Jeudi 9 novembre 2017
- Présidence conjointe de M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes et de M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées -
La réunion est ouverte à 11 h 50.
Rencontre avec une délégation de la commission parlementaire de la Chambre des Communes
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Nous sommes très heureux de vous accueillir devant notre groupe de suivi du retrait du Royaume-Uni, que nous venons tout juste de reconstituer après le récent renouvellement du Sénat.
Sous la précédente mandature, nous avions plaidé pour une séparation ordonnée. Selon notre analyse, un échec des négociations était possible, mais devait être évité. Nous avions aussi souligné le caractère indissociable des quatre libertés : libertés de circulation des biens, des personnes, des services, des capitaux.
Or, nous constatons que les négociations de l'accord de sortie semblent avoir peu avancé. Nous souscrivons pour notre part aux trois conditions posées par l'Union européenne portant respectivement sur la situation des ressortissants européens et réciproquement celle des citoyens britanniques, sur la question de l'Irlande et sur le règlement financier. Quelle est votre analyse ? Pensez-vous que le dossier puisse évoluer favorablement d'ici le Conseil européen de décembre ?
Un accord de transition est par ailleurs parfois évoqué afin d'éviter une rupture brutale à compter du 29 mars 2019, date de sortie de l'Union européenne. Qu'en pensez-vous ?
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Je me joins à ce mot de bienvenue au nom de la commission des Affaires étrangères. Je souhaiterais vous interroger sur le cadre des relations futures entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Nous Européens souhaitons clarifier d'abord les modalités de la sortie. Plusieurs modèles ont été évoqués, allant d'une relation dans le cadre de l'OMC, jusqu'à d'autres formules d'association, avec l'AELE ; certains évoquent enfin un statut spécial, sachant que le Royaume-Uni ne peut obtenir un statut plus favorable en dehors qu'au sein même de l'Union européenne.
Il nous semble qu'il n'y a pas d'accord outre-Manche sur ce point, donc nous serions très intéressés par votre avis.
Enfin, Mme Theresa May a fait à Florence une proposition d'accord d'association sans condition sur les questions de sécurité et de défense. Nous y sommes particulièrement sensibles, une coopération étroite étant nécessaire en particulier dans la lutte contre le terrorisme. Paradoxalement, c'est une partie de l'Europe politique que les Britanniques souhaitent garder. Comment envisagez-vous cette association ? Les traités de Lancaster House nous lient en matière de défense, peuvent-ils servir de modèles pour l'établissement de relations plus étroites avec d'autres États de l'Union européenne ?
M. Hilary Benn, président de la commission du Brexit, ancien ministre. - Merci. Vous venez de poser plusieurs questions très importantes. Nous avons aussi hâte de vous poser des questions sur la position de la France à l'égard de ce processus, qui comporte deux étapes : un accord sur les droits des citoyens européens en Grande Bretagne et vice-versa. Il y a 1,2 million de citoyens britanniques dans les 27 États membres de l'Union européenne. Dans un accord final qui contiendrait toutes les questions que nous souhaitons voir couvertes, il pourrait y avoir une Cour de justice hybride. Le processus est en cours. Le problème de l'Irlande du Nord est particulièrement important, en raison de la durée du conflit, et du nombre de morts accumulés tout au long de celui-ci. M. Barnier, que nous avons rencontré hier, comprend très bien ce point de vue.
Quant aux discussions sur ce qui se passe ou se passera à la frontière, ce devra être avec et pour les citoyens : il faudra une aire de voyages libres, semblable à celle qui était en vigueur en Europe avant même l'Union européenne.
Sur l'accord financier, Michel Barnier a été très clair hier : nous avons des obligations. Notre Premier ministre a fait des déclarations à Florence. J'espère qu'elles nous permettront d'avancer dans les négociations.
Quant à la lutte contre le terrorisme, nous exprimons notre solidarité après les terribles attaques qui ont eu lieu à Paris et à travers votre pays. L'une de nos assistantes a perdu la vie dans un tel attentat chez nous.
Je rappelle le point de vue du Gouvernement britannique : nous ne souhaitons pas dépendre de la Cour de justice de l'Union européenne. L'avenir de la liberté de circulation est un point très difficile des négociations. Les avis diffèrent au sein de notre commission. Nous espérons tous que nous aurons une période de transition. Il y a un débat très animé, au sein du Parlement britannique, sur les douanes, le marché unique et la gestion de la législation européenne. Qu'allons-nous garder ; changer ? De quoi les Cours britanniques auront-elles la charge ?
Nous comprenons que le Brexit ne soit pas votre priorité ; vous avez vos propres problèmes nationaux. Nous avons l'impression de courir derrière un train en mouvement : actuellement, il bouge très lentement ou est à l'arrêt en gare. Nous souhaitons tous le voir avancer.
Permettez-moi une question très directe : en Grande-Bretagne, beaucoup de personnes croient que ce ne serait pas un problème de ne pas avoir d'accord. Je pense personnellement que ce serait un désastre pour notre pays. Quelles seraient les conséquences pour la France d'une absence d'accord ? J'espère, comme M. Barnier, que nous parviendrons à un accord, mais le risque existe. Les sujets sont complexes et le « tic-tac » de l'horloge se fait entendre...
M. Jean Bizet, président de la commission des Affaires européennes. - Il est vrai que nous redoutons qu'il n'y ait pas d'accord. Ce serait un désastre pour la Grande-Bretagne, mais ce ne serait pas très intéressant non plus pour les 27 États membres. Je rappelle que les flux commerciaux entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne s'élèvent à 44 % ; dans l'autre sens, à 8 %. Il n'empêche que pour la France, ce serait financièrement, économiquement, culturellement, un échec. Nous ne le souhaitons pas, mais nous ne l'avons pas voulu : c'est M. Cameron qui a décidé de lancer un référendum. Je le dis avec beaucoup de courtoisie : ce serait une faute stratégique majeure, pour vous, mais aussi pour l'ensemble de l'Unions européenne. Dans un monde très ouvert, très globalisé, tous les États qui comptent sont des États continents. Comment pèseriez-vous davantage, avec 80 millions d'habitants, qu'avec 450 millions ou 500 millions d'habitants ? Une absence d'accord ou un mauvais accord serait une mauvaise nouvelle pour la France.
M. Hilary Benn. - Je suis entièrement d'accord avec vous.
M. Stephen Crabb (parti conservateur). - Merci beaucoup de nous accueillir. J'ai fait campagne pour que le Royaume-Uni reste dans l'Union européenne et j'essaie de m'assurer que le Gouvernement de Theresa May ait une stratégie claire pour quitter l'Union européenne. Nous sortons d'une réunion avec le Medef, qui a souligné l'importance d'une période de transition. Hier, nous avons entendu M. Barnier à Bruxelles. Il nous a dit que la période de transition devait être courte, mais il nous a aussi alertés sur les difficultés à négocier les relations avec l'Union européenne après 2019. Quel est votre point de vue sur la durée de cette période de transition et qu'en pense votre Gouvernement ?
M. Stephen Kinnock (parti travailliste) (s'exprimant en français). - Je suis député du pays de Galles. Je vous remercie, Messieurs les Présidents, pour votre accueil. Il y aurait un accord entre l'Union européenne et le Gouvernement britannique, selon lequel la période de transition serait semblable au statu quo, la seule différence étant que le Royaume-Uni ne participerait pas aux sommets, et n'aurait ni commissaire, ni député au Parlement européen.
L'opinion publique en France a-t-elle compris que les relations ne vont pas changer pendant deux ans ? Pendant cette période seront négociées les relations futures. La France dira-t-elle que la priorité va à l'intégrité du marché intérieur ? Peut-on envisager un compromis, sur le modèle norvégien, ou sous forme d'une association, sur le modèle ukrainien ?
Mme Joanna Cherry (parti national écossais). - Une majorité d'Écossais ont voté pour rester dans l'Union européenne. Pour l'instant, il est possible que le Gouvernement de Theresa May échoue. Quelle serait l'attitude de l'Union européenne si nous décidions que nous souhaitons rester, finalement ?
M. Olivier Cadic. - Je représente les Français de l'étranger et je vis au Royaume-Uni depuis 21 ans, à Canterbury. Je représente donc les Européens du Royaume-Uni, qui sont trois millions, et que je rencontre tous les mois. J'organise une réunion ce samedi. Leur perception n'est pas du tout celle que vous exprimez. Ils n'ont aucune certitude, ne savent pas où ils en sont, ni s'ils vont rester. Ils savent que c'est compliqué ; on leur a demandé de remplir 80 pages de formulaires, puis on leur demande encore autre chose...Pour les entrepreneurs comme moi, la question est de préparer leur départ pour l'année prochaine.
Ce pays est magique. J'y ai vécu 21 années formidables, j'y ai développé mon entreprise, dans un environnement extraordinaire. Lors de la campagne, on parlait de sortir des institutions de l'Union européenne, mais pas du marché unique ! Personne n'imaginait aller aussi loin que là où l'on est en train d'aller.
Si la période transitoire devait durer toujours, cela satisferait tout le monde !
En trois ans, j'ai effectué 217 déplacements, dans 64 pays du monde. J'ai une conviction : plus un seul des États de l'Union européenne n'a la taille critique pour affronter la mondialisation. Le Brexit satisfait des puissances qui veulent affaiblir l'Europe et la démocratie.
Alors, oui, trois millions d'Européens au Royaume-Uni et deux millions de Britanniques en Europe font un rêve éveillé : que ce cauchemar se termine, que pourquoi pas, le Royaume-Uni reste dans l'Union européenne ?
M. Richard Yung. - «What a mess indeed !» C'est le sentiment que nous avons tous. L'approche de la phase de transition est assez difficile, car cela veut dire que les problèmes ne sont pas réglés. Cet Himalaya de difficultés mettra dix ans à se résoudre. Demeure un fait : le Royaume-Uni est sorti et devient un État tiers, comme l'Afrique du Sud, au moins au début. Ensuite, au fur et à mesure des progrès dans la négociation des différents chapitres, à commencer par les trois premiers que vous avez mentionnés, Monsieur le Président, des ouvertures pourraient avoir lieu, qui correspondent aux intérêts de nos deux économies, compte tenu de l'importance de nos échanges.
Quelle est votre position sur la négociation financière de sortie ?
M. Hilary Benn. - Notre commission n'a pas adopté de position en la matière. C'est une question à laquelle le Gouvernement doit répondre. Dans son discours de Florence, le Premier ministre a évoqué la somme de 18 à 20 milliards, dans un cadre pluriannuel et a assuré que la Grande-Bretagne honorerait ses engagements. Le Royaume-Uni rajoutera-t-il des dispositions supplémentaires lors du Conseil de décembre ? Un progrès n'est pas un accord. Il incombe à M. Barnier et au Conseil européen de décider. C'est un sujet sensible et tout Gouvernement peut légitimement s'interroger sur l'accord final.
On peut différencier l'accord de séparation avec l'Union européenne et les droits citoyens d'une part, l'accord budgétaire d'autre part.
Le Premier ministre a dit très clairement qu'elle souhaitait que les citoyens européens restent. Qu'en pensent les trois millions de personnes qui sont en Grande-Bretagne ? Tout n'a pas été réglé. La question du regroupement familial est très importante. Quoi qu'il en soit, on ne peut aboutir à un autre résultat que le maintien de leur résidence au Royaume-Uni, sinon, ce serait un cauchemar.
L'on nous a parlé hier d'un renversement de procédure : on demanderait aux citoyens une « déclaration familiale » et ensuite le ministère de l'intérieur britannique dirait s'il est d'accord ou pas. Vous faites votre travail en représentant votre circonscription. Nous pensons que tout se terminera bien. S'il devait ne pas y avoir d'accord, cela entraînerait des difficultés majeures pour tous les Européens.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. - Je me réjouis de notre rencontre : les Parlementaires, dans cette phase délicate, ont tout intérêt à échanger librement comme nous le faisons aujourd'hui. Contrairement aux négociateurs, aux gouvernements, notre parole est libre. C'est très important. Nous ferons tout pour multiplier nos échanges, pour que nous nous comprenions bien.
Lorsque j'ai accompagné mon prédécesseur, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, quelques semaines après le Brexit, nous avions compris que la réaction britannique tournait autour de l'immigration ; celle d'autres pays de l'Union européenne, perçus comme pouvant porter atteinte aux intérêts économiques britanniques.
Nous regrettons la situation ainsi créée. À part quelques formations politiques extrêmes, l'immense majorité des Français la regrettent, tant les liens d'amitié et d'affection entre nous sont profonds. Nombreux sont nos enfants, nos proches, qui vivent et travaillent au Royaume-Uni. Ils craignent pour leur situation. Ils ressentent, de la part de l'opinion publique anglaise, une certaine hostilité, nouvelle, depuis le Brexit, de nature à précipiter leur départ.
Dans ce contexte, toute expression du souhait de maintenir les liens existants est importante. Ainsi, votre secrétaire d'État au Foreign Office, Boris Johnson, que j'ai entendu ici, dans votre ambassade, souhaiter, dans un français impeccable, que nos compatriotes restent et continuent à apporter leur contribution à l'économie britannique. Il s'est engagé à tout faire pour maintenir ce statut.
M. Yung a eu raison de souligner les montagnes de difficultés juridiques qui sont devant nous : il faudra défaire ce que nous avons fait pendant des années. Quelle majorité sortira des élections européennes de 2019 ? On ne sait ce qui peut se passer... Comment sera constituée la Commission ?
Un accord est absolument nécessaire. Il faut que les Parlements insistent, car nous aurons notre mot à dire. Notre rôle est d'aller vers le meilleur accord possible, pour préserver notamment le secteur de la défense, auquel nous sommes particulièrement sensibles : nous avons les deux grandes armées européennes susceptibles d'intervenir pour la paix dans le monde.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Lorsqu'il a fait son tour des vingt-sept capitales, M. Cameron avait formulé des demandes très exigeantes qui étaient de nature à faire évoluer l'Union européenne. Ses cinq recommandations auraient pu servir de substrat à une refondation européenne. Il suggérait une Europe plus compétitive et moins bureaucratique : nous sommes d'accord. Quant à une Europe moins étroite, nous souhaitons l'inverse, ce qui laisse supposer la possibilité d'une Europe formée en cercles concentriques. M. Cameron disait tout haut ce qu'un certain nombre d'Européens pensaient tout bas. En ce qui concerne la libre circulation, le paquet Tusk laissait la possibilité de dégager quelques clauses de sauvegarde qui n'auraient pas été en contradiction avec l'ADN européen.
La période de transition est obligatoire. Pascal Lamy, lorsqu'il s'est rendu à Dublin, les 26 et 27 octobre derniers, l'a évaluée à un minimum de cinq ans. Cette période de transition pourrait être extrêmement longue, voire ne jamais se terminer.
Envisager un statut particulier qui ferait du Royaume-Uni un membre associé ne nous heurterait pas. Depuis votre adhésion à l'Union européenne en 1973 - j'ai relu le discours de Mme Thatcher de 1988 - vous avez toujours souhaité un statut à part au sein de l'Union. Les Européens ne veulent plus des modèles norvégien ou suisse. Mais pourquoi pas un modèle norvégien amélioré ? Cette solution ouvrirait la porte à une Europe à plusieurs cercles. Nous sommes à la veille d'une refondation de l'Europe. C'est l'objectif de la mission que le président du Sénat a confiée à ce groupe de suivi.
Dans les traités commerciaux internationaux de nouvelle génération, la problématique n'est plus celle des barrières tarifaires, mais de la préférence collective. C'est désormais de normes qu'il s'agit. Si vous deviez quitter l'Union européenne de façon sèche, il faudrait nous accommoder de normes qui ne seraient plus harmonisées. Toute transaction commerciale implique des normes. Lorsque ces normes sont discordantes, les coûts augmentent de 15 %. Notre groupe de travail doit mener une réflexion concrète, filière par filière, en commençant par celle de la pêche.
Je souhaite qu'il y ait d'abord une période de transition. Si elle pouvait durer longtemps et si la raison finissait par l'emporter avec l'organisation d'un second referendum dont l'issue serait différente du premier, tout se finirait bien.
M. Richard Yung. - Welcome back !
M. Richard Graham (parti conservateur). - Merci pour ces échanges qui sont très importants.
Monsieur Cadic, vous avez manifesté une grande émotion au sujet du référendum. La manière dont le Brexit est perçu a son importance, qu'il s'agisse de vous ou des autres citoyens européens. Nous avons tous entendu des réactions de ce genre. Cependant, comme disait Roosevelt, « nous n'avons rien à craindre que la peur elle-même ».
Monsieur Yung, « quelle pagaille ! » dites-vous. La responsabilité des politiques est précisément de remettre de l'ordre là où il n'y en a pas.
M. Richard Yung. - Good luck !
Richard Graham (parti conservateur). - Le résultat du referendum n'est pas celui que nous souhaitions. La réalité est là. Le Sénat doit saisir l'occasion de jouer son rôle, d'autant qu'il pourrait être très utile. Nous sommes tous d'accord : ce qui compte c'est d'abord l'avenir des gens, et notamment celui des 4,5 millions d'Européens concernés, y compris les Britanniques qui vivent en Europe. Si nous pouvions réussir à trouver un accord sur les droits des citoyens en décembre, pourquoi ne pas l'annoncer et dissocier les négociations financières et commerciales ? Cet accord qui concerne directement les gens restera à jamais. Hier, Michel Barnier m'a répondu que la méthode définie par la Commission européenne excluait cette possibilité : il faut traiter ensemble les questions financières et commerciales, celle de l'Irlande et celle des droits des citoyens. Pourquoi ne pas commencer par la question essentielle, à savoir les droits des citoyens ? Nous comptons sur la France pour relayer ce message. Nous ferions ainsi preuve de créativité et cela à des fins très utiles.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Nous verrons Michel Barnier le 16 novembre. Nous lui passerons le message. Cependant, laissez-moi vous rappeler avec une pointe d'humour que les Français n'ont qu'un seul interlocuteur, alors que vous en avez plusieurs sur le territoire britannique...
M. Peter Grant (parti national écossais). - J'habite la côte Est de l'Écosse. Vous parlez de « pagaille », c'est effectivement la pagaille : nous le savons parce que nous le vivons. Le referendum a eu lieu. Il porte sur notre appartenance européenne et nous concerne tous. Le gouvernement écossais a énoncé très clairement sa position au lendemain du referendum. S'il avait eu la souveraineté pour le faire, il n'aurait pas voté le Brexit. Je souhaite que vous relayiez ce message de la part de notre ministre à tous les Européens qui vivent en Écosse : en Écosse, vous êtes chez vous, l'Écosse est votre pays, de grâce ne la quittez pas !
M. Hywel Williams (parti du Pays de Galles). - On a beaucoup parlé d'accords commerciaux et de défense. La vision du marché commun actuellement défendue dans le projet européen, notamment par votre Président, a eu beaucoup d'écho au Royaume-Uni et les sujets d'inquiétude ne manquent pas : durabilité, paix, problèmes territoriaux... Comme Gallois et Européen - car telle est mon identité - j'aimerais connaître les conséquences budgétaires qu'aura la sortie du Royaume-Uni.
M. Richard Graham (parti conservateur). - Nous regrettons tous le résultat du referendum. Nous avons tous voté contre le Brexit. Cependant, je regrette également l'échec des négociations que M. Cameron avait tenté d'engager avec l'Union européenne, qui aurait pu se montrer plus coopérative. Je crains que l'Union européenne ne refasse la même erreur en acculant le Royaume-Uni dans une impasse, ce qui aurait des conséquences dramatiques. L'Union européenne préconise une frontière dure entre l'Irlande et le Royaume-Uni. Rien ne sera décidé avant la fin de la transition, ce qui conforte la position des Britanniques qui souhaitent que l'accord ne soit pas conclu. Avec le temps, l'absence d'accord fera de plus en plus figure de solution. L'Europe n'a rien à y gagner. Votre rôle est crucial : il faut vous assurer que la possibilité d'un accord reste envisageable et qu'il soit satisfaisant pour le Royaume-Uni.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Le solde du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne est de 10 milliards d'euros. En cas de sortie, il faudra soit une participation supérieure des vingt-sept, soit une diminution de nos politiques, ce qui est difficilement envisageable compte tenu des gros dossiers du moment, notamment en matière de défense.
L'Europe était prête à reprendre certaines suggestions de la Grande Bretagne qui figuraient dans le paquet Tusk. Nous avions trouvé un équilibre sur la libre circulation des personnes. Dans le cas d'une situation intérieure déséquilibrée par l'afflux massif de ressortissants extra-communautaires, on aurait pu mettre des barrières de sécurité. En 2004, vous aviez choisi de ne pas le faire.
Quelle que soit l'issue en mars 2019, l'Europe sera obligée de se repenser. S'il avait eu lieu en France, le referendum aurait sans doute eu les mêmes résultats qu'en Grande Bretagne. Dieu merci, aucun Président n'a osé poser la question d'une sortie de l'Europe aux Français.
Nous voulons une Europe plus compétitive, plus agile, une Europe qui protège tout en restant ouverte et réactive, une Europe plus politique aussi, mais vous n'en voulez pas, car vous souhaitez plutôt une Europe qui ne soit qu'un espace. Nous avons des divergences. S'il nous faut concocter pour vous un statut de membre associé, en créant donc une Europe à plusieurs vitesses, nous serons heureux de le faire. Si nous ne parvenons pas à un accord, tout le monde y perdra. D'autres États-continents nous regardent d'un regard qui n'est pas forcément bienveillant. Il serait très intéressant pour les États-Unis qu'on déconstruise l'Europe.
M. Olivier Cadic. - Et pour la Chine aussi !
M. Hilary Benn. - J'ai senti un frisson traverser la salle à la mention d'un referendum français. L'Europe doit se réformer. Ce principe est au coeur du discours du président Macron. La voix européenne doit continuer à porter sur des sujets comme la défense, les accords commerciaux, etc. Nous devons trouver une façon de nous réconcilier avec les 52 % des Britanniques qui ont voté pour la sortie de l'Union européenne.
Je vous remercie tous pour votre accueil généreux. Nous n'en sommes qu'à la première phase de notre travail.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Nous essaierons d'aller vous voir à Londres.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. - Il faut intensifier nos échanges. Cette crise nous met tous face à notre destin. L'Europe a raté les grands défis : immigration, lutte contre le chômage, sécurité tandis que des normes trop tatillonnes n'ont fait qu'embêter les Européens. Cette crise est grave. Elle peut être bénéfique si nous parvenons à refonder le modèle européen.
La réunion est close à 12 h 55.