- Mardi 14 février 2017
- Mercredi 15 février 2017
- Mission d'information relative à la Polynésie française
- Proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale (nouvelle lecture) - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi visant à assurer la sincérité et la fiabilité des comptes des collectivités territoriales - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi permettant un exercice territorialisé de compétences au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de cinquante communes au moins - Examen du rapport et du texte de la commission
- Questions diverses
- Création d'un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d'identité (fichier TES) - Audition de M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur
- Jeudi 16 février 2017
Mardi 14 février 2017
- Présidence de M. Philippe Bas, président -La réunion est ouverte à 17 h 50.
Projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique - Examen des amendements au texte de la commission mixte paritaire
La commission procède à l'examen des amendements sur le texte n° 372 rectifié (2016-2017) de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - L'amendement n° 1, le seul déposé, concerne l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. L'article 34 nonies du projet de loi, portant sur les conditions de cette indemnisation, est issu d'un amendement du Gouvernement adopté en séance au Sénat. La rédaction de cet article a ensuite été modifiée par la commission mixte paritaire.
Un amendement identique à l'amendement n° 1 a été adopté par l'Assemblée nationale, saisie en premier des conclusions de la commission mixte paritaire. Le Gouvernement souhaite compléter le dispositif proposé par la création d'une commission composée pour moitié de parlementaires et pour moitié de personnalités qualifiées, qui proposerait, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures destinées à réserver l'indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires. La commission formulerait des recommandations à l'attention du Gouvernement à cet effet.
Je propose à la commission de donner un avis favorable à cet amendement.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1.
La réunion est close à 17 h 55.
Mercredi 15 février 2017
- Présidence de M. Philippe Bas, président -La réunion est ouverte à 9 heures.
Mission d'information relative à la Polynésie française
M. Philippe Bas, président. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir M. Marcel Tuihani, président de l'Assemblée de la Polynésie française.
Dans le cadre de la convention de partenariat conclue le 20 janvier 2016, le Sénat et l'Assemblée de la Polynésie française sont convenus d'un partage d'expertise afin de soutenir l'assemblée polynésienne dans l'exercice de ses missions, notamment dans l'élaboration des lois du pays.
Deux élues de l'assemblée polynésienne, Mmes Vaiata Perry-Friedman et Chantal Flores-Tahiata, ont ainsi assisté, le 2 février 2016, à une réunion de notre commission.
Aujourd'hui, le président Tuihani est venu étudier le fonctionnement des commissions permanentes et les outils mis en place par le Sénat en matière d'évaluation des politiques publiques. Il est accompagné de Mmes Jeanne Santini, secrétaire générale de l'Assemblée de la Polynésie française, et Béatrice Ly Sao, chef du service des commissions de l'assemblée.
Par ailleurs, avec l'accord du Bureau du Sénat, une délégation de notre commission composée de Catherine Troendlé, Mathieu Darnaud et Philippe Kaltenbach se rendra en Polynésie française du 26 février au 8 mars pour une mission d'information - notre collègue Lana Tetuanui n'y est pas pour rien !
Proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale (nouvelle lecture) - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine le rapport de M. François-Noël Buffet et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 405 (2016-2017), adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant réforme de la prescription en matière pénale.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Réunie avant-hier, la commission mixte paritaire n'est pas parvenue à un accord, le Sénat et l'Assemblée nationale n'ayant pu s'entendre sur le délai de prescription des abus de la liberté d'expression commis sur Internet. Les députés ont rétabli, en nouvelle lecture, le délai actuel de trois mois. Je vous propose de maintenir la position de notre commission et du Sénat tout entier en réintroduisant à l'article 3 le délai d'un an que nous avions privilégié. Ensuite, l'Assemblée nationale fera son oeuvre... J'ai également déposé trois amendements de coordination relatifs à l'application outre-mer de la proposition de loi.
M. André Reichardt. - Très bien !
EXAMEN DES ARTICLES
Article 3
L'amendement COM-1 est adopté.
Article 5
Les amendements de coordination COM-2, COM-3 et COM-4 sont adoptés.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes - Examen du rapport et du texte de la commission
Puis, la commission examine le rapport de M. Mathieu Darnaud et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 291 (2016-2017), présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues, pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Cette proposition de loi vise à maintenir les compétences « eau » et « assainissement » parmi les compétences optionnelles des communautés de communes.
Dans le cadre de notre mission de suivi et de contrôle des dernières lois de réforme territoriale, René Vandierendonck, Pierre-Yves Collombat, Michel Mercier et moi-même avons constaté que le double transfert des compétences « eau » et « assainissement », prévu par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, soulève des questions, en particulier pour les communautés de communes.
D'abord, se pose un problème de délai : nous avons observé que certains élus, notamment en milieu rural, souhaitent qu'on leur laisse du temps.
Ensuite, pour les communes, notamment les plus petites, qui les exercent en gestion directe, la compétence « eau » et, dans une moindre mesure, la compétence « assainissement » présentent souvent l'avantage d'être financièrement excédentaires. Sans compter que cette gestion en régie de l'eau entraîne un coût relativement faible pour l'usager comme pour la collectivité.
Enfin, la question se pose de la dissolution des syndicats qui gèrent ces services publics. La plupart des commissions départementales de coopération intercommunale ont décidé de ne pas la trancher. Parce que les syndicats fonctionnent bien, une demande relativement forte s'exprime pour qu'ils puissent continuer d'exister. Une dérogation est bien prévue pour les syndicats recouvrant le territoire d'au moins trois communautés de communes, mais il ressort des échanges menés dans le cadre de notre mission et des informations qui nous ont été communiquées que, dans de nombreux autres cas, la gestion est simplifiée du fait qu'elle échappe à la logique des périmètres intercommunaux. En effet, pour le bon exercice des compétences « eau » et « assainissement », d'autres logiques doivent être prises en compte.
Telles sont les raisons pour lesquelles les auteurs de la proposition de loi veulent assouplir le régime issu de la loi NOTRe.
M. Jean-Pierre Sueur. - Le groupe socialiste et républicain a beaucoup réfléchi à cette proposition de loi, qui revient sur un aspect de la loi NOTRe auquel certains d'entre nous tiennent particulièrement - René Vandierendonck ne me contredira pas.
Monsieur le rapporteur, nos contacts avec les communes et les communautés de communes nous ont conduits à une analyse assez similaire à la vôtre.
Compte tenu de la diversité des régimes de gestion de ces compétences au sein de communautés qui comptent maintenant parfois trente, voire quarante communes, il paraît difficile de réaliser une unification dans le délai prévu par la loi NOTRe - un délai, je vous le rappelle, que le Sénat a réussi à faire prévaloir en commission mixte paritaire.
C'est le pragmatisme qui doit nous guider, car la situation présente suscite des inquiétudes : crainte que l'unification se fasse à marche forcée, que telle ou telle entreprise qui dispose de moyens importants exerce une forme d'emprise sur l'ensemble du dispositif, au détriment des élus et de leur capacité d'expertise propre.
Aussi la souplesse ici proposée a-t-elle paru bienvenue à la majorité des membres de notre groupe, étant entendu que l'unification restera non seulement possible, mais souhaitable dans l'intérêt des citoyens consommateurs, notamment pour permettre l'unité des prix.
M. Pierre-Yves Collombat. - Pour m'être élevé, lors de l'examen de la loi NOTRe, contre la disposition sur laquelle on nous propose aujourd'hui de revenir, je ne puis que soutenir la proposition de loi.
Au demeurant, le problème n'est pas compliqué : il suffit de laisser faire les gens ! Voilà un moment que, quasiment partout, ils ont réglé la question de l'eau, avec des solutions différentes selon les situations.
Pourquoi donc une gestion unifiée de l'eau serait-elle souhaitable ? Elle l'est parfois, et la loi la permet. Mais parfois elle ne l'est pas, et il faut laisser faire les élus. Trêve d'ingérences inutiles !
Je regrette seulement que nous soyons obligés, une fois de plus, de refaire ou de défaire ce que nous avons fait... Dans ces cas-là, bien entendu, on obtient un système encore plus compliqué que celui qu'on prétendait simplifier !
M. Simon Sutour. - Si le Sénat, éclairé par ses deux corapporteurs, a bien travaillé sur la loi NOTRe, le résultat final n'a pas été parfait.
Cette proposition de loi est une nouvelle rustine que nous allons appliquer à cette loi, après la proposition de loi permettant aux départements de continuer à participer à la défense des forêts contre l'incendie et celle sur les transports scolaires.
Les élus sont très sensibles au problème ici soulevé. L'Association des maires de mon département a pris position à l'unanimité. Les élus expriment des craintes, d'autant qu'on entend parfois des arguments quelque peu désobligeants : ils défendraient les syndicats pour conserver leurs présidences...
Je pense, comme Pierre-Yves Collombat, que certaines choses marchent très bien, et que le mieux est souvent l'ennemi du bien. Si certains veulent faire évoluer leur organisation pour tenir compte des circonstances locales, ils doivent en être libres ; mais on ne doit pas imposer de changement quand un système fonctionne bien.
Je souhaite que la proposition de loi soit adoptée, si possible à l'unanimité, et je suis très satisfait de la position adoptée par mon groupe.
M. Alain Marc. - Cette proposition de loi est pragmatique et intelligente. Du reste, je ne suis pas sûr que les présidents de communauté de communes aient très envie de prendre en charge ces compétences, alors que, dans les semaines et les mois à venir, les communautés de communes auront déjà un travail considérable à accomplir pour définir l'intérêt communautaire. Dans celle que je préside, nous avons décidé de repousser le transfert jusqu'à l'extrême limite, en espérant la proposition de loi que voici.
Par ailleurs, stabiliser dans le temps ces institutions et les compétences qu'elles exercent est important pour encourager les investissements, ce que souhaitent les élus et les entreprises.
M. François Grosdidier. - Je soutiens sans réserve cette proposition de loi, dont l'adoption permettra une application moins mécanique de la loi NOTRe, qui, avec la définition de nouvelles compétences obligatoires et plus encore les propositions concernant l'élection des conseillers communautaires, a failli nous faire basculer dans l'institution d'intercommunalités devenues des collectivités territoriales à part entière, ce qui aurait vidé les communes de leur substance.
Les intercommunalités, de services ou de projets, doivent rester des émanations des communes permettant à celles-ci de faire ce qu'elles ne peuvent pas faire seules, mais avec le maximum de souplesse et de pragmatisme, car les situations locales peuvent être très différentes. Au sein même des intercommunalités, les communes n'ont pas forcément tout à fait les mêmes attentes ou les mêmes besoins.
M. René Vandierendonck. - Je m'abstiendrai sur cette proposition de loi et je ne prendrai pas la parole en séance publique ; ainsi, je n'empêcherai pas de constater le consensus sur le message de souplesse envoyé aux communes...
Je rappelle toutefois que c'est par une rédaction de compromis proposée par le rapporteur du Sénat, Jean-Jacques Hyest, et le rapporteur de l'Assemblée nationale, qu'avait été arrêté en commission mixte paritaire un dispositif en deux temps : la compétence « eau » devient optionnelle en 2018, puis obligatoire en 2020 seulement. Or il me semble que, quelle que soit l'importance du travail que nous avons accompli dans le cadre de la mission de suivi et de contrôle des dernières lois de réforme territoriale, nous ne disposons pas aujourd'hui des éléments d'analyse qui nous autoriseraient à affirmer péremptoirement que le processus va capoter.
Pour en avoir le coeur net, j'ai demandé des précisions à l'Assemblée des communautés de France, qui m'a indiqué que 225 communautés de communes avaient déjà accompli tout le cheminement de la prise de compétence. Compte tenu du calendrier prévu, ce n'est pas rien !
Par ailleurs, des questions soulevées sur le terrain ne sont pas abordées par la proposition de loi. Ainsi, le Conseil d'État vient de juger, péremptoirement, que la compétence « assainissement » inclut nécessairement la gestion des eaux pluviales. Si l'on recherche la souplesse, il serait utile de se pencher aussi sur ce problème-là...
Pour le reste, j'aurais préféré que la Cour des comptes nous communique des informations chiffrées, sur le fondement desquelles les parlementaires auraient pu prendre une décision en fin d'année. Mais vous avez senti à quel point j'étais isolé par mon groupe...
Qu'il faille envoyer un message de souplesse, je le comprends. Envoyons donc ce message, sans toutefois insulter l'avenir.
M. François Bonhomme. - Quiconque préside une intercommunalité ou y siège mesure les difficultés liées à la mise en oeuvre de la loi NOTRe, en particulier depuis le 1er janvier dernier. Cette machine est d'une grande complexité, et nous devons régulièrement interroger nos services pour qu'ils l'interprètent. C'est aussi une machine à démotiver les élus, compte tenu des chamboulements et difficultés suscités.
Dans ces conditions, je ne puis que me féliciter de cette proposition de loi : il s'agit peut-être d'une rustine, mais d'une rustine nécessaire et salutaire, à l'instar de la proposition de loi sur les transports scolaires, adoptée à l'unanimité malgré l'hostilité du Gouvernement.
Les difficultés sont particulièrement grandes en matière d'eau et d'assainissement, compte tenu de ce qu'est la carte des syndicats dans ce domaine. Passer cette dentelle au laminoir dans l'idée de tout uniformiser serait une grave erreur, de surcroît parfaitement contraire à l'esprit des libertés locales.
M. François Pillet. - Cette proposition de loi guidée par le pragmatisme est tout à fait opportune, d'autant qu'il ne s'agit nullement de bouleverser ce qui a été fait précédemment.
Comme la commission des lois est aussi un lieu de liberté pour l'échange des idées, je me permets d'attirer votre attention sur un autre débat, que nous n'abordons pas très souvent : l'unification du prix de l'eau. Pour ma part, je suis très choqué de constater que, lorsqu'on a la chance d'habiter un territoire où l'eau est à trente mètres de profondeur et entièrement pure, on la paie jusqu'à vingt fois moins cher que dans des territoires moins gâtés. Il conviendrait de réfléchir à une obligation d'harmonisation solidaire du prix de l'eau.
Je trouve qu'il y a là un débat important, surtout s'agissant de l'eau, un symbole fort de vie. Pour moi, s'il ne devait rester qu'un seul service public, ce serait celui de l'eau !
Mme Cécile Cukierman. - La Poste, ce n'est pas inutile non plus !
M. Philippe Bas, président. - Je suis très attentif à cette question, mon cher collègue, et je suis content que vous l'ayez soulevée.
M. Alain Vasselle. - Il est des principes fondamentaux auxquels nous ne devrions jamais déroger. Parmi eux figure la liberté des communes de transférer ou non l'une de leurs compétences à l'intercommunalité. La présente proposition de loi procède de cet esprit.
L'obligation de transférer les compétences « eau » et « assainissement » est tout à fait contraire à l'esprit des lois de décentralisation, que nous avions toujours veillé à maintenir. Laissons les communes s'entendre pour faire ensemble ce qu'elles ne sont pas en mesure de faire séparément !
Pour ce qui est du prix de l'eau, il appartient aux maires eux-mêmes de prendre conscience du problème soulevé par François Pillet et de décider ensemble de la meilleure solution.
Il ne faudrait pas que, au fil du temps, on retire toutes leurs compétences aux communes, au détriment de la proximité et, parfois, de la pertinence. Revenons aux fondamentaux et laissons le volontariat s'exprimer dans nos communes : les élus municipaux sont assez pragmatiques et intelligents pour savoir ce qu'il y a de mieux à faire au bénéfice de nos concitoyens !
M. Philippe Bas, président. - Merci d'avoir rappelé ce principe, que nous n'aurions jamais dû perdre de vue.
Mme Jacqueline Gourault. - Nous voterons naturellement cette proposition de loi, qui correspond à une liberté d'organisation territoriale, même si un certain nombre de communes déjà engagées dans la réflexion iront peut-être vers le transfert. Du reste, si le transfert ne sera pas obligatoire, il restera bien entendu possible ; il est bon de le dire aussi de cette façon, car la liberté sera autant de transférer que de ne pas transférer.
Par ailleurs, l'une de mes collègues m'a prévenue qu'elle déposerait un amendement de séance sur la question des eaux pluviales.
Je rappelle enfin que la compétence « eau » déborde souvent les limites intercommunales : il existe des syndicats fonctionnant selon le principe de la représentation-substitution, et, d'une manière générale, tout cela s'organise assez bien.
M. Christian Favier. - Ayant défendu la liberté laissée aux communes de transférer ou non certaines de leurs compétences, nous sommes évidemment favorables à une proposition de loi qui rend le dispositif plus souple.
Reste que ce n'est pas sans une pointe d'amusement que nous considérons la multiplication actuelle d'initiatives visant à revenir sur la loi NOTRe... Je n'ai pas besoin de vous rappeler quelle fut notre position sur cette loi ! Il est un peu surprenant que l'on découvre seulement maintenant les difficultés qu'entraîne l'application de mesures de nature plutôt centralisatrice et autoritaire, à rebours du principe de libre administration des collectivités territoriales.
M. Didier Marie. - Dans la mesure où la loi NOTRe refond l'ensemble de notre organisation territoriale, il n'est pas étonnant qu'il faille opérer ici ou là certains ajustements. Toujours est-il qu'il ne faut pas, selon l'expression populaire, jeter le bébé avec l'eau du bain : la loi NOTRe demeure une avancée importante pour nos territoires !
Si je souscris à la volonté de pragmatisme et au souci de respecter la libre administration de nos collectivités, je pense que la mise en oeuvre d'une nouvelle carte des intercommunalités et l'exercice par celles-ci de nouvelles compétences nécessitent d'envisager la question de la gestion de l'eau à l'échelle communautaire. De plus, comme René Vandierendonck l'a rappelé, la loi NOTRe laisse du temps aux intercommunalités pour se saisir de ces nouvelles compétences.
Il est certain que la situation est délicate : il existe de très nombreux syndicats, dont certains dépassent les limites intercommunales. En même temps, on constate qu'un certain nombre de petits syndicats sont totalement dépendants des compagnies qui gèrent l'eau sur leur territoire, du fait d'un niveau d'ingénierie insuffisant. C'est pourquoi je suis très sensible à la nécessité, soulignée par M. Pillet, de fournir à nos concitoyens une eau de qualité à un prix uniformisé à l'échelle d'un territoire. On ne peut pas admettre que des usagers consommant la même eau la paient à des prix très différents !
L'eau doit être un service universel. Or l'unification du prix passera nécessairement, à un moment ou à un autre, par le regroupement des syndicats à l'échelle pertinente : celle des nouvelles intercommunalités.
M. Michel Mercier. - Mme Gourault ayant annoncé que nous voterions la proposition de loi, nous nous exécuterons du mieux possible...
Introduire de la souplesse est plutôt un bien, mais il faut mesurer que cette proposition de loi entraînera aussi une certaine complexité. En effet, un syndicat peut recouvrir plusieurs intercommunalités qui pourront prendre des options différentes, ou même des communautés d'agglomération et des communautés de communes, qui ne sont pas tout à fait soumises aux mêmes règles...
Ne nous inquiétons toutefois pas trop : sur le terrain, les accommodements nécessaires seront trouvés, et l'eau continuera de couler !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Les différents orateurs ayant convergé pour dresser un constat favorable à la proposition de loi, je me bornerai à présenter deux observations.
D'abord, les périmètres des syndicats des eaux n'épousent pas toujours ceux des intercommunalités, et il est même parfois difficile d'imaginer qu'un syndicat puisse comprendre plusieurs intercommunalités dans leur globalité. Rendre optionnelles les compétences « eau » et « assainissement » permettra à chacun de choisir. J'ai toutefois la faiblesse de penser, monsieur Vandierendonck, que ceux qui devaient transférer ces compétences l'ont presque tous déjà fait, de façon très naturelle. Alors que les syndicats fonctionnent bien, on comprendrait difficilement qu'il faille les abandonner, surtout au profit d'un système qui, selon ce que nous avons observé, serait parfois plus coûteux. Je ne parle même pas des petites communes qui ont une gestion directe, et pour lesquelles un transfert à la communauté de communes ferait exploser le prix de l'eau.
Ensuite, l'eau représente pour certains territoires, dont le mien, un enjeu de développement territorial. C'est ainsi qu'un grand syndicat recouvre toutes les intercommunalités du sud de l'Ardèche. Or, de leur propre aveu, les présidents d'intercommunalité ne sauraient pas faire, en l'état actuel des découpages, ce que fait le syndicat des eaux de la Basse-Ardèche. Cette dimension doit absolument être prise en compte : l'eau n'est pas seulement un service, mais aussi un atout essentiel pour le développement de certains territoires, où la gestion par un syndicat peut être la solution la plus pertinente et la moins coûteuse.
EXAMEN DES ARTICLES
Articles additionnels après l'article unique
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Mme Joissains a déposé deux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article unique de la proposition de loi.
L'amendement COM-1 prévoit la faculté, dans certaines conditions, de maintenir l'eau et l'assainissement parmi les compétences des communes de la métropole d'Aix-Marseille-Provence. Vous comprendrez sans mal que j'y sois défavorable.
Quant à l'amendement COM-2, il me paraît irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution, puisqu'il se rapporte à l'exercice de la compétence voirie dans la métropole d'Aix-Marseille-Provence.
M. Philippe Bas, président. - Sans doute pouvons-nous rassurer Mme Joissains, en lui indiquant que cette proposition de loi n'a pas d'incidence automatique sur l'exercice de la compétence « eau » au sein de la métropole d'Aix-Marseille-Provence.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
L'amendement COM-2 est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution (article 48, alinéa 3, du Règlement du Sénat).
M. Jean Louis Masson. - Je suis un peu surpris par cette proposition de loi, vu que le Sénat a voté massivement la loi NOTRe - nous n'avons été que quarante-neuf à voter contre. Or voilà que, soudain, en fin de mandature, à un moment où l'initiative n'a aucune chance d'aboutir, on nous propose de revenir sur ce qui a été voté. Je ne puis m'empêcher d'y voir un calcul électoraliste...
M. Philippe Bas, président. - Une préoccupation que vous ne partagez nullement...
M. Jean-Pierre Sueur. - J'ai entendu beaucoup de choses sur la loi NOTRe. Ce n'est pourtant pas la première fois que l'on retouche une loi.
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce n'est pas non plus la dernière !
M. Jean-Pierre Sueur. - Mon cher collègue, le fait est très fréquent depuis que le Parlement existe.
M. Pierre-Yves Collombat. - À ce rythme-là, cela devient redoutable !
M. Jean-Pierre Sueur. - La loi NOTRe, votée par la majorité du Sénat et celle de l'Assemblée nationale, est à mes yeux une grande loi de la République, parce que la création de fortes communautés de communes permettra à nos territoires ruraux et à nos petites et moyennes communes de s'organiser, à l'heure des métropoles, pour relever les défis de l'économie, de l'aménagement et de l'environnement. Cette réforme importante produit déjà des fruits, malgré les difficultés de mise en oeuvre, et continuera d'en produire à long terme. Monsieur Masson, ce n'est pas parce qu'on ajuste une loi que tout y est à jeter !
M. Jean Louis Masson. - Je pense, moi, que tout est à jeter !
Mme Catherine Troendlé. - Sans polémiquer, je rappelle à M. Masson que ce n'est pas la première fois que nous retouchons ce texte. Nous y avons apporté des modifications substantielles, notamment en matière d'incendie et de secours. M. Sutour en a fait la démonstration à l'instant.
M. Philippe Bas, président. - Ne renonçons pas à exercer nos prérogatives de législateur.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
Le sort des amendements est retracé dans le tableau suivant :
Proposition de loi visant à assurer la sincérité et la fiabilité des comptes des collectivités territoriales - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine ensuite le rapport de Mme Catherine Di Folco et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 131 (2016-2017), présentée par M. Vincent Delahaye et plusieurs de ses collègues, visant à assurer la sincérité et la fiabilité des comptes des collectivités territoriales.
Mme Catherine Di Folco, rapporteure. - Nous sommes saisis de la proposition de loi présentée par M. Vincent Delahaye et plusieurs de ses collègues du groupe UDI-UC, visant à assurer la sincérité et la fiabilité des comptes des collectivités territoriales.
Selon l'article 47-2 de la Constitution, « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ». En pratique, il n'est pas aisé de répondre à cette exigence légitime ; la fiabilité des comptes locaux reste perfectible, malgré l'implication constante des élus, des agents territoriaux, des comptables publics et des chambres régionales et territoriales des comptes.
L'exposé des motifs de la proposition de loi mentionne trois exemples dans lesquels des doutes sérieux ont été émis sur la sincérité des comptes présentés par les collectivités territoriales : la Seine-Saint-Denis, l'Essonne et l'ancienne région Poitou-Charentes. Des retards de paiement pratiqués de manière systématique auraient permis de reporter d'une année à l'autre jusqu'à 10 % des dépenses de fonctionnement.
Cette proposition de loi prévoit deux mesures distinctes : le renforcement des contrôles non juridictionnels des chambres régionales et territoriales des comptes - c'est l'aspect préventif - et l'élargissement des compétences de la Cour de discipline budgétaire et financière - c'est l'aspect répressif.
Ce texte prévoit une saisine automatique du ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière lorsque les chambres régionales et territoriales des comptes constatent, à l'occasion d'un contrôle de gestion ou d'un contrôle de l'annualité budgétaire, une infraction sanctionnée par cette juridiction.
Les chambres régionales et territoriales des comptes auraient l'obligation de contrôler, au moins tous les six ans, la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics dont les recettes annuelles dépassent régulièrement 200 millions d'euros, soit près de deux cents collectivités territoriales et établissements publics. Les magistrats des juridictions financières resteraient libres, en revanche, d'établir leur propre programme de contrôle pour les collectivités territoriales dont les recettes sont inférieures à 200 millions d'euros.
Les chambres régionales et territoriales des comptes seraient également chargées d'examiner le respect du rattachement des charges à l'exercice budgétaire en cours, conformément au principe de l'annualité budgétaire. Ce contrôle aurait lieu tous les ans pour les collectivités territoriales dont les recettes annuelles dépassent régulièrement 200 millions d'euros, et tous les deux ans pour celles qui disposent de recettes annuelles comprises entre 100 et 200 millions d'euros.
Ce nouveau contrôle de l'annualité budgétaire s'appliquerait au rattachement comptable des charges mais non à celui des produits, ce qui a étonné plusieurs personnes entendues en audition.
Au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la loi, le Gouvernement devrait remettre un rapport au Parlement mesurant l'impact de ce nouveau contrôle.
L'article 1er de la proposition de loi élargit, par ailleurs, les possibilités de sanction des élus locaux devant la Cour de discipline budgétaire et financière, alors, qu'actuellement, ils ne sont responsables devant cette juridiction que dans trois cas de figure limitativement énumérés par le code des juridictions financières. Entre 45 000 et 50 000 ordonnateurs locaux seraient concernés par cette mesure.
Le droit applicable aux élus locaux serait ainsi aligné sur celui des membres des cabinets ministériels ou des administrateurs des entreprises publiques, à une exception près : les élus ne pourraient pas exciper d'un ordre écrit les déchargeant de leurs responsabilités devant la Cour de discipline budgétaire et financière. Les membres du Gouvernement, les administrateurs élus des organismes de protection sociale et les administrateurs et agents des associations de bienfaisance resteraient, quant à eux, en dehors du champ de compétence de cette juridiction.
L'article 1er supprime, en outre, le dispositif de l'ordre écrit pour les fonctionnaires ou agents des collectivités territoriales et des établissements publics locaux, soit environ 1,9 million de personnes. Ils ne pourraient plus exciper d'un ordre écrit de leur supérieur hiérarchique ou du président de l'assemblée délibérante pour se décharger de leurs responsabilités devant la Cour de discipline budgétaire et financière. Le dispositif de l'ordre écrit resterait toutefois en vigueur pour les membres des cabinets ministériels, les fonctionnaires ou agents civils ou militaires de l'État et les représentants des organismes soumis au contrôle des juridictions financières (entreprises publiques, organismes de sécurité sociale...).
Enfin, l'article 2 de la proposition de loi prévoit qu'un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles les personnes détentrices d'un mandat exécutif local peuvent s'assurer contre le risque de sanctions pécuniaires prononcées par la Cour de discipline budgétaire et financière. Cette disposition s'inspire du droit applicable aux comptables publics lorsque leur responsabilité est engagée devant les chambres régionales et territoriales des comptes. Néanmoins, la proposition de loi ne précise pas le mécanisme qui serait retenu (cautionnement à la Caisse des dépôts et consignations, assurances privées...).
La Cour de discipline budgétaire et financière pourrait également prononcer une peine d'inéligibilité à l'encontre des élus locaux qui auraient commis une des infractions mentionnées par le code des juridictions financières. Cette disposition modifierait substantiellement l'office de cette cour qui ne prononce, en l'état du droit, que des sanctions pécuniaires.
Après avoir procédé à de nombreuses auditions, un certain nombre de constats et questions sont apparus au sujet de cette proposition de loi.
Il est sans doute nécessaire de poursuivre les efforts de fiabilisation des comptes locaux. Depuis les années 1980, les règles budgétaires et comptables des collectivités territoriales et des établissements publics locaux ont été progressivement et utilement renforcées. Le comptable public réalise des contrôles internes, en utilisant le logiciel Hélios pour procéder à des contrôles comptables automatisés ; il adapte l'intensité, la périodicité et le périmètre de ses contrôles pour les concentrer sur les opérations présentant le plus de risques budgétaires ou comptables. Les documents budgétaires et comptables sont, dès leur adoption, envoyés au préfet du département qui peut procéder à un contrôle budgétaire. En fin d'exercice, le comptable public transmet à l'ordonnateur un indice de qualité des comptes locaux, qui facilite l'identification de risques d'irrégularités.
Les chambres régionales et territoriales des comptes exercent deux contrôles non juridictionnels, les contrôles budgétaires et les contrôles de gestion, qui peuvent les conduire à saisir le procureur de la République et le procureur général près la Cour des comptes. Elles peuvent aussi saisir le ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière.
Un comité national relatif à la fiabilité des comptes publics locaux, installé en 2010, élabore des guides pratiques consultables en ligne et aide les acteurs dans l'application du droit budgétaire et comptable.
Plus récemment, la loi NOTRe du 7 août 2015 a renforcé les obligations des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Son article 107 impose, par exemple, la présentation d'une étude d'impact financière pour toute opération exceptionnelle d'investissement et, pour les collectivités territoriales de 3 500 habitants et plus, la rédaction d'un rapport annuel sur les orientations budgétaires, les engagements pluriannuels envisagés et la structure de la dette.
La loi NOTRe prévoit, en outre, de généraliser d'ici août 2019 l'envoi dématérialisé des documents adressés au comptable public par les régions, les départements, les communes et les établissements publics à fiscalité propre de plus de 10 000 habitants. Elle renforce les chambres régionales et territoriales des comptes en prévoyant la publicité immédiate des rapports de contrôle budgétaire et l'obligation, pour les exécutifs locaux, de rédiger un rapport sur les mesures prises pour répondre aux recommandations adressées lors d'un contrôle de gestion.
Enfin, une expérimentation, prévue par l'article 110 de la loi NOTRe, sera conduite entre 2017 et 2023 par la Cour des comptes, en lien avec les chambres régionales et territoriales des comptes. Elle vise à expérimenter des procédures de certification des comptes du secteur public local.
Cette certification des comptes pourrait améliorer la qualité de leurs procédures comptables, notamment en ce qui concerne le rattachement des charges et des produits. Il faudra toutefois en maîtriser le coût, surtout dans un contexte de tension des finances locales.
Cinquante collectivités territoriales ont déposé leur candidature pour participer à cette expérimentation. Vingt-cinq ont été retenues, dont la Ville de Paris et le département du Rhône. Les travaux doivent débuter en 2017 pour un premier exercice de certification prévu en 2020. Le Gouvernement établira un bilan d'étape en 2018 puis un bilan final en 2023.
Dans son rapport annuel sur les finances publiques locales de 2015, la Cour des comptes souligne que la fiabilité des comptes du secteur local reste imparfaite. Elle mentionne, à l'instar des auteurs de la proposition de loi, le défaut ou l'insuffisance de rattachement comptable des charges et des produits. Elle soulève toutefois d'autres difficultés, telles qu'un amortissement insuffisant des immobilisations, des provisions pour risques trop faibles ou des informations lacunaires sur la structure de la dette. Dès lors, la proposition de loi ne répondrait qu'à une partie des difficultés soulevées par la Cour des comptes.
Plus généralement, nous pouvons nous interroger sur l'articulation entre le contrôle de l'annualité budgétaire et cette expérimentation, qui débute, de certification des comptes des collectivités territoriales. Il convient de choisir entre ces deux procédures pour éviter l'empilement des dispositifs. À ce stade, il me semble préférable d'attendre le bilan d'étape de l'expérimentation de certification des comptes, dont la publication est prévue en 2018.
Une autre question porte sur le fonctionnement des chambres régionales et territoriales des comptes et de la Cour de discipline budgétaire et financière.
Lors des auditions, les représentants des magistrats des juridictions financières se sont interrogés sur l'opportunité d'imposer un programme de contrôle pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux dont les recettes dépassent 100 millions d'euros. De leur point de vue, la liberté d'organisation laissée aux présidents des chambres régionales et territoriales des comptes constitue une garantie d'indépendance de ces juridictions et permet de concentrer les contrôles sur les comptes présentant le plus de risques de dérapage.
En outre, le renforcement des contrôles de gestion et la création du contrôle de l'annualité budgétaire - prévus par la proposition de loi - pourraient représenter une charge supplémentaire pour les chambres régionales et territoriales des comptes. Par exemple, cela nécessiterait d'augmenter de moitié le personnel de contrôle de la chambre régionale des comptes d'Île-de-France.
De même, l'augmentation du nombre de justiciables devant la Cour de discipline budgétaire et financière et la suppression de l'ordre écrit pour les fonctionnaires territoriaux conduiraient à repenser le fonctionnement de cette cour, qui rend aujourd'hui moins de dix arrêts par an et dispose de très peu de moyens.
Je rappelle, d'ailleurs, que le législateur a déjà confié de nouvelles missions aux juridictions financières sans prévoir de moyens supplémentaires, telles que l'expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales, l'évaluation des charges et ressources transférées entre collectivités territoriales ou le contrôle des établissements sociaux, médico-sociaux et des établissements de santé privés.
Il convient, par conséquent, de mieux évaluer l'impact concret de la proposition de loi sur la charge de travail du personnel de l'ensemble des chambres régionales et territoriales des comptes et de la Cour de discipline budgétaire et financière.
Enfin, ma dernière interrogation porte sur le rôle et les compétences de la Cour de discipline budgétaire et financière. En 2009, le projet de loi réformant les juridictions financières, inspiré par Philippe Seguin, étendait déjà la responsabilité des élus locaux devant cette cour. Le dispositif prévu semblait toutefois plus encadré que la présente proposition de loi : pour être sanctionnés, les élus locaux devaient avoir agi dans le cadre de leurs fonctions, avoir été informés de l'affaire et avoir donné une instruction, quelle qu'en soit la forme, à un subordonné de commettre l'infraction. À l'époque, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait étendu cette responsabilité financière aux ministres ; face à l'opposition du Gouvernement, le texte n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
On peut s'interroger sur la mise en oeuvre de la responsabilité des élus locaux devant cette cour de discipline. Une simple erreur dans l'application de règles budgétaires et comptables de plus en plus complexes ne paraît pas justifier l'engagement de leur responsabilité personnelle et pécuniaire. De même, la peine d'inéligibilité de cinq ans prévue par la proposition de loi semble disproportionnée. Pour rappel, les fraudes électorales sont passibles d'une peine d'inéligibilité limitée à trois ans.
De même, il est difficile d'évaluer les conséquences de la suppression de l'ordre écrit pour les seuls fonctionnaires territoriaux. Par cohérence avec la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie des fonctionnaires, il ne me semble pas opportun de mettre en place un traitement différencié entre les fonctionnaires territoriaux, d'une part, et les fonctionnaires hospitaliers et de l'État, d'autre part.
En revanche, il peut être nécessaire de réformer le fonctionnement et le champ de compétences de la Cour de discipline budgétaire et financière. À titre d'exemple, le projet de loi de 2009 prévoyait sa suppression et le transfert de ses compétences à la Cour des comptes. Plus récemment, M. Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, a souligné le manque de visibilité et d'efficacité de cette juridiction. Les auditions que j'ai menées n'ont fait que le confirmer.
Compte tenu de l'intérêt des questions posées par cette proposition de loi mais également de toutes les interrogations soulevées lors des auditions, je vous propose, avec l'accord de son auteur, de déposer une motion tendant à son renvoi en commission, afin d'approfondir notre réflexion sur la meilleure façon de renforcer la fiabilité des comptes des collectivités territoriales.
M. Yves Détraigne. - En tant qu'ancien magistrat de chambre régionale des comptes, je ne suis pas favorable à cette proposition de loi qui revient sur un principe de base de la décentralisation : en l'état du droit, le contrôle n'est exercé qu'a posteriori. Les élus doivent disposer d'une marge de manoeuvre. Ils ne sauraient exercer leurs fonctions avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Sans compter que l'adoption de ce texte supposerait d'augmenter les moyens des chambres régionales et territoriales des comptes dans des proportions considérables.
Une chambre régionale ou territoriale des comptes est amenée à se pencher sur une collectivité territoriale tous les cinq ou six ans, sauf problème et selon un programme qu'elle établit elle-même. Or les moyens ne sont pas à la hauteur. On constate toujours un grand retard entre le bouclage des comptes et l'évaluation par la chambre. Je ne voterai pas cette proposition de loi irréaliste.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je n'ai voté aucune des dispositions encerclant les élus locaux et les soumettant à des organismes dont la légitimité démocratique est douteuse. Je ferai de même ce matin.
L'adoption d'une question préalable m'aurait davantage satisfait qu'une motion de renvoi en commission, mais, puisque l'essentiel est de botter en touche, je n'y vois pas d'inconvénient.
Devons-nous contribuer à la grande campagne anti-élus menée actuellement et hurler avec les loups ? Sommes-nous tous des voleurs ?
Le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables est une spécificité française. Comment imaginer meilleur contrôle que celui-là ? À force d'empiler les règles, qui sera encore prêt, demain, à assumer des responsabilités d'élu ? N'en avez-vous pas assez de remplir des formulaires ?
Commençons par faire fonctionner les dispositifs actuels sans renforcer la cabale anti-élus. Songez aux programmes électoraux qui prônent notre remplacement par des personnes tirées au sort !
M. Christophe Béchu. - Je comprends les motivations des auteurs de la proposition de loi. Imaginez arriver dans une collectivité territoriale et constater que dans le budget voté au printemps, avant les échéances électorales, quelques millions d'euros ont été « oubliés » pour les salaires ! À Angers, lorsque j'ai été élu, il manquait huit millions pour les dépenses de fonctionnement, sur un budget de 210 millions d'euros.
Cela dit, ce texte soulève plusieurs difficultés. On ajoute des obligations sans se préoccuper de l'architecture d'ensemble. J'ai la conviction qu'on ne peut pas aborder la transparence budgétaire et comptable des collectivités territoriales dans un texte de trois articles, en fin de mandat. Sans compter que les dispositions ici prévues n'empêcheront personne de mettre la poussière sous le tapis et de tronquer le budget en année électorale...
Je suis inquiet : dans quelques mois, avec l'entrée en vigueur du non-cumul des mandats, dans des assemblées parlementaires dont les membres n'assument plus de responsabilités exécutives locales, une forme de jalousie institutionnelle pourrait favoriser les textes de ce type et conduire à renforcer les obligations des élus locaux. D'un côté, on encourage le regroupement des collectivités territoriales et, de l'autre, on considère que la constitution de baronnies locales est insupportable. Certains scruteront l'usage que font les parlementaires de leur indemnité représentative de frais de mandat, d'autres regretteront que le maire du chef-lieu de canton ait les mains bien plus libres, ou que le président d'une grande collectivité ait plus de collaborateurs qu'un parlementaire, dont le rang protocolaire est pourtant supérieur. Inversement, les élus locaux auront beau jeu de critiquer les parlementaires, que l'on accusera d'être coupés de la réalité. Quand on voit ce qu'il en a été à force de critiquer les parlementaires européens, craignons que ce type d'initiatives n'en vienne à alimenter le poujadisme et l'antiparlementarisme latents qui sévissent aujourd'hui.
M. Alain Richard. - Je salue le travail de madame le rapporteur, qui, avec beaucoup de mesure et de délicatesse, nous explique que cette proposition de loi n'est pas justifiée, bien qu'elle émane de ses collègues de la majorité sénatoriale.
Cette proposition de loi est inspirée par des situations locales critiquables observées après une alternance locale. N'oublions pas que les chambres régionales et territoriales des comptes ont été instaurées lors de la première loi de décentralisation de 1982, dont j'étais rapporteur à l'Assemblée nationale, pour répondre à un risque de laxisme lié à la suppression de l'approbation a priori des comptes par les préfets. Au fil des ans, il est apparu que ces chambres remplissent leur objectif de prévention des dérives.
Je me suis ensuite intéressé à ces juridictions, dans le cadre de mes fonctions au Conseil d'État, lors du projet de réforme inspiré par M. Seguin, texte dont l'ambition a été réduite puisqu'il prévoyait initialement de créer un troisième ordre de juridiction, ce qui eût été contraire à la Constitution. Ce projet procédait de l'idée que le savoir-faire des chambres régionales et territoriales des comptes en matière d'évaluation économique et d'analyse financière était sous-utilisé car absorbé par le contrôle routinier de la sincérité des comptes, qui relève pourtant, comme l'a rappelé Pierre-Yves Collombat, du comptable public. Le travail du comptable consiste, de fait, à faire obstacle au glissement des factures d'une année sur l'autre. Si l'on considère que ce contrôle comptable manque de rigueur ou de réactivité, c'est au ministre du budget de donner les instructions nécessaires. Développer un contrôle annuel sur les comptes ne paraît pas justifié, les cas de dérapage restant peu fréquents.
Sans être moi-même un grand soutien du non-cumul des mandats exécutifs, je réagirai, enfin, aux propos de Cassandre de M. Béchu, en lui faisant observer que certains des travers qu'il redoute en matière de critique des élus locaux par les parlementaires et inversement ont déjà cours.
M. Hugues Portelli. - Ces dernières années, nous avons examiné nombre de propositions de loi réduisant les compétences des chambres régionales et territoriales des comptes, dont je suis un grand défenseur. Sans elles, la situation serait grave.
L'objet de la proposition de loi me semble problématique car c'est au préfet de contrôler au quotidien les actes des collectivités territoriales. Or, les services préfectoraux n'ont plus les moyens d'exercer leur rôle. En un an, je n'ai jamais vu un seul représentant de l'État assister aux commissions d'appel d'offres auxquelles j'ai participé. C'est grave ! La loi actuelle suffit, il faut juste les moyens de l'appliquer.
M. Pierre-Yves Collombat. - Le contrôle des comptes des collectivités territoriales prend deux aspects : la vérification du respect de la légalité et le jugement sur la gestion. Or, en cette dernière matière, la philosophie sous-jacente est tout à fait contestable : « Plus vous réalisez des économies, mieux c'est ». C'est faux ! Pourquoi et comment cette vision s'est-elle imposée ? Voilà qui mériterait d'être examiné au fond.
M. Alain Richard. - Il faut tout de même répondre au principe constitutionnel de bon usage des deniers publics...
M. Jacques Mézard. - Il y a quelques années, j'ai commis un rapport sur le contrôle de chambres régionales et territoriales des comptes et le contrôle de légalité. J'avais constaté que plus de 80 % des informations envoyées par les collectivités territoriales à la préfecture n'étaient pas examinées. Des instructions sont envoyées aux préfectures pour qu'elles circonscrivent leur contrôle à certaines grandes problématiques.
Le contrôle de gestion, Pierre-Yves Collombat a raison de le rappeler, s'exprime souvent en opportunité. Or, ce n'est pas aux chambres régionales et territoriales des comptes d'en juger. En outre, les disparités sont terribles entre les professionnels qui effectuent les contrôles : certains sont de grande qualité, quand d'autres sont totalement coupés des réalités.
Au lieu d'ajouter des tracasseries, supprimons certains contrôles et assurons correctement les autres.
EXAMEN DE LA MOTION TENDANT AU RENVOI EN COMMISSION
Mme Catherine Di Folco, rapporteure. - Je précise à M. Collombat que le dépôt d'une question préalable sur une proposition de loi sénatoriale inscrite en première lecture à l'ordre du jour d'un espace réservé à un groupe politique suppose l'accord de ce groupe.
M. Philippe Bas, président. - En vertu d'un gentlemen's agreement, en effet.
La commission décide de soumettre au Sénat une motion de renvoi en commission de la proposition de loi.
Proposition de loi permettant un exercice territorialisé de compétences au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de cinquante communes au moins - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine ensuite le rapport de Mme Jacqueline Gourault et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 758 (2015-2016), présentée par M. Philippe Bas et plusieurs de ses collègues, permettant un exercice territorialisé de compétences au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de cinquante communes au moins.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. - La loi NOTRe a fait apparaître de nouvelles intercommunalités agrandies. Le paysage territorial s'est modifié, passant d'un ensemble d'intercommunalités similaires à des intercommunalités très différenciées selon les territoires, certaines d'une extension telle que l'on a pu les qualifier de « XXL ». Même au sein de ces dernières, les disparités sont importantes. Quand les unes sont nées spontanément, suivant la volonté des élus, comme le Grand Reims, d'autres résultent de l'initiative des préfets ou de quelques personnalités locales, sans correspondre au souhait de l'ensemble des élus. Des intercommunalités « XXL » méritent le nom de communautés d'agglomération en rassemblant des communes urbaines et périurbaines, d'autres réunissent communes urbaines et rurales, d'autres, enfin, sont très rurales et n'ont pour centre qu'un chef-lieu de canton ou une très petite ville.
Chacun doit créer une organisation qui favorise l'application des compétences intercommunales tout en respectant l'esprit de la loi et en incluant tous les élus. C'est pourquoi la proposition de loi qui nous est soumise vise à créer des pôles territoriaux, afin de mieux garantir la démocratie de proximité. Nous pouvons tous partager cet objectif.
Les agglomérations de Nantes ou de Bordeaux ont ainsi créé des pôles de compétences.
M. René Vandierendonck. - Sans avoir besoin de cette proposition de loi.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. - Je ne dis pas le contraire. Ailleurs, comme à Dreux, les pôles qui ont été créés sont en voie de se transformer en maisons de service public.
Cette proposition de loi est l'occasion de rappeler tous les outils inscrits dans la loi. La direction générale des collectivités locales (DGCL) l'a fait dans une note, car on s'aperçoit souvent sur le terrain que les élus ne les connaissent pas suffisamment, faute de formation adéquate. L'État devrait se faire un devoir d'assurer le « service après-vente » de la loi.
Si la territorialisation de certaines compétences est un objectif partagé, les moyens d'y parvenir sont multiples. Lors des auditions, nous avons relevé l'inquiétude de certains, qui craignent que cette proposition de loi ne crée un niveau intermédiaire, susceptible de devenir un contre-pouvoir, au sein de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI). L'Assemblée des communautés de France a considéré qu'institutionnaliser des pôles territoriaux sans personnalité morale pourrait contrarier la réorganisation des compétences en fonction des caractéristiques de chaque territoire.
Pour y répondre, je vous proposerai un amendement qui assouplit plusieurs points de la proposition de loi.
Il ouvre le dispositif de territorialisation à tous les EPCI à fiscalité propre, quel que soit l'effectif de leurs communes membres. Cela permet de prendre en compte des situations comme celle du Calvados, territoire très rural où une intercommunalité a organisé huit secteurs pour associer au maximum les élus locaux à l'exercice des compétences.
Il substitue au conseil de pôle un organe plus souple : une commission composée, pour chaque pôle, des conseillers communautaires élus dans le périmètre, et dotée d'un pouvoir d'avis et de proposition. Cette commission serait notamment consultée, avant leur fixation par le conseil communautaire, sur les modalités d'exercice des compétences sur le territoire du pôle et les modifications qui leur seraient ultérieurement apportées.
Le président de l'intercommunalité pourrait déléguer une partie de ses fonctions à l'un des conseillers communautaires du périmètre désigné, sur sa proposition, après consultation de la commission du pôle, par l'organe délibérant de l'EPCI. Le conseiller désigné devrait rendre compte de sa délégation à chacune des réunions obligatoires de l'organe délibérant.
La réécriture que je vous propose de l'article unique de la proposition de loi respecte le souhait de ses auteurs d'assurer un exercice des pouvoirs au plus près du territoire, en associant les élus communaux. Depuis la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010, nous avons toujours cherché à assurer la participation des élus communaux à l'ensemble des commissions intercommunales. Cette proposition de loi la renforce, notamment pour la grande ruralité.
M. Philippe Bas, président. - Merci de ce travail approfondi qui améliore considérablement la rédaction de cette proposition de loi, inspirée par le souci de prévenir la création de déserts démocratiques à l'intérieur de grandes intercommunalités comptant plusieurs bassins de vie juxtaposés.
Les intercommunalités jouissent de nouvelles capacités d'action appréciables tant pour la création de nouvelles infrastructures que pour la qualité des services rendus à la population. Mais quand les élus municipaux sont jusqu'à 250 dans les conseils de communautés de communes dotées de compétences très étendues, ils ne sont guère associés à l'exercice des responsabilités, au rebours de la logique antérieure, quand les communautés de communes restaient des structures de proximité où les maires exerçaient une véritable cogestion, dans le prolongement de l'action municipale.
La nouvelle logique comporte des éléments positifs mais aussi des risques. Les pôles territoriaux, déjà imaginés dans les chartes accompagnant la création de communautés de communes apportent un correctif à leur hypercentralisation. La création d'intercommunalités rurales de 200 000 habitants est une question que nous n'avons jamais abordée dans nos débats, pourtant fournis, sur la loi NOTRe.
La proposition de loi met un outil nouveau, facultatif, à la disposition des élus. Cet outil est très attendu dans nos grandes communautés de communes rurales.
M. Yves Détraigne. - Je me reconnais dans le rapport de Jacqueline Gourault et les propos du président Bas sur l'intérêt d'une organisation des intercommunalités XXL au plus près des réalités.
Cependant, une communauté comme celle du Grand Reims, qui compte 144 communes et 204 délégués, a organisé des pôles territoriaux correspondant aux chefs-lieux des anciennes communautés, sans qu'il soit besoin d'un texte de loi. Je pose donc une question de principe : est-il utile de voter une loi sur des actions que l'on mène naturellement ? A-t-on besoin d'encadrer toute organisation par la loi ? Et ne peut-on craindre a contrario, si la loi ne prévoit que des pôles et qu'on a l'imagination de s'organiser autrement, que ce soit jugé hors-la-loi ? Comprenez que mes interrogations dépassent le seul cadre de cette proposition de loi.
M. Philippe Bas, président. - Ce dispositif n'en exclut aucun autre. Il fournit simplement un cadre préétabli que l'on peut choisir ou non de mettre en place.
M. Christophe Béchu. - Merci au rapporteur et au président, premier signataire de la proposition de loi. Ce texte me met cependant mal à l'aise.
Il existe une spécificité locale dans mon département de Maine-et-Loire. Les 64 communes d'une communauté d'agglomération de 120 000 habitants ont décidé de fusionner en six communes nouvelles, correspondant au périmètre des anciennes intercommunalités. Cela évite de renvoyer certaines compétences au niveau communal faute d'un accord sur certaines compétences. Le même processus a eu lieu ailleurs, et le nombre de communes de Maine-et-Loire est passé de 363 à 190.
La proposition de loi apporte une solution alternative à la création de communes nouvelles. Je comprends les problèmes d'organisation des intercommunalités de plus de 50 communes, mais l'amendement du rapporteur, qui supprime ce seuil, me gêne. Quand il est question non seulement d'organiser les pouvoirs mais éventuellement de les déléguer, je me dis que ce qui se présente comme un simple outil pourrait bien devenir une strate intermédiaire.
L'objectif de la proposition de loi est louable, mais en allant si vite, le législateur ne laisse pas le temps aux collectivités territoriales d'inventer des solutions. La communauté urbaine Angers Loire Métropole, par exemple, fonctionne non par pôle mais selon des cadrans correspondant aux points cardinaux. Ces cadrans sont avant tout une instance de concertation. Quant à la mise en oeuvre des compétences, elle n'est pas territorialisée mais procède du volontariat, ce qui apporte une souplesse supplémentaire. Certaines communes ont ainsi décidé d'organiser une sorte de GAEC (groupement agricole d'exploitation en commun) entre elles sur un sujet spécifique, d'autres ont créé une plate-forme commune d'instruction sur le droit des sols.
Cette proposition de loi peut menacer de telles initiatives, et supprimer le seuil mettrait un frein aux expérimentations.
M. André Reichardt. - Je rends hommage aux auteurs de la proposition de loi, qui vise à favoriser l'exercice des compétences au plus près des territoires quand, dans les grandes intercommunalités, l'affectio societatis a pu se diluer.
Si je n'ai pas cosigné cette proposition de loi, c'est que je ne me suis pas senti concerné par l'effectif minimum de 50 communes. Pourquoi ce seuil ? Contrairement à M. Béchu, je serai favorable à l'amendement du rapporteur qui le supprime, même s'il est vrai que le risque d'institutionnalisation d'une nouvelle strate n'est pas négligeable. Je suis sensible, en revanche, à l'argument de M. Béchu sur les communes nouvelles.
Ce n'est pas le fruit du hasard si certaines intercommunalités ne sont pas XXL. C'est peut-être parce que le préfet a joué un rôle de modérateur au sein de la commission départementale de coopération intercommunale.
Ne va-t-on pas trop vite en légiférant dès à présent alors que la loi NOTRe sera redéfinie à l'aune de nos travaux en cours, qui ont déjà révélé des dysfonctionnements, sur le fond, comme dans le cas des compétences « eau » et « assainissement », ou dans l'application du texte, comme cela est le cas ici ? Le nouveau gouvernement remettra sans doute l'ouvrage sur le métier. Il le faut, globalement.
M. Jean-Pierre Sueur. - Les réflexions du groupe socialiste et républicain, qui s'est penché longuement sur la proposition de loi, vont dans le même sens que nos collègues. Nous n'y sommes pas favorables en l'état. Je salue néanmoins les efforts du rapporteur pour la rendre plus comestible.
J'ai pris connaissance de l'analyse juridique de l'Assemblée des communautés de France, en particulier quant à l'absence de personnalité morale, qui entrave toute capacité de décision.
Je n'ignore pas non plus les vents qui viennent de la Manche, monsieur le président, mais avec cette proposition de loi, on a le sentiment de faire, défaire, refaire. Ces grandes communautés de communes, pertinentes dans l'ensemble, sont dotées de la force nécessaire pour conjuguer dynamisme rural et urbain. La solution des communes nouvelles ? On commence par s'y jeter, puis on en vient à proposer d'y créer des sous-communes - je puis citer un tel cas. Ces allers-retours perpétuels empêchent d'avancer.
J'ai, il y a quelque temps, présidé l'intercommunalité d'Orléans. Une quantité de pôles y regroupent trois ou quatre communes travaillant sur tel ou tel sujet. Comme l'ont dit MM. Détraigne, Béchu et Reichardt, une loi n'est pas nécessaire. Laissons aux collectivités territoriales la liberté de s'organiser. Les élus trouveront le chemin de la proximité.
Nous ne sommes pas favorables à cette proposition de loi, même si je reconnais les efforts du rapporteur, fidèle à son bon sens bien connu.
M. Pierre-Yves Collombat. - Un phénomène inhabituel a eu lieu dans certaines parties du territoire, avec la création de grandes régions et de nouvelles intercommunalités. Des collectivités territoriales paniquées se sont demandées comment elles allaient survivre et en ont conclu qu'il leur fallait grossir. Sauf qu'en regroupant des petites communes, sans locomotive ni moyens, on n'obtient qu'une réserve d'Indiens, pas un pôle dynamique. Une fois l'enthousiasme passé - notamment pour les communes nouvelles - on s'aperçoit que la situation est plus compliquée que prévu.
Nous sommes dans un moment de vérité : soit on estime qu'il n'est plus temps de s'interroger sur la pertinence de ces choix - ce n'est pas ma position - soit on cherche des solutions alternatives. Je conçois que l'on ne puisse tout remettre en cause, mais je plaide plutôt pour la recherche d'une meilleure stabilité et de plus de démocratie. Par pragmatisme, puisqu'on en est au bricolage, je serai favorable à la proposition de loi, malgré les difficultés, pour sauver la démocratie locale.
M. Alain Richard. - J'ai observé le développement de ces très grandes communautés qui n'était parfois pas dicté par la loi. Dans certains territoires, on a fait du zèle. Il ne s'agit pas d'envisager l'abrogation de la loi NOTRe, ce qui serait irréaliste, mais de trouver une solution au problème de l'éloignement démocratique qui menace ces grandes communautés.
M. Détraigne a bien posé la question : cette proposition de loi résout-elle un problème qui ne puisse pas être réglé par la libre administration ? Mais il n'a pas tout à fait raison quand il affirme qu'aucune forme d'organisation n'a besoin d'un support législatif. Si les compétences des conseils d'arrondissement, par exemple, ont été fixées par loi, c'est bien pour éviter la confusion avec l'échelon central.
Il faut bien distinguer entre la proposition de loi initiale et ce que nous propose notre rapporteur. Une nouvelle forme de délégation était initialement prévue, qui ne me semble pas cohérente avec le principe de la délégation en droit public, soit un acte par lequel une autorité exécutive, administrative, confie l'exercice de ses prérogatives à une autorité subordonnée. Il existe aussi une délégation de collectivité à collectivité, prévue aux articles L.1111-8 et L.1111-9 du code général des collectivités territoriales. Entre deux entités différentes, il y a matière à convention. Mais la rédaction de la proposition de loi initiale était bâtarde en ce qu'elle créait un régime de convention à l'intérieur d'une seule entité publique. Quelle aurait été la légitimité du pôle territorial interne à la communauté à conclure une convention avec la communauté entière ? La formule de souplesse proposée par le rapporteur entre en revanche dans le cadre du droit public : une commission affectée à un espace géographique aurait un rôle de proposition vis à vis de l'instance délibérante, le président ayant faculté de déléguer à l'un de ses membres. Mais dès lors, y a-t-il besoin d'une loi ? Ma position habituelle est que si le dispositif est entièrement facultatif, il n'est pas du ressort de la loi. Cependant, nous sommes dans la nouveauté ; je suis donc favorable à cette proposition de loi à titre de support pédagogique. Il faut offrir un guide aux collectivités territoriales, d'autant qu'aucune autre possibilité ne leur est interdite. La proposition de loi prévoit un système bien plus réversible que la commune nouvelle, qui risque de connaître des lendemains difficiles, du moins pour celles dont la création a répondu à des considérations financières opportunistes.
M. Alain Anziani. - Faut-il adopter une loi ou faire confiance à l'intelligence des territoires ? Dans la plupart des métropoles actuelles, la population est très importante, tout comme le nombre d'élus. Il a donc fallu inventer, et c'est ce qu'ont fait la plupart des métropoles. Celle de Bordeaux a favorisé un système très déconcentré, avec quatre pôles territoriaux qui exercent des compétences, grâce à un consensus politique. Chaque pôle dispose d'un conseil des élus dont les décisions sont soumises au bureau ou au conseil de la métropole, qui rend, évidemment, des délibérations conformes.
M. Alain Vasselle. - La notion de pôle est intéressante, mais ne revient-on pas ainsi aux syndicats intercommunaux à vocation multiple (SIVOM) où une compétence donnée était exercée dans un périmètre donné ?
M. Philippe Bas, président. - Merci de cet examen approfondi. Messieurs Reichardt et Béchu, je me suis rendu la semaine dernière dans le Maine-et-Loire, département extrêmement créatif. Quand les communes nouvelles sont créées à l'échelon des anciennes communautés de communes de proximité, elles intègrent la grande communauté de communes dans de meilleures conditions.
Je conçois cette proposition de loi telle que Mme Gourault suggère de l'amender comme une incitation pour les communes qui ne se sont pas encore constituées en communes nouvelles à faire l'apprentissage du travail en commun, en apprenant au sein des pôles. On parviendrait ainsi, à terme, à créer des communes nouvelles dotées de substance. L'une des faiblesses de notre travail de législateur a été de traiter les communes nouvelles et les intercommunalités dans deux couloirs parallèles. La créativité dont ont fait preuve certains élus, que ma visite dans le Maine-et-Loire m'a aidé à mesurer, mérite d'être exportée ailleurs.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. - Nous n'avons pas de désaccord sur le fond. J'ai tenté de répondre aux préoccupations des uns et des autres en créant un mécanisme souple de gouvernance associant le maximum d'élus. Il s'agit d'une simple faculté, d'un outil que l'on met en avant.
Mon amendement prévient tout risque de création d'une strate nouvelle. Contrairement à un syndicat, c'est-à-dire une structure, un pôle ne représente qu'une simple délégation de pouvoir. On peut rappeler la métropole d'Aix-Marseille-Provence où ont été créés des conseils de territoire.
M. Alain Richard. - Comme à Lyon.
M. Michel Mercier. - Comme partout.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. - La faculté de délégation de pouvoir de l'exécutif à un élu nécessite d'être inscrite dans la loi, d'où l'intérêt de cette proposition de loi.
M. Alain Richard. - En effet.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. - Nous avons précisé qu'il s'agissait d'une « délégation à un élu » car parfois les vice-présidents « thématiques » de l'intercommunalité cumulent avec des « clés de territoire ». Il s'agit d'introduire de la souplesse. À Agglopolys, la communauté d'agglomération de Blois qui réunit 48 communes, nous avons, par exemple, créé un organe provisoire pour travailler sur le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), en relation avec les élus communaux. Tout est possible.
Il n'est pas souhaitable de revenir sur la loi NOTRe, mais on peut offrir des outils souples aux élus, pour les associer le plus possible.
M. Michel Mercier. - J'ai siégé à la commission mixte paritaire consacrée à la loi NOTRe. Avec Jean-Jacques Hyest, nous avons décidé de voter cette loi. Il fallait sortir de la réforme permanente des structures des collectivités territoriales. J'assume pleinement d'avoir adopté ce texte imparfait... Comme tous ceux que nous adoptons. Lorsqu'on vote une loi, on ne connaît pas toujours les résultats qu'elle produira sur le terrain, et rien n'interdit de l'enrichir au gré des retours d'expérience. Comme l'a très justement rappelé le président Bas, nous n'avions jamais soulevé la question, au cours de nos débats sur la loi NOTRe, du nombre de communes rattachées à une intercommunalité.
Si les solutions mises en avant dans la proposition de loi ne sont pas exclusives de toute autre organisation, j'estime, à la différence d'Yves Détraigne - c'est cette pluralité qui fait la richesse du centre - que l'on peut l'adopter. L'amendement du rapporteur va dans ce sens.
M. Alain Vasselle. - Je suis favorable à l'amendement de Mme Gourault, mais je souhaite être bien sûr : le périmètre d'un pôle est-il obligatoirement inscrit dans le périmètre de l'intercommunalité ? Pour reprendre l'exemple du pôle PLUi, celui-ci pourra-t-il ne concerner qu'une partie des communes de l'intercommunalité, alors que le PLUi s'applique à toutes ?
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. - Deux fois non. Je pourrai vous expliquer la solution que nous avons inventée à Blois, dont je suis sûre qu'elle vous convaincra.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article unique
L'amendement COM-2 est adopté et l'amendement COM-1 devient sans objet.
L'amendement de conséquence COM-3 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Questions diverses
M. Philippe Bas, président. - J'ai reçu une lettre de Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, demandant l'organisation d'auditions sur l'acte criminel commis sur un jeune homme en Seine-Saint-Denis il y a une dizaine de jours. J'y réponds avec réserve. La commission des lois ne peut pas procéder à des auditions sur une affaire donnant lieu à une procédure judiciaire. Nous savons demander au juge de ne pas déborder son champ d'action, en vertu de la séparation des pouvoirs... soyons attentifs, à l'inverse, à ne pas empiéter sur le domaine de l'autorité judiciaire.
Au-delà, je ne suis pas sûr qu'il soit sage, dans le contexte actuel, de soulever une question touchant à l'organisation générale des interventions de la police nationale ou de la gendarmerie en s'appuyant sur un drame. Pour autant, j'ai demandé au ministre de l'intérieur s'il était d'accord pour s'exprimer sur ce sujet devant notre commission. Nous recherchons une date à cette fin.
Mme Éliane Assassi. - Je ne partage pas ce que vous avez dit en préambule. Nous souhaitions la création d'une commission d'enquête, mais la procédure judiciaire en cours ne le permet pas. C'est pourquoi j'ai demandé que notre commission procède à des auditions, comme le lui permet l'article 5 bis de l'ordonnance du 17 novembre 1958, qui l'autorise à convoquer toute personne qu'elle estime nécessaire d'entendre.
M. Michel Mercier. - Les opérations de maintien de l'ordre se font dans le cadre de l'état d'urgence.
Mme Éliane Assassi. - Dont on peut se demander à quoi il aboutit.
M. Michel Mercier. - Dans ce cadre, la commission des lois a reçu les pouvoirs d'une commission d'enquête pour six mois. Comment pourrait-on passer outre et la séparation des pouvoirs et les prérogatives que nous avons reçues ?
Mme Éliane Assassi. - Voilà un refus qui se saura...
M. Philippe Bas, président. - Je souhaite également rappeler un usage, sur un sujet de méthode. Les missions d'information rassemblent en principe un ou plusieurs membres de la majorité et de l'opposition qui réalisent un travail conjoint. Ce n'est pas dans les méthodes de travail de la commission des lois de communiquer séparément en cours de mission. Il y a eu des incidents. Je vous demande d'être attentifs.
La réunion, suspendue à 11 h 35, est reprise à 11 h 45.
Création d'un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d'identité (fichier TES) - Audition de M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur
Au cours d'une deuxième réunion tenue dans la matinée, la commission entend M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur, sur la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d'identité (fichier TES).
M. Philippe Bas, président. - Nous avons le plaisir d'accueillir M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur, avec lequel nous avons l'habitude de travailler depuis plusieurs semaines. Ce sujet des titres d'identité était l'objet, il y a près de dix ans, d'un rapport de M. Jean-René Lecerf, qui témoignait de l'intérêt du Sénat pour la protection des Français contre les usurpations d'identité. Une première tentative de légiférer en 2012 s'est soldée par un désaccord entre le Gouvernement et le Sénat de l'époque, puis une censure du Conseil constitutionnel.
Une dizaine de jours avant la sortie du décret créant le fichier automatisé des cartes nationales d'identité (CNI), j'ai écrit à votre prédécesseur pour lui faire part de nos préoccupations. Lorsque le décret a été signé, et après de nombreuses auditions, nous avons demandé la suspension de la mise en oeuvre de ce fichier. Le ministre s'est alors engagé à ne la rendre effective qu'après la prise en compte des recommandations d'une mission d'audit confiée à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et de la Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (Dinsic). Le jour même de la réception de ces recommandations, vous les avez portées en mains propres aux présidents des commissions des lois des deux assemblées. Quelles ont été les mesures prises par le Gouvernement pour les mettre en oeuvre ?
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur. - Merci de votre invitation sur le rapport d'audit de sécurité réalisé par l'Anssi et la Dinsic sur le fichier des titres électroniques sécurisés (TES).
Comme le pensait mon prédécesseur, il est très important que sur un tel sujet d'intérêt général, nous puissions échanger en toute transparence. En novembre dernier, vous aviez eu avec Bernard Cazeneuve des échanges particulièrement riches et constructifs, notamment sur les conditions de sécurité du système TES. Il avait alors pris deux engagements importants.
Tout d'abord, les textes devaient évoluer pour que les citoyens le demandant puissent s'opposer au versement de leur empreintes digitales - dont le recueil reste obligatoire, j'y insiste - dans la base de données centralisée TES. Cela ne vaut que pour les cartes nationales d'identité : le versement des empreintes digitales pour les passeports est obligatoire en vertu de la législation européenne. Je rappelle que notre intention initiale était d'apporter une garantie de protection et de traçabilité pour la conservation des empreintes digitales numérisées pour les cartes nationales d'identité équivalente à celle qui est offerte par le système TES pour les passeports, soit un progrès notable par rapport au mode de conservation actuel des documents sous forme papier. Sur ce premier engagement, le travail est presque achevé. Un projet de décret en Conseil d'État a été élaboré et transmis en décembre à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) pour examen.
Second engagement : la réalisation d'un audit du dispositif par les experts reconnus de l'Anssi et de la Dinsic a été définie par une lettre de mission, claire, du 17 novembre, afin de concentrer l'expertise, d'une part, sur la protection de l'application TES contre les risques d'intrusion ou de piratage, et, d'autre part, sur le renforcement du lien unidirectionnel permettant de passer des données alphanumériques aux données biométriques - et non l'inverse. Nous nous étions engagés à rendre public le rapport, de même qu'à tenir compte de ses conclusions avant toute généralisation du recours à TES pour délivrer les cartes nationales d'identité. L'homologation du système constituait, à cet égard, une condition sine qua non. L'Anssi et la Dinsic m'ont remis un rapport précis et fort éclairant le 13 janvier dernier. Conformément à nos engagements, je l'ai moi-même rendu public dès le 17 janvier, après en avoir retenu les décisions qui s'imposaient. Le Gouvernement a donc tenu ses engagements.
Les onze recommandations du rapport de l'Anssi et de la Dinsic seront pleinement mises en oeuvre, dans la mesure où elles s'inscrivent dans la continuité des mesures de sécurisation renforcée du dispositif déjà prises par le ministère de l'intérieur, pour améliorer la sécurité anti-intrusion de l'application et renforcer la protection du lien unidirectionnel. C'est pourquoi nous allons les mettre en oeuvre sans délai.
Le rapport souligne deux éléments importants parfaitement complémentaires : d'une part, il établit explicitement que le système TES est « compatible avec la sensibilité des données qu'il contient », dans son architecture comme dans ses conditions d'usage ; d'autre part, il conclut que la sécurité du système TES est perfectible. C'est vrai, et nous allons la perfectionner.
Même après avoir perfectionné et renforcé la sécurité de TES, dans les prochaines semaines, puis en continu, le risque zéro n'existe pas dans ce domaine. Pour autant, faut-il renoncer à agir et risquer de paralyser l'action publique ? Je ne le crois pas. Comme le disait le directeur général de l'Anssi, M. Guillaume Poupard, le 18 janvier devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, il nous faut « renoncer au concept de sécurité absolue », et nous adapter aux menaces selon une démarche de sécurité dynamique et continue. Voilà tout l'enjeu de la procédure d'homologation : analyser les risques, déterminer les actions engagées pour les réduire et définir les risques résiduels acceptables. La sécurité de TES était une préoccupation du ministère de l'intérieur bien avant novembre dernier, dans une démarche d'évolution progressive des versions de l'application, laquelle date de 2008. Ainsi, un test d'intrusion avait été programmé par l'Agence nationale des titres sécurisés bien avant les débats qui nous occupent, et a été mis en oeuvre en novembre 2016. Le débat engagé à l'automne dernier a accéléré cette démarche de sécurisation permanente. C'est pourquoi j'ai conditionné la généralisation du recours à TES pour les cartes nationales d'identité à la réévaluation du processus d'homologation.
Toutes les mesures utiles pour réduire ces risques ont été mises en oeuvre ou sont en train de l'être, sur la base des échanges permanents entre les services du ministère et les auditeurs de l'Anssi et de la Dinsic. Désormais, 94 % des mesures du plan d'action sont achevées. Les 6 % restants correspondent à une mesure qui sera mise en oeuvre dès le 28 février prochain.
Deux sujets sont susceptibles d'inquiéter nos concitoyens : le risque d'intrusion et le risque de détournement de notre système. Le fichier TES contient, outre des pièces justificatives produites pour l'obtention du titre, des données alphanumériques - nom, prénom, adresse, taille, couleur des yeux, sexe, date et lieu de naissance - et des images numérisées - photographie d'identité, signature, deux empreintes digitales. Le risque d'intrusion correspond concrètement au piratage du système TES, et à l'utilisation de ses données par un tiers mal intentionné. Le plan d'action en cours de mise en oeuvre, nourri de l'expérience du test d'intrusion que je viens d'évoquer, a pour objectif de réduire au maximum ce risque. Dans le cadre du processus continu d'amélioration de la sécurité de TES, je souhaite reproduire ce type de démarches. Comme dans la lutte contre la délinquance, nous devons tenir compte de l'évolution des moyens qui nous sont opposés pour nous nuire, et adapter et moderniser constamment nos propres moyens de sécurité, afin d'être dans la réactivité et l'anticipation permanentes.
Élément fondamental de protection contre l'intrusion, TES est maintenu à distance des réseaux internet ouverts au public et a été élaboré dans une logique de cloisonnement des informations et des opérations, ce qui réduit considérablement les risques.
L'autre risque est le « détournement » de TES à des fins d'identification et non d'authentification. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le Gouvernement n'a jamais souhaité mettre en place un système d'identification systématique, qui reposerait sur la recension exhaustive des données personnelles utiles à la délivrance de titres d'identité. TES permet exclusivement d'authentifier l'identité des personnes à partir de leur nom, et en aucun cas de les identifier à partir de leurs seules données biométriques. Authentifier l'identité revient à s'assurer que la personne qui sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre est bien la personne connue sous cette identité, et ce par comparaison des données enregistrées sous cette même identité. C'est ainsi que l'on préserve les usagers du risque d'usurpation d'identité.
Le rapport fait donc le point sur le risque de « détournement » de TES à des fins d'identification. Il confirme l'existence d'un lien unidirectionnel entre données alphanumériques et données biométriques. TES ne peut pas être exploité à des fins d'identification, c'est-à-dire en passant des données biométriques aux données alphanumériques. Cette asymétrie est-elle contournable ? Peut-elle être dévoyée ? Selon le rapport, ce n'est qu'en disposant de la clé de déchiffrement de ce lien et en reconstituant une autre base, fiche par fiche et en dehors de TES, que ce risque de dévoiement pourrait apparaître.
Toutes les recommandations ont été entendues et mises en oeuvre pour faire obstacle à d'éventuelles tentatives de ce genre. Le chiffrement de ce lien sera renforcé, l'analyse des risques approfondie, et les mécanismes de « défense en profondeur » contre un tel détournement seront consolidés, grâce au chiffrement des empreintes numérisées et à la mise en place de mécanismes de détection d'usages anormaux du lien unidirectionnel.
Depuis la mise en oeuvre de TES en 2008, aucun cas de dévoiement de son usage n'a été identifié. Les usages de TES par les agents de préfecture et ceux de l'Agence nationale des titres sécurisés sont pleinement conformes aux textes régissant ce traitement de données.
Cela doit-il nous surprendre ? Non : nous sommes dans un État de droit, avec des lois et des règles précises, respectées par les agents de l'État, et notamment ceux du ministère de l'intérieur. C'est cet État de droit que le rapport est venu nous rappeler. La place Beauvau n'est plus depuis longtemps l'antre de Fouché - elle ne l'a d'ailleurs jamais été, si l'on veut être conforme à la réalité historique... Les femmes et les hommes du ministère de l'intérieur sont avant tout des défenseurs de nos lois et de nos libertés publiques.
Les travaux de l'Anssi et de la Dinsic ont été très utiles pour faire évoluer TES vers des conditions de sécurité optimales, garantissant un niveau de protection des données personnelles élevé. Le débat qui a eu lieu au Parlement s'est avéré fort utile. Mais je ne m'en contenterai pas. Je souhaite que le ministère de l'intérieur s'inscrive dans un processus d'amélioration continue de TES, afin que le système bénéficie en permanence d'un niveau de sécurité adapté aux risques, avec une réévaluation à haute fréquence du dispositif, chaque année, tandis que les services interministériels compétents continueront à accompagner le ministère dans ces travaux indispensables.
TES n'est que l'outil de la réforme structurelle « Plan Préfectures Nouvelle génération » (PPNG), qui doit être généralisée dans les délais escomptés. À ma demande, juste après la remise du rapport, la commission d'homologation s'est réunie le 8 février pour se prononcer sur l'analyse des risques et la conformité des mesures de maîtrise de ces risques. Au vu de la stratégie de sécurisation et du plan d'action mis en oeuvre, j'ai ainsi homologué TES au titre de la sécurité des systèmes d'information. La généralisation de cette réforme et l'utilisation de TES pour la délivrance des CNI interviendront du 20 février au 27 mars prochains, dans les conditions prévues par arrêté ministériel. L'homologation ne marque pas la fin d'un processus de sécurisation dynamique, mais elle ouvre la voie à la mise en oeuvre de la réforme. Plusieurs sénateurs se sont rapprochés de mon cabinet ou de celui du Premier ministre pour prendre connaissance des conditions du déploiement. J'ai moi-même transmis, le 10 février, aux présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, l'instruction adressée le 30 janvier dernier aux préfets sur la mise en oeuvre opérationnelle.
Comme c'est déjà le cas depuis le début de l'hiver dans les départements pilotes des Yvelines et de la région Bretagne, nous allons pouvoir dématérialiser, sous forme numérique, les échanges entre les mairies qui accueillent le public et les 27 plateformes préfectorales où l'on instruit les demandes de CNI et de passeports, les centres d'expertise et de ressources titres (CERT). Le rapport confirme sur le plan technique les apports positifs de TES au service des trois grands objectifs de la réforme de la délivrance des CNI portée par le ministère de l'intérieur dans le cadre du PPNG.
Tout d'abord, cette évolution soutiendra la réforme du service public, dans les communes comme dans les préfectures, en nous faisant gagner en efficacité. La réforme des titres nous permettra de réinvestir un millier d'emplois dans les territoires, sur des missions à forte valeur ajoutée telles que la prévention et la gestion des crises, le conseil juridique et le contrôle de légalité, la lutte contre la fraude ou encore la coordination de l'action de l'État et le développement territorial.
Ensuite, cette réforme apportera un réel bénéfice pour simplifier les démarches des usagers. Avec les télé-procédures qui accompagnent l'évolution du traitement des CNI vers TES, de nouveaux services pourront être offerts à nos concitoyens : pré-demande en ligne, renouvellement simplifié de la CNI... Cette simplification s'accompagnera également d'un raccourcissement des délais de délivrance du titre, grâce à la suppression des échanges papiers entre les mairies, les préfectures et les services de production des titres. Enfin, cette réforme renforcera la sécurité des titres délivrés et réduira les risques de fraude et d'usurpation d'identité. En s'appuyant sur une base centrale d'empreintes numérisées, TES rapproche automatiquement les éléments produits, y compris biométriques, lors d'une demande de titre concernant une même identité, ce qui limite le risque d'usurpation d'identité. TES limite les risques de fraude dès lors qu'il permet d'interagir avec des données authentifiées et sécurisées d'état civil.
Bernard Cazeneuve et moi-même avons, depuis plusieurs mois, fait preuve d'une véritable transparence et voulu contribuer de manière constructive au débat public sur le sujet. Aujourd'hui, j'ai surtout évoqué des questions de sécurité des systèmes d'information ; il existera toujours des risques, à nous de les rendre sinon résiduels, du moins acceptables.
J'espère que nous retirerons de TES tous les bénéfices que nous en attendons, ceux qui résultent du PPNG. Les deux sites pilotes dans les Yvelines et en région Bretagne ont un bilan extrêmement satisfaisant. Je remercie le secrétaire général du ministère de l'intérieur, M. Denis Robin, pour ce travail très important. Je souhaite aller au bout de ce sujet, en poussant l'expertise non seulement sur les recommandations du rapport, mais également sur les orientations de long terme qu'il contient. Deux orientations sont significatives : d'une part, le passage d'empreintes digitales brutes à des gabarits, et d'autre part, si les gabarits sont retenus - ce qui offre une probabilité de résultat et non un résultat certain - de pouvoir conserver l'intégralité des empreintes digitales dans un fichier distinct de TES. Je suis très intéressé aux résultats de la première expertise menée et très attentif à l'impact sur notre action en matière de lutte contre la fraude et, surtout, à ses conséquences pour l'autorité judiciaire, première utilisatrice des empreintes digitales, notamment pour lutter contre le terrorisme. Je suis plus réservé sur la seconde orientation car ce fichier serait assimilable à un fichier de police, et je connais la sensibilité des débats auxquels elle nous conduirait.
Même si cela ne fait pas partie de la lettre de mission sur le fichier TES, nous ne pourrons pas nous épargner un débat au Parlement sur l'identité numérique - nous en avons convenu avec MM. Verdier et Poupard - notamment lorsqu'on observe certaines utilisations des smartphones ou d'outils numériques. Au-delà d'une réflexion opérationnelle du prochain Gouvernement, les assemblées devront mener une réflexion de fond sur la protection des données personnelles et des libertés publiques. Vous aurez du travail dans les prochains mois...
M. Philippe Bas, président. - Merci de votre présentation des conclusions de ce rapport avec beaucoup d'honnêteté intellectuelle et de réalisme. Vous n'avez pas méconnu les risques que tout fichier de ce type encourt - risque d'intrusion extérieure, de mutation technologique, d'utilisation à d'autres fins...
Vous avez déjà répondu à certaines questions, notamment sur la substitution du gabarit aux données biométriques brutes, mais pouvez-vous nous en dire plus sur le chiffrement des données biométriques et la double clé ? Comptez-vous mettre en oeuvre un système où une autorité tierce pourrait, aux côtés du ministre de l'intérieur, comme dans le cas d'un coffre de banque, activer une deuxième clé sans laquelle le dispositif ne serait pas accessible ?
M. Jean-Yves Leconte. - Votre présentation est empreinte d'un certain scepticisme car la situation évolue, même sur le lien unidirectionnel. En témoigne l'utilisation de certaines applications sur les smartphones. Même si on ne veut pas de lien bidirectionnel, le traitement en big data de photos permet d'y parvenir. Soyons vigilants. Le traitement des réquisitions judiciaires et leur traçabilité seront une avancée significative par rapport au fichier actuel. Sans traçabilité ni surveillance, on peut reconstruire la bidirectionnalité.
Quelle est la manière dont cela fonctionne ? Peut-on confronter les données de la puce d'un passeport aux données de la base lors d'un contrôle ? Les réponses diffèrent selon mes interlocuteurs... S'il n'y a pas de confrontation possible, l'intérêt du fichier est limité, d'autant que les puces sont fragiles.
Pourrons-nous demander une carte d'identité à n'importe quel endroit, comme désormais un passeport ? Pourrons-nous aller plus loin et précommander, voire commander un titre d'identité en ligne si toutes les données du fichier TES sont dans la base, titre qui serait ensuite activé après vérification des empreintes digitales dans une borne, pour éviter l'attente au guichet ?
Une rubrique relative à l'autorisation de sortie du territoire des mineurs sera-t-elle ajoutée au fichier TES, afin d'avoir une information complète sur les titres d'identité ?
M. François Pillet. - Merci de cette présentation très intéressante. Vous avez pertinemment différencié le risque de pénétration et le risque de réversibilité ou de détournement, pour un débat pédagogique. J'ai bien compris qu'il n'y avait pas de solution technique pour assurer un lien unidirectionnel intangible. J'ai lu le rapport. À partir de quel moment des risques résiduels sont-ils acceptables ou non ? Vos explications ont été largement rassurantes sur votre démarche et son contenu, mais pas totalement. Avez-vous envisagé de nouveau la possibilité d'assurer la protection de l'identité par des cartes à puce ? Avez-vous sinon des arguments autres que financiers pour l'écarter ? Quelles mesures doivent être prises pour rendre le risque le plus résiduel possible et alerter sur la tentative de réversibilité du fichier avant qu'elle ne soit effective ? Je me félicite que notre commission se soit saisie de ce sujet extrêmement sensible et que le débat que votre prédécesseur et vous-même avez permis soit désormais un peu plus éclairé.
Mme Jacqueline Gourault. - Je serai plus pragmatique que M. Pillet. Désormais, la délivrance des cartes d'identité sera assurée par les communes qui délivraient les passeports, auxquelles s'ajoutent de nouvelles communes qui entreront dans le dispositif. Je vous remercie d'avoir renforcé la dotation, notamment pour ces nouvelles communes. Mais de très nombreuses communes ne délivrent pas de CNI... Pouvez-vous nous en dire davantage sur l'expérimentation dans les Yvelines et en Bretagne, et notamment sur le service d'aide à la demande de titres ? Comment cela fonctionne-t-il, et quelles sont les relations avec les communes ?
L'Association des maires de France (AMF) m'a informée d'un dispositif de recueil mobile. Combien de dispositifs sont prévus ? Des communes peuvent-elles se porter volontaires ? Ainsi, dans certains secteurs ruraux très éloignés de la mairie qui délivre les titres, le chef-lieu de canton pourrait les accueillir. La CNI, une fois établie, ne pourrait-elle pas être distribuée par l'ensemble des mairies ? Si certains dossiers importants passent parfois inaperçus, celui-ci est mal vécu par l'ensemble des communes, et coupe la relation entre les administrés et les petites communes. Comment faciliter la proximité et le passage entre les deux systèmes ?
M. Alain Richard. - Sur un sujet de gestion publique touchant aux droits des individus, il faut choisir entre les risques irréductibles d'un système offrant beaucoup plus d'efficacité, et le risque de ne rien faire en conservant le système actuel qui comporte de très nombreuses vulnérabilités pesant très lourdement - non pas dans le cadre d'opérations terroristes mais de délinquance ordinaire - sur de très nombreuses personnes dont on usurpe l'identité. Parlons vrai : si nous refusons ce nouveau fichier, nous devons dire que nous assumons les risques réels du système actuel. Je suis plutôt favorable à la réforme.
M. Bruno Le Roux, ministre. - Les pièces justificatives sont déjà cryptées, les empreintes digitales le seront également, conformément à la demande de l'Anssi. Le ministère de l'intérieur est plutôt réservé sur le fait de confier la clé de chiffrement à une autorité tierce, car cela dissoudrait les responsabilités en matière de sécurité. Je ne suis pas fermé sur cette question, mais on pourrait attendre quelques semaines : ceux qui arriveront au pouvoir auront le temps et la nécessité d'y réfléchir. Personnellement, je ne suis pas sûr que cela pose de réels problèmes d'avoir cette sécurité supplémentaire. Ma priorité, c'est la sécurisation du dispositif et des procédures. La gouvernance du système pourra revenir au futur gouvernement.
On ne peut faire correspondre les empreintes dans les puces des passeports et celles dans les bases lors de contrôles de police. Le seul contact possible avec la base est lors du renouvellement d'un titre au guichet, lorsque que la correspondance entre les empreintes du demandeur et celles de la puce n'a pas fonctionné.
L'introduction d'une puce sur la CNI soulève un débat de fond sur l'identité numérique car elle introduit d'autres risques : comment assurer la traçabilité des usages ? Si elle devait s'accompagner de la suppression de la base centrale, n'y aurait-il pas un risque d'affaiblissement de la lutte contre l'usurpation d'identité ? En plus d'un coût de plus d'une centaine de millions d'euros...
Comme pour les passeports, il n'y aura plus de condition de résidence dans un département pour demander sa carte d'identité, ce qui simplifiera les démarches.
Nous refusons la demande de CNI en ligne tant que les technologies n'auront pas suffisamment progressé ; la présence physique du demandeur reste indispensable.
Les maires ont été associés au pilotage de la réforme par le biais de l'AMF - j'ai même reçu son président en début de semaine. Le comité de suivi a tenu sa dernière réunion hier, et s'est appuyé sur l'expérience dans les Yvelines et en Bretagne. Le débat local est nourri par une certaine appréhension sur les effets de la réforme, sur les territoires ne connaissant pas la réforme. Partons des sites pilotes. De l'avis général, le dispositif technique fonctionne correctement. Le dialogue entre le préfet et l'association départementale des maires a permis de caler des organisations efficaces sur ces deux territoires, de réduire les délais de traitement, et l'ergonomie du système a facilité la tâche des mairies.
Deux points ont toutefois retenu notre attention. Certaines mairies peuvent recueillir les données, d'autres recueillir et délivrer les titres. Pour établir des pré-demandes en ligne, un dispositif de recueil mobile est prévu avec une centaine de bornes, une par département, nombre qui pourra être augmenté si besoin - il sera évalué en 2017. Actuellement, seulement 15 % à 20 % des pré-demandes se font en ligne ; nous allons encore simplifier le dispositif. Les mairies devront revoir l'organisation des rendez-vous pour en accélérer la fréquence - il faut parfois cinq semaines pour obtenir un rendez-vous sur certains sites. Les services préfectoraux accompagneront les mairies pour trouver les bonnes solutions. Les communes ne recueillant pas ces demandes peuvent créer des points numériques pour aider l'usager à remplir une pré-demande en ligne. La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) peut être utilisée à cette fin.
La remise d'une carte d'identité doit se faire dans la commune où est faite la demande initiale afin de vérifier les empreintes digitales. Dans les prochaines années, nous devrons travailler à plus de simplification grâce à de nouvelles technologies, mais aujourd'hui, en raison des risques de fraude, nous ne pouvons pas faire autrement.
M. Cazeneuve avait envisagé que certains services locaux, comme La Poste, puissent délivrer des titres dans des territoires ruraux. Si les difficultés techniques restaient surmontables, le coût aurait été prohibitif. Nous devons continuer à travailler sur ce sujet.
M. Michel Mercier. - A partir de quelle date la mairie de ma petite commune, qui délivre déjà des passeports, devra-t-elle délivrer des cartes d'identité ?
M. Bruno Le Roux, ministre. - À partir du 21 mars prochain.
M. Philippe Bas, président. - Monsieur le ministre, merci de votre venue.
La réunion est close à 12 h 40.
Jeudi 16 février 2017
- Présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente -La réunion est ouverte à 9 h 10.
Projet de loi de ratification de trois ordonnances relatives à la collectivité de Corse (nouvelle lecture) - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine, en nouvelle lecture, le rapport de M. Hugues Portelli et le texte qu'elle propose pour le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse.
M. Hugues Portelli, rapporteur. - Ce projet de loi, je le rappelle, fait suite au vote de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, et notamment de son article 30 adopté par le Sénat, qui a prévu la création d'une collectivité unique de Corse résultant de la fusion de la collectivité territoriale de Corse et des départements de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse, ainsi que des aménagements institutionnels, administratifs et financiers auxquels le Gouvernement avait été habilité à procéder par ordonnances.
En première lecture, la commission des lois avait adopté ce projet de loi en le modifiant seulement par quatre amendements de cohérence et de précision rédactionnelles, complétés par un amendement de la commission des finances saisie pour avis. Mais ce texte avait été rejeté par le Sénat en séance publique. C'est donc le texte du Gouvernement qui a été transmis à l'Assemblée nationale, qui l'a adopté avec quelques amendements, presque tous de correction - sauf un amendement modifiant l'affectation de la dotation de continuité territoriale afin, comme l'indiquait l'exposé des motifs, d'autoriser le financement « d'équipements relatifs à des infrastructures en faveur de la mobilité ou à des opérations d'investissement (...) notamment au titre des politiques publiques menées en faveur des territoires de l'intérieur et de montagne ».
Les votes contraires des deux assemblées ne laissaient place à aucun compromis en commission mixte paritaire. C'est donc du texte de l'Assemblée nationale que nous discutons en nouvelle lecture.
Ce projet de loi me rappelle quelques souvenirs... En 2003, avec le ministre de l'intérieur, j'avais travaillé à l'élaboration du petit frère de ce texte, rejeté à quelques milliers de voix près lors d'un référendum consultatif organisé en Corse. Après avoir été enterrée à l'époque, l'idée d'une collectivité unique a ressurgi à l'occasion d'une délibération de l'Assemblée de Corse, qui a amené le Gouvernement à déposer un amendement en ce sens sur le projet de loi NOTRe. Ayant moi-même écrit naguère un texte similaire, et le Sénat ayant voté pour le principe de la collectivité unique en 2015, je ne vois aucune raison dirimante de nous opposer au projet de loi de ratification qui nous est aujourd'hui soumis. Mon point de vue n'a pas changé.
M. Jean-Pierre Sueur. - Le groupe socialiste et républicain n'a pas non plus changé de position. Il a soutenu ce projet de loi en première lecture, suivant l'avis du rapporteur, il le soutient aujourd'hui.
Le projet de loi est adopté sans modification.
La réunion est close à 9 h 15.