au monde associatif du secteur sport et jeunesse. La province compte 6 702 licenciés pour une centaine d'associations sportives. 11 disciplines sont représentées, au premier rang desquelles se trouve le football.
La province, par l'intermédiaire de la DJSL, participe par ailleurs à la mise en place de manifestations telles que la Coupe Yeiwéné et le Loyalty Beach. Le Tour cyclisme est la seule manifestation sportive organisée dans les trois provinces. Lifou, Maré et Ouvéa accueillent tour à tour cet événement aux Îles Loyauté. L'émulation provoquée par l'organisation du tour a d'ailleurs permis la création d'un club cycliste à Ouvéa. La province soutient d'autres événements tels que le Challenge Michelet, la fête de la famille ou encore les journées d'information jeunesse.
L'accompagnement des personnes dans leurs projets jeunesse et sport fait également partie des missions de la DJSL à travers le versement de bourses d'études et l'aide à la formation professionnelle, non professionnelle, continue et de recyclage. Le programme Erasmus offre également des possibilités de mobilité aux jeunes.
En outre, la DJSL joue un rôle important dans la structuration de l'excellence sportive provinciale. Le parcours vers le haut niveau est découpé en plusieurs étapes auxquelles correspondent des structures particulières : les centres communaux d'excellence (CCE), le centre provincial îles d'entraînement (CPIE) et le centre territorial d'entraînement (CTE). Un échelon supplémentaire devrait être ajouté à ce parcours vers le haut niveau avec la mise en place d'un pôle espoir. Plusieurs sportifs originaires des Îles Loyauté ont déjà intégré des pôles espoir et des pôles France en métropole.
Enfin, la DJSL travaille à la mise en place de projets sport-santé en partenariat avec la direction de l'action communautaire et de l'action sanitaire (DACAS) tels que la création d'un espace de cardio-training et de musculation type pour les trois communes, de pistes de randonnée pédestre, de circuits course à pied et de circuits VTT et d'un bassin d'apprentissage mer et piscine pour favoriser le savoir nager.
M. Michel Quintin, directeur du CTOS, ancien sportif. - le taux de pratique sportive compétitive et de loisirs est particulièrement élevé en Nouvelle-Calédonie car le territoire offre un terrain de jeu idéal pour les sports de pleine nature et dispose d'équipements sportifs de qualité. Le parc sportif calédonien a été agrandi et modernisé à l'occasion des Jeux du Pacifique de 1966, 1987 et 2011 sur le territoire.
En 2011, une étude réalisée par l'Institut de la statistique et des études économiques (ISEE) de Nouvelle-Calédonie, pour le compte du CTOS et du Conseil économique, social et environnemental (CESE), a permis de mesurer l'impact économique du sport pour le territoire. Il s'agit d'un poste de dépense significatif dont le montant est estimé à 15 milliards de francs Pacifique, soit 2 % du PIB. Le secteur sportif génère par ailleurs 1 500 emplois, ce qui correspond à 1,2 % des emplois salariés. Dans le secteur public, seuls 2,2 % des emplois sont liés au sport, ce ratio étant deux fois moins élevé qu'à La Réunion, par exemple, et nettement plus faible que dans les autres régions françaises. Ces chiffres permettent de rendre compte du problème précédemment évoqué du sous-encadrement en province Sud.
Le mouvement sportif est cependant très structuré dans les 33 communes et les 3 provinces et dispose d'un savoir-faire événementiel reconnu à l'international. La Nouvelle-Calédonie accueille ainsi régulièrement les Jeux du Pacifique mais aussi les championnats d'Océanie. En parallèle de ces compétitions, des sportifs calédoniens s'illustrent chaque année en championnats du monde et d'Europe, à l'instar de Pierre Fairbank, ici présent, qui a décroché le titre de vice-champion du monde en handisport l'année dernière.
Toutefois, l'encadrement réglementaire reste à parfaire car le code du sport ne s'applique pas en Nouvelle-Calédonie. À titre d'exemple, la délibération de 1978 relative à l'encadrement de la pratique sportive est obsolète. S'ajoute à ces difficultés un manque de visibilité des politiques publiques lié au fait qu'il n'existe pas de schéma directeur concerté des équipements sportifs territoriaux comme dans la plupart des autres régions.
M. Charles Cali, président du comité territorial olympique et sportif (CTOS). - La particularité du mouvement sportif calédonien réside, comme vous l'avez souligné, dans cette double affiliation des ligues, à la fois aux fédérations nationales et aux fédérations océaniennes. Lors du transfert de la compétence « sport » à la Nouvelle-Calédonie, le législateur a fait le choix de ne pas suivre le modèle de la Polynésie française favorisant l'insertion du territoire dans son environnement régional par la création de fédérations propres, indépendantes des fédérations françaises. La stratégie calédonienne consiste à jouer sur les deux tableaux en renforçant par conventionnement les liens avec les fédérations françaises de tutelle tout en permettant aux ligues locales d'intégrer les fédérations océaniennes. Certains dirigeants calédoniens occupent désormais des postes à responsabilité au sein de ces fédérations internationales. Ce système d'émulation régionale permet de réduire les coûts de déplacement pour nos sportifs qui participent aux compétitions océaniennes, dont le niveau augmente progressivement grâce aux Mini-Jeux du Pacifique.
Le mouvement sportif calédonien compte aujourd'hui environ 60 000 licenciés répartis dans plus de 700 clubs, ce qui témoigne de la qualité du tissu sportif sur le territoire. Les disciplines phares sont le football, puis le sport scolaire avec l'Union nationale du sport scolaire (UNSS) pour le second degré et l'Union sportive de l'enseignement du premier degré (USEP). Ainsi, 31 % des licences concernent les sports collectifs, 21 % le sport scolaire et 42 % les sports individuels. À cette répartition s'ajoutent les ligues multisports telles que sport pour tous, handisport et sport adapté, qui représentent 6 % des licences. Or, les difficultés financières que traverse la Nouvelle-Calédonie depuis plusieurs années se répercutent sur le mouvement sportif. La baisse des financements, de l'ordre de 40 % sur les 4 dernières années, a plongé certains clubs et certaines ligues dans la difficulté.
Le CTOS, organisme déconcentré du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), joue un rôle particulier dans l'organisation du mouvement sportif calédonien en tant que membre du Conseil des Jeux du Pacifique. Le CTOS est également membre associé de l'ONOC (Oceania National Olympic Committees), qui réunit tous les comités olympiques d'Océanie, et partenaire de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) grâce à une convention tripartites cosignée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Certaines actions de formation des encadrants sportifs locaux prévues par cette convention sont déjà mises en oeuvre.
En raison des restrictions budgétaires, le CTOS ne compte aujourd'hui plus que 12 salariés contre 17 en 2015, répartis sur deux sites : la maison des sports, qui regroupe l'ensemble des ligues, comités et fédération, et le Centre international sport et expertise (CISE) dont les missions se rapprochent de celles des centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS) sur d'autres territoires.
Le CTOS décline les orientations du CNOSF en Nouvelle-Calédonie ainsi que celles du gouvernement. Nous travaillons à cet égard en étroite collaboration avec la direction jeunesse et sport de la Nouvelle-Calédonie, alors que nos homologues des comités départementaux olympiques et sportifs (CDOS) et des comités régionaux olympiques et sportifs (CROS) ne bénéficient pas d'une telle proximité avec les services de l'État. Nos objectifs sont définis par un plan d'actions triennal voté en assemblée générale, le dernier en date couvrant la période 2016-2019. Il s'agit d'une véritable feuille de route pour guider l'action du CTOS en vue des prochaines échéances des Jeux du Pacifique.
Le CTOS bénéficie de financements de la Nouvelle-Calédonie, de l'État via le CNDS et de partenaires privés pour mener à bien de nombreuses missions.
M. Michel Quintin. - Le développement du sport-santé apparaît comme un axe prioritaire pour le CTOS qui suit les recommandations du CNOSF et les orientations définies dans le cadre du plan Do Kamo, en relation étroite avec la direction des affaires sanitaires et sociales de Nouvelle-Calédonie, le gouvernement, la cellule Do Kamo et les ligues.
Par ailleurs, le CTOS, au travers du Centre international sport et expertise (CISE), est le seul organisme de formation dans le secteur du sport. Dans ce cadre, 4 brevets professionnels jeunesse, éducation populaire et sport (BPJEPS) ont été créés en trois ans et des formations destinées aux entraîneurs océaniens ont été mises en place l'année dernière en collaboration avec l'INSEP. L'opération sera renouvelée cette année et 11 pays et territoires devraient être représentés à cette occasion. Le CTOS apporte également son soutien aux ligues pour la mise en place de formations fédérales. Les missions du CTOS en termes de formation sont appelées à s'élargir car le CISE est devenu, il y a trois mois, le centre d'éducation de la confédération océanienne de football (OFC).
Pour rappel, le CTOS a la compétence exclusive pour constituer, organiser et diriger la délégation de Nouvelle-Calédonie aux Jeux et Mini-Jeux du Pacifique. Il est également compétent en matière de gestion des équipements sportifs du CISE, de l'Institut océanien d'haltérophilie (IOH) basé au Mont-Dore est cogéré par la Fédération océanienne d'haltérophilie et la maison du sport Roger Kaddour dans laquelle sont installées la plupart des ligues. Enfin, le CTOS gère, pour le compte de la Nouvelle-Calédonie, le dispositif original des congés sportifs ainsi que les listes d'excellence.
D'autres missions ont dû être abandonnées pour cause de restrictions budgétaires telles que l'organisation des Jeux interprovinciaux (JIP). En outre, le centre de ressources et d'information des bénévoles (CRIB) a fermé ses portes et nous avons été contraints de mettre fin au dispositif de délivrance gratuite de certificats médicaux de non contre-indication à la pratique sportive pour les jeunes.
Je me permets d'insister, en conclusion, sur l'importance du CISE, véritable outil au service du développement du sport. Ce centre a été financé à hauteur de 750 millions de francs Pacifique (6,285 millions d'euros) par la Nouvelle-Calédonie (66 %), l'État (23 %) et le CTOS-NC (10 %) dans le cadre des contrats de développement 2011-2015. Le budget de fonctionnement du CISE étant largement déficitaire depuis son ouverture en 2014, la fermeture de cette structure est envisagée en fin d'année si des financements supplémentaires ne sont pas trouvés, et ce malgré l'obtention récente du label OFC Education Centre évoquée à l'instant. À l'heure actuelle, la démarche de labellisation Grand réseau INSEP est donc interrompue.
Le CISE est ouvert en continu, 350 jours par an. Il compte un centre d'hébergement de 100 lits avec un taux d'occupation annuel en progression, de l'ordre de 28 %. Le CISE accueille actuellement le Pôle de handball. L'hébergement, dès la rentrée prochaine, d'une académie de football féminin financée par la FIFA ouvre des perspectives intéressantes pour l'établissement, notamment vers d'autres disciplines comme le football masculin et le rugby.
Le CISE accueille également des événements sportifs internationaux tels que les Oceania de judo, d'haltérophilie, de tir à l'arc et de volleyball en 2018 et le tour cycliste de Nouvelle-Calédonie. L'équipe de France masculine de rugby à 7 a par exemple été hébergée au CISE dans le cadre d'un stage de préparation en février dernier.
Enfin, le CISE est à la fois un organisme de formation et un centre d'expertise avec un panel d'intervenants, prestataires et formateurs locaux soutenus par l'INSEP.
M. Charles Cali. - Je terminerai la présentation du CTOS en évoquant les Jeux du Pacifique, la plus grande compétition sportive de la région à laquelle participent 22 pays et territoires insulaires. La prochaine édition, qui aura lieu aux Samoa en 2019, devrait réunir plus de 3 000 athlètes dans 26 disciplines différentes. La Nouvelle-Calédonie s'est distinguée en remportant 12 des 15 éditions des Jeux du Pacifique, ce qui explique que d'autres pays et territoires de la région cherchent à bénéficier de notre expertise sportive.
L'Australie et la Nouvelle-Zélande font leur entrée progressive dans les Jeux, conformément à la volonté du CIO. Créés en 1963 en réaction à l'expansion impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondiale, les Jeux du Pacifique ont été pensés dans le but de recréer du lien social entre les territoires concernés par cette invasion, excluant de facto les deux grandes puissances du Pacifique. Les Jeux du Pacifique ont vocation à devenir des Jeux continentaux en s'imposant comme des épreuves qualificatives pour les championnats du monde et les Jeux olympiques. Or, la montée en gamme de ces jeux provoquée par l'entrée de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande pose des difficultés en termes de reconnaissance à l'international de certains territoires, compte tenu de la mosaïque de statuts institutionnels dans la région. Les territoires du Pacifique sont en effet répartis en trois niveaux distincts d'éligibilité : les pays indépendants, reconnus par l'Organisation des Nations Unies et membres du CIO, les 7 territoires autonomes, qui ne peuvent pas être représentés aux Jeux olympiques, et les territoires américains ou néo-zélandais comme Guam et Norfolk qui bénéficient d'un double statut. Eu égard à la situation politique et institutionnelle particulière de la Nouvelle-Calédonie, des interrogations demeurent quant à la possibilité future, pour le territoire, d'être représenté dans ces compétitions internationales.
Je conclurai en rappelant qu'en tant que responsable outre-mer au CNOSF, j'ai conscience que l'ensemble de ces territoires est intéressé par les problématiques que nous venons d'aborder, notamment en ce qui concerne l'insertion des territoires dans leur environnement régional.
M. Pierre Forest. - En l'absence des représentants de la province Nord, je me propose de vous présenter les documents qui nous ont été communiqués dans la perspective de cette visioconférence.
Je commencerai cette présentation en vous donnant quelques données clefs sur la province Nord, qui compte 17 communes dont Koné, le chef-lieu. En 2014, la province comptait 50 487 habitants dont plus de la moitié de jeunes de moins de 30 ans, répartis sur un vaste territoire de 9 582,6 km2. Elle présente donc une densité de population particulièrement faible, de l'ordre de 5,3 habitants par kilomètre. Sur les huit aires coutumières qui composent le pays kanak, 4 sont implantées dans la région Nord : Ajë-Aro, Hoot ma Waap, Paîcî-Camuki et Xârâcuu.
La politique du sport en province Nord a pour objectif de favoriser les activités sportives comme socle du développement social, de la citoyenneté et du vivre ensemble. Cette orientation politique se décline en trois orientations stratégiques : poursuivre la démocratisation de l'accès aux activités sportives et à leur pratique, accompagner la structuration du mouvement associatif et favoriser le renforcement et le développement des partenariats. De 2007 à 2016, la province Nord a versé au secteur du sport plus de 3,3 milliards de francs Pacifique soit un peu plus de 28 millions d'euros.
La délibération cadre 2010-418/APN du 29 octobre 2010 relative à la promotion et au développement des activités physiques et sportives fédérales et de loisirs dans la province Nord identifie deux partenaires du monde associatif, le Comité provincial nord sport et loisir (CPNSL) et le Comité provincial olympique et sportif nord (CPOSN), rattaché au CTOS, pour mettre en oeuvre sa politique sportive. Le CPNSL soutient le développement d'une offre de loisirs adaptée aux différents publics en tout lieu de la province, tandis que le CPOSN travaille à la mise en place d'un contexte de pratique à la fois organisé et performant afin d'augmenter le nombre de sportifs de la province Nord sélectionnés dans les équipes de Nouvelle-Calédonie.
En collaboration avec ses partenaires, la province Nord développe des programmes d'accompagnement des dirigeants et des bénévoles dans leur vie associative, leur projet d'actions ou d'investissement. La province intervient également dans l'identification, la préparation et le soutien à des cursus de formations professionnelles de type BP JEPS. D'autres dispositifs ont été mis en place afin de faciliter le développement et la structuration des pratiques, tels que les aides à l'emploi et prestataires de services et aux déplacements.
La province est également compétente en matière de réalisation et de gestion d'équipements sportifs structurants. Depuis 2005, la collectivité a mis en place un programme d'équipements sportifs à l'échelle de la province. 5 équipements de dimension pays ou régionale ont été déployés sur la zone VKP (Voh-Koné-Pouembout) tels que la salle multisports de Voh, le stade Yoshida à Koné et le centre aquatique de Pouembout.
En outre, afin de favoriser la professionnalisation des intervenants sportifs, la collectivité accompagne les jeunes à titre individuel et à travers les associations pour garantir un suivi des formations professionnelles diplômantes. Ainsi, depuis 2009, 33 jeunes ont obtenu un diplôme dans le domaine du sport, dont 15 diplômes d'études universitaires scientifiques et techniques en animation et gestion des activités sportives et culturelles (DEUST AGAPS), 2 DEUST métiers de la forme, 7 BP JEPS voile, 4 BP JEPS sports collectifs, 4 BP JEPS activités physiques pour tous et 1 BP JEPS activités aquatiques et natation. Ce type de diplôme est particulièrement valorisé en province Nord qui compte deux bases nautiques, l'une à Koné et l'autre à Koumac.
Le soutien de la province s'étend également aux jeunes sportifs qui peuvent bénéficier d'aides financières. À cet égard, le dispositif « Excellence sportif » a été mis en place en 2012 et délégué au CPOSN.
Mme Valentine Eurisouké. - Au terme des présentations des différents acteurs institutionnels, je propose de laisser la parole aux sportifs conviés à cette visioconférence.
M. Pierre Fairbank, sportif. - Mon intervention portera sur le développement du handisport en Nouvelle-Calédonie dont la ligue, créée en 1991, compte aujourd'hui 400 licenciés dans 15 clubs. La Nouvelle-Calédonie apparaît comme un véritable vivier pour cette discipline puisque nos champions ont décroché 18 médailles olympiques, une vingtaine de médailles aux championnats du monde et une centaine de titres aux championnats de France. Ainsi, les athlètes calédoniens représentent un tiers de l'équipe de France d'athlétisme handisport.
Afin de préparer au mieux ces talents pour les Jeux olympiques de 2020, le pôle France handisport a ouvert ses portes il y a quinze jours à Nouméa. Cette structure accueille d'ores et déjà 11 sportifs figurant sur les listes ministérielles.
Les bons résultats des athlètes calédoniens s'expliquent en partie par les nombreux atouts du territoire qui dispose d'un savoir-faire reconnu en termes d'encadrement, d'installations de qualité et souvent accessibles aux personnes en situation de handicap et d'un soutien sans faille des institutions malgré les restrictions budgétaires qui affectent le handisport comme les autres disciplines. La Fédération française de handisport soutient également le mouvement sportif calédonien.
Pour autant, des contraintes freinent la progression de cette discipline. Les coûts de transport sont tels que les clubs et les ligues ne parviennent pas toujours à envoyer leurs sportifs disputer des compétitions majeures hors du territoire. En outre, bon nombre d'athlètes handisport peinent à trouver un emploi compatible avec leur carrière sportive. En hexagone, la plupart des athlètes de haut niveau sont des professionnels détachés de leur emploi grâce à des conventions signées avec l'armée, EDF ou la SNCF, ce qui n'est pas le cas en Nouvelle-Calédonie.
Je finirai en rappelant mon soutien au projet de faire de la Nouvelle-Calédonie une plateforme d'entraînement pour les équipes de France en vue des Jeux olympiques de Tokyo. Une opération similaire avait déjà été menée à l'approche des Jeux olympiques de Sydney en 2000. Ce fut un succès puisque la plupart des athlètes s'étant entraînés en Nouvelle-Calédonie avaient remporté une médaille olympique. Malgré les 8 heures de vol qui nous séparent du Japon, le décalage horaire avec Tokyo est de deux heures seulement, ce qui fait de notre territoire une excellente base avancée pour les équipes de France.
Mme Félicia Ballanger, chargée de la protection de la santé des sportifs, de la lutte contre le dopage et du sport de haut niveau à la DJS, ancienne sportive. - Je me permets à mon tour de souligner l'importance du projet de base arrière pour les prochains Jeux olympiques. La Nouvelle-Calédonie est en effet régulièrement sollicitée par les équipes de France désireuses de bénéficier de conditions climatiques optimales dans un environnement francophone. Encore récemment, par exemple, l'équipe du Japon a manifesté sa volonté d'y organiser des stages d'entraînement. L'amélioration continue de nos infrastructures et de notre savoir-faire sportif sont donc essentiels pour répondre aux exigences d'une préparation olympique. La récente labellisation du pôle France handisport et la création de 4 pôles espoirs en judo, handball, natation et rugby sont autant de mesures concrètes mises en oeuvre dans ce but. Cette politique sportive volontariste porte ses fruits puisque 34 athlètes calédoniens sont inscrits sur la liste ministérielle des sportifs de haut niveau pour l'année 2018, et bien d'autres figurent sur la liste espoirs et la liste des collectifs nationaux. Même si de nombreux jeunes s'entraînent en métropole pour atteindre le haut niveau, nous n'obtiendrions pas de tels résultats sans l'existence, sur le territoire, d'un réel savoir-faire en matière d'entraînement et d'encadrement sportif.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Je vous remercie pour cet état des lieux très complet. Pourriez-vous nous donner des précisions concernant les équipements sportifs, notamment pour les scolaires ? Chaque école est-elle dotée d'un plateau sportif ? Ces structures sont-elles également utilisées par les clubs ?
M. Philippe Le Poul. - Certains établissements scolaires sont effectivement dotés de leur propre plateau multisports, d'autres bénéficient de conventionnements afin de pouvoir utiliser les équipements sportifs à proximité. Ainsi, tous les établissements ont la capacité d'accéder à des infrastructures sportives.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Ces conventions sont-elles signées avec les mairies ?
M. Philippe Le Poul. - Les infrastructures sportives peuvent appartenir aux communes, aux provinces ou à la Nouvelle-Calédonie.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - J'ai noté que la pratique du handisport était très développée en Nouvelle-Calédonie. Les équipements sont-ils suffisamment adaptés aux personnes à mobilité réduite ?
M. Pierre Fairbank. - La grande majorité des infrastructures est aux normes. Nous ne rencontrons donc pas de difficultés particulières à ce niveau.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - N'êtes-vous donc pas confrontés aux mêmes problèmes que les autres territoires ultramarins, à savoir la vétusté des bâtiments et le manque d'infrastructures et de personnel qualifié ?
M. Pierre Forest. - Notre parc d'équipements sportifs structurants a été rénové et agrandi à l'occasion des Jeux du Pacifique organisés sur le territoire en 2011. Il répond donc aujourd'hui de manière satisfaisante aux besoins de la population. La Nouvelle-Calédonie dispose d'un parc d'infrastructures suffisamment développé pour accueillir des compétitions régionales telles que les Océania et a vocation à s'affirmer comme une destination de choix pour l'organisation de compétitions internationales.
Mais les coûts de fonctionnement de ces nouvelles infrastructures sont élevés et pèsent sur le budget des collectivités sur le long terme. À titre d'exemple, la construction du bassin du centre aquatique de Dumbéa a permis à la commune de se doter d'un bassin olympique de 50 mètres de large avec 10 couloirs de nage. La Nouvelle-Calédonie a participé au financement de cette piscine municipale afin de répondre aux exigences de plus en plus élevées du comité d'organisation des Jeux. En 1966, Nouméa avait accueilli les épreuves de natation avec un bassin de 50 mètres et 8 couloirs de nage, alors que la Nouvelle-Calédonie s'est vue imposer la construction d'une piscine plus large ainsi que d'un bassin d'échauffement adjacent pour pouvoir héberger l'édition 2011. Cet équipement s'est avéré très coûteux, tant en investissement qu'en fonctionnement. À l'heure actuelle, la Nouvelle-Calédonie, qui participe au financement des structures d'intérêt territorial, continue à couvrir à hauteur de 20 % les coûts de fonctionnement de la piscine et de 25 % l'entretien de l'arène de Païta (province Sud), du stade Yoshida à Koné (province Nord) et du terrain de football de Hnassé (province des Îles).
Mme Viviane Malet, rapporteure. - En ce qui concerne les centres aérés et les colonies de vacances, le personnel encadrant est-il rémunéré grâce à la caisse d'allocations familiales et aux communes, comme dans les départements d'outre-mer ?
M. Pierre Forest. - Les centres de vacances, qui incluent l'hébergement des enfants, et les centres de loisirs à la journée sont réunis sous l'appellation d'« accueils collectifs de mineurs » (ACM). Chaque collectivité exerce des compétences dans ce domaine. La Nouvelle-Calédonie intervient ainsi dans le volet formation des encadrants en participant au financement des brevets d'aptitude aux fonctions d'animateurs (BAFA) et des brevets d'aptitude aux fonctions de directeur (BAFD).
M. Philippe Le Poul. - Les provinces et les communes soutiennent les associations qui organisent les centres de vacances et de loisirs. Des dispositifs spécifiques ont été mis en place pour aider les familles puisque le quotient familial ne s'applique pas sur le territoire. À titre d'exemple, l'assemblée de la province Sud a voté deux délibérations, l'une créant un forfait et l'autre une aide pour les enfants boursiers.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Je vous remercie pour la qualité de vos exposés et j'aimerais revenir sur les priorités de la politique sportive que vous nous avez exposées en introduction. Comment avez-vous développé ces axes prioritaires ? L'idée d'une grande enquête pour identifier les besoins et les attentes des jeunes m'a particulièrement interpellée. À qui est destinée cette enquête ? Concerne-t-elle l'ensemble du territoire ? Comment s'est-elle déclinée de manière concrète sur le terrain ?
Vous avez également évoqué le rapport entre sport et santé. Entendez-vous ainsi répondre à des problématiques sanitaires spécifiques en Nouvelle-Calédonie comme l'augmentation de l'obésité des jeunes ?
En ce qui concerne la pratique sportive féminine, qui figure également parmi vos axes prioritaires, quelles sont les différences observées par rapport à la pratique sportive masculine ?
M. Philippe Le Poul. - L'enquête lancée par la province Sud, entièrement dématérialisée, vise les jeunes entre 16 et 25 ans. Tous les jeunes du territoire sont invités à y répondre pendant 4 mois et des ambassadeurs en service civique seront déployés partout en province Sud pour aller à la rencontre de tous les jeunes, y compris les plus isolés. 12 thématiques y seront abordées, dont le sport, les loisirs, la santé, la culture mais aussi la santé sexuelle.
Cette enquête a pour vocation, comme vous l'avez rappelé, d'identifier les besoins et les aspirations de la jeunesse calédonienne. L'ensemble des collectivités de la Nouvelle-Calédonie et l'État pourront ainsi bénéficier de cette manne d'informations afin d'ajuster les politiques publiques.
M. Charles Cali. - Le CTOS décline en Nouvelle-Calédonie les axes du CNOSF, parmi lesquels figure le sport santé bien-être. La population océanienne fait face aux problèmes de l'obésité et du diabète et nous travaillons en étroite collaboration avec l'agence sociale et sanitaire de Nouvelle-Calédonie et le gouvernement dans le cadre du plan Do Kamo pour trouver des solutions par le biais du sport-santé. Les bénévoles, une fois formés, déploient ces mesures sur l'ensemble du territoire.
Le CNOSF a par ailleurs développé l'outil du médicosport-santé sur lequel nous pouvons nous appuyer pour mener à bien la politique du sport-santé. Le gouvernement travaille à l'adaptation du cadre règlementaire en vigueur qui, à l'heure actuelle, ne nous permet pas de mettre en oeuvre ces prescriptions non-médicamenteuses.
M. Claude Gambey, chef de cabinet du membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en charge de la santé, de la jeunesse et des sports. - Le plan Do Kamo est un plan de santé de « nouvelle génération » qui repose sur quatre axes : l'éducation, l'environnement, la santé communautaire et la ré-articulation de l'offre de santé autour de la prévention.
Le sport-santé doit être développé sur tout le trajet de vie. Il s'agit d'un travail de longue haleine puisque nous menons parallèlement des actions en faveur du développement des activités physique en périnatalité, en milieu scolaire, pendant les temps libres, y compris pour les personnes âgées de plus de 50 ans. Dans cette perspective, l'amélioration de la formation des éducateurs apparaît comme une priorité, de même que l'assouplissement de l'obligation de présentation d'un certificat d'aptitude à la pratique sportive qui freine l'accès à certaines activités. Une réflexion doit être également menée sur la prévention secondaire et tertiaire, c'est-à-dire la prescription d'une activité physique pour les malades chroniques. Il s'agit d'un enjeu majeur pour notre territoire qui se situe au 10e rang mondial dans ce domaine avec un cinquième de la population souffrant de ces pathologies évitables. Le profil sanitaire de la Nouvelle-Calédonie correspond à celui d'un pays confronté au vieillissement de la population alors même que 50 % des calédoniens ont moins de 30 ans.
Je conclurai en rappelant que la Nouvelle-Calédonie, terrain de jeu à ciel ouvert, est un lieu propice au développement du sport-santé.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Pourrais-je obtenir une réponse à ma question concernant la pratique féminine ?
M. Pierre Forest. - Les femmes représentent 38 % des licenciés sportifs. Ce taux, assez éloigné de la parité, est comparable à celui de l'hexagone. Toutefois, il convient de garder en tête que ces chiffres ne reflètent pas l'ensemble des personnes pratiquant une activité physique régulière. Rappelons également que les athlètes féminines ont remporté 55 % des médailles d'or attribuées à la Nouvelle-Calédonie lors des derniers Jeux du Pacifique de 2015. Le développement de la pratique féminine apparaît donc comme un axe prioritaire de notre politique sportive.
M. Charles Cali. - La parité en termes de licences sportives constitue effectivement une priorité pour le CTOS. Dans cette perspective, nous avons créé un appel à projets favorisant le développement de la pratique sportive féminine, de loisirs et compétitive.
À l'heure actuelle, 5 femmes sont à la tête de nos ligues et comités et gèrent leur association de manière consensuelle, ce qui bénéficie à l'organisation globale du mouvement sportif.
M. Pierre Forest. - Nous sommes convaincus que le développement de la pratique féminine est important non seulement pour les femmes mais aussi pour les enfants car elles font figure d'ambassadrices de la diffusion du sport auprès de leur famille. À titre d'exemple, nous avons constaté que les hommes représentaient 80 % des spectateurs de la finale de football masculin des Jeux du Pacifique de 2011 alors que le public, pour la finale féminine, était beaucoup plus mixte, les familles s'étant massivement déplacées pour soutenir leurs joueuses.
M. Michel Magras, président. - Vous noterez que la délégation sénatoriale accorde une importance particulière à ces enjeux puisque les rapporteures de l'étude sur la jeunesse et le sport sont toutes des femmes.
Mme Viviane Artigalas. - Existe-t-il des partenariats entre les clubs, les ligues et les associations de sport scolaire telles que l'Union sportive de l'enseignement de premier degré (USEP) et l'Union nationale du sport scolaire (UNSS) afin de pérenniser la pratique sportive après la sortie du système scolaire ?
M. Charles Cali. - En Nouvelle-Calédonie, les professeurs d'éducation physique et sportive se sont beaucoup impliqués dans le monde fédéral, favorisant le développement des liens entre clubs et associations de sport scolaire. L'investissement des professeurs est moins important aujourd'hui, mais l'USEP et l'UNSS demeurent des acteurs majeurs du monde sportif puisqu'elles représentent 30 % des licenciés.
M. Maurice Antiste. - Quelle est l'incidence du caractère archipélagique du territoire sur la pratique et le développement du sport ?
M. Charles Cali. - L'éclatement géographique constitue effectivement une difficulté majeure, en particulier pour les habitants des Îles Loyauté. Les coûts de transports élevés freinent le développement du sport dans les territoires les plus isolés. Paradoxalement, il est en effet moins onéreux d'organiser des rencontres sportives inter-îles à Nouméa plutôt que sur la province des Îles Loyauté elle-même. De même, les sportifs basés à Nouméa se déplacent rarement à Lifou, Maré et Ouvéa pour des raisons financières.
M. Pierre Forest. - J'abonde dans le sens du président du CTOS car les coûts de transports constituent un frein majeur au développement de la pratique sportive en Nouvelle-Calédonie. En l'absence de réseaux ferrés, les déplacements sur la Grande Terre ne peuvent se faire qu'en bus ou en voiture et sont donc très coûteux.
Ce problème se pose avec davantage d'acuité lorsqu'il s'agit de déplacements hors du territoire. Les coûts des billets d'avion sont lourds à supporter, en particulier pour les sports collectifs. Les déplacements en France hexagonale figurent parmi les plus coûteux compte tenu de la distance et du décalage horaire qui nous obligent à organiser des séjours de 10 jours au minimum. À ces difficultés financières s'ajoutent le problème de l'assiduité scolaire pour nos jeunes sportifs car les calendriers scolaires ne sont pas synchronisés.
M. Robert Laufoaulu. - Je salue le travail formidable du membre du gouvernement en charge de la santé, de la jeunesse et des sports, ainsi que l'ensemble des responsables du sport en Nouvelle-Calédonie. Les performances de vos athlètes font rayonner votre territoire mais aussi les autres collectivités françaises dans toute la région.
Au cours de vos interventions, deux chiffres m'ont particulièrement interpellé. J'ai retenu celui de 15 milliards de francs Pacifique associé à l'organisation des Jeux du Pacifique. Pouvez-vous nous expliquer à quoi correspond exactement ce montant et quelles ont été les retombées d'une telle manifestation pour le sport, l'économie et la coopération régionale ?
J'ai également noté que la province Nord avait consacré 3 milliards de francs Pacifique au développement du sport ces dernières années. À titre de comparaison, pourriez-vous nous indiquer le montant du budget sport de la province Sud et de la province des Îles Loyauté ?
M. Michel Quintin. - Le chiffre de 15 milliards de francs Pacifique annoncé plus tôt correspond à la dépense sportive annuelle qui représente 2 % du produit intérieur brut calédonien. Le coût d'organisation des Jeux du Pacifique de 2011 s'élève en réalité à 2,2 milliards de francs Pacifique, sans compter les investissements consacrés aux infrastructures sportives et à la construction de 400 chambres au sein du campus universitaire. Les Jeux ont en effet permis de dynamiser la construction de nombreux équipements prévue de longue date.
M. Charles Cali. - La création du village des athlètes sur le campus universitaire pour pallier le manque criant d'hébergements pour les étudiants illustre l'impact des Jeux du Pacifique en matière d'équipements structurants, y compris au-delà du sport.
Pour en revenir au centre aquatique de Dumbéa, il a été jugé préférable de construire un bassin olympique aux côtés d'un bassin d'entraînement existant pour répondre aux besoins croissants en équipements sportifs du fait du boum démographique dans le nord de l'agglomération.
M. Pierre Forest. - J'ajouterai que le coût d'organisation des Jeux peut sembler élevé, mais cela s'explique par le fait que toutes les provinces aient accueilli des compétitions. En effet, la volonté du comité de répartir cet événement sur tout le territoire et non pas seulement sur l'agglomération du grand Nouméa comme cela avait été le cas lors des éditions précédentes a entraîné des surcoûts. Cette orientation stratégique a cependant permis à l'ensemble de la population calédonienne de bénéficier des retombées des Jeux. Des clubs se sont ainsi créés à Lifou et à Koné depuis la construction de terrains de football et de terrains polyvalents sur ces communes. De même, la création d'une base nautique à Ouvéa a permis d'organiser la compétition de voile sur l'île.
M. Robert Laufoaulu. - J'ajouterai que Wallis-et-Futuna a aussi bénéficié des retombées des Jeux du Pacifique de 2011 puisque la Nouvelle-Calédonie a envoyé du matériel et du personnel afin de participer à l'organisation des Mini-jeux du Pacifique sur le territoire en 2013.
M. Michel Magras, président. - Je salue le projet de faire de la Nouvelle-Calédonie une base avancée pour les équipes de France dans la perspective des prochains Jeux olympiques. Le président de la Fédération française de voile m'a d'ailleurs fait part de sa volonté de créer des bases en outre-mer afin de permettre aux sportifs français de s'entraîner toute l'année dans de bonnes conditions. Ces bases pourraient dynamiser économiquement les territoires en accueillant également des délégations étrangères.
En outre, pensez-vous que l'organisation du sport en Nouvelle-Calédonie, qui semble particulièrement complexe, soit satisfaisante ?
J'ai par ailleurs noté que la Nouvelle-Calédonie était dotée d'infrastructures sportives de qualité. Disposez-vous de suffisamment de personnel pour en assurer le fonctionnement ? Si non, avez-vous déjà défini un plan de rattrapage dans ce domaine ? Quelle est la place du bénévolat dans le monde sportif calédonien ?
De même, la Nouvelle-Calédonie a-t-elle accès aux fonds du CNDS, tant en fonctionnement qu'en investissement, et à des dispositifs tels que la continuité territoriale ou le fonds d'échanges à but éducatif, culturel et sportif (FEBECS) afin de diminuer le coût des déplacements ?
Enfin, le CTOS a-t-il signé des conventions avec le niveau national afin de bénéficier de l'expertise des fédérations françaises ?
M. Charles Cali. - La double affiliation du CTOS, à la fois membre du comité européen et du comité océanien, peut effectivement poser des difficultés à nos jeunes pressentis pour intégrer les équipes de France. Le CTOS attire régulièrement l'attention des ligues et comités sur la nécessité de signer une convention avec les fédérations de tutelle car les conventionnements nous permettent de veiller à ce que les perspectives d'avenir de nos jeunes calédoniens ne soient pas limitées par l'intégration de la Nouvelle-Calédonie dans son environnement régional. Les fédérations de tutelle fixent ainsi de manière précise ce que nos athlètes sont autorisés à faire en termes de représentation régionale ou internationale sans mettre en péril leur avenir au niveau national. Il s'agit d'un équilibre subtil puisque les critères peuvent varier au sein même d'une discipline. C'est le cas de la voile, par exemple, selon les supports utilisés. Ainsi, les sportifs calédoniens de haut niveau en kite-surf, discipline nouvelle et particulièrement développée en Nouvelle-Calédonie, peuvent faire rayonner notre territoire à l'international.
M. Michel Quintin. - La convention passée entre les fédérations et les ligues permet de rétablir le lien juridique rompu du fait de la non-application du code du sport en Nouvelle-Calédonie.
M. Michel Magras, président. - Cela signifie donc que la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de sport. Dès lors, existe-t-il un code du sport local ?
M. Pierre Forest. - Non car la délibération du Congrès de la Nouvelle-Calédonie relative au sport, qui date de 2001, nous sert de fondement juridique dans ce domaine.
Pour répondre à votre question concernant les sources de financement des infrastructures sportives, les opérations sont prévues dans le cadre des différents contrats de développement passés avec l'État. Les contrats d'agglomération concernent les quatre communes du grand Nouméa et les contrats de développement sont passés avec les autres communes, l'État et les provinces. Des crédits peuvent également être alloués au développement du sport à travers les contrats inter-collectivités. Quel que soit le type de contrat, l'État participe par le biais des crédits du ministère des outre-mer. En matière de sport, les crédits alloués par l'État sont donc issus du CNDS.
Au-delà des fonds obtenus dans le cadre de ces contrats, la Nouvelle-Calédonie a bénéficié d'une dotation exceptionnelle du CNDS, de l'ordre de 1,3 milliard de francs Pacifique pour l'organisation des Jeux du Pacifique de 2011. Ces fonds ont été utilisés pour la construction des deux équipements sportifs majeurs, le centre aquatique de Dumbéa et l'arène de Païta.
Enfin, depuis l'année dernière, nous sommes concernés par le plan pour le développement des équipements sportifs d'outre-mer dit « plan Kanner ». À ce titre, nous nous interrogeons sur les raisons qui ont poussé le Gouvernement à intégrer la Corse à ce plan destiné aux outre-mer.
M. Michel Magras, président. - Il s'agit effectivement d'un sujet brûlant.
M. Pierre Forest. - Nous avons ainsi pu bénéficier, pour les années 2017 et 2018, d'une dotation de 20 millions d'euros dans le cadre de ce plan. La campagne pour l'année prochaine vient d'être lancée par le CNDS et relayée localement par les services du haut-commissariat.
Nous vous communiquerons ultérieurement le détail des montants attribués à la Nouvelle-Calédonie par le CNDS, tant pour la part investissement que pour la part fonctionnement. Le code du sport ne s'applique pas à la Nouvelle-Calédonie, à l'exception de deux articles qui nous permettent d'être éligibles aux crédits du CNDS. Je me permets d'ajouter que les régions de l'hexagone ont enregistré une baisse significative de la part territoriale du CNDS, de l'ordre de 24 à 30 %. La part territoriale consacrée à la Nouvelle-Calédonie est restée quant à elle relativement stable (- 1 %), ce qui n'est pas le cas dans le reste des outre-mer qui ont subi une diminution de l'ordre de 3 % du montant de ces crédits. Nous pensons que cet écart entre l'hexagone et les outre-mer s'explique au moins en partie par la sensibilité ultramarine de la ministre des sports.
M. Michel Magras, président. - La ministre des sports est en effet très à l'écoute des problématiques ultramarines.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Vous avez évoqué la fermeture éventuelle du CISE. Cela ne porterait-il pas un coup d'arrêt au projet de base avancée pour les prochains Jeux olympiques ?
M. Charles Cali. - Il s'agit en effet d'un problème majeur. Certaines collectivités ne respectent pas leurs engagements financiers, ce qui explique que le CISE soit dans une situation si critique. Il est impératif que cette structure, située à proximité d'un centre de rééducation dernier cri, continue d'exister car elle présente un réel potentiel. L'INSEP nous a d'ores et déjà fait savoir que la fermeture du site constituerait un frein considérable à la promotion de la Nouvelle-Calédonie comme destination d'entraînement auprès des fédérations. Certains entraîneurs de voile, par exemple, ont manifesté leur intérêt pour les conditions de pratique extraordinaires en Nouvelle-Calédonie. Plus récemment, le président de la Fédération française de football, en déplacement à Nouméa, a présenté le CISE comme un outil exceptionnel, non seulement pour le territoire mais aussi pour la région. C'est la raison pour laquelle la fédération a décidé d'y implanter une académie de football. Nous devons nous donner les moyens de nos ambitions, et cela passe par la pérennisation du CISE.
M. Pierre Forest. - Je me permets d'insister sur le fait que la Nouvelle-Calédonie souhaite s'imposer non pas comme une « base arrière » mais comme une « base avancée » en vue des prochaines échéances olympiques. À cet égard, notre territoire présente de nombreux atouts parmi lesquels un décalage horaire très faible avec le Japon, des infrastructures sportives et un parc hôtelier de qualité, ainsi qu'une excellente offre de soins avec l'ouverture récente du médipôle.
Néanmoins, le Japon, qui s'est également fixé l'objectif d'accueillir le maximum d'équipes étrangères en amont des Jeux, concurrence la Nouvelle-Calédonie. Les délégations françaises se sont vues offrir un séjour de repérage à Tokyo, en avril, et nous les avons officiellement invitées, à cette occasion, à se rendre également en Nouvelle-Calédonie. Nous nous sommes engagés à prendre en charge leur séjour, mais, jusque-là, peu de cadres fédéraux nous ont sollicités.
À l'heure actuelle, grâce à l'investissement de M. Pierre Fairbank, la Fédération française de handisport s'est déjà prononcée en faveur d'un entraînement terminal des athlètes français en Nouvelle-Calédonie. L'équipe de France de rugby à 7 s'est également récemment rendue sur le territoire afin d'y tester les conditions d'entraînement à l'occasion d'un tournoi en Nouvelle-Zélande. En 2019, les équipes de France masculine et féminine de cyclisme devraient séjourner en Nouvelle-Calédonie dans le cadre de leur préparation olympique, de même que les équipes de judo. En prévision des Jeux Olympiques de Sydney, nous avions reçu 9 délégations françaises en préparation terminale. À deux ans des prochaines échéances olympiques, nous sommes aujourd'hui loin du compte.
M. Michel Magras, président. - Il me reste une dernière question à vous poser. Eu égard aux nombreux atouts naturels de la Nouvelle-Calédonie, développez-vous une politique événementielle en partenariat avec les associations et les acteurs du secteur privé en ce qui concerne les activités nautiques ? Saint-Barthélemy mise sur cette stratégie, qui génère des retombées financières significatives, en organisant plusieurs événements de dimension internationale chaque année.
M. Pierre Forest. - Le rôle des collectivités se limite surtout au soutien au monde associatif qui organise ces manifestations dont l'impact économique est difficile à mesurer.
La Groupama Race, par exemple, a été mise en place récemment dans le but de faire rayonner le territoire dans la région. Plusieurs voiliers au départ d'Auckland, de Melbourne, de Sydney et de Brisbane s'affronteront lors de ce tour de la Nouvelle-Calédonie sans escale. 400 à 500 touristes et sportifs sont attendus sur le territoire, ce qui devrait générer des retombées économiques considérables en période touristique creuse.
De même, les Océania d'haltérophilie sont organisés en Nouvelle-Calédonie et réunissent les meilleurs athlètes de la région, dont certains s'illustrent également aux Jeux olympiques. 250 haltérophiles sont attendus pour cette compétition.
J'exprimerai tout de même un regret, celui de ne plus accueillir le rallye international de la zone Asie-Pacifique qui mobilisait à chaque édition une dizaine d'équipes de vingt personnes chacune. Plusieurs étapes de cette compétition étaient organisées en tribu et profitaient donc aux territoires les plus isolés.
M. Charles Cali. - J'ajouterai que la Nouvelle-Calédonie accueille également chaque année une étape de la coupe du monde de funboard ainsi qu'un triathlon international. L'organisation de ces événements majeurs dépend essentiellement de l'investissement, très important, des bénévoles. Le recours au bénévolat nous permet en effet de limiter le coût de ces manifestations déjà très élevé du fait de l'isolement géographique de la Nouvelle-Calédonie.
Pour en revenir à la problématique de l'encadrement, enfin, les communes n'embauchent pas suffisamment d'éducateurs sportifs et culturels, ce qui explique que l'offre d'activités sportives ne soit pas répartie de façon homogène sur tout le territoire. Le CISE a vocation à combler ce déficit de formation avec le concours de l'INSEP.
M. Philippe Le Poul. - Je me permets d'insister sur ce point, qui limite considérablement le développement du sport sur le territoire et donc son impact sur la jeunesse. La fonction éducative du sport est aujourd'hui unanimement reconnue. Pourtant, l'encadrement de proximité demeure le talon d'Achille de la Nouvelle-Calédonie dans ce domaine, notamment en milieu périscolaire. Or, pour trouver des solutions pérennes à ce problème, il convient d'abord de moderniser notre cadre juridique délibératif qui date de 1998. Des dispositifs tels que « profession sport et loisirs », qui ont fait leurs preuves en hexagone, pourraient alors être mis en place en Nouvelle-Calédonie.
M. Michel Magras, président. - Je vous remercie d'avoir consacré du temps à cet échange constructif et vous saurais gré de nous faire parvenir tous les documents complémentaires que vous jugerez utile de porter à notre connaissance.