Jeudi 16 novembre 2017
- Présidence de Mme Annick Billon, présidente -Audition de M. Édouard Durand, magistrat, et de Mme Ernestine Ronai, co-présidents de la commission « Violences de genre » du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes
Mme Annick Billon, présidente. - Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin Édouard Durand, magistrat, vice-président chargé des fonctions de juge des enfants au tribunal de grande instance de Bobigny, et Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, co-présidents de la commission « Violences de genre » du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE|fh).
La délégation a en effet souhaité vous entendre une nouvelle fois, pour commencer avec vous ses travaux sur les violences faites aux femmes. Notre réflexion s'inscrit dans une actualité très chargée : harcèlement et libération de la parole des victimes ; « affaire de Pontoise » qui fait écho aux travaux de la mission Flament-Calmettes ; publication du livre de Sandrine Rousseau sur l'affaire Baupin...
Dans ce contexte, des propositions de loi, dont les auteurs sont de toutes tendances politiques, ont été déposées tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat depuis le début de la session parlementaire. Le Haut Conseil à l'Égalité, dont vous êtes tous les deux membres, a d'ailleurs largement contribué à l'information sur les violences, en publiant un rapport sur le viol et en travaillant sur le harcèlement en ligne. Vous voudrez certainement nous en dire quelques mots.
La délégation souhaite réagir à tous ces événements et apporter sa pierre au débat.
Comme nous l'avons décidé jeudi dernier, elle se penchera d'abord sur la question du harcèlement sexuel dans toutes ses dimensions. Nous avons souhaité aussi faire porter notre réflexion sur les violences faites aux femmes handicapées, sujet très peu traité jusqu'à présent, comme d'ailleurs le handicap en général.
Dans la perspective de l'examen du projet de loi annoncé par le Gouvernement, nous travaillerons aussi sur les autres formes de violences faites aux femmes - agressions sexuelles et viols, violences conjugales... -, avec une attention particulière pour la dimension ultramarine de ce problème. Je crois donc que nous aurons d'autres occasions d'échanger avec vous, Madame Ronai, pour vous entendre nous présenter le travail que vous avez effectué au Conseil économique social et environnemental (CESE) sur les violences dans les outre-mer !
Cette préoccupation particulière pour les violences, qui caractérise ce début de session, s'inscrit toutefois dans la continuité des précédents travaux de notre délégation : je rappellerai à cet égard nos rapports d'information sur les femmes victimes de la traite et sur le bilan de dix ans de lutte contre les violences conjugales, tous les deux publiés en mars 2016.
Avant de laisser la parole à nos intervenants, je voudrais aussi signaler qu'Édouard Durand et Ernestine Ronai viennent de publier un travail collectif qu'ils ont coordonné, intitulé Violences conjugales, le droit d'être protégée. Vous nous en parlerez probablement. Je suis certaine que cet ouvrage sera une lecture intéressante pour nos travaux !
Peut-être M. Durand pourrait-il plus particulièrement aborder le thème de la coparentalité et réagir à la récente proposition de loi relative au principe de garde alternée des enfants, sur laquelle nous a alertés la semaine dernière Laurence Rossignol, et qui sera examinée en commission à l'Assemblée nationale le 22 novembre, puis le 30 novembre en séance publique ?
Mme Ronai pourrait ensuite nous présenter les points de vigilance actuels de la lutte contre les violences sexuelles et contre les violences conjugales, en évoquant les mesures législatives susceptibles d'améliorer notre arsenal juridique et en rappelant les principales conclusions de l'avis du HCE|fh sur le viol. Nous souhaiterions également que vous puissiez nous présenter l'étude relative au viol menée dans votre département, indispensable pour notre information.
À l'issue de votre présentation, les membres de la délégation qui le souhaitent feront part de leurs réactions et ne manqueront pas de vous poser des questions. Je vous remercie d'être venus jusqu'à nous et je vous laisse sans plus tarder la parole.
M. Édouard Durand, magistrat, vice-président chargé des fonctions de juge des enfants au tribunal de grande instance de Bobigny, co-président de la commission « Violences de genre » du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes. - Merci de votre invitation et de votre accueil, Madame la présidente. Cette délégation m'a déjà fait l'honneur de m'inviter à présenter mon travail, et je vous sais gré de l'attention que vous voulez bien accorder à l'expérience d'un juge des enfants. Madame Rossignol, je suis très heureux de vous retrouver et très admiratif du travail que vous avez effectué en tant que ministre. Nous pouvons continuer le sillon que vous avez tracé durant tout ce temps, car la cohérence de la législation de ces dernières années est un guide très important. Merci de votre engagement.
Vous m'avez demandé de parler plus particulièrement de droit de la famille et de coparentalité, en évoquant les violences faites dans ce cadre aux femmes et aux enfants. Ernestine Ronai et moi-même avons l'habitude de travailler ensemble sur ces questions : ce qu'elle m'a appris sur ce sujet m'aide à penser mon travail de juge.
Au fond, l'enjeu est la question du rapport entre les libertés individuelles fondamentales appliquées à la famille et l'ordre public. Nous voyons bien aujourd'hui que nous sommes toujours sur une sorte de ligne de crête : nous craignons toujours de tomber, d'un côté, dans l'immixtion excessive de la société et de l'État dans le champ privé de la famille, et, de l'autre, ce qui paradoxalement nous effraie moins, dans le risque de laisser dans le huis clos des familles une totale marge de manoeuvre aux agresseurs sur leurs proches.
À ce propos, permettez-moi de vous citer une phrase de l'oeuvre de Georges Bernanos, Sous le soleil de Satan : « Pour beaucoup de niais vaniteux que la vie déçoit, la famille reste une institution nécessaire, puisqu'elle met à leur disposition, et comme à portée de la main, un petit nombre d'êtres faibles que le plus lâche peut effrayer. Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui. » D'une certaine manière, comme juge, je peux être spectateur de ces violences, ou alors essayer d'en protéger les victimes.
La coparentalité est, de façon étonnante, quasiment le seul paradigme avec lequel nous pensons les rapports entre les hommes et les femmes, les pères, les mères et les enfants dans la famille aujourd'hui, dans un contexte où les séparations conjugales sont extrêmement nombreuses. Ce principe, qui a émergé sous l'impulsion de la Convention internationale des droits de l'enfant, a été traduit dans notre droit de façon plus explicite par la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, qui définit précisément dans notre code civil les implications du principe de coparentalité1(*).
En lien avec cette loi, nous pensons la coparentalité comme l'affirmation de la nécessité de préserver la place des pères, qui serait perçue comme fragile. Or c'est une illusion d'optique, car ce qui est nouveau dans notre droit, et fragile par sa nouveauté, c'est plutôt la reconnaissance de la place des femmes, épouses et mères, et des enfants dans la famille. Nous devons encore penser la coparentalité comme la préservation de la reconnaissance de la femme, épouse et mère, comme sujet de droit.
En réalité, le grand basculement, ce n'est pas la loi du 4 mars 20022(*), c'est la loi du 4 juin 19703(*) relative à l'autorité parentale qui nous a fait passer d'un régime de puissance paternelle à un régime d'autorité parentale. Ce fut une nouveauté radicale ! L'autorité se distingue en effet de la puissance par deux éléments : d'une part, l'autorité, contrairement à la puissance, exclut le recours à la violence, et, d'autre part, l'autorité parentale est juridiquement un pouvoir subordonné à une finalité. Or la finalité de l'autorité parentale, en vertu de l'article 371-1 du code civil, c'est la protection de l'enfant, pour reprendre les termes du législateur en 1970, ou l'intérêt de l'enfant, pour citer la loi du 4 mars 2002.
Nous avons donc deux impératifs à préserver. Le premier est la prise en compte de la place de la femme comme sujet de droit dans la famille, et le second est l'appréhension de ce que nous appelons l'intérêt de l'enfant.
Or il n'est pas excessif de penser que le souci quasiment exclusif actuellement semble être de préserver la place du père, ce qui est paradoxal. Pour le comprendre, il faut partir de nos représentations de la place des hommes, des femmes et des enfants dans la famille, de nos représentations personnelles et collectives.
La proposition de loi sur la résidence alternée4(*) fait référence à l'intérêt de l'enfant. Mais qu'est-ce que l'intérêt de l'enfant dans notre droit ? C'est une notion quasiment exclusivement subjective. L'intérêt de l'enfant, c'est la décision que j'estime, en tant que juge, devoir prendre. Mais mon collègue magistrat dira, pour une situation strictement identique, que l'intérêt de l'enfant est de prendre une décision contraire.
Il faut donc avoir une appréhension un peu plus objective de l'intérêt de l'enfant, en référence à ses besoins fondamentaux, tels qu'ils ont été introduits dans notre droit par la loi du 14 mars 2016 sur la protection de l'enfant5(*). Vous avez initié, Madame Rossignol, une démarche de consensus sur les besoins fondamentaux des enfants, qui a réuni beaucoup d'experts, notamment pour centrer la protection de l'enfant sur son besoin de sécurité et de stabilité. Ce besoin passe par la nécessité de lui donner des repères éducatifs constants.
Mais tout l'enjeu pour vous, parlementaires, est de garantir la cohérence de la législation. Car si les mesures de protection de l'enfant, d'assistance éducative prises dans les conseils départementaux ou au sein des services d'aide sociale à l'enfance, visent à garantir son besoin de sécurité, il faut aussi avoir cette priorité en tête quand on détermine les modalités d'organisation de la vie de l'enfant en cas de séparation des parents. Car le besoin de sécurité de l'enfant devrait être identique devant n'importe quel juge ou professionnel de la protection de l'enfance.
J'en viens à la coparentalité et aux violences conjugales.
Lors de la séparation des parents, il convient de distinguer quatre grands types de modèles correspondant à la situation nouvelle : l'entente, le conflit, la violence et l'absence.
Le premier modèle est l'entente. Il arrive que les parents s'entendent sur la séparation, sur l'organisation de la séparation et divorcent par consentement mutuel. Parfois, ils restent très bons amis après la séparation. Mais cela est rare et prend beaucoup de temps. La loi ou le juge ne peuvent faire croire que les parents peuvent s'entendre. C'est leur rendre un très mauvais service et c'est courir le risque que les besoins fondamentaux de l'enfant ne soient pas pris en compte.
Le deuxième modèle est le conflit. Il y a alors désaccord entre deux sujets, mais deux sujets qui respectent mutuellement la parole de l'autre.
Le troisième modèle est la violence conjugale. Ce n'est pas un désaccord entre deux sujets à égalité mais un rapport de domination entre un sujet et un objet, acquise par les passages à l'acte violents.
Le dernier modèle est l'absence ou la présence aléatoire de l'un des parents, le plus souvent le père. Paradoxalement, on en fait grief à la mère et on la suspecte d'avoir écarté le père de la vie de l'enfant, voire de procéder à ce que l'on appelle « l'aliénation parentale » 6(*).
Madame la présidente, vous avez parlé de la proposition de loi récente sur la résidence alternée. Permettez-moi de vous signaler que vos prédécesseurs ont voté en une nuit une proposition de loi similaire sur la résidence alternée, en référence à un prétendu syndrome d'aliénation parentale. Il y a derrière ce type d'initiative des lobbies qui peuvent être assez puissants.
Avant d'élaborer une loi sur les violences faites aux femmes, les parlementaires procèdent à des auditions, examinent des recommandations d'experts, puis débattent pendant plusieurs mois avant d'aboutir au vote du texte. Il faut aussi un long délai pour évaluer la mise en oeuvre de cette loi et préparer la loi suivante. Il y a donc un contraste entre les délais nécessaires à l'adoption de semblables lois et la précipitation dans laquelle a été voté l'amendement dont je parlais à l'instant7(*).
La proposition de loi sur la résidence alternée, qui sera débattue prochainement à l'Assemblée nationale, me glace le sang. Il est proposé que le code civil soit ainsi rédigé : « La résidence de l'enfant est fixée au domicile de chacun des parents, selon les modalités déterminées par convention, d'un commun accord entre les parents, ou à défaut, par le juge. Si la résidence de l'enfant ne peut être fixée pour une raison sérieuse au domicile de chacun de ses parents du fait de l'un d'eux, elle est fixée au domicile de l'autre. »
Il s'agit là d'une rédaction subtile. Ses auteurs ont tiré les conséquences du fait que les controverses sur le concept d'aliénation parentale avaient précédemment empêché la mobilisation du gouvernement et du législateur. Donc, il n'est plus fait référence au syndrome d'aliénation parentale, mais, d'une façon tout aussi fallacieuse, au concept d'intérêt de l'enfant. Or cette notion est mal articulée aux besoins fondamentaux de celui-ci. De plus, est introduite une sorte de distinction, très pernicieuse à mon avis, entre, d'une part, un principe de résidence, et, d'autre part, les modalités réelles de vie de la famille après la séparation, comme si, pour apaiser le divorce, il fallait dire systématiquement que l'enfant a en principe sa résidence chez ses deux parents, mais qu'il faudra traiter ensuite l'organisation concrète de la vie de l'enfant. Or les parents qui se séparent n'ont pas forcément envie que le jugement mentionne simplement la fixation de la résidence chez les deux. Ils veulent que la vie de la famille soit organisée de façon sérieuse et responsable, car le jugement rendu par le juge aux affaires familiales est la loi qui s'applique à la famille, et donc qui garantit la sécurité des relations entre les personnes.
En tant que juge aux affaires familiales, j'ai souvent vu des emplois du temps d'enfants dignes de ministres ou de sénateurs, avec un calendrier hebdomadaire ou mensuel qui comprenait toutes les couleurs de l'arc-en-ciel pour représenter les périodes où ils étaient chez leur père, leur mère ou leurs grands-parents. Comment un enfant peut-il se retrouver dans un tel système ? L'enfant a besoin de repères fondamentaux qui le sécurisent. Ses repères quotidiens doivent donc être préservés par les adultes qui s'occupent de lui. Rappelons-nous la citation de Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime, et la loi qui affranchit. »
Vous devez garantir que la loi protège les besoins fondamentaux de l'enfant et les mères victimes de violences conjugales. Cette proposition de loi viendrait à mon sens fragiliser considérablement tous les efforts qui ont été faits pour la protection des femmes victimes de violences conjugales. Il n'y a pas de compromis possible ! On ne peut pas introduire dans le code civil des mesures destinées à protéger les victimes de violences, et par cette proposition de loi, affirmer un principe qui balaie les quatre modèles dont je vous ai parlé il y a un instant.
En effet, quand il y a entente entre les parents, je ne suis pas opposé à la garde alternée à partir de sept ans. Quand il y a conflit léger, on peut le discuter ; quand il y a conflit sévère, absence ou violence, on ne peut pas protéger les victimes en les laissant sous l'emprise de l'agresseur, même quinze ans après la séparation.
Malgré le principe de l'autorité parentale, qui a pour finalité la protection et l'intérêt de l'enfant, nous avons encore une conception de l'autorité parentale servant principalement à reconnaître le parent dans son statut de parent. C'est pourquoi, en dépit de la loi du 4 août 20148(*) et de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant, très peu de décisions de justice retirent l'autorité parentale à un parent agresseur. Et trop peu accordent à un parent protecteur l'exercice exclusif de l'autorité parentale. Or l'autorité parentale peut être un moyen d'exercer une emprise sur les membres de la famille, même à distance, car le juge et le législateur reconnaîtront toujours cette prérogative au parent violent.
De la même façon, en voulant coûte que coûte maintenir un droit de visite et d'hébergement, voire une résidence alternée, au profit du parent agresseur, nous laissons celui-ci continuer à exercer sa domination sur l'enfant. Pourtant, des études ont montré que l'exposition de l'enfant aux violences conjugales a un impact traumatique plus sévère que l'exposition à la guerre ou au terrorisme. Nous savons aussi qu'un enfant sur deux exposé aux violences conjugales est directement victime de violences physiques exercées contre lui par le violent conjugal. De plus, la fille d'un parent violent court 6,5 fois plus de risques qu'une autre d'être victime d'agressions sexuelles ou de viols par le violent conjugal. L'enjeu, pour le parent violent, c'est le pouvoir, qui passe aussi par le sexuel. Il faut donc prendre en compte la dangerosité des violents conjugaux.
J'en viens à mon second sujet. Il existe quatre grands registres de la parenté qu'il ne faut pas confondre : la filiation, l'autorité parentale, le lien, la rencontre.
Commençons par la filiation. Vous connaissez ces situations où, bien que le parent soit incarcéré pour violences conjugales ou sexuelles sur l'enfant, les visites en prison sont maintenues entre eux, car c'est son père. Peut-être, mais la filiation n'emporte pas nécessairement l'autorité parentale ou son exercice. On peut maintenir la filiation sans l'autorité parentale.
Il faut également distinguer entre le lien et la rencontre. Le lien est psychique, la rencontre est physique. Dans le développement de l'enfant, un processus psychique est le détachement par lequel l'enfant s'autorise à ne plus vouloir être en lien avec un parent maltraitant. Or les violences conjugales sont l'une des plus graves maltraitances qui puissent être infligées à l'enfant. Il faut respecter l'enfant dans ce processus de détachement.
C'est pourquoi il faut combattre par tous les moyens les tentatives pour imposer le « syndrome d'aliénation parentale », caution du déni de la maltraitance faite aux enfants. Un parent protecteur qui alerte sur les troubles manifestés par l'enfant est effectivement instantanément suspecté d'aliénation parentale.
J'en viens aux deux propositions envisageables pour protéger à la fois l'enfant victime de violences conjugales et la mère, c'est-à-dire le parent protecteur.
La première piste est le cumul idéal de qualification.
Nous nous accordons aujourd'hui sur le fait que l'enfant est victime ou co-victime des violences conjugales, tant l'impact sur lui de ces violences est sévère. Il n'est pas pour autant reconnu en tant que tel sur le plan pénal, car l'infraction poursuivie est celle qui est commise contre sa mère, la seule victime sur le plan pénal. Mais il est possible que notre droit reconnaisse à l'enfant sa qualité de victime au sens pénal, et ce de deux façons.
On pourrait prévoir que la présence d'enfants dans le couple constitue une circonstance aggravante des violences conjugales. Mais cela ne suffit pas pour reconnaître pleinement la place de l'enfant comme victime. En outre, on suggèrerait ainsi que les violences conjugales seraient moins graves en l'absence d'enfants.
Pourrait ensuite s'appliquer, dans l'idéal, le cumul de qualification : un même fait est poursuivi en même temps sous deux incriminations pénales, par exemple les violences contre la conjointe et celles contre l'enfant. Les conditions exigées sont la pluralité d'objectifs visés par la société et la pluralité de victimes. C'est bien le cas, précisément, des violences conjugales...
La seconde piste relève à mon sens du fantasme juridictionnel.
Puisque nous sommes à la charnière entre les libertés fondamentales, les libertés privées et l'ordre public, il faudrait renforcer la place du procureur de la République dans le procès familial. Le procureur est déjà très présent au civil, en matière d'assistance éducative. C'est lui qui, le plus souvent, saisit le juge des enfants. Mais il est présent de façon rarissime dans la séparation des parents. Pourtant, l'article 373-2-8 du code civil prévoit déjà que « le procureur de la République peut saisir le juge aux affaires familiales ». C'est assez rare dans les faits. Peut-être le législateur pourrait-il ajouter que le procureur puisse intervenir comme partie dans le procès civil aux affaires familiales.
Souvent, les mères victimes savent que la convention par consentement mutuel est totalement inégalitaire, mais elles défendent le père violent. Cette attitude est compréhensible et la position des juges, ainsi que celle des notaires, est difficile dans ces affaires. Le juge doit-il laisser faire s'il n'est pas d'accord avec la convention ? La société doit, par la voix du procureur, prendre une autre décision pour protéger la mère et l'enfant.
Mme Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, co-présidente de la commission « Violences de genre » du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes. - Merci de nous recevoir, madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs. Ce moment est important, car si de nombreuses actions ont été menées ces dernières années en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, beaucoup reste à faire. Au moment où la parole se libère, le nombre de plaintes pour violences sexuelles - agressions et viols - a augmenté de 26 %. Comment vont-elles être traitées ?
Je suis inquiète, car si les forces de gendarmerie et de police ne prennent pas sérieusement en compte les plaintes et ne conduisent pas correctement les auditions, plus par manque de temps et de formation que dans un esprit malveillant, on risque l'échec. La Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), dont j'étais coordonnatrice nationale jusqu'à la fin de 2016, a publié à l'intention des professionnels concernés un guide d'aide à l'audition en matière de violences sexuelles et conjugales.
Une enquête réalisée à Angers dans les unités médico-judiciaires (UMJ) a montré qu'une seule audition y avait été réalisée avec ce guide. Or il est important d'interroger correctement une victime, de la laisser parler en confiance, sinon elle s'interrompra et ne donnera plus d'éléments pour l'enquête. Logiquement, le procureur classera la plainte sans suite, faute de preuve.
La formation des magistrats aux violences sexuelles et aux violences conjugales est également très importante, tant en formation initiale qu'en formation continue.
Édouard Durand et moi-même intervenons à l'École nationale de la magistrature (ENM) en formation initiale. Nous intervenons aussi en formation continue, lorsque les élèves ont choisi ce thème. Tous les outils nécessaires ont été créés par la MIPROF. Si 400 000 professionnels ont été formés, il faudrait peut-être envisager de rendre obligatoires ces formations pour tous les acteurs mentionnés par l'article 51 de la loi du 4 août 20149(*). Aujourd'hui, seuls les cursus des médecins et des sages-femmes comprennent cette formation pour tous, sans l'asseoir sur le volontariat. Actuellement, les travailleurs sociaux et les enseignants n'y sont pas tenus, ce qui ne semble pas approprié. Or la formation de tous les intervenants garantit un bon accueil des victimes.
Prenons appui sur ce qui existe pour continuer à progresser face à la situation nouvelle que nous vivons aujourd'hui. La libération de la parole à laquelle nous assistons est passionnante, mais elle exige notre vigilance. C'est pour une meilleure condamnation sociétale des agressions sexuelles et des viols que nous avons formulé, sous l'égide du Haut Conseil à l'Égalité, en octobre 2016, un avis, assorti de douze recommandations, que nous avons adressé à Laurence Rossignol, alors ministre, que je salue.
Les violences sexuelles ont été intégrées au 5ème plan gouvernemental de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes, et nous souhaitons qu'elles restent une priorité.
Deux questions cependant doivent être traitées. En premier lieu, Édouard Durand et moi-même avons beaucoup travaillé sur les mots : nous ne parlons plus de consentement, mais de contrainte. Le procureur adjoint à Bobigny, avec lequel je travaille, a comparé notre point de vue sur le viol à l'image du braqueur qui utilise un pistolet pour arriver à ses fins. C'est la même chose pour le viol : si l'on ne regarde que la victime, on ne verra pas nécessairement les moyens - menace, surprise ou violence - que l'agresseur a utilisés pour la forcer.
Il est donc extrêmement important de resituer précisément la définition du viol. C'est en 1980, après le procès d'Aix-en-Provence, que le regard a complètement changé sur le viol en se portant sur l'agresseur. On a alors commencé à comprendre que la victime peut ne pas être capable de manifester son non-consentement. C'est précisément le cas de la petite fille de Seine-et-Marne ou de celle de Pontoise... On sait que cette dernière avait montré à l'agresseur son carnet scolaire sur lequel figurait son âge (11ans), lui suggérant ainsi qu'elle ne pouvait pas être d'accord. Elle pensait qu'il allait comprendre... Elle l'a suivi par peur ! Soyons vigilants pour ne pas nous concentrer exclusivement sur le consentement de la victime, mais également sur les moyens de l'agresseur.
En second lieu, il faut fixer un âge en-dessous duquel la contrainte entre un majeur et un mineur serait automatiquement constituée. Personnellement, je pense que l'âge se discute. Au Haut Conseil, nous avons choisi 13 ans et moins, car nous voulions que l'écart d'âge entre le jeune majeur et la victime soit suffisant pour que la législation soit inattaquable et que son application ne suscite aucune difficulté. Nous avons choisi un écart suffisamment important - entre 13 et 18 ans -, mais la discussion reste ouverte. Il faut en tout cas par la loi fixer un interdit suffisamment fort. Cela servira à la fois à la pénalisation et à la prévention du viol.
Par ailleurs, certains envisagent un allongement des délais de prescription. Depuis 2017, la loi fixe un délai de prescription de six ans pour un délit et de vingt ans pour un crime10(*). Pour les mineurs, ce délai ne court qu'à partir de l'âge de 18 ans car ils ne peuvent pas ester en justice avant leur majorité. Lors des débats, certains souhaitaient mettre à égalité tout le monde - vingt ans pour tous - mais les enfants ne peuvent pas porter plainte avant leurs 18 ans : il ne s'agit donc pas de leur donner une dérogation, mais d'appliquer la justice. Si l'adulte n'entend pas ou ne veut pas entendre un enfant révélant des violences sexuelles, la souffrance de l'enfant va perdurer et cela provoquera un stress post-traumatique important. Nous avons tous entendu parler de la mémoire traumatique. Cela peut prendre du temps pour retrouver le souvenir du viol.
L'agression sexuelle d'un enfant provoque des conséquences tellement graves sur son développement affectif, cognitif et physique qu'il faut maintenir l'écart de prescription entre un majeur et un mineur. La Mission de consensus sur le délai de prescription applicable aux crimes sexuels commis sur les mineur-e-s, proposée par Laurence Rossignol et co-présidée par Flavie Flament et Jacques Calmettes, proposait un délai de trente ans. Les conséquences du viol d'un mineur sont telles que le droit à l'oubli n'a pas de sens dans ce cas. La victime, elle, n'est pas dans l'oubli. Pourquoi l'agresseur ne subirait-il pas de conséquences, quand bien même s'il s'agit d'un homme devenu âgé qui a autrefois violé sa petite fille ?
Depuis 2016, l'inceste est entré dans le code pénal avec une définition précise ; il était temps ! Mais toutes les conséquences n'en ont pas été tirées. Dans le code pénal, un crime commis par une personne ayant autorité est une circonstance aggravante, mais l'inceste n'est pas plus pénalisé qu'une agression commise par un moniteur sportif. C'est aberrant ! La relation affective dans le cadre familial devrait être un socle de sécurité, et donc une circonstance aggravante en cas d'agression.
Le Haut Conseil à l'Égalité propose un accompagnement et une prise en compte des violences sexuelles par deux mesures incluses dans le 5ème plan gouvernemental de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes, mais qui doivent être mieux appliquées : d'une part, l'intégralité des soins somatiques et psycho-traumatiques des victimes doit être prise en charge à 100 %, à l'instar de ce qui existe pour les victimes du terrorisme. Les victimes du « terrorisme familial » ne doivent pas être traitées différemment. Je co-anime actuellement au ministère de la Santé un groupe de travail sur cette piste, certes coûteuse, mais très importante. Au moment où vous débattez du budget, soyez vigilants !
D'autre part, préservons les preuves d'un viol, même si la victime n'a pas préalablement porté plainte. Actuellement, pour pouvoir se rendre dans une unité médico-judiciaire (UMJ), il faut porter plainte et avoir une réquisition du procureur.
En cas de viol, une femme a le réflexe d'aller voir un médecin pour savoir si elle est enceinte ou atteinte d'une maladie sexuellement transmissible. La Sécurité Sociale paie les analyses et les soins correspondants. Un simple geste supplémentaire permettrait de garder l'ADN de l'agresseur, afin de vérifier dans le fichier national qu'il n'a pas déjà été condamné. Pour la victime, c'est aussi un élément de réalité. Dans les UMJ, le fait de prélever l'ADN pour le ressortir en cas de plainte montre que vous êtes cru. Or les victimes de violences sexuelles portent rarement plainte, de peur qu'on ne les croie pas, car l'agresseur les prétendra consentantes. À Bordeaux, où est expérimenté ce dispositif, une étude sur dix ans a montré que pour les personnes qui se sont rendues aux UMJ indépendamment d'une plainte, le taux de plaintes passait de 10 à 30 %. Cela suppose d'avoir quelques moyens techniques, un lieu de recueil et un répertoire ; mais si la volonté politique existe, cela se fera !
La loi de juillet 201011(*) prévoit dans le code de l'éducation nationale des mesures de prévention sur les violences faites aux femmes par le biais de l'éducation à la sexualité et de la sensibilisation à l'égalité. Sept ans après, nous n'y sommes pas du tout. Cela se fait plus ou moins dans les établissements scolaires. Toutefois, en cas d'agression grave, il arrive que l'on nous sollicite en urgence pour intervenir... Cette prévention relève aussi d'une éducation à la sexualité qui ne soit pas uniquement « technique », mais qui évoque des relations humaines respectueuses...
Je voudrais dire un mot des viols jugés aux assises, c'est-à-dire les viols les plus graves. Dans une enquête menée en Seine-Saint-Denis sur les viols jugés aux assises, on constate que dans 33 % des cas seulement, l'ADN est mobilisé comme moyen de preuve. Cela montre que lorsque l'enquête est bien faite, les policiers bien formés, il y a mille autres façons de trouver des preuves. Ceci vaut également pour la prescription. Souvent, il n'y a pas de témoins de l'agression et, fréquemment, la victime ne se souvient de rien dès le lendemain... C'est l'enquête qui déterminera les choses, d'où l'importance de la prise en charge psycho-traumatique, d'un bon accompagnement par les UMJ ou les médecins, d'une enquête de voisinage... À mon avis, il n'y a pas plus d'éléments le lendemain que trente ans après... Souvent, il est rare que le violeur n'ait agressé qu'une seule personne, même s'il est difficile de détecter les réitérants, c'est-à-dire ceux qui recommencent mais ne se font pas arrêter. Faire des enquêtes de qualité suppose du personnel formé en nombre suffisant : là est le principal défi.
Mme Annick Billon, présidente. - Merci de vos interventions. Vous disiez, Édouard Durand, que la proposition de loi relative à la garde alternée vous « glaçait le sang ». En effet, s'imaginer qu'on règlera d'un seul coup les problèmes de séparation en décidant que la résidence de l'enfant doit être alternée relève d'un certain amateurisme pour le législateur. Nous devrons tous nous mobiliser au moment de son examen par notre assemblée. Je vous ai entendu. Vous avez bien défini les différents cas de séparation ; chacun doit être traité différemment. Vos propos me rassurent dans mes convictions.
Madame Ronai, une prise en charge à 100 % des soins post-traumatiques au profit des victimes de violences sexuelles est une excellente proposition. Toutes les études scientifiques montrent l'importance et la durée du traumatisme des violences conjugales sur les victimes ainsi que sur les enfants, victimes collatérales.
Laurence Rossignol, en tant que ministre, a fait énormément progresser les choses et il est heureux qu'elle fasse partie de notre délégation. Parmi les arguments contre le passage à une prescription de trente ans, la crainte que les preuves aient disparu est très fréquemment objectée. Vous avez montré les limites de cet argument et avez souligné l'importance de la formation de tous les acteurs, cruciale pour recueillir les témoignages et autres preuves. J'en prends note en vue de l'examen du projet de loi annoncé.
Monsieur Durand, pourriez-vous nous éclairer sur la pratique, qui semble devenue assez fréquente, de la correctionnalisation des affaires de viol : existe-t-il des statistiques démontrant un recours plus fréquent au tribunal correctionnel qu'aux assises pour juger ces affaires ? Quels sont selon vous les facteurs expliquant cette pratique ? Quelles peuvent en être les conséquences pour les agresseurs et les victimes ? Cela vous paraît-il une bonne ou une mauvaise évolution ? Si vous pensez que c'est une mauvaise chose, comment selon vous remédier à cette « dérive » ?
Pourriez-vous nous rappeler les différences entre médiation familiale et médiation pénale, et nous expliquer si ces médiations sont pertinentes ou, au contraire, totalement contre-indiquées, dans les cas de violences conjugales ?
Quel regard portez-vous sur la prise en charge des auteurs de violences ou des agresseurs sexuels, notamment s'agissant des stages de responsabilisation ? Quelles seraient selon vous les marges de progression en ce domaine ?
Madame Ronai, pourriez-vous nous dresser un bilan de la formation des professionnels susceptibles d'être en contact avec des femmes victimes de violences conjugales ou sexuelles ? Que reste-t-il à faire en matière de formation des professionnels de justice et de sécurité ? Peut-on, selon vous, aller au-delà de la formation et de la sensibilisation des acteurs pour améliorer l'accueil et la prise en charge des victimes de violences ?
Après la mesure d'accompagnement protégée (MAP), le département de Seine-Saint-Denis met en place une nouvelle mesure, celle de l'espace de rencontre protégé. Pourriez-vous nous dire en quoi consiste cette mesure et quelles sont les conditions actuelles de sa mise en oeuvre ?
Enfin, pourriez-vous nous faire un point sur la mesure d'accompagnement protégé (MAP) mise en place en Seine-Saint-Denis : ce dispositif s'est-il révélé efficace ? A-t-il été généralisé à d'autres départements ou bien existe-t-il uniquement en Seine-Saint-Denis ? Quelles sont les perspectives d'évolution de cet outil ?
Mme Françoise Laborde. - Vos interventions s'inscrivent dans l'ensemble des travaux consacrés aux violences par notre délégation. En 2016, nous vous avions entendu sur les traumatismes enfouis dont le souvenir revient grâce aux soins psycho-traumatiques. Vous nous aviez expliqué que la prise en charge devrait être similaire à celle des victimes du terrorisme : voir un psychologue trois mois, six mois ou un an ne suffit pas. Il faut un travail au long cours pour un possible réveil des souvenirs.
Vous avez raison de le souligner une nouvelle fois : l'emprise du parent agresseur peut perdurer par le biais de l'enfant ; la coparentalité ne se limite pas à l'accompagnement à l'école ou à recevoir les papiers...
Parfois, la victime peut de nouveau rencontrer son agresseur, non encore jugé ou dans le cas d'un aménagement de peines. J'aimerais travailler sur cette question de l'aménagement des peines dans le cadre d'un véhicule législatif adapté.
Mme Laurence Rossignol. - Il était indispensable que notre délégation vous entende. Je n'aurais pas fait le quart de ce que j'ai pu réaliser en tant que ministre sans M. Durand et Mme Ronai. Je cite souvent Édouard Durand : « L'enfant témoin est un enfant victime », ce qui est une révolution dans la prise en compte des violences conjugales. La MIPROF a contribué à changer cet angle de vue.
Je vous suggère un déplacement à l'UMJ de Saint-Malo, hôpital dans lequel est réalisé un remarquable travail de décloisonnement sur l'écoute des enfants et la lutte contre les violences faites aux femmes... Ils ont même réussi à faire réduire le nombre de réitérations, grâce au travail conjoint de la police, de la gendarmerie, du parquet, du siège et des médecins.
Je suis très perplexe sur la « correctionnalisation » du viol. Certains parquetiers engagés dans la lutte contre les violences faites aux femmes considèrent que le tribunal correctionnel assure une plus grande certitude de condamnation. On peut en douter au vu des récentes affaires de Pontoise et de Seine-et-Marne. Dans le premier cas, c'est la qualification d'atteinte sexuelle et non celle de viol qui a été retenue, et le prévenu a été condamné, sous ce motif, à des peines moins sévères. Dans l'affaire de Seine-et-Marne, le jury a acquitté l'auteur des faits, inculpé pour viol. Certes, il peut être difficile de convaincre les jurés...
M. Durand, bravo pour votre raisonnement sur la résidence alternée. Merci également pour vos remarques sur l'autorité parentale. En effet, il convient de dissocier l'autorité parentale du maintien du lien. Comment expliquer que le père meurtrier de la petite Marina ait conservé, après sa condamnation aux assises, l'autorité parentale sur ses frères et soeurs, placés à l'Aide sociale à l'enfance ? Ces enfants doivent solliciter l'accord d'un criminel tortionnaire pour des actes anodins de la vie quotidienne... En 2016, nous avons fait en sorte que le juge ait à justifier les raisons pour lesquelles il maintient l'autorité parentale d'une personne condamnée.
J'avais obtenu une circulaire du ministère de la Justice sur le syndrome d'aliénation parentale, mais elle doit être appliquée. Le processus est lent. Ne relâchons pas la pression, sous peine de revenir en arrière.
Dans la proposition de loi dont j'ai pris l'initiative, mes collègues et moi avons proposé l'âge de 15 ans en deçà duquel l'absence de consentement est présumée, par cohérence avec les atteintes sexuelles. Le HCE|fh a défini un seuil de 13 ans en se référant aux autres pays européens, qui depuis ont augmenté cet âge. Ce débat reste ouvert.
Les députés sont sous la pression des « masculinistes » pour la garde alternée. Pour les trouver, prenez la liste des signataires des appels au soutien aux pères sur les grues... Nous avons raison d'être vigilants !
Mme Françoise Cartron. - C'était un grand moment d'entendre vos présentations si claires. Dans les écoles, le retard de prévention est probablement dû au défaut de formation des enseignants, qui considèrent que ce n'est pas leur mission première. Avez-vous des contacts avec les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) pour mettre en place des modules de formation obligatoire de prévention et de vigilance à destination des enseignants ?
Je m'interroge, moi aussi, sur les bénéfices de la résidence alternée. Nous le savons, les enfants ont un besoin fondamental de repères et de stabilité. On peut l'observer, même en cas d'entente entre les parents, faire sa valise chaque semaine ne répond peut-être pas aux besoins de l'enfant...
Mme Laurence Cohen. - Merci pour cette riche présentation. C'est extrêmement important d'avoir, quelle que soit notre sensibilité politique, un travail sur la protection des mineurs en cas de viol. J'ai déposé avec le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) une proposition de loi fixant l'âge minimal du consentement à 15 ans. Même si je suis membre du HCE|fh, j'ai évolué après plusieurs auditions quant à la maturité des enfants et aux traumatismes engendrés. Le HCE|fh avait aussi choisi l'âge de 13 ans pour harmoniser sa position avec celle d'autres pays, qui l'ont changée depuis - comme le rappelait Laurence Rossignol. Soyons également cohérents avec l'âge de la majorité sexuelle. La priorité, c'est de protéger les enfants. Si un consensus se dessine pour 13 ans, je ne le refuserai pas. Actuellement, le seuil est à 5 ans ! C'est terrible...
Je suis troublée car des magistrats que j'ai rencontrés ne semblent pas estimer si grave le glissement vers la « correctionnalisation » du viol. En cela, je rejoins Laurence Rossignol. Selon ces magistrates - toutes des femmes - le tribunal correctionnel juge plus vite et le verdict est moins aléatoire, tandis que la cour d'assises rassemble magistrats et jury, avec des risques possibles. Certes, le viol est un crime et relève de la cour d'assises, mais en même temps il n'est pas concevable que les victimes y soient moins bien défendues. Je souhaiterais avoir votre éclairage sur ce point.
Enfin, soyons cohérents : il ne saurait y avoir de véritable politique contre les violences faites aux femmes sans moyens financiers. Oui, prenons en charge 100 % des soins aux victimes de violences. Mais nous ne pouvons pas, dans le même temps, voter un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) indigent...
Mme Laurence Rossignol. - ... ni un projet de loi de finances !
Mme Marta de Cidrac. - Merci pour cet exposé passionnant. Monsieur Durand, j'ai beaucoup aimé votre expression de « femme, sujet de droit ». Nos analyses sur les droits des femmes gagnent à s'appuyer sur des outils juridiques pointus. Cette remarque vaut pour les droits de l'enfant.
Nous nous interrogeons sur l'âge à partir duquel il y a contrainte. Il me semble étonnant qu'il faille légiférer sur ce sujet. Dès lors qu'il y a une agression, la contrainte ne devrait faire aucun doute... De même, par définition, l'inceste est commis dans le cadre familial : comment définir les circonstances aggravantes en matière d'inceste ?
Mme Nicole Duranton. - Merci pour ces interventions passionnantes et enrichissantes. Dans la lutte contre les violences faites aux femmes, il manque une meilleure synergie entre les forces de sécurité et les professionnels de la santé et de la justice. C'est un enjeu majeur. Dans le bilan du HCE|fh de novembre 2016 sur la mise en oeuvre du 4ème plan de lutte contre les violences faites aux femmes, vous préconisez l'instauration de commissions départementales. Où en sont-elles ?
Par ailleurs, le viol conjugal est souvent passé sous silence au sein du couple, la frontière avec ce que l'on appelait « le devoir conjugal » étant ténue. Seules 2 % des femmes portent plainte. Comment faire changer les mentalités et inverser la tendance ?
Mme Christine Prunaud. - J'ai été passionné par vos interventions, plus particulièrement sur la garde alternée. Récemment, elle était considérée comme la « moins pire » des solutions pour les enfants, or vous remettez en cause ce présupposé... Nous avons également besoin de travailler ensemble sur l'âge du consentement. Merci de votre engagement.
M. Édouard Durand. ? Merci de vos questions, qui recouvrent bien les enjeux des violences sexuelles, conjugales et familiales...
Ernestine Ronai citait tout à l'heure l'interdit moral. En tant que citoyens, nous assumons de porter un regard moral sur la famille, avec l'interdiction de la violence en son sein. Deux logiques peuvent être adoptées à cet égard. Selon la logique du droit du principe, la famille n'est pas un groupe si spécifique que les principes d'organisation de la société ne peuvent s'appliquer à elle, comme la liberté et l'égalité - être ou non un sujet. Selon la logique du droit du modèle, la famille est un regroupement humain si particulier que l'organisation des rapports en son sein doit se conformer à un modèle spécifique.
Nous pensons pour notre part que le rapport homme-femme, père-mère, mari-épouse doit suivre le droit du principe pour penser l'altérité sexuelle et aussi l'égalité entre les époux. Mais nous pensons aussi que la place des enfants et leur protection doivent suivre la logique du droit du modèle : ils ont des besoins qui sont universels, comme la sécurité, ainsi que le montrait la Mission de consensus demandée par Laurence Rossignol. Nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons au sein de la famille. Pour survivre, un enfant doit faire appel à une figure d'attachement - comme lorsqu'on appelle à l'aide en cas de besoin -, souvent la mère. Si l'on ne prend pas cela en compte, on désorganise son développement.
Je reviens sur la remarque de Laurence Rossignol : peut-on faire confiance au juge ? J'en suis persuadé. Mais il y a un risque d'inconstitutionnalité et d'inconventionalité d'une loi qui systématiserait le retrait de l'autorité parentale en cas de viol ou d'agression sexuelle. Actuellement, la loi oblige le juge à se poser la question, mais il ne s'en saisit pas assez et ne justifie que rarement l'absence de retrait d'autorité parentale.
Mme Laurence Rossignol. - Cela se passe ainsi ?
M. Édouard Durand. - Il y a trop peu de traitement de l'autorité parentale sur le plan pénal. Souvent, la question n'est pas réglée...
Mme Ernestine Ronai. - ... même en cas de « féminicide » !
M. Édouard Durand. - Oui. Les magistrats raisonnent au cas par cas, et c'est leur fonction : individualiser la réponse civile ou pénale aux enjeux d'une situation particulière. Mais ils ne peuvent pas faire l'économie des grands modèles, au risque de devenir arbitraires. Souvent, toutefois, au cas par cas, le juge aux affaires familiales fait la même chose, et décide systématiquement l'exercice conjoint de l'autorité parentale dans le cadre de la garde alternée ou du droit de visite et d'hébergement classique, parce qu'il ne se réfère pas à ces grands modèles devant guider le travail des juges...
Selon certains, dans une optique féministe, la résidence alternée permettrait aux mères de dégager davantage de temps pour leur vie personnelle ; c'est illusoire ! Ce qu'elle ferait une semaine comme mère, elle le ferait la semaine suivante comme belle-mère. En tant que législateurs, faites attention à l'espace que vous pensez créer pour ces femmes ; ce n'est pas la bonne solution.
Avec les lois de 2010 et de 2014, le législateur a exclu le recours à la médiation pénale dans le cas de violences conjugales. On ne peut pas avoir d'alternative aux poursuites pénales ni poursuivre son agresseur sous réserve de sa participation à la médiation pénale ? cela mettrait les deux personnes sur un même plan. Mais le législateur a, parallèlement, ouvert la possibilité de la médiation familiale, donc civile, ordonnée par le juge aux affaires familiales et non par le procureur de la République, dans le cadre de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle12(*) . Or cette justice a plutôt comme modèle l'industrie du XIXe siècle : il faut aller toujours plus vite et tendre à des modèles de traitement « tout faits »... Il faut, j'en suis convaincu, que la loi prévoie une exception très claire à la médiation familiale, notamment en cas de violences conjugales, en l'excluant dès lors que les violences sont alléguées, et pas seulement commises. Pour éviter la médiation, il suffirait alors de dire qu'on a été victime de violences pour que le juge se saisisse ensuite du fond du dossier.
Nous sommes souvent victimes d'une illusion d'optique : depuis longtemps, les agresseurs sexuels bénéficient d'une attention sociale, et notamment de soins, éventuellement sous contrainte. Je suis favorable au contrôle par la société des soins aux sujets violents, à ce retrait de liberté nécessaire pour préserver de la violence tant l'espace public que l'espace privé. Mais nous devons avancer au rythme des victimes et non à celui des agresseurs, même si le parcours de soins de l'agresseur est très important, long et patient, et qu'il lui permet de ne plus être violent. Le psycho-traumatisme de la victime peut être très grave. La psychologue Linda Tromeleue nous met en garde : « nous ne devons pas nous laisser infiltrer par la pensée de l'agresseur, car il s'agit de grande criminalité ».
Il existe déjà un interdit - et une infraction - d'atteinte sexuelle pour une relation sexuelle avec un enfant de 14 ans au plus, et cette qualification a été utilisée à Pontoise pour poursuivre l'agresseur devant le tribunal correctionnel. La loi ne dit pas qu'on est majeur sexuellement à partir de 15 ans - l'idée de majorité sexuelle est perverse - car un enfant est mineur jusqu'à 18 ans, et ses parents sont responsables de sa protection, y compris sur le plan de la découverte de sa sexualité. Mais un majeur ne commet pas d'infraction si le mineur de 15 ans ou plus est consentant.
À Pontoise, la société est parvenue à voir la scène, ce qu'il y avait de choquant à se représenter une pensée égalitaire entre cet adulte et cette enfant de 11 ans et les conséquences de cet acte sur le développement mental, affectif, corporel et sexuel de l'enfant. Mais nous avons des injonctions sociales très contradictoires : voyez l'hypersexualisation des enfants, sur laquelle Chantal Jouanno a publié un rapport13(*). Le pédopsychiatre Maurice Berger a écrit un article : « Que reste-t-il du rôle civilisateur du complexe d'OEdipe ? », dans un environnement affecté d'un côté par l'hypersexualisation de l'enfance, et l'accès précoce à la sexualité, et de l'autre, par une volonté de perfectionner la protection de l'enfance...
Ce qui est moral, c'est de protéger le développement de l'enfant, car il est vulnérable et garant de la continuité du monde. Il faut fixer un seuil d'âge en dessous duquel l'agression est systématiquement qualifiée d'agression sexuelle ou de viol. Un acte sexuel reste possible entre adultes et avec un mineur de 15 ans ou plus, si cet âge est retenu, s'il n'y a ni menace, ni contrainte et ni surprise. En deçà de ce seuil, l'agression est systématiquement constituée.
Mme Laurence Rossignol. - En conséquence, vous choisiriez 15 ou 13 ans ?
M. Édouard Durand. - Le « mineur » est celui qui a moins de 18 ans, un « mineur de 13 ans » a 12 ans ou moins, un « mineur de 15 ans » a 14 ans ou moins - 15 ans exclus. Dans la moyenne des pays européens, le seuil est de 13 à 15 ans. Si le seuil de 13 ans préconisé par le HCE est choisi, il restera la qualification d'atteinte sexuelle, donc au total trois régimes de qualification. Un seuil de 13 ans - donc jusqu'à 12 ans inclus - me semble trop faible. Un seuil à 14 ans serait une bonne moyenne - c'est une façon de ne pas répondre...
Mme Ronai a prononcé une phrase remarquable sur les tribunaux en parlant des viols jugés aux assises, « c'est-à-dire des viols les plus graves »... Cela dit beaucoup : normalement, chaque viol est un crime, et doit être jugé par la cour d'assises, tandis que le délit est une infraction jugée par le tribunal correctionnel. C'est la juridiction qui détermine la qualité de l'infraction, et non la gravité de l'acte. Or notre système établit une sorte de graduation entre les crimes plus ou moins graves... C'est un problème de principe.
Certains font davantage confiance au magistrat qu'au citoyen, il faudrait peut-être concilier les deux... D'autres experts seraient plus compétents que moi sur ce sujet. Je suis juge des enfants, donc aussi juge pénal des enfants délinquants. Les enfants criminels de moins de 16 ans sont jugés par le tribunal pour enfants statuant en matière criminelle ; ceux de 16 et 17 ans par la cour d'assises des mineurs ; les adultes criminels par la cour d'assises. Or la correctionnalisation ne se produit que pour les cours d'assises des mineurs. On ne correctionnalise pas pour les enfants de moins de 16 ans car ils sont quand même jugés par le juge pour enfants. C'est quelque chose de purement opportuniste à mon avis. Le système garde les conséquences de la qualification criminelle des actes des enfants de moins de 16 ans : le fichier sur les infractions sexuelles, le casier criminel... Nous sommes beaucoup plus complaisants avec les enfants de plus de 16 ans et les adultes qu'avec ceux qui ont moins de 16 ans. Inspirons-nous du tribunal pour enfants jugeant en matière criminelle.
Mme Laurence Rossignol. - Que va dire la Chancellerie !
Mme Ernestine Ronai. - Je voudrais revenir sur la correctionnalisation.
Dans l'enquête que nous avons réalisée en Seine-Saint-Denis, 46 % des agressions sexuelles jugées devant le tribunal correctionnel étaient en réalité des viols. C'est énorme ! Quel est l'intérêt de la cour d'assises ? Certes, elle coûte cher, mais elle présente le grand avantage de juger selon une procédure orale, ce qui signifie que la victime et l'agresseur entendent les éléments du dossier lors de l'audience, les experts, la famille.
La valeur pédagogique de ce principe est très forte, car la victime peut se reconstruire et l'agresseur peut reconnaître les faits, même s'il était dans le déni au départ. Or la compréhension est essentielle pour la prévention de la récidive. Tout le monde sait aussi que les avocats de la défense peuvent être durs avec la victime, et donc extrêmement déstabilisants pour elle. C'est pourquoi la personne qui vient en cour d'assises ne doit pas être seule ; elle doit être accompagnée par une association et préparée à la cour d'assises.
Il est inexact d'affirmer que les affaires jugées en cour d'assises ne donnent pas lieu à condamnation. En Seine-Saint-Denis, selon l'enquête que nous avons réalisée, la décision de poursuivre par le procureur a donné lieu à 92 % de condamnations en cour d'assises et à 82 % en correctionnelle, soit une bonne moyenne de condamnation dans les deux cas. En réalité, quand l'enquête est bien menée, les faits peuvent être reconnus. Il ne faut pas sous-estimer la qualité de l'enquête, capitale pour la suite de la procédure. Or tous les magistrats ne sont pas sensibilisés à son importance.
J'ai indiqué que l'ADN était pris en compte dans 33 % des cas en cour d'assises, et beaucoup moins en correctionnelle. Cela dit, l'ADN n'est pas le seul élément déterminant de preuve.
Autre élément en faveur du maintien des cours d'assises, peut-être en les améliorant : selon le procureur adjoint de Bobigny, les jurés de la société civile ne jugent pas plus mal que les juges de métier, qui peuvent ne pas être très favorables aux victimes. Il faut impérativement dire le droit aux jurés. Personnellement, je reste assez attachée à la cour d'assises et aux moyens qui lui sont accordés.
Sur la question du viol conjugal, le nombre de plaintes est en augmentation, de même que celui des condamnations, si les plaintes sont correctement traitées. La notion de « devoir conjugal » commence à s'estomper ! Grâce aux médias, les Français prennent conscience qu'un viol conjugal, cela existe. Sans doute avons-nous encore besoin d'une campagne de grande ampleur, après celle de mars 2016 sur les agressions sexuelles et les viols. La société est prête, agissons en accord avec elle : télévisions, affiches, flyers...
Vous avez un rôle à jouer pour nous aider. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai l'histoire du budget ridiculement petit du secrétariat d'État chargé de l'Égalité entre les femmes et les hommes. Nous devons engager un vrai travail dans ce domaine, en ayant le souci de rétablir l'expression « droits des femmes » dans l'intitulé de ce département ministériel. C'est à mes yeux très important de parler de violences faites aux femmes plutôt que de violences sexuelles et sexistes, car dans la société actuelle, ce sont les femmes qui sont majoritairement victimes de violences, notamment dans l'espace privé et par une personne connue dans 90 % des cas. Le profil des hommes victimes est différent : les hommes subissent plutôt des violences physiques dans l'espace public, et par des inconnus. Poursuivons donc les efforts consacrés à la lutte contre les violences faites aux femmes.
J'en viens aux circonstances aggravantes.
L'inceste est défini depuis 2016 par le code pénal, mais celui-ci n'a pas prévu une peine spécifique à la hauteur de la gravité de l'inceste. Le fait que l'auteur exerce sur le mineur une autorité est une chose, mais il faudrait ajouter une autre mention différenciant l'inceste du viol ou de l'agression sexuelle. Une agression au sein de la famille ne peut être traitée comme les autres cas.
Je vous rappelle que dans notre avis sur le viol, nous proposions que, jusqu'à 18 ans, une relation entre un majeur détenteur de l'autorité parentale et un mineur de 18 ans sur lequel s'exerce cette autorité soit considérée ipso facto comme un viol ou une agression sexuelle. Cette idée me paraît très importante et pourrait être intégrée dans une future loi.
Je vous remercie sincèrement de votre attention et de vos questions, car grâce à vous, des évolutions sont possibles. Je connais déjà l'engagement de certains d'entre vous sur ces sujets. Ce combat est long et difficile. Pour le mener à bien, nous avons besoin de vous ! (Applaudissements.)
Mme Annick Billon, présidente. - Nous avons été très heureux de vous recevoir aujourd'hui : nos collègues ont été passionnés par vos interventions et par les pistes de réflexion que vous nous avez livrées. La délégation aux droits des femmes a la ferme volonté de défendre les femmes victimes de violence, forte de son expérience dans ce domaine et avec une dynamique nouvelle due au renouvellement des membres de la délégation. Monsieur Durand, vous êtes un homme de consensus...
Mme Laurence Rossignol. - De compromis !
Mme Annick Billon, présidente. - ...en proposant l'âge de 14 ans ! Pour ma part, je ne m'étais pas aventurée à cosigner les propositions des lois qui ont été déposées depuis quelques semaines sur ce sujet. Je ne voulais pas, en tant que présidente de la délégation, me positionner avant que le débat ne soit ouvert et tranché entre nous.
Vos propos sur la « correctionnalisation » du viol sont très éclairants. Beaucoup reste encore à faire en matière de lutte contre les violeurs mais il faut poursuivre les efforts entrepris en matière de formation et promouvoir une campagne d'information, comme vous le suggérez. Nous devons tous être vigilants car bien souvent, les organismes qui protègent les victimes de violence sont à la merci des budgets et des subventions qui leur sont alloués, sans garantie de pérennité suffisante dans le temps pour agir efficacement sur le long terme. Nous aurons d'autres occasions d'échanger sur tous ces sujets. Merci à tous !
Mme Ernestine Ronai. Nous vous invitons en Seine-Saint-Denis !
Mme Annick Billon, présidente. - Nous acceptons cette invitation avec grand plaisir. Je remercie M. Durand et Mme Ronai, ainsi que tous ceux de nos collègues qui sont intervenus ce matin.
La délégation procède ensuite à la nomination des rapporteurs du groupe de travail relatif au harcèlement et aux violences sexuelles : Mmes Nicole Duranton, Laurence Rossignol, Noëlle Rauscent, M. Loïc Hervé, Mmes Françoise Laborde et Laurence Cohen.
* 1 Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale.
* 2 Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale.
* 3 Loi n° 70-459 du 4 juin 1970 relative à l'autorité parentale.
* 4 Proposition de loi de M. Philippe Latombe et plusieurs de ses collègues relative au principe de garde alternée des enfants, enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 octobre 2017, n° 307, 15ème législature.
* 5 Loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant.
* 6 Le syndrome d'aliénation parentale a été créé par le psychiatre Richard Gardner dans les années 1980 pour expliquer l'attachement unilatéral d'un enfant à un parent (le plus souvent la mère) quand il s'accompagne d'une attitude de rejet à l'égard de l'autre parent (le plus souvent le père). Le syndrome d'aliénation parentale n'est pas reconnu en tant que trouble par la communauté médicale et judiciaire. (Note du secrétariat).
* 7 Il s'agit d'un amendement portant article additionnel après l'article 17 du projet de loi sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, adopté au Sénat le 17 septembre 2013.
* 8 Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.
* 9 Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.
* 10 Loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale.
* 11 Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.
* 12 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
* 13 Contre l'hypersexualisation, un nouveau combat pour l'égalité, rapport parlementaire de Mme Chantal Jouanno, sénatrice de Paris, du 5 mars 2012.