Mardi 6 février 2018
- Présidence de M. Alain Milon, président -
La réunion est ouverte à 18 h 05.
Audition de Mme Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, Mme Anne Burstin, directrice générale, et M. Simon Kieffer, directeur des établissements et services médico-sociaux, sur la situation dans les Ehpad
M. Alain Milon, président. - Madame la ministre, nous avons le plaisir de vous recevoir en votre qualité de présidente d'une institution, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) dont vous avez accompagné la création, en 2004, comme secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Vous êtes accompagnée de Mme Anne Burstin, qui a pris ses fonctions de directrice générale voilà quelques mois, et de M. Simon Kieffer, qui dirige le département des établissements et services médico-sociaux.
L'importante mobilisation des personnels des Ehpad la semaine dernière a convaincu la commission des affaires sociales de se pencher sur la situation au sein de ces établissements pour formuler dans un temps restreint des propositions que nous voulons les plus opérationnelles possible.
Il nous sera particulièrement précieux, Mesdames, Monsieur, que vous nous éclairiez sur la part de cette mobilisation imputable à la réforme tarifaire du secteur, dont les médias se font grandement l'écho alors qu'elle n'est encore que très partiellement appliquée, et celle liée à d'autres facteurs plus immédiats, touchant en particulier à la gestion des ressources humaines au sein des établissements.
Au-delà de la situation des Ehpad, sur laquelle Bernard Bonne, notre rapporteur médico-social, travaillera dans les prochaines semaines, nous souhaitons vous entendre sur les réformes à venir dans le champ médico-social et sur l'évolution des modes d'intervention de la CNSA, à propos de laquelle vous avez fait certaines annonces. En 2004, Madame la présidente, vous aviez qualifié la CNSA d'organisme « innovant » : quelles sont vos propositions pour 2018 ?
M. Bernard Bonne, rapporteur médico-social. - Je remercie Monsieur le président de la commission des affaires sociales d'avoir permis l'organisation de cette mission courte et Mme Montchamp d'avoir répondu aussi rapidement à notre invitation.
Les problèmes au sein des Ehpad se sont récemment cristallisés sous la forme d'une mobilisation des personnels, dont nous pensons que la réforme de la tarification a été le facteur déclencheur, mais pas l'unique cause.
Notre objectif est de formuler le plus rapidement possible des réponses concrètes à ces problèmes, à court et à moyen terme - nous savons très bien que nous n'arriverons pas à trouver des solutions permettant de tout résoudre à long terme -, étant entendu qu'il sera très difficile de trouver de nouvelles sources de financement ; il me faut souligner que le complément de financement apporté par la CNSA via ses fonds propres au secteur médico-social ne sera pas durable.
Mme Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. - Je vous remercie, Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, pour votre accueil et vos propos introductifs. Vous vous êtes donné pour objectif d'identifier des solutions de court terme - il s'agit d'une mission courte -, mais vous n'en oubliez pas de réfléchir de façon plus prospective sur les enjeux de moyen terme.
Si l'on examine la situation en partant de l'objectif final pour interroger l'existant, on est conduit à s'interroger sur notre modèle et à reconnaître qu'il est important de veiller à sa transformation.
Le vieillissement de la population française est une donnée bien connue, mais on a trop eu tendance à l'envisager de façon linéaire, en anticipant les besoins de demain par extrapolation des besoins d'aujourd'hui. Or on ne vieillit pas au début du XXIe siècle comme l'on vieillissait dans l'après-guerre ou même pendant les Trente Glorieuses : le vieillissement est aujourd'hui plus long et s'accompagne de pathologies chroniques, notamment neurodégénératives, qui en affectent cruellement les conditions. Les établissements accueillent ainsi - pour une durée moyenne inférieure à deux ans - des personnes de plus en plus âgées et en situation de perte d'autonomie de plus en plus forte, souvent affaiblies et désorientées.
La mobilisation qui s'est récemment fait jour, relativement suivie, a d'autant plus marqué les esprits qu'elle a été accompagnée de reportages durs témoignant de la réalité au sein des Ehpad, notamment des conditions de travail difficiles des personnels accompagnants. Pourtant, dans le cadre des divers plans qui se sont succédé, la Nation a consenti un effort important en faveur des établissements sociaux et médico-sociaux, en particulier par une augmentation sensible du nombre de places offertes en Ehpad.
La situation est ainsi paradoxale : d'un côté, l'effort s'accroît - il avoisine pour la partie financée par l'assurance maladie, les 10 milliards d'euros en 2017, contre 6 milliards en 2006 - et les plans successifs affinent les réponses apportées à nos concitoyens en perte d'autonomie, en particulier à ceux atteints de la maladie d'Alzheimer ; de l'autre, l'inquiétude grandit chez nos compatriotes, qui comprennent de moins en moins bien notre modèle et ne le souhaitent pas véritablement pour eux-mêmes, tout en en ayant besoin pour faire face à la dépendance de leurs proches.
Les collectivités territoriales aussi s'inquiètent : comment pourront-elles continuer d'assumer leur part du financement de la prise en charge de la dépendance ?
Au milieu de cette situation, les personnels sont dans une situation de grande fragilité, mise en évidence par les récents mouvements sociaux à grand renfort de témoignages sur des situations qui confinent tout de même à de la maltraitance involontaire.
La première question que vous nous avez adressée, Monsieur le rapporteur, porte sur la manière dont les efforts consentis par la puissance publique peuvent soulager les besoins des Ehpad, notamment en matière de personnel.
Compte tenu de son organisation et de l'expertise de ses personnels, la CNSA est en mesure de produire une information qu'on ne trouve pas ailleurs. J'ai ainsi sous les yeux une étude, que nous tenons à votre entière disposition, sur la situation des Ehpad en 2017. Issue de l'agrégation de données transmises par les établissements via les agences régionales de santé, cette analyse contient plusieurs éléments qui éclaireront votre réflexion - même si elle n'épuise pas toutes les questions que vous vous posez.
Les ressources allouées aux établissements financent à 89 % des dépenses de personnel. Nous ne sommes pas en mesure de vous renseigner sur le fléchage précis des ressources établissement par établissement et ses conséquences en matière d'amélioration du taux d'encadrement, mais il ressort de notre étude que ce taux s'est globalement amélioré : s'il n'atteint pas l'objectif, fixé par le Plan solidarité grand âge (PSGA), de 65 équivalents temps plein (ETP) pour 100 personnes accueillies, le taux d'encadrement médian oscille entre 61 et 63 équivalents temps plein pour 100 résidents, en fonction du nombre de places réellement occupées.
Nous avons bien entendu les différents mots d'ordre : l'association des directeurs d'établissements prône un taux de 8 pour 10, certains représentants des personnels plaident même pour le « 1 pour 1 ». Je ne puis que rappeler les limites de nos capacités de financement, mais le fait est que la tendance est à l'amélioration de l'encadrement et qu'il n'y a pas eu de décrochage, ou seulement ponctuel.
Reste que ces données générales masquent évidemment la diversité des situations locales et des besoins de nos concitoyens. Il est souhaitable que nous disposions à l'avenir de données plus précises sur la transformation de l'argent public en emplois dans les différents établissements.
Les financements ont été globalement renforcés, afin notamment de médicaliser les établissements. Monsieur le rapporteur nous a néanmoins demandé si des effets de fongibilité un peu commodes entre les sections du budget des Ehpad ne permettaient pas d'obtenir des résultats d'affichage.
Notre enquête montre que certains déterminants sont d'un grand poids : la taille de l'établissement, son statut, la présence ou non d'une pharmacie à usage interne (PUI), son adossement éventuel à un établissement de santé. La diversité de ces réalités doit être examinée dans le détail.
Aujourd'hui, les financements les plus élevés, jusqu'à 16 000 euros annuels par place, vont aux établissements de plus de 200 places. Les établissements moyens, ceux qui offrent entre 60 et 99 places, reçoivent les financements les plus faibles, parfois seulement de l'ordre de 12 300 euros. Les plus petits établissements sont dans une situation intermédiaire.
Les ressources allouées par les agences régionales de santé aux Ehpad pour renforcer leur médicalisation ont été importantes : en 2016, 136,6 millions d'euros. La même année, les crédits non reconductibles versés par ces agences se sont élevés à 162 millions d'euros, majoritairement au bénéfice d'Ehpad publics. Ces sommes ont servi un peu plus à des investissements qu'à la prise en charge de frais de personnel.
Dans l'analyse des dépenses de personnel - un sujet qui vous préoccupe particulièrement, Monsieur le rapporteur, à juste titre -, il n'est pas possible de faire l'économie d'un examen des salaires moyens des différents métiers en fonction du statut des Ehpad. Ce travail permet de mettre en évidence des points d'attention qui doivent être considérés.
Ainsi, s'agissant du personnel infirmier, le salaire annuel brut médian s'établit à 56 600 euros dans le secteur privé commercial, à 55 600 euros dans le secteur privé à but non lucratif et à 52 000 euros dans le secteur public. Il est intéressant d'examiner les conventions collectives pour affiner ce travail sur la structure des dépenses de personnel.
Mesdames, Messieurs les sénateurs, ce qui m'apparaît surtout, c'est que nous doutons de notre modèle, alors même que la mise en oeuvre des réponses à domicile n'est pas si simple ; nous constatons ainsi des sous-consommations de l'allocation personnalisée à l'autonomie 2 (APA 2). Nous sommes donc à la croisée des chemins.
Le modèle Ehpad ne saurait constituer l'alpha et l'oméga d'une politique du vieillissement. La société doit veiller à ce que le nombre de personnes relevant de structures médicalisées pour la fin de leur vie ne soit pas corrélé au vieillissement de la population. Il faut pour cela construire des ralentisseurs, ce qui suppose de prévenir et d'anticiper, comme le prévoit la stratégie nationale de santé.
Ainsi, il faut inciter nos concitoyens, dès la fin de leur vie active, à faire les bons choix de lieu de vie et de logement et à prévenir la perte d'autonomie dès ses premiers signes.
Alors même que nous devons consentir cet effort, il nous faut produire une réponse de qualité très médicalisée pour la fin de vie des victimes de pathologies neurodégénératives et soutenir la transition du maintien à domicile. Or le modèle de l'aide à domicile, en particulier, peine à être solvable. Il n'est pas soutenable, en particulier dans les territoires ruraux, alors même qu'il est l'une des parades contre la perte d'autonomie progressive sur les groupes iso-ressources (GIR) 3 et GIR 4, que l'on ne cible pas car on se concentre sur les GIR 5 et GIR 6.
La réussite de la transition, nécessaire, se fera en maintenant le modèle existant et en faisant décoller le modèle d'après. Il y va de l'équilibre des finances publiques.
Mme Anne Burstin, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). - Les tensions actuelles ne doivent pas mener à sous-estimer les efforts accomplis depuis dix ans : l'objectif global de dépenses pour les personnes âgées a progressé de 52 % entre 2008 et 2017 ; plus de 90 000 places ont été créées en Ehpad ; la dotation moyenne par place en section de soins dans les Ehpad a crû de plus de 1 000 euros, ces quatre dernières années ; les effectifs sont passés d'environ 50 équivalents temps plein (ETP) pour 100 places il y a une dizaine d'années à 61 - en réalité, 63 ETP pour 100 places réellement occupées. La cible du Plan solidarité grand âge n'a pas encore été atteinte, mais nous n'en sommes pas loin.
La réforme tarifaire a suscité beaucoup de débats. Elle vise une meilleure prise en compte de la réalité des populations prises en charge, de leur niveau de soin et de dépendance. L'ensemble des partenaires ont soutenu sa logique.
Cette réforme fait évoluer les modes de fonctionnement budgétaire des établissements en les responsabilisant, dans un cadre plus exigeant. Elle est accompagnée par la révision des ordonnances Pathos, qui datent et ne rendent plus compte correctement de la réalité des besoins des personnes âgées. Celle-ci entrera en vigueur en 2019-2020 et améliorera encore la performance de la réforme, en décrivant mieux les situations et en incluant davantage de prévention, ce qui favorise une meilleure prise en charge.
La CNSA accompagne la réforme. Dans le champ sanitaire, il y a d'abord eu le Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) puis la tarification à l'activité (T2A). Le suivi de la qualité des prestations n'a été mis en place que plusieurs années après et la transparence est apparue plus tard encore. Là, la réforme est tarifaire mais aussi qualitative. Quant à la transparence, la CNSA s'investit beaucoup pour l'améliorer. Dans le cadre de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, un portail a été mis en place pour faciliter un choix tarifaire éclairé. Nous pourrions y ajouter plus tard des éléments qualitatifs.
Nous travaillons à l'élaboration d'un référentiel pour un Ehpad hors les murs mais aussi sur l'habitat inclusif ou intermédiaire, qui constituent une solution alternative à l'Ehpad.
La loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement a renforcé les services à domicile. Le rééquilibrage n'est pas totalement atteint. Nous devons réfléchir au renforcement de leurs moyens.
La CNSA est très investie dans la prévention de la perte d'autonomie. Nous animons des conférences des financeurs et réfléchissons à rendre les actions de prévention plus efficaces.
M. Simon Kieffer, directeur des établissements et services médico-sociaux de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). - La réforme tarifaire a pour but d'améliorer l'équité, car elle lie les dotations des établissements à la charge en soins et en dépendance des personnes effectivement prises en charge, la lisibilité, grâce à l'équation tarifaire automatique, et renforce les moyens des établissements, à hauteur de 400 millions d'euros. Cette réforme modifie aussi les modalités de gestion des établissements pour une plus grande souplesse offerte aux gestionnaires d'établissement, qui sont plus libres de disposer des moyens financiers qui leur sont donnés. Par exemple, grâce à la non-reprise des excédents, ils peuvent investir dans des projets. Cette réforme participe d'une volonté de modernisation.
M. Bernard Bonne, rapporteur. - Mesdames, vous dites que la réforme tarifaire met en difficulté 3 % des établissements. D'après certaines fédérations, la proportion est de 25 %. Pourquoi, par exemple, un CHU qui gère plusieurs établissements n'est-il compté qu'une fois ? Le numéro Finess juridique présente-t-il un biais ?
Le calcul du point GIR par département a montré des différences considérables, du simple au double. Comment le facteur dépendance peut-il être à ce point différent d'un département à l'autre ? Je comprends les écarts en matière de tarifs d'hébergement, qui sont très différents entre la Creuse, la Lozère, la Loire et Paris. En matière de médicalisation, en revanche, je constate une harmonisation de ce que l'on doit apporter aux personnes. Pourquoi la dépendance en serait-elle exemptée ?
De quel domicile parle-t-on, lorsque l'on évoque l'aide à domicile ? Celui dans lequel la personne a vécu toute sa vie ou un nouveau logement adapté ? Pendant longtemps, on a refusé la création d'établissements non médicalisés. Il est indispensable d'y revenir et de réserver aux Ehpad les cas les plus graves.
Personne ne veut finir ses jours en Ehpad mais le tout-domicile n'est pas non plus possible. Il faut réfléchir dès maintenant aux solutions à moyen terme.
Mme Marie-Anne Montchamp. - Le domicile est le lieu de vie et d'exercice des droits civiques.
Le virage ambulatoire pose des questions. Je connais des équipes d'hospitalisation à domicile qui ne se rendront pas au 5e étage sans ascenseur, surtout s'il y a des coupures d'électricité.
Dans le domaine médico-social et sanitaire, nous souffrons d'un manque d'interministérialité. Une partie des solutions ressort de la politique du logement et non de la santé. Vous avez bien raison, Monsieur le rapporteur, de pointer ces formules non médicalisées qui aident à prévenir le risque d'isolement, à maintenir une activité sociale et à ralentir les phénomènes de vieillissement, y compris dans le cas de maladies neurodégénératives.
Il faut adosser à l'aide à domicile les conditions de sa soutenabilité. Le modèle économique n'est pas viable si les tâches durent une heure à un endroit et une heure vingt kilomètres plus loin. L'anticipation est nécessaire - il ne s'agit pas simplement d'allouer une ligne budgétaire dans une loi de financement de la sécurité sociale. S'il existe un effet de sous-consommation de l'aide à domicile, c'est parce que les politiques ne s'enclenchent pas, faute de véritable vision.
Le Conseil de la CNSA s'est saisi du problème des établissements en difficulté financière. Il faut porter un regard très critique sur la ponction régulière de nos fonds propres. Il faut faciliter le déploiement des concours aux collectivités territoriales pour éviter les effets de stockage.
Mme Anne Burstin. - Le choix de la réforme, en matière de point GIR, était de ne pas appliquer une valeur nationale mais de se baser sur une moyenne départementale. Mécaniquement, la réforme allait avoir un impact sur une grande partie des établissements.
J'appelle votre attention sur une nouveauté d'importance : la publication obligatoire du point GIR. Cette transparence favorise le début d'un commencement de possibilité d'action.
M. Simon Kieffer. - Nos simulations s'appuient sur l'identifiant établissement du Fichier national des établissements sanitaires et sociaux (Finess), soit l'échelon qui dispose d'un budget, et non sur le Finess juridique. Cet identifiant correspond peu ou prou au numéro du Système informatique pour le répertoire des entreprises sur le territoire (Siret). Il est vrai qu'un établissement qui serait déployé sur quatre sites ne serait pris en compte qu'une fois.
Mme Anne Burstin. - Qu'en est-il d'un CHU dont dépendaient plusieurs Ehpad ?
M. Simon Kieffer. - Tout dépend du niveau de regroupement effectué par le gestionnaire. Il existe effectivement une variabilité.
Sur 6 900 Ehpad, 5 600 nous font remonter des comptes administratifs. Nos calculs s'appuient sur 4 600 d'entre eux.
M. Bernard Bonne, rapporteur. - Pourrez-vous nous donner les résultats de vos études ?
M. Simon Kieffer. - Nous vous les enverrons.
Certaines simulations sont effectuées sur quelques centaines d'établissements, soit des échantillons bien plus faibles que le nôtre, qui est de quelques milliers.
M. Dominique Watrin. - Cette audition est passionnante. Mesdames et Monsieur, je ne suis pas d'accord avec votre analyse très politique. J'attendais un éclairage d'expert. Monsieur le président de la commission, il serait bon d'organiser un débat des sénateurs sur ce sujet.
M. Alain Milon, président. - Nous le pourrions à la fin de nos auditions.
M. Dominique Watrin. - Mesdames, vous soulignez les efforts accomplis depuis dix ans. J'ajouterai des bémols. Bien sûr, des places ont été créées dans certains départements, mais pas dans tous. Alors que l'on nous dit que le besoin est de 500 000 places, seules 7 500 seront créées en 2018. Pour soulager les aidants, à propos desquels le Sénat a débattu dernièrement, il faut créer des places d'accueil de jour et d'accueil temporaire.
Vous soulignez la création de 50 000 à 60 000 postes. J'aurais aimé entendre une donnée : le taux de dépendance des résidents, qui a considérablement augmenté. De ce point de vue, on ne note aucune amélioration.
Avec ma collègue Laurence Cohen, nous faisons le tour de France des Ehpad. Même dans les établissements les plus favorisés, rattachés à un hôpital, les employés disent devoir faire des choix en matière de bientraitance. Soit ils respectent le sommeil et servent le petit-déjeuner au réveil de la personne, soit ils l'aident à se déplacer jusqu'aux toilettes, mais ils ne peuvent pas assurer les deux.
En somme, la bientraitance ou la maltraitance est d'abord liée au taux d'encadrement. Il nous faut retrouver l'esprit de la loi ASV, c'est-à-dire, pour les résidents les plus dépendants, un rapport d'un personnel pour un résident. Dans certains pays, c'est 1,2 - ou en tous cas beaucoup plus que notre moyenne de 0,6.
Il faut élever les qualifications, ce qui implique une reconnaissance salariale. Quoi qu'on pense du conflit qui a eu lieu, et qui n'est pas terminé, il y a un problème de souffrance au travail dans les Ehpad. Personne ne le conteste. Lorsque le personnel sent que sa mission est remise en cause et se transforme en actes stéréotypés effectués à la chaîne, sans plus avoir le temps ni le sens d'une relation humaine, les parlementaires que nous sommes sont inquiets. J'ajoute que le taux d'accidents du travail en Ehpad est supérieur à celui constaté dans le secteur du bâtiment et des travaux publics - comme pour l'aide à domicile.
Anticiper dès la fin de la vie active ? Non, car nous savons bien que la santé en fin de vie dépend largement des conditions de travail qu'on a eues tout au long de sa carrière professionnelle : il suffit d'observer l'écart entre l'espérance de vie d'un ouvrier et celle des professions libérales. C'est donc bien avant qu'il faut anticiper. Vous annoncez des efforts de prévention. En réalité, la Cnav réduit les moyens qui y sont consacrés, par exemple dans l'accompagnement des GIR 5 et des GIR 6, où les chutes sont responsables de 40 % des entrées en dépendance. Cet accompagnement, autrefois possible dès 65 ans, ne l'est plus qu'à partir de 75 ans, sauf circonstances exceptionnelles.
La transition à domicile est un sujet qui m'est cher. Vous voulez réserver les Ehpad aux personnes les plus dépendantes et généraliser le maintien à domicile, mais encore faut-il s'en donner les moyens ! La CNSA a récemment indiqué qu'il fallait rémunérer les services d'aide à domicile à 24 euros de l'heure ; la moyenne actuelle est de 21 euros. Autant parler d'une forme de maltraitance des personnes à domicile - est-ce cela que vous voulez généraliser ?
Contrairement au rapporteur, je pense qu'une réflexion de long terme est nécessaire pour déterminer le financement adéquat. La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) nous indique que le nombre de plus 85 ans sera multiplié par 3, ce qui coûtera 20 milliards d'euros : à conditions constantes, nous devrons consacrer non plus 1,1 % mais 2 % de notre PIB à ce problème. Le Parlement doit réfléchir à la question. À mon avis, il faudra chercher le financement là où sont créées les richesses, c'est-à-dire dans l'entreprise, et gérer ces questions dans le cadre de solidarité constitué par la Sécurité sociale.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Pourriez-vous nous donner quelques chiffres sur la dispersion ? Vous nous avez donné des chiffres médians sur le taux d'encadrement, la rémunération, le financement, mais l'important est ce qu'on fait avec ceux qui sont en difficulté, qui constituent les premiers et seconds déciles. C'est dans ces établissements que souffre le personnel.
M. Alain Milon, président. - C'est tout l'objet de cette audition.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Avec Monsieur Watrin, nous avons remis il y a quelques années un rapport sur l'aide à domicile, dans lequel nous alertions les pouvoirs publics sur la situation d'urgence de l'aide à domicile. Les personnes âgées souhaitent passer leurs vieux jours à domicile. Mais les tarifs ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées. Si la loi ASV a apporté des aménagements, la dotation qu'elle prévoit est insuffisante. Les associations pour l'aide à domicile tirent le signal d'alarme. Faute de moyens, on ne peut pas accroître la qualification. Vous souhaitez une solution d'avenir : il faut en prendre la mesure.
Peut-être, aussi, faut-il trouver des solutions moyennes, intermédiaires, qui ne soient pas aussi médicalisées qu'un Ehpad, comme le sont, dans le secteur de l'enfance des maisons d'assistantes maternelles. De tels établissements, plus souples, autorisent une approche d'assistance plus que de médicalisation - ce qu'attendent les personnes âgées.
M. Daniel Chasseing. - La loi ASV a amélioré le maintien à domicile, la prévention, l'habitat intermédiaire et l'aménagement de logements. Pour autant, le maintien à domicile a rapidement des limites, notamment en cas de maladie d'Alzheimer ou de maladies neurodégénératives ou assimilées. Vous dites que les GIR 3 et 4 ne doivent pas entrer en Ehpad. Dans mon département, ces personnes n'y entrent pas : du coup, lorsqu'elles y arrivent, elles sont vraiment très dépendantes. Un taux de 61 % constitue certes un progrès, mais la dépendance s'est accentuée. Et dans ces 61 %, il y a une psychologue, le secrétariat, de l'animation, alors que la base du traitement Ehpad reste le change, les toilettes, la prévention des esquarres, l'aide au repas, le coucher, le lever... Dans les Ehpad que je connais, ces actes sont effectués de plus en plus à la course. Il faudrait donc intégrer au forfait-soin les aides-soignantes. Après tout, la Sécurité sociale paie les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), qui accomplissent les mêmes tâches, alors que les aides-soignantes en Ehpad sont financées, à 30 %, par le Conseil départemental - qui n'y arrive plus.
Quant à Pathos, je comprends que le médecin généraliste n'y intervient pas, à l'inverse du médecin coordinateur, des soins infirmiers, de la rééducation, de la biologie, de l'imagerie... Les aides-soignantes doivent y entrer, comme l'hébergement temporaire et l'ambulatoire.
M. Michel Amiel. - Les patients entrent de plus en plus tard et restent en moyenne deux ans, touchés souvent par des poly-pathologies complexes. Le comportement des familles a changé aussi : jadis, elles gardaient la personne âgée avec elles, ce qu'elles ne font plus. Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut prolonger le plus longtemps possible le maintien à domicile ; mais nous sommes à l'os ! La pratique des professionnels de santé a changé aussi. Médecin, j'ai exercé en Ehpad, et j'ai été vice-président de conseil départemental pour les affaires sociales. Je connais donc bien ces questions, et votre discours me semble très technocratique et éloigné de ce que vivent les patients, le personnel soignant et les familles.
Il a été question dans le PLFSS des nouvelles tarifications. Ne serait-il pas opportun de réfléchir à des tarifications de parcours de santé du troisième ou quatrième âge, qui prendraient en charge l'ensemble des frais de personnel médical et paramédical ? Puis, il faut des structures plus souples et plus petites, ce que la complexité des normes interdit. J'ai connu des mouroirs il y a quarante ans, mais c'est une époque révolue. Enfin, ne serait-il pas judicieux de créer une cinquième branche ?
M. Alain Milon, président. - Un cinquième risque...
M. Jean Sol. - Pour avoir géré ce type de structure, j'insiste sur la problématique des inégalités territoriales et sur la transparence. L'absentéisme est important dans les Ehpad. Si des efforts de recrutement ont été faits, il faut surtout accroître le niveau de qualification. L'intensité de l'activité étant variable, il faut y adapter le niveau de qualification du personnel. Hélas, les conditions de travail sont souvent inadaptées, tout comme la formation.
Il y a un grand vide entre le départ du domicile et l'arrivée dans un établissement de prise en charge, que les familles ne savent pas toujours anticiper.
Mme Corinne Imbert. - Avons-nous encore les moyens de nos idéaux ? L'encadrement et la formation coûtent cher... Vous avez dit que les moyens des SSIAD devraient être renforcés à moyen terme. C'est maintenant qu'il faut le faire ! Un rapport de 2015 rappelait l'urgence qu'il y avait à le faire. Les départements font ce qu'ils peuvent, mais si le fait de payer plus chaque heure conduit à en réduire le nombre global, la situation ne s'améliore guère. Vous avez raison d'insister sur l'anticipation, mais il n'est pas toujours facile de quitter son logement quand on arrive à la retraite.
La sous-consommation de l'APA 2, nous la constatons dans les départements. Pour certaines structures, il y a un effet d'aubaine. On observe surtout une remontée importante des crédits à la CNSA. Cette APA 2 correspond-elle bien aux besoins ? Ces financements ne seraient-ils pas plus utiles si on les affectait à l'amélioration des logements qu'occupent les personnes commençant à devenir dépendante ? Travaillez-vous avec l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (Anah) ? Celle-ci développe des actions de ce type : financement du remplacement de la baignoire par une douche à l'italienne, par exemple. Certes, il s'agit d'actions individuelles et non plus collectives, mais il s'agit tout de même d'une politique générale de prévention de la dépendance par du conseil et par des aides techniques : en posant des barres d'appui, par exemple. Cela soulage aussi les aidants. Sans parler de la domotique... Quid, d'ailleurs, de la domotique dans les Ehpad ?
M. René-Paul Savary. - Elle soulagerait le personnel...
Mme Annie Delmont-Koropoulis. - Je vois les difficultés lorsqu'il s'agit de négocier les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) des établissements médico-sociaux. Dans les Ehpad, l'âge moyen d'entrée est de 85 ans et la durée de séjour moyenne, de deux ans et demi, alors que les CPOM sont prévus sur cinq ans. C'est illogique. De plus, si le gestionnaire ne signe pas le CPOM, le directeur de l'ARS peut minorer le forfait de soins. Cela manque de souplesse... La modification de tarification change-t-elle significativement le reste à charge pour les résidents ou de leur famille ? Celui-ci est parfois exorbitant.
Mme Victoire Jasmin. - Quand les personnels sont heureux dans leur travail, les résidents se portent mieux. Or les exigences de formation, les référentiels de qualité, le jugement des représentants des usagers accroissent la pression sur le personnel. Nous devons aussi réfléchir à l'aménagement du territoire. Les personnes n'ayant pas de pathologie doivent rester à domicile. Pour cela, il faut rapprocher les services des personnes, et sortir celles-ci de l'isolement autant que possible : activités associatives, sociales, récréatives, multiplication des modes de déplacement... Changer de logement n'est pas toujours facile vu le niveau des retraites. Il faut en tous cas mettre l'accent sur la prévention. L'Ehpad n'est qu'une possibilité. D'ailleurs, les aidants partent parfois avant les personnes qu'ils accompagnent. Bref, il faut anticiper, et favoriser l'entraide intergénérationnelle, fût-ce envers des descendants de substitution.
Mme Marie-Anne Montchamp. - Je comprends votre position, Monsieur Watrin mais, dans cette audition, la CNSA ne fait que porter à votre connaissance des éléments factuels, sans prendre la moindre position politique. Nous n'avons pas assez insisté sur les phénomènes de dispersion : nous vous avons présenté des données médianes, pour brosser un paysage. Mais nous vous donnerons plus de chiffres sur la dispersion.
Vous avez bien fait de rappeler les difficultés du maintien à domicile des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, qui souffrent de désorientation, de troubles du comportement, au point, parfois, de déstabiliser totalement une structure familiale. Mon propos n'était pas d'appeler à un « grand soir médico-social » ouvrant sur un monde d'après qui ne serait fait que de gens vivant chez eux. Et il est utile de rappeler qu'il peut y avoir des maltraitances au domicile qui n'ont rien à envier aux maltraitances institutionnelles.
Le modèle qu'il nous faut dessiner ensemble est fait d'un continuum de solutions qui s'adaptent aux réalités territoriales et à la diversité des situations et des préférences pour proposer la meilleure réponse là où vivent nos concitoyens, tout en faisant de ces réponses des ralentisseurs. À mon avis, ce serait une erreur d'envoyer notre pays dans le mur de financements supplémentaires à modèle constant. En effet, le modèle en question prend l'eau, et ne correspond pas au projet de société de demain. Puis, nous devons traquer dans le modèle actuel les inadéquations qui obèrent nos modalités de financement.
L'effet de glissement qu'induisent les hospitalisations trop longues a été chiffré par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM). Quand nous traquons ainsi les inadéquations, nous nous donnons des réserves de financement, qu'il nous faut absolument mobiliser. Dans la situation critique que nous connaissons, il est important d'observer que l'effort financier de la Nation n'a pas faibli, et se traduit par la création de places.
La CSNA est un établissement public qui a la particularité de réunir en son Conseil l'ensemble des parties prenantes. Vous avez souligné à juste titre que, sur la question du grand âge, on entend davantage les représentants des professionnels que les personnes elles-mêmes. Je n'aime pas l'image d'un « Parlement de l'autonomie », mais nous sommes en quelque sorte la conférence des parties prenantes. Les données sont communiquées, et les orientations se construisent dans cette enceinte. Il est particulièrement important que la représentation nationale poursuive son action au sein du Conseil de la Caisse. Le nouveau modèle que nous élaborons suppose un niveau d'interministérialité beaucoup plus fort, des transversalités et des fongibilités renforcées, et une meilleure maîtrise des données, car nous n'appréhendons pas les situations de manière assez globale.
Mme Anne Burstin. - La formation, les qualifications sont pour nous très importantes, tant du côté des établissements que du côté des services d'aide à domicile, et la CNSA finance de plusieurs dizaines de millions les Organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). Nous négocions avec ces OPCA un meilleur ciblage des formations sur la prise en charge des besoins des populations à domicile. Certes, le financement de l'aide à domicile est insuffisant. Un groupe de travail se penche sur la question depuis quelques mois. Un tarif socle pourrait être accompagné de bonus liés à des services rendus, en fonction d'enjeux géographiques ou des populations prises en charge. Pour l'heure, notre réflexion est limitée par l'enveloppe elle-même.
Depuis trois ans, la CNSA finance sur ses fonds propres une partie des programmes de l'Anah dédiés aux personnes âgées et aux personnes handicapées : ce sont depuis trois ans 20 millions d'euros par an pour l'adaptation des logements que nous prélevons ainsi sur nos fonds propres - qui ont leurs limites ! La réallocation de ressources vers ce type de financement doit être envisagée. Nous en parlerons notamment la semaine prochaine à l'occasion d'un séminaire des membres du conseil. Les prélèvements sur nos fonds propres ne peuvent durer longtemps...
M. Simon Kieffer. - Il y a peu de lien entre le reste à charge et la réforme tarifaire, puisque celle-ci concerne la section du soin, pour laquelle il n'y a pas de reste à charge, et celle de la dépendance, pour laquelle les modalités de participation de la personne sont encadrées.
S'agissant de la prise en charge des aides-soignantes par l'assurance maladie, la réforme tarifaire a opéré un assouplissement : les clés de répartition de cette charge entre les deux sections ne sont plus fixes.
M. René-Paul Savary. - Tout cela est extrêmement complexe, et on s'aperçoit aujourd'hui que les grands perdants de la réforme sont les établissements publics, en particulier ceux adossés à des CHU...
M. Simon Kieffer. - Au regard des premières modélisations, le secteur public bénéficiera davantage de la révision des ordonnances Pathos. Il bénéficie déjà davantage des crédits non reconductibles.
La question de l'intégration de telle ou telle catégorie de professionnels dans Pathos est encore devant nous. L'enjeu n'est pas de revoir fondamentalement le modèle par des transferts de personnels, mais de pouvoir assumer le financement d'autres professionnels, notamment du champ de la prévention.
S'agissant enfin de la révision des CPOM, il est vrai que la logique de ces contrats nécessite un état des lieux et la construction d'un projet véritablement partagé et pluriannuel. L'augmentation de la dépendance et des besoins des personnes est intégrée non pas dans le CPOM, mais dans l'équation tarifaire.
M. Bernard Bonne, rapporteur - Mesdames, Monsieur, je vous remercie de vos explications.
Notre mission entend répondre de façon concrète et immédiate aux problèmes au sein des Ehpad. Les départements sont exsangues, l'État a déjà fait des efforts, mais des souplesses peuvent être envisagées, par exemple pour permettre aux ARS de régler certaines difficultés au plan local. La question plus large du vieillissement et de sa prise en charge, nous n'avons pas fini d'en parler !
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 19 h 55.
Mercredi 7 février 2018
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques et de M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales -
La réunion est ouverte à 9 h 05.
Audition de M. François Bourdillon, directeur général de Santé publique France, et du Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé
M. Alain Milon, président. - Nous poursuivons le cycle d'auditions menées conjointement par nos deux commissions sur la crise sanitaire consécutive à la commercialisation de produits de nutrition infantile contaminés par la salmonelle, qui a conduit à l'hospitalisation de plusieurs dizaines de nourrissons.
Indépendamment du retentissement médiatique de cette affaire et de ses probables suites judiciaires, nous avons souhaité entendre les acteurs en présence, en particulier les représentants des ministères concernés, ceux de l'économie et de la santé. Notre objectif est de mieux comprendre le rôle de chacun, d'identifier les éventuels dysfonctionnements et de déterminer si nous sommes suffisamment bien outillés en matière de sécurité sanitaire.
Dans cet esprit, nous recevons ce matin les autorités sanitaires de l'État à travers le professeur Jérôme Salomon, directeur général de la santé depuis un mois et que la commission des affaires sociales n'a pas encore eu l'occasion d'entendre, et M. François Bourdillon, directeur général de l'Agence nationale de santé publique, ou Santé publique France, l'opérateur sanitaire de l'État qui regroupe les compétences de veille, d'alerte et de réponse aux crises sanitaires.
Messieurs les directeurs généraux, il nous a paru indispensable de recueillir auprès de vous un premier bilan du déroulement des faits et de votre mobilisation pour gérer la crise.
Pouvez-vous nous décrire l'articulation de vos rôles dans la chaîne allant du recueil des premiers signalements aux réponses apportées et à l'information communiquée à la population ? Comment vos actions se coordonnent-elles avec celles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ?
Quelle est votre appréciation des outils dont vous disposez pour faire face à ce type de crise ? Permettent-ils une bonne réactivité ? Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? Pouvez-vous évoquer la situation particulière des pharmacies et des hôpitaux, dont certains auraient utilisé des produits visés par un rappel ? D'un point de vue épidémiologique, comment la situation se présente-elle aujourd'hui ? Enfin, quelles améliorations devraient être apportées, selon vous, afin d'éviter de nouveaux dysfonctionnements ?
Mme Sophie Primas, présidente. - Je tiens à excuser ceux de nos collègues que les conditions climatiques empêchent de se joindre à nos travaux.
L'affaire Lactalis fait apparaître la complexité des procédures de contrôle et de décision en cas de crise sanitaire. Les acteurs impliqués sont nombreux : le producteur, l'administration chargée de la consommation, les services relevant du ministère de l'agriculture, l'administration et les opérateurs chargés de la santé publique. Messieurs les directeurs généraux, l'imbrication des compétences et des responsabilités ne serait-elle pas l'une des explications des difficultés rencontrées pour gérer cette contamination ? Peut-être pourrez-vous nous suggérer quelques voies d'évolution à cet égard.
M. François Bourdillon, directeur général de Santé publique France. - Je vous remercie de m'avoir invité à m'exprimer sur le rôle de Santé publique France, dont les missions sont centrées sur la veille, l'alerte et la surveillance. Je suis accompagné de Mmes Deval, responsable de l'unité intoxication alimentaire, et Jourdan, la cheville ouvrière de l'alerte et des investigations dans l'affaire qui nous intéresse. Pour travailler quotidiennement sur le sujet depuis deux mois, elles pourront vous donner des explications précises, mais permettez-moi d'abord de vous décrire notre système de façon générale.
Lorsqu'un laboratoire identifie une salmonelle dans le cadre d'une coproculture, il saisit le Centre national de référence (CNR) Salmonellose, à l'Institut Pasteur. Le CNR reçoit environ 10 000 salmonelles par an, dont 600 chez des nourrissons.
La difficulté est d'avoir un système d'alerte qui ne sonne pas trop souvent, mais garantisse de ne pas passer à côté d'une épidémie. Des algorithmes ont été mis au point pour donner l'alerte au bon moment.
Quand l'alerte sonne, les investigateurs épidémiologiques de Santé publique France prennent contact par téléphone avec les personnes contaminées pour déterminer s'il y a une source commune. C'est ainsi que, fin novembre et début décembre, en présence de huit cas anormaux de salmonellose, nous avons mené des investigations et identifié comme source commune l'usine de Craon.
Mme Nathalie Jourdan, Santé publique France. - Le dispositif de surveillance des infections à la salmonelle repose sur le Centre national de référence Salmonellose, qui recense environ 10 000 souches chaque année, transmises par 1 200 laboratoires volontaires, hospitaliers et privés, et en détermine le sérotype. Ce travail permet de suivre l'évolution de près de 2 000 sérotypes de salmonelle et de détecter les cas groupés - les clusters - et les épidémies.
Des algorithmes de détection des dépassements de seuils ont été établis, pour les différents sérotypes, à partir des données historiques du centre : ils permettent de repérer les augmentations inhabituelles et les cas groupés. Par ailleurs, les médecins et biologistes peuvent signaler spontanément tout phénomène inhabituel, en particulier des cas groupés.
La surveillance des salmonelles chez l'animal, dans les aliments et dans l'environnement de la chaîne alimentaire est, quant à elle, assurée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
Chaque semaine, le CNR Salmonellose adresse à Santé publique France la distribution par sérotype des souches reçues pour les quatre dernières semaines. Il nous transmet également une analyse par sérotype et unité géographique, issue de trois algorithmes de détection. Si le nombre de souches observé pour un sérotype est supérieur à celui attendu à cette période, un signal apparaît sur le relevé hebdomadaire.
Santé publique France vérifie ces signaux et réalise au besoin des investigations exploratoires. Une courbe épidémique est construite, afin de visualiser les cas à l'origine du signal, ainsi que les cas du même sérotype observés les semaines précédentes. Des hypothèses sur les modes de transmission et de contamination sont envisagées.
Les épidémiologistes de Santé publique France interrogent alors par téléphone les personnes contaminées, dont les coordonnées nous sont fournies par les laboratoires.
Le 30 novembre 2017, le CNR Salmonellose a identifié huit cas de salmonelle agona en huit jours chez des nourrissons. Ce nombre inhabituel de cas a conduit au lancement immédiat d'investigations.
Dès le vendredi 1er décembre au matin, les premières familles ont été contactées par téléphone par nos épidémiologistes ; rapidement, trois laits produits par Lactalis ont été identifiés. Nous avons demandé à la direction générale de la santé d'organiser une réunion téléphonique dans l'après-midi du 1er décembre avec la DGCCRF, l'Anses et le CNR. Le premier retrait-rappel de ces trois laits a eu lieu dès le lendemain.
Au fur et à mesure des entretiens avec les parents, Santé publique France a informé ses partenaires des dates de survenue des symptômes, ce qui a permis d'estimer les périodes d'achat des boîtes de lait. Nous leur avons également communiqué les numéros de lots et des dates de fabrication des boîtes encore détenues par les familles, ainsi que les coordonnées de celles-ci pour d'éventuels prélèvements par la DGCCRF.
Les épidémiologistes de Santé publique France ont continué à interroger les parents des bébés durant tout le week-end du 1er au 3 décembre. Dès l'identification d'un quatrième, puis d'un cinquième lait, nous avons informé nos partenaires pour que le retrait soit étendu.
Parallèlement à ces investigations épidémiologiques, des investigations microbiologiques ont été menées par le CNR, qui a établi que toutes les souches isolées chez les bébés ayant consommé du lait de Lactalis appartenaient à un même clone épidémique.
À l'attention de la population, Santé publique France a communiqué des informations sur le bilan sanitaire, notamment via son site internet, à partir du 5 décembre. Nous avons également répondu aux journalistes et assuré une communication aux professionnels de santé, à travers la revue médicale Eurosurveillance.
M. Jérôme Salomon, directeur général de la santé, ministère des solidarités et de la santé. - Je suis honoré de m'exprimer pour la première fois devant la Haute Assemblée en tant que directeur général de la santé. Nommé dans ces fonctions le 8 janvier, j'ai de cette affaire une vision empreinte d'un certain recul, ce qui peut être intéressant pour la mise en perspective.
Du point de vue du clinicien, il est important de rappeler la complexité du quotidien : les diarrhées infectieuses sont extrêmement fréquentes, en particulier chez les enfants. Les médecins ont la responsabilité, s'ils suspectent une infection bactérienne, de prescrire une coproculture, qui n'est pas un examen facile. En effet, il est réalisé dans un laboratoire spécialisé, qui doit identifier une souche pathogène parmi un très grand nombre de souches - il y a plusieurs milliers de sérotypes de salmonelle chez l'homme - et utiliser des techniques de biologie moléculaire pour s'assurer de l'unicité de cette souche.
D'où l'importance de notre réseau de centres nationaux de référence, qui est un atout pour l'identification et la recherche. Pour les salmonelles, le centre de référence est dirigé par le professeur François-Xavier Weill, qui a une réputation mondiale dans ce domaine.
L'investigation épidémiologique, consistant à identifier une exposition et une source communes, n'est pas moins complexe que l'identification microbiologique.
La direction générale de la santé est en lien quotidien avec Santé publique France, notamment via un bulletin quotidien des alertes. Des réunions de tous les partenaires, directions administratives et opérateurs, sont organisées chaque semaine. Le dispositif est donc très fluide et cohérent.
Je laisse M. Thierry Paux, sous-directeur chargé de la veille et de la sécurité sanitaires, qui a suivi l'alerte Lactalis au quotidien, vous présenter la chronologie de la réaction de la direction générale de la santé.
M. Thierry Paux, sous-directeur, direction générale de la santé. - Dès réception de l'alerte, le 1er décembre dans l'après-midi, nous avons organisé une conférence téléphonique avec l'ensemble des acteurs, administrations et opérateurs, afin de partager nos informations, d'organiser les mesures d'investigation et de commencer à identifier les mesures de gestion nécessaires. Nous avons décidé de mettre en place sans attendre un retrait-rappel des lots concernés. Nous avons alors saisi en urgence la Société française de pédiatrie pour qu'elle émette des recommandations de substitution et commencé à informer le grand public et les professionnels de santé.
S'agissant de ces derniers, nous leur avons demandé de cesser la distribution des produits rappelés et de signaler tout cas suspect de salmonellose. Cette information est passée par des messages d'alerte rapide sanitaire envoyés aux établissements de santé et des messages de type « DGS Urgent » adressés aux professionnels libéraux et relayés par les ordres des médecins et des pharmaciens.
Ces mesures s'inscrivent parfaitement dans les missions de la DGS, chargée de la protection des populations ; notre responsabilité est de définir les mesures de gestion nécessaires à cette protection. Les investigations sur les produits relèvent, quant à elles, de la compétence de la DGAL ou de la DGCCRF.
Au fur et à mesure des progrès des investigations, de nouvelles conférences téléphoniques ont été organisées avec l'ensemble des services pour adapter les mesures de gestion et d'information. Au total, nous avons organisé neuf conférences téléphoniques en décembre. Parallèlement, nous avons entretenu avec la DGCCRF et Santé publique France des échanges quasiment quotidiens.
S'agissant de l'information du grand public, nous avons tenu à jour notre site internet, notamment en ce qui concerne les recommandations de substitution. Nous y avons inséré des renvois vers les sites de Santé publique France et de la DGCCRF, afin de fournir aux consommateurs une vision globale de la situation. En outre, nous avons publié différents communiqués de presse, notre ancien directeur général, Benoît Vallet, a donné plusieurs interviews télévisées et radiophoniques et nous avons diffusé des messages sur les réseaux sociaux. Enfin, nous avons tenu les associations de familles de victimes informées de la situation.
M. François Bourdillon. - En réponse à la question sur notre appréciation des outils, je puis témoigner que notre articulation avec les centres nationaux de référence est de grande qualité. En particulier, nous finançons à hauteur de 1 million d'euros par an le CNR Salmonellose pour qu'il nous fournisse les prestations qui vous ont été décrites, et qui nous sont précieuses.
Entre le système de soins cliniques, les laboratoires, les centres nationaux de référence et Santé publique France, nous disposons aujourd'hui d'un dispositif bien articulé qui nous permet d'informer la direction générale de la santé de manière extrêmement réactive. Construit par Santé publique France d'après des modèles anglo-saxons, ce dispositif est très performant, et nous n'avons qu'à nous en féliciter.
M. Jérôme Salomon. - Les différentes phases doivent être bien distinguées. La surveillance au quotidien repose sur le dispositif de notification obligatoire par les médecins et les laboratoires. Pour ce qui est du lancement d'alerte, il n'est pas aisé de définir des seuils. Toute fluctuation n'est pas un début d'épidémie...
La gestion de crise s'accompagne d'enjeux de communication et de coordination interservices. La direction générale de la santé doit adresser au grand public les messages les plus précis possible, s'agissant notamment des consignes sanitaires, des recommandations de substitution, surtout quand les produits rappelés sont très spécifiques, et de la conduite à adopter vis-à-vis de la maladie elle-même.
À la lumière de cette affaire, nous avons des réflexions à mener en matière de surveillance, de gestion d'alerte et de communication de crise, ainsi que sur les outils permettant de cibler les consommateurs concernés.
M. Alain Milon, président. - Plusieurs alertes à la salmonelle avaient déjà visé le site de Craon, en 2005, août et novembre 2017. Comment assurer efficacement la surveillance des sites visés par une alerte ?
Par ailleurs, après la décision de retrait, certains hypermarchés, et malheureusement aussi des pharmacies, ont continué à vendre des boîtes contaminées. Comment est-ce possible ?
Mme Sophie Primas, présidente. - Chaque acteur de la chaîne que nous auditionnons nous explique sa manière de communiquer vis-à-vis du grand public et des professionnels. Trop d'informations ne tuent-elles pas l'information ? Comment améliorer la coordination en la matière ?
M. Martial Bourquin. - Le PDG de Lactalis a fait rebondir l'affaire en mettant en cause la fiabilité des contrôles. Contrôlez-vous, au-delà des produits, l'environnement du process de fabrication ? Et y a-t-il des contrôles sur les contrôles ?
On annonce la suppression de plus de quarante emplois au sein de la DGCCRF, alors que cette administration ne cesse de se voir confier de nouvelles responsabilités, notamment en application de la loi de 2014 relative à la consommation. Comment pourra-t-elle assumer toutes ses missions sans personnels en nombre suffisant et bien formés ?
Enfin, quelles informations sont-elles adressées aux professionnels et, quand certains continuent volontairement à vendre des produits contaminés, quelles sanctions sont-elles prises ?
Messieurs les directeurs généraux, vos interventions étaient solides, mais, tout de même, il y a eu un trou dans la raquette ! D'aucuns se demandent même si la raquette avait un cordage...
M. Bernard Jomier. - Le dispositif d'alerte que vous avez décrit me paraît assez efficient, nonobstant les réserves sur des détections antérieures qui seraient restées sans effet. À ce propos, je souhaite vous interroger sur les contrôles internes : ces contrôles vous ont-ils été notifiés, et pourquoi n'auraient-ils pas permis de détecter la salmonelle ? Au fond, quand le dispositif de santé publique intervient, il est déjà trop tard...
Nous sommes nettement moins convaincus en ce qui concerne la gestion de crise. À vrai dire, nous sommes mêmes inquiets de constater que les mesures prises ont été appliquées de façon tout à fait insuffisante, faute, notamment, d'une bonne coordination entre les acteurs de l'État. Pouvez-vous nous donner des explications sur la longueur de la chronologie, qui est tout à fait préoccupante ?
M. Pierre Louault. - Après un certain nombre d'auditions, j'ai le sentiment que, sur les plans sanitaire et alimentaire, notre système fonctionne plutôt bien. On voudrait faire croire aux Français qu'on peut tout contrôler, mais c'est impossible !
La concentration industrielle est aujourd'hui telle que, quand il y a une contamination, tout le monde est affecté. Reste que, dans cette affaire, le dispositif de détection s'est révélé fiable et réactif.
Je constate tout de même une faille, s'agissant du retrait-rappel des produits : un mois après la décision, il restait des produits contaminés dans les rayons... Notre rôle est de veiller à ce que les choses ne se reproduisent pas de la même manière, mais elles se produiront autrement. Du reste, un monde aseptisé n'est pas sans dangers. Méfions-nous de cet état d'esprit, assez français, qui laisse croire qu'on peut tout prévenir et conduit à tout attendre de la haute administration.
Sur le plan de la sécurité sanitaire, je trouve que notre système est très bon. Tant pis pour ceux qui trouvent que les choses vont mal !
Mme Patricia Schillinger. - Depuis 2005, lit-on dans la presse, d'autres produits auraient été concernés. Quelle est l'étendue réelle de la contamination ? Les chiffres officiels sur le nombre d'enfants infectés reflètent-ils vraiment la réalité ? Les médecins ne détectent pas toujours la salmonellose... Enfin, comment les produits contaminés ont-ils été retirés des marchés d'exportation ?
Mme Florence Lassarade. - En Gironde, les pédiatres ont été alertés le 7 décembre pour cesser la distribution de lots d'échantillons. Seulement, quand nous remettons ces échantillons à des patients, nous ne notons pas toujours les numéros de lot, de sorte qu'il n'y a pas de traçabilité.
Nous sommes, il est vrai, dans un pays sûr, où les produits sont suivis. Par ailleurs, la salmonellose n'est pas une pathologie très grave. Mais lorsqu'une épidémie d'entérocolite ulcéro-hémorragique s'est déclarée voilà quelques années, on a eu du mal à retrouver le concombre bio en cause... Améliorer la traçabilité des produits est donc essentiel pour renforcer la sécurité.
M. Daniel Gremillet. - Les explications que nous avons entendues me rassurent : nous avons un système dont, je pense, nombre de pays peuvent nous envier l'efficacité. Reste qu'il faut tirer les enseignements de ce qui s'est passé.
Entre le producteur et l'acheteur, la traçabilité des lots est assurée. La vraie question est celle de la traçabilité finale : au niveau des revendeurs, certains phénomènes de cascade empêchent parfois les familles d'obtenir les informations aussi rapidement qu'on le souhaiterait. Comment améliorer la diffusion de l'information jusqu'à ceux qui sont exposés ?
Enfin, comment contrôle-t-on les produits alimentaires d'importation ?
Mme Michelle Meunier. - La coordination, nécessaire sur ces questions, n'a peut-être pas été suffisante. D'autres cas ont été observés en Espagne : comment la question peut-elle être traitée au niveau européen ?
Mme Denise Saint-Pé. - Des études sont réalisées par unité géographique, avez-vous expliqué. Combien d'unités retient-on et quels sont leurs périmètres ?
M. Yves Daudigny. - Le plus invraisemblable et le plus inacceptable, c'est qu'on ait continué à vendre des produits contaminés, dans la grande distribution mais aussi dans les pharmacies, dont personne ne doute une seconde qu'on s'y soucie de la santé publique. Comment éviter que de tels phénomènes ne se reproduisent ?
M. Laurent Duplomb. - Pouvez-vous évaluer, sur une échelle de 1 à 10, la gravité de la situation actuelle, par rapport à d'autres références historiques ou aux cas que vous traitez habituellement ?
En 1950, il y avait 15 000 cas mortels d'intoxication alimentaire. Qu'en est-il ces cinq dernières années ? Interrogeons-nous et améliorons la communication sans entrer dans un déchaînement médiatique clouant au pilori l'industrie française, et qui relaie des messages parfois sans rapport avec la crise et qui cristallisent certaines positions. Cela fait croire que tout ce qui vient de l'extérieur serait moins dangereux que ce qui est produit en France, et amplifie un phénomène regrettable : il y a de moins en moins d'industrie, d'emploi et de filières en France.
Pouvez-vous donner des exemples de pays où la sécurité alimentaire est moins importante qu'en France - avec quels risques pour la population ? A-t-on moins de chances d'être intoxiqué avec des produits français qu'avec des produits étrangers, qui n'ont pas les mêmes règles de production et ne sont pas soumis aux mêmes contraintes ni aux mêmes contrôles ?
M. Alain Milon, président. - Je rappelle que l'épidémie de grippe a déjà fait près de 3 000 morts...
Mme Corinne Imbert. - J'ai été contrariée d'apprendre que des lots de laits avaient été distribués dans les officines après le rappel. Le retrait des lots s'est effectué en deux temps : le 2 décembre, douze lots de lait premier âge, pour des nourrissons de 0 à 4 mois, ont été retirés ; le 10 décembre, 620 lots de lait premier et deuxième âge, de croissance et relais ont été retirés à la suite de six nouveaux cas. La procédure de retrait des lots a-t-elle suivi strictement la procédure de retrait d'un médicament ? Celle-ci est rapide et exhaustive en cas d'incident. En 2016, l'Ordre des pharmaciens a publié une brochure retraçant la quarantaine de retraits de médicaments effectués durant l'année 2015.
M. Jérôme Salomon. - Merci pour ces questions, dans lesquelles nous retrouvons l'ensemble des préoccupations de nos concitoyens. Nous devons faire preuve de pédagogie sur notre système de sécurité sanitaire. Je rappellerai la répartition des rôles : la santé est totalement en aval du dispositif, puisque nous ne disposons que de prélèvements humains, et n'avons pas d'autorité de police sanitaire sur l'environnement. Cela relève des douanes, de la DGCCRF pour les produits finis et de la direction générale de l'alimentation (DGAL) pour les produits agricoles... Plus en amont, les industriels réalisent des autocontrôles de qualité et de sécurité de leurs produits, avant des contrôles réguliers des services de l'État. Enfin, la surveillance de l'état sanitaire de la population relève de ma responsabilité en tant que directeur général de la santé. Nous voulons réduire au maximum l'impact sanitaire de toutes les maladies en France.
La France, après une épidémie majeure de listeria, a créé en 1992 le réseau national de santé publique, alors que cette épidémie avait touché plusieurs centaines de personnes et que l'investigation avait duré plusieurs mois. Depuis, nous avons considérablement progressé sur les capacités de détection microbiologique : nous avons créé l'Institut de veille sanitaire (InVS), devenu l'agence Santé publique France, opérateur qui a fusionné l'investigation épidémiologique de l'InVS, la réaction avec l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), et la communication et l'éducation à la santé avec l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes). Cette agence cherche à réduire l'impact sanitaire des épidémies et surveille spécifiquement les populations fragiles - ici les nourrissons -, mais le ressenti de la population est des parents est très fort. Par ailleurs, le lait est un produit à risque. Une approche quantitative a peu de sens face au ressenti des parents, sur un produit censé être sûr.
L'approche géographique est intéressante. L'hygiène alimentaire et la sécurité sanitaire sont de bon niveau en France, alors que les États-Unis connaissent, chaque année, des épidémies de salmonellose de grande ampleur, notamment en raison de la très forte consommation de steaks hachés. Les produits pasteurisés peuvent aussi être contaminés : dans un fromage non pasteurisé, il y a une compétition bactérienne entre les bonnes bactéries et les pathogènes. La stérilisation ou la pasteurisation de tous les produits n'est donc pas forcément une solution. Vous avez cité l'alerte venant d'Allemagne. Le concombre bio espagnol était un faux coupable, les responsables étaient des germes de soja...
M. Laurent Duplomb. - Des germes de soja bio allemands !
M. Jérôme Salomon. - Il peut y avoir des erreurs d'interprétation. La situation était d'autant plus complexe que l'Allemagne est un pays fédéral, dans lequel chaque Land a des capacités d'investigation.
Le ministère de la santé dispose de plusieurs outils de communication vis-à-vis des professionnels de santé, notamment une adresse courriel « DGS urgent », envoyée à 60 000 destinataires, et qui touche en un clic les Agences régionales de santé (ARS) et les accueils d'urgence du territoire.
Nous avons une excellente collaboration avec les pharmaciens, à travers le Conseil national de l'Ordre. Ce dispositif est peut-être l'un des plus efficaces au monde puisque toutes les pharmacies d'officine en France disposent d'un « dossier pharmaceutique », qui permet d'envoyer des messages à l'ensemble des pharmacies de France, obligatoirement reçus puisque l'ordinateur est bloqué tant que le pharmacien n'a pas accusé réception. Ce dispositif extrêmement performant nous est envié en dehors de France.
Pour une meilleure coopération entre les administrations, je préside, tous les mercredis matin à 9 heures, une réunion de sécurité sanitaire avec l'ensemble des directions d'administrations concernées : la DGCCRF, la DGAL, la Haute Autorité de santé, des opérateurs de la santé, la sécurité sociale... Nous avons une approche très collaborative et groupée de la sécurité sanitaire de nos concitoyens.
La politique de sécurité sanitaire européenne est plus compliquée : les mécanismes d'entraide ne s'appliquent qu'à la sécurité civile. La France plaide pour davantage de coopération sanitaire en Europe, même si la santé reste un domaine régalien, porté par les États plus que par la dynamique européenne.
M. François Bourdillon. - Merci pour ces questions pertinentes. Les rôles sont répartis entre la santé humaine et la sécurité alimentaire, avec d'un côté le ministère de la Santé, de l'autre les contrôles industriels, la DGAL, les douanes et la DGCCRF.
Nous intervenons à la base : le signal humain permet de tirer la sonnette d'alarme et de remonter la chaîne. L'Anses et la DGAL sont présents à la réunion du mercredi matin, où l'on débat notamment des retraits de lots.
En cas d'intoxications alimentaires avec des produits importés d'autres pays européens, le système d'alerte fonctionne. Certes, la sécurité industrielle en dehors de France n'est pas de notre ressort, mais nous nous étions beaucoup interrogés sur l'épidémie de 2005, et sur certains cas survenus en amont de l'alerte du 1er décembre. Nous avons pu relier les cas survenus en août et au mois de décembre 2017 à l'épidémie de 2005 grâce au nouvel outil de séquençage du CNR, qui a pu relier ces souches de Salmonella Agona - ce n'était pas possible il y a encore six mois...
Selon les parents des 38 enfants touchés, 18 ont été hospitalisés, avec une amélioration de leur état sanitaire. L'éparpillement a été important : 18 régions métropolitaines sont concernées, ce qui témoigne de l'importance d'un système national d'alerte, qui en plus transmet ses informations au Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC, European Centre for Disease Prevention and Control). Trois cas ont été détectés en Europe, deux en Espagne et un en Grèce.
Mme Sophie Primas, présidente. - Néanmoins, des produits contaminés continuaient à être vendus après l'alerte...
M. Martial Bourquin. - Quelles sanctions pour ces contrevenants ?
Mme Sophie Primas, présidente. - Les produits étaient distribués dans la grande distribution, dans les circuits spécialisés, et je m'interroge, peut-être dans les hôpitaux et les crèches... Où le bât blesse-t-il dans la formation ? Faut-il améliorer le système actuel, qui est cependant plutôt rassurant ? Quelles sanctions sont prévues ?
M. Jérôme Salomon. - Le nombre de rappels est considérable. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) procède à des rappels quasi quotidiens, en lien avec les pharmaciens, pour des raisons multiples : non-conformité d'un produit, des notices, défaut dans l'aspect du produit, problème de qualité ou d'emballage...
Les retraits successifs et l'extension des lots rappelés obéissaient à une approche pragmatique, affinée chaque jour en fonction des informations reçues des épidémiologistes. Il n'y a pas eu de nouveaux cas depuis le retrait : ce sont des cas confirmés par le CNR, mais les cas cliniques sont intervenus deux à trois semaines avant. Les rappels ont concerné la grande distribution et les circuits pharmaceutiques.
La DGS n'a pas d'informations détaillées sur la non-application du retrait : une enquête judiciaire est en cours, le Parquet conserve ces informations. La présidente du Conseil de l'Ordre des pharmaciens a été très claire : elle sera très ferme pour les sanctions en cas de non retrait. Le ministère de la santé a envoyé des messages aux services pédiatriques et aux maternités des hôpitaux, où le retrait a été massivement appliqué. Trouver des produits incriminés sur un site ne signifie pas qu'ils ont été distribués ; ils ont pu être conservés en attente de renvoi. Nous sommes également attentifs à ce que l'ensemble du circuit retire les lots, car le lait infantile est souvent distribué par le circuit de distribution alimentaire interne et non par les pharmacies à usage intérieur des hôpitaux.
Faut-il pérenniser ou renforcer le dispositif ? Les laboratoires de microbiologie ont accès à des tests de biologie moléculaire identifiant les souches mais qui les détruisent. Or auparavant les contrôles de microbiologie conservaient la souche, et la cultivaient avant de l'envoyer à un laboratoire expert. Le progrès n'est pas forcément source de sécurité, et il est nécessaire de conserver une souche pour l'identification, comme le font les CNR... Les CNR sont des réseaux très importants, animés par Santé publique France. Préservons ce dispositif fondamental de sécurité.
Nous sommes attentifs au retour d'expérience inter administrations pour améliorer la communication. Des protocoles sont révisés régulièrement ; le dernier date de 2013. Soyons certains que les consommateurs disposent de la bonne information, validée par les autorités nationales, plutôt que d'être noyés par de multiples signaux d'alerte.
Mme Victoire Jasmin. - Cadre dans un laboratoire de microbiologie, je vous assure qu'en milieu hospitalier, des contrôles sont régulièrement effectués sur les nouveaux lots de lait, et notamment par la vérification de trois souches de référence, pour une surveillance de la qualité et une bonne traçabilité. Ce sont surtout les achats à l'extérieur des hôpitaux qui posent problème. De même, l'eau utilisée est surveillée. À chaque reprise, une liste de germes est vérifiée, et l'alerte est donnée si besoin. C'est obligatoire. Certes, tous les laboratoires ne sont pas en mesure de le faire. Une telle surveillance devrait être réalisée dans tous les circuits. Cette traçabilité permet de réagir immédiatement et de retirer les lots. Tout est informatisé. Une telle réactivité est plus difficile à mettre en place dans les grandes surfaces.
Mme Michelle Gréaume. - Dix-huit enfants ont été hospitalisés, et le 1er février, l'institut Pasteur liait les deux épidémies de 2005 et 2017 causées par du lait de l'usine Lactalis de Craon, et annonçait qu'entre 2006 et 2016, 25 autres enfants avaient été contaminés... Les salmonelles sont la première cause de mortalité due à des infections alimentaires, provoquant chaque année, en moyenne, 67 décès, selon Santé publique France. Des enfants sont-ils dans un état critique ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Vous gérez l'aval, mais revenons aux faits. D'expérience, le zéro défaut n'existe pas dans l'industrie. Mais j'ai l'impression que la réaction de Lactalis est confuse, et qu'il y a des problèmes de traçabilité en interne. De quels moyens de traçabilité disposez-vous pour intervenir au sein des entreprises ? Souvent, on procède à partir des données de fabrication, or le système était défaillant...
M. Michel Raison. - Merci pour ce que vous et vos prédécesseurs avez fait pour la sécurité sanitaire. La communication pose problème. En économie, lorsque les entreprises vont mieux, les citoyens ont aussi besoin de reprendre confiance. Le zéro défaut n'existe pas, mais là il y a eu des dysfonctionnements. L'inquiétude a été très forte car des enfants ont été touchés. Trouvons une solution pour communiquer sur la réalité de la sécurité sanitaire : la France est quasiment la meilleure, et cela commence dès le stade de l'élevage, par l'épidémio-surveillance et la sécurité sanitaire.
J'ai été marqué par une image à la télévision, montrant un rayon bio pour illustrer que nos concitoyens se dirigeaient de plus en plus vers des produits de qualité. Mais les salmonelles sont bio, la peste et le choléra, l'amanite phalloïde sont bio ! Ce n'est pas parce que les gens vont manger bio qu'ils ne seront plus malades... Communiquons : nous sommes les meilleurs en Europe, voire dans le monde... Les États-Unis ont un système alimentaire plus aseptisé, mais ils sont moins immunisés.
Michel-Édouard Leclerc raconte n'importe quoi sur le fonctionnement technique et sanitaire des produits. C'est grave : ces contre-vérités deviennent la pensée unique. Les gens sérieux doivent s'unir pour communiquer sur la réalité scientifique des choses.
M. Jérôme Salomon. - Merci, madame Jasmin, pour votre intervention. Les établissements de santé qui accueillent des populations fragiles comme des enfants ou des personnes gravement malades ont un impératif de surveillance et de traçabilité. Les pharmacies internes tracent individuellement les produits, mais la surveillance dépend aussi de l'environnement intérieur : l'eau, l'air, les aliments distribués... C'est le rôle des équipes opérationnelles d'hygiène et des comités locaux de lutte contre les infections nosocomiales, qui travaillent quotidiennement pour réduire le risque bactérien. Les familles ne disposent pas d'une telle surveillance à la maison.
Je vous conseille de consulter les sites officiels, très bien faits, comme ceux de l'ECDC ou de Santé publique France, qui fournissent l'ensemble des données des maladies soumises à déclaration obligatoire, comme la grippe, les salmonelloses, la tuberculose, en toute transparence, et avec l'historique. Les maladies infectieuses sont en très forte baisse, même si un effort reste à réaliser pour prévenir les maladies dues à un défaut de couverture vaccinale, comme la rougeole.
M. François Bourdillon. - Le site de Santé publique France contient la description des principales maladies infectieuses, en particulier les toxines alimentaires. Nous publions également un bulletin hebdomadaire retraçant les épidémies dues à des infections alimentaires. Nous travaillons très étroitement avec l'ECDC de Stockholm, qui compare avec d'autres pays. Madame Gréaume, à ce jour nous n'avons pas connaissance d'un enfant dans un état critique.
M. Alain Milon, président. - Merci de vos interventions. J'ajouterai quelques observations personnelles : la loi de modernisation du système de santé de 2016 impose une obligation vaccinale pour les personnels hospitaliers, qui a été, pour ce qui concerne la grippe, suspendue par décret. Or il y a eu 3 000 cas mortels de grippe cette année, 15 000 l'année dernière. La presse devrait s'en saisir plutôt que de s'occuper toujours du même sujet et de lancer des polémiques. Le zéro défaut n'existe pas. Si certains avaient des doutes en 2016 sur l'efficacité de la nouvelle agence Santé publique France, qui regroupait trois établissements, ces doutes sont désormais levés. Demain, le président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, présentera son rapport public annuel devant le Sénat, avant les interventions des présidents des commissions des finances et des affaires sociales. Je reviendrai à cette occasion sur l'obligation vaccinale.
Mme Sophie Primas, présidente. - Merci de vos interventions conjointes, qui ont rassuré les membres de nos deux commissions sur la sécurité sanitaire et le système d'alerte, très performant, qui en découle. Quelques interrogations perdurent sur les responsabilités et la qualité des analyses in situ, et sur la coordination de la communication, non pas entre services mais auprès du grand public. Il faudrait travailler conjointement avec les médias pour éviter ce genre de traumatisme. Certaines anomalies, qui ne sont pas totalement évitables, sont du ressort de quelques producteurs agroalimentaires ; elles font oublier qu'en général, la qualité des produits alimentaires français est bien meilleure qu'aux États-Unis et dans d'autres pays.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 10 h 30.
- Présidence de M. Alain Milon, président -
La réunion est ouverte à 10 h 45.
Questions diverses
M. Alain Milon, président. - Quelques précisions sur l'agenda de la commission. Je rappelle, outre la remise du rapport du Premier président de la Cour des comptes, demain, en séance publique, que notre commission se réunira, conjointement avec la commission des finances, le 13 février à 9h30, pour l'audition préalable à la nomination par le président de la commission des finances d'un membre du Conseil des prélèvements obligatoires. Le 6 mars, à 17 heures, nous entendrons M. Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire aux retraites, sur les conditions de réussite d'une réforme systémique.
Projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants -Examen des amendements de séance sur les articles délégués au fond
M. Alain Milon, président. - Nous en venons à l'examen des amendements de séance sur le projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants
AMENDEMENT DU RAPPORTEUR
Article 3
La commission adopte l'amendement rédactionnel ASOC 1.
AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Frédérique Gerbaud, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 20 rectifié porte de deux à cinq le nombre de représentants des associations étudiantes au sein du conseil de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam).
Poursuivant le même objectif de pluralisme que les auteurs de l'amendement, la commission des affaires sociales a déjà porté de un à deux le nombre des représentants des étudiants au conseil de la Cnam. Passer ce nombre à cinq modifierait plus substantiellement l'équilibre du conseil de la Cnam et entrainerait une surreprésentation des étudiants par rapport aux salariés et au reste des assurés. Retrait ou avis défavorable.
M. Alain Milon, président. - Lorsque notre commission a voté la représentation de deux membres des associations étudiantes, j'avais déjà jugé paradoxal que le Conseil compte deux étudiants alors que les indépendants n'y seront pas représentés.
Mme Frédérique Gerbaud, rapporteure pour avis. - Les amendements identiques n°s 42 rectifié bis et 60 rectifié visent à introduire un représentant des mutuelles étudiantes au sein du conseil de la Cnam.
Les mutuelles étudiantes ont bien entendu acquis une expertise en gérant, depuis 1948, le régime de sécurité sociale étudiant.
Toutefois, prévoir une représentation de ces mutuelles étudiantes au sein du conseil de la Cnam, indépendamment de la représentation de la Fédération nationale de la mutualité française, n'apparait pas justifié compte tenu de la réforme engagée par le projet de loi, qui supprime la délégation de gestion dont bénéficient ces mutuelles pour la couverture obligatoire maladie et maternité des étudiants. Retrait ou avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques n°s42 rectifié et 60 rectifié.
Mme Frédérique Gerbaud, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 43 rectifié vise à confier aux mutuelles étudiantes, aux côtés des organismes gestionnaires des régimes obligatoires, une mission de prévention en direction des jeunes de 16 à 25 ans.
Consolider la mission générale de prévention en santé des mutuelles étudiantes répond, pour les auteurs de plusieurs amendements similaires déposés sur cet article, à la volonté de tirer profit de l'expertise acquise par ces organismes en matière de gestion de l'assurance maladie des étudiants.
Cependant, cela irait au rebours de la réforme structurelle engagée par le projet de loi. Continuer de reconnaître la mission de prévention de ces organismes, a fortiori en direction de l'ensemble des jeunes et non plus seulement des étudiants, pourrait supposer le maintien de financements publics dédiés. Retrait ou avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 43 rectifié.
Mme Frédérique Gerbaud, rapporteure pour avis. - Même raisonnement sur l'amendement n° 162, qui vise à confier aux mutuelles étudiantes, aux côtés des organismes gestionnaires des régimes obligatoires, une mission de prévention en direction des jeunes de 16 à 25 ans. Retrait ou avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 162.
Mme Frédérique Gerbaud, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 30 vise à associer les services communs universitaires à la conduite des actions de prévention en santé en direction des étudiants.
Outre que le rôle des services de santé universitaires en cette matière est déjà explicitement visé par le texte issu des travaux de la commission, l'amendement serait satisfait par l'amendement n° 92 rectifié ter de M. Kennel, qui est plus complet puisqu'il associe en outre la conférence des chefs d'établissement à la conduite des actions en direction des étudiants. J'en souhaiterais donc le retrait au profit de l'amendement n° 92 rectifié ter, et émettrai, à défaut, un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 30.
Mme Frédérique Gerbaud, rapporteure pour avis. - Les amendements identiques n°s 21, 93 rectifié ter et 147 rectifié étendent le champ des actions de prévention conduites par les régimes obligatoires aux jeunes de 16 à 28 ans - au lieu de 25 dans la rédaction actuelle.
L'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, a déjà étendu jusqu'à 25 ans, au lieu de 23, ces actions de prévention en direction des jeunes.
L'âge de 28 ans serait, pour les auteurs des amendements, aligné sur l'âge limite du versement des bourses de l'enseignement supérieur et correspondrait par ailleurs à la limite d'âge de l'actuel régime de sécurité sociale étudiant.
Les thématiques de santé publique intéressant la jeunesse peuvent très bien trouver à s'appliquer au-delà de 25 ans.
Je vous propose de nous en remettre, sur ces trois amendements identiques, à la sagesse du Sénat.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements identiques n°s 21, 93 rectifié et 147 rectifié.
Mme Frédérique Gerbaud, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 92 rectifié ter vise à associer les services communs universitaires à la conduite des actions de prévention en santé en direction des étudiants et prévoit également d'intégrer les conférences de chefs d'établissements d'enseignement supérieur à la conférence de prévention étudiante.
Le rôle des services de santé universitaires en cette matière est déjà explicitement visé par le texte issu des travaux de la commission. Toutefois, l'amendement apporte une précision supplémentaire, qui s'inscrit dans le sens souhaité.
Dès lors que les actions de prévention en direction des étudiants seront notamment pilotées par les établissements sur la base de la contribution vie étudiante instituée par l'article 4, le fait d'associer, par ailleurs, la conférence des chefs d'établissement d'enseignement supérieur à la conduite de ces actions paraît également légitime. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 92 rectifié ter.
Mme Frédérique Gerbaud, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 44 rectifié confie aux mutuelles étudiantes un rôle de coordination des actions de prévention en santé en direction des étudiants.
Comme je l'ai souligné pour les amendements précédents ayant un objet similaire, cette évolution irait au rebours de la réforme engagée par le présent projet de loi, qui supprime la délégation de gestion aux mutuelles étudiantes.
Le texte issu des travaux de la commission réaffirme déjà, en instituant une conférence de prévention étudiante, le principe de la coordination entre les différents acteurs impliqués localement dans la mise en oeuvre des actions de prévention, parmi lesquels pourront figurer les mutuelles. Retrait ou avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 44 rectifié.
Mme Frédérique Gerbaud, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 163 vise à associer les mutuelles étudiantes à la définition du programme de prévention en santé en direction des étudiants.
Comme je l'ai souligné, la réforme engagée par le projet de loi ne justifie plus le maintien de la mission générale de prévention que les mutuelles étudiantes assurent actuellement au titre de la gestion de la couverture obligatoire maladie des étudiants. Il ne paraît pas non plus justifié, dès lors, de prévoir leur consultation expresse, en tant qu'organisme « précédemment délégataire du régime étudiant », sur le programme de prévention qui découlera de la stratégie nationale de santé. Retrait ou avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 163.
Mme Frédérique Gerbaud, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 157 rectifié vise à associer les conférences de chefs d'établissement à la conduite des actions de prévention en santé en direction des étudiants.
L'amendement étant satisfait par l'amendement 92 rectifié ter, sur lequel nous avons émis un avis favorable, j'en souhaiterais le retrait et émettrai, à défaut, un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 157 rectifié.
Mme Frédérique Gerbaud, rapporteure pour avis. - Même avis sur l'amendement n° 156 rectifié, qui vise à associer les services communs universitaires à la conduite des actions de prévention en santé en direction des étudiants.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 156 rectifié.
Mme Frédérique Gerbaud, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 164 confie aux mutuelles étudiantes un rôle de coordination des actions de prévention en santé en direction des étudiants, avec l'objectif de consolider la mission de prévention en santé des mutuelles étudiantes, en l'occurrence en leur confiant un rôle de coordination, au niveau régional, des actions conduites en direction du public étudiant.
Cette évolution irait, là encore, au rebours de la réforme engagée par le projet de loi. Retrait ou avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 164.
Mme Frédérique Gerbaud, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 122 rectifié rétablit l'article 3 bis, qui demandait un rapport au Parlement sur l'accès aux soins des étudiants portant notamment sur la couverture santé complémentaire, et que la commission des affaires sociales a supprimé, considérant que de nombreuses données existent déjà sur le sujet, notamment à travers les travaux de l'Observatoire de la vie étudiante. Les réflexions concernant la couverture complémentaire et les moyens de l'améliorer ne sont pas spécifiques, en outre, au public étudiant.
Enfin, s'il s'agit, comme le mentionne l'objet de l'amendement, de faire un bilan de l'application de la réforme opérée par l'article 3 du présent projet de loi et de ses conséquences sur l'accès aux soins, le délai de six mois prévu pour la remise de ce rapport n'est pas opérant, car la suppression du régime étudiant ne sera engagée progressivement qu'à compter de la rentrée universitaire 2018.
A cet égard, l'article 3 prévoit déjà un bilan d'application remis au Parlement, d'ici à septembre 2021. Ce délai paraît plus adéquat pour tirer des conclusions sur les effets de la réforme, y compris en termes d'accès aux soins des étudiants. Retrait ou avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 122 rectifié.
TABLEAU DES AVIS
La réunion est close à 11 h 10.