- Mardi 24 janvier 2017
- Mercredi 25 janvier 2017
- Nomination de rapporteurs
- Proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
- Projet de loi de ratification de trois ordonnances relatives à la collectivité de Corse - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
- Projet de loi relatif à la sécurité publique - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
- Projet de loi de ratification de trois ordonnances relatives à la collectivité de Corse - Examen des amendements au texte de la commission
- Proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques - Examen du rapport et du texte de la commission
Mardi 24 janvier 2017
- Présidence de M. Philippe Bas, président -La réunion est ouverte à 9 h 10
Projet de loi relatif à la sécurité publique - Examen des amendements au texte de la commission
La commission procède à l'examen des amendements sur son texte n° 310 (2016-2017) sur le projet de loi n° 263 (2016-2017) relatif à la sécurité publique (procédure accélérée).
M. Philippe Bas, président. - Le projet de loi relatif à la sécurité publique que nous examinons en procédure accélérée a fait l'objet d'une quarantaine d'amendements. Ce n'est pas beaucoup ! Nous avions prévu de siéger en séance publique aujourd'hui, en fin d'après-midi et ce soir, puis demain, après-midi et soir ; cela me semble inutile. Nous pourrions ne commencer la discussion des articles que demain après-midi, ce qui nous épargnerait de siéger ce soir.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je me permets de faire une proposition alternative : nous pourrions siéger ce soir et tenter de finir l'examen du texte.
M. Philippe Bas, président. - C'est possible, mais rien d'autre n'est inscrit à l'ordre du jour de demain après-midi.
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous vaquerons à nos occupations ! Un programme télévisé qui pourrait intéresser certains d'entre nous sera en outre diffusé demain soir.
Mme Jacqueline Gourault. - D'autres textes sont au programme cet après-midi. Une « prolongée » me semble impossible. Je le dis en connaissance de cause : je présiderai la séance !
M. Jean-Pierre Sueur. - Certes, mais pourquoi pas une séance normale l'après-midi et une reprise ce soir ? S'il s'agit d'examiner 40 amendements après le dîner, vu la concision dont sait faire preuve notre rapporteur, nous aurons fini vers minuit - minuit et demie ; chacun, demain, pourrait méditer ou rédiger ses oeuvres.
Mme Esther Benbassa. - Ou ses voeux !
M. François-Noël Buffet. - Je suis favorable à ce que nous restions ensemble ce soir, et soyons libres demain.
M. Yves Détraigne. - Ne siégeons pas trop tard car la commission se réunit demain matin.
M. Philippe Bas, président. - Très bien. Efforçons-nous donc de venir à bout ce soir de ce projet de loi, à condition de ne pas siéger trop tard ! Monsieur le rapporteur, attaquons l'examen des amendements.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
Article additionnel après l'article 6
M. François Grosdidier, rapporteur. - L'article 6 porte sur l'armement de gardes du corps chargés de protéger des personnes qui, menacées, pourraient prétendre à obtenir un port d'armes.
L'amendement n° 41 vise à améliorer le bricolage qui a prévalu jusqu'à présent, gouverné par le principe suivant : la surveillance et le gardiennage par des agents de sécurité privée disposant d'armes est possible. Toutefois, les modalités de mise en oeuvre de cette activité doivent être définies par un décret qui n'a jamais été pris depuis 1983. Il en résulte une situation bancale, s'appuyant sur d'autres dispositions du code de la sécurité intérieure, permettant le gardiennage d'entreprises par des agents armés à condition que ce soit l'entreprise elle-même, et non la société de sécurité à laquelle appartiennent les agents, qui achète les armes et les conserve.
Le Gouvernement, via l'article 6, « régularise » la situation pour les gardes du corps, mais n'a pas souhaité clarifier la situation pour les activités de surveillance et de gardiennage par des agents armés. Une telle protection armée se ferait toujours sur décision du préfet, donc de l'État - j'ai cité précédemment les exemples d'Areva ou de Disneyland.
Je propose donc de remédier à ces incohérences et de prévoir une formation et un contrôle sous l'autorité du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) afin d'en finir avec le bricolage insatisfaisant qui prévaut actuellement.
L'amendement n° 41 est adopté.
Article additionnel après l'article 6 ter
M. François Grosdidier, rapporteur. - Le dépôt de l'amendement n° 42 est la réponse à une batterie d'amendements que nous examinerons plus tard, visant à accroître les prérogatives de police judiciaire des policiers municipaux.
Je propose d'étendre aux policiers municipaux la possibilité, accordée aux agents de sécurité des transports publics, de retenir le contrevenant ou le délinquant jusqu'à l'arrivée de l'officier de police judiciaire ou de l'agent de police judiciaire qu'il désigne.
L'amendement n° 42 est adopté.
Article 7
L'amendement rédactionnel n° 43 est adopté.
Article additionnel après l'article 7
M. François Grosdidier, rapporteur. - On constate, à comparer le refus d'obtempérer au délit de fuite, une distorsion totale : le premier est sanctionné de trois mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende, alors que le second est sanctionné de trois ans d'emprisonnement. Un jeune qui érafle un véhicule et s'enfuit sans faire le constat se rend pourtant coupable d'un délit de fuite ! Beaucoup de policiers le disent : le caractère très peu dissuasif des sanctions applicables aux refus d'obtempérer entraîne leur multiplication. Je propose que la peine passe à un an d'emprisonnement, ce qui resterait trois fois inférieur à la sanction prévue pour le délit de fuite. Nous sommes d'accord avec le Gouvernement pour aggraver la peine pour refus d'obtempérer, d'autant qu'il met plus souvent en danger la vie d'autrui - lorsque les barrages de police ou de gendarmerie sont forcés, par exemple - que le délit de fuite.
L'amendement n° 44 est adopté.
EXAMEN DES AUTRES AMENDEMENTS DE SÉANCE
Article 1er
La commission émet un avis défavorable aux amendements de suppression identiques nos 22 et 38, à l'amendement de repli n° 33, aux amendements nos 28, 32, 34, 29, 23, ainsi qu'aux amendements identiques nos 24, 30 et 35.
M. François-Noël Buffet. - L'amendement n° 21 vise à étendre aux policiers municipaux le bénéfice des règles applicables à l'usage de leurs armes par les policiers et les gendarmes pour mettre fin à un périple meurtrier.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 21.
Article 2
La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 25.
M. François Grosdidier, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° 39, mais je ne me battrai pas avec le Gouvernement sur ce sujet.
Je ne connais pas la signification juridique du niveau hiérarchique « suffisant » ; cet ajout répond, paraît-il, à une demande du Conseil d'État. Normalement, le responsable hiérarchique devrait être le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP), ou le commandant de groupement de gendarmerie, c'est-à-dire pas le chef direct.
Nous renvoyons à l'exécutif le soin de définir le niveau hiérarchique ; toutefois, si le Gouvernement souhaite absolument maintenir la mention du « niveau suffisant », je n'en ferai pas un motif de blocage en commission mixte paritaire.
M. Yves Détraigne. - Nous n'allons pas nous énerver pour si peu.
M. Philippe Bas, président. - Ni pour rien d'autre ! Ce n'est pas dans notre style.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 39.
M. François Grosdidier, rapporteur. - Les amendements nos 2 et 31 visent à rétablir le quantum des trois ans, que nous avions supprimé, s'agissant du champ des délits qui ouvrent droit au bénéfice du dispositif relatif à l'anonymat. Le critère principal à retenir me semble devoir être la dangerosité à laquelle l'exercice de ses fonctions expose l'agent, quelle que soit la peine prévue pour les délits constatés : il peut s'agir d'un simple délit d'outrage, passible seulement d'un an d'emprisonnement.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 2 et 31.
M. François Grosdidier, rapporteur. - L'amendement n° 4 vise à étendre l'anonymat aux policiers municipaux. Mais dans certaines communes, on se connaît, les policiers municipaux appellent les délinquants par leur prénom ! La proximité est inhérente au travail. L'anonymat avait d'abord été réservé aux services centraux de lutte contre le terrorisme. Puis la question s'est posée pour les services départementaux intervenant à titre de soutien. S'agissant de la police municipale, en revanche, ce dispositif me semble vain.
M. François Pillet. - Le texte prévoit que les agents de police municipale peuvent « se constituer parties civiles » selon ces modalités : je vois difficilement une partie civile se constituer sous un numéro !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
Article 6
La commission émet un avis défavorable aux amendements de suppression identiques nos 26 et 36.
Article additionnel après l'article 6 bis
M. François Grosdidier, rapporteur. - Je suis favorable à l'amendement n° 17. Il s'agit d'inscrire au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes les personnes ayant été condamnées pour non-respect de leurs obligations résultant du contrôle administratif applicable aux personnes revenues sur le territoire national de théâtres d'opérations de groupements terroristes dans des conditions présentant une menace pour la sécurité et l'ordre publics.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 17.
Articles additionnels après l'article 6 ter
M. François Grosdidier, rapporteur. - L'amendement n° 18 vise à donner aux membres de la réserve civile de la police nationale des prérogatives plus larges d'agent de police judiciaire adjoint (APJA). Ce serait un alignement sur le régime de la réserve opérationnelle de la gendarmerie. Cette proposition me semble parfaitement cohérente.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 18.
M. François Grosdidier, rapporteur. - L'amendement n° 5 rectifié est le premier d'une série d'amendements déjà examinés la semaine dernière, dont l'objet est l'extension des pouvoirs de la police municipale, et qui se heurtent à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la Loppsi.
Les policiers municipaux ne sont autorisés à relever l'identité des contrevenants que pour dresser des procès-verbaux pour les infractions au code de la route ou aux arrêtés de police du maire. Cela pose un réel problème, que nous ne pouvons pas régler, néanmoins, au détour d'amendements de toute façon voués à l'inconstitutionnalité.
Je rappelle que nous avons malgré tout émis un avis favorable à l'amendement autorisant les policiers municipaux à retenir une personne jusqu'à l'arrivée de l'officier de police judiciaire (OPJ). Je serais favorable à ce que l'on accorde la qualification d'agent de police judiciaire (APJ), voire celle d'OPJ, aux policiers municipaux, dans le cadre strictement limitatif du constat d'une infraction au code de la route ou à la réglementation municipale, en évitant l'écueil de l'inconstitutionnalité.
Mais, encore une fois, cela ne peut se faire au détour d'un amendement. Je proposerai que la commission consultative des polices municipales travaille sur ce sujet avec le ministère de l'intérieur et la chancellerie.
M. François Pillet. - Cette suggestion est d'autant plus légitime que si la proposition de loi visant à créer des polices municipales territoriales, présentée par René Vandierendonck et moi-même, adoptée par le Sénat, était examinée et amendée en ce sens par l'Assemblée nationale, ces difficultés seraient levées. Le vecteur existe ! Reste à débloquer le frein à main.
M. François Grosdidier, rapporteur. - Nous nous heurtons pour le moment à une opposition de la chancellerie. C'est incompréhensible ! Et ce n'est pas un problème de compétences. La chancellerie exige que tout passe par les policiers nationaux ou par les gendarmes, ce que beaucoup d'entre eux considèrent comme une charge indue. Nous devons donc lever l'obstacle constitutionnel. Je rappelle que même l'APJA, c'est-à-dire le policier municipal, ou un élu se revendiquant de sa qualité d'OPJ, relève de l'autorité hiérarchique du procureur de la République, laquelle n'est pas réservée aux seuls agents placés sous l'autorité du ministre de l'intérieur. J'inviterai nos collègues à retirer leur amendement ; tel qu'il est rédigé, il serait de toute façon inconstitutionnel.
La commission demande le retrait des amendements nos 5 rectifié et 7 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
Elle émet un avis favorable à l'amendement n° 27 rectifié.
Elle demande le retrait de l'amendement n° 6 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
M. François Grosdidier, rapporteur. - L'amendement n° 20 de M. Kern a pour objet de définir de façon plus précise les « personnes dépositaires de l'autorité publique ». Il n'existe pourtant, en la matière, aucun problème de définition.
Le dépôt de cet amendement a sans doute été motivé par un cas précis, celui de ce maire qui, formant un recours après avoir été molesté, n'a pas été reconnu comme personne dépositaire de l'autorité publique, le tribunal ayant considéré qu'il agissait en tant que président d'une association foncière, et non en tant que maire.
Cette jurisprudence est certes surprenante ; je ne pense pas, pour autant, qu'il y ait motif à légiférer sur ce sujet. Un maire injurié par son voisin dans le cadre d'une dispute de voisinage ne pourrait se prévaloir de sa qualité de maire.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20, ainsi qu'à l'amendement n° 37.
Articles additionnels après l'article 7
M. François Grosdidier, rapporteur. - Les auteurs de l'amendement n° 11 rectifié souhaitent punir très lourdement le délit de signalement, c'est-à-dire par exemple un appel de phares destiné à indiquer la présence des forces de sécurité intérieure. Six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende pour un appel de phares, cela me semble un peu fort.
M. François Pillet. - C'est ainsi, néanmoins, que Mesrine avait un jour échappé à la police ! En période d'état d'urgence, l'appel de phares visant à signaler la présence d'un camion de police ne me semble pas une activité citoyenne particulièrement louable.
M. François Grosdidier, rapporteur. - Mérite-t-il six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende ?
M. François Pillet. - Certainement pas.
M. Philippe Bas, président. - On peut discuter du caractère louable ou préjudiciable à la sécurité de l'appel de phares ; mais ce n'est pas le coeur de notre débat. La question est celle de la peine prévue.
M. François Pillet. - Elle est excessive.
M. Yves Détraigne. - Cette question me fait penser au dispositif Coyote, qui est en vente libre et permet d'échapper aux contrôles de police.
M. François Grosdidier, rapporteur. - L'usage en est désormais interdit !
M. Yves Détraigne. - Tant que ce genre d'avertisseur sera en vente libre, les mesures que nous prendrons seront sans effet.
M. François Grosdidier, rapporteur. - L'usage de Coyote est passible d'une contravention. Les nouveaux GPS n'indiquent plus une zone de radar, mais une « zone de danger »...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11 rectifié.
Elle émet un avis favorable à l'amendement n° 15 rectifié.
M. François Grosdidier, rapporteur. - L'amendement n° 16 a pour objet de permettre aux volontaires dans les armées, en service au sein de la gendarmerie nationale, d'être maintenus dans leurs fonctions, sur demande agréée, au-delà de la limite de durée de service, pendant une période d'une année.
Avis favorable. Cette disposition renforcera le vivier des gendarmes adjoints volontaires.
M. Philippe Bas, président. - Cette mesure concernerait 500 à 600 gendarmes adjoints chaque année. Ce n'est pas négligeable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 16.
Article 9
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
Article additionnel après l'article 9
M. François Grosdidier, rapporteur. - L'amendement n° 40 vise à parachever l'intégration du renseignement pénitentiaire dans le deuxième cercle de la communauté du renseignement.
M. Philippe Bas, président. - Il ne s'agit plus d'amendements, mais de véritables projets de loi, sur des sujets qui n'ont rien à voir avec le texte.
M. François Grosdidier, rapporteur. - Néanmoins l'objectif est de mettre en cohérence les textes avec des principes reconnus et admis... Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 40.
Articles additionnels après l'article 10
M. François Grosdidier, rapporteur. - L'amendement n° 1 me pose problème. M. Maurey reprend ici sa proposition de loi visant à permettre aux maires de connaître l'identité des personnes « fichées S » résidant dans leur commune.
M. Yves Détraigne. - Certains maires aiment jouer les shérifs ; j'y suis défavorable.
M. François Grosdidier, rapporteur. - Nous avons déjà débattu et rejeté cette proposition. Il s'agit d'informations confidentielles, qui s'accompagnent d'un mémento des conduites à tenir adressé aux forces de sécurité intérieure. Parmi ces conduites figure le plus souvent la nécessité d'une discrétion absolue s'agissant d'une personne faisant l'objet d'une fiche S. Une transmission aux autorités municipales serait contreproductive et préjudiciable à la sécurité. Un tel dispositif ne serait applicable, du reste, que dans le cadre de communes disposant d'un groupe local de traitement de la délinquance réuni sous l'autorité du procureur, rompu à la pratique du secret partagé.
Nonobstant la popularité de cette idée, je suis donc totalement défavorable à la transmission systématique aux maires des fiches S relatives aux personnes résidant dans leur commune. La fiche S est un outil de renseignement, un outil opérationnel, un outil de sécurité ; elle ne doit surtout pas être diffusée.
M. Philippe Bas, président. - Y a-t-il débat, entre nous, sur ce sujet ?
M. Alain Vasselle. - J'avoue que je m'interroge...
Mme Jacqueline Gourault. - Moi pas du tout ! Je suis totalement défavorable à la diffusion des fiches S aux maires.
M. François-Noël Buffet. - Je suis moi aussi tout à fait défavorable à cet amendement. La gestion de ce type de renseignements est une fonction régalienne de l'État.
Ces fiches peuvent concerner des personnes qui font l'objet de procédures de lutte contre le terrorisme, ce qui nécessite beaucoup de discrétion de la part des services. Certaines personnes font l'objet d'un simple signalement, sans être pour autant des activistes ; cela exige, là encore, de la mesure. L'effet du partage de tels secrets peut être dévastateur.
L'enjeu est de protéger nos services dans leur travail et d'assurer la sécurité de nos concitoyens.
Mme Catherine Tasca. - Nous partageons entièrement le point de vue du rapporteur. L'outil de renseignement est difficile à élaborer ; il est efficace, et les fiche S en font partie. Évitons de les affaiblir.
M. Alain Vasselle. - Je suis prêt à me rallier à un avis défavorable, tout en soulignant que nombre de nos concitoyens jugent les services de renseignement moins efficients qu'ils le souhaiteraient. Lorsque vous lisez dans la presse qu'un acte terroriste a été commis par une personne fichée S, et que les services de renseignement n'ont rien fait, vous êtes perplexe ! Faisons en sorte de ne pas avoir à revivre ce type de situation.
Après quarante ans d'expérience de maire et de conseiller général, je peux vous affirmer que le dialogue entre le procureur et le maire est inexistant. Ou plutôt, qu'il dépend beaucoup de la personnalité des procureurs.
Mme Jacqueline Gourault. - C'est vrai. Et aussi de la personnalité des maires...
M. François Pillet. - Il serait bon de nous assurer que le préfet et le procureur auront la possibilité de donner l'information au maire, tenu au secret professionnel dans ses fonctions d'OPJ. Gardons la possibilité de le faire, sans automatisme.
M. François-Noël Buffet. - C'est précisément le caractère systématique qui inquiète. Dans la pratique, un dialogue de confiance s'établit entre le maire et le préfet, reposant sur le secret détenu par chacun. Cela fonctionne bien. C'est une affaire de responsabilité individuelle et de confiance mutuelle. Rien n'empêche le maire de remonter certaines informations aux services préfectoraux, à charge pour les services de nous tenir au courant des suites.
M. Yves Détraigne. - Soyons conscients aussi que certains maires se comportent comme des shérifs : pas de transmission systématique !
M. François Grosdidier, rapporteur. - Le maire et le procureur - ou le préfet - sont en relation selon la nécessité du moment. Les fiches S envoyées au maire seraient reçues par le secrétaire de mairie devant lequel défile tout le conseil municipal... Cela aurait un effet dévastateur pour la sécurité des individus. Restons-en là.
M. Philippe Bas, président. - Un consensus se dégage...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
M. François Grosdidier, rapporteur. - L'amendement n° 10 prévoit que les agents couverts par l'anonymat n'auraient plus comme adresse de domicile celle du commissariat ou de la brigade mais celle de la préfecture. Il en va de même avec l'amendement no 13 pour la plaque d'immatriculation de leur véhicule personnel. Imaginez le nombre de procès-verbaux de stationnement que recevraient les préfectures ! Les syndicats de policiers n'ont pas demandé cette mesure. Avis défavorable à ces deux amendements.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 10 et 13.
M. François Grosdidier, rapporteur. - Malgré son intérêt, je suis défavorable à l'amendement no 12 qui maintient l'autorisation d'armement pour un policier municipal à la suite d'une mutation, après accord du nouveau maire de la commune d'affectation. Dès lors qu'un policier est muté d'une police municipale où les agents sont armés à une autre police municipale où ils le sont également, cela éviterait une nouvelle demande de port d'armes, procédure qui peut durer plusieurs mois. Il en est de même pour l'agrément qui doit être délivré à la fois par le préfet et le procureur de la République, y compris lorsque le policier municipal est déjà titulaire : le délai est parfois de huit mois entre le recrutement et l'agrément et, durant ce temps, le policier est salarié de la commune.
Il est délicat d'appliquer cette mesure pour un transfert interdépartemental car c'est le préfet qui autorise le port d'armes. Dans le cadre départemental, en revanche, cela me semble possible, sachant que le port d'armes peut toujours être suspendu par le préfet. Faute de précision suffisante, retrait ou avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 12 et, à défaut, y sera défavorable.
M. François Grosdidier, rapporteur. - L'amendement no 9 facilite le passage des agents de surveillance de la voie publique (ASVP) au statut de policier municipal. Avis défavorable : on ne peut à la fois étendre le port d'armes pour les policiers municipaux - dans certaines circonstances - et réduire le niveau d'exigence lors du recrutement. Un ASVP peut passer le concours de policier municipal mais, en cas d'échec, il doit s'orienter vers une autre voie. Pas de policiers municipaux au rabais.
M. François Pillet. - L'exposé des motifs cite le rapport d'information De la police municipale à la police territoriale : mieux assurer la tranquillité publique que j'avais rédigé avec René Vandierendonck. Il est inexact de prétendre que nous avions proposé l'armement des ASVP.
M. Alain Vasselle. - L'exposé des motifs précise que cet amendement « va plus loin » que votre proposition de loi.
M. Philippe Bas, président. - Il partage donc la philosophie du rapport sans en tirer les mêmes conséquences...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.
M. François Grosdidier, rapporteur. - Je suis a priori défavorable à une demande de rapport, mais l'amendement n° 8 est relatif à une expérimentation. Je regrette que l'on s'en tienne à une expérimentation, du reste, car les résultats sont connus et très positifs : les caméras piétons protègent les citoyens d'abus de la part des forces de l'ordre ; elles protègent les forces de l'ordre d'agressions ou d'abus injustifiés ; elles protègent la hiérarchie d'abus des subordonnés ; elles donnent aux magistrats des éléments tangibles pour juger d'outrages ou de rebellions. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 8.
M. François Grosdidier, rapporteur. - L'amendement n° 14 prévoit la validation, par la mairie de la commune de résidence, des autorisations de sortie du territoire des mineurs non accompagnés d'un titulaire de l'autorité parentale. N'aggravons pas la surcharge administrative. Avis défavorable.
M. Yves Détraigne. - L'autorisation de sortie du territoire n'a-t-elle pas été rétablie ?
M. François Grosdidier, rapporteur. - Oui, mais l'amendement prévoit sa validation par la commune.
M. Alain Vasselle. - C'est un transfert de charges de plus...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.
Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La commission donne les avis suivants sur les autres amendements de séance :
La réunion est close à 10 heures
Mercredi 25 janvier 2017
- Présidence de M. Philippe Bas, président -La réunion est ouverte à 9 h 35
Nomination de rapporteurs
Mme Catherine Di Folco est nommée rapporteur sur la proposition de loi n° 131 (2016-2017), présentée par M. Vincent Delahaye et plusieurs de ses collègues, visant à assurer la sincérité et la fiabilité des comptes des collectivités territoriales.
M. Mathieu Darnaud est nommé rapporteur sur la proposition de loi n° 291 (2016-2017), présentée par MM. Bruno Retailleau, François Zocchetto, Philippe Bas et Mathieu Darnaud, pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes.
Mme Jacqueline Gourault est nommée rapporteur sur la proposition de loi n° 758 (2015-2016), présentée par MM. Philippe Bas, Mathieu Darnaud et plusieurs de leurs collègues, permettant un exercice territorialisé de compétences au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de cinquante communes au moins.
Proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
MM. Philippe Bas, François-Noël Buffet et François Pillet, Mme Lana Tetuani, MM. Philippe Kaltenbach et René Vandierendonck, Mme Cécile Cukierman sont désignés en qualité de membres titulaires ; Mme Jacky Deromedi, MM. François Grosdidier, Roger Madec, Jacques Mézard, Hugues Portelli, Alain Richard et François Zocchetto sont désignés en qualité de membres suppléants.
Projet de loi de ratification de trois ordonnances relatives à la collectivité de Corse - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
MM. Philippe Bas, Hugues Portelli, Charles Guéné, Mme Lana Tetuani, MM. Philippe Kaltenbach, René Vandierendonck et Christian Favier sont désignés en qualité de membres titulaires ; MM. Mathieu Darnaud, Roger Madec, Jacques Mézard, Alain Richard, Mme Catherine Troendlé, MM. Alain Vasselle et François Zocchetto sont désignés en qualité de membres suppléants.
Projet de loi relatif à la sécurité publique - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
MM. Philippe Bas, François Grosdidier, Philippe Paul, Mme Lana Tetuani, MM. Philippe Kaltenbach, René Vandierendonck, et Mme Éliane Assassi sont désignés en qualité de membres titulaires ; M. François-Noël Buffet, Mme Jacky Deromedi, MM. Roger Madec, Jacques Mézard, François Pillet, Alain Richard et François Zocchetto sont désignés en qualité de membres suppléants.
Projet de loi de ratification de trois ordonnances relatives à la collectivité de Corse - Examen des amendements au texte de la commission
La commission procède à l'examen des amendements sur son texte n° 312 (2016-2017) sur le projet de loi n° 264 (2016-2017), ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse.
M. Hugues Portelli, rapporteur. - L'amendement n° 1 a un air de famille avec la proposition de loi visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété votée par l'Assemblée nationale le 8 décembre dernier, dont le champ s'étendait cependant à l'ensemble du territoire français. Cet amendement, limité à la seule collectivité territoriale de Corse, tente de trouver une solution, tant civile que fiscale, aux problèmes fonciers récurrents sur un tiers de l'île.
Le II relatif aux mesures fiscales propose cependant des dispositions deux fois censurées récemment par le Conseil constitutionnel en 2012 et en 2013.
Enfin, l'article additionnel qu'il créerait ne porte pas tout à fait sur l'objet des ordonnances.
M. Philippe Bas, président. - Ce sujet a fait consensus à l'Assemblée nationale. Le rapporteur et les auteurs de l'amendement sont prêts à retravailler ce texte pour que la mise en ordre des titres de propriété corses puisse être effective, à condition que l'amendement ne s'applique pas à tout le territoire national et que les mesures fiscales soient bien mesurées. M. Reichardt connaît également très bien le dossier, en tant que rapporteur de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée. Comment inscrire ce texte à l'ordre du jour dans un calendrier restreint, sachant que l'amendement ne peut être retenu aujourd'hui en raison de son irrecevabilité au regard de l'article 45 de la Constitution ?
M. Jacques Mézard. - Prenons les choses telles qu'elles se présentent : on connaît bien l'utilisation qui est faite actuellement de l'irrecevabilité au titre de l'article 45 de la Constitution : il s'agit de permettre à une majorité, quelle qu'elle soit, de rejeter un amendement qui n'est pas souhaité. Or, il y a consensus, la proposition de loi de M. Camille de Rocca Serra a été votée à l'Assemblée nationale avec le soutien de tous les parlementaires insulaires. J'aurais pu utiliser l'espace réservé au groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) le 1er février, mais ne peux plus le faire pour des raisons que vous connaissez. On m'oppose aujourd'hui l'irrecevabilité, mais vous savez ce qu'il en est : je doute que le Conseil constitutionnel soit saisi d'une proposition de loi dans les circonstances actuelles.
Or, un vrai problème se pose, qu'il est urgent de régler. Comment adopter cette proposition de loi alors que la session se termine, que le dossier est en branle depuis longtemps et que l'Assemblée l'a unanimement votée ? Je comprends que la période ne soit guère propice au consensus, mais ce n'est pas de bonne méthode et ce sera très mal ressenti localement. Je ne vois aucun inconvénient à ce que cet amendement soit cosigné par tout le monde et à apparaître en dernier signataire. L'important est que ce dossier évolue dans l'intérêt de nos concitoyens.
M. Christian Favier. - Je comprends les raisons du dépôt de cet amendement en raison de la situation particulière de la Corse et de son cadastre. Mais cette prorogation de dix ans de la dérogation au droit fiscal commun nous pose problème ; le groupe communiste républicain et citoyen (CRC) s'abstiendra.
M. André Reichardt. - En qualité de rapporteur de la proposition de loi visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété, je regrette qu'on n'ait pas trouvé le temps de réaliser un examen complet de la situation. Selon les auteurs de cette proposition de loi, le sujet vise principalement la Corse, l'outre-mer et quelques territoires sur le continent. Il y a urgence pour la Corse, car le dossier est sensible. Ce désordre foncier est patent depuis tant d'années, et les dispositions fiscales dont il est question arrivent à échéance fin 2017. Il faut allouer des moyens complémentaires aux Corses pour régler le problème.
Il semble que ce texte ait été déposé par voie d'amendement par dépit de n'avoir avoir pu le traiter autrement. Il ne prend pas en compte, de surcroît, un autre sujet que traitait la proposition de loi, celui de l'indivision. Bref, tout cela méritait un examen exhaustif, qui aurait pu être consensuel...
M. Jacques Mézard. - Sans aller jusqu'à voir dans vos explications des arguties - ce serait désagréable - je pense que restreindre le sujet à la Corse est la meilleure solution, pour des raisons pragmatiques. Cela étant, élargir le sujet au-delà de la Corse et rajouter l'indivision ne me pose aucune difficulté, faites-le ! Il y a urgence, pour des raisons politiques. J'essaie de faire avancer les choses, trouvons un créneau disponible. J'ai bien trouvé le temps de rédiger un amendement ! Soyons raisonnables, en une heure de séance publique, on résoudrait le problème. Sinon nous allons au-devant de difficultés regrettables, aux dépens de nos concitoyens corses.
M. Philippe Bas, président. - Nous devons constater l'irrecevabilité de l'amendement au titre de l'article 45 de la Constitution mais aussi, qu'en dépit du peu d'espace disponible, il est d'intérêt général de traiter ce problème dans la loi. Je m'engage à me rapprocher du Gouvernement pour qu'il inscrive, dans une procédure échappant à toute contestation, la proposition de loi à son ordre du jour réservé, dans lequel il y a toujours moyen de trouver un peu de place. Je ne désespère pas que nous puissions en débattre. Il restera ensuite à obtenir de l'Assemblée nationale une adoption dans les mêmes termes.
L'amendement n° 1 est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution et de l'article 48, alinéa 3, du Règlement du Sénat.
Proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine ensuite le rapport de M. François Pillet et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 126 (2016-2017), présentée par MM. François-Noël Buffet, Bruno Retailleau et plusieurs de leurs collègues, tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale.
M. François Pillet, rapporteur. - L'objectif de cette proposition de loi, les mesures qu'elle propose, et les débats qu'elles ouvrent sont pleins d'intérêt, sous réserve de quelques correctifs... Certains aspects du texte laissent penser que nous revenons sur un débat qui a eu lieu, mais les éléments mêmes du débat ont changé. Je ne doute pas qu'ensemble, nous arriverons assez aisément à un consensus.
Nous aurons à faire cohabiter deux principes a priori contradictoires : l'indépendance des magistrats, qui protège l'individualisation de la peine et répond à un vrai souci humaniste, et le fait que les magistrats rendent la justice au nom du peuple - or le citoyen demande des comptes. Coordonnons ces deux principes, faisons oeuvre de pédagogie sur les valeurs et les conséquences des réformes proposées, et défendons la vérité des faits.
Les magistrats ne sont pas laxistes : le taux de réponse pénale dépasse 90 %. De plus en plus de peines d'emprisonnement sont prononcées, et de plus en plus longues. Depuis juillet 2016, plus de 69 000 personnes sont détenues, un chiffre jamais atteint jusque-là. La population carcérale a augmenté de 3,3% en 2016, soit un rythme largement supérieur à celui de la croissance de la population française ou celui de la délinquance.
Faisons oeuvre de pédagogie envers nos concitoyens : ayons confiance dans la justice et dans nos magistrats. Le législateur a défini une échelle de peines allant de la relaxe à la perpétuité, qu'ils utilisent à bon escient.
Reconnaissons aux magistrats un fort discernement : la contrainte pénale est un échec. Depuis 2014, 2 000 mesures de contrainte pénale ont été ordonnées, et 1 300 sont en cours. Alors que 80 000 sursis avec mise à l'épreuve - système très semblable à la contrainte pénale - ont été prononcés chaque année, et que 133 000 sont en cours. Lorsqu'une mesure est trop complexe, inappropriée ou dangereuse, les magistrats ne l'appliquent pas.
Cette proposition de loi a l'immense mérite, directement ou par effet miroir, de préparer deux débats très importants, au premier rang desquels la suppression de toutes les mesures d'aménagement de peine au profit d'un régime unique de liberté conditionnelle dont les modalités de mise en oeuvre seraient définies par la loi. Selon un président de cour d'assises que j'ai entendu, la question majeure que se posent les jurés avant le verdict est désormais « quelle peine va-t-il réellement faire ? ». Un condamné à vingt ans de prison peut, avec les réductions automatiques de peine, la liberté conditionnelle, ou un autre aménagement de peine, n'avoir que sept ans de peine effective : c'est mortifère dans l'opinion publique...
Mme Catherine Troendlé. - C'est scandaleux !
M. François Pillet, rapporteur. - Nous devons ouvrir le débat sur ce point important du code de procédure pénale.
Le deuxième débat concerne le prononcé d'un mandat de dépôt dès le jugement. Ainsi, une personne condamnée à de la prison ferme pour un accident mortel de la circulation avec alcoolémie, sans mandat de dépôt, peut sortir de la salle d'audience par la même salle des pas perdus que les parents qui ont perdu leur enfant, car la peine ne s'exécutera que quelques mois, voire un an après... C'est incompréhensible pour nos concitoyens, comprenons leur réaction !
Sur le fond, ce texte comporte une série de mesures articulées sur plusieurs axes. D'abord, plusieurs dispositions tendent à renforcer le contenu de la réponse pénale, avec le rétablissement des peines planchers, les restrictions des possibilités de confusion de peine, la systématisation du relevé de l'état de récidive légale, la suppression de la contrainte pénale. D'autres mesures visent à restaurer l'efficacité de l'exécution des peines : l'abaissement du seuil d'aménagement des peines, la suppression de la libération sous contrainte, la suppression des crédits automatiques de réduction de peine. Comme le précise l'exposé des motifs, l'effet dissuasif de la peine tient plus à la certitude de son exécution qu'à sa sévérité.
La proposition de loi comprend également plusieurs mesures de simplification procédurale, concernant les lectures de décision de renvoi devant la cour d'assises, la possibilité pour les enquêteurs d'avoir un support papier lors de leurs auditions... Plusieurs mesures spécifiques, enfin, tendent au renforcement de la lutte contre le terrorisme et à l'amélioration de la protection des mineurs.
Trois axes orientent mon rapport. Tout d'abord, la nécessité impérieuse de respecter la cohérence de notre droit, et surtout les principes fondamentaux de notre Constitution et, dans une moindre mesure, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'article 66 de notre Constitution garantit que la détention d'une personne ne peut avoir lieu que dans le respect des droits de la défense ; le principe constitutionnel d'individualisation des peines est la garantie d'une réponse pénale adaptée et humaniste. L'automatisation des procédures a une certaine efficacité ; elle permet une réactivité de la justice pénale mais ne peut exclure toute marge d'interprétation du juge. Tel sera le sens de plusieurs de mes amendements. Enfin, le respect du principe constitutionnel d'opportunité des poursuites justifie quelques ajustements.
Deuxième axe, nous devons répondre aux attentes de nos concitoyens. Comme j'en ai l'habitude, j'ai ouvert un espace participatif sur le site internet du Sénat, où j'ai récolté plusieurs dizaines de contributions, de la part de professionnels et d'autres citoyens. Elles témoignent d'un grand attachement aux principes du système pénal français, notamment à l'individualisation des peines, et reflètent la nécessité de restaurer la lisibilité et la crédibilité de notre système pénal, érodées ces dernières années. Comment justifier une exécution des peines plusieurs mois, voire un an après leur prononcé ? Plusieurs mesures de la proposition de loi y répondent : la restauration des peines planchers, la réduction des seuils d'aménagement des peines, la suppression des crédits automatiques de réduction de peine, le renforcement de la réponse pénale à l'égard des récidivistes.
Ce texte comporte des avancées importantes mais soulève la question des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre. Le renforcement de l'efficacité de la justice pénale ne pourra se faire sans une revalorisation de ses moyens et une augmentation du nombre de magistrats. Elle nécessitera aussi un élargissement du parc pénitentiaire, et je regrette l'abandon en cours de quinquennat du programme de construction lancé par notre collègue Michel Mercier. Si nous proposons des mesures conduisant de fait à davantage d'incarcérations, il faut en avoir les moyens. Les dernières statistiques, plus qu'inquiétantes, font état d'un taux d'occupation pénitentiaire de plus de 180 % dans certains établissements de la région parisienne. N'oublions pas ce volet financier.
M. Philippe Bas, président. - Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir éclairé parfaitement, avec discernement et compétence, le sens de cette proposition de loi qui rétablit les peines planchers, supprime la contrainte pénale et empêche le réexamen systématique de l'exécution de la peine à échéance prévue afin de rétablir la certitude indispensable de l'exécution de la peine, pour un bon effet dissuasif.
M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi. - M. Pillet a clairement présenté ce texte. Je resterai sur certains principes : on entend régulièrement, de la part de la police, de nos concitoyens ou des magistrats, que l'exécution des peines prononcées par les tribunaux correctionnels à l'encontre d'une partie des délinquants - je parle des auteurs de délits -, reste problématique, voire théorique. Au point que l'exécution de la peine ne répond pas à ce que le tribunal aurait lui-même souhaité. Redonnons à la décision de justice sa valeur d'exemplarité dans la chaîne du processus judiciaire.
C'est pourquoi la proposition de loi comporte différents volets : le chapitre 1er renforce l'effectivité des alternatives aux poursuites en prévoyant notamment que le rappel à la loi, au lieu d'être prononcé par un officier de police judiciaire dans un commissariat, ce qui n'impressionne pas beaucoup, le soit par un représentant ou un délégué du procureur dans le palais de justice, pour plus de solennité. En matière de réponse pénale, ensuite, le texte prévoit, lorsqu'un sursis est prononcé par un tribunal pour l'exécution d'une peine, en cas d'infraction identique réitérée, une révocation automatique du sursis. Nous devons aussi débattre des réductions de peine : demandons au condamné l'effort suffisant pour bénéficier de cette réduction de peine. On ne peut admettre comme principe que toute peine d'emprisonnement ferme inférieure ou égale à deux ans puisse systématiquement ne pas être exécutée dans un lieu de détention et que la contrainte pénale s'applique de facto. Dans certains cas, l'exécution de la peine doit être effective.
Vous n'avez pas évoqué le tribunal d'application des peines, solution nécessaire. Dans la majorité des cas, la juridiction correctionnelle prend une décision collégiale, puis le juge unique d'application des peines décide de son exécution, parfois avec quelque difficulté d'appréciation réelle de la situation, et souvent en détricotant la décision du tribunal. La peine devrait plutôt être réaménagée par une formation collégiale, idéalement la formation de jugement. Cela romprait l'isolement du juge et mettrait fin aux polémiques qui le touchent parfois, tout en protégeant la décision. Cette mesure méritera certes d'être évaluée, mais il reste qu'elle présente l'avantage de s'inscrire dans une logique plus large de restructuration de notre justice et de réorganisation d'un certain nombre de procédures.
On ne peut accepter que les qualifications pénales sur les mineurs diffèrent selon leur âge, et que cela constitue tantôt une atteinte, tantôt une agression sexuelle, alors que l'intention du délinquant est identique. Une peine prononcée par un tribunal doit être effectivement exécutée et le délinquant condamné ne doit pas pouvoir y échapper par certaines automaticités.
M. Alain Anziani. - De ce texte émane un mauvais parfum de nostalgie, de réaction, voire de restauration... Je salue le courage intellectuel de notre rapporteur qui dépose des amendements pleins de sagesse, équilibrés, revenant au principe constitutionnel d'individualisation des peines. Mais tout son courage et son talent ne suffisent pas à transformer le plomb en or, et ce texte reste inadmissible, pour trois raisons.
Il est étrange, tout d'abord, de déposer à cette période, si l'on se défend de tout effet électoral ou d'affichage, un texte de cette nature, qui nécessiterait une vision prospective plutôt que rétrospective, alors que nous ne connaissons pas encore les conclusions de travaux en cours.
Ensuite, cette proposition de loi manque de cadrage budgétaire. N'est-ce pas une provocation, qui aura un effet boomerang, que de prétendre augmenter les dépenses de la justice en accroissant le nombre de tribunaux d'application des peines ou les effectifs du parquet ? Avec quels moyens, quand on n'entend certains ne parler que de réduire le nombre de fonctionnaires ? Vous devrez assumer ce paradoxe...
Enfin, on voit revenir la vieille antienne « il faut se méfier des juges ». En témoigne le rétablissement des peines planchers, avec l'idée sous-jacente que le magistrat serait a priori incompétent, au motif qu'il pourrait prendre des décisions contraires à ce qu'attend l'opinion ! Une telle disposition remet en cause le principe constitutionnel d'individualisation des peines.
Quant aux amendes forfaitaires, on prétend les appliquer aux usages de stupéfiants, en arguant qu'elles ont déjà été étendues à des contentieux de masse comme les délits routiers. Mais dans le cas des délits routiers, l'absence de permis de conduire ou d'assurance est un fait précis et irréfutable. Dans les autres cas, il y a lieu à débat, et le juge devrait être contraint d'infliger une amende forfaitaire ?
Le même raisonnement vaut pour l'abaissement du seuil d'aménagement des peines.
Vous l'aurez compris, le groupe socialiste et républicain votera contre cette proposition de loi.
Mme Cécile Cukierman. - Ce texte révèle la conception de la justice qui est celle de la droite. Alors que le week-end dernier, on faisait observer la discrétion de son candidat à la présidentielle, il témoigne assez que la droite est bien au travail ! Dès l'exposé des motifs, les termes marqueurs sont là : « lenteur », « laxisme », « l'heure n'est plus à débattre du bien-fondé de ces critiques récurrentes »... Il est toujours bon de débattre pour ne pas tomber dans une vision de la justice populiste et qui satisferait le besoin d'une réponse forte et brutale à la suite de certains actes.
Malgré quelques évolutions proposées par le rapporteur, il est clair que ce texte prépare l'avenir... Car comment comprendre les raisons de son dépôt en fin de session, sauf à imaginer qu'il sera loisible, une fois adopté par le Sénat, de le reprendre rapidement à l'Assemblée nationale en cas de changement de majorité ?
Sur le fond, il en revient, une fois de plus, à l'idée que l'exécution de la peine est nécessaire à la sécurité, parce qu'elle décourage la récidive et fait exemple. Mais on sait bien, et l'histoire le montre, avec la peine de mort, que la sévérité d'une peine n'empêche rien.
Les auteurs considèrent - en témoigne le chapitre 4 - que les condamnés sortent de prison trop rapidement. Je me garderai de commenter l'actualité juridique et je ne fais pas partie de ceux qui revendiquent la prison comme solution à tous les maux. Elle doit rester l'exception, car l'objectif de la peine est avant tout de travailler à la réparation envers la victime et, pour le condamné, à une réinsertion, afin qu'il sorte de la spirale dans laquelle il se trouve, sauf à ne plus croire en notre société. À l'inverse, le type de discours mis ici en avant libère certaines idées sur les peines les plus lourdes - qui ont existé dans notre pays et existent malheureusement encore ailleurs. Pourquoi un jeune de vingt ans impliqué dans un petit trafic, ou une personne plus âgée commettant un délit, devraient se voir automatiquement condamnés à un ou deux ans de prison ? La peine n'est pas un exutoire social, elle demande à être individualisée.
Malgré les aménagements que nous propose le rapporteur, ce texte ne répond pas au besoin de justice, de réparation et de réinsertion. Le groupe communiste, républicain et citoyen votera contre son adoption.
M. Yves Détraigne. - Nous sommes en début d'année et voilà déjà un nouveau texte qui réforme la justice. Et il ne manquera pas d'en venir d'autres, après les élections. J'ai recensé les textes consacrés à la justice depuis une douzaine d'années : nous en sommes à une vingtaine.
Pour bien fonctionner, la justice a besoin de stabilité et de moyens. Or en France elle ne dispose d'aucun des deux. Il n'est pas un chef de cour ou de juridiction qui ne s'en plaigne.
Ce texte est certainement pragmatique, mais je constate que l'on réforme à nouveau certaines dispositions que nous n'avons pas les moyens de rendre effectives. Ne pourrait-on décider d'une trêve afin de laisser la justice retrouver un peu de sérénité ? Il ne suffit pas d'enfiler les textes comme on enfile les perles ! Encore faut-il se donner les moyens de les rendre efficaces !
M. Philippe Bas, président. - Je partage votre souci d'un redressement des moyens de la justice, avec en contrepartie, sans doute, des réformes dans son fonctionnement.
M. Pierre-Yves Collombat. - Notre collègue Détraigne vient de dire l'essentiel. Il ne reste plus qu'à ne pas voter ce texte, ce que je ferai.
À deux mois de l'élection présidentielle, il n'est pas l'heure de lancer un tel débat, au travers d'une proposition de loi ! Sans compter que ce texte se contente de nous resservir de vieilles recettes, sans traiter en rien la question de fond qu'est l'articulation entre l'individualisation des peines et l'effectivité de leur application. Comme vous l'aurez compris, mon groupe ne le votera pas.
M. Jacques Bigot. - Notre commission, sur la proposition de notre président, a décidé de diligenter une mission d'information, dotée des compétences d'une commission d'enquête, sur le redressement de la justice. Nous avons déjà pu mesurer à quel point la justice manque de moyens et combien une réorganisation est nécessaire. Notre rapporteur a d'ailleurs souligné, à juste titre, que nos magistrats ne sont pas laxistes et que nos prisons sont surpeuplées.
Cette mission rendra son rapport au mois de mars, et j'espère que nous arriverons à construire une programmation pluriannuelle avec le prochain gouvernement pour faire en sorte de rendre son efficacité à la justice. Sans cette réorganisation, les magistrats et les greffiers seront bientôt tous atteints de burn out.
Nous étions à Metz la semaine dernière. Les juges des libertés et de la détention du tribunal de grande instance n'y connaissent pas les 35 heures. Ils travaillent le samedi, le dimanche et recommencent le lundi. Et il en va de même des greffiers. Il est clair que l'on ne peut prétendre renforcer l'efficacité de la justice pénale par un texte législatif sans poser la question des moyens.
Monsieur le président, adopter ce texte serait désavouer votre initiative. Nous savons que le problème de l'efficacité de la justice pénale est un problème de chaîne pénale. Le juge des libertés et de la détention n'est pas aujourd'hui un juge organisé, il n'a pas de cabinet. Les prisons sont pleines. On dit que le sursis avec mise à l'épreuve serait une meilleure solution que la contrainte pénale, mais nous n'avons les moyens ni de l'un ni de l'autre. Quels sont les moyens dont disposent les juges de l'application des peines pour contrôler effectivement l'efficacité de cette mise à l'épreuve ?
Il n'est pas sérieux de nous soumettre une proposition de loi, c'est à dire un texte qui n'est pas même assorti d'une étude d'impact, à la veille d'élections mais surtout du dépôt du rapport de notre mission d'information.
M. Jacques Mézard. - Ce n'est effectivement pas la peine de diligenter une mission si l'on n'attend pas ses conclusions pour légiférer. Il est temps de cesser d'utiliser la justice pénale au gré des échéances électorales.
Certaines dispositions de cette proposition de loi me semblent utiles, mais je regrette que son exposé des motifs pointe la « lenteur » et le « laxisme » de la justice. Il faut cesser de faire le procès des magistrats. Tout n'est pas parfait, mais la responsabilité nous en incombe aussi.
Nous entendons depuis des années que la justice manque de moyens. Qu'il manque des magistrats, des greffiers, ou que l'on manque de moyens pour payer les experts. Or, en réponse à cela, nous n'arrêtons pas de produire des textes de loi qui rendent la justice strictement incompréhensible. Ce n'est pas raisonnable, et d'autant moins à la veille de l'élection présidentielle.
Si l'on veut redonner confiance dans la justice, il faut faire un effort de réflexion et de programmation, mais il faut aussi arrêter de tirer à boulets rouges sur cette institution.
L'article 12 pose que « Le corollaire du droit de se taire est l'interdiction de mentir » lit-on dans l'exposé des motifs pour justifier l'article 12. On croit rêver ! Cessons de légiférer de cette manière !
Le laxisme, c'est aussi la déjudiciarisation à tout va.
Je ne voterai pas ce texte, inopportun dans la situation actuelle et dangereux par rapport à l'image que nous donnons de notre travail.
Mme Catherine Tasca. - Nous partageons tous un sentiment d'estime pour les compétences et l'éthique de notre rapporteur. La grande habileté de la majorité sénatoriale a été de lui confier le rapport sur ce texte.
Il demeure toutefois inacceptable, pour les raisons déjà évoquées de calendrier et d'instabilité de nos textes. Je rappelle qu'une réflexion collective a été engagée par Christiane Taubira sur la justice du XXIe siècle. Peut-être pourrions-nous en tirer les enseignements avant de tout remettre à plat ?
J'ajouterai que ce texte vise à répondre de la façon la plus irresponsable à l'état de l'opinion qui, en matière de justice, ne saurait être un guide. Il va au-devant des pires réflexes, qu'il s'agisse de la contestation de l'individualisation des peines ou de l'effectivité de leur application. Aller dans ce sens reviendrait à abdiquer notre responsabilité.
Menons sérieusement le travail entrepris sur le redressement de la justice, mais n'accouchons pas d'un énième texte qui constituerait une marche arrière et reviendrait à effacer ce qui a été adopté avant même les prochaines échéances électorales.
Mme Esther Benbassa. - Je rends hommage au rapporteur que nous estimons tous pour ses compétences et son éthique. Je n'en estime pas moins que la quasi-totalité des mesures de cette proposition de loi constituent des remises en cause des acquis de la gauche : l'insertion, la mise en place de peines alternatives à l'incarcération, la fin des peines planchers.
L'accusation récurrente et démagogique de laxisme à l'encontre de l'autorité judiciaire justifie aux yeux de ses auteurs le dépôt de cette proposition de loi. Aucune mention n'est faite du déficit chronique de moyens dont souffre la justice de notre pays. On peut considérer que la droite ne fait ici que prendre de l'avance sur ce qu'elle fera voter une fois qu'elle sera majoritaire à l'Assemblée nationale.
Le groupe écologiste ne votera pas ce texte.
M. François Grosdidier. - Je ne sais pas si ce texte constitue une marche en avant ou en arrière, mais j'observe qu'à gauche, la marche arrière a déjà été engagée par l'actuel garde des sceaux par rapport à sa prédécesseure... On est heureux d'entendre dire qu'il faut construire des places de prison. Les peines d'emprisonnement ne sont pas ordonnées ou pas appliquées, non pas seulement du fait du laxisme de certains juges, mais parce qu'ils ont des scrupules bien compréhensibles à envoyer des personnes en prison déjà surpeuplées.
Je ne pense pas que la direction empruntée par loi relative à la justice au XXIe siècle soit la bonne. Je vois dans ce texte bien davantage de réponses au problème tel qu'il se pose actuellement, non pas pour répondre à l'émotion de l'opinion, mais à certaines interrogations de la société française, qui doute aujourd'hui de son institution judiciaire.
M. Philippe Bas, président. - Ce texte comporte effectivement des dispositions qui ne pouvaient pas manquer de nourrir un débat politique, car il emporte une conception de la politique pénale bien différente de celle qui a été mise en oeuvre sous l'impulsion de Mme Taubira ; une conception qui a fait l'objet de désaccords francs entre la gauche et la droite.
Le coeur de ce texte est la suppression de la contrainte pénale, le rétablissement de peines planchers que le juge doit prononcer sauf décision spéciale et motivée de sa part, et la remise en cause du caractère automatique des réductions de peines.
On peut comprendre que le débat soit très vif sur ces trois points, mais aucun d'entre eux n'emporte un enjeu de moyens supplémentaires, sauf peut-être pour ce qui concerne la contrainte pénale, dont je rappelle qu'elle a été adoptée, en son temps, sans que l'on se préoccupe en rien de l'assortir des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre.
Même avec une étude d'impact, la loi sur la justice au XXIe siècle ne s'est pas donné les moyens d'assurer la mise en oeuvre des dispositions qu'elle a introduites. Les magistrats continuent d'ailleurs à prononcer massivement des sursis avec mise à l'épreuve et ne sont pas du tout emparés de la contrainte pénale.
Pour apprécier les besoins, il faut entrer dans le vif du sujet : je vous propose d'accorder une attention particulière à chaque fois qu'une disposition pourrait entraîner d'importantes charges nouvelles. On ne peut plus entrer dans des réformes de politique pénale, ou plus largement dans des réformes qui affectent le fonctionnement de nos tribunaux sans faire un préalable de la question des moyens.
Plusieurs d'entre vous ont fait le lien entre ce texte et notre mission d'information sur le redressement de la justice. Ce qui se dégage déjà de l'audition de plus de 150 personnalités du monde judiciaire, c'est précisément la nécessité d'être attentifs à l'inscription du redressement de la justice dans la durée et d'augmenter les capacités de nos prisons, qui avec 58 000 places pour 72 000 détenus, sont saturées. Il y a donc de mon point de vue une grande complémentarité entre les deux exercices.
La question du prétendu laxisme des magistrats a été soulevée. Comme l'a dit notre rapporteur, les magistrats français ne sont pas laxistes. Le sérieux des magistrats n'est pas à démontrer. La question à poser est bien plutôt celle de la répression pénale : est-elle suffisamment sévère ?
Si le Sénat devait prendre un peu d'avance, dans l'éventualité d'une alternance, sur des questions simples de politique pénale, on ne saurait le lui reprocher. Il n'y a d'ailleurs aucun mal à cela. En 2011, j'avais vu la majorité sénatoriale de l'époque multiplier les textes pour préparer l'arrivée au pouvoir de la gauche. Nous n'avions d'ailleurs pas trouvé tous ces textes excellents... Quoi qu'il en soit, l'on ne pourra pas reprocher à la majorité sénatoriale actuelle de vouloir améliorer la situation de la justice pénale.
M. François Pillet, rapporteur. - Monsieur le président, vous avez fort justement rappelé que les juges ne sont pas laxistes.
Dans tous les rapports que j'ai eu l'honneur de présenter devant vous et qui ont touché à l'autorité judiciaire depuis que je suis sénateur, je me suis toujours opposé à toute mesure ayant pour objet de restreindre les pouvoirs de l'autorité judiciaire et des juges. J'avais été particulièrement sévère sur certaines dispositions de la loi Sapin 2, même si je n'ai pas eu beaucoup de succès auprès de l'Assemblée nationale.
Dans tous les amendements que je vais vous proposer, vous verrez que c'est toujours le juge qui décide à la fin, que ce soit des peines planchers, de la révocation du sursis ou de la réduction des peines. Le citoyen pense qu'il faut des peines planchers, une révocation automatique du sursis et pas de crédit automatique de réduction des peines, mais il admet aussi que la justice ne peut pas être automatique : il fait confiance au juge, mais il souhaite comprendre pourquoi ce dernier tranche dans un sens ou l'autre.
Sur l'état de l'opinion, je suis entièrement d'accord avec vous, madame Tasca. L'élu n'est pas celui qui suit mais qui guide l'opinion. C'est pourquoi, par les amendements que je vous proposerai, je vais essayer de faire oeuvre de pédagogie.
EXAMEN DES ARTICLES
M. François Pillet, rapporteur. - Cette proposition de loi vise à donner une force solennelle au prononcé d'une sanction puisque toutes les mesures alternatives aux poursuites devraient être notifiées dans une enceinte de justice par quelqu'un qui soit le plus près possible de l'autorité judiciaire.
Je vous propose toutefois, avec mon amendement COM-9, de supprimer cet article 1er, parce qu'il pose des problèmes financiers et d'organisation importants. Par exemple, pour un simple rappel à la loi, il faudra convoquer la personne au terme de l'enquête, mais il n'est pas certain que cette dernière se présente. De plus, elle sera convoquée devant un délégué du procureur, qu'il faudra rémunérer. Cela augmenterait les frais de justice.
Ce n'est pas satisfaisant, mais je suis très pragmatique. Le parquet, manquant de moyens pour prononcer toutes les mesures alternatives aux poursuites dans l'enceinte judiciaire, pourrait être amené à classer sans suite, ce qui n'est pas forcément une meilleure solution.
Actuellement, seuls les rappels à la loi très simples sont en général notifiés par les enquêteurs. Je propose d'inviter le Gouvernement à rappeler par circulaire à ses procureurs généraux que les mesures alternatives aux poursuites doivent être prises dans une enceinte judiciaire, tout en laissant suffisamment de souplesse pour que l'institution ne se bloque pas, ce qui serait contraire à l'objectif poursuivi.
L'amendement de suppression COM-9 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - Je comprends, là aussi, la volonté des auteurs de cette proposition de loi : quand une mesure alternative aux poursuites n'est pas exécutée, des poursuites sont automatiquement engagées.
Cela poserait toutefois problème : il peut arriver qu'un individu qui fait l'objet d'une mesure alternative aux poursuites n'ait pu y satisfaire pour une cause dont il n'est pas responsable. Quand la mesure n'est pas exécutée du fait du condamné, les procureurs poursuivent déjà.
Par ailleurs, l'adoption d'une mesure automatique risque d'aboutir à ce que les procureurs classent sans suite quand ils ne seront pas en mesure de l'exécuter.
Enfin, je crains que ce point ne heurte le principe constitutionnel de l'opportunité des poursuites.
L'amendement de suppression COM-10 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - La proposition de loi tend à prévoir l'inscription au bulletin n° 1 du casier judiciaire des mesures alternatives aux poursuites et des mesures de transaction pénale dans le but de renforcer l'information des parquets sur les antécédents des auteurs d'infractions.
Cette disposition se heurte toutefois au principe qui veut que le casier judiciaire ne contienne que les décisions de justice. Or les mesures alternatives aux poursuites sont prononcées préalablement à la mise en mouvement de l'action publique.
Par ailleurs, cet ajout n'apporterait pas de plus-value majeure, dès lors que les autorités judiciaires bénéficient, grâce au bureau d'ordre national automatisé des procédures, communément dénommé « Cassiopée », des renseignements qui leur sont nécessaires : y figurent les plaintes, les condamnations, les classements sans suite et, dans la plupart des cas, les mesures alternatives aux poursuites.
En conséquence, le présent amendement propose que l'inscription systématique des mesures alternatives aux poursuites au bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires soit prévue dans la loi.
L'amendement COM-11 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - L'article 4 pose un problème important parce qu'il modifierait l'équilibre du code de procédure pénale dans un sens qui peut, au reste, être parfaitement légitime - je puis vous dire, pour avoir été membre de la commission chargée de travailler à son élaboration, qu'il existe, dans les tiroirs du garde des sceaux, un projet complet de modification de la procédure pénale. Mais on ne peut s'y livrer dans le cadre de cette proposition de loi : si nous adoptons cet article, le procureur de la République pourra solliciter, à l'issue de la garde à vue, des mesures coercitives de placement sous contrôle judiciaire, ce qui nécessiterait une étude d'impact exhaustive.
De surcroît, d'un point de vue constitutionnel, une telle réforme exigerait au préalable une réforme du statut du parquet, autorité poursuivante mais à laquelle échoirait une fraction des pouvoirs du juge d'instruction.
Une telle mesure aurait également pour conséquence d'accroître la charge de travail des officiers de police judiciaire qui devraient mettre en état le dossier de procédure, le transmettre au parquet. Il faudrait également prévoir tous les droits de la défense : l'accès au dossier, les possibilités de solliciter des actes...
Autre point important : c'est oublier la victime, qui ne pourra pas réclamer les actes et participer à la recherche de la manifestation de la vérité.
En revanche, il me paraît possible d'assouplir les saisines actuelles du juge des libertés et de la détention par le procureur de la République, qui, à la fin de l'enquête, peut immédiatement déférer devant le tribunal la personne accusée en comparution immédiate.
À la demande des praticiens, je vous propose d'allonger la durée de la détention provisoire de trois à cinq jours en cas de renvoi par le tribunal correctionnel d'une affaire devant être jugée en comparution immédiate, ce qui permet éventuellement au parquet de terminer quelques investigations, par exemple une enquête de personnalité.
M. Philippe Bas, président. - C'est une solution astucieuse qui permet effectivement d'assurer le maintien de l'individu sous contrôle de la police jusqu'à sa comparution.
M. André Reichardt. - Je ne suis pas favorable à cet amendement.
L'amendement COM-12 est adopté.
Article additionnel après l'article 4
M. André Reichardt. - Mon amendement COM-4 élargit la compétence territoriale des enquêteurs à l'ensemble du territoire national.
À l'heure où l'on parle d'internationalisation de la délinquance, de criminalité organisée et de dispersion des cibles, un enquêteur ne saurait voir sa compétence territoriale limitée au département où il exerce ses fonctions habituelles, ni même aux départements voisins. Cette mesure me semble de bon sens.
M. François Pillet, rapporteur. - Cet amendement a déjà été rejeté par la commission des lois lors de l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé. Il peut parfaitement être discuté dans le cadre d'une réforme générale du code de procédure pénale.
M. André Reichardt. - Il est gênant que l'on me réponde cela à chaque fois car il me semble évident qu'à l'heure de la mondialisation de la criminalité, un enquêteur doit pouvoir mener une enquête globale. Nous devrons bien nous saisir de ce problème.
M. François Pillet, rapporteur. - Il faudrait se prononcer sur les membres de l'autorité judiciaire qui pourraient habiliter ces enquêteurs. Je maintiens que c'est une modification totale de notre code de procédure pénale. Nous pourrons peut-être le revoir un jour, et je le souhaite, mais c'est un travail qui excède largement le cadre de cette proposition de loi.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-13 vise à permettre l'extension du référé-détention aux ordonnances de mise en liberté et aux ordonnances de refus de prolongation d'une mesure de détention provisoire, en prévoyant la possibilité pour le parquet de s'y opposer. En revanche, le référé-détention est inapplicable en l'absence de titre initial de détention.
Cet amendement assure les coordinations nécessaires et prévoit également que, pour les ordonnances autres que celles de mise en liberté, le mandat de dépôt initial conserve sa force exécutoire jusqu'à la décision.
M. Alain Anziani. - Monsieur le rapporteur souligne une véritable difficulté et son amendement est bienvenu.
Toutefois, sur le fond, nous sommes opposés à cet article qui élargit le référé-détention au profit du procureur de la République.
L'amendement COM-13 est adopté.
Articles additionnels après l'article 5
M. André Reichardt. - Mes amendements COM-5 et COM-6 visent à redonner au magistrat la maîtrise du procès dans un souci de célérité de la réponse judiciaire.
L'amendement COM-6 s'inspire de l'article 440 du code de procédure civile et prévoit, en procédure pénale, que « lorsque la juridiction s'estime éclairée, le président fait cesser les plaidoiries ou les observations présentées par les parties pour leur défense ».
Mon amendement COM-7 poursuit un objectif un peu différent. La Cour de cassation ayant établi que tout manquement à la règle de droit est lui-même une cause de nullité de la procédure, avec les conséquences attachées à cette nullité, lesquelles peuvent aller jusqu'à la remise en liberté du détenu, cet amendement a pour objet de redonner son sens au principe selon lequel « il n'y a pas de nullité sans grief ». La juridiction ne pourrait prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour conséquence de porter atteinte à la partie qu'elle concerne.
Je crains toutefois que monsieur le rapporteur ne me fasse la même réponse que pour l'amendement COM-4, car cet amendement a déjà été présenté et rejeté par la commission, mais je lui répondrai à mon tour qu'il faut bien que l'on se préoccupe de ces questions.
M. François Pillet, rapporteur. - L'amendement COM-5 prévoit que les demandes de nullité doivent être déposées trois jours avant la date de l'audience, mais en pratique, qui gérerait les dépôts ? S'il y a un délai limite, cela impose qu'il soit signifié. Cela va générer beaucoup plus de charges pour les magistrats. Actuellement, les nullités sont purgées in limine litis, en début d'audience. Je comprends l'intention, mais l'amendement créerait beaucoup plus de difficultés qu'il n'en réglerait.
J'ajoute que votre disposition fait référence à la notion de temps utile. Mais comment la définir, alors qu'existent des délais fixés par la loi ? Si l'idée est intéressante, elle est loin d'être aboutie.
Je vous demande donc le retrait de cet amendement et à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement COM-6 vise à prévoir que, lors de l'audience correctionnelle, le président peut faire cesser les interventions lorsque la juridiction s'estime éclairée. Je puis vous dire d'expérience qu'il ne s'en prive pas lorsque les plaidoiries ou les réquisitions lui paraissent longues. Pour autant, un système rigide sur ce point pourrait être très mal vécu par les parties civiles et susciter des contentieux. J'ajoute qu'une telle disposition pourrait être jugée contraire au principe constitutionnel d'exercice des droits de la défense. Il faut laisser au président et au tribunal le soin d'apprécier s'il est assez instruit pour juger et demander à l'avocat de se taire.
Je vous demande donc le retrait de cet amendement et, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement COM-7 a déjà été débattu. Sur le fond, la nullité n'a jamais donné lieu, en France, a beaucoup de doctrine. Les nullités en matière fiscale ne sont pas de même nature qu'en matière civile, pénale ou administrative. La Cour de cassation a établi une jurisprudence assez complexe mais très protectrice du justiciable sur ce point. On ne peut pas s'y attaquer sans une analyse approfondie et il ne faut jamais oublier que les règles de procédure ne sont pas des ordalies, mais qu'elles protègent les libertés.
Je vous demande donc également le retrait de cet amendement et à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. Jacques Mézard. - Je suis effaré par le contenu de ces amendements. Il eut été opportun de soulever l'irrecevabilité. Je constate qu'il y a là deux poids deux mesures.
L'amendement COM-5 vise à imposer que l'on dépose une conclusion, lorsqu'on veut soulever une nullité, trois jours avant l'audience. Or, en matière correctionnelle, les plus démunis ne bénéficient de l'assistance d'un avocat que dans les minutes ou les heures qui précèdent l'audience. Ce n'est qu'une observation parmi d'autres.
L'amendement COM-6 rappelle les pires moments dans les pires pays. Imaginez un président qui, animé d'une curieuse conception de la justice, interrompe systématiquement les plaidoiries au bout de quelques minutes. Où va-t-on ? Sur quelle pente sommes-nous ? Certainement pas sur celle des droits des parties civiles et des prévenus... Cette disposition serait de plus totalement inconstitutionnelle.
Quant à l'amendement COM-7, il est fondé sur l'idée que la jurisprudence de la Cour de cassation mérite d'être infléchie en ce qu'elle va contre l'esprit de la loi. Cher collègue, c'est votre droit de le penser, mais je vous en laisse la responsabilité, comme de cet amendement.
M. André Reichardt. - Je ne peux laisser ces arguments sans réponse.
Sur l'amendement COM-6, je suis très étonné d'entendre M. Mézard pousser des cris d'orfraie parce que s'appliquerait en procédure pénale une disposition qui existe déjà en procédure civile. Sans compter, comme le rapporteur vient de l'indiquer, que les présidents ne se privent pas d'interrompre les plaidoiries.
Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle : « Le grief ne peut pas être présumé et doit être démontré en fait et en droit par la partie qui l'invoque » est contra legem, qu'on le veuille ou non.
M. Jacques Bigot. - Interrompre les plaidoiries et les réquisitions à l'audience pénale est tout autre chose qu'à l'audience civile : la procédure civile est une procédure écrite alors que la procédure pénale est orale. Nous ne pourrons en aucun cas vous suivre.
Les amendements COM-5, COM-6 et COM-7 ne sont pas adoptés.
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-14 est en grande partie rédactionnel puisqu'il vise à mettre en cohérence l'article 6 de la proposition de loi avec la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice au XXIe siècle.
Par ailleurs, j'ai pu constater au cours de mes auditions que les magistrats partagent l'objectif de simplification de la procédure pour les petits délits. C'est pourquoi ils m'ont proposé d'étendre le champ de l'ordonnance pénale. C'est ce que prévoit le 1° du présent amendement, qui vise à étendre le champ de l'ordonnance pénale aux infractions initialement prévues par l'article 6 de la proposition de loi.
L'amendement COM-14 est adopté.
Article additionnel après l'article 6
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-15 m'a été suggéré par certaines auditions. Il vise à permettre la condamnation par le tribunal correctionnel à des peines complémentaires privatives ou restrictives de liberté, telles que l'interdiction d'entrer en relation avec la victime ou l'interdiction de séjour dans certains lieux, de manière cumulative à une peine d'emprisonnement.
L'amendement COM-15 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-16 vise à préciser le régime de protection des interprètes prévu par l'article 7. Il supprime la mention des traducteurs, la notion d'interprètes s'appliquant également aux interprètes traducteurs.
Il vise également à mettre en cohérence le dispositif du nouvel article du code de procédure pénale avec l'article 706-62-1 qui vient d'être créé par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre la criminalité organisée, qui prévoit cette identification par numéro au cours du procès.
J'indique à notre collègue André Reichardt que cet amendement doit lui donner satisfaction, puisqu'il en avait soutenu l'idée.
Afin de compléter le dispositif de protection des interprètes, il est également prévu de permettre aux juridictions de jugement d'ordonner le huis clos partiel.
L'amendement COM-16 est adopté.
Articles additionnels après l'article 7
M. André Reichardt. - Mon amendement COM-3 soulèvera sans doute un tollé, mais il ne peut être question de demander aux officiers de police judiciaire de motiver chacun des contrôles d'identité qu'ils opèrent. Cet amendement vise à poser un principe général selon lequel la preuve du caractère discriminatoire d'un contrôle d'identité doit être rapportée par celui qui l'allègue. Il s'agit de renverser la charge de la preuve.
M. François Pillet, rapporteur. - Cet amendement accroît la charge de la preuve pour la victime d'un contrôle d'identité discriminatoire. La Cour de cassation n'a pas été excessive dans son appréciation du contrôle de la discrimination subie, car les victimes ont prouvé l'existence d'une différence de traitement. Il appartenait ensuite à l'administration d'expliquer pourquoi ce traitement était différent. Surtout, le Conseil constitutionnel a rendu hier une décision qui rappelle l'importance des justifications préalables à un contrôle d'identité. Cet amendement serait totalement inconstitutionnel. Retrait, sinon avis défavorable.
M. André Reichardt. - Je retire l'amendement.
L'amendement COM-3 est retiré.
M. André Reichardt. - J'avais déjà déposé l'amendement COM-8 dans le cadre de la discussion du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Son objet est d'éviter qu'un détenu comparaissant libre ne prenne la fuite entre la fin des plaidoiries et le prononcé de la peine, comme cela s'est déjà vu - la presse s'en est largement fait l'écho. Lorsque les circonstances de l'affaire le justifient, le président peut enjoindre au prévenu de ne pas quitter le palais de justice pendant la durée du délibéré. J'indique à notre rapporteur que cette disposition rejoint celle qui a été votée hier en séance sur le projet de loi relatif à la sécurité publique.
M. François Pillet, rapporteur. - Cet amendement, qui permet au tribunal correctionnel de retenir sous la contrainte un prévenu pendant le délibéré, porterait atteinte à la présomption d'innocence, puisque le jugement n'est pas encore prononcé. Que l'on utilise des artifices procéduraux pour faire attendre le prévenu jusqu'à la fin de l'audience pour le délibéré, soit ! Mais le présent amendement s'appliquerait même en cas de délibéré à un mois. Mieux vaut traiter le problème par le biais du mandat de dépôt à l'audience, que j'ai évoqué tout à l'heure. Je souhaiterais donc le retrait de cet amendement, et y serai, à défaut, défavorable.
M. André Reichardt. - Je plaide une nouvelle fois en faveur de cet amendement, qui précise bien « lorsque les circonstances le justifient ». Il est évident que le président ne va rien demander s'il met l'affaire en délibéré à un mois ! Je rappelle, encore une fois, que, le Gouvernement a donné hier son accord à un amendement prévoyant cette possibilité pendant le temps nécessaire à l'information et à la décision de l'officier de police judiciaire.
Peut-on admettre qu'un prévenu quitte la salle d'audience quand il suppute que les conclusions ne seront pas en sa faveur ? La presse s'en fait l'écho, et cela est désastreux pour la justice.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je serais tenté de proposer un sous-amendement prévoyant que le président du tribunal peut demander que l'on entrave le prévenu...
M. Philippe Bas, président. - Serait-ce de l'ironie ?
M. Jacques Mézard. - Ou bien le président pourrait mettre fin à la plaidoirie, comme M. Reichardt le voulait par un précédent amendement, lorsque le prévenu fait mine de quitter la salle ? Arrêtons de vouloir modifier à toute force le code de procédure pénale ! Les magistrats ont des moyens à leur disposition. Ils peuvent placer un prévenu en détention provisoire, ou bien utiliser le mandat de dépôt à l'audience.
Avec cet amendement, on considère que la personne est libre, mais qu'elle n'a pas le droit de sortir du palais de justice. Ce n'est pas raisonnable !
M. Philippe Bas, président. - Cette question est assez complexe. Le présent amendement présente cet intérêt qu'il cherche à porter remède à des situations de désordre bien réelles, quand le prévenu s'éclipse avant le jugement et qu'il faut mobiliser des moyens importants pour le rechercher. Pour autant, je suis sensible aux arguments de M. le rapporteur. Une solution passant par une modification du régime du mandat de dépôt me semblerait plus judicieuse. Mais, au lieu d'arbitrer le débat, je suggère à M. le rapporteur de se rapprocher de l'auteur de l'amendement pour y réfléchir.
M. Jacques Bigot. - Jadis, le magistrat faisait téléphoner aux services de police, s'il prévoyait une mise en détention. Aujourd'hui, la police n'arrive même plus à assurer les escortes, comme notre mission sur le redressement de la justice nous l'a appris ! Ce que vous proposez-là n'est qu'illusion, et confine au populisme.
L'amendement COM-8 n'est pas adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - L'article 8 tend à rétablir les peines planchers, mais il n'est pas totalement identique à la disposition de naguère, puisque sont visées les peines supérieures à cinq ans et que les mineurs ne sont pas concernés. Mon amendement COM-17 est un amendement de coordination.
L'amendement de coordination COM-17 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-18 vise uniquement à supprimer le dernier alinéa de l'article 8, dont les dispositions figurent déjà à l'article 132-20-1 du code pénal.
M. Jacques Bigot. - Dans le cadre de notre mission sur le redressement de la justice, on a beaucoup évoqué les difficultés liées aux faiblesses de l'informatisation, qui ne facilitent pas l'amont du jugement. Et l'on nous parle de motiver la décision de ne pas appliquer la peine plancher ! Je propose d'inscrire directement dans notre rapport à venir la formule à renseigner afin que le magistrat n'ait qu'à appuyer sur un bouton à la case « motif ». Cet article fait fi de ce qu'est la réalité au quotidien de la justice ! Il reste dans le symbole.
L'amendement COM-18 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-19 confirme les assurances que je vous ai données tout à l'heure. Il vise à permettre au juge de faire obstacle, par une décision spéciale et motivée, à une révocation automatique du sursis. L'automatisation des sanctions serait évidemment contraire au principe constitutionnel d'individualisation des peines.
L'amendement COM-19 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - L'article 11 tend à modifier le régime du sursis avec mise à l'épreuve, notamment afin de renforcer les possibilités de révocation du sursis en cas de commission d'une nouvelle infraction.
Mon amendement COM-20 tend à proposer une nouvelle rédaction de cet article, afin de procéder à plusieurs ajustements, pour des raisons tant pratiques que juridiques. Il tend à allonger le délai maximal du délai d'épreuve au cours duquel le sursis peut être révoqué, en le passant de trois à cinq ans, et de cinq à sept ans en cas de récidive - la coexistence de deux délais d'épreuve prévue par l'article manquait peut-être de lisibilité. En outre, il reprend le principe d'une systématisation de la révocation du sursis en cas de nouvelle condamnation, mais restitue au juge la faculté d'y déroger par une décision spéciale et motivée.
L'amendement COM-20 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-21 vise à remplacer la prestation de serment de dire la vérité, méthode anglo-saxonne tout à fait contraire à une décision constitutionnelle du 4 novembre 2016, reprenant l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».
Le Conseil constitutionnel a considéré que faire prêter serment de dire la vérité peut être de nature à laisser croire à la personne qu'elle ne dispose pas du droit de se taire ou de nature à contredire l'information qu'elle a reçue concernant ce droit. En conséquence, l'audition sous serment d'une personne suspectée encourt la nullité, en dépit de doctrines divergentes à ce sujet. En revanche, pour respecter l'esprit de la proposition de loi, il est légitime que le magistrat informe le prévenu des sanctions pénales encourues en cas de déclaration mensongère.
M. Philippe Bas, président. - C'est toute la question du mensonge par omission !
L'amendement COM-21 est adopté.
Article additionnel après l'article 12
M. François Pillet, rapporteur. - L'amendement COM-22 vise à corriger une inconstitutionnalité censurée par la décision du Conseil constitutionnel dans la loi Sapin 2, au motif que le législateur n'avait pas suffisamment défini les éléments constitutifs de l'infraction de dénonciation calomnieuse prononcée à l'encontre d'un lanceur d'alerte jugé de mauvaise foi.
L'amendement COM-22 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - L'article 13 vise à supprimer l'assimilation de l'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) à la détention provisoire pour son imputation sur la durée d'une peine privative de liberté.
Cette mesure affaiblirait le dispositif de l'ARSE, dont la mise en oeuvre requiert l'accord préalable de la personne mise en examen. Par ailleurs, il semble peu cohérent d'introduire un écart entre cette mesure et le placement sous surveillance électronique lorsqu'il est utilisé comme une modalité d'aménagement des peines d'emprisonnement. Enfin, cette disposition pourrait être jugée contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui assimile l'assignation à résidence sous surveillance électronique aux autres peines privatives de liberté.
Je vous propose donc, par mon amendement COM-23, de supprimer l'article 13.
M. Philippe Bas, président. - Cette disposition s'impose. Le placement sous surveillance électronique est une modalité d'exécution de la peine : il est difficile de dire qu'il ne s'impute pas sur elle.
M. Jacques Bigot. - Cette suppression parait sage. Néanmoins, l'article 13 de la proposition de loi est révélateur de l'idée que se font ses auteurs de la notion de détention provisoire, beaucoup trop prononcée en France par rapport aux autres pays européens et à l'origine de l'encombrement de nos maisons d'arrêt. La détention provisoire se justifie par le besoin d'assurer l'ordre public, de garantir la présentation du prévenu à l'audience et de réaliser des enquêtes sans interférence de sa part. Or, l'assignation à résidence sous surveillance électronique pourrait y répondre. D'ailleurs, les juges tiennent compte de cette assignation pour prononcer la sanction.
L'amendement de suppression COM-23 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-24, de pur esthétisme législatif, vise à soustraire l'application du critère relatif à la conservation des preuves pour le maintien en détention provisoire à l'issue de la phase d'instruction.
L'amendement COM-24 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - Substituer la lecture d'extraits de la décision de renvoi par, comme le veut cet article, la présentation par le président de la cour d'assises, à l'ouverture des débats, d'un résumé concis des faits reprochés à l'accusé ainsi que des éléments à charge et à décharge, ne paraît pas opportun. Par ailleurs, la distribution d'extraits de la décision judiciaire en version papier poserait problème. En particulier, la défense n'aurait pas accès aux documents délivrés aux jurés.
Je vous propose donc, par mon amendement COM-25, de laisser à la libre appréciation du président de la cour d'assises la possibilité de remettre aux assesseurs et aux jurés une version papier du résumé concis dont il donne lecture. Les jurés ne sont pas toujours familiers du langage juridique, et c'est d'ailleurs tout l'intérêt de l'oralité des débats. N'introduisons pas de l'écrit sans précautions. Tel est le sens de ce que je vous propose.
M. Jacques Mézard. - La procédure devant une cour d'assises est orale et le dossier n'est pas diffusé aux jurés. Modifier ce système ne serait pas une avancée, à moins d'opérer une vraie réforme de la cour d'assises, ce qui serait très délicat du fait de l'attachement de nos concitoyens à la présence des jurés - je suis personnellement plus réservé. En outre, ces modifications ne sont pas demandées par les magistrats.
M. François Pillet, rapporteur. - Ce dispositif est souple, et le document écrit devra correspondre exactement aux propos du président de la cour d'assises. En pratique, celui-ci fait déjà usage de cette possibilité en vertu de son pouvoir discrétionnaire.
L'amendement COM-25 est adopté.
Article 16
L'amendement de précision COM-26 est adopté.
Article additionnel après l'article 16
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-27 vise à permettre le jugement des accusés majeurs des crimes de meurtre en bande organisée par la cour d'assises spécialement composée de magistrats professionnels, d'ores et déjà compétente pour les trafics de stupéfiants en bande organisée. Après vérification, la charge de cette cour d'assises n'en sera pas notablement alourdie.
L'amendement COM-27 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - L'article 17 limite les possibilités de confusion de peines commises en concours, en ajoutant une nouvelle condition à son prononcé : l'identité des infractions. Mon amendement COM-28 vise à conforter cette disposition, mais introduit une possibilité pour la juridiction statuant sur une confusion de peine d'y déroger, conformément au principe d'individualisation de la réponse pénale.
L'amendement COM-28 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-29 tend à prévoir une nouvelle rédaction de l'article 18 afin de le rendre conforme aux principes constitutionnels et fondamentaux applicables en matière de droit pénal. Dans sa rédaction actuelle, l'article 18 pourrait être jugé contraire aux principes à valeur constitutionnelle d'opportunité des poursuites et d'individualisation des peines, et il remettrait en cause le principe d'autorité de la chose jugée.
Il s'agit de prévoir que l'état de récidive légale est relevé par le ministère public, sous réserve du principe d'opportunité des poursuites, dans l'acte de poursuite et au stade du jugement, ainsi que, d'office, par la juridiction de jugement, sauf en cas de décision spéciale et motivée de cette dernière. En toute hypothèse, la personne poursuivie doit être entendue.
L'amendement COM-29 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - Actuellement, il existe un tribunal de l'application des peines par cour d'appel. Cet article, en prévoyant au moins un tribunal de l'application des peines dans le ressort de chaque tribunal de grande instance, aurait pour conséquence une forte augmentation du nombre des tribunaux de l'application des peines.
M. Philippe Bas, président. - Sans compter qu'il n'existe pas de prison dans le ressort de chaque tribunal visé par la mesure !
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-30 a pour objet de supprimer l'augmentation du nombre de tribunaux de l'application des peines. Il vise également à clarifier la répartition des compétences entre le juge de l'application des peines et le tribunal de l'application des peines, en vue de transférer certaines décisions au second.
En sus du critère de la détention restant à subir, je vous propose de poser le critère de la peine privative de liberté prononcée par la juridiction de jugement pour l'ensemble des mesures d'aménagement des peines. Au-delà de dix ans d'emprisonnement, le tribunal de l'application des peines serait compétent.
L'amendement COM-30 est adopté.
Article additionnel après l'article 19
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-31 tend à rétablir la surveillance électronique de fin de peine (SEFIP), abrogée par l'article 46 de la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines, et ce pour éviter les sorties sèches, qui favorisent la récidive. Nous proposons néanmoins des aménagements pour tenir compte des critiques émises à l'encontre de la SEFIP : la mesure ne serait pas automatique, mais prononcée seulement à la demande de la personne condamnée ; le rôle du juge de l'application des peines est renforcé ; enfin, la fixation par le procureur de la République de mesures de contrôle et d'obligations ne serait plus facultative.
L'amendement COM-31 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - L'amendement COM-32 vise à préciser la rédaction de l'article 20 qui supprime les crédits automatiques de réduction de peine. Cette mesure n'est comprise ni par nos concitoyens ni par les jurés, et n'est parfois pas admise par les magistrats. Seule une décision spécialement motivée du juge de l'application des peines permettra d'y déroger. Cet amendement supprime en outre l'exigence de motivation des demandes des condamnés, peu protectrice des droits de la personne.
L'amendement COM-32 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-33 prévoit les coordinations avec la suppression de la contrainte pénale, mesure peu considérée par les magistrats qui privilégient le sursis avec mise à l'épreuve.
L'amendement COM-33 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - L'article 22 vise à prévoir l'encadrement des délégués bénévoles à la probation par les services pénitentiaires de l'insertion et de la probation dans l'exercice de leurs missions. Mon amendement COM-33 conserve l'esprit d'origine du dispositif, mais en modifie la rédaction pour assurer une cohérence de la mission du service public de l'insertion et de la probation.
L'amendement COM-34 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-35 vise à renvoyer au pouvoir réglementaire la détermination des types d'établissements pour peines.
L'amendement COM-35 est adopté.
Article additionnel après l'article 24
M. André Reichardt. - La presse s'est récemment fait l'écho de l'indemnisation dont avait bénéficié une personne soupçonnée de terrorisme en réparation de la détention provisoire subie. Un magistrat honoraire de renom s'en était lui-même publiquement offusqué. Mon amendement COM-2 vise à remédier à de telles situations.
M. François Pillet, rapporteur. - Cet amendement tend à créer deux nouvelles exceptions au principe de réparation intégrale du dommage causé par une détention provisoire. Il exclut le droit à réparation lorsque la décision de non-lieu a été prononcée au bénéfice du doute. Il en sera de même lorsque l'information au cours de laquelle la détention provisoire a été ordonnée a fait l'objet d'une annulation et qu'une enquête ou information judiciaire a été ouverte pour les mêmes faits.
Je suis défavorable à la première exception, et serais donc prêt à émettre un avis favorable à votre amendement sous réserve de la suppression de quelques mots du premier alinéa, du 1°, ainsi que du paragraphe II.
M. André Reichardt. - J'accepte la rectification.
L'amendement COM-2 rectifié est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - La lutte antiterroriste s'articule principalement autour d'une infraction, l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, infraction-obstacle qui permet de sanctionner la préparation d'actes de terrorisme avant même le passage à l'acte. Les auteurs d'actes terroristes sont, eux, punis par l'article 421-1 du code pénal à la réclusion à perpétuité.
L'article 25 vise à augmenter les peines encourues pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste dans sa dimension délictuelle. Si l'intention est bonne, elle présente un effet pervers, car toutes ces infractions relèveraient désormais de la compétence de la cour d'assises spéciale, ce qui paraît irréalisable et inutile. Seraient intégrés les groupements identitaires, les groupements anarchistes ou autres, qui se verraient immédiatement renvoyés en cour d'assises, alors que les faits commis peuvent être réprimés par un tribunal correctionnel.
Le président de la commission des lois avait déjà proposé cette solution par le biais d'une proposition de loi, en décembre 2015. Néanmoins, après des auditions approfondies et sur proposition de son rapporteur, Michel Mercier, la commission avait préféré renforcer les peines criminelles, tout en gardant une base légale correctionnelle. Ce travail a porté ces fruits puisque, depuis la loi du 3 juin 2016, l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, dans sa dimension criminelle, est punie de trente ans d'emprisonnement. Cette peine s'applique aux sympathisants de Daesh qui souhaitent rejoindre ses rangs ou reviennent de Syrie, sans avoir commis aucun attentat.
En conséquence, l'amendement COM-36 vise à maintenir un fondement légal délictuel à l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.
L'amendement COM-36 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-44 vise à inscrire le crime d'intelligence avec l'ennemi, actuellement inscrit au chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code pénal, dans le chapitre II, consacré aux infractions terroristes. En effet, le chapitre Ier, que l'article 26 de la proposition de loi tendait à modifier, décrit des infractions contre les intérêts fondamentaux de la nation qui sont exclues du champ des infractions terroristes.
M. Philippe Bas, président. - Ce texte s'inspire de dispositions relatives au crime d'entretien d'intelligences avec l'ennemi qui relèvent d'une procédure applicable en matière d'infractions militaires. Il s'agit ici de transposer cette procédure pour poursuivre des individus qui ont fait allégeance à l'État islamique. Merci à notre rapporteur de sa réactivité, qui vous a permis de trouver une solution pragmatique.
L'amendement COM-44 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement COM-38 vise à étendre la liste des éléments matériels possibles pour constituer un délit d'entreprise individuelle terroriste à la provocation et à l'apologie d'actes de terrorisme. Il ne s'agit que d'une précision, étant entendu que tous les acteurs concernés nous ont indiqué qu'ils disposaient désormais d'un filet quasiment parfait pour accomplir leur mission.
L'amendement COM-38 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - L'amendement COM-39 vise à clarifier l'article 222-22-1 du code pénal, afin de ne plus exiger cumulativement une différence d'âge et une autorité de fait ou de droit et de préciser que cette interprétation s'applique à toutes les contraintes visées dans le livre II du code pénal.
Cet amendement vise également à supprimer la modification relative à la qualification d'atteinte sexuelle, en ce qu'elle fixe un seuil rigide d'application du délit d'agression sexuelle en fonction de l'âge de la victime. Une telle modification apparaît contre-productive depuis l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 7 décembre 2005, qui déduit la caractérisation de la contrainte du fait de l'âge, mais également de la maturité de l'enfant. En fixant l'âge à dix ans, on empêchera les magistrats d'apprécier in concreto la maturité des mineurs. En outre, cette modification fait référence à la notion de relation sexuelle, beaucoup plus restrictive que la notion d'atteinte sexuelle. Enfin, au regard de la jurisprudence constitutionnelle, il ne peut exister aucune présomption irréfragable de culpabilité en droit pénal.
L'amendement COM-39 est adopté.
Article 30
L'amendement rédactionnel COM-40 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - L'article 31 étend l'accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire à toute personne morale de droit public ou privé qui exerce une activité en contact avec les mineurs. L'objectif est louable, mais une telle extension soulève plusieurs difficultés au regard de la protection des données à caractère personnel.
C'est pourquoi je vous propose, au travers de l'amendement COM-41, une nouvelle rédaction de cet article, afin de ne viser que les entités publiques ou privées qui agissent sous le contrôle d'autorités publiques. En outre, ne pourraient être communiqués que les casiers judiciaires vierges ; l'administration de tutelle devrait simplement signaler à l'employeur l'existence d'une condamnation pour infraction sur mineur. Enfin, il serait nécessaire de mentionner explicitement les raisons justifiant la délivrance d'un extrait de casier judiciaire.
Mme Catherine Troendlé. - Qu'en est-il des crèches privées ?
M. François Pillet, rapporteur. - Elles sont concernées, car elles sont habilitées à exercer une mission de service public.
L'amendement COM-41 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur. - La proposition de loi n'entraîne aucune perte de recettes pour l'État. Mon amendement COM-42 tend donc à supprimer l'article 32, dont l'objet était de gager les pertes de recettes.
L'amendement de suppression COM-42.
Article additionnel après l'article 32
M. François Pillet, rapporteur. - L'amendement COM-43 tend à prévoir l'application outre-mer de la proposition de loi.
L'amendement COM-43 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission des lois est retracé dans le tableau suivant :
Proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques - Examen du rapport et du texte de la commission
Enfin, la commission examine le rapport de M. Alain Vasselle et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 231 (2016-2017), présentée par M. Alain Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain, tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques (procédure accélérée).
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Nous examinons ce matin une proposition de loi déposée le 15 décembre 2016 par notre collègue Alain Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain. Elle reprend des dispositions identiques introduites par l'Assemblée nationale sous forme d'amendement lors de l'examen en première lecture de la loi dite « Sapin 2 ». En première lecture, notre commission les avait supprimées, puis avait déclaré irrecevable un amendement tendant à les rétablir au motif qu'elles étaient dépourvues de lien avec le projet de loi initial. Le Conseil constitutionnel lui a donné raison en censurant l'article comme un « cavalier législatif » en application de l'article 45 de la Constitution.
L'auteur du texte pourra mieux en expliquer la genèse, mais il n'échappera à personne qu'il est en réaction à des soupçons sur des financements étrangers d'un parti politique français d'extrême droite.
Avec cette proposition de loi, nous disposons de conditions plus favorables pour examiner ces dispositions, notamment de temps, ce qui est d'autant plus souhaitable que, lors de leur examen dans le cadre du projet de loi « Sapin 2 », un débat sur leur constitutionnalité avait surgi. Le rapporteur de l'Assemblée nationale avait fait état de ses doutes, comme l'auteur de l'amendement, et le Gouvernement s'était gardé d'émettre tout avis.
Reprenant une proposition de notre collègue député Romain Colas formulée en juillet 2015 dans un rapport d'information de la commission des finances de l'Assemblée nationale, cette proposition de loi prévoit deux séries d'obligations : l'une qui est relative aux partis et groupements politiques, l'autre aux candidats à certaines élections politiques. Si elles résultent de la même philosophie, je les distingue, car le cadre constitutionnel relatif aux partis ou groupements politiques est plus contraignant pour le législateur. L'article 4 de la Constitution prévoit en effet que les partis et groupements politiques « se forment et exercent leur activité librement », sans que soit évoqué, à la différence des collectivités territoriales, l'encadrement de cette activité par la loi. La jurisprudence constitutionnelle sur le sujet est extrêmement réduite, rendant d'autant plus délicat de cerner les limites constitutionnelles au libre exercice de leurs activités par les partis politiques.
L'article 1er de la proposition de loi prévoit la publication par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), pour les candidats qui sont tenus d'établir un compte de campagne, des informations relatives aux emprunts qu'ils ont éventuellement souscrits : catégories de prêteurs, types de prêts, « pays d'origine des prêteurs » et, pour les personnes morales, leur identité. La CNCCFP dispose déjà de ces informations à travers l'annexe n° 3 au compte de campagne déposé auprès de la CNCCFP. L'article 1er de la proposition de loi rend ainsi systématique une publicité qui n'était, pour l'instant, que sur demande d'un tiers.
L'article 2 de la proposition de la loi est plus substantiel. Actuellement, les partis et groupements politiques qui bénéficient des aides publiques ou de dons ont l'obligation de tenir une comptabilité, d'arrêter leurs comptes chaque année, de les faire certifier par deux commissaires aux comptes puis de les adresser au cours du semestre de l'année suivante à la CCNCFP. Ce texte prévoit que, en annexe de leurs comptes, les partis ou groupements politiques précisent désormais les mêmes informations que les candidats, lesquelles seraient à leur tour rendues publiques par la CNCCFP. Les partis politiques devraient également transmettre des informations sur les flux financiers qu'ils entretiennent avec d'autres partis politiques dont seuls les montants seraient publiés. Je reviendrai sur ce point particulier à travers un amendement pour engager un débat, car cette information me semble plus fragile que les autres sur le plan des principes et de la constitutionnalité.
De manière plus globale, les représentants du ministère de l'intérieur, comme ceux de la CNCCFP, ont marqué leur accord avec ce texte. La CNCCFP a toutefois relevé que le traitement des informations des comptes de campagne en vue de leur publication engendrerait un surcroît de travail pour ses équipes, sans être capable à ce stade d'évaluer ce coût humain.
Sur le plan constitutionnel, les craintes initiales semblent avoir été levées, notamment pour la protection du droit au respect de la vie privée. En effet, les informations relatives aux personnes physiques prêteurs ne seraient pas rendues publiques, ce qui, au regard de la jurisprudence constitutionnelle récente, paraît sage.
Comme rapporteur, j'ai souhaité apporter quelques compléments utiles à ce texte si la commission en approuve le principe. Je vous proposerai deux amendements rédactionnels, ainsi qu'un amendement prévoyant l'application outre-mer de ce texte ainsi que des dispositions d'application différée dans le temps. Je vous propose que les modifications proposées soient rendues applicables uniquement aux élections organisées à partir du 1er janvier 2018, et aux comptes des partis et groupements politiques à compter de ceux arrêtés pour l'année 2018 et déposés au premier semestre 2019 auprès de la CNCCFP.
À défaut de ces dispositions transitoires, ces obligations s'appliqueraient dès leur entrée en vigueur, ce qui voudrait dire, au mépris de la sécurité juridique, à des campagnes électorales ou des exercices comptables en cours.
M. Philippe Bas, président. - Merci de nous avoir éclairés, avec concision et efficacité.
M.
Alain Anziani, auteur de la proposition de
loi. - Je remercie M. le rapporteur de l'attention dont il a
fait preuve sur ce texte, qui trouve son origine dans les
révélations de la presse concernant la souscription d'un emprunt
russe par le Front national
- ce qui n'est pas interdit.
Après avoir contesté ce fait, ce dernier a fini par le reconnaître. Mais qu'en est-il de la transparence des emprunts ? Cette disposition s'est invitée dans le débat par la voie d'un amendement à l'Assemblée nationale, auquel l'article 45 de la Constitution a été opposé et retenu par le Conseil constitutionnel. Je vous soumets à nouveau cette idée de transparence en matière d'emprunts souscrits par des partis et groupements politiques.
En réalité, ce texte en appelle un autre, de nature organique, qui traitera de l'élection présidentielle.
Se pose, il est vrai, une question constitutionnelle, que je remercie notre rapporteur d'avoir abordée. L'article 4 de la Constitution sur le fonctionnement des partis politiques permet-il la publication des flux financiers qui peuvent exister entre deux partis ou entre un parti et un candidat ? À mon sens, rien ne s'y oppose, en vertu d'un principe plus général, celui de la transparence, et des règles de financement des partis politiques. En outre, la publication évitera toute diffusion d'informations confidentielles ou personnelles. Ces raisons devraient lever les inquiétudes constitutionnelles.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement rédactionnel COM-17 est adopté.
Article 2
L'amendement rédactionnel COM-18 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - L'article 2 prévoit la transmission, par les partis ou groupements politiques, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements publics (CNCCFP), d'informations relatives aux prêts consentis ou souscrits par eux. Il intègre les flux financiers entre partis politiques et entre partis politiques et candidats.
Mon amendement COM-19 permet de soulever la question de la conformité de cette disposition au regard de l'article 4 de la Constitution. Cette précision ne paraît pas utile dans la mesure où les partis sont tenus de communiquer leurs comptes et les prêts qu'ils ont souscrits. Je m'en étais entretenu avec l'auteur de la proposition de loi. Peut-être souhaite-t-il que je le retire pour que nous puissions débattre de nouveau de cette question en séance.
M. Alain Anziani. - Je souhaiterais effectivement que nous débattions en séance de la publicité des flux financiers entre partis politiques et entre partis politiques et candidats.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Je retire cet amendement.
L'amendement COM-19 est retiré.
Articles additionnels après l'article 2
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Mon amendement COM-20 tend à assurer l'application différée des modifications introduites par la proposition de loi en les rendant applicables aux élections à partir du 1er janvier 2018 et aux comptes établis au titre de l'année 2018. Il assure également l'application de ce texte dans les collectivités qui sont régies par le principe de spécialité législative, c'est-à-dire la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna.
L'amendement COM-20 est adopté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Les seize amendements déposés par M. Grand sont en lien avec le texte en discussion, puisqu'ils portent sur les règles de financement des campagnes électorales. Ils reprennent pour l'essentiel des recommandations de la CNCCFP.
Certains apportent des simplifications bienvenues ou corrigent des malfaçons législatives. D'autres sont plus substantiels et méritent une réflexion plus approfondie, en lien avec le ministère de l'intérieur et la CNCCFP.
Pour ces raisons, je vous propose, à ce stade, de ne pas adopter ces amendements, en dépit de leur intérêt de prime abord. J'inviterai notre collègue à les redéposer en séance afin que nous puissions avoir un débat approfondi sur le sujet.
Les amendements COM-1, COM-2, COM-3, COM-4, COM-5, COM-6, COM-7, COM-8, COM-9, COM-10, COM-11, COM-12, COM-13, COM-14 et COM-15 ne sont pas adoptés.
Intitulé de la proposition de loi
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Par exception à cette règle, je vous proposerai d'adopter le seul amendement COM-16, qui complète utilement l'intitulé de la proposition de loi. En effet, ses auteurs n'ont mentionné que les obligations comptables des partis politiques et non celles des candidats, alors qu'ils sont concernés par l'article 1er du texte.
L'amendement COM-16 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 12 h 30