Mardi 18 juillet 2017
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Rapport annuel 2016 du CSA - Audition de M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Monsieur le président, nous vous auditionnons chaque année sur le bilan du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). C'est important pour nous de jouer ce rôle, de pouvoir apprécier le travail des autorités indépendantes et de dialoguer avec vous sur des sujets sur lesquels nous travaillons beaucoup.
M. Olivier Schrameck. - Comme chaque année, je viens vous présenter les conclusions du rapport annuel du CSA et m'enquérir des interrogations que les résultats que nous présentons peuvent soulever de votre part. Je me présente cette année à une date plus tardive qu'à l'accoutumée, en raison du contexte mais aussi parce que la loi d'initiative sénatoriale du 20 janvier 2017 qui a entendu régler par des dispositions communes la situation des autorités administratives indépendantes (AAI), a globalement fixé au premier juin la remise des rapports annuels. Auparavant, s'agissant du CSA, la transmission devait être effectuée avant le 31 mars. Ce délai légal supplémentaire, que nous n'avions pas anticipé, a été mis à profit lors de la très importante mobilisation du CSA, au cours du printemps, dans le cadre des élections présidentielle et législatives. Pour l'année à venir, madame la présidente, comme vous me l'avez demandé lors d'un entretien en janvier, je ferai en sorte que la présentation du rapport annuel ait lieu plus tôt dans l'année, assurément avant l'été. Cette année, la date de présentation du rapport intervient à un moment charnière, aux premiers jours de la première législature de l'Assemblée nationale, après cinq années durant lesquelles le Parlement a apporté de nombreuses modifications à la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, sans en modifier profondément l'économie. Une réflexion sur l'adaptation de l'audiovisuel à l'heure numérique s'avère, de notre point de vue, nécessaire. Dans cette perspective, nous serons attentifs, madame la présidente, à la présentation devant votre commission des conclusions de votre mission d'information sur l'avenir des médias.
Pour autant, le rapport du CSA de l'année 2016, pour lequel nous nous sommes efforcés de rendre plus lisibles et mieux illustrées les différentes palettes de notre activité, est susceptible de vous montrer la variété des réalisations qui ont été les nôtres, dans le sillage des lois récentes ou plus traditionnellement. Les sujets sont extrêmement divers. Au fil des lois, de nouvelles fonctions nous incombent : de la promotion du sport féminin, en passant par des questions de santé, jusqu'aux adaptations rendues nécessaires pour les personnes présentant un handicap auditif ou oculaire sur lesquels nous avons fait un bilan précis...
S'agissant de la télévision, 2016 aura été marquée par une très importante modernisation technologique sans précédent dont la réussite procédait d'une équation technologique et financière difficile. Je tiens à le dire et à le répéter : le travail préalable effectué, en amont, de concert avec votre commission, aura été d'une importance toute particulière. C'est un exemple achevé de coopération étroite et confiante entre une autorité indépendante et l'émanation de la Haute assemblée que vous représentez. Le 5 avril dernier, la plateforme a basculé pour l'ensemble du territoire métropolitain. La mise à disposition de la bande hertzienne a été réalisée pour la région Ile-de-France. Elle a touché de nombreux émetteurs. Cela a permis de terminer l'installation, dans la région Rhône-Alpes, des chaînes de la TNT entreprise en 2012, soit 11 chaînes en haute définition (HD), 27 chaînes gratuites, sans compter les 5 chaînes payantes et la création de la chaîne Franceinfo, événement marquant de l'année, qui n'a été possible que par le retour à la simple définition pour France Ô.
Cette base hertzienne constitue un enjeu démocratique qui se trouve en quelque sorte parachevé par ce passage presque généralisé à la haute définition. Car l'ensemble de la plateforme offre une gamme de médias audiovisuels diverse, pluraliste, gratuite que s'attache à promouvoir notre système de régulation. C'est aussi un enjeu économique. Nous sommes persuadés qu'à partir d'un socle hertzien solide et modernisé, le régulateur pourra accompagner le secteur de l'audiovisuel sur la voie du numérique, avec des technologies marquées par l'interaction constante entre émetteur et récepteur. La plateforme TNT actuelle ne le permet pas. Elle pourrait être modernisée à des coûts raisonnables, avec un passage progressif d'une grande ligne de programmes généralisée à une offre de programmes personnalisée et délinéarisée. C'est l'objet de la consultation publique que nous allons lancer demain 19 juillet. Elle va montrer que les perspectives ne sont pas limitées à l'ultra haute définition qui exige des conditions préalables de fabrication et de programmation mais que TNT et interactivité ne sont pas contradictoires.
Dans le cadre de cette modernisation, il faut souligner qu'en 2016 la gamme des chaînes de la TNT locale s'est enrichie de quatre services supplémentaires, portant leur nombre à 43 et que 33 ont été sélectionnés pour une diffusion en haute définition. Ces chaînes de proximité sont pour nous une préoccupation constante car ce sont elles qui souvent irriguent notre communication et notre réalité territoriale. Elles font face à des difficultés de financement fréquentes avec une dépendance marquée à l'égard des subventions publiques et s'engagent de plus en plus dans des opérations de mutualisation de leurs programmes pour optimiser les coûts et pallier les difficultés d'approvisionnement de leurs grilles. Elles envisagent des partenariats avec des éditeurs nationaux, comportant, par exemple, la reprise de programmes. C'est un phénomène nouveau sur lequel une réflexion devra être menée car cela risque de modifier le paysage audiovisuel français.
Tous ces mouvements soulignent l'importance des télévisions hertziennes, même si se pose la question de l'identité propre de leurs services au regard de la dynamique territoriale que vous entendez imprimer au pays. Le CSA est conscient de cet enjeu et, conformément à la loi, y consacre un chapitre spécifique dans son rapport.
Les comités territoriaux de l'audiovisuel (CTA), auxquels je tiens à rendre une nouvelle fois hommage, ont, depuis le 1er janvier 2017, des compétences accrues en matière de suivi des télévisions locales. La plupart ont été conçus selon un dessin proche de la nouvelle carte régionale. Les régions pourront sans nul doute trouver dans ces comités des interlocuteurs particulièrement informés par une longue expérience du paysage audiovisuel local. Je me rends régulièrement dans ces comités et dès la mi-septembre au comité territorial de Toulouse pour visiter l'ensemble des médias locaux.
S'agissant de la radio, les novations sont moins marquées mais retiennent notre attention. Nous poursuivons notre recherche constante de ressources disponibles en modulation de fréquence FM, malgré les problèmes techniques que rencontre cette diversification. Nous avons lancé, en 2016, neuf FM dont deux outre-mer. Des difficultés économiques avaient provoqué des arrêts de fréquences. Nous avons pu en dégager, par des efforts techniques de recherche, 95 - ce qui est beaucoup et peu à la fois, Parmi celles-ci 30 nouvelles sont le fruit de nos recherches. Elles ont touché les ressorts des comités audiovisuels de Lyon, Nancy et Paris.
Je pense également à l'ouverture de cette fenêtre de diffusion alternative ou complémentaire qu'offre la radio numérique terrestre (RNT). Nous avons sélectionné 93 services sur Lyon, Lille et Strasbourg et enregistré avec satisfaction l'arrivée de services de Radio France en RNT - Mouv, FIP- ainsi que RFI. Nous sommes engagés dans une réflexion qui donnera priorité à un bassin d'audience plus large, par allotissement, avec l'objectif d'éviter pour l'auditeur des ruptures au cours des trajets.
Au-delà du travail accompli de modifications et d'innovations techniques, l'année 2016 du CSA me paraît placée sous le signe d'une confiance accrue du public. Les chiffres le prouvent. La fréquentation du site Internet du CSA a augmenté de 40 % depuis 2015, atteignant 1,3 million de visiteurs en 2016. Nous avons lancé un appel d'offres et engagé une rénovation complète de notre site Internet. Notre présence sur les réseaux sociaux est en augmentation ; nous enregistrons une hausse de 50 % du nombre de nos abonnés sur Facebook et deux fois plus de messages sur notre compte Twitter qu'en 2015.
Le nombre de questions et demandes de saisine adressées au CSA en 2016 a, en conséquence, bondi de plus de 300 % par rapport à 2015 et un volume équivalent s'annonce pour 2017. Cette confiance du public, même si elle s'exprime sous forme d'interrogations ou de critiques, est particulièrement importante. C'est une boussole qui nous permet de nous assurer de la promotion de programmes respectueux des droits dont nous sommes les garants et la surveillance qui nous est confiée.
Dans la perspective d'une action de communication dynamique, nous avons, dès 2014, créé au CSA une direction de l'information et de la communication institutionnelle. J'ouvre une parenthèse pour rendre hommage à l'ensemble de mes collaborateurs grâce auxquels le label « diversité », attribué fin 2012, a été sans difficulté renouvelé au conseil au terme d'une période de cinq années au regard de l'accroissement du nombre d'agents handicapés qu'il a recrutés. Nous venons également d'obtenir le label « égalité ». Nous sommes le seul organisme à avoir obtenu ces deux labels.
Cette confiance du public s'accompagne de la confiance que nous ont accordée les pouvoirs publics et la représentation nationale, avec l'examen de plusieurs lois ardemment discutées dans cette même enceinte, notamment sur la régulation du pluralisme et la généralisation, à l'occasion de la dernière élection présidentielle, du principe d'équité. Nous avons été attentifs aux limites et au cadre fixés sur les conditions de programmation, considérable et concurrentielle, qui a requis, de la part des rédactions, un effort supplémentaire substantiel. Aucune formation politique, aucun des candidats n'a d'ailleurs mis en cause l'impartialité et la réactivité du CSA.
La loi du 21 juillet 2016 sur la prolongation de l'état d'urgence a prévu l'élaboration d'un code de bonne conduite pour le traitement audiovisuel d'actes terroristes. Nous en avons débattu avec les rédactions et consulté le Procureur de la République de Paris, François Molins, ainsi qu'un large échantillon d'experts et d'acteurs. Les mesures de protection adoptées n'ont soulevé aucune critique des rédactions... le silence étant la marque la plus brillante de l'approbation.
La loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, en partie grâce à David Assouline, a également été considérablement constructive, mais nous nous sommes engagés à ne pas prendre appui sur cette loi pour ne pas nous ingérer dans le fonctionnement interne des rédactions. Compte tenu de l'ampleur de la tâche, nous avons décidé d'accepter un allongement du délai pour la mise en oeuvre de certaines dispositions prévues par cette loi Nous avons voulu rester fidèles à la philosophie du régulateur qui s'adapte à la singularité de chaque acteur.
Depuis l'adoption de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, 83 modifications législatives ont été adoptées, dont 17 pendant la 14e législature : 14 modifiant la loi et trois portant sur les règles déontologiques applicables aux autorités indépendantes. Durant les quatorze mois écoulés, neuf lois ont modifié directement la loi de 1986, dont celle du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. Une telle intensité législative révèle les insuffisances de notre législation en ce qui concerne l'environnement numérique global actuel. Les modifications apportées n'ont pas touché au coeur du problème, elles ont été plus périphériques, plus spécifiques à certains problèmes ou objectifs fixés au CSA.
La priorité nous semble être de préserver la diffusion hertzienne qui constitue le socle de l'audiovisuel français, libre, divers et pluraliste, en accroissant sa lisibilité, en réaffirmant ses objectifs, mais aussi en adaptant les droits et obligations incombant aux distributeurs. Il s'agit de définir les raisons de l'attribution de fréquences gratuites dont le champ et la portée vont diminuant progressivement. Il faut le reconnaître, même si on peut le regretter, que nous nous trouvons dans un contexte de concurrence exacerbée. Il paraît de la plus grande urgence de définir un modèle pour moderniser les modes de régulation traditionnels et en faire apparaître de nouveaux. Il faut dépasser la perspective d'un simple ajustement à partir du schéma hertzien d'origine pour inventer des modes de réflexion nouveaux, autorégulation, co-régulation, régulation participative.
Dans cette perspective, nous avons créé, en 2016, un CSA Lab, associant des experts extérieurs, dans les domaines des algorithmes, des moteurs de recherche et pour l'évaluation des modes nouveaux de distribution à l'échelle européenne et internationale. J'insiste sur la portée européenne et internationale de notre action et je voudrais à cette occasion rendre hommage à André Gattolin et Colette Mélot pour leur proposition de résolution européenne du 25 mai 2016 sur l'adaptation de la directive « Services de médias audiovisuels » à l'évolution des réalités du marché, qui a donné lieu, sur le rapport de Jean-Pierre Leleux, à la résolution du Sénat du 9 décembre 2016. Le CSA, en complet accord avec l'ensemble des propositions de cette résolution, se prononcera le 19 juillet sur l'avant-projet de directive européenne.
Cette action internationale n'est pas limitée au groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (ERGA) dont nous avons assuré la présidence en 2015. Je pense notamment au réseau méditerranéen, extrêmement important, car il permet de confronter les expériences diverses des pays des rives droite et gauche de la Méditerranée. Vous avez, madame la présidente, publié un rapport riche d'intérêt à la suite de la mission d'information de votre commission au Maroc. Je connais les liens étroits et amicaux que vous entretenez avec la présidente de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), le CSA marocain. Nous avons un rôle important à jouer dans ce réseau. J'ai été désigné lors de la conférence de Barcelone en 2016, comme vice-président de l'organisation avec pour mission d'en devenir le président en novembre prochain à l'occasion de l'assemblée générale qui se tiendra à Marseille. Je voudrais d'ailleurs souligner l'aide que m'a apporté Jean-Claude Gaudin, membre de votre commission. L'objectif est d'échanger avec Israël, le Liban, la Turquie, la Tunisie, le Portugal, l'Italie et l'Espagne sur nos pratiques, en particulier sur les questions de sauvegarde et de pluralisme culturels. C'est également pour moi un moyen de conserver un lien et une coordination avec les pays du sud de l'ERGA situés de chaque côté de la Méditerranée. Nous assurerons un secrétariat permanent du réseau francophone à Genève en septembre. La présidence ivoirienne passera le relais à la Suisse qui elle-même la transmettra à la Tunisie d'ici deux ans. C'est important en termes culturels et économiques. Les marchés sont potentiellement considérables, notamment celui de la télévision numérique en Afrique à laquelle nous nous devons de participer.
Soyez persuadé, mesdames et messieurs les sénateurs, que le CSA apportera à votre réflexion législative une contribution attentive et active.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Monsieur le président, nous vous remercions de votre présentation qui va bien au-delà de 2016 et nous vous félicitons pour vos labels. C'est un bon exemple.
M. Jean-Pierre Leleux. - Je vous remercie pour ce rapport très complet mais j'ai quand même quelques questions.
Vous y appelez de vos voeux une « réforme de grande ampleur » afin, je cite, « de réajuster les grands équilibres sur lesquels repose la loi de 1986 » de sorte, notamment, de corriger l'asymétrie qui pénalise les médias hertziens par rapport aux nouveaux acteurs du numérique. Quelles devraient être, selon vous, les caractéristiques de cette réforme ? Au-delà de la souplesse nécessaire, peut-on imaginer une simplification et un allègement du cadre réglementaire et conventionnel qui pèse aujourd'hui sur les médias français ?
Toujours concernant cette réforme de grande ampleur, dans son programme présidentiel, le Président Emmanuel Macron a pris plusieurs engagements concernant l'audiovisuel, je vous en cite deux en particulier : « Nous renforcerons le secteur public de l'audiovisuel pour qu'il réponde aux attentes de tous les Français et accélère sa transformation numérique, en concentrant les moyens sur des chaînes moins nombreuses mais pleinement dédiées à leur mission de service public. » ; « Nous rapprocherons les sociétés audiovisuelles publiques pour une plus grande efficacité et une meilleure adéquation entre le périmètre des chaînes et leurs missions de service public. Leurs conseils d'administration seront plus indépendants et plus ouverts dans sa composition. Ils seront chargés de designer les dirigeants, après appel public à candidatures. »
Le CSA a-t-il été informé de la manière dont seront mis en oeuvre ces trois engagements : la concentration des moyens sur des chaînes moins nombreuses, le rapprochement des sociétés audiovisuelles publiques et la nomination de leurs dirigeants par leurs conseils d'administration ?
Concernant les modalités de nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public, pouvez-vous nous dire quelle est, selon vous, la date-butoir pour modifier la loi afin que la prochaine nomination (le président de Radio France ?) puisse être engagée selon la nouvelle procédure ? Comment pourrait évoluer la composition de ces conseils d'administration pour les rendre véritablement indépendants des ministères ?
Ma troisième question est technique et relative au fonctionnement du CSA et l'augmentation du nombre des plaintes qu'il a reçues. La loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public a réformé la procédure de sanction suivie par le Conseil en confiant la phase d'engagement et d'instruction à un rapporteur indépendant. Or l'actuel titulaire de la fonction est également président de cour administrative d'appel. Nous avons maintenant un certain recul sur l'activité du rapporteur indépendant - qui est importante - et sur les attentes auxquelles il doit répondre - qui sont fortes -. Cette activité et ces attentes sont-elles de nature à envisager que la fonction de rapporteur indépendant devienne une activité à temps plein ?
La chaîne TF1 aurait demandé au CSA de l'autoriser à introduire des coupures de publicité dans ses journaux télévisés. Dans le même temps, il apparaît qu'à travers une utilisation dévoyée du parrainage France Télévisions a, en réalité, réintroduit de la publicité entre 20h30 et 21 heures, contrairement à la volonté du législateur. N'est-il pas temps de clarifier le rôle de la publicité dans le modèle économique des éditeurs de programmes en la supprimant sur le service public et en assouplissant le régime de la publicité pour les chaînes privées (3ème coupure, secteurs interdits...) ? Alors que la publicité est de plus en plus captée par les grandes plateformes numériques, une telle évolution ne permettrait-elle pas de protéger l'avenir du service public et de renforcer sa spécificité éditoriale ?
Par ailleurs, il semble que les dispositions adoptées par le Parlement à l'initiative de notre commission sur la numérotation des chaînes ne soient pas totalement respectés par certains opérateurs. Comment faire respecter la volonté du législateur ?
Enfin, vous avez évoqué la RNT, avec l'appel à candidature et les trois nouvelles régions, il me semble que la France est très en retard sur l'implantation de la RNT. La Finlande va couper la FM cette année et d'autres pays l'envisagent. Y a-t-il des raisons légitimes à ce retard et que faire pour y remédier ?
Mme Claudine Lepage. - Je souhaite m'arrêter sur le label égalité. En 2016, pour la première fois, les chaînes de télévision et de radio ont mis des indicateurs quantitatifs et qualitatifs sur la représentation des hommes et des femmes dans leur programme. Les conclusions montrent que les inégalités sont encore bien trop présentes dans l'audiovisuel. Seuls dix opérateurs sur quarante ont déclaré une proportion de femmes égale ou supérieure à celle des hommes. Treize opérateurs ont déclaré une proportion de femmes inférieure à 35%. Par ailleurs, même si des initiatives ont visé à promouvoir le sport féminin, celui-ci reste en net retrait par rapport à la diffusion du sport masculin. Quelles sont les actions concrètes envisagées par le CSA pour améliorer cette tendance et aller vers une égalité réelle homme femme ?
Dans ce contexte, je tiens à saluer la reconduction de Marie-Christine Saragosse à la tête de France Médias Monde (FMM). Le bilan de son premier mandat a été très positif, en termes d'amélioration du climat social, de la qualité des programmes et des résultats d'audience.
M. Olivier Schrameck. - Monsieur Leleux, nos trois grandes orientations consistent dans le développement numérique, la promotion de l'Europe et l'accompagnement du développement économique du secteur.
Aujourd'hui, nous nous trouvons devant une asymétrie de régulation. Notre modèle de régulation date de la loi de 1986, même si elle a été de nombreuses fois modifiée.
Nous sommes à la recherche de nouveaux modes de régulation qui s'appliquent à l'ensemble du secteur de l'audiovisuel. Compte tenu du poids des acteurs numériques, nous sommes face à une asymétrie dans la régulation entre les médias traditionnels et les nouveaux médias numériques. Nous devons réfléchir à la façon dont on pourrait assouplir les contraintes. Nous menons ainsi des réflexions sur la publicité, les obligations de production ainsi que les critères de concentration. Nous pensons qu'il convient d'évoluer vers de nouvelles méthodes privilégiant un droit souple.
L'objectif est de développer une régulation qui puisse concerner tout le secteur de l'audiovisuel, y compris le secteur numérique. Le développement de cette régulation suppose un climat de confiance ainsi qu'une mobilisation des pouvoirs publics.
Nous ne pouvons pas non plus ignorer l'importance de la rémunération des droits d'auteur dans la chaîne de valeur. Néanmoins, nous n'avons pas de compétences qui nous permettraient d'intervenir sur la question des droits d'auteur.
Nous ne pouvons pas non plus faire fi de l'importance de la data dans le fonctionnement du secteur de l'audiovisuel. Le rôle de la CNIL est évidemment central en ce domaine, mais le conseil ne doit pas pour autant s'en désintéresser.
Bref, je résumerai mon propos en disant que nous plaidons pour une régulation assouplie au périmètre élargi.
Concernant les annonces faites par le Président de la République, je dois dire que nous n'avons pas eu de contact avec lui à ce stade. Durant la précédente législature, les questions audiovisuelles avaient été, dans un premier temps, abordées sous l'angle structurel. La loi du 15 novembre 2013 a traité les questions de gouvernance tandis que les aspects relatifs à la régulation économique avaient été renvoyés à une future loi audiovisuelle qui n'a jamais vu le jour. Je craindrais aujourd'hui une focalisation trop forte sur les aspects structurels et institutionnels qui ne prendraient pas assez en compte la régulation économique.
La nomination du président de Radio France interviendra effectivement au premier semestre 2019. D'ici là, il conviendra de transposer en droit français la directive européenne précitée qui sera adoptée en décembre 2017. Le législateur, en ayant une conception large de cette transposition, pourra alors agir pour améliorer la régulation audiovisuelle. J'attire toutefois votre attention sur la nécessité d'adopter ce texte dans les premiers mois de l'année 2018, sans quoi il semblerait compliqué d'appliquer la nouvelle législation au processus de nomination du prochain président de Radio France.
Vous m'avez également interrogé, monsieur Leleux, sur l'augmentation du nombre de plaintes et l'efficacité de notre processus de sanction. Cette compétence ressort des missions de notre directeur général. Je puis toutefois vous indiquer que neuf nouveaux dossiers ont été transmis à notre rapporteur indépendant depuis le début de l'année 2017. Ce dernier a effectivement été nommé il y a peu président de la Cour administrative d'appel de Lyon, ce qui limite évidemment son temps de présence à Paris pour exercer sa mission de rapporteur indépendant auprès du CSA. Néanmoins, avant cette nomination, nous avons observé une forte accélération des remises de rapports. Malgré les contraintes logistiques que je viens de citer, je ne crois pas que le CSA ait forcément besoin d'un rapporteur à temps plein et je suis même favorable à ce qu'il soit également magistrat administratif, ce qui évite qu'il demeure isolé dans ses fonctions. En tout état de cause, la décision de modifier l'organisation actuelle appartiendra au vice-président du Conseil d'État lorsque le mandat de quatre ans de M. Fraisse arrivera à échéance à la fin de l'année 2018.
S'agissant des demandes de la chaîne TF1 émises dans le cadre de la procédure de renouvellement de son autorisation, je serais prudent dans ma réponse puisque le dossier est actuellement en cours d'examen devant le Conseil. Ce sujet figure à l'ordre du jour du Conseil lors de sa réunion de demain. Il ne s'agira cependant que d'un premier débat ; le collège ne tranchera évidemment pas ce dossier demain. Je vous rappelle que cette affaire n'est pas nouvelle : dès 2016, elle avait été évoquée en audience publique par M6 comme par TF1 en présence des tiers intéressés qui aujourd'hui m'écrivent courrier sur courrier. TF1 n'utilise aujourd'hui pas la possibilité ouverte par le législateur d'appliquer une coupure publicitaire aux journaux d'information d'une durée supérieure à 30 minutes. Depuis les débuts de la chaîne, le paysage audiovisuel s'est profondément modifié et les chaînes d'information en continu fonctionnent largement grâce à la publicité. Le gain estimé par TF1 d'une coupure publicitaire lors de ses journaux est compris entre 15 et 80 millions d'euros. Le résultat exact dépendra de la politique mise en place dans ce domaine par la chaîne afin d'éviter que les téléspectateurs publiphobes ne quittent son antenne, d'autant que nombre d'entre eux estiment que la publicité est incompatible avec une information bien souvent dramatique. La décision du CSA en la matière sera notamment envisagée à l'aune des chiffres globaux de la publicité à la télévision. En 2015, les recettes publicitaires toutes chaînes confondues ont atteint 10,5 milliards d'euros puis se sont établies à 11 milliards d'euros en 2016, la télévision représentant 31 % du chiffre d'affaires publicitaire réalisé par les médias.
Pour ce qui concerne la numérotation des chaînes, la délibération en date du 15 février 2017 a fixé des règles claires. J'ai récemment rencontré MM. Combes et Weill qui se sont engagés à ce que SFR applique sans délai la numérotation logique. Le dialogue avec Canal + est en revanche plus difficile.
J'aborderai maintenant le sujet de la radio numérique terrestre. À Paris, Marseille et Nice, nous avons rencontré autant d'échecs que de succès. J'estime qu'il faut aujourd'hui sérier nos objectifs sur les zones les plus denses et sur celles qui posent des difficultés en matière de fréquences hertziennes. Nous devons également focaliser notre attention sur la continuité des trajets. Quoi qu'il en soit la limite de 20 % fixée pour les équipementiers sera prochainement dépassée.
Madame Lepage, vous avez mentionné avec raison le chemin qui reste à parcourir dans l'égalité entre les femmes et les hommes. Il s'agit d'un objectif essentiel du CSA : un groupe de travail y est consacré et nous mettons en place de fréquentes actions de persuasion comme de nombreux colloques mais il est vrai que les progrès demeurent trop lents. Ainsi, si la France compte 52 % de femmes, elles ne sont que 36 % à l'écran dans des rôles parfois peu qualitatifs. La loi du 4 août 2014 nous donne des outils supplémentaires pour améliorer la lutte contre les stéréotypes et les violences faites aux femmes. Notre dernière enquête montre toutefois des résultats décevants s'agissant des expertes malgré un guide publié par le CSA sur ce sujet. Des progrès sont en revanche à noter pour les chroniqueuses, les journalistes et les animatrices. Un décalage important demeure entre la télévision et la radio, univers encore très majoritairement masculins. En 2016, le CSA a lancé l'opération « Quatre saisons du sport féminin », au lancement de laquelle, le 1er février, quatre ministres étaient présents au CSA. L'opération a été reprise en 2017 et je rencontrerai à la rentrée la ministre des sports Laura Flessel pour progresser ensemble grâce à des actions concrètes de lutte contre les stéréotypes.
M. David Assouline. - Tout le monde fait appel à vous et reconnaît donc le CSA comme un organisme nécessaire mais vous tenez aussi le rôle de bouc émissaire. Vous avez évoqué la nécessité de conduire une réforme, c'est entendu. Le monde de l'audiovisuel a en effet, complètement changé depuis 1986 de telle sorte qu'il faudrait pouvoir repartir d'une feuille blanche. Je suis néanmoins très sceptique sur le fait que cette réforme soit conduite au cours de cette législature.
Concernant TF1, il ne faut pas oublier que cette société bénéficie du canal n° 1 qui aurait dû revenir au service public. Il y a donc des obligations particulières qui concernent cette entreprise, notamment concernant ses journaux télévisés.
Il y a un lobbying de la part des médias privés afin de supprimer la publicité sur le service public. Si j'entends le débat sur la spécificité des chaînes publiques, je ne crois pas qu'il faille céder aux demandes du secteur privé.
Vous n'en dites pas assez, monsieur le président, sur Canal+. Il y a quelque chose de très inquiétant concernant cette entreprise, qui demeure un acteur essentiel du secteur du cinéma. On ne peut souscrire à l'attitude des dirigeants qui ont décidé de ne plus s'inscrire dans le fonctionnement normal et respectueux propre au secteur des médias dont témoigne la décision de ne plus rémunérer les auteurs. On a l'impression qu'on n'y peut rien et que les méthodes propres au milieu de l'industrie et de la finance s'imposent aujourd'hui au secteur des médias. À cet égard, je crains le pire.
Je voulais également rappeler la mission qui m'a été confiée sous la précédente législature par le Premier ministre concernant le sport à la télévision et plus particulièrement son accessibilité au plus grand nombre. Cette mission portait notamment sur la diffusion du sport féminin, la retransmission des événements majeurs et la diversité des disciplines mises en valeur. Je souhaiterais savoir ce qu'en pense le président du CSA et s'il a été consulté sur les évolutions envisagées du décret relatif aux événements majeurs.
Mme Maryvonne Blondin. - Je rappelle mon attachement aux chaînes de proximité. En 2014, la mission conduite par Anne Brucy sur l'avenir de France 3 avait fait des propositions concernant les télévisions de proximité en région. Des pactes d'avenir ont été conclus entre certaines régions et l'État ; c'est notamment le cas de la Bretagne qui s'est engagée pour développer une offre régionalisée. On constate aujourd'hui une réduction des plages horaires locales sur France 3, ce qui impacte le temps consacré aux émissions en breton.
Je souhaiterais également vous interroger sur les évolutions concernant les emplois d'intermittents dans l'audiovisuel public : le recours à l'intermittence est-il en baisse ou, au contraire, constate-t-on la persistance d'un recours excessif ?
M. Loïc Hervé. - Quel bilan dressez-vous des élections présidentielle et législatives, ainsi que la phase des primaires qui les a précédées ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Concernant les télévisions locales, beaucoup de régions réfléchissent et il convient de noter le rôle intéressant joué par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui propose de financer des chaînes locales dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens. Cette action apparaît utile pour préserver une offre locale spécifique.
M. Olivier Schrameck. -Le chemin était étroit pour conduire à une réforme large et il existe plusieurs possibilités pour la mener à bien : outre le lancement d'un processus de codification de la loi de 1986 qui permettrait d'en moderniser certaines dispositions, une démarche de simplification serait utile mais le secteur de l'audiovisuel ne figure pas parmi les thématiques retenues par le Gouvernement dans son projet de loi de simplification. Le recours à une proposition de loi constitue enfin une autre possibilité pour atteindre cet objectif. Aucun chemin ne doit être écarté par avance, compte tenu des difficultés d'agenda significatives qui se dressent pour conduire cette réforme.
Concernant TF1, le CSA n'a jamais hésité à s'opposer à certaines initiatives de cette entreprise, comme cela a été le cas à propos de la demande de diffusion de LCI sur la télévision hertzienne gratuite. Depuis lors, les études d'impact du Conseil sont devenues contradictoires, ce qui limite ses possibilités d'action.
Le Conseil a également eu l'occasion d'exprimer sa préoccupation à l'occasion des bouleversements qu'a connus la rédaction de la chaîne i-Télé. Nous n'avons pas, néanmoins, de pouvoirs comparables à ceux du ministère du travail pour examiner la situation des personnels de cette société. Les débats avec Canal+ sont nombreux. Ils concernent notamment les questions de numérotation, de mise en oeuvre de loi sur la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias du 14 novembre 2016, l'affaire de la rémunération des droits d'auteur ainsi que les aspects disciplinaires. Je remarque qu'aucune société de perception et de répartition des droits d'auteur ne nous a saisis en vertu de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986. Nous ne pouvons intervenir de notre propre initiative dans un conflit privé.
Concernant le sport à la télévision, nous partageons vos préoccupations. Les sommes consacrées par SFR au rachat des droits de la Premier League ainsi que les montants évoqués pour le futur appel d'offres de la Ligue 1 peuvent laisser craindre une limitation des moyens consacrés à la production audiovisuelle.
Le CSA n'est pas associé à la réflexion sur la liste des événements majeurs comme il ne l'est pas non plus aux réflexions du CNC sur la production locale ni au débat sur l'évolution de la chronologie des médias.
La chaîne France 3 connaît une situation très hétérogène au plan local et nous souhaitons que des coopérations confiantes puissent être conduites.
Concernant les intermittents, nous disposons de données globales mais tardives et, là encore, nous ne disposons pas de pouvoirs comparables à ceux de l'Inspection du travail. Nous savons que le recours au statut d'intermittent n'est pas toujours justifié mais il n'entre pas dans nos compétences de nous en occuper.
Nous préparons un rapport concernant les campagnes présidentielle et législative, qui sera assorti de recommandations concernant, en particulier, la communication hors campagne. Nous devons tenir compte que la notion d'alternance politique et d'opposition a évolué à l'issue du dernier scrutin.
Concernant la télévision locale, nous pensons que des approches tripartites doivent être conduites, qui associeraient les télévisions privées, les antennes locales de France 3 et le réseau France Bleu.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je souhaiterais, en conclusion, saluer la qualité des rapports annuels du CSA ainsi que la collaboration qu'entretiennent nos institutions, dont ont témoigné nos échanges lors du débat sur la loi relative au second dividende numérique.
Concernant la chronologie des médias, notre commission a auditionné l'ensemble des acteurs de la filière et poursuivra ses échanges avec d'autres intervenants, comme le CSA et la médiatrice du cinéma.
La réunion est close à 11 h 10
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La réunion est ouverte à 16 h 35.
Audition de Mme Laura Flessel, ministre des sports
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Madame la ministre, nous sommes heureux de vous recevoir quelques jours après que le Comité international olympique (CIO) a annoncé que Paris et Los Angeles accueilleraient les Jeux olympiques de 2024 et 2028. Tout ceci reste bien entendu à préciser.
Je tiens à souligner que nous sommes très heureux que la ministre des sports ait elle-même remporté des médailles olympiques à cinq reprises. C'est un bel exemple pour préparer ces épreuves sportives !
Vous succédez à d'autres grands sportifs qui ont fait l'honneur de notre pays, comme Alain Calmat, Roger Bambuck, Guy Drut, ou Jean-François Lamour - dans une discipline identique à la vôtre. Nous aurons le plaisir de vous entendre par ailleurs sur l'organisation de cet événement marquant.
Bien entendu, votre mandat ne s'arrête pas à l'organisation des Jeux olympiques, même si cette perspective va mobiliser beaucoup de votre temps.
Vous avez déjà évoqué, lors de l'une de nos précédentes rencontres, plusieurs de vos priorités, parmi lesquelles le développement de la pratique sportive, la promotion du sport féminin, la lutte contre les discriminations, le sport comme outil de prévention en matière de santé.
Les membres de cette commission sont très impliqués dans le domaine sportif. Un groupe d'études, présidé par notre collègue Michel Savin, est notamment très actif sur le terrain.
Nous avons eu à débattre d'un certain nombre de textes ces dernières années, dont quelques-uns à notre propre initiative, comme celui concernant l'éthique et la transparence du sport, toute dernière proposition de loi de notre collègue Dominique Bailly, qui a donné lieu à un très beau consensus et à un travail en commun de l'ensemble des groupes politiques de notre commission.
Aujourd'hui, nous sommes très attentifs à la mise en oeuvre de cette proposition de loi, qui nécessite des dispositions réglementaires d'application que nous attendons avec impatience.
Nous avons également travaillé sur la lutte contre le dopage ou la gouvernance du football. Les membres de la mission consacrée à ce sujet vous poseront certainement beaucoup de questions...
Nous sommes convaincus que le sport doit conjuguer plusieurs dimensions - éducative, économique - cette dernière étant précieuse pour le développement de nos territoires.
Vous trouvez face à vous des sénateurs très attentifs à tous ces sujets, et de bonne volonté pour avancer sur ceux-ci. Ce sont en effet des enjeux de société très importants pour notre pays.
Mme Laura Flessel, ministre des sports. - Mesdames et messieurs les parlementaires, je vous remercie pour cette invitation, qui va me donner l'occasion de dresser un bilan. Cela fait deux mois que j'ai pris mes fonctions. Je suis ravie d'échanger avec vous à cette occasion et d'aborder la politique du ministère.
J'ai voulu imprimer ma propre vision des choses. Nous avons commencé à travailler sur le concept de performance, afin d'irriguer la société par le sport. Je souhaite porter certains messages. Le sport fédère, rassemble. Il offre également une image de fraternité et participe à la lutte contre les discriminations.
Le sport est une source de fierté, mais aussi de patriotisme. C'est pourquoi nous avons commencé à travailler sur l'écoute et la mobilisation des acteurs.
Il m'a semblé important de dresser avant tout un état des lieux. Nous avons donc reçu les présidents des différentes fédérations pour faire le point sur les différents enjeux, leurs besoins et leurs attentes.
L'idée était de travailler également sur les organismes relevant du ministère, comme le Centre national pour le développement du sport (CNDS), le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES), les directeurs techniques nationaux (DTN), mais aussi les syndicats, l'objectif étant de travailler dans le même sens. Nous avons commencé à collaborer.
Il était également utile, selon moi, d'effectuer des visites de terrain. La première a été pour le l'association Le Refuge, afin de démontrer que le sport constitue un facteur d'inclusion dans une société qui, parfois, rejette celles et ceux que l'on considère comme différents.
Depuis ma prise de fonction, j'ai tenu à me déplacer à travers le territoire, le sport ne se pratiquant pas qu'à Paris. Je suis allée à Bourges et à Épinal. Nous y avons visité des installations sportives, un parcours de golf municipal, le centre d'entraînement de kayak en eaux vives. À Compiègne, nous nous sommes rendus au pôle de tir à l'arc. Nous sommes également allés à Hossegor. Je me rendrai bientôt en Guadeloupe et en Martinique.
Il s'agit de s'inspirer de ce qui fonctionne et de pallier les dysfonctionnements du système. Ces visites sur le terrain nous ont procuré une vision plus juste et ont permis de faire remonter des pratiques que l'on ne connaît pas assez.
À ce titre, j'aimerais m'inspirer de vos expériences dans les territoires. Je tenais à vous le dire aujourd'hui. Travaillant avec vous, je pourrai être tenue au courant des dysfonctionnements, de vos besoins, et vous rendre visite dans vos départements.
Nous avons également réalisé des déplacements internationaux. Je reviens de Kazan, où nous nous sommes rendus, avec l'UNESCO, dans le cadre du MINEPS VI, pour soutenir le déplacement des équipes françaises, mais aussi assurer le rayonnement de la France et positionner notre pays par rapport aux valeurs que représentent le sport et les activités physiques et sportives. Cette initiative a rencontré un très bon accueil.
Nous allons également participer aux Jeux de la Francophonie et nous rendre à Abidjan pour renforcer nos liens avec cette compétition.
Ces déplacements ont pour objectif de développer nos réseaux internationaux et l'économie sportive.
Nous avons voulu, dans un troisième temps, construire une stratégie et fixer une méthode autour de quatre thèmes : la France qui rayonne, la France en bonne santé, la France qui bouge et la France éthique.
Pour que la France rayonne, il convient d'utiliser l'existant et la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques, mais aussi la Ryder Cup, les Gay Games, en août 2018, la coupe du monde féminine de football, et la candidature de la France pour l'organisation de la coupe du monde de rugby en 2023.
Pour ce faire, il est primordial de montrer notre savoir-faire. Les équipements auront un impact sur le territoire grâce à cet écosystème positif.
Dans cette France qui bouge - les enquêtes le démontrent - de moins en moins de personnes pratiquent un sport. C'est un paradoxe, alors qu'on en parle comme d'un vecteur de bien-être. Ainsi que l'a rappelé le Président de la République, l'objectif est d'atteindre 3 millions de pratiquants réguliers. Il nous faut donc trouver le public dans les entreprises, les universités, les quartiers sensibles, les campagnes, les milieux fermés - maisons de retraite, hôpitaux, prisons dans le cadre de la seconde chance, personnes en perte d'autonomie.
Il s'agit aussi de traiter l'aspect « sport et société ». Le travail avec les élus et les associations doit également être étudié si l'on veut répondre à ces objectifs.
Quant à l'idée de France intègre, elle suppose de réaliser un travail sur l'éthique et la probité. C'est ce que nous avons présenté à Kazan, en même temps que notre volonté d'agir en matière d'environnement et de développement durable. Nous avons signé des chartes sur le sport et le développement durable, qui constitueront une priorité.
Pour cela, il convient de mieux encadrer les pratiques, sanctionner les débordements, renforcer les contrôles externes sur les fédérations, les ligues et les clubs. C'est une question d'image : si l'on veut inculquer de nouvelles valeurs, il faut que les acteurs soient irréprochables.
Enfin, le Président de la République a demandé que nous travaillions en interministériel. Nous avons commencé à enclencher des projets en ce sens avec l'éducation nationale. Avec la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, nous avons évoqué les problèmes de la filière des sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) et étudié la transformation nécessaire des nouveaux métiers du sport.
Nous avons également eu un échange avec la secrétaire d'État en charge du handicap pour « changer de braquet ». Dans le primaire, les jeunes en situation de handicap sont aujourd'hui là pour chronométrer les autres et non pour pratiquer. Il faut donc créer des programmes permettant un rapprochement entre les enfants valides et ceux atteints de handicap. Nous avons déjà choisi un certain nombre de disciplines, comme le « cécifoot », afin de confronter les enfants valides au handicap et améliorer les rapports à l'école.
La pratique sportive tend à diminuer à l'université.
Ceci peut aussi se faire en lien avec les parlementaires, les élus, les présidents des exécutifs, afin d'agir collectivement. Nous n'avons pas les yeux rivés sur les Jeux olympiques de 2024. Ils vont cependant jouer le rôle de catalyseur. Nous souhaitons sur les territoires un équilibre entre sport et société.
La semaine dernière, nous avons eu la chance, à Lausanne, avec le Président de la République, de défendre la candidature de Paris pour les Jeux olympiques de 2024. Nous avons bien entendu insisté sur le centième anniversaire des Jeux olympiques d'été de 1924, date très symbolique. S'il ne faut pas banaliser l'événement, il nous reste toutefois encore à travailler pour que le projet offre des coûts responsables.
Aujourd'hui, nous semblons bénéficier d'un bon alignement des planètes, mais il faut envisager un arrangement avec Los Angeles. Les échos sont positifs.
Les Jeux olympiques auront des impacts intéressants sur l'économie, grâce à la création d'environ 250 000 emplois directs et indirects. La création de piscines, par exemple, représente une transformation pour les territoires, où 50 % des enfants de onze ans ne savent pas nager. Ceci permettra aussi de favoriser le développement touristique.
Une réponse devrait être apportée à Lima, voire avant, si le CIO trouve une approche intéressante avec Los Angeles.
Nous sommes également soucieux du développement du sport et de la société. J'ai envie, m'étant rendue dans les quartiers difficiles, de mettre ces valeurs au coeur de la France.
Pour terminer, je souhaiterais diffuser un premier film, dont le thème porte sur les 24 mots qui résument la candidature de Paris pour 2024...
Merci de votre attention (La diffusion du premier film est suivie d'applaudissements.)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous allons maintenant visionner le film de présentation du projet... (La diffusion du second film recueille également des applaudissements.)
La parole est au rapporteur pour avis de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », notre collègue Jean-Jacques Lozach, puis à Michel Savin, président du groupe d'études « Pratiques sportives et grands événements sportifs ».
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - Madame la ministre, je vous présente tout d'abord toutes mes félicitations pour votre nomination - d'autant que vous êtes ministre de plein exercice.
Nous vous souhaitons de réussir, en particulier pour ce qui est des arbitrages budgétaires. Nous sommes en effet tous ici des passionnés de sport et nous aimerions bien voir la part de celui-ci augmenter dans le budget de l'État. Or, nous restons « accrochés » au chiffre de 0,1 %, même si ce budget a légèrement augmenté en 2017 par rapport à 2016.
Comme le rappelait Mme la présidente, le Sénat a beaucoup travaillé sur le sport ces dernières années, dans un esprit toujours très constructif, qu'il s'agisse du sport de haut niveau, du sport professionnel ou même du dialogue avec les supporters avant l'Euro 2016. Nous avons en effet à chaque fois recherché et obtenu le consensus, et même l'unanimité, ce qui est exceptionnel.
Vous avez affirmé que votre priorité était le développement de la pratique sportive, avec un objectif d'accroissement très ambitieux de 10°%, soit plus de 3 millions de pratiquants. La marge de progression demeure importante : en effet, lorsqu'on regarde le barème européen, celles et ceux qui exercent une activité physique représentent 43 % de la population française, alors les pays nordiques vont jusqu'à 70 °%.
Comment promouvoir ce mode de vie plus actif ? L'angle d'attaque ne réside-t-il pas notamment dans la continuité entre le sport à l'école et le sport en club, le sport fédéral redoutant une sorte d'ubérisation de la pratique sportive ?
Un autre angle d'attaques n'est-il pas le développement du sport dans les entreprises, privées ou publiques - administrations, etc. ? On constate dans ce domaine un retard de la France par rapport aux pays comparables.
Je suis par ailleurs étonné que l'on passe sous silence l'organisation des Jeux mondiaux du sport d'entreprise, qui se dérouleront en 2018 à La Baule.
S'agissant des Jeux olympiques et paralympiques, nous serons sûrement amenés à adopter un certain nombre de dispositions législatives concernant leur organisation. Quel sera le contenu de ces textes de loi ?
En matière de financement, avez-vous déjà réfléchi à la structure porteuse de ces dépenses ? Si l'on envisage peu la construction d'équipements, beaucoup sont à rénover. Est-ce une structure ad hoc qui s'en chargera ou le CNDS ?
À ce sujet, la caractéristique du financement du sport dans notre pays est d'être bicéphale, avec les crédits ministériels d'un côté et le CNDS de l'autre. Au fil des années, les apports du CNDS sont devenus plus importants que les crédits budgétaires stricto sensu. Votre objectif est-il de faire en sorte que l'on revienne à la situation antérieure, avec des crédits ministériels plus importants que les crédits extrabudgétaires ?
Enfin, notre commission est très attachée à ce que vous avez appelé « la France éthique », c'est-à-dire la déontologie dans le sport et la moralisation des pratiques sportives. Celles-ci sont préservées par l'État, par le mouvement sportif, par un certain nombre de textes de loi, de chartes, ainsi que par l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).
Face à la montée d'un certain nombre de manipulations des résultats sportifs, ne serait-il pas bon de créer une agence permettant de réunir un ensemble de compétences et d'expertises pour lutter de façon plus efficace contre ces formes de corruption, ces avatars et ces dérives du sport de haut niveau ? Dans le cas contraire, envisagez-vous de considérer ces préoccupations comme prioritaires dans les conventions d'objectifs passées entre l'État et les différentes fédérations sportives ?
S'agissant du dopage, si nous avons la chance d'organiser les Jeux olympiques de 2024, il va falloir tout remettre à plat sur ce plan, y compris pour ce qui est de l'AFLD et du laboratoire de Châtenay-Malabry. Une réflexion est-elle engagée à ce sujet ?
Notre commission est également très attachée à la notion de sport-santé. On en a beaucoup parlé début 2016, avec la loi sur la modernisation du système de santé, le sport sur ordonnance, l'« amendement Fourneyron », etc. Il existe beaucoup d'attentes en la matière, l'objectif ayant été clairement défini. Cependant, les choses ne se concrétisent que très lentement. Ne conviendrait-il pas de déclarer le développement de ces activités adaptées comme priorité nationale ? On sait en effet maintenant, grâce aux études scientifiques, que le sport peut constituer une arme extraordinaire en matière de prévention mais aussi de traitement d'un certain nombre de maladies graves - tumeurs malignes, cancer, etc.
Ne doit-on pas envisager le sport-santé comme une grande cause nationale au cours des années qui viennent ? Ceci permettra de consolider notre candidature aux Jeux olympiques de 2024. Ne faut-il pas généraliser ce qui est mené à titre expérimental à Strasbourg, dans le cadre de la Fédération française d'athlétisme, etc. ?
Enfin, entendez-vous maintenir le plan « Citoyens du sport », qui avait constitué l'axe prioritaire de la politique sportive, notamment en matière de budget, au cours des années 2016 et 2017 ? Je pense en particulier au service civique...
M. Michel Savin, président du groupe d'études « Pratiques sportives et grands événements sportifs ». - Madame la ministre, je souhaite tout d'abord exprimer, au nom de l'ensemble des membres du groupe d'études, notre satisfaction de voir une personnalité sportive à la tête du ministère des sports.
Les Français vous connaissent comme championne olympique et championne du monde. Ils savent votre détermination et je suis optimiste quant à votre implication dans ce nouveau combat, politique celui-là, en faveur du sport.
L'obtention des Jeux olympiques est une chance pour la France. La récente décision du CIO et la double attribution constituent une excellente nouvelle. Nous ne pouvons que nous en féliciter, surtout si notre pays obtient l'organisation des Jeux olympiques de 2024. Leur organisation pourra être un formidable moyen de lancer des réflexions ambitieuses dépassant le simple événement olympique, pour laisser un héritage ambitieux pour le sport français et la génération 2024.
Vous avez évoqué le rayonnement de la France, l'éthique, le sport-santé et le sport pour tous. Nous savons que de nombreuses réformes sont en suspens dans le domaine du sport et sont attendues par le milieu sportif. Le souhait de l'ensemble des élus qui travaillent sur la problématique du sport est que celui-ci puisse faire l'objet d'un travail législatif, afin de le réformer dans la durée, indépendamment du contexte des Jeux olympiques.
Il ne faudrait pas que les Jeux olympiques constituent l'arbre qui cache la forêt, car le monde du sport attend de grandes réformes. Je citerai ainsi des dossiers dont nous avons eu à débattre ces derniers mois, mais sur lesquels nous devons encore travailler, comme la simplification des demandes sportives imposées aux collectivités, discussion en cours au Sénat. Aujourd'hui, les élus locaux en attendent beaucoup pour clarifier les réglementations qui pèsent sur les collectivités.
Un autre point est constitué par les relations entre les collectivités territoriales et les sportifs de haut niveau, afin que ceux-ci soient reconnus et mieux aidés. C'est un problème récurrent : lorsqu'approchent les grandes compétitions, on s'aperçoit que nombre de jeunes filles et de jeunes hommes qui portent les couleurs de la France vivent des situations préoccupantes.
La question du statut des bénévoles sera également abordée dans le cadre des Jeux olympiques de 2024. Il existe un réel besoin d'un statut plus clair et étendu au reste des grands événements sportifs.
Par ailleurs, le pacte de performance, qui a constitué une réussite, se révèle cependant être trop souvent de l'affichage. Nous devons donc renforcer ce dispositif et l'approfondir.
Jean-Jacques Lozach l'a dit, nous devrons également reposer le problème du financement du sport dans les années qui viennent, rediscuter de la taxe Buffet, de la taxe sur les paris sportifs, du financement du CNDS.
Notre groupe d'études a récemment reçu le président de la Fédération française de rugby, qui soutient la candidature de la France pour l'organisation de la coupe du monde de rugby en 2023. Cette candidature est recevable, mais doit bénéficier d'une garantie publique à hauteur de 150 millions de livres sterling. Est-elle effective, à travers la Caisse des dépôts et consignations, pour accompagner la candidature française ? Quel soutien envisagez-vous d'apporter à ce projet, qui pourrait permettre de lancer les Jeux olympiques de 2024 ?
Nous avons par ailleurs débattu, dans le cadre de la proposition de loi portée par Dominique Bailly, d'une disposition relative à la lutte contre le piratage des retransmissions sportives favorisant un accord entre les diffuseurs et les entreprises de télécommunications. Où en est cet accord ? C'est un point récurrent pour l'ensemble des participants.
Enfin, l'organisation du sport en France est héritée de l'après-guerre et n'est plus adaptée, à nos yeux, aux enjeux actuels, malgré les réformes engagées. Il existe aujourd'hui un besoin d'une gouvernance plus claire et efficace dans nos fédérations sportives. Quelle est votre vision et vos projets sur ces différents sujets qui touchent l'ensemble des acteurs du monde sportif ?
Sachez qu'au Sénat, madame la ministre, comme l'a dit Jean-Jacques Lozach, malgré les divergences idéologiques et politiques qui peuvent exister entre les différents groupes, les questions sportives ont toujours été débattues dans un esprit serein et constructif. Tous les textes dans ce domaine ont été votés à l'unanimité, et je peux réaffirmer notre volonté de nous inscrire dans la même logique, en espérant que celle-ci permette l'ouverture d'un dialogue et l'émergence de réformes positives pour le monde sportif.
Mme Laura Flessel, ministre des sports. - Madame la présidente, mesdames et messieurs, nous sommes en effet à l'aube d'organiser les Jeux olympiques et paralympiques. Nous nous trouvons donc dans l'obligation de prévoir une loi à cet effet. Nous y réfléchissons pour disposer d'un outil dès novembre.
Le groupement d'intérêt public (GIP) sera transformé en Comité d'organisation des Jeux olympiques (COJO).
Ceci entraînera la création de trois structures différentes. La Société de livraison des équipements olympiques (SOLIDEO) se consacrera aux différentes structures d'urbanisme et à la rénovation des constructions. Le plan « Héritage 2024 » sera poursuivi. La Délégation interministérielle aux grands événements sportifs (DIGES) sera transformée en DIJOP afin de gérer la programmation des Jeux olympiques et paralympiques, tout en restant à l'écoute des grands événements.
Je serai à votre écoute en matière de réorganisation du sport, afin de développer un nouvel écosystème et intervenir en matière internationale.
S'agissant de l'AFLD, M. Genevoix devant prendre sa retraite, nous avons d'ores et déjà prévu sa remplaçante. Nous ferons tout pour que la France reste leader dans le développement de la lutte contre le dopage et la tricherie.
L'objectif est d'aller dans le sens d'une co-construction. J'ai été manager d'un club de sport. Mon souhait est de tout faire pour transformer le sport en général et le sport de haut niveau en particulier.
Nous désirons également faire du sport-santé un enjeu social, sanitaire et économique. On pense toujours au sport après coup, mais il faut que celui-ci irrigue la société et les entreprises.
J'assisterai par ailleurs aux Jeux mondiaux du sport d'entreprise. Le fait de développer le sport dans l'entreprise est important. Le taux de participation est en effet insuffisant. Il faut donc le renforcer. Nous souhaitons également travailler dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), le milieu carcéral. Pour les jeunes qui reviennent de Syrie, le sport peut aussi constituer un vecteur d'inclusion. Il s'adresse également aux réfugiés et revêt alors une dimension humanitaire.
Le sport doit aussi investir le monde universitaire, car les étudiants pratiquent peu. L'objectif est de proposer une pratique régulière de manière plus soutenue, en créant des espaces pouvant recevoir quotidiennement des personnes selon des créneaux horaires adaptés.
Nous désirons développer le sport partout et pour tous. Nous allons donc surprendre, et rechercher de nouvelles activités qui fascinent les jeunes générations pour les « sortir du canapé ». Je pense que nous pourrons, grâce à votre expérience et à la nôtre, parvenir à développer une pratique du sport plus régulière.
Pour ce qui est du rugby, nous avons aidé au rapprochement de la Fédération de rugby et de la Caisse des dépôts et consignations. Les choses sont en bonne voie de finalisation. La France devrait obtenir l'organisation de la coupe du monde de rugby en 2023.
Pour ce qui est du CNDS, un état des lieux est nécessaire. Nous sommes obligés de nous repositionner par rapport aux contraintes budgétaires afin d'être plus efficients. Nous sommes en train de nous pencher sur le fonctionnement de nos équipes internes, pour obtenir une plus grande réactivité.
Ceci nécessite une ingénierie plus efficace, plus pertinente, à long terme, avec une possibilité d'agir par anticipation. Les retours sont bons, mais il existe une importante frustration de la part des personnels, qui ont besoin de reconnaissance. Il convient de résoudre ce problème.
L'état des lieux doit être dressé par étapes. Les différents services ont été motivés, et nous avons rencontré les syndicats afin de comprendre leur fonctionnement.
Une commission regroupe par ailleurs les différents supporters pour recueillir leur adhésion. Lors de notre dernière réunion, nous évoquions la possibilité d'intégrer des référents.
M. Claude Kern. - Madame la ministre, je tenais à vous adresser mes félicitations pour votre démarche et le fait d'aller sur le terrain vous rendre compte des difficultés et des contraintes que rencontrent les sportifs, les clubs et les collectivités.
J'ai relevé votre souhait de vous rapprocher de nous. Je ne manquerai pas de vous adresser une invitation à vous rendre en Alsace à la rentrée...
Avant d'évoquer la loi sur le renforcement de l'éthique, la transparence dans le sport professionnel et l'accélérateur de la compétitivité des clubs, je pense qu'il serait utile que vous preniez rendez-vous, dès la rentrée, avec l'équipe qui a travaillé sur le rapport sur la gouvernance du football, car une grande partie des dix-sept propositions qu'elle a formulées peut s'appliquer à d'autres disciplines sportives.
Nous travaillons de manière consensuelle, vous l'avez compris. Il serait donc souhaitable, comme lors des lois citées précédemment, que nous oeuvrions ensemble.
En effet, les ligues, les fédérations, les clubs, les sportifs sont dans l'attente de la concrétisation de ces propositions. Il serait préjudiciable qu'un tel travail soit remisé sur une étagère.
En ce qui concerne la loi sur l'éthique et la transparence, trois décrets et un arrêté d'application sont en attente de publication. Où en est-on ?
Il s'agit, de mémoire, en premier lieu, de l'élargissement aux acteurs sportifs de l'interdiction de parier sur toute compétition relevant de leur discipline. Le deuxième décret concerne l'article 17 de la loi et les catégories de recettes générées par l'exploitation commerciale de l'image du sportif, qui donne lieu au versement d'une redevance. Le troisième décret porte sur l'article 21, qui a trait à la composition, au fonctionnement et aux missions de la Conférence permanente du sport féminin.
L'arrêté concerne, quant à lui, l'article 25 et la fixation du montant minimum de garantie prévue par les contrats d'assurance qui doivent être souscrits pas les fédérations sportives délégataires, notamment concernant les accidents et autres.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - MM. Kern et Lozach étaient corapporteurs de la mission d'information sur la gouvernance du football, présidé par M. Dominique Bailly.
Mme Danielle Michel. - Beaucoup de sujets importants ont déjà été abordés. Pour ma part, au nom du groupe socialiste et républicain, je souhaiterais revenir sur un des engagements présentés par le Président de la République, le fait de porter à trois millions le nombre de pratiquants sportifs, soit une hausse de 10 %.
Cet objectif ambitieux, nous le soutenons tout à fait. Vous l'avez rappelé, vous souhaitez pour ce faire développer le sport en entreprise, mais il existe déjà une Fédération française du sport d'entreprise, dont l'objet est précisément de développer la pratique physique ou sportive régulière dans le cadre de l'entreprise au bénéfice de la santé et du bien-être des salariés. Qu'allez-vous faire de plus ? Quels moyens supplémentaires allez-vous allouer à cette fédération ?
Vous souhaitez également le développement du sport-santé grâce à différentes mesures, notamment le développement et l'adaptation des infrastructures « handisport », mais également grâce au partenariat entre les écoles et les associations sportives, afin de mettre en place une continuité et une complémentarité des pratiques, ainsi qu'une mutualisation des équipements.
Or cette question relève de l'organisation des collectivités territoriales : comment entendez-vous procéder ? Sur ce point, je rappelle qu'un tiers des communes aurait déjà fait le choix de revenir, dès la rentrée prochaine, à la semaine scolaire de quatre jours, ce qui va nécessairement entraîner la suppression d'emplois d'animateurs liés aux activités périscolaires, la plupart sportives.
Entre 25 000 et 30 000 personnes seraient concernées a affirmé David Cluzeau, délégué général du Conseil national des employeurs d'avenir, soit par des suppressions de postes, soit par des réductions horaires. Avez-vous reçu les représentants des animateurs et envisagez-vous de conduire une étude sur les conséquences du « décret Blanquer » pour le milieu associatif sportif ?
N'est-il pas dommage d'avoir supprimé ces temps bénéfiques pour la pratique sportive dès le plus jeune âge, alors qu'ils pouvaient représenter un levier pertinent au regard des annonces faites par le Président de la République ?
Mme Mireille Jouve. - Madame la ministre, au nom du groupe RDSE, nous vous souhaitons la bienvenue dans notre commission et pleine réussite dans votre mission.
Comme vous l'avez dit, il est important de travailler transversalement avec les autres ministères - éducation nationale, enseignement supérieur, recherche - et, je le pense également, d'associer les communes rurales, qui éprouvent souvent des difficultés pour la réalisation d'équipements sportifs et dont les activités sont tenues souvent à bout de bras par des bénévoles.
J'ai fait partie de la mission d'information sur la gouvernance du football et suis également membre de l'instance nationale du supportérisme créée à la suite de la proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme, dont les travaux devraient, je l'espère, se poursuivre sous votre autorité.
Enfin, vous avez évoqué l'apprentissage de la natation, qui me paraît primordial quand on sait que près d'un Français sur six ne sait pas nager. En ce moment, dans les Bouches-du-Rhône, nous sommes préoccupés par le sort à réserver aux piscines qui seront intégrées ou non dans le périmètre de la métropole Aix-Marseille, qui regroupe 1,8 million d'habitants.
Mme Christine Prunaud. - Madame la ministre, le groupe communiste, républicain et citoyen est lui aussi très heureux de vous accueillir dans cette commission.
Vous êtes une femme, ce qui est important pour nous, et une sportive de haut niveau. Je pense donc que vous serez très utile à cette commission.
Je veux redire, comme Michel Savin et beaucoup d'autres avant moi, qu'il existe dans cette commission un esprit très respectueux de chacun. Nous avons pu obtenir un consensus sur beaucoup de points, même à propos de thèmes sur lesquels nous avions beaucoup de différences.
Je remercie encore Dominique Bailly, qui a été un vrai médiateur dans l'hémicycle, Michel Savin, Jean-Jacques Lozach, Claude Kern, ainsi que Mme la présidente. J'espère que cet esprit perdurera.
Je voulais plus particulièrement intervenir au sujet du village olympique. Un rapport de 2015 proposait de transformer ces logements en cité internationale pour accueillir des étudiants. Beaucoup ici ne souhaitent pas que ces logements fassent par la suite l'objet d'une gestion privée, mais relèvent du domaine public.
Par ailleurs, on a connu, lors des Jeux olympiques de Londres, des événements malheureux liés à la prostitution de mineures étrangères. Il ne faut jamais oublier, dans l'organisation de grands événements comme les Jeux olympiques, de prévenir la prostitution.
Vous avez dit que le sport fédère, rassemble et véhicule des valeurs : nous en sommes tous conscients. Il est de plus en plus nécessaire d'insister sur les valeurs comme la mixité, l'égalité entre les femmes et les hommes, qui doivent encore être défendues dans le sport de haut niveau, même dans le cadre des Jeux olympiques.
Le sport pour tous représente beaucoup sur nos territoires, mais nous constatons cependant, malgré les efforts qui sont faits, des inégalités en matière d'accès, soit du fait du transport, soit des équipements. Le budget des collectivités territoriales devant diminuer, beaucoup éprouvent des inquiétudes.
En matière de natation, beaucoup de choses ont été faites pour les jeunes enfants, mais nous pourrions créer de nouvelles piscines pour améliorer cet état de fait.
Enfin, je reviens sur la conférence sur le sport féminin : j'espère que vous nous soutiendrez à ce sujet !
M. Jacques Grosperrin. - Madame la ministre, les règles de la politique ne sont pas toujours celles du sport et ce n'est pas toujours le meilleur qui gagne. Je ne fais référence à personne. On a vu passer ici quelques ministres, et cela n'a pas toujours été facile.
Nous sommes cependant à vos côtés, ravis que votre ministère soit un ministère de plein droit, qu'il soit dirigé par une femme, et que ce soit vous. Nous vous souhaitons bonne chance.
Nous vous remercions d'être venue si vite devant nous. Il est en effet difficile de répondre à des questions parfois compliquées - mais il est toujours intéressant de le faire.
Vous avez évoqué les moyens humains et financiers, ainsi que l'objectif des Jeux olympiques en termes de performances. Vous avez également fait allusion à l'aspect sociétal de ce sujet. De quels moyens disposez-vous au niveau national et sur le plan des services ?
Par ailleurs, quelle est la stratégie et les modalités interministérielles ?
Enfin, concernant les arts martiaux mixtes (MMA), j'ai eu l'honneur de conduire une mission à la demande du Premier ministre avec un député exceptionnel, Patrick Vignal.
Nous avions au départ un léger a priori sur la régularisation de ce sport. Nous nous sommes rendu compte qu'il ne s'agissait pas d'un phénomène de mode, mais d'un phénomène de société. Nous avons auditionné plus d'une centaine de personnes - philosophes, médecins, entraîneurs, sportifs, présidents de fédération - et proposé un canevas, avec un observatoire, un cadre technique, des moyens. À ce jour, aucun ministre n'a osé agir, au prétexte que certains candidats au départ en Syrie, désireux de rejoindre les rangs de Daech, sont adeptes des MMA. Je souhaiterais, avec beaucoup d'autres ici, que vous réfléchissiez à ce sujet, car il existe une attente très forte de la part des sportifs et des entraîneurs pour ce sport à part entière !
Mme Corinne Bouchoux. - On l'a dit, un Français sur six ne sait pas nager. Je tenais à vous alerter au sujet des piscines de plein air en milieu rural. Nombreuses sont celles qui sont menacées. Or il est vital qu'elles puissent être ouvertes au moins cinq mois dans l'année pour que les jeunes puissent faire l'apprentissage de la natation dans de bonnes conditions. Cela peut sauver des vies !
M. François Commeinhes. - Madame la ministre, on attend un décret d'application concernant le sport sur ordonnance depuis janvier 2016. On ne voit toutefois rien venir.
Du personnel a été formé parmi les éducateurs sportifs, et certaines collectivités se sont fortement impliquées. Ceci pose quelques difficultés sur le plan du financement. Avez-vous entamé des discussions avec le ministère de la santé afin de pouvoir répondre à ces attentes ?
Mme Dominique Gillot. - Madame la ministre, j'ajoute mes félicitations est mes encouragements à tous ceux qui vous ont été prodigués.
Les sports adaptés et le handisport sont fondamentaux pour la promotion de la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques de 2024. Ils permettent à nos concitoyens atteints d'un handicap de se dépasser, de tisser de nouvelles relations sociales, d'améliorer leur qualité de vie. Cependant, on constate que l'accessibilité de ces personnes à la pratique sportive pourrait être améliorée. Un programme est-il prévu à ce sujet ?
Concernant le sport-santé, la prescription d'une activité physique adaptée aux personnes atteintes d'une affection de longue durée ou destinée à la prévention se heurte à une absence de prise en charge de l'intervention des professionnels et au fait que les professionnels les plus qualifiés - les STAPS - ne sont pas reconnus dans le dispositif, cette responsabilité ayant été confiée aux kinésithérapeutes.
Enfin, la formation aux métiers du sport est actuellement d'une grande complexité. Elle comprend des titres à finalité professionnelle gérés par des fédérations sportives, des certifications de qualification professionnelle gérées par la branche professionnelle, des diplômes d'État émanant de votre ministère, allant du Bac jusqu'à Bac + 3, et des formations du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de et de l'innovation - les STAPS.
Nous connaissons tous les difficultés que rencontrent les jeunes pour accéder à ces formations. La ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, Frédérique Vidal, a annoncé un travail conjoint avec vos services afin de rendre le système plus efficace et plus simple. Pouvez-vous apporter des détails à ce sujet, sachant que les diplômes de votre ministère sont particulièrement coûteux et peuvent atteindre 9 000 euros pour un diplôme de niveau Bac ?
M. Christian Manable. - Madame la ministre, je joins mes félicitations à celles de mes collègues. Vous êtes au Sénat où l'on pratique le fleuret moucheté plutôt que le sabre d'abordage.
Je constate qu'il existe des zones blanches en matière de centres aquatiques sur tout le territoire. Il faudrait réfléchir à des mesures pour obliger les départements à concevoir un schéma départemental d'aménagement à ce sujet.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous vivons la même chose au coeur des métropoles.
M. Alain Dufaut. - Madame la ministre, je voudrais insister sur le dopage.
Vous avez affirmé que vous vouliez une France éthique et en bonne santé. La lutte contre le dopage concerne ces deux aspects. Le dopage est en effet un véritable fléau qui bafoue l'éthique du sport et met en danger la vie des sportifs.
Notre commission a beaucoup oeuvré par le passé en faveur de grandes lois destinées à améliorer les conditions de lutte contre le dopage, en particulier pour donner beaucoup plus de moyens à l'AFLD. J'ai été rapporteur de nombre de ces textes lorsque Jean-François Lamour était ministre. Elles ont permis de faire avancer bien des choses, mais le dopage progresse aussi.
Aujourd'hui, ce sont les microdoses et les produits masquants qui ont le vent en poupe. Il faut donc absolument continuer la lutte en la matière, surtout dans la perspective des Jeux olympiques.
Les arbitrages seront assez difficiles, mais je vous en supplie : essayez de préserver les crédits destinés au fonctionnement du laboratoire de Châtenay-Malabry et de l'AFLD. C'est vital !
Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. - Madame la ministre, une enquête menée par Santé publique France a présenté des chiffres très inquiétants à propos des compétences attendues en fin de scolarité obligatoire dans le socle de compétences des élèves pour ce qui est de la natation.
En effet, deux fois plus de femmes que d'hommes ne savent pas nager, trois fois plus d'ouvriers que de cadres. C'est ainsi que la région des Hauts-de-France, dont je suis fière d'être une élue, compte le plus grand nombre de non-nageurs. Pourtant, l'excellence sportive peut être un véritable modèle pour nos jeunes, et un faire-valoir pour notre région, dont on parle trop par rapport à ses difficultés sociales et économiques, sans montrer les belles réalités qui peuvent être les siennes.
J'en veux pour preuve deux champions olympiques de natation issus des Hauts-de-France, Fabien Gilot et Marc-Antoine Olivier. Ce dernier est depuis dimanche champion du monde en eau libre. Ils sont tous deux issus de la ville de Denain, dont je suis maire.
Madame la ministre, le précédent quinquennat a pris l'engagement d'un plan d'aide massive en faveur du bassin minier, dans lequel figure une proposition portée par votre prédécesseur, M. Patrick Kanner, relative à la réhabilitation de piscines existantes. Quid de cet engagement, afin que nos territoires les plus en difficultés puissent continuer à donner à la France de beaux champions ?
M. Daniel Percheron. - Comme tous mes collègues, je veux dire ici à quel point Mme la ministre m'impressionne et, comme j'ai déjà eu l'occasion de lui dire, combien elle nous a fait rêver. Je suis persuadé qu'elle sera une ambassadrice remarquable, incomparable, avec un budget tout à fait limité. J'ajoute qu'elle succède à un très bon ministre, Patrick Kanner, qui vient de ma région.
Madame la ministre, le budget du Sénat est inférieur à celui des dix principaux clubs de football dans le monde. Pourtant, la majorité à laquelle vous appartenez semble le trouver un peu trop confortable. Je souhaiterais par conséquent vous interroger sur le rôle de l'argent dans le sport. Pensez-vous qu'on puisse avoir un jour, avec une championne comme vous, une sorte d'exception sportive française ? Nous avons, dans le domaine de la culture et du cinéma, su résister. Envisagez-vous, vis-à-vis de ce fleuve d'argent qui peut tout emporter dans le sport, des mesures qui en limiteraient l'influence ?
Mme Laura Flessel, ministre des sports. - S'agissant de la natation, nous disposons d'un autre chiffre, celui de 500 noyés chaque année.
Certaines communes ne sont pas dotées de piscine et d'autres ferment durant les vacances. Il faut donc harmoniser les ouvertures. Nous essayons de trouver des animateurs et des sauveteurs qui puissent utiliser ces installations. Nous sommes à ce sujet en contact avec les territoires et les fédérations.
Aujourd'hui, les budgets sont tendus. On doit donc chercher à mutualiser les installations plutôt qu'à en créer de nouvelles. La construction de la piscine de Saint-Denis dans le cadre des Jeux olympiques de 2024 répondra à la carence qui existe dans cette commune.
On ne pourra arrêter le programme « J'apprends à nager », dont les résultats sont concluants, mais il faudra reconsidérer certains projets, qui peuvent être retardés au profit d'autres priorités.
Par ailleurs, il ne s'agit pas de contrarier la Fédération française du sport d'entreprise (FFSE), mais d'ouvrir des possibilités pour permettre aux salariés des entreprises une pratique plus intensive. Le CNOSF a développé des programmes auprès des entreprises pour assurer l'initiation en club. Notre objectif est de travailler avec tous les acteurs à l'intérieur de chaque entreprise. Nous ne serons pas en compétition, mais à la recherche d'une harmonie, en collaboration avec le ministère du travail.
S'agissant du « décret Blanquer », nous sommes en étroite relation avec les syndicats représentant les animateurs. Par ailleurs, nous sommes en train de créer une feuille de route avec le ministre de l'éducation nationale. Il faut commencer très tôt à parler de bien-être, d'éducation et de culture, en y associant un élan de patriotisme et de fierté.
Une action interministérielle sera menée en concertation avec Mme Vidal au sujet des STAPS afin de permettre aux champions en reconversion de bénéficier de troncs communs pour basculer dans la vie active. Nous attendons le retour.
Nous avons également rencontré Mme Buzyn, et espérons travailler avec les collectivités locales et régionales, les mutuelles, en intégrant ceux qui le souhaitent. C'est un travail long et minutieux. Le mot « sport » fait peur. Nous veillons donc à maîtriser le vocabulaire. Les 500 maisons de santé offriront une possibilité à tout un chacun de pouvoir participer. Nous serons également en relation à cette fin avec les agences régionales de santé (ARS). Ma directrice de cabinet est une ancienne directrice d'hôpital et a été directrice de l'ARS Océan indien. Nous sommes donc en pleine structuration.
Il s'agit de chantiers ambitieux, mais réussir la mutualisation permettra d'être plus pertinents en matière de présentation budgétaire. Il va falloir travailler deux fois plus, être harmonieux, plus efficient, et chercher à perdre le moins de temps possible.
Je n'utiliserai pas de fleuret moucheté pour défendre mon budget !
Je suis personnellement passée par la reconversion. Ce volet est aujourd'hui insuffisamment travaillé. Certains champions se retrouvent à Pôle emploi. Je veux plus que la Fondation pour le pacte de performance. Il existe des indicateurs qui démontrent deux ans avant la fin de la carrière que le sportif se rapproche de la porte de sortie. Cette période est importante si l'on veut qu'il soit formé et compétitif, soit en tant que chef d'entreprise, soit en tant que salarié d'une entreprise ou d'une association.
Il convient donc de prévoir des formations et des accompagnements. C'était l'objectif de Rio 2016. Le but actuel est de valoriser les champions, mais aussi les accompagnants, comme les entraîneurs.
S'agissant du sport sur ordonnance, nous sommes en contact avec Mme Buzyn et améliorons le cahier des charges.
Quant au dopage, on ne peut organiser de compétition sans éthique. Nous avons tiré un bilan des actions de l'ARJEL et de ce que demandent le CIO et l'Agence mondiale antidopage (AMA).
Il nous faut davantage investir dans la recherche et l'international. Nous en avons également parlé avec Mme Vidal. Nous allons donc nous rapprocher de l'AMA, de l'Europe et de l'intergroupe à Bruxelles, afin d'avoir un fonctionnement rapide, inclusif, pour continuer à être pertinent. L'AMA était heureux d'entendre ce discours. C'est une obligation pour nous.
Vous avez parlé du dopage des sportifs de haut niveau. Il existe aussi un dopage dans le milieu amateur. Il faut donc s'atteler à la prévention et à la sanction.
Je souhaite travailler avec vous en profondeur, et que nous nous engagions sur le long terme, afin d'être efficaces et cohérents. Ceci va nous faire gagner du temps. Je n'entends pas gagner seule. Je me ferai un plaisir d'échanger avec vous.
S'agissant des MMA, Bertrand Amoussou m'a permis, durant les quatre dernières années de ma carrière, de travailler l'agressivité canalisée à l'encontre d'un adversaire, après l'arrivée massive des pays asiatiques. Les Coréennes, en particulier, ne faisaient rien jusqu'à la dernière minute de l'assaut, alors que notre jeu est basé sur le dialogue. Ceci nous avait déstabilisées. Bertrand Amoussou m'a conseillé de me rapprocher du sport de combat, du judo et de la lutte, pour reprendre confiance en moi et imposer mon jeu. Il m'a présenté le MMA et on a ensuite lancé un observatoire.
La pratique augmentant, mieux vaut travailler en connaissance de cause et analyser les transformations de comportement. La porte n'est pas close. Il s'agit juste de coller à la réalité, de comprendre les cheminements et les valeurs.
Enfin, avant d'être ministre, le sport féminin et le sport pour les personnes en situation de handicap constituaient déjà pour moi deux sujets majeurs. Je continuerai donc à m'en préoccuper. Le 5 septembre aura lieu à Valence une journée intitulée « Sport au féminin ».
Quant à la transformation de l'environnement pour les personnes en situation de handicap, les Jeux olympiques et paralympiques permettront de faire avancer la question. Ceci a été pris en compte dans la candidature de Paris pour 2024.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le Sénat a beaucoup soutenu la candidature de Paris et la commission a procédé à beaucoup d'auditions.
La réunion est levée à 18 h 10.
Mercredi 19 juillet 2017
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La réunion est ouverte à 10 heures.
Groupe de travail « culture et handicap » - Présentation du rapport d'information
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le rapport qui nous est présenté aujourd'hui est le fruit d'un travail de longue haleine, lancé au printemps 2015 à la suite de la table-ronde qui avait pour objet de dresser le bilan des dix années d'application de la loi du 11 février 2005 relative à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées en matière culturelle. Cette table ronde nous avait permis de mesurer combien nous étions encore loin du compte. Le travail d'information réalisé n'en est que plus précieux, en ce qu'il permettra d'éclairer l'action publique sur le sujet.
Je rappelle que notre commission est très attentive au respect des droits culturels, qu'elle a fait inscrire dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), en particulier ceux des personnes handicapées ; au sein de la loi « création, architecture et patrimoine » du 7 juillet 2016, le Sénat a ainsi fixé pour objectif à la politique culturelle la promotion de l'accès à la culture pour les personnes en situation de handicap et de leur contribution à la création artistique et culturelle. En février dernier, le Sénat a accueilli les assises nationales des droits culturels, en partenariat avec l'association Cemaforre.
Mme Nicole Duranton. - Notre groupe de travail s'est donné pour objectifs de mettre en lumière l'apport d'une activité artistique ou culturelle pour les personnes en situation de handicap et pour la société, de décrypter le cadre juridique applicable en la matière, d'identifier les obstacles rencontrés par les personnes en situation de handicap pour pratiquer une activité artistique ou culturelle et de soumettre des préconisations pour améliorer la situation.
En règle générale, la question de l'accès à la culture des personnes en situation de handicap est abordée principalement sous le prisme de l'accessibilité physique des lieux de culture ou de l'accessibilité des contenus culturels. Si cette approche est indispensable, elle est aussi très réductrice.
Car les personnes handicapées sont bien des personnes, pleines et entières, avant de se définir par un quelconque handicap, qu'il soit physique, sensoriel, mental, cognitif ou psychique ou la combinaison de plusieurs d'entre eux. Elles ne sauraient donc être cantonnées à un simple rôle de spectateur et elles aspirent, comme tout individu, à être des acteurs de la culture à part entière.
L'une des premières revendications des personnes handicapées, c'est de pouvoir jouir des mêmes droits que les autres. Ni plus, ni moins. C'est une question d'égalité de traitement. Sans s'attarder sur cet aspect très juridique, l'accès à la création revêt un enjeu particulier pour les personnes en situation de handicap.
D'une part, parce qu'il s'agit d'un formidable vecteur d'émancipation et d'autonomie. Les personnes en situation de handicap que nous avons rencontrées ont été unanimes sur ce point, évoquant tour à tour, la possibilité offerte par l'activité artistique ou culturelle de s'abstraire de son handicap et de faire tomber les préjugés sur de prétendues incapacités, ou encore l'autonomie procurée dans l'expression et dans l'appréhension du quotidien.
D'autre part, parce qu'il s'agit d'un moyen, pour ces personnes que notre société relègue trop souvent en marge, de tisser du lien social, de s'intégrer, d'être reconnues à leur pleine place dans la société. Pour reprendre les propos que Patrick Gohet, l'adjoint au Défenseur des droits, a tenus devant nous, l'accès à la culture leur permet de révéler, aux yeux des personnes dites « valides » ou « normales », leur pleine humanité.
Au regard de ces considérations, il nous paraît important que la question de l'accès à la culture de ces personnes soit regardée, non comme une compensation, mais comme la juste reconnaissance de leur place au sein de la société et de leurs capacités.
En outre, les effets bénéfiques de leur accès à la création sont loin de se limiter à elles seules : ils s'étendent à la société dans son ensemble.
Déjà parce que la culture s'enrichit de la singularité de chacun. Les personnes dites « valides » ou « normales » qui nous ont présenté les initiatives auxquelles elles participent ont toutes souligné les bénéfices qu'elles ont retirés de ces expériences, en particulier le changement de regard qu'elles portent sur le handicap et l'évolution des représentations qu'elles en avaient, mais aussi le changement d'approche positif que cette confrontation a engendrée pour leur travail, au travers notamment de l'adaptation de leurs méthodes d'enseignement. La metteure en scène Madeleine Louarn, qui dirige le théâtre de l'Entresort et travaille notamment avec des comédiens handicapés mentaux, nous a interpellées en nous racontant combien la réaction de ces comédiens face à une oeuvre l'avait généralement amené à faire évoluer sa propre perception de l'oeuvre et à ouvrir des pistes insoupçonnées dans le processus de création.
Autre bénéfice pour la société, les démarches réalisées en direction des publics handicapés profitent toujours à d'autres publics. Vient naturellement à l'esprit le cas des familles avec enfants, des personnes âgées avec des problèmes de mobilité ou de déficience sensorielle, des personnes victimes d'une blessure temporaire. Mais, l'expérience montre aussi que les médiations conçues en direction des publics handicapés sont progressivement fréquentées par tous les publics qui découvrent à travers elles de nouvelles approches de l'art et de la culture.
Enfin, le vieillissement de la population et l'augmentation des problèmes de santé chroniques contribuent à accroître la proportion de personnes en situation de handicap dans notre pays et peuvent constituer des arguments supplémentaires pour s'attaquer d'urgence à cette question.
En un an, le groupe de travail a conduit près d'une trentaine d'auditions, qui ont permis de recueillir le témoignage d'artistes en situation de handicap, d'associations représentatives des personnes handicapées, d'associations oeuvrant pour faciliter l'accès à la culture des personnes handicapées, de professionnels de santé, d'établissements culturels ou encore de fonctionnaires de l'État. Plusieurs départements nous ont également fait part des actions qu'ils entreprennent. Ces travaux ont été l'occasion pour nous de découvrir à la fois ce qui a été mis en place pour faciliter l'accès des personnes en situation de handicap à la création et à la pratique artistiques et culturelles, mais aussi le fossé qui demeure entre ce que prévoit le droit et sa traduction dans la réalité.
Que dit le droit ? Le texte de loi de référence en matière de handicap dans notre pays, la loi « handicap » du 11 février 2005, ne mentionne pas expressément l'accès à la culture.
Certes, le droit international est très clair sur ce sujet. La convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, en particulier, reconnaît « le droit des personnes handicapées de participer à la vie culturelle sur la base de l'égalité avec l'autre » - j'insiste bien sur ce second aspect. Ce qui implique de développer des produits culturels dans des formats accessibles et de garantir l'accessibilité des lieux de culture au sens large, mais aussi « de donner aux personnes handicapées la possibilité de développer et de réaliser leur potentiel créatif, artistique et intellectuel ».
Par ailleurs, plusieurs principes consacrés par la loi de 2005 trouvent pleinement à s'appliquer dans le domaine culturel. Il en va ainsi du droit à compensation des conséquences du handicap, dont le but est de permettre aux personnes handicapées de mener une vie sociale la plus normale possible, au travers de la rédaction d'un projet de vie détaillant les besoins et les aspirations de la personne. Mais c'est surtout le principe d'accessibilité qui a fait naître une série d'obligations dans le domaine culturel.
Pour autant, le silence de la loi de 2005 a eu des conséquences regrettables. Il a pu alimenter la perception, déjà trop répandue, que les questions culturelles seraient mineures, et a sans doute contribué à ce que cette dimension soit, jusqu'alors, relativement négligée.
Il faut espérer que la consécration législative récente des droits culturels, à l'initiative du Sénat, permettent progressivement de rectifier le tir. Cette notion invite davantage à prendre en compte la diversité des besoins de chacun et promeut les politiques inclusives. Dans la foulée de cette consécration, la loi « création » du 7 juillet 2016 a assigné aux politiques publiques l'objectif de favoriser l'accessibilité des oeuvres et de promouvoir les initiatives professionnelles, associatives et indépendantes qui facilitent l'accès à la culture et aux arts des personnes en situation de handicap ainsi que leur contribution à la création artistique et culturelle.
Après avoir examiné la situation sous l'angle juridique, j'en viens à l'état des lieux sur le terrain.
Depuis bientôt vingt ans, le ministère chargé de la culture s'est efforcé de favoriser, dans le cadre de sa mission de démocratisation culturelle, l'accès des personnes en situation de handicap aux équipements, aux contenus culturels, à la pratique artistique, à la formation et aux métiers de la culture. Pour l'aider dans cette démarche, il a mis en place, en partenariat avec le ministère chargé des personnes handicapées, une enceinte pour dialoguer, sur une base bisanuelle, avec les principales associations de personnes handicapées : il s'agit de la commission nationale culture et handicap.
Si les efforts entrepris ont permis d'enregistrer des progrès notables, le chemin à parcourir est loin d'être terminé. Parmi les causes que nous avons identifiées figure naturellement le manque de moyens financiers. Nous pensons aussi que le caractère largement partenarial de cette politique, menée souvent conjointement avec les ministères chargés des personnes handicapées, de la santé ou de l'éducation, a pu parfois en ralentir la mise en oeuvre. La dimension culturelle ne constitue évidemment pas la priorité de l'action des autres ministères impliqués et il manquait jusqu'à présent une impulsion interministérielle suffisamment forte sur le sujet. Les pouvoirs et les moyens d'action du comité interministériel du handicap, installé depuis 2010, étaient réduits, son rôle se limitant à assurer la coordination entre les politiques définies par chacun des ministères.
Autre élément en demi-teinte : le programme « culture et santé » qui vise à encourager les liens entre les établissements de santé et les établissements culturels. Dans un certain nombre de régions, il a été opportunément étendu, sur la base d'une expérimentation, aux établissements du secteur médico-social et a ainsi pu bénéficier aux personnes en situation de handicap placées dans ces établissements. On peut toutefois regretter que les partenariats entre les établissements du secteur médico-social et les établissements culturels ne soient pas davantage encouragés, voire généralisés, compte tenu des bienfaits apportés au patient par la pratique d'une activité culturelle.
Idem s'agissant des établissements culturels publics. Nous avons pu constater au cours de nos auditions que les démarches entreprises par ces établissements, en particulier les musées et sites patrimoniaux, en direction des publics handicapés ou fragiles ont permis d'enregistrer des progrès significatifs dans la fréquentation, même si la situation demeure inégale. Un certain nombre de pratiques innovantes pourraient être systématisées. Les initiatives menées par le musée du Louvre et le musée du Quai Branly, en particulier, nous ont fait forte impression, qu'il s'agisse des efforts faits en matière d'accueil dès les abords des musées, des médiations conçues pour stimuler ces publics, ou des partenariats noués avec des associations intervenant auprès des personnes handicapées ou des établissements du secteur médico-social.
J'en viens enfin au rôle des associations. De nombreuses structures artistiques et culturelles se sont développées à travers tout le territoire pour permettre aux personnes en situation de handicap de pratiquer l'activité artistique et culturelle de leur choix : troupes de théâtre, cours de danse ou de musique, ateliers d'arts plastiques. Malheureusement, leur nombre est encore insuffisant, avec de grandes inégalités territoriales. Surtout, leur existence demeure souvent extrêmement fragile. Nous avons pu mesurer à quel point elles tiennent à la motivation d'une femme ou d'un homme et à la réunion d'un certain nombre de conditions matérielles. Le départ du porteur de projets, la perte d'une salle ou encore un revers dans le financement, qu'il soit public ou privé, et tout s'effondre. Sans compter qu'elles manquent, bien souvent, de visibilité et restent méconnues, y compris du public auquel elles s'adressent.
Bref, en dépit des actions des pouvoirs publics et des associations, l'accès des personnes en situation de handicap à la culture, en particulier à la pratique artistique et culturelle, n'est pas aujourd'hui pleinement assuré. Le manque de lisibilité de l'action publique, le manque de moyens humains et matériels, le manque de données précises sur les initiatives existantes comme le manque de visibilité de celles-ci sont autant de causes auxquelles il faut sans délai s'attaquer pour permettre aux personnes en situation de handicap de devenir enfin des acteurs de la culture à part entière.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Compte tenu des enjeux que nous avons perçus, nous formulons une vingtaine de propositions pour répondre aux lacunes et faiblesses que nous avons identifiées. Nous avons choisi de les organiser autour de sept thèmes : les sept domaines dans lesquels il nous semble que les efforts devraient prioritairement porter.
Notre premier thème, c'est de tout mettre en oeuvre pour modifier la manière dont le handicap est perçu. Notre société est marquée par une forte appréhension vis-à-vis du handicap, dont les causes tiennent à la fois à une profonde méconnaissance de celui-ci dans ses différentes formes et à une sorte de sentiment de culpabilité des personnes dites « normales » ou « valides » à l'égard des personnes handicapées. Ces deux motifs expliquent que les personnes handicapées soient tenues, même inconsciemment, à l'écart ou en marge de la société, au point d'aboutir à un cloisonnement réel de celle-ci entre « valides » et « non-valides ».
Il n'y a qu'à voir les programmes à la télévision ! En 2016, seules 0,8 % des personnes apparaissant à l'écran présentaient un handicap : ces chiffres illustrent bien à quel point les personnes handicapées sont comme invisibles. Rien n'est fait dans leur direction et une bonne partie de la société préfère ne pas les voir. Cette situation constitue évidemment un puissant frein au développement d'offres culturelles inclusives.
Il faut faire en sorte que les personnes en situation de handicap soient visibles, que leur présence soit naturelle et leur apport reconnu. À cette fin, il nous semble qu'un accent devrait être mis dans deux directions.
D'une part, au niveau de l'école. C'est dès le plus jeune âge qu'il faut sensibiliser au handicap. Nous souhaitons que la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire soit accrue, que leur intégration à l'école et dans les activités périscolaires soit améliorée et que tous les élèves soient davantage éveillés à la différence et au respect de l'autre, ce qui suppose également de se pencher sur la formation dispensée aux enseignants au sein des ESPÉ.
D'autre part, nous pensons qu'il faut véritablement redoubler d'efforts pour accroître la visibilité des personnes en situation de handicap dans les médias, en particulier à la télévision. Sous l'impulsion du CSA, les chaînes ont amorcé un travail dans cette direction ces dernières années, sans que l'on puisse encore se satisfaire de la situation actuelle. Il faut que la représentation des personnes handicapées soit mieux assurée, mais aussi qu'elle soit équilibrée, positive et inclusive. Ce qui exige aussi que la présence sur les plateaux de télévision de personnes handicapées ne s'explique plus seulement par leur handicap, mais par leur qualité d'expert d'un sujet. La culture journalistique actuelle tend à éviter de montrer le handicap à la télévision, sauf quand il est question de ce sujet précis.
Le deuxième thème de réflexion du groupe de travail a porté sur les modalités de prise en compte du handicap dans nos politiques publiques.
Nous pensons qu'il est indispensable que la question du handicap soit à la fois appréhendée et traitée de manière transversale. La tutelle exercée par le ministère chargé de la santé ou des affaires sociales sur le ministère chargé des personnes handicapées a longtemps conduit à aborder prioritairement le handicap sous un angle médico-social, ce qui est très réducteur. Le fait que le secrétaire d'État aux personnes handicapées soit, depuis quelques mois, directement placé auprès du Premier ministre nous semble aller dans le bon sens.
Encore faut-il poursuivre dans cette voie. Il faut maintenant faire en sorte que la question du handicap devienne un réflexe lorsque nous légiférons, que les droits des personnes handicapées soient prévus dans les lois générales, que chaque principe que la loi pose soit immédiatement décliné pour les personnes handicapées si une adaptation se révèle nécessaire. En envisageant ainsi, dès l'origine, les différentes configurations nécessaires en fonction des besoins de chacun, le coût global sera connu, intégré et, espérons-le, davantage accepté.
Nous estimons également qu'une politique véritablement inclusive ne pourra être définie que sur la base d'une co-construction avec les personnes handicapées pour l'ensemble des politiques publiques. La consultation des associations représentatives des personnes handicapées, par le biais du Conseil national consultatif des personnes handicapées que notre collègue Dominique Gillot préside, revêt donc une dimension essentielle.
Pour autant, il nous semble que les associations et fédérations représentant les personnes handicapées gagneraient à parler davantage d'une même voix sur un certain nombre de sujets, parmi lesquels figurent les questions d'accessibilité ou de la création, qui constituent des problématiques communes à l'ensemble du monde du handicap. Il faut qu'elles poursuivent leur mise en réseau pour accroître la portée de leurs revendications. Il nous parait très important qu'elles prennent conscience que le fait de porter un message commun n'interdit pas les déclinaisons particulières.
Notre troisième axe de réflexion a trait aux moyens à allouer à l'objectif d'accès à la création et à la pratique artistique et culturelle des personnes en situation de handicap.
L'État et les collectivités territoriales doivent davantage se mobiliser pour accompagner les associations, dont le rôle est essentiel, y compris dans les zones rurales. L'appui financier des pouvoirs publics doit être à la fois accru et pérennisé. Vous me permettrez à cette occasion de dire mon inquiétude suite à l'annonce faite par le Président de la République lundi exigeant finalement non plus 10 mais 13 milliards d'euros d'économies de la part des collectivités territoriales. Quand on sait qu'elles sont le fer de lance de la politique culturelle, il y a matière à s'interroger.
Nous pensons aussi qu'une meilleure articulation de l'action de l'État et des collectivités territoriales permettrait d'améliorer la cohérence et la lisibilité de l'action publique. Il ne faut pas que le soutien public se résume à un simple saupoudrage. Nous suggérons, en particulier, que des discussions se tiennent chaque année sur l'accès des personnes handicapées aux droits culturels au sein des « CTAP culture », que les initiatives qui ont fait la preuve de leur efficacité soient clairement identifiées et que des critères précis soient définis pour déterminer les projets susceptibles de bénéficier de subventions publiques. À nos yeux, les initiatives qui présentent un caractère inclusif ou qui donnent aux participants en situation de handicap les meilleures chances de préserver ou de développer leur autonomie artistique, culturelle et intellectuelle devraient être privilégiées.
Les autres acteurs devraient également être mobilisés. Concernant les établissements culturels publics, il serait souhaitable d'inscrire systématiquement la question de l'accueil des personnes en situation de handicap dans leurs contrats d'objectifs et de moyens. Cette mesure pourrait permettre de progresser, en particulier dans le domaine du spectacle vivant, aujourd'hui encore en retrait.
Plusieurs associations que nous avons entendues ont également évoqué l'intérêt de mettre en place un dispositif similaire à celui applicable au mécénat pour les oeuvres d'art pour inciter les entreprises privées à s'engager en faveur de l'accès des publics handicapés à la culture et à la création artistique. De fait, la plupart des grands musées ont d'ores et déjà recours au mécénat pour financer certaines de leurs actions à destination des publics en situation de handicap. Il s'avère que les entreprises répondent plutôt positivement aux sollicitations sur ce type de projets qui permettent de valoriser leur image sociale. Ce pourrait donc être une piste pour venir en aide à de plus petits établissements ou structures, pour lesquels la recherche de partenariats privés est moins naturelle et évidente. À titre personnel, je pense qu'il faut cependant être prudent avec l'appel au mécénat, qui ne doit pas conduire les pouvoirs publics à se délester de leurs obligations d'apporter une réponse égalitaire de service public sur tout le territoire.
Notre quatrième thème porte sur les politiques à mettre en oeuvre. Nous sommes convaincues que les politiques inclusives doivent être privilégiées. Elles seules peuvent contribuer à changer le regard sur le handicap et à mettre un terme à la ségrégation qui règne entre « valides » et « non-valides ». Nous voudrions que l'accessibilité universelle devienne un réflexe. Elle profite à toutes sortes de publics et présente l'avantage de ne pas stigmatiser les personnes handicapées. C'est pourquoi elle ne doit pas être envisagée comme un coût, mais comme un investissement au profit de la société et de son avenir.
Au demeurant, il existe des cas dans lesquels le maintien d'une offre réservée aux publics handicapés demeure nécessaire. La situation très particulière des personnes qui vivent dans des établissements ou des services spécialisés du secteur médico-social le justifie par exemple. Ce n'est pas pour autant qu'il faut perdre de vue l'objectif d'inclusion. Il ne s'agit pas d'offrir aux patients un « ersatz de culture », mais bien la culture, telle que la vit et la pratique l'ensemble de la société. La dignité des patients doit être respectée. Dans ce contexte, les partenariats avec des établissements culturels et des artistes doivent être développés.
Notre cinquième proposition a trait à l'information disponible. Le manque d'information est l'un des principaux freins actuels à la pratique artistique et culturelle des personnes en situation de handicap.
Il serait essentiel pour ces personnes de disposer d'une cartographie précise et fiable faisant apparaître l'ensemble des initiatives auxquelles elles sont susceptibles de pouvoir s'inscrire. Un grand travail de recensement doit être réalisé.
Nous estimons également que de nombreux bénéfices pourraient être retirés d'une campagne de communication nationale sur le thème de la culture et du handicap faisant le point sur les droits des personnes concernées et les possibilités offertes. Elle témoignerait de la mobilisation de l'État sur cet enjeu important pour l'inclusion des personnes en situation de handicap, donnerait de la lisibilité à l'action publique et pourrait enclencher une dynamique dans les territoires en incitant tous les acteurs à s'engager.
Nous pensons enfin que les établissements culturels doivent mieux communiquer en direction des publics handicapés. L'accessibilité des sites internet des établissements et structures culturels constitue aujourd'hui un enjeu fondamental pour faciliter l'accès des personnes en situation de handicap à la culture. Un travail important doit être engagé car le dernier baromètre de l'accessibilité numérique laisse apparaître des résultats moyens.
J'en viens maintenant au sixième axe de réflexion du groupe de travail : la formation. Les efforts à fournir dans ce domaine sont indispensables tant il s'agit bien souvent de l'un des principaux obstacles pointés du doigt. Ces efforts de formation doivent porter dans deux directions.
D'une part, il faut davantage sensibiliser les personnels de santé aux enjeux de la pratique artistique et culturelle dans les établissements du secteur médico-social. Les expériences montrent combien elle contribue à l'épanouissement personnel du patient et à la qualité des soins. Il semble préférable que cette pratique soit dispensée par de véritables professionnels de la culture pour en garantir la qualité et fournir l'occasion de contacts avec le monde extérieur. La nomination, au sein de chaque établissement, d'un référent chargé de définir la politique culturelle et de nouer des partenariats avec les établissements culturels locaux pourrait être un facteur de progrès.
D'autre part, il convient de mieux former les acteurs de la culture à la connaissance du handicap. La formation initiale dispensée au sein des établissements de l'enseignement supérieur culture, qui comprend également les écoles d'architecture, doit comporter, dans le tronc commun, des modules consacrés à cette problématique. De même, les établissements culturels doivent former leurs personnels, au titre de la formation continue, à l'accueil et à la prise en charge des personnes en situation de handicap.
La formation au handicap apparaît également indispensable dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation et dans les écoles de journalisme, au regard du rôle considérable que jouent les enseignants et les journalistes dans le regard que nous portons vis-à-vis de la différence.
En guise de dernier axe, nous soumettons deux chantiers de réflexion qui pourraient être ouverts au bénéfice des personnes handicapées.
Le premier chantier, c'est celui de la politique tarifaire. Il n'existe pas aujourd'hui de tarif spécifique en faveur des personnes handicapées pour leur permettre d'accéder aux lieux de culture. Mettre en place une politique tarifaire attractive pourrait jouer un rôle incitatif. Pourrait-on imaginer un dispositif similaire au « Pass culture » au profit des personnes handicapées pour témoigner de l'engagement de l'État à rendre concrets leurs droits culturels ?
Le deuxième chantier concerne la professionnalisation des artistes handicapés. Les barrières à l'entrée des métiers du spectacle pour les personnes en situation de handicap sont aujourd'hui fortes. Les causes en sont partiellement imputables aux caractéristiques propres à ce secteur d'activité, qui le rendent peu accueillant à l'égard des personnes handicapées. Mais, elles s'expliquent aussi par le fait que les dispositifs d'aide actuels sont peu adaptés aux spécificités de l'emploi au sein des entreprises du spectacle et que les règles de plafond et de réduction applicables en matière d'allocation adulte handicapé n'encouragent pas les personnes handicapées à embrasser une carrière d'intermittents. Des réflexions approfondies pourraient être conduites sur ces différents sujets.
Mme Dominique Gillot. - Je salue l'important travail réalisé par les rapporteurs, qui témoigne d'une vraie connaissance de ce que les personnes handicapées peuvent apporter. Vous avez très justement commencé votre propos en rappelant que les personnes handicapées sont des personnes à part entière ; c'est pourquoi je préfère dire que les politiques menées le sont en leur direction et non en leur faveur.
Vous avez également raison de souligner la nécessité d'une politique transversale en la matière. La nomination d'un secrétaire d'État auprès du Premier ministre et non rattaché au ministre de la santé est un signe favorable. Elle ne doit cependant pas se traduire par un désengagement des autres ministères, qui ne doivent pas être exonérés de l'obligation de prendre en compte la problématique de l'inclusivité. La prise en compte de la problématique du handicap dans les lois générales est une nécessité pour éviter les exclusions. Cela suppose d'accroître les enveloppes globales des ministères.
Je ne doute pas que ce rapport marquera s'agissant de la place des personnes handicapées dans les politiques culturelles.
Mme Françoise Laborde. - J'étais membre du groupe de travail et je sais l'importance du travail réalisé. Lorsque l'on se penche sur ce sujet, les contraintes financières et humaines nous sont souvent opposées. Ces dernières sont importantes mais il convient de mettre en face le bien-être des personnes handicapées et tout ce qu'elles peuvent apporter à la société. C'est sans commune mesure ! La difficulté réside cependant dans la diversité des handicaps mais elle n'a rien d'insurmontable.
J'espère une évolution des pratiques et aussi une institutionnalisation de celles-ci. Trop souvent, les initiatives en la matière proviennent de la bonne volonté de quelques personnes et sont donc peu pérennes.
Je salue les propositions que vous avez formulées, à quelques remarques près. S'agissant du mécénat, il s'agit d'une piste intéressante mais elle ne doit pas conduire les pouvoirs publics à se délester du financement de la politique en direction des personnes handicapées. Enfin, les usages du numérique ne me semblent pas à la hauteur des possibilités qu'il offre.
Incontestablement, ce rapport fera date.
Mme Colette Mélot. - Votre rapport traite d'un sujet très important qui appelle le consensus. Je souhaite que les propositions que vous avez formulées ne demeurent pas des voeux pieux mais qu'ils trouvent une traduction rapide. Il nous revient, à nous sénateurs, d'exercer notre fonction de contrôle en ce sens.
Vous avez souligné l'importance d'une prise de conscience des problématiques liées au handicap et le rôle que doivent jouer l'école, les ÉSPÉ, les chaînes de télévision, etc. Je partage vos recommandations ainsi que le souhait que l'ensemble des politiques publiques prennent en compte ces enjeux.
Mme Christine Prunaud. - Je joins ma voix aux félicitations de nos collègues : votre constat est réaliste et vos propositions particulièrement intéressantes. Votre rapport est excellent ; il nous faut le faire connaître aux professionnels du handicap sur nos territoires. Comme nous l'avons évoqué hier lors de l'audition de Mme Laura Flessel, ministre des sports, s'agissant des activités sportives, la culture représente une passerelle pour les personnes handicapées afin de les rendre plus visibles dans la société. Vous l'avez dit avec beaucoup de justesse, les personnes handicapées sont trop souvent invisibles.
Les parlementaires n'ont pas toujours fait suffisamment pour promouvoir l'accessibilité dans les textes de loi, même si nous sommes particulièrement sensibilisés dans notre commission à la question du handicap. Par ailleurs, les moyens financiers consacrés à ces politiques demeurent insuffisants.
Je partage votre analyse sur la nécessité de faire évoluer la perception du handicap afin de faire reculer le cloisonnement dont souffrent ces personnes. À cet égard il est indispensable d'améliorer l'accompagnement des professionnels, notamment des enseignants, grâce à des moyens adéquats et une formation adaptée. Il est de notre responsabilité collective d'agir pour que votre conclusion -« Il faut que l'accessibilité universelle devienne un réflexe »- trouve une application concrète.
Mme Marie-Annick Duchêne. - La clarté et la précision de votre exposé m'ont éblouie. Je puis vous dire, pour avoir fait partie de nombreuses associations d'aide aux personnes handicapées, que la principale difficulté réside dans le caractère multiple du handicap : physique mais aussi mental avec, à chaque fois, des particularités qui démultiplient les besoins de prise en charge. Je souhaiterais évoquer devant vous l'initiative magnifique d'Orphée, le festival européen théâtre et handicap qui, depuis dix ans, fait monter sur les planches des personnes handicapées transformées chaque fois par le travail de la scène.
Mme Corinne Bouchoux. - Je vous remercie pour cet excellent travail, auquel il faudra donner suite dans nos départements. La question de l'accès à la culture n'est toutefois pas toujours au coeur des préoccupations des personnes handicapées. Ainsi, en visite dans un établissement pour adultes myopathes de Saint-Georges-sur-Loire pour évoquer le sujet des droits culturels, j'ai rapidement constaté que le débat tournait court, les personnes présentes m'interpellant sur la priorité que constitue pour eux leur droit à disposer d'une vie privée et amoureuse. Il est vrai qu'une vie pleine et entière ne se limite pas à l'accès à la culture ; le Sénat, après le renouvellement de septembre prochain devra se saisir de cet enjeu.
M. Jacques Grosperrin. - J'ai beaucoup aimé votre référence à la nécessaire recherche de compétences au-delà du handicap. S'agissant de l'accès à la culture pour les personnes handicapées, qu'en est-il de la situation dans les autres pays européens ?
Mme Marie-France de Rose. - En tant que conseillère départementale j'ai, par le passé, présidé la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) des Hauts-de-Seine et je puis vous dire que le handicap représente toujours un drame pour les familles, qui se heurtent en outre à un décourageant labyrinthe administratif. Au-delà du seul accès à la culture, il est indispensable d'améliorer l'accompagnement global des familles.
M. Claude Kern. - Je souhaite appeler votre attention sur les difficultés rencontrées pour l'accompagnement des élèves handicapés pour les activités culturelles et artistiques.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Le travail que nous avons engagé avec ma collègue Nicole Duranton est évidemment loin d'être terminé. Nous avons ouvert un chantier, au gré d'un calendrier de travail erratique lié à la période de suspension des travaux parlementaires. Mais, déjà, notre compréhension de la problématique et, plus largement de notre perception du handicap, autrefois teintée de gêne et de culpabilité, ont évolué. Les auditions menées ont fait apparaître combien l'inclusion dans la société constituait un objectif fondamental pour les politiques en faveur du handicap. Au travers de ce rapport, nous avons souhaité montrer que l'accès à la culture, dont l'acception est bien plus large que celle d'accessibilité, se trouvait au fondement de la possibilité pour ces femmes et ces hommes de « vivre leur pleine humanité » selon l'expression de Patrick Gohet. Je citerais également Madeleine Louarn, metteur en scène engagée, qui nous a expliqué, lors de son audition, combien était enrichissante, car différente, la perception des oeuvres d'art par les personnes handicapées. Notre rencontre fut un moment particulièrement fort de la mission.
D'un point de vue institutionnel, peu m'importe qu'il existe ou non un secrétariat d'État dédié au handicap. L'essentiel est d'instaurer une transversalité des politiques publiques sur cette question et d'y consacrer des moyens suffisants. De trop nombreuses associations demeurent fragiles financièrement et les partenariats entre elles encore trop rares.
À la suite de ce rapport, il convient désormais de poursuivre concrètement les actions dont nous prônons la mise en oeuvre. Monsieur Grosperrin, nous n'avons pas à ce stade étudié la situation dans d'autres pays européens. Monsieur Kern, nous n'avons pas approfondi la question de l'accès des élèves à l'éducation artistique et aux activités périscolaires dans le rapport. Enfin, je partage l'opinion de notre collègue Dominique Gillot, qui regrettait l'expression « en faveur des personnes handicapées » ; nous l'avons ici, comme trop souvent, utilisée par réflexe, à notre corps défendant.
Mme Nicole Duranton. - Cette mission a profondément modifié mon regard sur les personnes handicapées, grâce à des rencontres magnifiques. J'ai, en particulier, été impressionnée par les politiques mises en oeuvre par les musées du Louvre et du quai Branly.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Les Fonds régionaux d'action culturelle (FRAC) proposent également des initiatives époustouflantes.
Par ailleurs, j'ai été saisie, à Rouen, par les familles de deux jeunes collégiens en fauteuil roulant, qui se trouvaient fort démunies car la mission des AVS qui accompagnaient leurs enfants s'arrêtaient aux horaires du collège. Or, ces élèves étaient scolarisés en classe aménagée avec le conservatoire et se trouvaient dans l'impossibilité de réaliser seuls le trajet entre le collège et le conservatoire pourtant situé à proximité immédiate. En lien avec le principal, il m'a fallu près de trois mois pour résoudre ce problème. J'avais d'ailleurs interrogé le ministre de l'éducation nationale à ce sujet mais n'ai reçu à ce jour aucune réponse à ma question écrite.
La qualité de ce rapport et l'importance des sujets abordés nous obligent à un travail de suivi, peut-être une fois par an, avec les associations et les élus. Nous devons communiquer nos propositions aux professionnels de la culture et du handicap comme aux ministres concernés. Certes, le Gouvernement a annoncé une augmentation du montant de l'allocation pour adulte handicapé (AAH) mais une politique ambitieuse en faveur des personnes handicapées ne saurait se limiter à ses aspects financiers. Pour que l'inclusion fonctionne, il convient de veiller à la formation des professionnels en contact avec les personnes handicapées.
La commission autorise à l'unanimité la publication du rapport d'information.
Organismes extraparlementaires - Désignations
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - L'ordre du jour appelle la désignation, en application de l'article 9 du Règlement du Sénat, de candidats proposés à la nomination du Sénat pour siéger au sein de deux organismes.
Pour siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, j'ai été saisi de la candidature de Christian Manable et pour siéger à la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture, des candidatures de Jean-Pierre Leleux comme titulaire et de Françoise Férat comme suppléante.
M. David Assouline. - Cette proposition n'est pas dans les traditions de notre commission. J'ajoute que la loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine a fait l'objet d'un large consensus. C'est pourquoi le groupe socialiste présente la candidature de Marie-Pierre Monier au poste de suppléant. La désignation de deux membres de la majorité sénatoriale constituerait une rupture du climat de notre commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - La compétence de Jean-Pierre Leleux est unanimement reconnue dans ce domaine. Je rappelle d'ailleurs qu'il a longtemps présidé la commission des secteurs sauvegardés. Françoise Férat s'est également beaucoup investie sur le sujet, à la fois en tant que rapporteur et comme auteur, conjointement avec Jacques Legendre, d'une proposition de loi sur le patrimoine. Par ailleurs, ils sont issus de deux groupes politiques différents. La répartition des postes au sein des organismes extra-parlementaires doit être globale et égale pour tous : ce qui vaut pour les grands groupes vaut également pour les groupes minoritaires.
M. David Assouline. - Jean-Pierre Leleux est déjà rapporteur des crédits de l'audiovisuel, ce qui constitue une tâche très prenante. En outre, il représente la commission au conseil d'administration de France Télévisions.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Non c'est moi et je vous rappelle d'ailleurs que vous vous étiez opposé à ma nomination.
M. David Assouline. - Il aurait été préférable que majorité et opposition soient représentées.
Mme Françoise Laborde. - Je m'interroge sur les conditions de désignation ainsi que sur la durée du mandat des représentants que nous allons désigner.
M. Jean-Pierre Leleux. - La loi LCAP a fusionné la commission nationale des secteurs sauvegardés, présidée de droit par un sénateur et la commission nationale des monuments historiques, présidée par le ministre de la culture. La nouvelle commission de l'architecture et du patrimoine sera présidée par un parlementaire - sans préciser s'il s'agira du député ou du sénateur désignés par leur assemblée respective pour une durée de cinq ans -, nommé par arrêté du ministre en charge de la culture. Je rappelle également que cette disposition de la loi LCAP de 2016 résulte d'une initiative du Sénat.
M. David Assouline. - Raison de plus pour ne pas faire de cette désignation un choix partisan.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Cette désignation aurait mérité de faire l'objet d'une concertation préalable, surtout dans la perspective du renouvellement sénatorial. D'une manière générale, je regrette la place qui a été celle du groupe auquel j'appartiens au cours des trois années écoulées.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - C'est la première fois que cette question est soulevée depuis que je préside notre commission. En tout état de cause, nous avons été saisis d'une demande de désignation par le Premier ministre et il nous appartient d'y répondre sans tarder.
M. Jacques Grosperrin. - Je voudrais souligner l'ouverture d'esprit dont a constamment fait preuve notre présidente. Ancien député, je peux affirmer que les choses ne se passent pas du tout dans le même esprit à l'Assemblée nationale. J'insiste pour que nous procédions à la désignation sans délai car l'Assemblée, elle, ne tardera pas.
M. David Assouline. - Le groupe socialiste ne participera pas au vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Le groupe communiste et républicain non plus.
La commission propose à la désignation du Sénat :
- M. Christian Manable pour siéger comme membre titulaire à la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques ;
- M. Jean-Pierre Leleux, pour siéger comme membre titulaire à la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture ;
- Mme Françoise Férat, pour siéger comme membre suppléant à la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture.
La réunion est close à 11h30.
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La réunion est ouverte à 16h 30.
Audition de Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Madame la ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir pour votre première audition par notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Cette audition sera plus courte que prévue car vous devez nous quitter à 18 heures pour accompagner le Président de la République aux Rencontres de la photographie à Arles. J'espère que nous aurons l'occasion de vous recevoir à nouveau en octobre avant la traditionnelle audition budgétaire.
La culture constitue l'un des thèmes majeurs de notre réflexion, comme le sport ou l'éducation. Nous avons reçu M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et Mme Laura Flessel, ministre des sports. Je sais que vous voulez travailler ensemble car la culture est un sujet transversal.
En trois ans, nous avons beaucoup travaillé aussi bien les lois en discussion que de manière prospective sur l'audiovisuel, la francophonie, les arts et les festivals, etc. Ce matin, Nicole Duranton et Brigitte Gonthier-Maurin ont présenté les conclusions du groupe de travail sur l'accès des personnes en situation de handicap à la création et à la pratique artistique et culturelle. Rien n'avait été fait sur ce sujet.
Nous avons également beaucoup travaillé sur la loi « création » il y a un peu plus d'un an ? Où en est son application ? Quid des droits culturels ? Des nouveaux labels ? De la réforme des enseignements artistiques ? De la mise en oeuvre des nouvelles dispositions dans le domaine du patrimoine ?
Comment comptez-vous travailler avec les collectivités territoriales qui investissent beaucoup pour la culture et représentent les deux-tiers des financements ? Je ne vous cache pas que les annonces de ces derniers jours en matière de réduction des dotations aux collectivités territoriales nous inquiètent quelque peu...
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. - Je suis très heureuse d'être parmi vous, très honorée. Le calendrier m'impose d'être à Arles ce soir. Ce n'était pas prévu. J'étais hier devant vos collègues de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale. Je suis une ministre issue de la société civile. Je dirigeais une maison d'édition à Arles, où j'étais plus largement impliquée dans l'animation de la vie culturelle locale. J'ai accepté la mission que me proposaient le Président de la République et le Premier ministre pour plusieurs raisons. Tout d'abord, par sens républicain et par souci de cohérence. Je n'avais pas le droit de refuser l'opportunité qui m'était offerte de servir ainsi la culture et notre pays. J'ai toujours été portée par l'engagement citoyen. Après des études de biologie moléculaire, j'ai travaillé dans les quartiers populaires de Bruxelles, pour accompagner des citoyens qui voyaient leurs quartiers remaniés. Cela m'a amenée à étudier l'urbanisme avant de rejoindre la direction de l'architecture du ministère. Je me suis ensuite rendu à Arles où j'ai acquis la citoyenneté française. Avec mes équipes, nous avons développé tout un écosystème autour de la maison d'édition : librairie, cinéma, lieux d'exposition et de musique. Il y a trois ans nous avons créé une école pour les enfants de trois ans jusqu'au baccalauréat, l'école du Domaine du possible, installée dans un domaine agricole, où nous expérimentons l'éducation à la joie, à travers la pratique des arts, le contact avec la nature. Aujourd'hui, j'ai l'honneur de prolonger cet engagement citoyen en exerçant des fonctions ministérielles. Le projet culturel d'Emmanuel Macron rencontrait mes propres convictions : la culture doit être une priorité ; il faut travailler en lien avec l'Éducation nationale ; il faut la rendre accessible au plus grand nombre. Enfin, le Président de la République m'a dit son souhait de voir la politique culturelle « inspirer » le pays, recréer du lien et redonner confiance à une société qui souffre de ses fractures. Je suis donc ici, devant vous, par conviction par détermination ; par désir de servir et surtout, par souci de faire.
Pour cette première audition, je vous présenterai ma méthode, le modèle culturel que je souhaite défendre et les axes prioritaires de mon action.
La méthode est un déterminant de la réussite. J'ai lu les discours de mes prédécesseurs. Certains des axes que je souhaite défendre ont été déjà présentés ici. Mon objectif n'est pas de faire table rase du passé. Je m'appuierai évidemment sur l'action qu'ils ont menée et sur vos travaux. Mais ma responsabilité est de comprendre pourquoi tout ce qui a été dit, à juste titre, a parfois eu du mal à se traduire dans la réalité, à se concrétiser sur le terrain. J'entends faire différemment, identifier les blocages pour essayer autre chose. Ces deux premiers mois au sein du ministère m'ont déjà permis de dresser quelques constats. Il y a incontestablement des tabous, des cloisons qui peuvent freiner, ou même empêcher l'action du ministère.
Je souhaite mettre en oeuvre une méthode de travail plus collective, ouverte et partagée. Je ne tiens pas à attacher mon nom à une grande loi. Néanmoins, je compte travailler en étroite collaboration avec le Parlement - et avec votre commission en particulier. Je suis déterminée à vous associer étroitement à toutes les actions du ministère, de leur conception à leur promotion partout sur le territoire, jusqu'à leur évaluation. Ce dernier volet, parfois moins visible, m'est très cher et j'y serai particulièrement attentive.
Je sais le travail que vous avez fourni sous la précédente mandature, notamment sur la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite loi LCAP, pour l'enrichir et l'adapter aux réalités territoriales. La notion de liberté de création qu'elle consacre est fondamentale. Je suis attachée à assurer la mise en application de cette loi : 26 des 28 décrets d'application ont déjà été publiés et j'ai signé les deux derniers. Je souhaite aussi que cette loi fasse l'objet d'un suivi, d'une évaluation.
L'ambition culturelle sera partagée avec mes homologues du Gouvernement. J'estime que le rôle du ministère de la culture n'est pas de conduire des politiques sectorielles, mais de fixer le cap d'un projet de société, un projet civilisationnel. Le ministère de la culture n'est pas seulement un ministère des arts et des artistes, c'est aussi un ministère du sens, des langues, de l'Histoire, de la mémoire. C'est un ministère de la cohésion sociale, de la conscience collective. Son domaine embrasse ainsi toute l'action gouvernementale. Ce n'est donc pas un ministère qui agit seul. J'ai amorcé les collaborations, dès ma prise de fonction. J'ai rencontré très vite Jean-Michel Blanquer, pour établir rapidement un lien avec l'Éducation nationale. Votre commission comme celle de l'Assemblée nationale ne traitent-elles pas l'une et l'autre des affaires culturelles et de l'éducation ? Je souhaite aussi avancer en lien étroit avec Frédérique Vidal, Sophie Cluzel sur le handicap, Nicolas Hulot sur la transition énergétique, Marlène Schiappa, sur l'égalité entre les femmes et les hommes, Mounir Mahjoubi sur la transition numérique, Jacques Mézard et Julien Denormandie sur la cohésion territoriale, Laura Flessel sur le sport, ou encore Jean-Yves Le Drian, Jean-Baptiste Lemoyne et Nathalie Loiseau, pour l'international. L'interministériel sera une dimension essentielle de mon projet.
L'ambition culturelle doit être partagée par tous les territoires. J'ai entamé dès mon arrivée un tour de France des régions, au rythme d'un déplacement par semaine pour rencontrer les acteurs de la politique culturelle en région. Je le conclurai en fin d'année par l'Outre-Mer. Je souhaite conforter le rôle sur le terrain et au sein du ministère des services déconcentrés du ministère, les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Je les ai déjà associés à la nouvelle instance de gouvernance que j'ai installée. Au fil de mes déplacements, je rencontre, bien sûr, les élus, les parlementaires comme les représentants des collectivités territoriales. C'est aussi avec eux que je souhaite renforcer la coopération. Nous devons rebâtir les termes d'une relation de confiance entre l'État et les collectivités. Le Président de la République en a posé les bases lundi, lors de la Conférence des territoires qui se tenait au Sénat. Je sais que l'effort demandé aux collectivités territoriales est lourd. C'est un effort qui est partagé entre toutes les collectivités publiques. L'État prend sa part. La culture est un volontarisme, un choix de société. Je sais combien d'élus, sur notre territoire, partagent et font vivre cette conviction. Ils me trouveront toujours à leurs côtés.
Enfin, l'ambition culturelle doit être partagée avec la société civile. Les pouvoirs publics ne peuvent rien sans les associations, les entrepreneurs, les mécènes, les professionnels sur le terrain. Je le sais d'expérience. Je souhaite que le ministère soutienne, accompagne, agrège les bonnes volontés, pour que des écosystèmes de vie culturelle voient le jour, un peu partout : à partir des acteurs et des besoins du terrain.
La co-réflexion et la co-construction constitueront la colonne vertébrale de ma méthode. Vous en serez des acteurs clés, au service d'un certain modèle culturel.
L'État français intervient depuis des siècles en matière culturelle, mais il l'a fait, au fil du temps, avec des objectifs et sur des fondements différents. II ne suffit pas de dire que nous nous mobilisons pour la culture. II faut donner un sens à ce que nous faisons. Le modèle que je défends est un modèle de diversité culturelle : diversité des formes artistiques, diversité des voix et des visages qui les portent ; diversité des époques représentées, des territoires, des influences, des courants. La force de la culture française réside dans sa complexité. Sa singularité et sa cohérence tiennent à sa pluralité.
Ce combat pour la diversité culturelle me semble prioritaire pour lutter contre les tentations de repli sur soi, contre les discours simplificateurs sur l'Histoire, sur les racines, etc. Je mènerai d'abord ce combat pour les publics. Vous avez été à l'initiative d'une affirmation des droits culturels dans les derniers textes législatifs. J'y suis fondamentalement attachée. Faisons-les vivre ensemble. La politique du ministère doit se concentrer davantage sur le développement des accès à la culture. Et quand je parle de l'accès de tous à la culture, je parle de l'accès de tous à la diversité culturelle. Il ne s'agit pas d'imposer des choix culturels d'en-haut, par les institutions. L'enjeu est de donner à chacun les moyens de tracer son propre chemin, d'explorer la culture qu'il ne porte pas déjà en lui, en se libérant d'éventuels carcans familiaux, sociaux, financiers, géographiques, physiques.
Votre commission s'est saisie de la question de l'accès à la culture pour les personnes en situation de handicap : je le salue et m'appuierai sur ces travaux.
La mission de l'État est de combattre les prisons culturelles, de ne laisser personne sur le bord de la route et d'offrir à chacun de nos concitoyens la diversité contenue dans les librairies, les musées, les théâtres, les cinémas... Chacun a droit à une vie culturelle. Notre attention se portera sur un public en particulier, la jeunesse, parce qu'elle est la première victime des défis de notre société que sont le chômage, le terrorisme, le réchauffement climatique. C'est elle qui a, en priorité, besoin de sens et de liberté.
Outre ce combat pour les publics, nous mènerons le combat pour les artistes, les créateurs. Il faut entretenir la source de la diversité, pérenniser le système de soutien public à la création, investir dans notre patrimoine, faire de la France une terre d'accueil, pour tous les artistes qui, dans le monde, sont menacés parce qu'ils créent.
Tels sont les contours du modèle que je souhaite porter. J'aurai cinq priorités. La première, priorité des priorités, est le développement des arts et de la culture à l'école. Ce n'est pas une ambition inédite, j'en ai conscience - elle figurait déjà dans le plan Lang-Tasca, en 2000. Depuis, des choses ont été faites, incontestablement, mais de façon trop inégale, trop dispersée : la réalité varie selon les classes, les établissements, les régions. L'inégalité est profonde entre les enfants. Si l'ambition n'est pas inédite, elle reste donc encore à concrétiser.
En revanche ce qui est inédit, c'est la volonté politique que nous partageons avec Jean-Michel Blanquer. La culture fait partie du projet d'école « de la confiance » qu'il a pu vous présenter fin juin, quand vous l'avez auditionné. Nous avons réuni ensemble les DRAC et les recteurs pour dessiner une feuille de route. Et nous réunissons ce jeudi le Haut Conseil à l'Éducation artistique et culturelle. Nous avons fait de l'éducation aux arts et à la culture notre priorité commune, avec un objectif, qui a été réaffirmé par le Président de la République : toucher 100 % des élèves, contre moins de la moitié aujourd'hui. Nous allons tirer un premier bilan de la mise en oeuvre du parcours d'éducation artistique à l'école, institué par la loi sur la refondation de l'école.
Nous mettrons l'accent sur la pratique artistique. Nous lancerons dans quelques semaines notre premier projet dans ce domaine : la rentrée des classes en musique, avec l'idée qu'une rentrée peut-être joyeuse. Au-delà de la rentrée, nous souhaitons développer le chant et la musique tout au long de l'année grâce à des partenariats avec les conservatoires et les associations de pratique orchestrale. Nous développerons aussi les résidences d'artistes à l'école, et renforcerons le lien entre les écoles et les bibliothèques pour développer la lecture. Nous mettrons aussi l'accent sur l'éducation aux images afin de protéger nos enfants contre les incitations à la haine et la violence sur les réseaux sociaux. Là encore, nous avancerons avec Jean-Michel Blanquer pour lancer des expériences de médiation à l'image, comme celle du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).
L'un des facteurs de réussite de cette politique de culture à l'école est la formation des acteurs : professeurs, mais aussi intervenants extérieurs (médiateurs, conservateurs, artistes). Nous avons commencé à y travailler avec Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. Enfin, pour clore ce parcours d'éducation aux arts et à la culture des enfants, nous travaillons à mettre en place le Pass Culture de 500 euros pour les jeunes de 18 ans.
Deuxième axe prioritaire : la politique territoriale de la culture. L'action de l'État doit cibler en priorité les zones où la vie culturelle est la plus fragile : les zones rurales, les quartiers de la politique de la ville, les territoires ultramarins. II convient de renforcer les obligations de nos établissements nationaux, pour faciliter la diffusion des oeuvres et la médiation culturelle dans ces endroits. L'État doit aussi investir dans les lieux culturels de proximité, à commencer par les bibliothèques. C'était l'objet de l'excellent rapport de Sylvie Robert. Nous voulons élargir leurs horaires d'ouverture, notamment le soir et le week-end. Nous voulons aussi en faire des centres culturels de proximité, dont le rôle dépasse le seul prêt de livres. Erik Orsenna, a accepté, et j'en suis très heureuse, une mission d'ambassadeur sur ce sujet.
Troisième axe prioritaire : la politique européenne de la culture. Je vais réaliser un tour des capitales européennes, pour rencontrer mes homologues. Je serai à Rome la semaine prochaine. L'Europe doit être renforcée comme espace de partage, qui nourrit la diversité culturelle. II faut multiplier les coproductions, les collaborations, les échanges. Je défendrai l'idée d'un Erasmus de la culture, entre les professionnels. Il faut aussi développer les traductions car la langue est une voie de rapprochement privilégiée.
En même temps l'Europe doit être conçue comme un espace de protection de la diversité : c'est à cette échelle que nous pourrons défendre nos préférences face au reste du monde. J'en ai fait l'expérience, quelques jours après ma nomination, lorsque j'ai fait voter un amendement au projet de directive sur les services de médias audiovisuels afin de fixer un quota minimal de 30 % d'oeuvres européennes sur les grandes plateformes de diffusion de vidéos à la demande. Le combat pour la diversité culturelle se porte à l'échelle européenne. Je sais pouvoir compter sur vous à mes côtés.
Quatrième priorité : le soutien à la création et aux artistes. Je l'ai dit : nous pérenniserons notre système de soutien public. On ne se bat pas pour la diversité si on ne lui donne pas les moyens d'exister. Je serai vigilante quant à la précarité de l'emploi des artistes et des techniciens du spectacle. L'accord trouvé l'an dernier sur le régime des intermittents est un bon accord, juste et équilibré. Je veillerai, en liaison avec la ministre du travail, Muriel Pénicaud, à pérenniser un système de garanties adaptées en matière d'indemnisation du chômage. Je travaillerai aussi à pérenniser le régime de protection sociale des artistes auteurs.
Nous développerons les résidences d'artistes et nous soutiendrons la diffusion de leurs oeuvres sur le territoire, en lien avec les réseaux d'établissements labellisés et les lieux culturels. Enfin, à l'ère numérique, nous devons veiller au partage équitable de la valeur des oeuvres, entre tous les échelons de la chaîne - de la création à la diffusion. Il faudra trouver les moyens de faire entrer les grandes plateformes dans le système de financement du cinéma et de l'audiovisuel français. Il faut aussi réfléchir secteur par secteur, pour discuter d'évolutions utiles de la réglementation. Nous agirons en concertation avec les professionnels. S'agissant de la filière musicale, vous le savez, j'ai lancé une mission sur la « Maison commune de la musique ».
Ma dernière priorité concernera la politique médiatique, centrale dans notre modèle de diversité culturelle. L'État doit se poser en garant de l'indépendance et du pluralisme des médias. Nous soutiendrons le secteur de la presse qui est fragilisé par le numérique. Nous veillerons à ce que les aides publiques accompagnent sa modernisation. J'ai eu une réunion avec l'ensemble des acteurs. Ils ont le souci de réfléchir et d'avancer de façon concertée. Nous les accompagnerons. Nous continuerons aussi de soutenir l'audiovisuel public, qui contribue de façon essentielle à la production d'une information fiable et de qualité. Là encore, j'ai rencontré les représentants du secteur. C'est un vaste dossier, très complexe. Je m'appuierai aussi, évidemment, sur les travaux menés par les sénateurs Jean-Pierre Leleux et André Gattolin.
Telles sont les grandes lignes de notre projet. Ce projet pour la culture est un projet de société. L'ambition est grande. Mais je sais que notre volonté d'avancer, collectivement, l'est aussi.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je passerai d'abord la parole à nos rapporteurs budgétaires, puis à Mme Laborde, présidente du groupe d'études des arts de la scène, de la rue et des festivals en régions et à Mme Bouchoux, présidente du groupe d'études sur la photographie et les autres arts visuels, puis aux représentants des autres groupes politiques et aux collègues qui souhaiteraient poser d'autres questions. Afin de garantir l'expression de tous, j'invite chacun à la concision.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits du livre et des industries culturelles - La Commission européenne a présenté, le 14 septembre 2016, un projet de réforme du cadre européen applicable aux droits d'auteurs et aux droits voisins. Si plusieurs mesures ne suscitent aucune opposition, d'autres crispent l'opposition des ayants droit. Des négociations sont en cours. Certaines mesures semblent judicieuses, comme celles relatives à la transparence des relations contractuelles entre producteurs et créateurs ou à la lutte contre le piratage. En revanche, le traitement des exceptions au droit d'auteur pose question car il n'est pas assez porté attention à la préservation des marchés existants, comme les livres scolaires, les partitions de musique, les ouvrages adaptés au handicap visuel ou les publications scientifiques. L'exception en faveur du « Text and Data Mining » est aussi élargie par rapport à la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, où nous l'avion réservée à la recherche scientifique. Pourtant, la Commission ne prévoit pas de rémunération compensatoire pour les titulaires des droits concernés. D'autres difficultés tiennent à la création de droits voisins au profit des éditeurs de presse. Cette mesure a échoué en Allemagne et en Espagne. La proposition relative aux oeuvres indisponibles ne garantit pas le maintien du dispositif ReLIRE. S'agissant des nouvelles obligations faites aux plateformes, il convient de mieux définir l'acte de communication publique afin d'harmoniser les définitions entre les États membres. Quelle est votre position sur ces sujets ? Quel est l'état d'avancement des négociations ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Je pense que notre commission soutient les cinq axes que vous avez exposés. Je proposerais volontiers un axe 5 bis, en faveur du patrimoine ! Je me concentrerai toutefois sur deux sujets, faute de temps. Il y a un conflit entre une chaîne de télévision et les sociétés de perception de droits d'auteur. Pourriez-vous nous dire quelle est votre position même s'il s'agit principalement d'un conflit qui relève du droit privé ? A l'initiative de Mme Morin-Desailly, nous menons une réflexion sur la chronologie des médias. Vous avez évoqué le rôle des plateformes dans le financement dans la création. Comment comptez-vous faire avancer les choses, car depuis 2009 on est au point mort ?
Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur et de la francophonie. - L'audiovisuel extérieur est un élément essentiel du rayonnement de la France à l'étranger et de notre diplomatie d'influence. Composée de RFI, France 24 et Radio Monte Carlo Doualiya, France Médias Monde est un peu la voix de la France dans le monde. Si la reconduction à sa tête de Mme Saragosse apporte un éclaircissement sur l'avenir à court terme, le flou règne encore sur les ambitions du Gouvernement à long terme. M. Emmanuel Macron, dans son programme, envisageait un rapprochement des sociétés audiovisuelles publiques pour une plus grande efficacité et une meilleure adéquation entre le périmètre des chaînes et leur mission de service public. En outre, le rapport d'un groupe de travail sur l'avenir de France Télévisions, rédigé en 2015 par M. Marc Schwartz, semblait regretter que la France ait fait le choix de dissocier l'audiovisuel extérieur du reste de l'audiovisuel public. Toutefois, si des synergies et des coopérations sont indispensables, le regroupement d'entités existantes ne semble pas opportun. Les rédactions sont attachées à leur indépendance et la tentative de fusion au forceps entre France 24 et RFI reste encore très présente dans les mémoires. Quelle sera votre stratégie en la matière ?
TV5 Monde est une chaîne francophone qui diffuse ses programmes dans 200 pays et dans 255 millions de foyers. La chaîne a été fragilisée il y a deux ans par une cyberattaque qui a eu des répercussions financières importantes. Comment comptez-vous protéger nos médias contre ces attaques ?
M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits de la création et du cinéma. - Vous n'avez jamais été ministre de la culture, aussi je voudrais vous avertir : il arrive souvent qu'en fin d'année, lorsque vient le moment du budget, tous les membres de notre commission, quel que soit leur groupe politique, se retrouvent seuls, aux côtés de la ministre, pour défendre le budget du ministère dans l'hémicycle face aux arbitrages de Bercy...
Merci pour votre présentation, mais le vrai rendez-vous sera celui du budget. Nous jugerons sur pièces. Si vous le souhaitez, Mme la ministre, vous aurez notre soutien. Il faudra se battre pour faire en sorte que les crédits du ministère ne baissent pas. Le précédent Gouvernement avait mal commencé en les diminuant. Diminuer les crédits en 2018 serait un mauvais signe envoyé au monde culturel alors que les dotations aux collectivités territoriales ont chuté ainsi que les aides aux associations. La culture est un acteur économique essentiel, créateur d'emplois, gage de cohésion sociale. Nous sommes heureux de constater qu'une femme issue du monde de la culture soit nommée ministre.
Nous plaidons pour un rééquilibrage en faveur des arts visuels, parent pauvre de la culture, même si on note un début de prise de conscience. La majorité des artistes vit en dessous du seuil de pauvreté. Il y a donc un effort à faire y compris concernant leur protection sociale.
La France peut s'enorgueillir d'avoir su défendre son cinéma, à la différence de ses voisins. Le crédit d'impôt a joué un rôle crucial. Toutefois nous sommes inquiets...
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Pourriez-vous conclure afin que chacun puisse s'exprimer ?
M. David Assouline. - Le financement du cinéma repose sur deux piliers : le CNC et Canal Plus. Or on ne sait si cette chaîne entend poursuivre dans cette voie. Si ce pilier s'écroulait, c'est l'ensemble de l'édifice qui serait en péril. Enfin, comptez-vous généraliser la contribution à l'audiovisuel public ?
Mme Françoise Laborde. - Merci, madame la ministre, de cette présentation. Vos cinq axes sont très intéressants.
Lorsque vous avez évoqué l'éducation artistique et culturelle, je me suis permis un sourire, moi qui ai beaucoup défendu la refondation de l'école : quand la semaine scolaire revient à quatre jours, on ne peut pas tout y intégrer.
Le groupe d'études sur les arts de la scène, les arts de la rue et les festivals en régions, que je préside, a travaillé sur la fragilité de ces derniers. Le fonds d'urgence, qui doit exister jusqu'en 2018, est un outil indispensable. Quid de son avenir ? Que faire pour ceux qui n'y sont pas éligibles, notamment les festivals gratuits que sont les festivals de rue. Une part des budgets artistiques des festivals est, hélas, consacrée à la sécurité et cela ne devrait pas s'améliorer à court terme.
On attend beaucoup des budgets des collectivités territoriales. Comment les rassurer ? En outre, il n'est pas possible pour les organisateurs de festivals de réfléchir annuellement. Il leur faudrait plutôt une visibilité des subventions sur trois ans.
Enfin, j'appelle votre attention sur les bénévoles ; ils sont importants dans le sport mais aussi dans la culture.
Mme Corinne Bouchoux. - Madame la ministre : bonne chance ! Une question en onze mots : comment permettre aux photographes de vivre pleinement de leur activité artistique ?
M. Pierre Laurent. - On ne peut que partager beaucoup des intentions que vous affichez, en adéquation forte avec celles du groupe CRC. Vous le savez, vous qui avez travaillé avec les élus communistes d'Arles, d'où vous venez. Comment être à la hauteur de ces ambitions, compte tenu de ce qui se dessine pour le budget de la culture mais aussi des collectivités territoriales, et de l'école ? Comment mettre en oeuvre le lien entre l'école et la culture, sur lequel vous insistez ?
Ce serait une erreur d'accepter d'emblée cette équation budgétaire. Certains de vos prédécesseurs ont déclaré que la culture devait prendre sa part des efforts et des sacrifices, avant d'être contraints de corriger rapidement les erreurs conséquentes.
L'éducation artistique et culturelle constitue l'une de vos priorités. Les rythmes scolaires ont été évoqués. Quelque 37 % des communes vont revenir à la semaine de quatre jours : cela compliquera l'organisation. Bien d'autres problèmes sont posés, tels que celui de la formation des intervenants et des enseignants, encore dégradée.
Comment résoudre l'impossible équation ? L'intervention massive de grands acteurs privés est-elle envisagée ? Elle poserait un problème de diversité culturelle, étant donné les logiques de concentration.
Le conflit qui perdure chez Canal+ dépasse cette entreprise en touchant au respect des droits d'auteur. Envisagez-vous de taper du poing sur la table ? Il s'agit de respecter la législation nationale et des accords paritaires.
Vous avez évoqué le respect de l'indépendance et du pluralisme des médias, auquel je suis extrêmement sensible. Le groupe CRC avait envisagé de mener un travail sur les problèmes de la concentration. La plupart des outils d'appréciation de l'état réel de la concentration et les moyens de faire respecter l'indépendance et le pluralisme, élaborés à la Libération, sont largement dépassés. Nous ne disposons pas de quoi affronter aujourd'hui ces sujets.
M. Philippe Bonnecarrère. - Merci, madame la ministre, de votre présentation, de l'ambition de votre projet, mais aussi de votre disponibilité intellectuelle et de votre curiosité d'esprit. Vous souhaitez donner un peu de vous-même à ce ministère et ne pas en rester à une gestion technique.
Vous avez fait référence à l'importance de l'évaluation. En matière culturelle, qu'est-ce ?
Vous avez dit que la pérennité était importante pour vous. Je suis réservé quant à l'idée que l'on puisse tout pérenniser, à la fois pour des raisons financières évidentes mais aussi parce que si l'on veut établir des priorités, il faut bien réduire l'action B pour renforcer l'action A. Cela ne peut se faire que par une co-construction entre les collectivités territoriales et l'État. Dans la période récente, cet exercice s'est traduit par un statu quo, la caricature étant les conventions par lequel collectivités territoriales et État s'engagent mutuellement à ne pas réduire les subventions. Cela ne peut pas constituer une politique culturelle.
J'en viens à la crise de la presse. L'Agence française de presse (AFP) rencontre de solides problèmes de gestion. J'ai été sérieusement agacé, pour ne pas dire plus, de lire qu'elle avait besoin de 60 millions d'euros. Notre pays a pris des engagements européens qui empêchent ce type de versement d'argent public. La direction de l'AFP sait parfaitement qu'elle doit améliorer sa gestion pour résoudre ses problèmes d'investissement. J'ai trouvé cet appel à financement très inconvenant.
Mme Sylvie Robert. - Je suis revenue hier du festival d'Avignon. Nombre de professionnels étaient en émoi après des déclarations selon lesquelles le rapport Bonnell préconiserait une taxation de la billetterie du théâtre public au bénéfice du théâtre privé. Il est important que vous apaisiez les craintes.
Ces dernières années, des pactes culturels ont été conclus entre l'Etat et les collectivités territoriales. Souhaitez-vous continuer sur le même modèle ?
Le Président de la République a proposé la création d'un pass culture sur le modèle italien, financé intégralement par de l'argent public. Pour l'avoir essayé, je suis dubitative quant à son efficacité chez les jeunes. Serait-ce financé par de l'argent public et les GAFA (Google Amazone Facebook Apple) ?
Quelles sont vos grandes orientations pour le budget 2018 ?
Mme Marie-France de Rose. - J'ai passé vingt ans dans l'édition et je profite de cette occasion pour vous dire, madame la ministre, l'admiration que vous suscitez dans ce milieu.
Beaucoup de villes possèdent à la fois des musées et des écoles. Or les enfants ne vont pas dans ces musées. Ce serait une bonne idée que vous donniez une impulsion.
Les horaires des musées français sont très réduits par rapport à de nombreux pays étrangers : il serait judicieux de les étendre au soir, voire à la nuit.
Mme Marie-Pierre Monier. - Quand les décrets de la loi LCAP contre la circulation illicite des biens culturels, d'une part, et la délivrance de la carte professionnelle des guides-conférenciers, d'autre part, seront-ils publiés ?
Depuis 2016, les crédits destinés à financer les dépenses du service public de l'archéologie préventive, que la redevance d'archéologie préventive (RAP) finançait jusque-là, sont inscrits directement au budget général de l'État Il est indispensable de maintenir cette budgétisation de la RAP, qui permet une réelle sécurisation du financement de l'archéologie préventive et une stabilité des ressources de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Quel sera son niveau de recettes ? Ses moyens seront-ils maintenus ?
M. Claude Kern. - Je déplore une distorsion de traitement entre les chaînes de télévision. Le taux de TVA est de 2,1 % pour France Télévisions, contre 10 % pour les chaînes de télévision locales. Celles-ci demandent un alignement sur France Télévisions. Quelle est votre position à ce sujet ?
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel vient d'autoriser TF1 à insérer une coupure publicitaire dans son journal télévisé. Qu'en pensez-vous ?
Mme Françoise Cartron. - Madame la ministre, vous avez sans doute pris connaissance de l'excellent rapport de Sandrine Doucet sur les priorités et les difficultés du développement du parcours artistique et culturel des enfants.
Il faut s'ouvrir. Les activités artistiques ne peuvent pas être organisées uniquement dans le monde de l'école. Il a beaucoup été fait appel aux artistes locaux pour animer les ateliers périscolaires. Qu'en sera-t-il avec le retour à la semaine de quatre jours ?
À propos de la diffusion les oeuvres, je vous informe qu'une mallette pédagogique a été créée avec la Réunion des musées nationaux. La mallette consacrée au portrait a fait revivre les oeuvres du petit musée presque poussiéreux de Libourne, en Gironde. Nous avons d'autres projets. Comment les accompagner financièrement ?
M. François Commeinhes. - Allez-vous clarifier le statut des bénévoles de la culture, comme cela a été fait dans le domaine sportif ? Les festivals sont confrontés à des difficultés budgétaires. Envisagez-vous de faciliter le financement des opérations culturelles et de l'art grâce à des propositions innovantes ? J'ai déposé l'an dernier une proposition de loi pour encourager l'activité culturelle et artistique et renforcer l'attractivité du marché de l'art.
Mme Dominique Gillot. - Je m'associe aux regrets exprimés sur l'abandon de la semaine de quatre jours et demi, au sein de laquelle les enfants de toutes catégories sociales pouvaient bénéficier des apprentissages et être sensibilisés à l'art, la culture et le sport.
Il ne faut pas oublier, dans l'éducation artistique et culturelle, la sensibilisation à la culture scientifique, technique et industrielle. Le ministère de la culture participe au Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle, que j'ai l'honneur de préciser. Comment y sensibiliser les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ?
La loi LCAP a préservé les spécificités de l'enseignement supérieur de la création artistique et culturelle en harmonisant la procédure d'accréditation des diplômes et en prévoyant la création d'un Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels (CNESERAC). Il faudra veiller à ce que la création de cette nouvelle instance ne vienne pas ralentir les efforts pour intégrer les établissements de l'enseignement supérieur culture dans le système français et européen de l'enseignement supérieur et de la recherche.
En matière de diversité culturelle, il ne s'agit pas seulement de la représentation des personnes handicapées dans la culture et les médias, mais aussi de leur place, à tous les niveaux.
La souveraineté scientifique de la France passe aussi par une exception au droit d'auteur. La fouille massive de textes est un sujet.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je rappelle les travaux de Nicole Duranton et Brigitte Gonthier-Maurin sur la culture et le handicap.
Mme Maryvonne Blondin. - Madame la ministre, vous avez évoqué vos rendez-vous dans les régions et votre volonté de travailler avec les collectivités territoriales. Pouvez-vous faire le point sur la mise en place des conférences territoriales de l'action publique (CTAP) et sur les travaux du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC) ?
Dans vos visites, vous constaterez la richesse de nos pratiques amateurs.
Notre commission est très attachée à la défense des intermittents du spectacle. Nous craignons que les ordonnances relatives au dialogue social portent atteinte à l'équilibre que nous avons trouvé.
Les festivals rencontrent des difficultés. La sûreté dépend du ministère de l'intérieur. On déplore la trop grande disparité des mesures imposées par les préfectures, malgré l'édition d'un guide pratique par le préfet Weigel. Les conséquences financières sont importantes.
Mme Françoise Nyssen. - Merci à tous. Toutes vos questions constituent des éléments de réflexion nécessaires. Je suis ministre de la culture depuis seulement deux mois et ne suis pas issue d'une longue carrière dans cette branche, mais plutôt du terrain.
Le budget est un sujet très important. Je ne rappellerai pas la légende du colibri. Pour 2017, je fais ma part de l'effort. Il s'agit surtout de décalages d'engagements qui ne toucheront en rien la création ou l'accompagnement des artistes.
Pour 2018, je mettrai la création, le soutien aux artistes, le patrimoine et l'éducation artistique et culturelle au coeur de ma politique. Ce sera ma boussole budgétaire. Les arbitrages seront connus d'ici la rentrée.
La culture et l'éducation figurent au coeur des priorités du quinquennat. Le Président de la République et le Premier ministre le réaffirment tous les jours. J'ai bon espoir de maintenir, voire d'amplifier le budget de la culture. J'ai fourni au ministre de l'action et des comptes publics le discours de 1848 de Victor Hugo.
Je ne répéterai pas qu'impossible n'est pas français. Dans une vie antérieure, j'ai travaillé sur l'idée du possible. L'école que nous avons créée s'appelle l'école du domaine du possible. Rappelez-vous le film Demain : si l'on regarde ce qui est possible, on avance.
Le possible, c'est avec les collectivités territoriales. Il est urgent que je prenne la mesure de ce qui peut être fait, évidemment par la contractualisation. J'ai bien entendu votre demande d'un allongement des délais. La visibilité sur une année crée trop d'angoisse.
J'ai réuni de façon non officielle le CCTDC la semaine dernière. Nous avons évoqué la mise en place des commissions culture des CTAP. Je vais essayer de casser les silos et de m'appuyer sur ceux qui ont une connaissance des actions locales, notamment les DRAC.
Vous m'avez interrogée sur l'audiovisuel, en particulier Canal+. Je me suis exprimée autoritairement pour dire que les auteurs ne peuvent pas servir de variable d'ajustement. Cette situation n'est pas acceptable.
Le droit d'auteur et le partage de la valeur sont traités à l'échelon européen. Il faut absolument les défendre. Nous sommes le pays de Beaumarchais et du droit d'auteur, ne l'oublions pas. C'est un élément de soft power, dont nous sommes le leader mondial. Nous devons porter ce message dans un souci d'équilibre. La question de la contribution des GAFA ou des GAFAN, si j'y ajoute Netflix, est importante. Il faudra aussi retravailler la chronologie des médias, qui est compliquée et peut même favoriser une forme de piratage.
J'ai rencontré l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel public, auquel nous sommes très attachés. Vous évoquez des pistes de réflexion qu'il faudra aborder pour financer au mieux ce modèle dont nous pouvons être fiers. Je vous signale à cet égard que France 24 lance sa diffusion en Espagne et en Amérique Latine. Cette chaîne défend le modèle français et favorise la langue française, qui doit aussi être soutenue par un travail sur les traductions.
Des inquiétudes se sont manifestées au Festival d'Avignon. Il est évident qu'elles ne peuvent être levées que par la poursuite d'un dialogue nourri et apaisé. Je rassemblerai les différents intervenants à la faveur des 70 ans des centres dramatiques nationaux.
Un artiste est une source de richesse inattendue. Il peut enrichir notre réflexion, dire notre société. Il n'y a peut-être pas assez d'artistes. J'en viens à l'éducation, puisqu'ils fournissent un énorme travail d'éducation artistique et culturel.
Je ne connais pas encore le rapport Doucet. Mais je le trouverai. Il alimentera notre réflexion. Nous n'allons pas réinventer l'eau chaude mais nous appuyer sur l'existant.
Je reviens un instant sur la question du budget : à plusieurs reprises, le Président de la République a dit qu'il valait parfois mieux investir pour trouver ensuite les bonnes économies. Il faut travailler sur l'impact et la signification et non de manière comptable, en recensant le nombre de spectateurs, par exemple.
Enfin, l'éducation artistique et culturelle doit tenir une place centrale. Sur toutes ces questions, le Gouvernement se veut transparent et cohérent. L'autorisation du retour à la semaine de quatre jours pour les communes est désormais officielle et concernera près d'un tiers des écoles.
Les actions d'éducation artistique et culturelle pourront toujours être menées sur le temps périscolaire, y compris avec la semaine de quatre jours. Mais elles ne sont pas un supplément d'âme ; elles sont constitutives de l'éducation et doivent l'irriguer en permanence, grâce à l'intervention de tous les acteurs culturels sur le terrain, les relations avec les médiathèques, les bibliothèques, le cinéma ou les musées. Les grands établissements nationaux ont développé une politique numérique extrêmement intéressante, des mallettes ont été diffusées. Les CMA que j'ai rencontrées à Avignon sont également intervenues. Nous devons inventer.
Lorsque nous avons proposé « la rentrée en musique », nous ne voulions pas imposer un modèle unique pour tous. L'important est de développer la fraternité, qui sera source d'égalité et de liberté. L'éducation artistique et culturelle est indispensable pour que nos enfants aient l'envie d'être des citoyens responsables, libres et désireux d'agir. Je vais m'y atteler avec Jean-Michel Blanquer, qui partage cette envie. Il faut aussi que les institutions suivent le mouvement. C'est à cette fin que nous avons réuni l'ensemble des DRAC et des recteurs. M. Blanquer a parlé des silos et des blocages et ? lors de chacune de nos réunions de travail, nous enfonçons le clou.
En conclusion, nous avons une volonté forte d'aller de l'avant. Mon enthousiasme est intact en la matière. J'ai essayé d'effectuer un survol de tous les sujets abordés, mais nous répondrons surtout par écrit à vos questions pour n'en oublier aucune. Il y aurait tant à dire sur le cinéma, les intermittents, dont le maintien du modèle représente l'un des engagements forts du Gouvernement. L'enseignement supérieur doit faire l'objet d'une réflexion avec Mme Vidal. Chaque ministre doit éviter de rester dans son coin, car ce gouvernement n'est pas celui des prérogatives. Il doit favoriser les transversalités et la transparence - c'est parfois un peu difficile. Nous sommes tous mobilisés pour que nos concitoyens, partout sur le territoire, aient envie d'avancer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'apprécie la façon dont vous avez travaillé sur ces sujets. Vos réflexions nourriront nos futurs travaux.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Merci de vous être prêtée à l'exercice des questions-réponses. Vos compléments d'informations seront les bienvenus.
La réunion est close à 18 heures.