- Mardi 24 octobre 2017
- Mercredi 25 octobre 2017
- Projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement - Examen du rapport et du texte de la commission
- Groupes de travail communs avec la commission des affaires européennes sur la politique agricole commune, sur les négociations commerciales et sur la stratégie industrielle de l'Union européenne - Désignation des membres
- Questions diverses
- Audition de M. Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep)
Mardi 24 octobre 2017
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -
La réunion est ouverte à 16 h 30
Projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement - Audition de M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir cet après-midi M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, qui vient nous présenter le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement.
Monsieur le ministre, c'est le premier texte que vous soumettez au vote du Parlement ; il s'agit aussi de la première mise en oeuvre législative de l'un des points essentiels du plan Climat adopté le 6 juillet dernier.
En organisant l'arrêt progressif de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures sur le territoire national d'ici à 2040, la France entend, par ce texte, témoigner de son exemplarité dans la lutte contre le réchauffement climatique. Monsieur le ministre, vous avez déjà eu l'occasion d'insister, à de nombreuses reprises, sur la portée éminemment symbolique de cette initiative, et sur l'effet d'entraînement que vous en espérez. Au-delà du symbole, il est pourtant des réalités économiques, sociales, industrielles et même environnementales sur lesquelles, je n'en doute pas, la rapporteur du texte, Mme Élisabeth Lamure, et mes collègues ne manqueront pas de vous interpeller.
Pour ma part, je me contenterai de rebondir sur l'un des aspects mis en exergue dans l'intitulé du texte, qui concerne la distinction entre les hydrocarbures dits conventionnels et non conventionnels. Le Conseil d'État avait lui-même jugé cette distinction inutile, contestable sur le plan scientifique et même « étrangère à l'objectif poursuivi par le projet de loi » dès lors que celui-ci revient à interdire tous les hydrocarbures, quelle que soit la technique employée pour les extraire.
Ce sujet a cependant été rouvert par l'Assemblée nationale, qui a prévu l'interdiction de toute autre méthode non conventionnelle alternative à la fracturation hydraulique, déjà interdite par la loi du 13 juillet 2011. Or, monsieur le ministre, comme vous l'indiquiez vous-même lors des débats, si une méthode présentant un danger pour l'environnement apparaissait, l'État disposerait déjà de tous les outils pour l'interdire. Ma question sera donc la suivante : ne craignez-vous pas que la mesure soit contreproductive et engendre des inquiétudes infondées parmi nos concitoyens, au lieu de les rassurer ?
Je me permettrai une seconde question, sans doute un peu polémique, en lien avec le rapport demandé par l'un des articles sur l'impact environnemental des pétroles et des gaz importés. Cette approche est intéressante car elle permettra, le cas échéant, de différencier les produits selon leurs effets sur l'environnement ; mais, monsieur le ministre, avez-vous prévu de faire le même travail sur, par exemple, les éoliennes, les panneaux photovoltaïques ou les véhicules électriques, en calculant l'empreinte carbone sur l'ensemble de leur cycle, de la fabrication au recyclage de leurs composants ?
Avant de vous céder la parole, monsieur le ministre, je rappellerai simplement, car on l'oublie souvent, à tort, que ce projet de loi comporte aussi d'autres mesures qui vont au-delà du seul volet « hydrocarbures », et dont certaines sont loin d'être négligeables. Je pense en particulier à la réforme du stockage du gaz, essentielle pour assurer notre sécurité d'approvisionnement - les difficultés de l'hiver dernier ont montré que ce problème était loin d'être théorique - ou à certaines mesures ajoutées à l'Assemblée nationale, dont le lien avec le texte est parfois ténu - ainsi du raccordement des éoliennes en mer.
Je précise enfin qu'à l'occasion de l'examen de ce texte, de très nombreuses réactions nous sont parvenues concernant les biocarburants : quid de la levée des obstacles anti-dumping, qui expose nos entreprises à la concurrence du gaz argentin ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire. - Merci, madame la présidente. Je salue Mme la rapporteure de la commission des affaires économiques et M. le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, ainsi que tous les sénateurs de la commission des affaires économiques.
Il s'agit en effet pour moi, avec la présentation de ce texte devant vous, d'une première au Sénat. Cette loi me semble nécessaire. C'est une loi pionnière, dont on pourra discuter de la pertinence dans quelques années, s'il s'avère qu'elle est restée isolée dans le temps et dans l'espace. Mais j'espère qu'elle fera contagion ! Lorsque la France donne l'exemple, il arrive parfois que d'autres pays, d'Europe et d'ailleurs, suivent cet exemple. Tel est l'esprit de cette loi : prendre un chemin sans attendre que d'autres prennent l'initiative.
La France a déjà joué un rôle majeur dans la prise de conscience du phénomène climatique et de ses conséquences, et dans l'accord de Paris : pour la première fois, la communauté internationale partage un diagnostic et se fixe des objectifs ambitieux, à la mesure de la situation que nous essayons de juguler, qui nous oblige à placer la barre haut.
Chacun sait - la science nous le rappelle régulièrement - que les chances que nous avons de répondre à l'injonction de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degrés par rapport à l'ère préindustrielle diminuent de jour en jour. Il s'agit d'une course contre la montre, ce phénomène se développant via des effets de seuil et d'emballement, et non de manière linéaire.
Le premier rapport du GIEC avait déjà évoqué le scénario d'une intensification des extrêmes climatiques : incendies, sécheresses, inondations, typhons, etc. Ce scénario est déjà à l'oeuvre. Serons-nous capables de contenir la multiplication de ces événements, ou laisserons-nous ce scénario nous échapper ? Les conséquences d'un triomphe de la deuxième option seraient incalculables, comme le FMI lui-même l'a reconnu. Sur un tel sujet, il serait donc malvenu que nous nous laissions rattraper par des divisions déplacées.
Le problème climatique remet en cause des habitudes, et même des fondamentaux, qui nous ont aidé à sortir de terre, si j'ose dire : mesurons, en 150 ans, ce que le pétrole, le gaz et le charbon nous ont permis d'accomplir en termes d'évolution ! Or, tout à coup, nous découvrons qu'il va falloir nous séparer, certes de manière programmée, de ceux que nous considérions comme nos alliés, et entrer, s'agissant de notre dépendance aux énergies fossiles, dans une période de dégrisement.
J'ai bien conscience que nous n'utilisons pas simplement ces énergies pour nous déplacer. Cette libération progressive ne se fera donc pas sans transformation sociétale profonde. Devons-nous nous en effrayer ? La seule chose qui m'effraie, c'est de constater que certains, aux États-Unis notamment - je pense au président Trump - tournent le dos à la réalité. Mais il y a d'autres grandes nations, comme la France !
En la matière, une programmation est nécessaire. Il est un principe qui peut nous permettre d'éviter une transition brutale : c'est la prévisibilité. C'est pourquoi il faut nous fixer des objectifs à 2050 (la neutralité carbone) et à 2040 (la fin des énergies fossiles produites sur le territoire français), sachant que la satisfaction d'autres objectifs intermédiaires conditionnera le succès de cette loi.
Chacun le sait, autant le dire d'emblée : les hydrocarbures extraites sur notre territoire représentent 1 % de notre consommation. La lutte contre le réchauffement climatique ne saurait par conséquent se réduire à cette loi. Celle-ci est conçue pour additionner ses effets à ceux déjà attendus de l'inscription d'autres objectifs dans la loi sur la transition énergétique de 2015, à commencer par la réduction de notre consommation, objectif incontournable et partagé par les entreprises - elles savent que l'efficacité énergétique est un facteur de productivité - et les citoyens, assortie du développement à grande échelle des énergies renouvelables.
Ce projet de loi fait donc partie d'un tout. Mais il s'agit bien d'une loi pionnière, qui est en outre une loi de cohérence. Je ne voudrais pas laisser entendre que la COP 21 de Paris a été un moment facile - que 196 États apposent leur signature au bas de l'accord a presque tenu du miracle. Néanmoins, le plus difficile reste à venir : réaliser cet objectif ! La prise de conscience aurait certes pu intervenir plus tôt ; mais songez combien paraissait aberrante, il y a quelques décennies - je le reconnais -, l'idée selon laquelle l'humanité se serait mise elle-même, et sans mauvaise intention, dans une situation aussi délicate !
On peut se fixer des objectifs à 2030, à 2040 ou à 2050 - c'est ce que j'ai fait. Je ne suis pas certain d'être encore ministre, en 2050, pour pouvoir témoigner devant vous que nous aurons atteint ces objectifs ; mais la crédibilité de la France est de se mettre en situation de réaliser ces objectifs.
En la matière, trois principes importent : la prévisibilité, d'abord - 2040, c'est à la fois loin et proche : plusieurs mandatures se dérouleront d'ici là, mais l'exercice consistant à se libérer des énergies fossiles ne sera pas facile, loin s'en faut -, l'irréversibilité, ensuite - lesdits objectifs doivent apparaître comme irréversibles : à défaut, nous échouerons à orienter la société dans la direction voulue -, la progressivité, enfin - en démocratie, chacun a compris que la brutalité ne permettait pas la transition. J'essaierai de faire en sorte que ces trois principes soient respectés.
Je parlais tout à l'heure de cohérence. Quelles que soient nos divergences, nous avons en commun un attachement à certaines valeurs ; or, sans pontifier, je veux vous convaincre que tout ce qui a de l'importance à nos yeux est conditionné par la réussite de la bataille climatique - car c'en est une. La Banque mondiale elle-même décrit des scénarios qui font froid dans le dos. Que nous dit la science ? Qu'il faut renoncer à exploiter 80 % des réserves d'énergies fossiles qui gisent sous nos pieds. Nous devons y préparer la société ; plus tôt nous le ferons, plus facile sera la transition.
Il faut aussi garder à l'esprit qu'il y aura beaucoup plus de bénéficiaires que de perdants. La transition énergétique est une transition des modes de transport, des modes de production agricole, du logement : autant de champs d'emploi, d'innovation et de recherche extrêmement importants. C'est bien là une contrainte, dont nous nous serions bien passés, dans un monde connecté mais non encore relié, où les défis à relever, en ce début de millénaire, sont immenses. Mais, paradoxalement, l'existence de cette contrainte climatique va avoir un triple bénéfice.
En premier lieu, elle va nous obliger à accélérer notre affranchissement des énergies fossiles, dont l'heure serait de toute façon venue, à un moment ou à un autre. Est-ce une mauvaise chose ? Je ne crois pas. Nous sommes dépendants, à tous les sens du terme, des énergies fossiles, qui représentent 50 milliards d'euros d'importations. Si nous parvenons à nous en libérer, nous pourrons injecter ces sommes dans l'économie de notre pays et les affecter à la poursuite d'objectifs sociaux, en matière de santé et d'éducation notamment. Ce n'est donc pas une mauvaise nouvelle.
Deuxièmement, il y va d'un agenda de santé publique, comme vient de le rappeler la patronne de l'OMS. Voyez ce que disent les institutions onusiennes sur les externalités négatives des énergies fossiles en termes de santé. Sur le plan économique et sur le plan sanitaire, je ne suis donc pas certain que nous soyons perdants, au contraire !
Troisième bénéfice lié à ces objectifs : à étudier - pardon de ce raccourci de l'histoire - les conflits auxquels nous avons été confrontés depuis la Seconde Guerre mondiale, on constate que le pétrole, le gaz et le charbon ne sont jamais loin. Par ailleurs, en gagnant en autonomie énergétique, nous gagnons en autonomie diplomatique, comme l'a montré, par la négative, le dossier ukrainien. Gagner en autonomie énergétique, comme certains pays, notamment émergents, en ont fait le pari, peut changer la face du monde ! C'est mon sentiment, et même ma conviction.
Après ces propos introductifs, je veux rappeler que nous avons déjà pris, avant même l'examen de ce projet de loi, un certain nombre de dispositions. En particulier, nous mettrons fin à la production d'électricité à base de charbon d'ici à 2022, tout en proposant des contrats de transition, c'est-à-dire des solutions de reconversion, aux territoires et aux salariés concernés, sachant que les entreprises du secteur ne réalisent pas la totalité de leur activité sur le territoire national. Autrement dit, il y aura certes un impact, mais nous avons le temps de nous y préparer, et nous expérimenterons bientôt ces contrats de transition dans quelques territoires.
Dans le même esprit, j'ai annoncé, en juillet dernier, une série de mesures cohérentes avec l'esprit et l'intitulé de mon ministère : la transition doit être écologique mais aussi, autant que faire se peut, solidaire. Nous ciblerons donc les plus modestes. Vous aurez dans quelques semaines, lors de la discussion du projet de loi de finances, l'occasion d'en débattre : j'ai inscrit dans le « paquet de solidarité climatique » un certain nombre de dispositifs, notamment la prime à la reconversion pour des véhicules moins polluants.
Il s'agit d'éviter de mettre dans l'impasse les automobilistes qui ont été incités pendant des années, via un avantage fiscal, à acheter des véhicules diesel, et se sont retrouvés dans le même temps expulsés à la périphérie des villes, loin des transports en commun, par l'explosion des prix de l'immobilier. Il est donc important de donner la possibilité aux ménages modestes de bénéficier de ce genre de dispositif pour changer de véhicule.
Nous ferons la même chose pour les chaudières et pour la rénovation des bâtiments : ces dispositifs font partie du paquet de solidarité climatique.
Tout ceci s'inscrit dans un souci de cohérence avec la loi de transition énergétique, présentée par le gouvernement précédent et votée par le Parlement en 2015, qui prévoit de porter la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation en 2030 et de réduire de 30 % notre consommation d'énergies fossiles à la même date. Le projet de loi qui nous réunit aujourd'hui vient compléter ce dispositif : encore une fois, toutes ces mesures font partie d'un tout.
Dans le même esprit toujours, nous avons annoncé la fin de la vente des véhicules émettant des gaz à effet de serre d'ici 2040. Pour la petite histoire, lorsque j'ai annoncé cette disposition, je recevais le lendemain, par un hasard du calendrier, les industriels automobiles français. Pour tout vous dire, je n'étais pas très à l'aise. À ma grande surprise, ils se sont contentés de me dire : « Ne changez pas les règles en cours de route, et aidez-nous. ». Chiche ! Depuis que nous avons pris cette disposition, la Grande-Bretagne a surenchéri, un constructeur scandinave a avancé l'objectif à 2019, l'Inde a emboîté le pas, et un grand nombre de maires des grandes métropoles réunies par Anne Hidalgo dans le C40 ont pris la même disposition, en avançant la date à 2030.
Tout ceci pour vous dire que cette loi n'a de sens que si elle entraîne les autres. N'attendons pas que d'autres s'y mettent ! Sinon nous perdrons la main. De toute façon, la transition énergétique est commencée. Nos amis chinois, eux, n'ont pas d'état d'âme : ils ont déjà dépassé tous les objectifs qu'ils s'étaient fixés, notamment en matière de développement des énergies renouvelables, trois ou quatre années avant la date fixée.
Avec ce projet de loi, nous vous proposons donc simplement d'aligner enfin notre droit sur nos objectifs de lutte contre le changement climatique. Des avancées avaient déjà eu lieu : je pense notamment à la loi Jacob, qui interdisait la fracturation hydraulique. Mais nous ne disposions pas d'un droit permettant de refuser des permis, alors même que nous avons adopté l'accord de Paris. De ce non-choix résultait une situation intenable ; cette loi a le grand mérite d'en finir avec ce flou juridique, de clarifier la situation et d'apaiser un certain nombre d'inquiétudes. Vous parliez tout à l'heure des hydrocarbures non conventionnels, madame la présidente. Au moins, là, les choses sont claires ! Nous avons, sur ce sujet, construit une double porte étanche. Dans la situation que j'ai trouvée en prenant mes fonctions, il m'était parfois impossible de refuser un permis, à moins de contentieux, d'astreintes et de très lourdes amendes pour l'État.
On ne peut pas promettre tout et son contraire : prétendre qu'il est possible de continuer à dépendre des énergies fossiles, délivrer des permis, d'un côté, et, de l'autre, aller faire le beau dans les instances internationales en donnant des leçons à tout le monde. C'est, pour notre pays, une question de dignité et de cohérence. La France joue un rôle important : les deux présidents précédents, MM. Sarkozy et Hollande, ont chacun exercé un leadership en la matière. Le président Macron a repris le flambeau, mais il s'agit désormais d'entrer dans la mise en oeuvre. Plus tôt et plus clairement nous le ferons, plus facile ce sera.
Je défendais un texte pour la première fois devant l'Assemblée nationale, et il m'a semblé que le travail s'y était effectué de manière très constructive. Je souhaite que les choses se passent de cette façon.
Mme Sophie Primas, présidente. - Certes !
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. - Je n'emploie pas le terme « constructif » par flagornerie ; simplement, tout le monde a conscience que sur ce sujet, les divergences artificielles ne sont pas de mise. Sans forcer le trait, je veux souligner que si la France n'a pas seule la responsabilité de ce qui se joue en ce moment, ni en amont ni en aval, elle se grandirait à en prendre sa part.
S'agissant de cette transition que nous devons assumer, le Gouvernement place au centre de sa philosophie la question des entreprises, des filières industrielles et des emplois. D'ici 2040, nous avons le temps - c'est la vertu de la progressivité de ce projet de loi - de construire les évolutions nécessaires pour ne laisser personne de côté. Le dialogue avec les acteurs va être très vite engagé ; le secrétaire d'État Sébastien Lecornu a commencé à travailler avec les territoires. Nous allons identifier les compétences, l'idée étant de lancer une transition énergétique ambitieuse : les choses n'auront de sens que si nous les faisons à grande échelle, et nous y travaillons.
Nous continuerons également à travailler dans le domaine de la géothermie.
Je ne sais si tel est le cas ici, mais certains n'ont toujours pas absolument foi dans les énergies renouvelables. Sachez que je n'aurais pas parlé avec la même assurance il y a une dizaine d'années : les énergies renouvelables coûtaient encore très cher. Cet argument est largement tombé, et la baisse des prix ne va faire que s'accélérer en même temps que le rendement de toutes ces énergies augmentera. Dans les laboratoires de recherche du monde entier, aux Émirats arabes unis, à Boulder, Colorado, en Inde, on travaille de pied ferme : chacun sait que le coup est parti ! Si nous doutons, d'autres prendront la main, notamment sur les avantages économiques, et l'économie des filières ne produira aucun bénéfice sur notre territoire.
S'agissant des territoires concernés, nous allons travailler avec eux, afin que leur avenir s'appuie bien sur une diversité de ressources et d'activités.
Ce projet ne fait qu'accélérer un rythme normal, qui est celui de l'exploitation des ressources naturelles : il y a toujours eu des gisements qui s'épuisent et des activités qui s'arrêtent. Mais nous voulons, cette fois, mobiliser tous les acteurs, élus locaux, entreprises, centres de formation, services de l'État, et préparer ensemble la conversion des hommes et des femmes concernés.
Au-delà de l'action globale que nous voulons mener en la matière, c'est la fameuse logique des contrats de transition écologique, dont j'ai déjà parlé il y a un instant, qui prévaudra. Nous y travaillerons d'abord, en 2018, avec une quinzaine de territoires. Le contenu de ces contrats, qui doivent rester souples et adaptables aux cas particuliers, reste à inventer avec les territoires et les entreprises concernés. Ce chantier reposera sur la mobilisation interministérielle des services de l'État, nationaux et locaux.
Certains territoires auront évidemment à se réinventer pour faire face au déclin de certaines activités. Ils devront saisir les opportunités, qui seront nombreuses. L'éolien a permis par exemple la création de près de 2 000 emplois en 2015. Le solaire, qui a connu un net repli en 2010-2014, repart à la hausse et crée chaque année de nouveaux emplois, répartis de manière relativement équitable sur le territoire. 3 500 emplois devront être réinventés d'ici 2040. C'est loin d'être hors de portée !
J'en profite pour préciser que le Gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale un amendement, qui a été adopté, visant à simplifier le raccordement des installations d'énergie renouvelable en mer, et donc à dynamiser le développement de ces techniques.
Ce projet de loi est une partie de notre réponse à l'administration Trump. Aux États-Unis, d'ailleurs, beaucoup d'acteurs économiques et politiques réagissent à l'attitude du Président par un regain d'ambition. C'est ce que la France elle-même a fait, en révisant à la hausse les objectifs fixés à Paris.
À tous ceux qui doutent encore ou tardent à se mettre en marche, nous répondons que le train de l'accord de Paris a bien quitté la gare. Nous laisserons sur le quai ceux qui pensent que l'économie du XXe siècle est la solution, et nous accélérerons. Nous sommes garants de cet accord, qui n'est pas simplement un bout de papier sur lequel 196 États ont apposé leur signature, mais un serment fait à nos propres enfants.
Ce projet de loi comporte aussi plusieurs dispositions qui permettent de répondre aux défis du climat, mais aussi à celui de la sécurité de l'approvisionnement énergétique que nous devons au consommateur. De ce point de vue, je vous alerte sur les articles 4 et 5 du projet de loi, qui permettront d'engager une réforme du stockage sous-terrain de gaz naturel pour mieux le réguler, afin de favoriser une concurrence juste et sans sur-rémunération de certains acteurs. Il s'agit par-là de tirer les leçons de ce qui s'est passé l'hiver dernier, où nous ne sommes pas passés très loin de la rupture d'approvisionnement.
Enfin, les articles 6 et 7 transposent des directives européennes. Le premier porte sur la qualité des biocarburants, et vise à éviter que ceux-ci aient une empreinte carbone trop élevée, par exemple par leur effet sur la déforestation. La seconde directive prévoit la réduction des émissions de certains polluants de l'air.
J'ai en outre annoncé qu'il y aurait une étape supplémentaire, que nous n'avons pas voulu associer à ce texte de loi : nous nous attaquerons à la réforme du code minier. Les débats sur un certain nombre de sujets sont donc reportés à cette échéance.
Avec ce projet, nous mettons un terme à l'hypothèque sur notre nature et notre futur. Nous donnons à notre pays une chance plus qu'une contrainte. J'espère qu'un consensus pourra être atteint ; cet enjeu transcende les différences sociales, économiques, culturelles, cultuelles et géographiques et devrait - je l'espère - nous rapprocher et non nous diviser. Nous ferons peut-être ainsi la démonstration, si tant est qu'une telle démonstration soit nécessaire, qu'économie et écologie ne partagent pas par hasard les mêmes origines sémantiques.
Mme Sophie Primas, présidente. - Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour cette introduction d'une grande qualité. Je veux vous dire, puisque c'est le premier texte que vous présentez devant nous, que le Sénat est par définition constructif ! Nous essayons toujours de trouver les voies et moyens permettant de nous accorder avec l'Assemblée nationale.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. - Je ne l'entendais pas autrement !
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Monsieur le ministre, s'agissant de l'accord de Paris, nous sommes tous d'accord sur les objectifs ; en revanche, sur les moyens d'y parvenir, le projet de loi n'apporte pas les bonnes réponses. Surtout, où est l'équilibre ?
Rien, en tout cas dans ce texte, n'est prévu pour limiter la consommation des hydrocarbures, que nous importons en masse - les hydrocarbures importés représentent 99 % de notre consommation. Vous préférez vous arrêter sur le 1 % produit en France ; or la fin de cette filière industrielle d'excellence aura pour conséquence la suppression des 1 500 emplois sur site, sans parler des 4 000 emplois induits. Les employeurs sont certes de grands groupes internationaux, qui exploitent d'autres sites de production dans le monde, mais je vois mal comment les salariés accepteront de quitter demain la Lorraine ou l'Aquitaine pour aller travailler en Arabie saoudite.
Monsieur le ministre, nous ne sommes pas totalement d'accord avec votre démarche, mais j'ai surtout voulu attirer votre attention sur quelques points, sur lesquels nous vous invitons à la discussion.
Nous ne voulons pas fermer la porte à la recherche sur notre sous-sol. Nous vous proposons d'autoriser la recherche, mais sous contrôle public, à des fins de connaissance du sous-sol, d'une manière très encadrée, dans le respect de la loi de 2011, et sans droit de suite, donc sans concessions.
Quarante-deux permis de recherche en cours d'instruction sont toujours sans réponse, pour certains depuis 5 ou 6 ans. Nous estimons qu'il ne faut pas faire supporter aux industriels la carence de l'État. Nous vous proposons donc d'autoriser ces demandes de permis, comme vous l'avez fait pour le permis « Guyane Maritime » - pourquoi seulement celui-ci ? -, dans la limite de 2040, pour toutes les demandes déposées avant le 6 juillet 2017, date du plan Climat - nous aimons nous aussi les symboles, monsieur le ministre.
Quant aux activités industrielles, nous vous proposons d'autoriser la production des sous-produits pétroliers, lubrifiants, colles, bitumes, dont l'industrie a besoin et qui ne produisent pas d'effets de serre, au-delà de 2040. Cela permettrait de développer cette activité sur les sites concernés et éviterait d'en importer une partie.
Autre question directe : que répondez-vous aux collectivités qui seront impactées par ces mesures, à celles dont le budget dépend de ressources qui seront supprimées ?
Sur les autres mesures du texte, nous sommes globalement d'accord, notamment sur les mesures d'urgence relatives au stockage du gaz ou au raccordement des éoliennes en mer.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est saisie pour avis sur douze articles de ce projet de loi. Nous avons mené nos travaux de concert avec la commission des affaires économiques, dont je remercie la rapporteure.
Nous avons souhaité améliorer les dispositions du texte, qui porte sur l'arrêt, à l'horizon 2040, de la production d'hydrocarbures. Les effets bénéfiques sur l'environnement seront très faibles ; le véritable enjeu, c'est la baisse de notre consommation d'énergie fossile, dont ce projet de loi ne traite pas.
Quelles actions de court et de long terme seront-elles engagées pour réduire notre consommation d'hydrocarbures ? Et quel sera le calendrier de ces mesures ? Au cours de nos auditions, les industriels ont exprimé leurs inquiétudes quant aux effets de la loi sur la filière pétrolière et gazière. Monsieur le ministre, comment comptez-vous accompagner les territoires pour assurer la reconversion des sites d'exploitation d'hydrocarbures ?
Le projet de loi a pour objet la production et non la consommation. Or les prévisions font état d'une hausse de la consommation d'hydrocarbures dans les années à venir, en Europe et sur l'ensemble de la planète. Monsieur le ministre, une révolution dans les esprits n'est-elle pas un préalable nécessaire à la révolution énergétique et écologique ? Vous avez parlé à juste titre de course contre la montre, mais la France n'est-elle pas isolée dans sa démarche ? Un projet européen n'est-il pas nécessaire ? Quels sont les freins existants au niveau européen ?
Enfin, arrêter la production d'hydrocarbures sur le territoire français nécessitera d'importer massivement, ce qui pourrait avoir pour effet de multiplier par trois les émissions de gaz à effet de serre. Comment éviter ces conséquences néfastes ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. - Comme j'ai essayé de l'expliquer dans mon propos introductif, si ce projet de loi était le seul élément de notre dispositif, vous seriez en droit, mesdames, messieurs les sénateurs, de nous taxer de naïveté et d'incohérence : nous nous retrouverions en 2040 avec pour tout résultat une baisse de 1 % de notre consommation - et encore, même pas, puisque, selon votre analyse, madame la rapporteur, la fin de la production nationale serait compensée par une augmentation de 1 % de nos importations !
C'est un peu plus complexe que ça ! Dans la loi qui existe déjà, sur la transition énergétique, figure l'objectif de réduire de 30 % notre consommation d'énergie fossile d'ici à 2030. Nous allons donc bel et bien réduire notre consommation. Dans le cadre de la révolution en cours, qui fera l'oeuf, qui la poule ? Ce qui est certain, c'est que tout ce dispositif de transition énergétique aura pour effet d'accélérer la transformation culturelle. Si nous attendons sans rien faire que survienne le changement des comportements, je crains qu'il ne se produise jamais.
Nous serons de toute façon, que nous le voulions ou non, dans l'obligation de réduire notre consommation. Et, bonne nouvelle, s'il est un domaine où la France a des compétences, dans les petites, les moyennes et les grandes entreprises, c'est l'efficacité énergétique ! Croyez-moi : sans attendre des sauts technologiques qui arriveront de toute façon, nous savons y faire, dans les domaines de la mobilité et du bâtiment notamment.
Nous ne signerons pas de nouveau permis.
L'Histoire nous enseigne que, pour réussir une transition, il faut se montrer pédagogue et prendre le temps qu'il faut. Mais plus tôt nous nous mettrons en marche, plus douce sera la transition ! Nous sommes prêts à y consacrer les moyens humains et financiers qu'il faudra, et nous parviendrons à reconvertir à de nouveaux métiers ceux dont l'emploi dépend des énergies fossiles.
Le PLF pour 2018 modifie le mode de calcul des redevances touchées par les collectivités territoriales, dont le produit passera de 14 à 19 millions d'euros, et restera supérieur au niveau actuel au moins jusqu'en 2030.
La révolution des comportements accompagnera notre action pour peu que nous indiquions clairement le cap. Jusqu'à présent, les Français ne voyaient pas bien où l'on voulait les emmener. Résultat : ils sont contre tout, qu'il s'agisse du nucléaire, du charbon, des éoliennes... L'objectif ? Un monde où chacun produit l'énergie qu'il consomme. N'est-ce pas enthousiasmant ? Mieux vaut entraîner par l'espoir qu'en brandissant la crainte des conséquences du changement climatique - même si celles-ci sont déjà perceptibles, notamment à Saint-Martin et Saint-Barthélemy...
Mme Sophie Primas, présidente. - ... dont le sénateur, Michel Magras, vous écoute avec attention !
M. Roland Courteau. - Les enjeux climatiques nous obligent, et le temps joue contre nous. Rompons donc avec le laisser-aller qui consiste à reporter les décisions sur les générations futures ou à attendre que la main invisible du marché règle seule les problèmes. La loi de transition énergétique a montré la voie, et ce texte se situe, du point de vue du groupe socialiste, dans sa continuité. Avec le chapitre 1er, la France s'engage clairement à sortir des énergies fossiles et à rompre avec un modèle énergétique insoutenable. Oui, la France doit montrer l'exemple - le groupe socialiste est, à cet égard, dans un état d'esprit constructif.
La transposition des directives environnementales pose maints problèmes, qu'il s'agisse de biocarburants, de pollution atmosphérique, ou de parcs éoliens en mer... L'arrêt de la recherche et de l'exploitation a des conséquences directes pour les territoires, dont il faudra accompagner la reconversion. En quoi consisteront les contrats de transition écologique ? Pour contrôler les biocarburants, les agents de la DGEC seront renforcés par d'autres fonctionnaires. Hors de nos frontières, cependant, comment agir ? La Commission européenne envisage-t-elle d'instaurer un système de traçabilité pour éviter les fraudes ? Enfin, je me réjouis de voir que toutes les demandes en Méditerranée seront rejetées car cette mer est malade de la pollution - je souhaite d'ailleurs vous remettre le rapport que j'ai rédigé sur la question.
Mme Françoise Férat. - Ce texte est l'une des premières mises en oeuvre des accords de Paris. Certes, il est légitime que la France se montre exemplaire, mais elle ne doit pas non plus porter seule la responsabilité de mettre fin à l'exploitation des ressources fossiles : la réciprocité doit être inscrite dans la loi. Croyez-vous qu'en 2040, nous consommerons moins d'hydrocarbures ? À mon avis, nous arrêterons d'en produire, et nous en achèterons à d'autres pays, où l'impact environnemental ne sera pas mesuré. Dans mon département, où l'exploitation devra cesser en 2047, ce sera une catastrophe. Nous souhaitons tous une diminution du taux de CO2, mais la France ne doit pas payer seule la facture.
M. Joël Labbé. - Parlementaire écologiste, je suis heureux que l'un des premiers textes que nous examinions soit présenté par votre ministère. C'est une loi pionnière. Deux degré, c'est un maximum, et il faut tendre vers 1,5 degré. Donc, ne plus toucher aux 80 % de réserves d'hydrocarbures. D'après les experts, c'est possible si nous infléchissons la tendance dans les cinq ans à venir. En l'état, ce texte me convient. L'article 6 appelle à veiller à ce que les biocarburants ne poussent pas à la déforestation. J'ajoute qu'ils ne doivent pas entrer en concurrence trop forte avec la production alimentaire. Et il faudra dissuader l'importation d'hydrocarbures non conventionnels, issus de gaz de schiste ou de pétrole bitumineux, notamment en provenance du Canada - il faudra donc réexaminer le CETA !
M. Franck Montaugé. - Merci pour l'attention que vous portez aux projets d'unités de production d'énergie renouvelable, dont la montée en puissance n'est pas toujours facile. La re-planification des projets de territoire à énergie positive et croissance verte pose problème. Je sais qu'il vous est difficile de mobiliser les crédits de paiement correspondants, mais les élus locaux, dans le Gers en tout cas, comprennent mal de devoir renoncer à ces projets pour lesquels ils se sont fortement engagés auprès de la population. Il serait bon que le Gouvernement reconsidère sa position, pour ne pas désavouer les élus locaux, et pour ne pas briser le cercle vertueux qui s'était instauré en lien avec les contrats de transition énergétique, les plans climat, les futurs Sraddet.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. - Vous souhaiteriez qu'un article prévoie la réversibilité. À mon sens, le doute ne bénéficie pas à l'enthousiasme. Mieux vaut donc préserver l'irréversibilité - même si une loi peut défaire ce qu'a fait une précédente loi.
Ne croyez pas que nous soyons le seul pays à se demander comment mettre en oeuvre les accords de Paris. Il y en a 196 dans ce cas ! Tous ont compris qu'il fallait renoncer à exploiter 80 % des énergies fossiles - sauf à considérer que l'accord de Paris n'est que du vent et que 196 États sont venus mentir à la face du monde. D'autres pays iront peut-être plus vite que nous, d'ailleurs. En tous cas, la production d'hydrocarbures entre dans une période de décroissance, qui sera d'autant moins brutale que nous aurons su l'anticiper et la piloter. Ce qu'il faut à tout prix éviter, c'est de tergiverser et de brouiller les anticipations. Partout, le prix du carbone va monter : même la Chine se dote d'un marché. L'économie carbonée va donc décliner. En tous cas, nous ne sommes pas seuls à mener la bataille climatique.
Les territoires verraient d'un mauvais oeil que mon ministère définisse seul la norme des contrats de transition. Il faudra les adapter avec souplesse à la réalité de chaque secteur et de chaque territoire, afin d'aider les perdants à bénéficier des opportunités nouvelles. Clairement, nous créerons plus d'emploi que nous n'en détruirons, à condition de mener résolument la transition.
Nous disposons déjà de règles sur les biocarburants. Avec le plan climat que j'ai présenté en juillet, nous luttons contre la déforestation importée. Oui, le CETA n'aide pas à nous protéger contre les carburants importés. Le Gouvernement présentera des dispositions pour pallier les risques qu'il cause - et le Parlement aura son mot à dire lors de la ratification.
En Méditerranée, j'ai convaincu mon homologue italien de mettre fin à un projet dans les bouches de Bonifacio dont l'impact environnemental aurait été considérable.
Certes, il faut simplifier les normes, sans baisser le niveau d'exigence. Le Président de la République y tient, et deux ou trois Conseils des ministres ont été consacrés à la question. Une loi de simplification est annoncée. Pour l'heure, il s'écoule entre dix et quinze ans entre un appel d'offres pour de l'éolien offshore et l'implantation de la première éolienne - qui est du coup généralement déjà obsolète. Tant que cela durera, nous n'atteindrons pas nos objectifs.
- Présidence de Mme Élisabeth Lamure, vice-présidente -
M. Fabien Gay. - Certes, seuls 1 % des carburants sont produits en France. Mais il faut bien commencer quelque part ! Le CETA ouvrira le marché européen à des hydrocarbures non-conventionnels, ce qui serait un retour en arrière. Quelle est votre position ? Un projet de loi sur le mix énergétique s'impose afin de développer notre recherche et développement, car ses conséquences sur l'emploi n'arrivent qu'après deux décennies.
M. Daniel Gremillet. - Il y a quarante ans, on nous expliquait que le moteur diesel polluait moins - y compris du point de vue de la santé publique. Prudence, donc : nos connaissances évoluent vite. Au lieu d'augmenter le prix du diesel, pourquoi ne pas diminuer celui de l'essence ? Ne prenons pas en otage ceux qui dépendent de leur véhicule pour aller au travail ! Oui, les énergies fossiles menacent la paix dans le monde, mais n'oublions pas les enjeux de sécurité alimentaire, qui ont le même effet. Pourquoi la France ne développe-t-elle pas davantage l'énergie hydraulique ? Cela offrirait aussi des solutions au problème du stockage de l'eau pour l'agriculture. Décroissance des hydrocarbures, pourquoi pas ? Mais nous priver des ressources de notre sous-sol serait une terrible erreur, car notre pays a besoin d'accroître sa production industrielle.
M. Pierre Cuypers. - Oui, il est urgent de bâtir un monde n'utilisant que des énergies vertueuses. Or, les biocarburants sont menacés par la baisse des droits décidée par la Commission européenne : ceux-ci passent de 22 % à 4,5 %. Les produits argentins ou indonésiens affluent : en octobre, 250 000 tonnes d'huiles sont arrivées d'Argentine. C'est autant de moins à produire en France. Résultat : nos outils tournent au ralenti, alors que l'incorporation de 8 % d'énergies renouvelables dans le gasoil réduit de 70 % les émissions. La France est-elle résolue à demander un moratoire d'un an et demi pour l'application des décisions de la Commission ? Les règles de l'OMC nous tiennent, certes. Mais bientôt, les prix agricoles seront inférieurs aux coûts de revient... Nous déposerons un amendement sur le sujet.
Mme Denise Saint-Pé. - Vous souhaitez organiser la transition le plus tôt et le plus clairement possible. J'ajoute qu'il faut être pragmatique et tenir compte de la réalité de chaque territoire. Élue des Pyrénées-Atlantiques, je souhaite vous interroger sur l'hydroélectricité et l'éolien. Quid du renouvellement des trois concessions de la vallée d'Ossau ? Ces délégations de service public sont arrivées à terme le 31 décembre 2012 et n'ont pas été renouvelées, ce qui porte préjudice aux communes traversées par les cours d'eau utilisés, ainsi privées de redevance annuelle. La prorogation tacite actuelle n'est pas conforme à notre droit. L'État doit y mettre un terme rapidement. D'autre part, un projet de parc éolien en Basse-Navarre est bloqué par les exigences de la direction de la circulation aérienne militaire, alors que la hauteur des pales respecte les critères fixés par le ministère. Votre intervention serait bienvenue.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. - Oui, les exigences des autorités militaires freinent les projets. Je comprends les contraintes qu'impose la circulation aérienne, mais elles doivent pouvoir être assouplies.
Le Gouvernement, alerté par le rapport de la Commission, prendra - en matière agricole comme énergétique - des précautions dans l'application du CETA. Comme la loi ne sera pas votée immédiatement, nous aurons le temps d'en évaluer l'efficacité. J'y veillerai, car ce traité de nouvelle génération m'a beaucoup inquiété. Nous aurons besoin de prendre des mesures à l'échelle européenne. En tous cas, nous mettons le CETA sous surveillance.
L'idée d'équilibrer le mix énergétique fait consensus, je crois. La programmation pluriannuelle définira un calendrier et des modalités, avec pragmatisme - à Fessenheim, c'est bien le pragmatisme qui a manqué... Pour mettre tout le monde en marche, il faut donner du temps. Et pour réussir la transition, il faut qu'elle soit progressive. L'objectif de 32 % d'énergies renouvelables en 2030 n'est pas anodin. Le solaire est prometteur, et nous disposons de nombreuses surfaces planes à exploiter - ce qui pourrait aussi diversifier les revenus agricoles. Je crois beaucoup à la chaleur, et souhaite abonder le fonds chaleur de l'Ademe. Les énergies marines devraient aussi apporter de bons résultats. Et pour le stockage, nous travaillons beaucoup sur la filière hydrogène. Mon ambition est de proposer en 2018 un véritable New Deal pour recréer des filières industrielles.
La paix ne dépend pas que du climat, mais celui-ci peut accroître les tensions existantes. En réhabilitant des terres désertifiées, nous fixons des populations, préparons la production nécessaire aux 1,5 milliard d'individus qui nous rejoindront d'ici 2050, et redonnons à ces sols la capacité de stocker du CO2.
En septembre 2017 l'Union européenne - qui a ses avantages et ses inconvénients ! - a réduit fortement les droits de douane sur les biocarburants argentins. Les producteurs français sont inquiets, à juste titre. Reste à trouver les remèdes.
Pour l'hydroélectricité, notre territoire est déjà bien équipé en grosses turbines. Ce que nous pouvons développer, c'est la petite hydroélectricité. La Compagnie nationale du Rhône développe des techniques prometteuses. La Commissaire européenne à la concurrence a engagé une procédure sur le renouvellement de nos concessions hydroélectriques. Nous devons trouver un accord avant de trancher. La loi renforce le rôle des élus locaux dans la mise en concurrence des concessions. Pour l'instant, EDF ne peut pas se présenter aux appels d'offres !
Mme Anne Chain-Larché. - Tant mieux si la France peut montrer l'exemple. En Seine-et-Marne, la perspective d'une exploitation de gaz de schistes avait suscité de l'émoi en 2011. Il me semble indispensable de continuer les recherches, sous contrôle public : nous sommes peut-être assis sur un trésor ! Avez-vous évalué les quantités qui restent à exploiter en France ?
Mme Anne-Catherine Loisier. - Nous partageons votre objectif mais pas votre méthode. Par exemple, vous souhaitez limiter les émissions de carbone, et en même temps vous concentrez les moyens publics - et forcez la main des élus locaux - sur des parcs éoliens qui, faute d'un stockage approprié et vu l'intermittence de leur production, font exploser les émissions de gaz à effet de serre. En France, les émissions ont crû de 22 % entre 2014 et 2015... Ne faudrait-il pas privilégier des démarches incitatives, quitte à favoriser des niches locales ?
M. Jean-Claude Tissot. - Le département de la Loire a connu la plus grosse mine d'uranium, à Saint-Priest-La-Prugne. L'impact des rejets reste à mesurer. Un collectif citoyen s'est organisé pour cela. La même question se posera pour les gisements d'hydrocarbures. Comment y répondrez-vous ?
M. Michel Magras. - Le phénomène récent à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, totalement inédit, est bien la preuve que le changement climatique est en marche. On peut débattre de la part de responsabilité de l'homme, mais pas de la nécessité pour lui de tout faire pour changer son comportement. Que faire des déchets générés par les solutions alternatives ? Celles-ci sont-elles vraiment neutres ? Si l'on charge les véhicules électriques avec de l'électricité produite par une centrale thermique...
M. Jean-François Mayet. - L'électricité, c'est l'avenir ; mais laquelle ? Le soleil et le vent ne suffisent pas, et le nucléaire a de beaux jours devant lui. Le mot « hydrogène » a-t-il sa place dans ce débat ?
M. Pierre Louault. - Vous venez d'écrire un courrier aux préfets de régions sur les contrats de transition, demandant un arrêt de tous les projets non engagés. Pour les petites communes, c'est difficile.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. - Je n'ai pas rédigé cette circulaire de gaîté de coeur : j'ai hérité d'une situation ubuesque, où des engagements n'avaient pas été budgétés. Mon principe est que ce qui a été engagé doit être honoré. Nous travaillons d'arrache-pied pour trouver des solutions, et nous avons déjà proposé deux dispositifs.
Oui, tout est lié, et une approche holistique s'impose. La clef de la transformation sera la diversité. L'intermittence est en effet le point faible des énergies renouvelables. Plusieurs outils existent, à commencer par l'interconnexion européenne, la prévision, la domotique... Outre l'hydrogène, il existe des techniques de stockage de la chaleur. Bref, nous en sommes à la préhistoire. La contrainte sera l'aiguillon de l'innovation. La réduction de la part du nucléaire se fera mécaniquement.
Ce que nous interdisons, c'est la recherche d'hydrocarbures. Le reste continuera, et le code minier le facilitera : mieux vaudrait ne pas avoir à importer nos matières premières.
Les étiages avancent dans le temps chaque année. Nous en sommes conscients, et préparons des plans d'action. L'impact des exploitations est contrôlé par la police des mines, pendant l'activité et à la fermeture.
À terme, des communes, des quartiers seront indépendants énergétiquement. Le soleil peut-il suffire ? Il nous envoie 8 000 fois l'énergie dont nous avons besoin. Ajoutez le vent, la biomasse, la géothermie, l'hydraulique, le gradient thermique des océans, les vagues... Il faut faire les choses en grand. Mais ce n'est pas de la dépense, c'est de l'investissement ! J'ai reçu tous les acteurs de la filière hydrogène, et me suis déplacé au CEA, qui a beaucoup travaillé sur le sujet. Cela peut être une solution pour le stockage et la mobilité des engins lourds. Déjà, l'Allemagne installe des voies ferrées sans alimentation électrique. Nous avons tous les acteurs nécessaires. Ils n'attendent que des signaux clairs. Notamment, nous devons organiser la décroissance des énergies fossiles.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Merci.
La réunion est close à 18 h 40.
Mercredi 25 octobre 2017
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Sophie Primas, présidente. - Nous examinons le rapport et allons établir le texte de la commission sur le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Ce projet de loi que nous avons eu à examiner dans des délais très contraints - deux semaines - et sur lequel la procédure accélérée a été engagée, est un texte très important puisqu'il a pour principal objet d'interdire la recherche et l'exploitation des hydrocarbures sur le territoire national. Il traduit les objectifs du Gouvernement, qui entend mettre en oeuvre l'un des engagements du plan Climat du 6 juillet dernier et s'inscrire dans la droite ligne de l'accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement climatique sous les deux degrés. Or, pour atteindre cet objectif, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) estime qu'il faudra renoncer, à l'échelle de la planète, à l'exploitation d'au moins 80 % des réserves d'énergies fossiles encore présentes dans le sous-sol.
Chacun d'entre nous est convaincu de l'urgence à agir pour lutter contre le dérèglement climatique. Le Sénat a toujours été très engagé sur ce sujet. C'est grâce au soutien de notre commission - et même contre l'avis de la ministre de l'époque, avant qu'elle ne s'approprie cet objectif - qu'a été fixée une trajectoire ambitieuse de hausse de la taxe carbone dans la loi relative à la transition énergétique - trajectoire que le Gouvernement met désormais en oeuvre, mais sans la compenser par la baisse d'autres impôts, comme nous l'avions pourtant expressément demandé dans la loi. C'est encore le souci du climat qui a guidé, dans le même texte, notre défense d'un mix de production électrique décarboné qui repose sur ses deux pieds, le nucléaire et les énergies renouvelables, ou qui nous a conduit, entre autres, à introduire un objectif de 10 % de gaz renouvelable à l'horizon 2030. À chaque fois que nous avons eu à nous prononcer sur des textes européens, nous avons plaidé pour une tarification la plus forte et la plus efficace possible du carbone afin d'orienter les investissements vers les énergies les moins émettrices de gaz à effet de serre.
Sur ces sujets, le Sénat a toujours défendu une vision à la fois ambitieuse et pragmatique. Or, en choisissant d'interdire une production nationale qui couvre à peine 1 % de nos besoins, plutôt que de s'attaquer à notre dépendance aux énergies fossiles en traitant le problème à la racine, c'est à dire par la consommation, le Gouvernement a choisi le symbole au détriment de l'efficacité. L'exposé des motifs ne s'en cache pas, en insistant sur la portée éminemment symbolique du texte, le caractère pionnier de la démarche et l'effet d'entraînement sur d'autres pays qui en est espéré : il s'agit de « témoigner de l'exemplarité de la France » et d'être « le premier pays au monde à inscrire [ce principe] dans la loi ». Ainsi, « la France témoigne [de] sa volonté d'être à l'avant-garde de la lutte contre le dérèglement climatique ». Le ministre l'a réaffirmé hier devant nous comme il l'avait fait à l'Assemblée : « cela représente certes une faible partie de notre consommation, mais commençons par ce que l'on peut faire chez nous ».
Derrière le symbole, il y a pourtant une réalité économique, sociale, industrielle, et même environnementale, que l'on ne saurait écarter d'un revers de la main pour la seule beauté du signal donné au monde. Qui peut véritablement imaginer que les grands pays producteurs d'hydrocarbures renonceront à leur rente pétrolière à l'aune de l'exemple français ?
Or, quelle est la réalité de l'exploration-production d'hydrocarbures sur le territoire national ? Malgré des réserves limitées, la filière représente encore 1 500 emplois directs et environ 4 000 emplois indirects, répartis principalement dans les bassins aquitain et parisien et dans l'est de la France, et génère un chiffre d'affaires de l'ordre de 270 millions d'euros. L'activité sur le territoire national compte, il est vrai, pour une part très marginale des effectifs et du chiffre d'affaire total de la filière, dont les entreprises sont très largement tournées vers l'export : en intégrant la géothermie profonde et le stockage géologique du dioxyde de carbone, la valorisation énergétique du sous-sol emploie ainsi 66 000 personnes en France, et réalise un chiffre d'affaires de 36 milliards d'euros. Pour reprendre les termes mêmes de l'étude d'impact, « la filière est composée de champions nationaux de taille internationale (...) pétroliers, gaziers, parapétroliers ou paragaziers (Total, Engie, Technip, CGG...) extrêmement compétitifs à l'export et d'un vaste écosystème d'entreprises de toutes tailles présentes sur toute la chaîne de valeur ».
Si le projet de loi ne remettra pas en cause l'excellence de la filière à l'international, il aboutira de fait à la disparition d'une activité industrielle et quelques milliers d'emplois correspondants sur le territoire national, sans que la reconversion des personnels, des entreprises et des territoires impactés ne soit traitée autrement que par la promesse d'un rapport... Une nouvelle fois, nous déplorons les insuffisances de l'étude d'impact, que le Conseil d'État avait déjà identifiées. Au-delà de ces conséquences immédiates, au moins deux autres dommages sont d'ores et déjà ressentis par les acteurs de la filière avant même que la loi ne s'applique, précisément par le signal qu'elle envoie : d'une part, une perte d'attractivité auprès des jeunes qui n'iront pas vers ces métiers, à l'instar de ce que vit déjà la filière nucléaire, et, d'autre part, une dégradation de l'image de la France aux yeux des investisseurs étrangers.
Malgré ces inconvénients, la logique d'une interdiction à l'échelle nationale pourrait se justifier si elle contribuait véritablement à lutter contre le réchauffement climatique : or, en substituant à une production nationale, certes limitée, des hydrocarbures importés par voie terrestre ou maritime et produits, le cas échéant, en usant de techniques moins respectueuses de l'environnement, on dégrade notre bilan carbone plutôt qu'on ne l'améliore. Selon les industriels, sur la base du mix importé actuel, l'empreinte carbone du pétrole importé serait au moins trois fois supérieure à celle du pétrole produit localement.
Le Gouvernement objecte qu'à raison de la baisse supposée de la consommation, qui s'est en fait stabilisée ces dernières années et pourrait remonter sous l'effet de la reprise, une telle substitution n'aura pas lieu puisque le 1 % de la consommation couvert par la production nationale aura disparu ! Or, sauf à supposer une consommation nulle, il restera toujours une part de la consommation qui aurait pu être satisfaite par la production nationale...
Une autre voie était possible, plus difficile à mettre en oeuvre mais certainement plus efficace pour atteindre, ou au moins approcher, l'objectif fixé par la loi relative à la transition énergétique d'une baisse de la consommation des énergies fossiles de 30 % en 2030. Il aurait fallu agir, avant tout, sur la consommation, par exemple en « musclant » les dispositifs d'aide à la conversion de véhicules particuliers ou en relançant le transport ferroviaire et maritime de marchandises, ou à s'attaquer prioritairement aux énergies fossiles les plus polluantes, comme la loi l'exige d'ailleurs, notamment en fermant sans attendre les quatre dernières centrales à charbon produisant de l'électricité, moyennant un accompagnement adapté des salariés et des territoires concernés. Hélas, ce n'est pas l'orientation prise par le Gouvernement.
Dès lors, quelles options s'offrent à nous au vu de la réalité des rapports de force politiques et institutionnels, et notamment du dernier mot donné à l'Assemblée ? Nous pourrions nous opposer frontalement au texte et en supprimer ou en amender les principaux points, de telle façon qu'il serait vidé de sa substance ; mais les apports du Sénat n'auraient alors aucune chance de prospérer et l'Assemblée n'aurait plus qu'à rétablir son texte, avec toutes les imperfections qu'il comporte.
Un autre choix m'a semblé plus judicieux : il consiste à chercher l'équilibre entre la ligne du Gouvernement - quand bien même nous ne la partageons pas - et la préservation, en premier lieu, des droits acquis ou des effets légitimement attendus du droit antérieur par les demandeurs et les titulaires de titres miniers, en deuxième lieu, de la recherche et, en dernier lieu, de l'exploitation des substances dont la valorisation soit contribue à un usage vertueux de nos ressources, soit alimente la filière pétrochimique nationale sans émettre de gaz à effet de serre.
Concernant la préservation des droits acquis, qui contribue du reste à minorer les demandes d'indemnisation auxquelles l'État devra inévitablement répondre, le Conseil d'État a largement contribué à sécuriser juridiquement le dispositif. Le Gouvernement n'a cependant pas suivi ses recommandations sur au moins un point, le traitement des demandes en cours d'instruction, dont les plus anciennes remontent à 2009, pour lesquelles le Conseil d'Etat l'invitait à mettre en oeuvre des « mesures transitoires plus substantielles ». Je vous propose d'adopter ces mesures en prévoyant que la loi ne s'applique qu'aux demandes déposées après le 6 juillet dernier, soit la date d'adoption du plan Climat, afin d'éviter l'effet d'aubaine qui consisterait à déposer des demandes nouvelles d'ici la promulgation de la loi, mais en précisant, pour respecter la logique du Gouvernement, que ces demandes ne pourront aboutir à l'octroi de concessions dont la durée excèderait 2040, sauf lorsqu'il est démontré que la rentabilité de l'opération nécessite d'aller au-delà.
J'ai souhaité que la recherche puisse se poursuivre dans un cadre et pour un objet strictement limités. S'interdire toute recherche nous priverait de l'acquisition de connaissances qui pourraient s'avérer décisives pour le développement de filières d'avenir et qui participeront à la transition vers un nouveau modèle énergétique : je pense en particulier à la géothermie, au stockage géologique du dioxyde de carbone, voire à celui de l'hydrogène qui pourrait répondre à la problématique du stockage de l'électricité renouvelable intermittente. N'insultons pas l'avenir en nous privant de toute possibilité de recherche ! Je vous propose donc une dérogation pour la recherche réalisée sous contrôle public à seules fins de connaissance géologique du sous-sol, mais aussi de surveillance et de prévention des risques miniers - il faudra peut-être examiner, dans quelques années, comment évoluent les gîtes miniers - tout en excluant, bien entendu, qu'une concession puisse être attribuée sur la base de ces recherches, puisque le but n'est pas d'exploiter ces ressources, mais d'améliorer nos connaissances du sous-sol.
Concernant l'interdiction de l'exploitation, une dérogation pérenne figurait déjà dans le texte déposé par le Gouvernement et l'Assemblée nationale en a ajouté une autre. Je vous renvoie au tableau distribué pour mesurer toute la subtilité des effets de la loi.
La première dérogation a trait au gaz de mine - le fameux « grisou » - dont le maintien en exploitation répond à un double impératif, de sécurité d'abord, lié au risque d'explosion, environnemental ensuite, pour éviter l'émission dans l'atmosphère de méthane, dont le pouvoir de réchauffement est vingt à vingt-cinq fois supérieur à celui du dioxyde de carbone. À l'Assemblée, cette dérogation a été limitée aux veines de charbon préalablement exploitées, afin d'exclure toute nouvelle exploitation de gaz dit « de couche » et à l'emploi de techniques dites conventionnelles pour sa récupération.
La seconde dérogation pérenne, introduite à l'Assemblée, vise, en pratique, à autoriser la poursuite de l'exploitation du soufre dans le bassin de Lacq, premier pôle mondial de la chimie du soufre, qui emploie 750 personnes. L'extraction du soufre étant indissociable de celle du gaz présent dans le gisement, l'interdiction d'exploiter le second aurait conduit à faire disparaître l'activité principale. La dérogation consiste à autoriser l'exploitation des hydrocarbures dits connexes sous deux conditions : que leur intégration dans un processus industriel soit indispensable à la valorisation de l'autre substance ou réponde à des impératifs de sécurité, et que cette valorisation soit limitée à un usage local.
En pratique, cette dérogation, taillée sur mesure pour le gaz de Lacq, ne couvre pas tous les cas où la valorisation d'hydrocarbures connexes contribuerait à des usages vertueux de nos ressources. D'ores et déjà, l'exploitation de gisements de pétrole permet par exemple de chauffer gratuitement, à Parentis, une dizaine d'hectares de serres de tomates ou, dans le bassin d'Arcachon, les 450 logements que comportera à terme un écoquartier, grâce aux calories récupérées de l'eau issue du processus de production du pétrole. Or, sans la valorisation du pétrole, cette activité de production de chaleur devrait cesser faute de modèle économique et de tels projets ne pourraient être développés à l'avenir alors qu'ils participent d'un processus vertueux de valorisation énergétique locale en circuit court. Mon amendement élargit la rédaction actuelle pour couvrir ce type de situation.
Une dernière dérogation peut être faite, en parfaite cohérence avec l'objectif poursuivi par le Gouvernement, sur les hydrocarbures destinés à un usage non énergétique dont l'utilisation finale du produit n'émet pas de gaz à effet de serre, puisqu'il n'y a pas de combustion. Les exemples d'utilisation d'hydrocarbures comme matières premières sont nombreux : fabrication de bitumes, lubrifiants, cires - qui sont utilisées aussi en cosmétique -, colles et adhésifs, synthèse des polymères destinés à la fabrication de textiles, plastiques, caoutchouc synthétique... Là encore, cette dérogation valoriserait des ressources locales pour l'industrie pétrochimique ou pharmaceutique plutôt que d'importer des produits raffinés pour nos usages domestiques à finalité non énergétique.
Deux points méritent encore d'être abordés sur cette partie consacrée aux hydrocarbures. Le premier concerne l'encadrement par l'Assemblée nationale du droit exclusif à l'obtention d'une concession dont bénéficie le titulaire d'un permis exclusif de recherches, communément appelé « droit de suite ». Dans le texte issu des travaux de l'Assemblée, les concessions accordées en vertu du droit de suite ne pourront excéder le 1er janvier 2040, sauf si le titulaire démontre que « l'équilibre économique » de son activité ne peut être atteint qu'en allant au-delà de cette date. Or cette notion d'équilibre économique n'est pas satisfaisante puisqu'elle reviendrait à priver l'exploitant de toute espérance de profit. Au mieux, il pourrait donc simplement couvrir ses coûts de recherche et d'exploitation. Quel intérêt aurait-il à mobiliser des capitaux et à assumer les risques que comporte cette activité, s'il n'en tire aucun bénéfice ? Je vous propose de remplacer cette notion par celle de « rémunération normale des capitaux investis », qui est déjà parfaitement connue en droit et correspond à l'esprit de l'amendement initial du Gouvernement ayant introduit cette disposition avant qu'il ne soit sous-amendé à l'Assemblée nationale.
Le second point concerne les hydrocarbures dits « non conventionnels ». Selon l'avis du Conseil d'État, la distinction entre hydrocarbures « conventionnels » et « non conventionnels » « n'est pas consensuelle sur un plan technique et scientifique » - puisque les molécules sont rigoureusement identiques et que la différence tient à la technique employée pour les extraire, dont le caractère conventionnel ou non peut varier dans le temps et fait débat. Une telle distinction « est surtout étrangère à l'objectif du projet de loi », soit l'interdiction de la production d'hydrocarbures, quels qu'ils soient. De peur que d'autres techniques non conventionnelles alternatives à la fracturation hydraulique déjà interdite par la loi Jacob de 2011 n'apparaissent un jour, l'Assemblée nationale a souhaité élargir l'interdiction posée par la loi de 2011 à « toute autre méthode non conventionnelle », définie comme une méthode « ayant pour but de conférer à la roche une perméabilité » - notion dont l'exactitude scientifique est sujette à caution - et créé une nouvelle sanction de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende en cas de non-respect de l'interdiction, dont l'articulation avec les sanctions existantes n'est pas évidente. En réalité, ces dispositions n'auront aucun effet puisque, comme rappelé par le ministre lui-même, la fracturation hydraulique, seule technique connue aujourd'hui, est déjà interdite. Si une nouvelle technique présentant un danger pour l'environnement apparaissait, « l'État disposerait, dans le cadre de la police des mines, des outils nécessaires pour en proscrire immédiatement l'utilisation ». Cette fois-ci, ce sont donc les députés qui ont préféré le symbole à la réalité, au risque d'envoyer un signal contreproductif à nos concitoyens, laissant à penser non seulement que ces techniques alternatives existent, mais aussi que les exploitants actuels seraient tentés de les utiliser, jetant à nouveau la suspicion sur le secteur de façon injustifiée.
Toutefois, dès lors que ces ajouts n'auront aucun effet pratique et que leur suppression constituerait sans doute un casus belli avec les députés, je vous propose de clarifier le droit existant en les codifiant plutôt qu'en retouchant sans cesse, et dans tous les sens, la loi de 2011.
Sur les autres dispositions principales du projet de loi, l'article 4 réforme le cadre d'accès au stockage souterrain de gaz naturel, qui est essentiel à notre sécurité d'approvisionnement gazier. Tous les acteurs concernés en conviennent : le système actuel, qui consiste en des obligations individuelles des fournisseurs que les conditions de marché ne leur permettent plus de remplir, est « à bout de souffle » et doit être impérativement réformé, au plus tard en début d'année prochaine, pour couvrir les besoins de l'hiver 2018-2019. Le Gouvernement avait déjà été habilité par la loi relative à la transition énergétique à légiférer par ordonnance pour traiter le sujet, mais n'avait pu aboutir dans le délai fixé par l'habilitation. Au vu de l'urgence de la réforme, il m'a semblé préférable d'en inscrire dès à présent les grands principes dans la loi, plutôt que de renvoyer à une nouvelle ordonnance, étant précisé que les grands principes de la réforme font globalement consensus parmi les parties prenantes. Des ajustements pourront toujours être apportés d'ici à la séance publique mais il me semble impératif d'agir rapidement.
L'article 5, qui encadre la pratique du « commissionnement » par laquelle les fournisseurs d'électricité se font rémunérer pour la gestion de clientèle effectuée pour le compte du gestionnaire de réseau, ne pose pas de difficultés particulières. Le dispositif adopté à l'Assemblée sécurisera une pratique qui a fait l'objet de nombreux recours contentieux, à la fois pour l'avenir et pour le passé puisqu'il est assorti d'une validation législative des contrats passés justifiée par un motif d'intérêt général de protection des consommateurs contre d'éventuelles hausses de factures injustifiées.
L'article 5 bis regroupe deux dispositions introduites à l'Assemblée sans lien l'une avec l'autre et qui ne sont pas sans conséquence. La première réforme les conditions de raccordement des énergies renouvelables en mer dont la complexité, notamment en termes de partage des responsabilités entre le producteur et le gestionnaire du réseau de transport auquel il se raccorde, explique une partie des retards assez considérables accumulés sur les projets d'éoliennes en mer déjà attribués. Là où le système antérieur faisait porter le coût du raccordement sur le producteur mais en confiait la réalisation au gestionnaire de réseau, RTE, la réforme proposée nous rapproche du modèle en vigueur dans les pays nordiques, qui a prouvé son efficacité. RTE réaliserait désormais le raccordement sur ses fonds propres et serait couvert par le tarif d'utilisation des réseaux, ce qui réduira tant les délais, en anticipant sur les premières opérations de raccordement, que les coûts, par la standardisation et la mutualisation des plateformes mais aussi par une réduction des risques portés par le producteur qui améliorera la « bancabilité » des projets, et réduira donc les frais financiers. Le système serait assorti de nouvelles règles d'indemnisation du producteur non seulement en cas de retard de raccordement à la mise en service du parc, mais aussi en cas d'avarie sur le réseau qui limiterait sa production en cours d'exploitation. Le gestionnaire de réseau comme le producteur resteraient cependant redevables des coûts pour lesquels leur responsabilité est engagée, les indemnités étant par ailleurs plafonnées.
Cette réforme appelle deux remarques. Sur le fond, les retards pris par la France en la matière - les parcs attribués en 2011 et 2013 ne seront au mieux pas mis en service avant 2020 ou 2021 - ainsi que l'importance des coûts du soutien public comparés à ceux obtenus chez certains de nos voisins, plaident à l'évidence pour une remise à plat du système qui est largement consensuelle parmi les producteurs comme auprès du régulateur, et dont j'approuve le principe. Sur la forme, il y aurait beaucoup à redire sur l'absence de lien, même indirect, avec le texte déposé, et donc sur la conformité de ces dispositions avec l'article 45 de la Constitution ; rien dans l'intitulé, l'exposé des motifs ou le contenu du texte n'évoquait la problématique du raccordement des éoliennes en mer, ni plus largement les énergies renouvelables qui ne sont pas mentionnées une seule fois, même au détour d'une phrase. Nous verrons ce que le Conseil constitutionnel en dira s'il est saisi du texte. Faisons preuve de pragmatisme au vu de notre accord, sur le fond, avec la réforme, de ses bénéfices attendus et de l'urgence à l'adopter pour une application à l'appel d'offres, en cours, pour l'implantation d'éoliennes au large de Dunkerque. Je précise que le Gouvernement avait d'abord choisi un autre vecteur législatif, le projet de loi relatif au droit à l'erreur, mais le report sine die du texte l'a conduit à se raccrocher, en dernière minute, au présent projet de loi.
Le second point concerne la création d'une notion nouvelle, celle des « réseaux intérieurs » de distribution d'électricité. Là aussi, le lien avec le texte est ténu mais surtout, cette notion mérite d'être strictement limitée et encadrée pour sécuriser le monopole de la distribution publique d'électricité, garante d'une péréquation tarifaire et technique sur l'ensemble du territoire à laquelle nous sommes très attachés.
L'article 6 sur le contrôle de la qualité des biocarburants ne pose pas de difficultés puisqu'il ne crée pas, en pratique, d'obligations nouvelles pour la filière agro-industrielle et qu'il renforce la lutte contre les fraudes, ce que les producteurs approuvent également. Je reviendrai sur l'article 6 bis qui instaure une double distribution des carburants allant au-delà de ce qu'exige le droit européen. L'article 7, qui adapte les plans de protection de l'atmosphère pour être en parfaite conformité avec le droit européen n'appelle pas de commentaire, même si je vous proposerai de revenir sur une disposition ajoutée à l'Assemblée qui stigmatise le chauffage au bois.
Sous le bénéfice de tous ces amendements, je vous propose donc d'adopter le présent projet de loi. Je vous remercie.
Mme Sophie Primas, présidente. - Merci pour ce travail très sérieux réalisé dans une urgence absolue, sur un sujet extrêmement technique.
M. Roland Courteau. - Je remercie aussi la rapporteure. Ce texte s'inscrit dans la continuité de la loi relative à la transition énergétique que nous avions soutenue. Face au chamboulement climatique, rien ne se fera sans volonté politique. Alors que le temps joue contre nous et que les sirènes climatiques se font plus stridentes, ce texte audacieux engage clairement la France dans la voie de la fin des énergies fossiles. C'est également un texte responsable qui laisse le temps aux entreprises et aux territoires de s'adapter aux mutations des filières, et qui leur donne de la visibilité. Nous libérer des énergies fossiles et bousculer les vieilles lunes est d'une urgente nécessité pour la planète, la biodiversité et pour la santé publique.
Le chapitre 1er est un pas de plus, mais il faudra aller plus loin pour respecter l'engagement français de neutralité carbone à l'horizon 2050, avec la réduction de la consommation des hydrocarbures, l'accélération du transport durable et la rénovation thermique des logements. Le groupe socialiste et républicain espère que nous pourrons franchir ce mur de l'argent qui freine la rénovation thermique des logements, et que nous pourrons en finir avec les coups de butoir contre les énergies renouvelables. Les territoires qui portent ce tissu industriel pétrolier et parapétrolier seront touchés par la baisse de ces activités et les suppressions d'emplois, c'est pourquoi nous demandons des garanties concrètes et des mesures d'accompagnement - je l'ai rappelé hier au ministre. Nous espérons que ce chapitre ne fera pas trop l'objet d'exceptions ou de dérogations qui affaibliraient la portée du texte.
J'approuve les points relatifs à la transposition des directives sur la qualité environnementale des biocarburants et la réduction des polluants atmosphériques - qui est la cause de centaines de milliers de morts prématurées -, de même que les modalités nouvelles de raccordement des parcs éoliens en mer, car c'est l'un des moyens pour atteindre plus facilement nos objectifs de développement des énergies renouvelables. Attention cependant à ne pas trop étendre, par un amendement qui a été déposé, le caractère dérogatoire du régime d'indemnisation prévu pour le raccordement au réseau d'évacuation.
L'article 4 relatif aux capacités de stockage de gaz naturel répondait à un besoin urgent : pour la première fois, le niveau minimum de souscriptions et de remplissage des stockages n'a pas été atteint. Pour que le nouveau cadre s'applique à l'hiver 2018-2019, les textes devront être prêts dès avril 2018, pour le début de la campagne gazière. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) devra réaliser une évaluation à moyen terme de la réforme pour mesurer son impact sur le consommateur.
Notre vote sera fonction des modifications et des menaces qui pourraient planer sur ce texte.
Mme Sophie Primas, présidente. - Nous ne doutons pas que ces modifications seront excellentes !
Mme Françoise Férat. - Je salue le travail de précision réalisé par la rapporteure, dont je partage totalement les propos. Ce projet de loi est la première mise en oeuvre de l'accord de Paris, comme l'a rappelé hier le ministre. Il est bon que la France affiche ses ambitions, se montre exemplaire et partage ses objectifs avec d'autres pays ; mais elle ne doit pas être seule. La fin de l'exploitation doit être réciproque, conservons des garde-fous pour proroger l'exploitation si d'autres pays ne l'arrêtent pas. Nous avons confiance, mais une confiance limitée ! Nous consommerons toujours des hydrocarbures en 2040. Autant il existe des alternatives dans l'industrie automobile, avec l'hydrogène et les biogaz, autant l'aviation consommera toujours des hydrocarbures, malgré quelques tentatives d'introduire des biocarburants. Nous importerons des hydrocarbures avec tous les aléas cités par la rapporteure, et cela aura un impact carbone beaucoup plus important que de les produire dans notre pays. En nous privant d'une production nationale, nous favoriserons les importations de produits dont nous ne connaissons pas les conditions de production ni environnementales, ni sociales. Quel est leur bilan ? Ce projet de loi propose la fin du produire en France.
Nous aurions pu aboutir à un consensus raisonnable si la date de fin d'exploitation et de recherche d'hydrocarbures avait été prorogée jusqu'en 2050. Le bassin d'exploitation de la Marne se tarira vers 2045-2047 ; laissons-nous davantage de souplesse ! Certes, tenons compte des impératifs de santé mais il y a aussi des emplois qui disparaissent. Dans la Marne, ce sera une véritable révolution. Les avancées scientifiques et géologiques vont être taries. Ces écosystèmes sont déjà touchés par la crise économique et éloignés des zones d'emploi dynamiques. Même si nous partageons tous l'objectif d'une réduction des émissions de dioxyde de carbone, obtenons un équilibre sur les alternatives possibles, la temporalité, le principe de réciprocité, la compétitivité des entreprises et l'écologie en consommant des hydrocarbures français.
M. Daniel Gremillet. - Je félicite la rapporteure pour son travail remarquable sur un projet de loi symbolique, le transformant en un texte plus stratégique sur l'énergie, ce qui n'était pas évident dans le laps de temps imparti. Le groupe Les Républicains est toujours très surpris de l'urgence proclamée sur des sujets qui s'inscrivent à l'ordre du jour alors qu'ils mériteraient une réflexion sur le mix énergétique et le coût de l'énergie pour les consommateurs et le secteur économique. À aucun moment, le texte n'embrasse de dimension économique globale, ce qui peut nous fragiliser. Nous espérons que les deux amendements de fond seront adoptés. Le premier vise à ne pas donner de signes de découragement aux entreprises, pour qu'elles n'abandonnent pas la recherche. Il faut plus de durabilité dans la connaissance. Trouvons des solutions et des moyens d'extraction éventuels futurs, sinon ce sera comme pour les organismes génétiquement modifiés (OGM) : les chercheurs partiront ailleurs. Or, la France est leader dans ces savoirs. Le second amendement vise à garantir les permis d'exploiter d'entreprises qui en ont déjà fait la demande, mais qui n'ont pas obtenu de réponse. Respectons ce cadre économique, sinon les entreprises investiront en France avec timidité, si l'on revient toujours en arrière - sans compter les dommages et intérêts qu'elles exigeront.
Les articles 4 et 5 ne posent pas de problème particulier, de même que celui sur le raccordement du parc éolien en mer. Soyons vigilants sur le transfert du coût de raccordement au transporteur et veillons toujours à ce que le coût économique des futures implantations soit supportable.
Nous le rappelions hier au ministre : il y a trente ans, on encourageait à acheter des voitures diesel, soi-disant meilleures pour la santé et pour la facture - et fracture - énergétique durant les chocs pétroliers. Faisons confiance à l'Homme, qui pourra peut-être résoudre, par la recherche, le problème des gaz à effet de serre. Vouloir symboliquement arrêter toute recherche serait un appauvrissement. Le groupe Les Républicains votera ce texte et suivra la rapporteure, grâce aux enrichissements qu'elle a proposés sur ces points stratégiques. Nous regrettons cependant un manque de vision globale de ce texte qui n'apporte rien, en dehors de la place symbolique de la France dans le monde. Mais la France ne règlera pas tous les problèmes. On ne vit pas du symbole, nous sommes ici pour faire la loi.
M. Fabien Gay. - Ce travail était compliqué dans des délais aussi courts, et je remercie la rapporteure. Oui, ce texte est extrêmement symbolique. Mais si le symbole est accompagné d'une volonté forte, nous pouvons changer les choses. Sinon nous devrons attendre très longtemps ; or, le dérèglement climatique n'attend pas. Dans quelle société voulons-nous vivre demain, en 2040-2050 ? Si nous n'agissons pas, les difficultés seront telles que nous ne pourrons plus rien changer.
Cette loi pourra rentrer très rapidement en contradiction avec le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement, traité international de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada), si ce dernier est adopté l'année prochaine par le Parlement. Le ministre y était très réticent. Il autoriserait le gaz de schiste avec l'extraction par fracturation hydraulique.
Pour les emplois de demain, nous devons investir très vite dans la recherche et le développement des énergies renouvelables. Nous ne pourrons pas répondre à toute la consommation nationale, mais nous serons prêts et aurons des milliers d'emplois supplémentaires.
Nous veillerons à ce que ce texte réponde à l'intérêt général et environnemental, sans être pris par des intérêts économiques privés. Vous évoquez le droit de suite, l'échéance de 2040 ou 2050, les techniques pour rendre les roches perméables... L'intérêt général environnemental et humain et les intérêts économiques privés divergent. Nous attendrons le débat et l'adoption des amendements pour décider de notre vote final.
M. Michel Raison. - Ce projet de loi est certainement plein de bons sentiments, sans faire de procès d'intention, mais il répond surtout à une envie de communiquer sur la position française en matière de lutte contre le changement climatique. Ne tombons pas dans ce panneau, trop facile. Cette loi ne réussira pas à lutter contre le changement climatique. Nous pourrons nous passer des hydrocarbures, grâce à la science et à l'intelligence humaine, car nous aurons des utilisations nouvelles sans émission de dioxyde de carbone. Pourquoi se priver alors d'une production nationale ? Nous continuerons de la défendre.
Je n'ai pas trouvé dans le texte la notion d'irréversibilité qu'évoquait le ministre hier, à laquelle je suis très opposé. C'est nier l'intelligence humaine que de faire croire qu'on détient une vérité. Nous ne détenons qu'une vérité, celle de ne pas la détenir.
Mme Sophie Primas, présidente. - Merci de ce final philosophique !
M. Joël Labbé. - Je m'exprime en tant qu'écologiste rattaché au groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), dont la position pourra être légèrement différente. C'est cette pseudo-intelligence humaine qui nous a menés dans la situation actuelle, malgré toutes les sonnettes d'alarme tirées depuis plus de trente ans. Nous sommes au bord du gouffre, sans catastrophisme ni fatalisme. Ce texte est un signe important de cohérence avec la COP 21 et la loi relative à la transition énergétique. Je salue le travail en urgence de la rapporteure. Lorsqu'on parle enfin de 2040 et d'après, on a l'impression que l'urgence n'est pas vitale. Nous avons encore le temps de redresser la barre si nous anticipons et si nous sommes volontaristes.
Le ministre évoquait l'enthousiasme sociétal. Interrogeons les jeunes : souhaitent-ils de petites mesures ou une véritable transition sociétale ? Je regrette un manque d'enthousiasme sur ce sujet.
Si le CETA est adopté, il videra la loi de son sens. Je reste optimiste, et voterai le texte si des dérogations inacceptables ne sont pas adoptées.
M. Martial Bourquin. - Ce projet de loi est la suite logique de deux textes, celui issu de la COP 21, et la loi relative à la transition énergétique. Il s'inscrit totalement dans ce changement de société profond, qui s'impose à nous. Michel Magras évoquait la situation dramatique de nos îles. Or, ces déflagrations climatiques sont de plus en plus fréquentes dans le monde. Il est urgent d'aborder différemment le changement climatique, dans les mots et dans les actes. C'est une obligation pour nous, certes, mais aussi évidemment pour les générations futures.
Le ministre nous présente une bonne proposition sur les hydrocarbures. D'aucuns critiquent les symboles, mais ceux-ci sont importants, sinon il n'y aurait plus de ligne directrice. Ils nous aident à mettre en place une politique de développement des énergies renouvelables. Selon certains, cette production est dérisoire. Mais si la France ne prend pas le virage des énergies renouvelables, elle passera à côté de milliers d'emplois. Ces énergies sont inépuisables : le vent, l'eau, le soleil, sans oublier l'hydrogène. Ainsi, les facteurs de mon bureau de poste roulent à l'hydrogène. La recherche, tant fondamentale qu'appliquée, s'apprête à réaliser de nouvelles découvertes. Ne suivons pas l'adage de Lampedusa, « il faut que tout change pour que rien ne change »... Dire que l'on change et continuer nos habitudes ne changera rien. Ce texte veut changer les choses, limitons les dérogations. Adoptons-le et ayons une politique vigoureuse pour que la France soit un leader européen dans ce domaine.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Monsieur Courteau, je prends acte de votre satisfaction de voir arriver ce texte et de vos recommandations sur la consommation. Nous aurions voulu trouver cet élément dans la loi. Il y a un déséquilibre ; on arrête la production française d'hydrocarbures, mais sur 99 % des hydrocarbures, rien n'est fait.
Madame Férat souhaiterait que la France ne soit pas la seule à porter cet étendard et que l'on vise plutôt l'horizon 2050. Nous pourrions bien sûr partager ce point de vue mais la date de 2040 constitue le socle du texte ; je garde donc cette date sans la proroger, et j'essaie de trouver quelles adaptations sont possibles pour répondre aux demandes des industriels et des collectivités. Toutes les concessions actuelles ne vont pas s'arrêter en 2040 ; cinq d'entre elles continueront après cette date, la plus longue s'éteindra en 2054. Si une concession a été signée pour cinquante ans, nous ne reviendrons pas sur cette durée.
Monsieur Gremillet, je partage votre avis sur la procédure accélérée. Le ministre veut porter un message fort pour l'anniversaire de l'accord de Paris, le 12 décembre. Un de mes amendements prévoit de conserver une partie de la recherche pour la connaissance du sous-sol, sans possibilité d'exploitation. Ne fermons pas totalement la porte à la recherche. Les articles sur le raccordement de l'éolien en mer ne s'appliquent pas aux appels d'offres de 2011 et 2013, ils ne s'appliquent qu'à celui de Dunkerque, en cours, et à ceux qui le suivront.
Monsieur Gay, nous faisons tous le constat de l'urgence climatique. Il est nécessaire d'accélérer le développement des énergies renouvelables ; la France est plutôt en retard sur ces technologies. Nous produisons peu de matériel pour l'éolien ou le photovoltaïque, hormis pour l'éolien flottant pour lequel nous disposons d'un peu d'avance. Utilisons-là. Il faut développer des outils industriels.
Monsieur Raison, le ministre plaide en effet pour un principe d'irréversibilité, mais une loi peut toujours en modifier une autre, ce qu'il a d'ailleurs admis lui-même.
Monsieur Labbé, il n'y a pas de manque d'enthousiasme mais une attitude réfléchie qui répond aux trois piliers du développement durable : écologie, économie, social. N'oublions aucun de ces piliers et soyons réalistes.
Monsieur Bourquin, oui, il faut prendre le virage des énergies renouvelables, mais il reste des progrès à faire. Ce texte est surtout un symbole. Le changement de direction ne se fera pas en supprimant 1 % de la production en 2040. Les précédents textes comme celui sur la transition énergétique ont déjà bien entamé le virage. Ce texte n'apporte pas grand-chose, il est un signal. La France donne surtout l'impression de donner des leçons.
Mme Sophie Primas, présidente. - Oui, ce texte donne une ligne directrice qui est un symbole. Nous aimons l'enthousiasme mais nous souhaitons aussi passer du symbole à l'efficacité. Il manque un volet sur la consommation et un volet de soutien à la transition énergétique. Cette année, le Gouvernement a beaucoup hésité à modifier le crédit d'impôt pour la transition énergétique dans le projet de loi de finances, reportant la décision à l'année prochaine. Le Gouvernement doit conserver une cohérence dans ses actes. Nous verrons dans les prochaines lois de finances s'il y a une volonté de faire, et pas seulement de dire. Je suis favorable aux dérogations par voie d'amendement de la rapporteure, notamment pour que l'État respecte sur ses engagements. La parole de l'État, souvent remise en cause, a une valeur. Au Parlement de le dire.
Sur la forme, nous acceptons d'accompagner le Gouvernement dans sa prise de risque de voir certaines de ses mesures retoquées en tant que cavaliers législatifs, au titre de l'article 45 de la Constitution, si le Conseil constitutionnel en est saisi. Mais qu'il fasse attention sur les prochains textes, on ne peut pas toujours être dans cette urgence.
Mme Sophie Primas, présidente. - Je salue M. Jean-Marc Boyer, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, saisie pour avis.
L'amendement COM-23 est déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-53 reporte la ratification de l'ordonnance du 20 janvier 2011 qui aura toute sa place dans la réforme du code minier annoncée pour 2018.
M. Roland Courteau. - Pourquoi supprimer un article ratifiant une ordonnance de 2011 ? Nous avons attendu six ans pour la ratifier. La réforme du code minier est annoncée pour 2018, mais nous ne sommes pas certains qu'elle sera réalisée. C'est l'Arlésienne !
Mme Cécile Cukierman. - Le groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) s'oppose à la suppression de cet article, même si nous attendons aussi la réforme du code minier.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Depuis l'ordonnance de 2011, de nombreux changements sont intervenus. Ce serait surprenant de ne pas les prendre en considération. Le ministre avait même demandé le retrait de cet amendement pour avoir le temps de faire ce travail de toilettage. Quant à la réforme du code minier, oui, c'est l'Arlésienne, mais le Gouvernement s'y est formellement engagé pour 2018. Nous pouvons attendre jusque-là !
M. Roland Courteau. - Notre groupe s'oppose à cet amendement.
M. Dominique Théophile. - De même.
L'amendement COM-53 est adopté.
L'article 1er A est supprimé.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-1 supprime l'article 1er. Nous avons choisi de faire des propositions pour améliorer le texte. Avis défavorable.
M. Martial Bourquin. - Nous voterons également contre cet amendement.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-54 autorise la poursuite de l'exploitation des hydrocarbures au-delà de 2040 uniquement lorsqu'ils sont destinés à des usages non énergétiques dont l'utilisation finale du produit ne provoque pas d'émissions de gaz à effet de serre, comme la pétrochimie et les sous-produits pétroliers. C'est donc parfaitement cohérent avec l'objectif du projet de loi.
M. Roland Courteau. - Que représentent ces activités ? Sont-elles vraiment rentables ? Ces sites seront-ils encore rentables après l'arrêt de l'exploitation des hydrocarbures ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - La pétrochimie consomme aujourd'hui environ 11 % de l'ensemble des produits pétroliers en tant que matière première. C'est donc une proportion non négligeable qui permettrait de maintenir une activité en France.
Mme Anne-Catherine Loisier. - La question mérite d'être approfondie. Voyez les besoins pour la voirie...
Mme Sophie Primas, présidente. -Si cette activité ne suffit pas à rendre les entreprises rentables, elles fermeront mais rendons les choses possibles.
M. Roland Courteau. - Le groupe socialiste et républicain s'abstient.
L'amendement COM-54 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-33 revient sur la définition des hydrocarbures dont la recherche et l'exploitation sont interdites par le projet de loi. La formulation proposée est moins explicite que celle retenue dans l'ensemble du texte, qui vise le charbon et tous les hydrocarbures liquides ou gazeux. Elle provoquerait davantage de confusion que de simplification. Avis défavorable.
M. Roland Courteau. - Nous nous abstenons.
L'amendement COM-33 n'est pas adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-55 prévoit la poursuite de la recherche au-delà de 2040. C'est une dérogation, très limitée dans ses modalités comme dans son objet, à l'arrêt de toute activité de recherche sur les hydrocarbures. Nous souhaitons poursuivre cette recherche uniquement sous contrôle public lorsqu'elle n'a pour objet que l'amélioration de la connaissance géologique du sous-sol national, la surveillance ou la prévention des risques miniers. Cette recherche ne pourra pas donner lieu à l'attribution d'une éventuelle concession, puisque le but n'est pas d'exploiter, de même que l'interdiction de toutes les techniques non conventionnelles restera bien entendu applicable. Ne fermons pas complètement la porte à la recherche en 2040, mais autorisons-là sous contrôle public.
M. Roland Courteau. - Cet amendement nous intrigue. Nous nous demandons si ce n'est pas un moyen détourné de voir s'il n'y a pas d'autres hydrocarbures dans le sous-sol, en poursuivant les recherches géologiques. Il y a anguille sous roche...
Mme Sophie Primas, présidente. - ...ou plutôt pétrole sous roche !
M. Fabien Gay. - Nous nous interrogeons aussi sur cet amendement. La notion de contrôle public est assez floue. Si c'est de la recherche publique, la question ne se pose pas. Clarifions les choses. Si cet amendement reste en l'état, nous nous y opposerons.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Je sens une suspicion de votre part...
M. Marc Daunis. - ...qui est légitime !
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Dommage, ce n'est pas mon intention. Cet amendement n'est pas dicté par les entreprises. Comment peut-on arrêter la recherche sur les sous-sols ? Imposer un contrôle public implique que les acteurs publics seront nécessairement majoritaires. Nous avons essayé d'encadrer le dispositif au maximum. N'arrêtons pas la recherche en France, n'interdisons pas l'amélioration de nos connaissances.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur pour avis. - Le ministre Nicolas Hulot a bien répondu à cette interrogation : il faut continuer la recherche sur les filières d'avenir.
M. Marc Daunis. - Selon la rapporteure, cela permet des partenariats avec le privé...
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - ...ou pas.
M. Marc Daunis. - Si la recherche est publique, rien ne l'interdit. Quel intérêt aurait le privé à s'engager, au-delà de la simple philanthropie ? Est-on décidé ou non à aller jusqu'au bout de la fin de l'exploitation des énergies carbonées ? La loi concerne 1 % de la consommation des produits fossiles. Si aucun signal fort n'est donné, qui d'autre le donnera ?
M. Franck Montaugé. - Ne serait-il pas plus adapté, par des amendements spécifiques, d'affirmer la possibilité de procéder à des recherches pour des techniques et des énergies alternatives aux hydrocarbures, indépendamment de l'article 1er ? Tel qu'il est amendé, l'article 1er comporte un risque indéniable.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Avec cette dérogation, s'ils participent à des projets de recherche sous contrôle public, les industriels ne pourront pas obtenir de permis d'exploiter. Pourquoi ne pas examiner ce sujet d'ici à la séance publique ? Cet amendement veut préserver l'avenir tout en encadrant la recherche.
Les amendements identiques COM-55 et COM-90 sont adoptés.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement rédactionnel COM-56 élargit la possibilité de conversion d'une concession pour l'exploitation de gîtes géothermiques.
L'amendement rédactionnel COM-56 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-57 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-58 permet la valorisation des hydrocarbures liquides connexes. L'Assemblée nationale a pris des dispositions qui sont parfaitement justifiées mais ne trouveraient à s'appliquer, en pratique, que pour le site de Lacq, qui produit du gaz et du soufre. Il convient donc d'élargir la rédaction pour couvrir aussi les hydrocarbures liquides connexes, dont la valorisation permet de rentabiliser des activités de géothermie ou de production de chaleur.
M. Roland Courteau. - Si cet amendement concerne aussi la géothermie, nous nous abstiendrons. Nous craignons que la multiplication des dérogations vide le texte de sa substance.
Mme Sophie Primas, présidente. - Mais d'interdiction en interdiction, on ne fait plus rien !
L'amendement COM-58 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-59 définit les substances « non énergétiques ».
L'amendement COM-59 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-46 apporte plusieurs modifications à l'article L. 111-6-1 relatif au droit à la conversion d'une concession dont la quasi-totalité est satisfaite par mes amendements. Il en est ainsi de la définition des substances sur lesquelles porte la nouvelle concession, par cohérence avec l'actuel code minier ; de la référence à la nouvelle substance ou au nouvel usage, pour couvrir la géothermie ; et de la dérogation faite à l'obligation de valorisation locale pour les hydrocarbures liquides connexes. Quant aux deux derniers changements proposés, le premier ramène de cinq ans à deux ans avant l'échéance du titre le délai jusqu'auquel le titulaire peut demander la conversion de sa concession ; nous pourrions retenir cet apport. Le second précise que la conversion est conditionnée non seulement à la rentabilité économique de la poursuite d'exploitation du gisement mais aussi par celle des substances coproduites ; cette précision est inutile car la rentabilité économique s'entend bien pour l'ensemble de l'exploitation. Avis favorable, sous réserve de ne conserver que le raccourcissement du délai à deux ans.
L'amendement COM-46, ainsi rectifié, est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-34 aurait pour effet, non pas de modifier le texte du projet de loi, mais l'intitulé de l'ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016. Avis défavorable.
L'amendement COM-34 n'est pas adopté.
Mme Françoise Férat. - Mon amendement COM-20 vise à autoriser le développement des nouveaux gisements qui pourraient être découverts dans le cadre de concessions existantes.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Cet amendement créerait de nouvelles concessions. Ce n'est pas l'objet du texte. Retrait ou avis défavorable, même si nous pourrons en débattre en séance.
Mme Françoise Férat. - Ce n'est pas une création : cet amendement s'appliquerait sur le même territoire que la concession existante, mais je le retire.
L'amendement COM-20 est retiré.
M. Fabien Gay. - Nous craignons que le texte soit dénaturé par les énormes failles ouvertes par la notion de « rentabilité économique » en 2040. Les investissements pourraient être considérés par chaque industriel comme non rentables en 2040, ce qui imposerait le renouvellement de 90 % des concessions. Soyons plus restrictifs dès maintenant, et posons un acte fort sur le droit de suite automatique avec cet amendement COM-24 interdisant toute nouvelle concession.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Dès qu'il y a un titre, il y a un droit. Revenir sur ce droit exposerait l'État à des indemnisations faramineuses. Ce n'est pas possible, avis défavorable.
M. Roland Courteau. - Faisons attention : le dédommagement risque de coûter cher - même si je comprends vos inquiétudes.
M. Fabien Gay. - Si nous ne posons pas un acte fort, la note sera bien plus élevée dans vingt ans. Sinon nous nous dirons toujours que ce n'est pas possible. Si le droit de suite n'est pas remis en cause, ce symbole ne sera jamais contraignant.
M. Roland Courteau. - Le groupe socialiste et républicain s'abstient.
L'amendement COM-24 n'est pas adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Même explication pour l'amendement COM-29 et même avis défavorable.
L'amendement COM-29 n'est pas adopté.
Mme Françoise Férat. - Compte tenu des explications de la rapporteure, je retire l'amendement COM-17.
L'amendement COM-17 est retiré.
L'amendement de précision COM-60 est adopté.
Mme Françoise Férat. - Je ne referai pas le débat. Je retire l'amendement COM-19.
L'amendement COM-19 est retiré.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-61 propose la suppression du « cahier des charges ». Cette notion nouvelle n'a fait l'objet d'aucune concertation et ses contours comme ses conséquences sur la délivrance des titres n'ont pas été explicitées. Si cette notion devait perdurer, elle ne pourrait trouver à s'appliquer seulement aux hydrocarbures et devrait être examinée dans le cadre de la réforme du code minier annoncée pour 2018.
M. Roland Courteau. - Nous sommes favorables au maintien du cahier des charges. En quoi serait-il gênant de le demander en cas de problèmes environnementaux ou de santé ? Est-ce une précaution ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Les intérêts visés sont déjà protégés par la police des mines et l'autorité compétente a déjà toute faculté pour arrêter les modalités d'instruction de titres.
Mme Sophie Primas, présidente. - Le mieux est l'ennemi du bien...
M. Roland Courteau. - Nous voterons contre cet amendement.
L'amendement COM-61 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Les amendements identiques COM-10 et COM-47 prévoient une dérogation à l'interdiction de recherche et d'exploitation des hydrocarbures pour les régions d'outre-mer. Cette dérogation viderait, de fait, le texte d'une grande partie de ses effets puisque l'outre-mer possède sans doute, en particulier au large de la Guyane, les réserves les plus prometteuses. Demande de retrait ou à défaut, avis défavorable.
M. Dominique Théophile. - Je m'abstiens.
Les amendements identiques COM-10 et COM-47 ne sont pas adoptés.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-62 supprime l'alinéa 22 qui est inutile car il fait référence à des dispositions qui continuent à s'appliquer sans qu'il soit nécessaire de le rappeler.
L'amendement COM-62 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-63 encadre le droit de suite. Il regroupe au sein d'un même article, par souci de clarté, l'ensemble des dispositions de la nouvelle section du code minier relative à l'arrêt de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures. Il précise explicitement que cet encadrement du droit de suite ne concerne que les « nouvelles concessions ». Il revient, enfin, sur une modification apportée à l'Assemblée par deux sous-amendements à l'amendement du Gouvernement qui ont remplacé la notion de « rentabilité normale » par celle d'« équilibre économique ». Or, cette dernière notion est trop limitative : l'exploitant n'aurait plus aucune espérance de profit. Aussi cet amendement remplace la notion d'« équilibre économique » par celle de « rémunération normale », qui est parfaitement connue en droit.
M. Roland Courteau. - Nous nous abstenons.
L'amendement COM- 63 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Par voie de conséquence, l'amendement COM-64, comme les amendements identiques COM-2 et COM-30, suppriment l'article 1er bis nouveau, même si ce n'est pas pour les mêmes raisons.
Les amendements de suppression COM-64, COM-2 et COM-30 sont adoptés. L'article 1er bis nouveau est supprimé. L'amendement COM-18 devient sans objet.
Article additionnel après l'article 1er bis nouveau
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-11 instaure au bénéfice des régions d'outre-mer une redevance liée à la délivrance des titres miniers en mer. Demande de retrait ou à défaut, avis défavorable.
L'amendement COM-11 n'est pas adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-3.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Dans sa rédaction actuelle, l'article 2 prévoit que l'interdiction de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures s'applique aux demandes déposées après l'entrée en vigueur mais également aux demandes en cours d'instruction - soit 42 demandes d'octroi de permis et 8 demandes d'octroi de concessions, dont les plus anciennes datent de 2009. Un tel effet rétroactif pourrait être jugé contraire aux principes constitutionnels de garantie des droits, tels qu'ils s'étendent aux effets légitimement attendus, ainsi qu'à ceux du droit de l'Union européenne. De plus, en raison du « stock anormalement élevé de demandes » non traitées, comme l'a souligné le Conseil d'État, la rétroactivité de ces dispositions reviendrait à pénaliser les demandeurs à cause de l'inaction de l'État au cours des dernières années. Ce n'est pas normal ! Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État invitait d'ailleurs le Gouvernement à prendre des « mesures transitoires plus substantielles ».
L'amendement COM-65 vise à trouver un point d'équilibre entre l'exigence de sécurité juridique et l'objectif poursuivi par le Gouvernement d'un arrêt de ces activités à l'horizon 2040 en mettant en oeuvre les « mesures transitoires plus substantielles » suggérées par le Conseil d'État : seules les demandes déposées au plus tard le 6 juillet 2017, date d'adoption par le Gouvernement de son plan Climat comportant l'annonce de la sortie progressive de la production d'hydrocarbures sur le territoire français à l'horizon 2040, seraient concernées. La date retenue évitera aussi tout effet d'aubaine consistant à déposer des demandes avant la promulgation de la loi. En revanche, l'encadrement du droit de suite, en vertu duquel la durée d'une concession ne pourrait permettre de dépasser le 1er janvier 2040 sauf si la rentabilité de l'opération nécessite d'aller au-delà, serait applicable y compris aux demandes en cours d'instruction. L'horizon de 2040 visé par le Gouvernement serait ainsi préservé.
M. Roland Courteau. - Cet amendement donne trop de souplesses, trop de dérogations. Cela va à l'encontre des objectifs poursuivis. Nous voterons contre.
M. Daniel Gremillet. - Le groupe Les Républicains est très attaché à cet amendement. Il faut respecter les droits de ceux qui ont déposé des demandes dans le cadre d'un régime juridique donné. Cet amendement limitera aussi les effets d'aubaine.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Les permis de recherche débouchent une fois sur dix sur une concession. Sur les 42 demandes en cours, quatre ou cinq dossiers pourraient donc aboutir à des concessions ; ce n'est pas considérable ! Tandis que ceux qui n'ont pas reçu de réponse depuis longtemps en auront une.
Mme Françoise Férat. - Je retire l'amendement COM-21 au profit de celui de notre rapporteure.
L'amendement COM- 65 est adopté.
L'amendement COM-21est retiré.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-12 propose de créer un dispositif transitoire pour les demandes en cours d'instruction ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Il est très largement satisfait par mon amendement COM-65. Avis défavorable.
L'amendement COM- 12 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 2
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Avis très défavorable à l'amendement COM-28 qui supprime le droit de suite, le droit à prolongation des permis exclusifs de recherche et la possibilité de prolonger une concession.
L'amendement COM-28 n'est pas adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-4.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
L'article 2 bis nouveau est adopté sans modification.
Article additionnel après l'article 2 bis nouveau
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Actuellement, la prolongation d'un permis exclusif de recherches prend effet à la date d'expiration de la précédente période de validité. Toutefois on constate des retards significatifs dans l'instruction des demandes. Certaines prolongations de permis exclusifs sont octroyées plusieurs années après la date d'expiration de la précédente période de validité du permis et peu de temps avant l'expiration de la prolongation octroyée... Il est donc légitime de prévoir que, lors de l'octroi de ces prolongations pour lesquelles des demandes ont été déposées il y a plusieurs années, leur durée sera calculée à compter de l'entrée en vigueur de la décision de prolongation. C'est l'objet de l'amendement COM-66.
M. Roland Courteau. - Vous déplacez le curseur, c'est trop généreux ! Nous y sommes opposés.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Il s'agit plutôt de pallier la lacune des services de l'État qui mettent des années à répondre à des demandes de prolongation !
L'amendement COM-66 est adopté et devient article additionnel après l'article 2 bis nouveau.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-5.
L'amendement COM-5 n'est pas adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-67 vise à faciliter la conversion ou la cession des installations pour d'autres usages du sous-sol mais aussi pour d'autres activités économiques. Les modalités de ces reconversions seront précisées par décret.
M. Roland Courteau. - Nous voterons cet amendement !
L'amendement COM-67 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-68 facilite la reconversion des installations d'exploration et d'exploitation de substances de mines pour d'autres usages du sous-sol ou d'autres activités économiques en prévoyant la possibilité de transférer à l'État, à son entière discrétion, tout ou partie des droits et obligations liés à l'activité minière passée.
L'amendement COM-68 est adopté, ainsi que l'amendement de précision COM-69. L'article 2 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-70 procède à la codification de la loi du 13 juillet 2011 telle qu'elle résulte du texte adopté par l'Assemblée nationale.
L'amendement COM-70 est adopté.
M. Fabien Gay. - L'amendement COM-27 revient à la définition des techniques interdites proposée par la commission à l'Assemblée nationale. Je ne comprends pas l'expression « créer la perméabilité de la roche » dans le texte du Gouvernement. Je préfère la formulation « modifier durablement la roche ».
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Avis défavorable, même si nous pourrons interroger le gouvernement en séance pour obtenir des précisions sur sa rédaction.
L'amendement COM-27 n'est pas adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-36 est satisfait par le droit actuel.
L'amendement COM-36 devient sans objet.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-35 précise que la publication du rapport démontrant l'absence de recours à des techniques non conventionnelles doit intervenir avant le démarrage de l'exploitation. Cette précision n'est pas indispensable, mais avis favorable sous réserve de rectification pour viser aussi l'exploration - puisqu'il peut tout aussi bien s'agir d'une prolongation de titre d'exploration.
M. Roland Courteau. - Nous y sommes favorables.
L'amendement COM-35, ainsi rectifié, est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3 bis (nouveau)
L'amendement de suppression COM-9 n'est pas adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-71 rend la concertation avec les parties prenantes obligatoire, notamment les collectivités territoriales qui ont été oubliées sur le volet relatif à la reconversion des territoires.
M. Roland Courteau. - Très bien !
L'amendement COM-71 est adopté.
L'article 3 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3 ter (nouveau)
L'amendement de suppression COM-6 n'est pas adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-72 concerne le rapport du Gouvernement évaluant l'impact environnemental des hydrocarbures. Il procède à des clarifications rédactionnelles. En visant l'ensemble des pétroles et gaz mis à la consommation en France et plus seulement les seules importations, il intègre les pétroles et gaz français, ce qui permettra de comparer leur impact environnemental à celui des hydrocarbures importés. Il centre l'objet de la différenciation des hydrocarbures sur leur impact environnemental, qui pourra être analysé en fonction, notamment, de l'origine, du type de ressource et de leurs conditions d'extraction, de raffinage et de transport. S'agissant du pétrole, il inclut les pétroles raffinés qui, sans cet ajout, pourraient être exonérés de toute différenciation.
L'amendement COM-72 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-41 prévoit l'actualisation tous les cinq ans du rapport du Gouvernement évaluant l'impact environnemental des hydrocarbures importés. Avis défavorable : ce rapport ne constitue pas un outil de suivi de cet impact mais doit permettre de mettre en place des mesures opérationnelles. Le rapport n'est donc pas le but mais le moyen. Mon amendement COM-72 réécrit par ailleurs tout le dispositif et l'élargit.
L'amendement COM-41 n'est pas adopté.
L'article 3 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Mon amendement COM-73 supprime l'article. La nature des concours visés par le rapport n'a pas été explicitée, non plus que son objectif. Au vu de ces incertitudes et de la très faible portée opérationnelle de ces dispositions, supprimons cette demande de rapport.
M. Roland Courteau. - Il serait pourtant intéressant de connaître le montant de ces concours à l'industrie pétrolière. C'est une question de transparence...
Les amendements de suppression COM-73 et COM-7 sont adoptés.
L'article 3 quater A est supprimé.
Article 3 quater (nouveau)
L'amendement de suppression COM-8 n'est pas adopté.
L'amendement rédactionnel COM-74 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-75 précise que les informations couvertes par les droits d'inventeur ou de propriété intellectuelle du titulaire du titre ne peuvent être rendues publiques.
L'amendement COM-75 est adopté.
L'article 3 quater (nouveau) est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 3 quater (nouveau)
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Aujourd'hui les régions d'outre-mer, en contrepartie de la compétence sur la délivrance des titres qui leur est transférée, sont substituées à l'État à la fois pour les droits et pour les obligations qui en résultent - qui leur sont transférés en cas de disparition ou de défaillance de l'exploitant. L'amendement COM-13 prévoit que les régions d'outre-mer ne soient substituées à l'État que lorsqu'il est question de droits et qu'en revanche, les obligations restent à la charge de ce dernier au titre de la solidarité nationale... Demande de retrait ou à défaut avis défavorable, de même que pour l'amendement COM-14 de repli.
L'amendement COM-13 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-14.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Plutôt que d'habiliter le Gouvernement à réformer par ordonnance le cadre de régulation du stockage souterrain de gaz naturel, l'amendement COM-76 intègre directement cette réforme dans la loi. Le Gouvernement avait déjà été habilité à réformer le stockage du gaz par la loi relative à la transition énergétique mais n'avait pu aboutir dans les délais prescrits par l'habilitation ; le Parlement est donc fondé à reprendre la main sur cette question.
Tous les acteurs du système conviennent aussi qu'il y a urgence à réformer le système actuel, que chacun juge à bout de souffle ; il est impératif que l'ensemble du dispositif juridique soit mis en place au plus tard en début d'année prochaine pour assurer la sécurité de l'approvisionnement gazier pour l'hiver 2018-2019. Il est urgent d'intégrer ces dispositions dans la loi plutôt que de procéder par ordonnance.
M. Roland Courteau. - Cette initiative semble intéressante mais nous n'avons pas eu le temps d'analyser l'amendement. Nous voudrions aussi connaître l'avis du Gouvernement. Dans l'immédiat, nous nous abstenons.
M. Fabien Gay. - Nous sommes dubitatifs : la mise aux enchères des capacités de stockage constitue une libéralisation extraordinaire, le consommateur risque de voir la facture augmenter in fine...
Mme Sophie Primas, présidente. - En somme, vous êtes adeptes de la transparence, sauf en l'espèce...
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Le principe de l'enchère figure déjà dans le texte. La facture des consommateurs n'augmentera pas. Au contraire, ils peuvent espérer une baisse car les revenus des stockeurs seront désormais régulés.
L'amendement COM-76 est adopté et les amendements COM-37, COM-38, COM-39, et COM-40 deviennent sans objet. L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5
L'article 5 est adopté sans modification.
Article 5 bis A (nouveau)
L'amendement de simplification et de cohérence COM-77 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel COM-78. L'article 5 bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5 bis (nouveau)
L'amendement COM-79, qui corrige une erreur de référence, est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'article 5 bis nouveau réforme le cadre de régulation du raccordement des énergies marines renouvelables. Il faut cependant apporter deux précisions pour étendre, d'une part, l'indemnisation du producteur aux cas de dysfonctionnements des ouvrages du réseau qui viendraient limiter sa production et pour viser, d'autre part, l'ensemble du réseau d'évacuation, dans sa partie marine comme dans sa partie terrestre. Tel est l'objet de l'amendement COM-80.
M. Roland Courteau. - Cet amendement étend les dérogations existantes et remet en cause notre système de financement des réseaux d'évacuation des sites de production d'électricité terrestre, quelle que soit l'énergie retenue. Comment justifier que la partie terrestre du raccordement d'un réseau d'acheminement situé en mer bénéficie d'un régime d'indemnisation très favorable au producteur quand un autre producteur, dont le site est implanté à terre à proximité de la côte, n'en profitera pas ? Le gestionnaire du réseau de transport, RTE, est inquiet et la CRE a émis des réserves sur l'extension de cette dérogation lorsqu'elle avait été évoquée lors des travaux préparatoires à l'Assemblée nationale.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Nous ne visons que les éoliennes en mer. Cette mesure est utile pour faciliter leur déploiement. Il est vrai que RTE n'y est pas très favorable...
M. Roland Courteau. - Car ce système crée deux poids, deux mesures !
Mme Anne-Catherine Loisier. - Il y a un risque de distorsion.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Je vous rassure, le texte ne vise que les éoliennes en mer, non les éoliennes terrestres.
M. Daniel Dubois. - Cet amendement ne vise en fait que le projet en cours au large de Dunkerque, non les appels d'offre précédents. Ce n'est pas très cohérent...
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Pour les appels d'offres de 2011 et 2013, les producteurs avaient intégré le coût du raccordement dans leurs prix. Revenir dessus créerait un effet d'aubaine.
L'amendement COM-80 est adopté, ainsi que l'amendement identique COM-93.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-81 vise à respecter la compétence tarifaire de la CRE.
L'amendement COM-81 est adopté, ainsi que l'amendement identique COM-94.
L'amendement COM-82, qui corrige une erreur matérielle, est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-83 supprime les alinéas 19 à 35, relatifs aux réseaux intérieurs des bâtiments, qui n'ont aucun lien avec le reste de l'article. Ils seront déplacés dans un article additionnel. L'amendement COM-32 est identique mais pour d'autres raisons.
Les amendements identiques COM-83 et COM-32 sont adoptés. L'amendement COM-42 devient sans objet.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-43 sera satisfait par un de mes amendements.
L'amendement COM-43 devient sans objet.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'article L. 345-2 prévoyant déjà qu'un réseau intérieur ne peut être installé que dans un bâtiment appartenant à un propriétaire unique, la précision apportée par l'amendement COM-49 apparaît redondante. Avis défavorable.
L'amendement COM-49 n'est pas adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-48 précise que, dans le cadre d'un réseau intérieur, le dispositif de décompte de la consommation ou de la production d'électricité est installé « à tout utilisateur qui en fait la demande » par le gestionnaire du réseau public de distribution. Cette précision est inutile. L'article L. 345-5 paraît en effet sans ambiguïté sur l'obligation qui est faite au gestionnaire de réseau d'installer un tel dispositif de comptage. Quant au fait de préciser que la demande doit en être faite par l'utilisateur, et non par le propriétaire de l'immeuble, je ne suis pas certaine de son intérêt. Demande de retrait ou à défaut avis défavorable.
L'amendement COM-48 n'est pas adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-50 prévoit qu'en cas de division ou de vente partielle d'un bâtiment dans lequel un réseau intérieur a été créé, le propriétaire est obligé d'abandonner ses droits sur le réseau et de demander sa réintégration au réseau public, demande que le gestionnaire de réseau est tenu d'accepter. Cette précision est utile. Avis favorable sous réserve d'une rectification rédactionnelle.
L'amendement COM-50, ainsi rectifié, est adopté, ainsi que l'amendement COM-84, qui précise une référence.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-31, sans lien direct avec le texte, élargit le périmètre d'une opération d'autoconsommation collective. Il ouvre ainsi la voie à la constitution de véritables îlots énergétiques autonomes, ce qui est en parfaite contradiction avec le modèle français de la distribution publique d'électricité et de la péréquation tarifaire. Avis très défavorable.
L'amendement COM-31 n'est pas adopté.
L'article 5 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 5 bis (nouveau)
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'amendement COM-85 encadre la notion de réseaux intérieurs afin de sécuriser le monopole de la distribution publique d'électricité garante de la péréquation tarifaire et technique sur l'ensemble du territoire. Pour cela, il circonscrit les réseaux intérieurs aux immeubles de bureaux et aux bâtiments contigus. Cet encadrement est indispensable.
M. Roland Courteau. - Nous voterons cet amendement.
L'amendement COM-85 est adopté et devient article additionnel après l'article 5 bis.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'information sur la proportion de biométhane dans le gaz proposé n'est pertinente que dans le cadre des offres dites « vertes » de gaz qui comportent une part de biométhane, comme le prévoit l'amendement COM-86.
L'amendement COM-86 est adopté. L'article 5 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Pierre Cuypers. - Les amendements COM-15 et COM-16 visent à durcir de façon transitoire les critères de durabilité des biocarburants pour lutter contre la concurrence déloyale de biocarburants importés de pays - l'Argentine, ou demain, l'Indonésie - où les exigences sont moindres qu'en France. Il s'agit de défendre notre filière. Le ministre semblait ouvert à ces amendements. Nous devons gagner du temps pour éviter une condamnation par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en attendant que la Commission européenne se prononce sur une plainte anti-subvention.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Le problème posé est réel et le ministre a indiqué qu'il travaillait à la question. Les amendements présentent toutefois des risques juridiques qu'il convient d'analyser. Je propose le retrait de ces amendements en m'engageant à travailler avec le Gouvernement d'ici à la séance publique pour trouver la réponse la plus appropriée.
M. Pierre Cuypers. - Je vous fais confiance et retire mes amendements.
Les amendements COM-15 et COM-16 sont retirés. L'article 6 est adopté sans modification.
M. Daniel Laurent. - L'amendement COM-51 supprime l'article 6 bis qui impose aux stations-service une obligation de double distribution des carburants pour assurer la couverture du territoire en carburants compatibles avec tous les véhicules. N'alourdissons pas les charges de nos stations-service, lorsque l'on connaît déjà la difficulté à préserver un maillage territorial de ces stations dans les zones rurales.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Demande de retrait au profit de mon amendement COM-87 qui apporte la garantie d'une couverture géographique appropriée pour la distribution des biocarburants sans créer de charges excessives pesant sur les stations-service. Aucune règle de droit européen n'exige en effet aujourd'hui qu'une double distribution d'essence ou de diesel soit mise en place dans chaque station-service, contrairement à ce qui est proposé dans le présent article. Évitons une surtransposition du droit communautaire qui risquerait de fragiliser encore le secteur de la distribution de carburants alors que 28 000 stations-services ont fermé entre 1985 et 2016 et que les 11 000 stations restantes n'assurent déjà plus un maillage optimal du territoire. L'amendement prévoit donc que la distribution assure une couverture géographique appropriée, qu'il appartiendra à l'État de définir après consultation des parties prenantes, et avec une clause de revoyure annuelle qui permettra de tenir compte de l'évolution des parts de marchés respectives des carburants.
M. Daniel Laurent. - Je retire mon amendement COM-51 au profit de l'amendement de notre rapporteure.
M. Roland Courteau. - Nous voterons cet amendement raisonnable.
L'amendement COM-51 est retiré. L'amendement COM-87 est adopté. L'article 6 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 6 bis (nouveau)
M. Daniel Laurent. - Le déploiement des bornes de recharge électriques est en cours de réalisation sur l'ensemble du territoire français avec succès grâce aux communautés de communes, d'agglomérations et aux syndicats d'électricité. L'amendement COM-45 étend cette possibilité d'intervention à l'installation et à l'entretien de stations de recharge de véhicules fonctionnant au GNV ou au bio-GNV ou à l'hydrogène. Il faut être visionnaire et prévoir l'avenir, alors que le droit actuel est muet sur ce sujet.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Avis favorable sous réserve d'une simple rectification de forme.
L'amendement COM-45, ainsi rectifié, est adopté et devient article additionnel après l'article 6 bis.
Mme Françoise Férat. - L'amendement COM-22, de bon sens et inspiré par l'expérience, propose de fixer pour dix ans les objectifs nationaux de réduction des émissions de polluants atmosphériques, et non par période de quatre ans jusqu'à 2030. Quatre ans est une période bien trop courte pour atteindre ces objectifs. Une fois que les responsables auront réuni les acteurs et les parties intéressés, que les objectifs seront traduits en actions et que les premiers bilans seront dressés, il faudra s'atteler au respect des nouveaux objectifs. À Reims et à Épernay, par exemple, il a fallu plus de deux ans pour signer une convention avec l'État. Une période de dix ans permet d'appréhender les objectifs plus sereinement, quitte à ce qu'ils soient plus ambitieux.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Cet amendement revient sur la loi relative à la transition énergétique. Je propose à ses auteurs de retirer leur amendement et de le redéposer en séance pour entendre l'avis du Gouvernement sur cette question.
L'amendement COM-22 est retiré.
L'article 7 est adopté sans modification.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'article 7 bis A prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement sur la façon dont les plans de protection de l'atmosphère (PPA) pourraient mieux prendre en compte les objectifs de développement durable lors de l'attribution des marchés publics. Les amendements identiques COM-88 et COM-95 préservent l'objet de ce rapport mais en améliorent la rédaction et l'étendent à l'ensemble des marchés publics, et non seulement à ceux qui seraient passés dans une zone couverte par un PPA.
Les amendements identiques COM-88 et COM-95 sont adoptés.
L'article 7 bis A nouveau est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - L'article 7 bis dispose que dans le cadre d'un plan de protection de l'atmosphère (PPA) dans le périmètre duquel les valeurs limites relatives aux particules fines sont dépassées, le préfet établit un plan d'action pour favoriser le recours aux énergies les moins émettrices de particules et faciliter le raccordement aux infrastructures gazières publiques ou aux réseaux de chaleur existants.
Les amendements identiques COM-89 et COM-96 précisent que les mesures arrêtées par le préfet ne constituent pas un nouveau plan, distinct du PPA, mais sont intégrées dans le PPA ; ils prévoient que l'élaboration de telles mesures est une faculté laissée aux préfets de département et non une obligation ; enfin, ils disposent que les énergies et les technologies les moins émettrices doivent être favorisées afin de ne pas exclure, par principe, le chauffage au bois. Il s'agit d'inciter au renouvellement du parc vers les appareils les plus performants en termes de rendement énergétique et d'émissions de particules fines.
Les amendements identiques COM-89 et COM-96 sont adoptés.
L'article 7 bis nouveau est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 7 bis (nouveau)
M. Daniel Laurent. -L'article L. 2224-34 du code général des collectivités territoriales dispose aujourd'hui que seuls les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et la métropole de Lyon, lorsqu'ils ont adopté le plan climat-air-énergie territorial (PCAET), peuvent mettre en oeuvre des actions de maîtrise de la demande d'énergie sur leur territoire. L'amendement COM-52 ajoute par cohérence, à ces personnes publiques, les EPCI qui ont adopté un PCAET à titre facultatif et les syndicats d'énergie.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. - Le lien avec le texte, même indirect, me semble très tenu. Toutefois, avis favorable car ces dispositions permettront aux personnes publiques qui le souhaitent de mettre en oeuvre cette compétence.
L'amendement COM-52 est adopté et devient article additionnel après l'article 7 bis.
Article additionnel avant l'article 8
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L'amendement COM-44 modifie le régime des sanctions applicables en cas de non-respect de l'obligation de pavillon français. Il propose de moduler les sanctions selon la taille des navires affrétés et la nature des produits transportés. L'objet de l'amendement semble assez confus et le sujet doit être approfondi. Avis défavorable. Nous pourrons au besoin réexaminer la question d'ici à la séance publique.
L'amendement COM-44 n'est pas adopté.
Article 8
L'article 8 est adopté sans modification.
M. Roland Courteau. - Le groupe socialiste et républicain a quelques regrets concernant les amendements adoptés au chapitre Ier sur l'arrêt de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures. Trop de dérogations ont été adoptées qui menacent l'équilibre du texte. C'est dommage. Toutefois nous sommes dans l'ensemble d'accord avec le texte de la commission sur les autres articles. Nous déposerons des amendements en séance. En attendant, nous nous abstiendrons.
M. Michel Magras. - L'article 8 précise que cette loi ne s'appliquera pas à Saint-Barthélemy, à l'exception du domaine terrestre, car notre collectivité est régie par l'article 74 de la Constitution : l'exploration, l'exploitation et la recherche des ressources biologiques et géologiques de l'île relèvent de la compétence de la seule collectivité dans le respect des engagements internationaux de la France. Toutefois, il n'y a aucune chance que l'on trouve du pétrole sur l'île et l'exiguïté de notre zone économique exclusive ne permet pas de mener des actions de recherche dans le milieu marin, nous n'en avons pas les moyens !
Je suis surpris par la terminologie employée par Georges Patient dans ses amendements qui font référence aux « régions d'outre-mer », soit, seulement, la Guadeloupe, La Réunion et Mayotte. En effet, la Martinique et la Guyane sont devenues des collectivités régies par l'article 73, les autres collectivités sont régies par de l'article 74, hormis la Nouvelle-Calédonie qui détient un statut à part. Sous ces réserves terminologiques, je comprends le sens de sa démarche. Sur l'ensemble du texte, je partage les remarques de Daniel Gremillet. Notre commission a amélioré le texte, sous l'impulsion de notre rapporteure que je félicite.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les avis de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous.
Groupes de travail communs avec la commission des affaires européennes sur la politique agricole commune, sur les négociations commerciales et sur la stratégie industrielle de l'Union européenne - Désignation des membres
Mme Sophie Primas, M. Pierre Cuypers, M. Laurent Duplomb, M. Pierre Louault, M. Henri Cabanel, M. Franck Montaugé, M. Joël Labbé et Mme Cécile Cukierman sont nommés membres du groupe de travail PAC.
M. Serge Babary, M. Alain Chatillon, M. Jean-François Mayet, Mme Catherine Procaccia, M. Jean-Pierre Moga, M. Martial Bourquin et M. Fabien Gay sont nommés membres du groupe de travail Stratégie industrielle.
Mme Sophie Primas, Mme Anne-Marie Bertrand, Mme Marie-Christine Chauvin, Mme Anne-Catherine Loisier, M. Xavier Iacovelli, sont nommés membres du groupe de travail Négociations commerciales.
Questions diverses
Mme Sophie Primas, présidente. -Je rappelle à la commission que les convocations faisant l'objet d'un double encadré entrent dans le champ d'application de l'article 23 bis du Règlement du Sénat, à savoir les obligations de présence assorties de retenues financières.
Nous allons constituer un groupe de suivi des états généraux de l'alimentation. La première phase des États généraux de l'alimentation vient de s'achever. À cette occasion, le président de la République a annoncé qu'il envisageait des ordonnances, notamment sur la question des négociations entre producteurs, transformateurs et distributeurs, et sur la formation des prix agricoles. Or nous avons beaucoup travaillé sur ces sujets depuis deux ans, en particulier Daniel Gremillet sous l'impulsion des présidents Gérard Larcher et Jean-Claude Lenoir. Nous aurons prochainement l'occasion d'interroger le ministre, mais je vous annonce d'ores et déjà la constitution d'un groupe de suivi au sein de notre commission et j'invite ceux qui sont intéressés à se faire connaître.
Enfin, il y aura un projet de loi sur la réforme de la politique du logement, mais cette réforme passe par plusieurs vecteurs à commencer par la loi de finances. Je propose que nous donnions mandat à Dominique Estrosi Sassone de suivre l'ensemble de la réforme, et ses travaux seront ouverts aux membres de la commission et à ceux qui le souhaiteront.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à midi.
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente, et de M. Hervé Maurey, président de la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable -
La réunion est ouverte à 16 heures.
Audition de M. Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep)
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui M. Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), et M. Pierre-Jean Benghozi, membre du collège de l'Arcep, devant nos deux commissions réunies, celle de l'aménagement du territoire et du développement durable et celle des affaires économiques. Le numérique est en effet l'une des compétences partagées entre nos deux commissions, de même qu'elle est partagée entre au moins trois ministres. Notre commission aborde la question sous l'angle de l'aménagement numérique du territoire, tandis que celle des affaires économiques s'intéresse davantage aux aspects industriels et concurrentiels.
L'accès au numérique par les réseaux de communications électroniques fixes et mobiles est pour nous une préoccupation majeure et constante. Nous y avons consacré plusieurs rapports d'information depuis la création de notre commission en 2012. Nous avons eu l'occasion de donner des suites concrètes à ces travaux lors de l'examen de plusieurs textes récents, pour lesquels notre commission a eu un apport significatif, en particulier dans le cadre de la loi pour une République numérique et de la loi montagne, sur le rapport ou à l'initiative de Patrick Chaize. Nous avons aussi organisé une table ronde avant l'été au Sénat.
Monsieur Soriano, vous nous présenterez les conclusions de l'avis que le Sénat vous a demandé sur la couverture numérique du territoire. Quel bilan faites-vous du déploiement du très haut débit fixe jusqu'à présent ? Comment jugez-vous les déclarations récentes de SFR ? Quelles seront leurs conséquences ? Vous serez aussi certainement interrogé sur les réseaux mobiles par nos collègues, tant cette question est brûlante pour nos concitoyens. Le Président de la République a fait des annonces fortes pour 2020 et 2022. L'Arcep a été saisie par le Gouvernement et formulera bientôt des propositions. J'ai d'ailleurs été auditionné lundi dernier par le collège de l'Arcep à ce sujet en tant que représentant des régions de France. Nous serons heureux de vous entendre sur l'ensemble de ces sujets.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Monsieur le président Soriano, c'est la troisième fois que notre commission vous auditionne depuis votre nomination, alors que vous atteindrez bientôt la moitié de votre mandat. Je souhaite, d'abord, vous remercier d'avoir répondu favorablement à la demande que le Sénat a formulée auprès de l'Arcep en août dernier. Cette saisine avait pour objectif d'obtenir un avis neutre et expert, dans un contexte de profonde ambigüité et de grandes incertitudes concernant les infrastructures numériques en France.
Le premier point de la saisine portait sur les conditions d'atteinte des objectifs annoncés par le Président de la République en matière de couverture numérique du territoire. Notre commission s'interroge plus particulièrement sur le volet industriel de cette question. Nous souhaitons savoir si la France dispose d'industriels de la fibre et des technologies complémentaires à même de réaliser ces objectifs. Je constate dans les Yvelines toutes les difficultés concrètes pour déployer la fibre : qualification du personnel, disponibilité des poteaux, capacité du génie civil à répondre aux demandes, etc.
Le deuxième point portait sur l'analyse des conséquences des annonces de SFR, qui souhaite « fibrer la France ». Pensez-vous qu'il soit aujourd'hui rentable pour un opérateur privé d'investir, sur ses fonds propres, dans les zones les moins denses de notre territoire, comme l'opérateur semble l'affirmer ?
Le troisième et dernier point portait sur la concurrence entre les opérateurs. Quelle est actuellement la dynamique concurrentielle de ces marchés ? Les évolutions à venir sont-elles de nature à modifier cette dynamique ? La duplication des infrastructures avec le risque d'un duopole vous parait-elle souhaitable ? Enfin, vous avez déjà eu l'occasion de faire part de vos réticences à une potentielle consolidation du secteur des télécoms. Pouvez-vous revenir sur les raisons de votre position ?
M. Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). - Je suis ravi de cette audition. L'Arcep est une autorité administrative indépendante (AAI). L'indépendance est nécessaire pour faire prévaloir l'intérêt général face à des acteurs parfois très puissants, mais elle ne rime pas avec indépendantisme. Notre action doit s'inscrire dans un cadre global. Les retours des parlementaires sont essentiels pour nous aider à définir la bonne régulation.
L'Arcep a mené il y a deux ans une revue stratégique. Deux axes d'action prioritaires ont émergé. Tout d'abord, la réorientation du marché. Le marché concurrentiel des télécoms, que nous avons construit et qui fait bénéficier les consommateurs de prix très bas, doit aussi investir davantage, car il faut construire les réseaux fixes et mobiles de demain, ce qui a un coût et pose la question des retours sur investissements. Nous avons donc considéré qu'il était indispensable de relancer les investissements. Le second sujet est celui des territoires connectés. S'il est important que les acteurs soient compétitifs, il faut veiller toutefois à ce qu'ils n'oublient pas certains territoires. L'aménagement du territoire n'est pas une compétence directe de l'Arcep : d'autres acteurs y veillent, comme le Gouvernement à travers ses plans France Très Haut Débit ou pour développer la couverture mobile. Toutefois l'enjeu est tellement important que nous devons en tenir compte dans notre action.
Je présenterai les enjeux de l'Internet fixe et M. Pierre-Jean Benghozi évoquera les réseaux mobiles.
Notre engagement constant pour encourager l'investissement porte ses fruits. Après des investissements en moyenne de 7 milliards d'euros par an ces dernières années, le marché des télécoms recommence à investir davantage : 8 milliards d'euros en 2015, 9 milliards en 2016. La machine à investir repart. C'est une des raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à une consolidation. Les quatre opérateurs sont en concurrence mais investissent beaucoup. La priorité est que ce marché serve l'intérêt général.
Le marché du fixe est très différent de celui du mobile. Ses cycles d'investissement sont très longs : l'installation de la fibre optique est un investissement pour plusieurs décennies, contre une dizaine d'années pour la 2G, la 3G ou la 4G dans la téléphonie mobile. Le marché du fixe est aussi marqué par un ancien monopole, celui de France Télécom, devenu Orange, qui possède toujours les infrastructures de génie civil. Une de nos priorités à l'Arcep est d'améliorer la connectivité des entreprises, notamment des TPE-PME, sur tout le territoire et de faire baisser le coût d'accès à la fibre.
Le plan France Très Haut Débit (THD) repose sur un partage des tâches. Le Gouvernement a lancé en 2011 un appel à manifestations d'intérêt pour savoir qui était prêt à investir et dans quelles zones. À la suite de cela, des engagements ont été pris. La zone dite « AMII » (appels à manifestation d'intentions d'investissement) a été réservée au privé et les opérateurs ayant répondu, principalement Orange et SFR, se sont partagé le territoire, avec environ 85% pour Orange et 15% pour SFR. Dans les autres territoires, il revient aux collectivités territoriales d'assurer le déploiement de la fibre avec le soutien financier du plan France THD. Parallèlement nous avons mis en place un cadre de régulation destiné à favoriser la mutualisation des réseaux. Le législateur nous a suivis avec la loi de modernisation de l'économie. Inutile en effet de multiplier les réseaux, de passer plusieurs fois dans les immeubles ni d'ouvrir plusieurs fois des tranchées dans les rues pour les déployer ! La fibre optique permet en effet un partage du réseau, dit « partage passif », qui permet à chaque opérateur de conserver son électronique, d'innover, de se distinguer de ses concurrents. Dans le partage des tâches, le Gouvernement est responsable de l'architecture d'ensemble du Plan France THD et des soutiens publics, tandis que l'Arcep régule les opérateurs dans la mise en oeuvre de ce plan.
Notre avis sera publié demain. Nous soutenons l'ambition du Gouvernement qui a réaffirmé sa volonté de parvenir au très haut débit pour tous en 2022 et qui a même fixé l'objectif du « bon haut débit » pour tous en 2020. L'Arcep prendra sa part à cet effort. D'ici quelques semaines, nous libérerons des fréquences pour permettre aux territoires qui le souhaitent de bénéficier du très haut débit radio, avec des modalités simples. Nous invitons à faire preuve de pragmatisme pour trouver les solutions technologiques les plus adaptées pour répondre aux attentes des territoires. Nous prônons les synergies entre les réseaux fixe et mobile : le réseau 4G peut fournir une solution transitoire pour offrir un accès Internet à haut débit de quelques mégabits - le bon haut débit est fixé à 8 mégabits.
L'annonce de SFR est d'abord une bonne nouvelle. On ne peut que se féliciter de voir un opérateur privé se déclarer prêt à investir massivement...
M. Pierre Louault. - C'est le plus mauvais opérateur !
M. Sébastien Soriano. - Pour autant, on ne part pas d'une feuille blanche. Après l'appel à manifestation d'intérêt de 2011 et les déclarations d'investissement reçues, certains territoires se sont déjà mobilisés. Ceux qui ont laissé passer les trains ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes ! SFR a eu l'opportunité de faire des déclarations d'investissement en 2011. Les projets des collectivités territoriales doivent être respectés. Nous disons clairement que, dans les zones rurales où des projets publics sont en cours, l'investissement de SFR doit se faire en plein accord avec les porteurs de projets des réseaux d'initiative publique, ce qui signifie qu'il ne doit pas y avoir de débauchage, d'intimidation ni de déploiement sans concertation. En cas d'accord entre SFR et les territoires, SFR doit préciser par écrit ses intentions d'investissement pour qu'elles soient juridiquement contraignantes. L'article L 33-13 du code des postes et communications électroniques, adopté dans la loi pour une République numérique, permet à un opérateur de proposer des engagements au ministre. L'Arcep rend un avis. Une fois validé, le plan devient juridiquement contraignant, sous le contrôle de l'Arcep qui peut imposer des sanctions pouvant aller jusqu'à 3% du chiffre d'affaires. La volonté, positive, de SFR d'investir peut donc être compatible, dans ce cadre, avec l'action des élus locaux dans les zones d'initiative publique.
Dans les zones d'initiatives privées, l'Arcep a réalisé un pointage précis des déploiements. Nous sommes inquiets. Selon nos projections, ces déploiements aboutiront, au mieux, en 2023...C'est pourquoi nous appelons de manière pragmatique à mobiliser toutes les volontés d'investissement existantes, comme celles de Free ou de Bouygues, à travers un nouveau partage de la zone AMII, pour mieux répartir l'effort visant à déployer le très haut débit plus rapidement. Là aussi, nous préconisons que les nouveaux engagements d'investissement soient juridiquement contraignants dans le cadre de l'article L.33-13.
Nous ne sommes pas naïfs. Nos propositions visent à inciter les opérateurs à utiliser le réseau mutualisé, plutôt qu'à déployer un autre réseau en parallèle. Elles comportent aussi un volet de dissuasion pour prévenir la politique du fait accompli ou l'intimidation. Nous proposons de créer un statut de réseau d'aménagement numérique, pour des projets, publics ou privés, avec des engagements d'aménagements numériques larges, sur des territoires étendus pour éviter les débauchages. En contrepartie, l'accès à certaines ressources rares nécessaires au déploiement des réseaux serait facilité : accès aux armoires de rue, aux infrastructures de génie civil, aux copropriétés, etc.
Nous pensons que le modèle du plan France THD garde toute sa pertinence. Les duplications inefficaces et anarchiques ne font pas sens et présentent un risque de désorganisation des acteurs et d'écrémage. C'est pourquoi nous proposons de manier la carotte et le bâton vis-à-vis des opérateurs, en donnant plus de place, dans le cadre du système actuel, à ceux qui acceptent les règles du jeu et en les dissuadant de mener des politiques non coordonnées.
M. Pierre-Jean Benghozi, membre du collège de l'Arcep. - La couverture mobile et numérique du territoire est la priorité absolue de l'Arcep. Chaque citoyen se demande à tout moment si son téléphone mobile « capte bien ». L'autorité compétente prend en compte ce souci majeur et permanent.
Il y a aujourd'hui une conjonction de planètes. L'importance de couvrir tout le territoire, difficile à faire entendre dans le passé, est aujourd'hui reconnue. Chacun - y compris les opérateurs - est prêt à jouer sa partition pour répondre à l'impatience de la couverture.
Le constat, pourtant, est aigre-doux. Doux, car la Fédération française des télécoms annonce une couverture de 70% de la population dans les zones peu denses couvertes par les différents opérateurs - seul Free est un peu à la traîne. Mais aigre, car cette évolution n'est pas satisfaisante, au regard de la complétude, de l'aménagement du territoire... Les usages dépassent en effet considérablement les anticipations, y compris celles formulées par l'Arcep. Nous sommes toujours en retard dans la fixation des échéances et des objectifs de couverture, alors que le volume de données mobiles (la consommation individuelle) double chaque année... En 2012, lors de l'attribution de la bande 800 pour la 4G, on avait fixé des objectifs sur les zones de déploiement prioritaire à 2028 ; lors de l'attribution de la bande 700 en 2015, les objectifs concernant les trains du quotidien ont été assortis d'échéances lointaines. Si 70% des zones prioritaires sont aujourd'hui couvertes, cela signifie que 30% ne le sont pas. Il faut donc accélérer et traiter par exemple les zones gris clair, mal couvertes, ou améliorer la qualité du service en internet mobile et en fonctionnalités diverses, car la qualité est très variable.
Il convient de suivre précisément le respect des engagements pris par les opérateurs en échange du droit d'usage. Ces engagements peuvent se révéler insuffisants, eu égard à l'impatience numérique que je mentionnais. Mais nous suivons chaque trimestre le déploiement de la 4G, et de la 3G dans les centres-bourgs qui en sont dépourvus.
Autre action importante de l'Arcep : le travail d'information, d'anticipation, de relais d'expérience. Nous avons affiné les cartes pour pousser les opérateurs à aller au-delà des obligations formelles, à investir afin de se différencier de leurs concurrents. Ce qu'indique le thermomètre sur la place du village - le critère binaire « capte ou ne capte pas » - ne reflète pas la qualité de la connexion pour chaque utilisateur. Le 18 septembre dernier, nous avons annoncé la publication de nouvelles cartes de couverture pour la région Nouvelle Aquitaine, avec quatre niveaux de performance, de « très bonne couverture » à « couverture limitée » et « inexistante », et des précisions sur la captation à l'extérieur et à la captation à l'intérieur des bâtiments - distinction fondamentale pour les activités telles que le commerce électronique. Ces nouvelles cartes correspondaient à une telle attente que nous avons enregistré 48 millions de consultations ! Dès le premier jour, le compteur du serveur de l'Arcep explosait ! Ces informations sont importantes pour éclairer le choix du consommateur avec d'autres critères que les types de forfaits et les tarifs, mais aussi pour guider les politiques publiques à partir d'un diagnostic précis des manques, et pour stimuler les efforts des opérateurs, ainsi incités à améliorer leur offre. Notre démarche est progressive, les cartes ne sont pas toujours précises, en dépit des mesures de vérification déjà effectuées pour la région citée, et que nous étendrons bientôt au reste du territoire. En 2018, nous diffuserons des cartes sur l'outre-mer et élargirons ces différentes cartes, au-delà des services voix et SMS, aux services d'internet mobile.
Il est temps de changer de braquet sur le mobile. Notre ambition, dans les zones de couverture limitée, correspond au slogan olympique « plus vite, plus loin, plus haut » ! Nous voulons pousser les opérateurs à investir seuls, plutôt qu'en partenariat avec les collectivités, car les mécaniques sont alors plus complexes. Nous conseillons au Gouvernement de se saisir du levier que représentent les renouvellements de fréquences 2G et 3G, entre 2021 et 2024, pour renégocier avec les groupes des engagements beaucoup plus contraignants. Les discussions devraient associer les collectivités locales, en bonne intelligence entre le public et le privé, et en s'appuyant sur des engagements opposables, sur la base de l'article L33-13 déjà cité.
L'objectif est d'améliorer significativement les choses dès 2020. Il y a des arbitrages à faire entre solutions pérennes de long terme et solutions « sparadraps » de court terme, pour régler des problèmes locaux, éventuellement par des solutions à la demande, temporaires. À cet égard, nous avons besoin de tous vos retours sur les priorités et les besoins.
Autres sujets importants, le déploiement des réseaux très haut débit radio, le réaménagement des bandes pour l'arrivée de la 5G - nous accordons souvent des autorisations d'expérimentation technique aux opérateurs, pour tester des solutions - ou la nouvelle bande de fréquence pour des réseaux d'entreprise 4G privés, qui s'adresse aux aéroports, centrales nucléaires ou grands sites industriels.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Ce que vous dites sur la téléphonie mobile, et que l'on peut lire sur le site de l'Arcep, fait froid dans le dos : vous parlez d'objectifs de couverture à 2027 ou 2030, alors que le Président de la République entend que le problème soit réglé en 2020 ! M. Benghozi parle seulement d'amélioration « significative » à cette date. Cela ne me plaît pas beaucoup et le Sénat sera vigilant.
M. Patrick Chaize. - Le sujet suscite l'intérêt de tous les élus locaux, tous les parlementaires. Moi aussi j'ai sursauté en vous entendant parler d'amélioration significative de la situation en 2020. La feuille de route est en cours de rédaction par le Gouvernement, les balises avaient été posées par le Président de la République lors de la conférence nationale des territoires. Des pistes de négociation sont ouvertes, elles sont en cours de discussion. Quelle est la position de l'Arcep sur les objectifs et sur la manière de les atteindre ? Les cahiers des charges des licences ne sont pas suffisamment ambitieux : bien sûr, ils sont respectés par les opérateurs, car on a manqué de courage pour leur demander plus. Où l'Arcep place-t-elle le curseur pour une bonne couverture en téléphonie mobile ?
Sur la téléphonie fixe, je suis heureux de vos propos sur le Sénat. C'est le bon sens de veiller à la non-duplication des réseaux en zones non rentables. SFR fait des propositions de provocation. Ce groupe jette un caillou - que dis-je, un rocher - dans la mare pour rattraper ce qu'il a raté dans le passé. Mais on ne peut refaire l'histoire, il faut seulement l'assumer.
Il faut prendre en compte les nouvelles dispositions, mais ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain, ni créer de la concurrence entre réseaux publics et privés. Merci de votre réponse, que j'ai appréciée. Je me réjouis aussi de la position de Bruxelles, car on nous a souvent dit que les autorités européennes privilégiaient la concurrence, or elles ont exprimé une orientation qui va dans le bon sens.
Sur le statut de zone fibrée, auquel je suis sensible puisque j'avais fait adopter l'amendement sur ce point dans la loi Macron, vous parlez d'une arme à laisser sur la table, à ne pas utiliser. Ne serait-il pas sage de commencer à la charger ? Zone fibrée, ce n'est pas un label touristique, comme « ville fleurie » ou « station verte ». Vous parlez d'outil de valorisation des territoires, c'est une bonne nouvelle, mais pouvez-vous nous dire en quoi ?
Vous précisez également que, s'agissant des réseaux d'initiative publique (RIP), ce statut doit être demandé conjointement par les collectivités et des opérateurs, dites-vous. Le statut sera-t-il donné sur l'ensemble du territoire du RIP ou de façon morcelée ?
Je veux exprimer mon inquiétude sur les zones AMII. On demande de la transparence aux opérateurs ; on est prêt à les croire, à les accompagner pour une réussite collective ; mais quand la confiance est perdue, le message ne passe plus. Comment l'Arcep compte-t-elle faire pour que les opérateurs fournissent des cartes et des délais de déploiement précis ? C'est ainsi que l'on restaurera la confiance des élus envers eux.
M. Michel Magras. - Les Antilles viennent de vivre une période d'activité cyclonique inédite, qui a montré combien ces îles - et les moyens de communication sur place - sont fragiles, dépendantes du numérique pour la continuité territoriale et pour lutter contre l'isolement insulaire. Dans la période pré-cyclonique, sur mon territoire, les messages étaient diffusés par le téléphone fixe. Pendant le passage du cyclone, cette diffusion ne fonctionnait plus, et si à ce moment-là, la téléphonie mobile fait défaut, la communication n'est plus possible entre les autorités et la population, même pour les urgences. Nous souhaitons, à Saint Barthélemy, une réflexion sur les solutions pour diffuser les messages par SMS-CB, ou cell broadcast ; nous souhaitons des précisions sur le calendrier d'attribution des fréquences 4G-LTE demandées par les collectivités. Un seul opérateur a répondu à notre demande et s'est mobilisé sur tout le territoire de l'île. Ne devrait-on pas aller vers une obligation de mutualisation du service entre les opérateurs ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Les zones rurales sont confrontées à deux problèmes essentiels : désertification médicale, couverture mobile. Faut-il 3 500 pylônes, ou 10 000, pour couvrir tout le territoire ? Peut-on savoir clairement quel programme permettrait une couverture totale ?
Il existe des plans d'installation de la 2G, de la 3G, mais dépassé ! On présente la 4G comme solution d'attente de la fibre optique et l'on nous propose de la 2G ou de la 3G : je crois que les Français souhaitent une clarification de la façon dont ils bénéficieront de la téléphonie mobile.
M. Martial Bourquin. - Je suis dubitatif : on parle depuis plus de dix ans de couverture de tout le territoire, de résorption des zones blanches, mais rien n'avance. Nous avons estimé dans un rapport sénatorial qu'il fallait même arrêter le démantèlement des cabines téléphoniques en attendant... Les opérateurs sont récalcitrants à trop d'obligations. Mais lorsque l'Autorité de la concurrence prend une décision, tout le monde y fait attention. Vous disposez d'un pouvoir de sanction par ordonnance gouvernementale : prononcez des mises en demeure de résorber telles zones blanches dans tel délai précis ! Bientôt, nous aurons deux types de territoires : ceux couverts en très haut débit, et ceux, ruraux, dépourvus de médecins comme de PME et TPE. Vous insistez sur la dissuasion. Très bien. Mais usez aussi de la sanction ! Fera-t-on toujours le même constat de non résorption dans un an, dans deux ans, dans trois ans ? J'attends une réponse claire.
M. Claude Bérit-Débat. - Lorsque, pendant leur audition, j'ai demandé aux opérateurs si l'engagement du Président de la République serait tenu, ils ont répondu que cela dépendrait des contreparties. Trois mois après, quelles contreparties ont été demandées ? Ont-elles été accordées ? L'échéance de 2020 sera-t-elle tenue ?
M. Alain Duran. - Vous qualifiez les annonces de SFR de « bonne nouvelle ». Je ne vois pas les choses ainsi... Dans le département de l'Ariège, nous avons pris le problème à bras le corps pour déployer partout la fibre optique, sur les lignes les plus chères, dans les zones isolées - on nous a généreusement laissé les zones AMII... Or SFR contacte à présent les maires, décrédibilisant le RIP et proposant la construction gratuite de morceaux de réseau, sauf dans les zones les moins rentables bien entendu. Le département est en train de réaliser son réseau ! Certes, les doublons de fibre ne sont pas interdits, mais qu'en pense l'Arcep ? Le bilan de France Très haut débit permet enfin de faire avancer le déploiement. Comment, sinon sanctuariser les RIP, du moins éviter le débauchage qui met à mal l'équilibre du RIP et empêche d'apporter la fibre partout et pour tous ?
Mme Nelly Tocqueville. - Il y a la valse des étiquettes, ici c'est la valse des dates. Lors de la prochaine audition, faut-il se préparer à entendre mentionner une échéance en 2033 ? Tous les opérateurs se présentent comme vertueux, mais leurs promesses n'engagent que ceux qui les croient. Nous ne le pouvons.
Le Gouvernement entend répondre aux attentes légitimes de la population des territoires ruraux. Mais comment, par exemple, diffuser la télémédecine comme il le souhaite si les équipements et réseaux nécessaires ne sont pas disponibles ? Les consommateurs ont pris l'habitude d'attirer l'attention sur les opérateurs qui ne respectent pas leurs engagements : envisagez-vous d'adopter vous aussi une telle démarche ?
Mme Viviane Artigalas. - Comment contraindre les opérateurs au respect de leurs engagements ? Chez moi, en zone de montagne, la desserte en haut débit rencontre des difficultés, et nous n'avons pas la fibre optique. Or, voyant que l'on creusait des tranchées, j'ai posé des questions : on installait la fibre pour des bureaux d'EDF ! Une entreprise de tourisme située juste à côté compte 40 employés, qui travaillent essentiellement au téléphone ou sur internet. Ils sont pénalisés par le faible débit et les dirigeants songeaient à délocaliser une partie de l'activité. J'ai monté un investissement en faisant appel également à des fonds d'État, pour acheminer cette fibre optique jusqu'à cette entreprise.
Où en sont les investissements promis pour déployer la fibre ? On parlait d'1,3 à 1,8 milliard d'euros.
Mme Françoise Cartron. - La carte réalisée en Nouvelle-Aquitaine a-t-elle suscité des prises de conscience ? A-t-elle eu un effet incitatif ?
M. Marc Daunis. - Ce que nous vous disons en termes policés, nous l'entendons sur nos territoires dans des mots beaucoup plus crus et directs. Il y a une colère... Vous parlez d'inquiétude ? Doux euphémisme ! Pour nous, c'est une certitude : les délais ne seront pas tenus, et les déclarations du Président de la République resteront un voeu pieux. Au rythme actuel, la fibre sera déployée en 2035. Une intervention lourde s'impose.
Le code des télécoms est en discussion à Bruxelles. Le Parlement résiste aux demandes des opérateurs qui réclament un allongement de la durée des licences à 25 ans. Quelle est votre position ?
Le Président de la République, très offensif sur les questions de régulation des plateformes et de la fiscalité du numérique, a rappelé que les géants d'Internet ne respectent pas les règles du jeu et utilisent leur position dominante pour empêcher d'autres acteurs d'émerger. Gardez-vous l'espoir que l'Europe avance sur ce sujet ?
M. Guillaume Chevrollier. - Dans la Mayenne, les attentes en matière de raccordement sont considérables, au point de générer un sentiment d'exaspération. L'outil Gigalis permet de mesurer la couverture réelle : 14 zones, soit 500 communes, présentent des carences. Toute la région est concernée, sauf la Loire-Atlantique. Les collectivités territoriales participent au dispositif des centres-bourgs en zone blanche et soutiennent la construction de 48 pylônes. Que pouvez-vous faire pour aider les collectivités territoriales et faire respecter les obligations des opérateurs ?
M. Roland Courteau. - L'accès téléphonique à des services sociaux se fait de plus en plus fréquemment par des numéros surtaxés. La régulation de ce type de numéros entre-t-elle dans vos compétences ? Globalement, la facturation totale des appels a augmenté ; notamment quand ceux-ci durent plus de deux minutes et vingt secondes. Certains CHU s'adonnent à ces pratiques : scandaleux !
M. Jean-François Longeot. - Merci d'avoir organisé cette audition. Nous entendons toujours le même discours : on nous prend pour des imbéciles ! Notre crédibilité auprès de nos concitoyens pâtit des incessants changements de délais. Résultat : on ne s'installe pas chez nous, ou on en part. Quand les opérateurs seront-ils vraiment incités à répondre aux attentes de nos concitoyens ?
Mme Anne-Catherine Loisier. - Oui, nous avons l'impression que les opérateurs n'ont pas de comptes à rendre, et qu'ils nous imposent leur calendrier. N'y a-t-il pas de solutions alternatives ? Quid du satellitaire ?
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Président d'un syndicat de déploiement du numérique, j'ai observé un comportement choquant de la part d'Orange : au moment où nous allions activer la fibre optique, Orange a lancé une offre commerciale pour accroître le débit du réseau cuivre ! D'un coup, ce qui n'était pas possible l'est devenu. J'ai écrit au président de l'entreprise et posé une question écrite au Gouvernement. Certains collègues m'ont fait part de pratiques similaires dans leurs départements. Sont-elles légales ? En tous cas, elles sont contraires à l'intérêt général.
M. Jean-Claude Tissot. - Dans la Loire, nous avons financé nous-même le déploiement de la fibre : cela coûte 500 euros par prise. En tout, cela fait plusieurs millions d'euros. On s'accommoderait presque des zones blanches, alors qu'elles pénalisent les agriculteurs, qui font tout sur internet désormais. Déjà, nous avons un système à deux vitesses. Que faire ?
M. Daniel Gremillet. - J'ai le sentiment qu'on n'avance pas, et qu'on se fiche de nous. Dans le Grand Est, SFR sème le trouble et menace la région. Qu'en pensez-vous ? Sur la téléphonie mobile, il ne se passe plus rien. Aucun signe de vie sur les zones blanches. Que pouvez-vous faire ?
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Ne serait-il pas dangereux de refaire la répartition entre opérateurs dans les zones AMII ? Il y a une courbe d'expérience, que les autres opérateurs n'ont pas parcourue. Vous avez parlé d'un nouveau réseau d'aménagement numérique. De quoi s'agit-il ?
M. Sébastien Soriano. - Ces auditions sont très utiles pour comprendre votre point de vue. Quelle est la valeur des engagements des opérateurs ? Pour le mobile, les fréquences appartiennent à la nation, et ne sont concédées qu'en l'échange d'obligations précises. Dans le fixe, rien de tel. Nous proposons donc d'instaurer des engagements contraignants dans le fixe aussi. Dès que les obligations auront une valeur juridique, l'Arcep, croyez-moi, les fera scrupuleusement respecter. Nous le faisons déjà pour le mobile : un observatoire publie tous les trois mois l'état du déploiement dans les zones moins denses. Et nous sanctionnons le moindre retard. Manque encore le niveau des obligations.
M. Martial Bourquin. - Nous sommes là pour cela !
M. Sébastien Soriano. - Dans le mobile, nous considérons que la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Nous avons d'abord voulu décrire l'existant avant de passer à l'action. Notre proposition au Gouvernement est historique. En Suède, les fréquences ont été attribuées en échange d'obligations de couverture très ambitieuses - mais les redevances sont plus limitées. Nous proposons au Gouvernement d'adopter ce modèle. Or les fréquences de 900, 1800 et 2100 arrivent à échéance. C'est un levier historique pour solliciter des engagements sans commune mesure avec ce que nous avons connu. Le Gouvernement nous a donné mandat d'ouvrir les négociations en ce sens. Bien sûr, il faudra que l'État accepte d'être moins gourmand sur la redevance. Il est aussi envisagé de limiter l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau afin de développer l'incitation. En dernière analyse, le choix revient au Gouvernement.
Cette audition est utile : je comprends de vos propos que les Français ne veulent plus la 2G ou la 3G mais internet et la 4G. Sur SFR, j'ai dit qu'en principe on ne peut que se réjouir qu'un opérateur investisse davantage. Mais nous ne laisserons pas semer le désordre et la désillusion dans nos territoires. Le réseau d'aménagement numérique nécessiterait une modification législative. Cela donnerait la priorité, pour chaque ressource rare, à la région qui l'aurait adopté. Reste à vérifier les conditions juridiques - et la Commission européenne travaille sur le sujet, notamment en luttant contre l'overbuilding.
Aux Antilles, l'Arcep est associée aux travaux du préfet responsable de la remise en place des territoires dévastés. Nous entendons votre demande d'un accès à des fréquences accélérant le redéploiement d'internet. De quel nombre de pylônes avons-nous besoin ? M. Mézard parle de 10 000 à 15 000. Le chiffrage est en cours. Je suis d'accord avec votre observation sur le partage des zones AMII. Nous ne devons pas perdre du temps en palabres.
La Commission a proposé que toute attribution de fréquences se fasse pour 25 ans. Je comprends la nécessité de donner de la prévisibilité aux acteurs économiques, mais cela me paraît excessif. Nous devons garder de la souplesse d'adaptation.
Sur les numéros surtaxés, l'Arcep définit les règles du jeu, mais ne peut obliger le secteur public à utiliser un numéro gratuit. Cela relève du Gouvernement, pas du régulateur.
M. Roland Courteau. - La loi le prévoit pour les organismes sociaux.
M. Sébastien Soriano. - C'est en tout cas à la loi d'étendre le champ des numéros gratuits, l'Arcep ne peut se substituer au législateur sur ce sujet.
Les options satellitaires font évidemment partie des solutions du plan France très haut débit, et c'est une option envisagée par le Gouvernement pour la couverture du territoire en bon débit pour tous en 2020.
M. Pierre-Jean Benghozi - Pour revenir au mobile, il s'agit bien de s'inscrire dans les objectifs de couverture en 2020, mais il faut distinguer entre le fait d'être en mesure de fournir le service à tous dès 2020 et le fait de couvrir 100 % du territoire en 2020.
Nous allons proposer un service à tous dès 2020, en combinant divers moyens, mais la couverture de 100 % de la population ne peut être atteinte en deux ans. On réfléchit donc à la fois à la fourniture d'un service à court terme, mais aussi au maintien d'objectifs ambitieux et rapides de couverture, tout en visant un troisième objectif : que les opérateurs continuent d'investir sur toute la durée d'attribution des fréquences pour étendre la couverture plutôt que d'attendre le prochain renouvellement.
Il y a donc trois niveaux d'actions : fournir le service à tous dès 2020, une couverture ambitieuse à une échéance rapprochée, et un mécanisme incitant les opérateurs à investir sur toute la période.
M. Sébastien Soriano. - Je reviens sur la question relative aux démarches commerciales d'Orange, qui modernise spontanément son réseau, en « concurrence » avec les réseaux publics. Le Gouvernement demande plus de prévisibilité sur l'arrivée des solutions technologiques de fixe et de mobile. Cela est assez difficile, mais l'Agence du numérique a initié un travail avec un observatoire du très haut débit, que nous souhaitons récupérer et enrichir, afin de donner plus de visibilité, notamment aux élus, car, en matière d'aménagement numérique du territoire, la prévisibilité est un élément essentiel pour pouvoir déployer une stratégie de long terme.
Les « zones fibrées » sont distinctes du réseau d'aménagement numérique. Il s'agit d'un statut, d'un label, qui serait donné à des territoires très engagés dans le développement de la fibre, pour organiser le relais entre le réseau téléphonique et le réseau de fibre, lequel a vocation, à terme, à supporter tous les usages. Une fois le label accordé, on arrêterait l'installation de nouveaux réseaux de cuivre ; en outre, cela serait un outil de communication pour une ville fibrée.
Autre question liée à la fibre : comment éteindrons-nous le réseau de cuivre ? Il faudra le faire, mais nous pensons que c'est encore trop tôt ; il faut d'abord transférer tous les usages du cuivre vers la fibre - il y a encore des systèmes d'alerte d'ascenseurs ou des circuits de centrales électriques qui fonctionnent avec le cuivre -, sans parler de l'enjeu patrimonial et financier, puisque le réseau appartient à Orange.
M. Franck Montaugé. - Vous parlez de renouveler les licences 2G et 3G, mais quel est l'intérêt de ces licences alors que l'on parle de 4G, voire de 5G ? En outre, vous avez parlé de l'échéance 2021-2024 pour le renouvellement de ces licences ; est-ce à dire que rien ne se passera d'ici à 2021 ?
M. Sébastien Soriano. - Très bonnes questions. Ces fréquences ne sont effectivement pas au coeur du marché, mais elles sont indispensables, car les opérateurs continuent de les utiliser pour certains services de voix, de données ou de SMS. L'hypothèse d'une disparition de ces fréquences engendrerait beaucoup d'inquiétude chez les opérateurs, alors que, au contraire, les rassurer peut avoir de la valeur.
En ce qui concerne l'échéance, je vous confirme que les discussions portent sur des engagements de couverture dès maintenant.
M. Pierre-Jean Benghozi - Pour revenir à la question de Mme Cartron sur les cartes, le premier effet que l'on a observé est que cela a permis de calibrer la qualité des cartes fournies par les opérateurs. On prolongera les contrôles à l'échelon national pour que les cartes soient de plus en plus fiables.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je vous remercie, messieurs. Cette audition a été intéressante pour nous, mais je pense qu'elle l'a aussi été pour vous, car les mécontentements ou les impatiences ont pu s'exprimer.
Je veux dire à Martial Bourquin que l'on ne peut reprocher à l'Arcep de ne pas infliger de sanctions alors qu'elle n'en a pas le pouvoir. Nous sommes plusieurs sénateurs à avoir essayé de donner à l'Arcep la possibilité d'appliquer des sanctions quand les engagements des opérateurs ne sont pas respectés, mais nous n'y sommes pas encore parvenus.
On retrouve dans vos propos, messieurs, deux préoccupations fortes du Sénat : d'une part, la prise en compte de l'aménagement du territoire dans les critères d'attribution des fréquences, et non seulement la volonté de faire payer au maximum les opérateurs comme des vaches à lait, en ne leur demandant rien en échange, d'autre part, la nécessité que les engagements des opérateurs soient opposables sous peine de sanction.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Je suis contente que l'Arcep propose un marché aux opérateurs, avec moins de redevance et plus d'engagements. On ne peut leur demander d'être toujours moins chers, d'être présents dans des zones non rentables et exiger des redevances élevées, d'autant que ce sont alors les fonds publics qui doivent financer l'aménagement du territoire.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Pour finir, j'ajoute que je souhaiterais que le Parlement soit davantage consulté, notamment lors de la rédaction des cahiers des charges ; en matière numérique, trop de choses passent uniquement par la voie réglementaire.
La réunion est close à 17 h 40.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.