Mercredi 21 décembre 2016
- Présidence de M. Rémy Pointereau, vice-président -Proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique - Examen du rapport et du texte de la commission
La réunion est ouverte à 9h30.
M. Rémy Pointereau, président. - Je vous prie d'excuser le président Maurey, pris ce matin par d'autres obligations.
Nous examinons une proposition de loi de nos collègues députés portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique. Nous avons désigné Michel Vaspart pour en être le rapporteur. La commission des lois s'est saisie pour avis de cette proposition de loi et son rapporteur, le président Philippe Bas, a présenté son rapport hier à sa commission. Nos deux rapporteurs ont travaillé en parfaite intelligence et M. Bas, retenu par sa commission, m'a demandé de l'excuser pour son absence ce matin.
Je tiens à remercier Michel Vaspart d'avoir travaillé dans des délais extrêmement restreints. Cette proposition de loi sera examinée en séance le 11 janvier dans l'espace réservé au groupe socialiste.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - C'est un doux euphémisme de dire que j'ai eu peu de temps pour travailler.
Il me revient de vous présenter cette proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique et je vous remercie de cette marque de confiance. Ce texte marque une nouvelle étape en matière de gestion du trait de côte dans notre pays.
Pour rappel, le trait de côte symbolise la limite entre la terre et la mer. Sa longueur est d'environ 5 800 kilomètres en France métropolitaine, 4 500 kilomètres en Polynésie, 3 300 kilomètres en Nouvelle-Calédonie, 1 380 kilomètres pour les Antilles et la Guyane, et 460 kilomètres pour La Réunion. Le trait de côte est loin d'être un trait fixe. Son profil évolue au gré des aléas naturels dus à la proximité de la mer, que sont les submersions marines et l'érosion côtière.
Les submersions marines sont des inondations temporaires de la zone côtière par les eaux marines. Leur origine est liée à une élévation temporaire du niveau de la mer et à son état d'agitation. L'érosion des côtes est un phénomène permanent que l'on observe partout dans le monde. En France, près d'un quart du littoral, soit 1 720 km, s'érode et il s'agit aux deux tiers de côtes sableuses.
Ces deux aléas, submersions marines et érosion côtière, sont amplifiés par le changement climatique, qui entraîne une élévation du niveau moyen des océans. Deux phénomènes se conjuguent : d'une part, l'augmentation de la température moyenne des océans entraîne une dilatation des masses d'eau concernées ; d'autre part, la hausse de la température sur les terres émergées provoque une augmentation des apports d'eau douce dans les océans, principalement du fait de la fonte des glaciers de montagne et des calottes glaciaires dans les zones polaires.
Aujourd'hui, en dépit des incertitudes sur l'ampleur et le rythme de ce phénomène, toutes les prévisions s'accordent à dire que l'élévation du niveau moyen des eaux devrait atteindre, à l'horizon 2100, la fourchette de 0,2 à 0,6 mètre, sous réserve d'une accélération de la fonte des glaces dans les régions polaires. Ainsi, le cinquième et dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), publié en 2013-2014, estime que l'élévation probable du niveau moyen de la mer entre 1986-2005 et 2081-2100 sera comprise entre 26 et 82 centimètres, avec une forte variabilité géographique.
Cette élévation aura des conséquences sur les risques de submersion et d'érosion du littoral, en métropole comme en outre-mer. Certes, la France n'est pas dans la situation des Pays-Bas, pour lesquels un relèvement mineur du niveau de la mer peut entraîner la disparition d'une part conséquente de son territoire. Néanmoins, dans certaines de nos régions, les conséquences de la montée des eaux et des risques associés sont vitales.
Ainsi, la politique de gestion du trait de côte a progressivement évolué au cours des dernières années. L'approche historique consistait à tenter de maîtriser la nature par la construction d'ouvrages de défense contre la mer tels que digues et brise-lames : ces ouvrages, qui recouvrent 20 % du linéaire côtier, sont coûteux et souvent peu efficaces, voire contre-productifs en aggravant l'érosion à long terme. Depuis les années 1990, on est progressivement passé à une approche plus environnementale, qui tente de gérer les causes de l'érosion plutôt que ses effets, en privilégiant l'anticipation : rechargement ou drainage de plages, accompagnement de la mobilité des dunes.
En 2009, le Grenelle de la Mer a recommandé que la France se dote d'une stratégie nationale et d'une méthodologie de gestion du trait de côte, du recul stratégique et de la défense contre la mer. Un groupe de travail présidé par Alain Cousin, député de la Manche, et composé de cinq collèges (État, collectivités territoriales, organisations non gouvernementales, syndicats, professionnels) a été mis en place en décembre 2010. Ce groupe a remis son rapport le 2 novembre 2011 et la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte a été adoptée par le ministre en charge de l'environnement le 2 mars 2012.
Cette stratégie constitue une feuille de route qui engage l'État et les collectivités dans une démarche de connaissance et de stratégies locales partagées afin de prendre en compte l'érosion côtière dans les politiques publiques. Elle fixe des principes communs et des recommandations stratégiques de gestion intégrée du trait de côte. Elle est mise en oeuvre à travers un premier plan d'actions 2012-2015 qui se décline en quatre axes et neuf actions. Elle est notamment à l'origine de l'appel à projets sur la relocalisation des activités lancé en 2012 dans cinq territoires fortement menacés par les risques littoraux.
Depuis le 22 janvier 2015, la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte fait l'objet d'un suivi par un comité national présidé par deux députées, Pascale Got, députée de Gironde, et Chantal Berthelot, députée de Guyane, qui sont également co-auteures de cette proposition de loi, dont Pascale Got est la rapporteure à l'Assemblée.
Le 18 octobre 2015, le comité national de suivi a remis à la ministre Ségolène Royal un rapport contenant « 40 mesures pour l'adaptation des territoires littoraux au changement climatique et à la gestion intégrée du trait de côte », réparties en deux volets. Le premier, revenant à Chantal Berthelot, porte sur l'amélioration de la connaissance de l'évolution du phénomène d'érosion et les dynamiques hydro-sédimentaires. Ce volet s'est en partie traduit dans la loi Biodiversité du 8 août 2016 et a fait l'objet d'actions prioritaires. Elles ont abouti à l'élaboration de la première cartographie nationale de l'évolution du trait de côte - une seconde carte, enrichie de données plus récentes, sera bientôt publiée - et à la mise en place progressive d'un réseau national des observatoires du trait de côte, qui affinera la connaissance des données relatives à l'aléa. Le second volet, confié à Pascale Got, a pour but de faciliter l'élaboration de stratégies territoriales de gestion intégrée du trait de côte, sur la base d'outils de planification et d'aménagement du territoire adaptés pour anticiper au mieux son évolution. Les travaux ont porté sur le recensement des bonnes pratiques et des difficultés en matière de gestion du trait de côte par les collectivités, en s'inspirant notamment des expérimentations conduites en matière de relocalisation des activités. Cette proposition de loi est le fruit de ce second volet. Elle met en place un cadre juridique et des outils d'aménagement du territoire qui prennent en compte la temporalité propre au phénomène de recul de trait de côte.
Le chapitre Ier, composé d'un article unique, fixe un cadre juridique aux politiques publiques d'anticipation et d'adaptation du littoral au changement climatique. L'article premier consacre ainsi l'existence d'une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, révisée tous les six ans. Cette stratégie sera déclinée dans les stratégies territoriales élaborées par les collectivités compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), dans une logique de gestion globale des risques liés à l'érosion côtière, à la submersion marine et à l'élévation du niveau de la mer. En d'autres termes, la gestion du trait de côte repose sur une responsabilité partagée entre l'État et les collectivités territoriales.
Le chapitre II, qui comprend les articles 2 à 8 bis, vise à mieux identifier les risques liés au recul du trait de côte dans les politiques d'aménagement et à apporter une meilleure information dans les documents d'urbanisme ou contractuels.
L'article 2 propose une définition du recul du trait de côte en droit positif, en consacrant explicitement les notions d'érosion et d'élévation du niveau de la mer. Il convient de remarquer que cette définition ne distingue pas l'origine anthropique ou naturelle du phénomène, mais couvre bien les différentes variantes géologiques (côtes sableuses ou falaises).
L'article 2 bis, introduit par les députés, établit un mécanisme spécifique d'indemnisation des copropriétaires de l'immeuble « Le Signal » à Soulac-sur-Mer, en Gironde. Cet immeuble de quatre étages et 78 logements a été construit en 1967 et se situait à l'époque à 200 mètres du rivage. En raison d'un recul continu du trait de côte, il se trouve aujourd'hui au bord d'une dune sableuse qui menace de s'effondrer, à seulement 20 mètres de l'eau. À l'hiver 2014, le préfet a signé un arrêté de péril imminent, qui a conduit à évacuer l'immeuble, sans pour autant qu'un arrêté d'expropriation ne soit pris, ce qui a conduit à une situation juridique complexe. L'affaire est actuellement pendante devant le Conseil d'État, et cet article ouvre le bénéficie du fonds de prévention des risques naturels majeurs - le fonds Barnier - aux copropriétaires de l'immeuble, en plafonnant l'indemnisation à 75 % de la valeur du bien estimée sans prendre en compte le risque.
L'article 3 crée un zonage spécifique favorisant des opérations d'aménagement adapté à la temporalité du recul du trait de côte, susceptible de s'étendre de vingt à cent ans. Il distingue, d'une part, des zones d'activité résiliente et temporaire (ZART) au sein desquelles des constructions, des aménagements et des exploitations pourront être implantés, utilisés et déplacés en fonction du risque, et d'autre part, des zones de mobilité du trait de côte sur lesquelles toute construction, ouvrage ou aménagement sera interdite, à l'exception des ouvrages de défense contre la mer, afin de permettre aux écosystèmes côtiers de s'adapter.
Ces deux nouveaux types de zones seront délimités dans le cadre des plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) prescrits par les préfets, dont elles complètent l'arsenal juridique. À l'heure actuelle, les PPRN peuvent définir des zones de précaution (zones bleues), qui ne sont pas directement exposées aux risques, ainsi que des zones de danger (zones rouges), dans lesquelles les constructions et aménagements peuvent être interdits, mais ces deux instruments ne sont pas adaptés à la spécificité du recul du trait de côte qui nécessite des mesures conservatoires temporaires.
L'article 3 bis, ajouté par les députés, prévoit que les préfets peuvent décider de réviser les PPRN en vigueur pour prendre en compte les propositions de création ou de modification de ZART formulées par les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte. Une disposition similaire a été insérée à l'article 3 s'agissant des PPRN qui n'ont pas encore été établis ou qui sont en cours d'élaboration, et qui devront également prendre en compte les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte existantes.
L'article 4 impose de prendre en compte l'indicateur de recul du trait de côte dans les documents d'urbanisme en l'absence de PPRN. Il a été supprimé par les députés au bénéfice d'une disposition de portée plus générale, que l'on retrouve à l'article 7.
L'article 5 prévoit qu'un document unique récapitulant les connaissances relatives aux risques naturels prévisibles soit transmis aux collectivités dans le cadre du « porter à connaissance » du préfet. Il convient de remarquer que tous les risques naturels majeurs sont visés, c'est-à-dire le recul du trait de côte, les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les feux de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les cyclones et tempêtes. Cette obligation n'impose pas à l'État de produire de nouvelles études techniques, mais simplement de transmettre celles dont il dispose.
L'article 5 bis, inséré par les députés, prévoit que les acquéreurs ou les locataires d'un bien situé dans une ZART doivent être informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence et de la durée de réalisation du risque de recul du trait de côte.
L'article 6 rend les servitudes résultant d'un PPRN directement opposables lorsqu'elles ne sont pas annexées au plan local d'urbanisme (PLU). Il a été supprimé par les députés à l'initiative du Gouvernement, au motif que l'annexion du PPRN au PLU est une obligation, que le préfet doit exécuter d'office en cas de défaillance de la collectivité.
L'article 7 prévoit qu'en l'absence de dispositions spécifiques dans le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) ou dans le schéma d'aménagement régional (SAR), les objectifs de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte doivent être pris en compte dans le schéma de cohérence territoriale (SCoT). L'objectif est de faire en sorte qu'en l'absence de stratégie régionale, la stratégie nationale de gestion du trait de côte soit prise en compte dans l'ensemble des documents d'urbanisme par le mécanisme du « SCoT intégrateur ».
L'article 8 prévoit la mise en compatibilité des PLU avec les objectifs de la stratégie nationale ou régionale de gestion intégrée du trait de côte. Les députés ont supprimé cet article jugé redondant avec le dispositif de l'article 7.
L'article 8 bis, inséré par les députés, prévoit une obligation pour les professionnels de l'immobilier d'informer les acquéreurs, locataires et bailleurs du risque de recul du trait de côte lorsque le bien est situé sur une ZART.
Le chapitre III, composé des articles 9 à 14, met de nouveaux outils à la disposition des collectivités pour aménager le littoral en réponse aux problématiques spécifiques liées au recul du trait de côte et à l'élévation du niveau de la mer.
L'article 9 intègre explicitement les risques naturels prévisibles, dont le risque de recul du trait de côte, dans les documents d'étude d'impact environnemental.
L'article 9 bis, inséré par les députés, étend le droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles, hors des zones urbanisées, au profit des établissements publics nationaux et non seulement des établissements publics locaux comme c'est le cas actuellement.
L'article 10 interdit à l'État, aux collectivités locales et à leurs groupements d'aliéner les immeubles de leur domaine privé situés dans une zone d'un plan de prévention des risques littoraux identifiant un risque de recul du trait de côte. Le recul du trait de côte justifie cette dérogation aux règles habituelles de gestion du domaine privé des personnes publiques. En effet, compte tenu de la montée des eaux, les biens menacés seront à terme physiquement incorporés au domaine public maritime, qui est lui-même inaliénable et imprescriptible. Leur régime actuel étant temporaire et précaire, il serait illogique que les personnes publiques puissent les aliéner aujourd'hui, comme d'autres biens du domaine privé.
L'article 11 organise les modalités de préemption et de délaissement des biens dans les ZART. Il est notamment prévu un mécanisme de décote : en l'absence d'accord sur le prix, le juge de l'expropriation tiendra compte du risque de recul du trait de côte dans la détermination du prix. L'acquisition de biens par la puissance publique est ainsi facilitée afin d'éviter les friches ou la désertification de ces zones.
L'article 12 crée un nouveau type de bail, le bail réel immobilier littoral (BRILi), destiné à maintenir logements et activités dans les ZART. Grâce à ce mécanisme, les collectivités pourront céder la propriété temporaire d'un bien menacé à un preneur, lui concédant ainsi un droit réel portant à la fois sur le terrain et sur la construction. Le preneur pourra en disposer librement comme s'il en était propriétaire, en le louant avec un bail d'habitation, en l'exploitant par un bail commercial, en l'hypothéquant ou en cédant son droit. En contrepartie, il paiera un loyer à la collectivité et s'acquittera des impôts et taxes comme un propriétaire.
La spécificité de ce contrat réside dans la mention du risque de recul du trait de côte et des obligations de démolition du bien en cas de réalisation de ce risque avant le terme du bail. Celui-ci est conclu pour une durée comprise entre 5 et 99 ans, cette durée ne pouvant être supérieure à la durée fixée par le PPRN en fonction du risque de recul du trait de côte. En revanche, le dispositif proposé ne précise pas qui prend en charge les frais de démolition si le recul du trait de côte se réalise après le terme du bail. Il me semble qu'ils reviennent à l'ancien bailleur, devenu propriétaire des constructions nouvelles érigées par le preneur, mais ce point mérite d'être exposé clairement aux collectivités volontaires.
L'article 12 bis, inséré par les députés, étend les exonérations fiscales prévues dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) aux entreprises qui s'implantent dans les ZART au moyen d'un BRILi.
L'article 13 précise les modalités d'intervention du fonds Barnier. En l'état actuel du droit, l'intervention de ce fonds ne peut concerner que les côtes à falaise soumises à l'imprévisibilité du risque, mais pas les côtes sableuses car le phénomène d'érosion y est jugé lent et prévisible. Son usage est donc élargi à l'ensemble des mouvements de terrains côtiers pour indemniser les expropriations au plus tard jusqu'en 2022. Passée cette date, l'indemnisation ne sera possible qu'en l'absence de PPRN prescrit, afin d'éviter les stratégies attentistes. Le but est au contraire d'inciter à l'anticipation par le biais des acquisitions foncières menées par les collectivités. Pour cette raison, le financement par le fonds Barnier est étendu aux opérations d'aménagement ayant pour but de réduire la vulnérabilité des territoires au risque de recul du trait de côte, dès lors que la réalisation estimée de ce risque est inférieure à dix ans. Il finance également les démolitions dans les ZART et l'indemnisation des pertes en cas de réalisation anticipée du risque dans le cadre d'un BRILi.
En séance publique, les députés ont adopté un amendement présenté par le Gouvernement qui substitue un nouveau fonds d'adaptation au recul du trait de côte à l'intervention du fonds Barnier.
Enfin, l'article 14 est un article de gage, qui a été supprimé par les députés.
Que penser de ce texte ? Les personnes auditionnées ont toutes dit qu'il était attendu. Il apporte de premières réponses aux collectivités volontaires qui sont aujourd'hui désarmées face au risque de recul du trait de côte. Je vous proposerai donc une série d'amendements techniques rendant encore plus opérationnels les mécanismes des ZART et des BRILi.
Je suis en revanche plus dubitatif en ce qui concerne le volet financier. Je regrette d'ailleurs que le calendrier d'examen du texte conduise le législateur à se prononcer sur le financement d'un dispositif dont il ne mesure pas réellement l'ampleur.
Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) a déterminé un premier ordre de grandeur pour le bâti susceptible d'être affecté à différents horizons temporels (2026, 2040 et 2100). Les estimations seraient ainsi de l'ordre de 800 bâtiments impactés en 2040, soit environ 1 500 logements et 400 locaux d'activités, et 4 000 bâtiments impactés à horizon 2100, soit 10 000 logements et 1 000 locaux d'activité. Ces premiers résultats doivent encore être affinés et je déplore que l'examen de cette proposition de loi ait lieu avant que les évaluations soient achevées.
Je m'interroge également sur la création du Fonds d'adaptation au recul du trait de côte, proposée par le Gouvernement. Le problème ne vient pas tant de la logique consistant à vouloir réserver le fonds Barnier à des situations d'urgence causées par des risques naturels majeurs plutôt qu'au financement de mesures d'aménagement du littoral. Il porte davantage sur l'absence de précisions quant aux modalités de constitution de ce nouveau fonds, à quelques mois des prochaines échéances électorales. Tout au plus le Gouvernement a-t-il précisé que ce fonds serait « alimenté par trois sources importantes de financement en provenance de l'État, des collectivités territoriales et des assureurs ». Mais aucun détail n'est fourni sur le niveau et l'assiette de son financement, sa gestion quotidienne, son entrée en vigueur ou les critères d'éligibilité.
Je vous proposerai donc d'en revenir au fonds Barnier, qui présente l'avantage d'exister et dont la situation financière garantit la prise en charge des dépenses induites par la gestion du risque lié au recul du trait de côte. Je m'étonne d'ailleurs du double discours du Gouvernement qui, d'un côté, souhaite limiter le recours au fonds Barnier s'agissant pourtant de la gestion d'un risque naturel, et de l'autre, prélève 125 millions sur ce fonds afin de tenir ses objectifs de déficit public : le projet de loi de finances pour 2017 prévoit aussi un prélèvement de 70 millions sur les ressources du fonds Barnier au profit du budget général, et le projet de loi de finances rectificative pour 2016 prévoit à son tour un prélèvement supplémentaire de 55 millions.
S'agissant du calendrier d'examen de cette proposition de loi, je regrette également qu'il ne nous laisse pas le temps d'expertiser la situation outre-mer. Le BRILi est un dispositif potentiellement intéressant pour accompagner la régularisation foncière dans la zone des cinquante pas géométriques. En Guadeloupe et en Martinique, il reste toujours plusieurs milliers d'occupations sans titre de cette zone, s'agissant de populations installées depuis parfois plus d'un siècle. Pour résoudre cette situation, la durée d'activité des agences des cinquante pas, qui avaient été créées en 1996 pour dix ans, a été prolongée à quatre reprises. La loi du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer prévoit leur liquidation au 1er janvier 2021 et le transfert aux collectivités régionales tant des terrains privés de la zone que des compétences de régularisation et d'aménagement. La zone des cinquante pas étant par définition la plus menacée par l'élévation du niveau de la mer, il faudra voir à l'avenir comment ces collectivités pourront utiliser le BRILi à des fins de gestion du trait de côte et de régularisation foncière.
Enfin, cette proposition de loi ne saurait être complète sans évoquer la question de la loi Littoral. Vieille de plus de trente ans, celle-ci a été rédigée à une époque où les risques liés au changement climatique n'étaient pas pris en compte. Elle constitue aujourd'hui un frein à la relocalisation des activités menacées par le recul du trait de côte. On se retrouve dans la situation paradoxale où des collectivités ayant élaboré des stratégies locales pour faire face à l'érosion côtière sont actuellement bloquées pour les mettre en oeuvre, alors qu'elles ont répondu aux appels à projet du Gouvernement sur la relocalisation. C'est notamment le cas à Lacanau. Je vous proposerai donc un amendement dérogeant à la règle d'urbanisation en continuité afin de permettre le recul stratégique des activités en autorisant notamment l'urbanisation des dents creuses dans les hameaux, la création de ZART en discontinuité, ou le recul des installations agricoles, forestières et de cultures marines. Je propose également un alignement sur le projet de loi Montagne afin d'autoriser la construction d'annexes de taille limitée. Toutes ces dérogations sont encadrées par de nombreux garde-fous. Elles ne sont pas applicables dans les espaces proches du rivage, c'est-à-dire en covisibilité avec la mer. Il ne s'agit donc pas de remettre en cause la loi Littoral, mais de l'adapter aux nouveaux enjeux des espaces littoraux.
Mme Nelly Tocqueville. - Je remercie notre rapporteur pour la qualité de son travail réalisé dans un temps très court.
Du fait du dérèglement climatique, l'érosion s'amplifie, avec des conséquences humaines mais aussi économiques. Ainsi, le 26 août dernier, en Seine-Maritime, 50 000 mètres cube de roches se sont effondrées sur la plage de Saint-Martin-aux-Buneaux.
Cette proposition de loi, qui traite de la France métropolitaine, mais aussi de l'outre-mer, apporte des réponses assez techniques, avec la création de ZART mais aussi de BRILi.
La gouvernance du fonds Barnier est compliquée, d'où le recours à un fonds d'adaptation proposé par la ministre et dont le financement sera sans doute précisé lors de la discussion au Sénat. Restera à en déterminer les conditions d'éligibilité et de mise en oeuvre. Nous pourrons ainsi résoudre le problème posé par « Le Signal », mais aussi anticiper les questions qui ne manqueront pas de se poser à l'avenir, avec le recul du trait de côte.
Mme Évelyne Didier. - Pour un petit groupe politique, il n'est pas facile de suivre tous ces textes qui se succèdent à grande vitesse.
Il est important de définir la stratégie nationale avec les collectivités territoriales, car toutes ne sont pas logées à la même enseigne. N'oublions pas non plus l'outre-mer. J'attends de ce texte qu'il règle les problèmes avec beaucoup de souplesse et en bonne intelligence avec les territoires concernés.
Ne soyons pas naïfs : le changement climatique est en marche et la situation ne va pas s'arranger. Soyons donc prudents et réalistes. La réponse aux difficultés rencontrées par nos concitoyens ne passe pas obligatoirement par le fonds Barnier, mais arrêtons avec les prélèvements aujourd'hui opérés sur ce fonds !
Le « porter à connaissance » sera-t-il suffisant ? Les collectivités ne peuvent, seules, élaborer leur schéma.
Les PLU et les PPRN sont des outils extrêmement importants qui permettent l'anticipation de tous les acteurs.
Je n'ai pas eu le temps de déposer des amendements aujourd'hui. Nous les présenterons en séance.
M. Charles Revet. - Toutes mes félicitations à notre rapporteur qui connaît parfaitement son sujet.
Le France est la première puissance au monde en termes de zone économique maritime. La Seine-Maritime est le département de l'hexagone avec le plus long littoral : nous avons du sable, mais surtout beaucoup de falaises qui sont attaquées par l'érosion.
Prévenir, certes, mais aussi guérir. Voyez ce qui se passe en Hollande, avec leur système de digues très sophistiqué. Pourquoi ne pas protéger les falaises chez nous ? À Antifer ou à Saint-Valéry-en-Caux, la côte ne recule plus.
En outre, avec des enrochements ciblés, la faune pourrait se développer. La chambre de commerce de Fécamp a immergé au large d'Étretat des blocs qui ont favorisé le retour des crustacés et des poissons. N'oublions pas que la France importe 85 % de sa consommation de produits de la mer.
Comme le propose notre rapporteur, je suis favorable à l'aménagement de la loi Littoral. Dans certaines zones, pourquoi ne pas développer des activités économiques comme la pisciculture ? Dans d'autres, il faudrait autoriser la construction d'habitations.
Enfin, je ne suis pas certain que ce texte sera définitivement voté avant les prochaines échéances électorales.
M. Jérôme Bignon. - Depuis toujours, ce sujet m'intéresse. Les 70 kilomètres du littoral picard sont un laboratoire pour examiner la coexistence de l'homme avec la nature. Nous avons vécu d'énormes difficultés et nous avons tenté de trouver des solutions. Merci pour ce travail réalisé dans un délai record.
J'ai beaucoup participé au travail de Pascale Got et de Chantal Berthelot puisque j'ai été délégué par l'Association nationale des élus du littoral (Anel) pour participer aux travaux du comité stratégique et j'ai eu la chance que mon territoire soit déclaré zone de recul expérimentale, avec la station balnéaire d'Ault qui se situe au sud de la baie de Somme, là où la falaise vive devient falaise morte et dont l'effondrement conduit à la baie de Somme. Il y a douze ans, j'ai pu racheter une colonie de vacances de La Poste de 6 hectares. Je présidais le syndicat mixte d'aménagement de la côte picarde à l'époque : ces 6 hectares ont été classés en zone d'aménagement concerté (ZAC), dans laquelle il va être possible de relocaliser diverses activités touristiques et économiques.
Lorsque je présidais le Conservatoire du littoral, nous avons acheté 20 000 hectares en Camargue alors que le niveau de la mer monte de plus en plus vite. Ayant participé activement au groupe de travail sur l'océan Arctique à l'Assemblée nationale, je puis vous dire que les informations données par l'ambassadeur qui a succédé à Michel Rocard sont alarmantes : les glaciers fondent à une vitesse accélérée.
Ce texte trace diverses pistes mais je déplore qu'il faille attendre la fin 2016 pour que l'on en discute alors que le Grenelle de l'environnement et la stratégie développée par Nathalie Kosciusko-Morizet sont connus depuis fort longtemps. Une proposition de loi permet d'éviter les études d'impact et le filtre du Conseil d'État. Quelle erreur, même si Philippe Bas, rapporteur pour avis de la commission des lois, est lui-même conseiller d'État.
Enfin, je me suis toujours opposé à toute modification de la loi Littoral : ceux qui veulent la modifier sont, à chaque fois, pleins de bonnes intentions, et personne ne songerait à la supprimer : voyez les littoraux calamiteux de la Grèce, de l'Italie et de l'Espagne. Dans la mesure où les amendements de notre rapporteur ne traiteraient que de la relocalisation en lien direct avec la montée des eaux, pourquoi pas, mais attention à ne pas ouvrir la boîte de Pandore !
M. Rémy Pointereau, président. - Je passe la parole à M. Nègre qui, attendu ailleurs, doit partir.
M. Louis Nègre. - Merci pour ce remarquable rapport qui traite d'un problème essentiel pour nos littoraux. Ce texte favorisera une gestion intégrée du trait de côte avec une stratégie nationale et régionale.
Je suis élu d'un département dont le littoral a subi une forte pression immobilière et spéculative. Sans loi Littoral, la Côte d'Azur ressemblerait à l'Espagne ou à l'Italie. J'appelle donc à la plus grande prudence si l'on touche à cette loi, car vous donnerez à penser que l'on peut la détricoter petit à petit. Comme l'a dit Jérôme Bignon, on risque d'ouvrir la boîte de Pandore.
Ce Gouvernement mène une politique financière de gribouille. D'un côté, il enlève des centaines de millions d'euros au fonds Barnier et, de l'autre, il prévoit un nouveau fonds : quelle usine à gaz ! Heureusement que les élus locaux ne gèrent pas ainsi leurs finances...
M. Guillaume Arnell. - Les commissions sont des lieux d'échanges informels et souvent sympathiques. Mais il est agaçant que certains se croient autorisés à prendre la parole pour ensuite s'en aller, sans même prendre la peine d'attendre la réponse du rapporteur.
Je salue la passion de mes collègues pour ces questions : je me sens moins seul. Il est paradoxal d'entendre que la France est la première puissance en termes de façade maritime alors que cette proposition de loi ne prend pas en compte la dimension ultramarine. Les littoraux des Antilles sont différemment impactés par les changements climatiques, selon qu'ils se trouvent côté Caraïbe ou Atlantique, sans même parler des phénomènes cycloniques chaque année.
Je partage la plupart des remarques de notre rapporteur. Je m'inquiète de la fin programmée des agences des cinquante pas en 2021. L'État n'a pas su régler le problème dans le temps qu'il s'était lui-même accordé. Pourquoi avoir supprimé la commission de validation des titres alors qu'elle seule était à même de régler le problème des personnes détenant des titres ? Nombre d'administrés ne peuvent aujourd'hui faire valoir leurs droits de propriété.
M. Jean-François Rapin. - J'adhère à tout ce qui a été dit et je partage les propos passionnés de Jérôme Bignon. J'ai été longuement auditionné à l'Assemblée nationale par Pascale Got, mais aussi par Michel Vaspart, en tant que président de l'Anel.
Je donnerai mon point de vue de sénateur : ce texte est attendu. Lors de l'élaboration des plans de prévention des risques littoraux (PPRL) j'ai senti la crispation des élus locaux, dépouillés du jour au lendemain de leur capacité de réaliser leurs engagements économiques.
Cette proposition de loi, complexe, sera difficilement applicable. Je doute que les préfets remettent en cause leur décision de placer certaines zones en rouge et les déclassent, alors qu'ils seront tenus responsables. Les modalités du BRILi sont complexes - je reconnais qu'il est difficile de le refuser sans rien proposer à la place.
Comme Louis Nègre, je m'interroge sur le financement du nouveau fonds. Aucune réponse n'a été fournie quant à ses recettes. S'il s'agit d'augmenter la base foncière ou la taxe de séjour des communes touristiques, j'y suis d'ores et déjà opposé.
N'oublions pas l'outre-mer. Pour la seule Guadeloupe, 1 800 logements sont menacés à moyen terme.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Les chiffres cités dans mon rapport ne portaient que sur la métropole.
M. Jean-François Rapin. - Ils doivent donc être doublés. Je n'ai pas perçu l'impact de l'implantation ultramarine de Chantal Berthelot sur la proposition de loi. Personnellement, j'attendais un article consacré à l'outre-mer, traitant notamment des agences des 50 pas.
Ce texte aurait dû être un projet de loi assorti d'une étude d'impact. L'éventuelle modification de la loi Littoral, née il y a 30 ans dans un contexte différent, promet de beaux débats.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Nul ne peut être opposé à l'élaboration d'un projet de loi global qui mette en valeur notre patrimoine maritime et assure la protection de nos côtes. Nous avons soutenu cet objectif à chaque fois que nous avons examiné un texte sur la mer.
Je n'ai reçu aucune information sur le fonds mis en place, ni sur ses ressources. Aussi, j'ai préféré réactiver le fonds Barnier. Je suis toutefois prêt à en rediscuter avec bienveillance si le nouveau fonds est constitué de manière satisfaisante.
M. Rémy Pointereau, président. - Il est difficile d'élaborer un texte de fond en quinze jours.
Mme Chantal Jouanno. - Je ne suis pas élue du littoral, mais j'ai été une secrétaire d'État très concernée par la tempête Xynthia.
Une proposition de loi est généralement préférée à un projet de loi pour éviter l'examen du texte par le Conseil d'État et l'élaboration d'une étude d'impact. Je m'interroge sur le risque de contentieux qui en découle. Les préfets prendront-ils le risque de remettre en cause leurs zones ?
Le financement est également source d'inquiétude. Entre 2012 et 2015, le budget consacré aux risques hydrauliques et naturels a été réduit de 40 %, et de 80 % pour les investissements. Le désengagement de l'État est considérable.
Il est facile de créer un fonds en fin de mandat en déclarant qu'il sera financé par les collectivités territoriales dont les dotations ont beaucoup baissé. Aucun gouvernement, même celui auquel j'ai appartenu, n'a assumé ses responsabilités.
Je partage la grande prudence de mes collègues sur la réécriture de la loi Littoral, et leur appel à une grande loi. Il serait bon que le Sénat s'en charge, puisque le Gouvernement ne le fera pas, par crainte d'ouvrir la boîte de Pandore.
M. Ronan Dantec. - Comme mes collègues, je souligne le risque d'ouvrir la boîte de Pandore. Traiter ce sujet en fin de mandat n'est pas de bonne politique, et ce, d'autant plus que le Gouvernement lance en parallèle le nouveau plan national d'adaptation au changement climatique.
Ne confondons pas montée des eaux et érosion. Celle-ci est normale, sans lien particulier avec le changement climatique. Les rapports successifs du GIEC aggravent les prévisions sur la montée des eaux dans un contexte de désagrégation des landes glaciaires. Beaucoup de spécialistes prévoient une montée des eaux d'un à deux mètres, certains prix Nobel prédisant même une montée de cinq mètres à la fin du XXIème siècle. Nous devons nous accorder sur une cote de montée des eaux à l'échelon européen.
Certains territoires littoraux risquent donc à terme un krach économique. N'attendons pas qu'il soit trop tard ! Les gens qui achètent des logements dans les zones touchées par la montée d'un à deux mètres doivent savoir que l'immobilier va chuter très rapidement. Brisons ce tabou pour réfléchir à un fonds d'indemnisation très conséquent.
La loi Littoral est économiquement positive car elle rend l'offre touristique française meilleure que celle de ses voisins. Remettre en cause l'urbanisation en continuité crée un risque de mitage du territoire. Avoir autorisé la construction sur les ruines mène à des cas où deux pans de murs ont été remplacés par une maison. Soyons stricts pour éviter les risques de contentieux.
M. Jacques Cornano. - Je félicite le rapporteur pour son travail. Je rappelle aussi l'excellent travail mené avec Jérôme Bignon pour notre rapport d'information sur la situation des outre-mer confrontées au changement climatique. Nous avions mis l'accent sur la prévention des risques, véritable question de survie.
On ne peut pas confondre la Guyane continentale et les îles. Dès mon arrivée en 2011, j'ai souhaité travailler sur la continuité territoriale qu'aucun gouvernement n'a comprise depuis 1946, et le caractère archipélagique de la Guadeloupe. Celle-ci souffre des risques climatiques, liés à une forte littoralisation de l'habitat et des activités économiques. La plupart des mairies sont proches de la mer. Les PPRN imposeraient qu'elles soient supprimées. La semaine dernière, j'ai encore été confronté à l'incompréhension des services de l'État qui ne prennent pas suffisamment en compte la difficulté de déplacer la population.
Face à ces menaces, il est nécessaire de développer des stratégies innovantes. L'heure n'est plus aux études, qui ont déjà été faites. Il est désormais temps d'agir !
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Faute d'informations, nous avons préféré élargir le rôle du fonds Barnier, mais nous sommes prêts à évoluer sur ce point. Je rassure chacun : les ZART seront créées par arrêté du préfet, à l'initiative des élus locaux. L'État maintiendra son contrôle.
Je suis en désaccord avec M. Revet : il n'est pas possible de remplacer cette proposition de loi par la construction d'ouvrages, notre littoral étant excessivement long. En outre, un ouvrage qui protège un site peut en affecter d'autres. Ce n'est pas toujours la bonne méthode.
Monsieur Bignon, en effet, ce travail a été difficile, d'autant que je n'ai pas pour habitude de travailler dans la précipitation. J'y ai été contraint par les dates d'examen en séance. Néanmoins, j'ai travaillé en étroite collaboration avec la commission des lois, pour laquelle Philippe Bas était rapporteur pour avis. Nul ne doute de sa compétence. Nous sommes parvenus aux mêmes conclusions et avons déposés des amendements souvent identiques. Si l'examen de la commission des lois ne remplace en aucun cas l'avis du Conseil d'État, un travail juridique de fond a été réalisé.
Chaque région de France a ses spécificités. Il est possible que la loi Littoral ne crée aucune difficulté particulière en Picardie. Ce n'est pas le cas partout. La loi Littoral de 1986 a eu pour conséquence une jurisprudence qui a engendré une hyper protection. Je suis maire depuis vingt-cinq ans d'une commune littorale. La majorité des élus n'a pas envie de faire construire sur ses côtes, mais souhaite voir des dispositions issues de la jurisprudence assouplies. L'urbanisation des dents creuses est attendue par les élus locaux. La commission des lois est en parfait accord avec nous.
Il est hors de question de remettre en cause la loi Littoral, à laquelle je suis fortement attaché. L'adaptation, pour les activités agricoles et les activités marines, serait très encadrée.
Lors des auditions, on nous a expliqué qu'une ZART ne pourrait être créée qu'en continuité d'une urbanisation déjà existante, en raison de la loi Littoral. Cela signifie qu'au fur et à mesure du recul du trait de côte, il faudra faire reculer les activités régulièrement. Est-ce tenable économiquement ? Tout le monde a-t-il vraiment besoin d'être au bord du littoral ? Notre idée est de déconnecter ces zones de la continuité urbaine pour mieux les reculer. Pascale Got a plutôt jugé l'idée bonne, tout comme d'autres acteurs auditionnés.
Les dispositions de la proposition de loi s'appliqueront outre-mer. Elles pourraient résoudre des problèmes tels que les blocages entre collectivités territoriales et services de l'État. Cette proposition de loi vaut mieux que rien. Soyons pragmatiques et privilégions l'action aux discussions.
M. Rémy Pointereau, président. - Il fallait prendre du temps, ce matin, pour débattre de ce sujet. Venons-en aux amendements.
Mme Évelyne Didier. - N'ayant pas eu le temps d'étudier les amendements, je m'abstiendrai sur l'ensemble.
M. Ronan Dantec. - Moi aussi.
Article 1er
L'article 1er est adopté sans modification.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° COM-8 de M. Bas au nom de la commission des lois. L'article 2 bis traite le problème spécifique de l'immeuble du Signal. La rédaction actuelle prévoit le recours à une disposition interprétative, un mécanisme peu fréquent et généralement utilisé pour d'impérieux motifs d'intérêt général. La commission des lois propose une réécriture qui transforme la dérogation interprétative en nouveau cas de recours au fonds Barnier, tout en l'encadrant pour ne viser que la situation du Signal.
Mme Annick Billon. - Une étude d'impact ne serait-elle pas nécessaire ? Dans dix à cinquante ans, combien de logements seront-ils concernés ?
M. Ronan Dantec. - Demandons qu'une étude d'impact sur ce sujet soit intégrée au nouveau plan national d'adaptation au changement climatique.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Une étude du Cerema est en cours. Nous en avons obtenu une première restitution, dont les chiffres que j'ai cités sont tirés. Il est regrettable de ne pas en attendre les conclusions.
L'amendement n° COM-8 est adopté et l'article 2 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Mon amendement n° COM-38 supprime les zones de mobilité du trait de côte redondantes avec les zones rouges. Il prévoit aussi que la définition d'une ZART par les PPRN ne peut intervenir que sur proposition d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales. En effet, la rédaction actuelle donne le pouvoir de création des ZART aux préfets. Cet amendement est quasiment identique à celui de Philippe Bas ; il propose en plus de supprimer dans l'article 3 deux dispositions redondantes avec la nouvelle rédaction proposée.
L'amendement n° COM-38 est adopté.
L'amendement n° COM-9 devient sans objet.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Mon amendement n° COM-39 prévoit la possibilité pour les préfets qui prennent connaissance des stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte de procéder, si nécessaire, à une modification des PPRN en vigueur. Selon la rédaction actuelle, ils ne peuvent qu'engager une révision des PPRN, ce qui constitue une procédure plus lourde que la simple modification puisqu'elle nécessite la conduite d'une enquête publique.
L'amendement n° COM-39 est adopté.
L'article 3 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4
L'article 4 demeure supprimé.
Article 5
L'article 5 est adopté sans modification.
Article 5 bis
L'amendement de coordination n° COM-34 est adopté.
L'article 5 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 6
L'article 6 demeure supprimé.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - L'amendement n° COM-10 de la commission des lois propose une mesure de bon sens qui évite d'imposer aux collectivités une modification immédiate de leur SCoT, pour prendre en compte la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Avis favorable.
L'amendement n° COM-10 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 8
L'article 8 demeure supprimé.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - L'amendement n° COM-11 de M. Bas porte sur l'article 8 bis, qui prévoit une obligation pour les agents immobiliers d'informer les acquéreurs, locataires et bailleurs du risque de recul du trait de côte lorsque le bien est situé dans une ZART. Plutôt que de créer une nouvelle norme, la commission des lois propose de s'en tenir à l'application du droit en vigueur, en renvoyant au devoir de conseil des agents immobiliers. Cela évite également d'imposer une obligation pour le recul du trait de côte différente de celle relative aux autres risques naturels. Avis favorable.
L'amendement n° COM-10 est adopté et l'article 8 bis est supprimé.
Articles additionnels avant l'article 9
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Afin de faciliter le recul stratégique des activités et le développement équilibré des territoires littoraux, mon amendement n° COM-24 introduit plusieurs dérogations au principe d'extension en continuité de l'urbanisation dans les parties rétro-littorales des communes littorales. Il reprend une partie des préconisations du rapport d'Odette Herviaux et Jean Bizet sur l'application de la loi Littoral, datant de 2013.
Le 1° autorise l'urbanisation par comblement des dents creuses des hameaux, en respectant des critères de proportionnalité, afin que ces dents creuses ne servent pas de prétexte à l'installation de bâtiments volumineux.
Le 2° favorise la relocalisation des biens menacés par l'érosion littorale en définissant un périmètre d'accueil pour leur reconstruction.
Le 3° étend la dérogation prévue pour les activités agricoles ou forestières.
Le 4° autorise la construction des annexes de taille limitée tels que des abris de jardin ou des garages à proximité des bâtiments existants.
Afin de ne pas porter atteinte au dispositif anti-mitage de la loi Littoral, de nombreux garde-fous sont prévus.
Les amendements identiques nos COM-24 et COM-12 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - L'amendement n° COM-6 rectifié de M. Dantec définit l'extension de l'urbanisation comme une extension de périmètre ou une densification « notable », ce dernier terme étant juridiquement peu précis. Cet amendement, qui autorise la densification « raisonnable », ne résout pas véritablement le problème des dents creuses dans les hameaux, puisqu'il ne permet pas de construire en zone d'urbanisation diffuse. Ce critère est celui actuellement retenu par la jurisprudence du Conseil d'État. Par conséquent, cet amendement en trompe-l'oeil n'apporte quasiment aucune évolution par rapport à la situation actuelle. Demande de retrait.
M. Ronan Dantec. - Je le retire.
L'amendement n° COM-6 rectifié est retiré.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Je demande le retrait de l'amendement n° COM-1 rectifié bis qui est satisfait.
L'amendement n° COM-1 rectifié bis est retiré.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - L'amendement n° COM-3 rectifié bis est satisfait. Demande de retrait.
L'amendement n° COM-3 rectifié bis est retiré.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - L'amendement n° COM-2 rectifié bis est en partie satisfait, sauf pour les zones d'activité. On ne peut pas en envisager de nouvelles en bordure du littoral. Réfléchissons à une nouvelle rédaction. Avis défavorable.
L'amendement n° COM-2 rectifié bis est reitré.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - L'amendement n° COM-7 rectifié est satisfait, j'en demande le retrait.
L'amendement n° COM-7 rectifié est retiré.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Demande de retrait de l'amendement n° COM-5 rectifié. Le rapport Bizet-Herviaux avait déjà évoqué le sujet des saisonniers en 2013 ; le Sénat avait demandé au Gouvernement de recenser précisément les besoins, mais il n'avait pas obtenu de réponse. Nous l'attendons toujours.
L'amendement n° COM-5 rectifié n'est pas adopté.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - L'amendement n° COM-4 rectifié s'inscrit dans la démarche préventive de la proposition de loi ; il reprend l'une des préconisations du rapport d'Odette Herviaux et Jean Bizet. Il précise les motifs pour lesquels une collectivité peut prendre l'initiative d'élargir la bande littorale des cent mètres, sur laquelle s'applique le principe d'inconstructibilité absolue. Avis favorable.
L'amendement n° COM-4 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Article 9
L'article 9 est adopté sans modification.
Article 9 bis
L'article 9 bis est adopté sans modification.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - L'amendement n° COM-13 de la commission des lois supprime cet article au motif qu'il porterait une atteinte disproportionnée au droit de propriété des personnes publiques, en leur interdisant d'aliéner leurs biens situés dans une ZART. Le recul du trait de côte justifie cette dérogation aux règles habituelles de gestion du domaine privé des personnes publiques. En effet, compte tenu de la montée des eaux, les biens menacés seront à terme physiquement incorporés au domaine public maritime, qui est lui-même inaliénable et imprescriptible. Leur régime actuel étant temporaire et précaire, il serait illogique que les personnes publiques puissent les aliéner aujourd'hui, comme d'autres biens du domaine privé. L'objectif d'intérêt général consiste plutôt à conserver ces biens dans le giron des personnes publiques et à les gérer au moyen du nouveau BRILi. En revanche, la remarque sur la difficulté juridique posée par la mention des sociétés d'économie mixte est pertinente, et je vous propose un amendement qui la prend en compte. Avis défavorable.
L'amendement n° COM-13 n'est pas adopté.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Mon amendement n° COM-35 supprime la référence aux sociétés d'économie mixte.
L'amendement n° COM-35 est adopté.
L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 11
L'article 11 est adopté sans modification.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Mon amendement n° COM-25 ouvre une série d'amendements de clarification et de sécurisation juridique.
Mme Nelly Tocqueville. - Le groupe socialiste s'abstiendra.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Pascale Got n'a pas manifesté d'opposition à cette démarche.
Les amendements identiques nos COM-25 et COM-14 sont adoptés.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Alors que la durée maximale du bail est de 99 ans, mon amendement n° COM-26 précise que si le bail est prorogé, il ne peut l'être que dans cette limite maximale. Après cette période, il peut être reconduit.
Les amendements identiques nos COM-26 et COM-15 sont adoptés.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Mon amendement n° COM-27 étend logiquement au preneur l'interdiction de résilier le bail de façon unilatérale, que le texte de l'Assemblée nationale a imposée au bailleur. Les deux acteurs doivent bénéficier d'une visibilité de long terme.
Les amendements identiques nos COM-27 et COM-16 sont adoptés.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Mon amendement n° COM-28 précise les obligations du bailleur à l'égard du preneur, en faisant référence aux articles correspondants du code civil et du code de la construction et de l'habitation. Il s'agit notamment des obligations d'information à l'égard de l'acheteur et de l'obligation de délivrer le bien.
Les amendements identiques nos COM-28 et COM-17 sont adoptés.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Mon amendement n° COM-29 a pour objet de clarifier la rédaction de l'Assemblée nationale.
Les amendements identiques nos COM-29 et COM-18 sont adoptés.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Mon amendement n° COM-30 supprime l'encadrement du prix de cession au bailleur des constructions édifiées par le preneur, dans la mesure où la proposition de loi prévoit de toute façon que les parties pourront déterminer ce prix librement.
Les amendements identiques nos COM-30 et COM-19 sont adoptés.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Mon amendement n° COM-31, est de sécurisation juridique, afin de lever toute ambiguïté sur le fait que ce loyer, bien que négocié entre les parties, doit être fixé en conformité avec les règles applicables aux propriétés des personnes publiques, en particulier l'interdiction de fixer un loyer qui ne correspond pas à la valeur réelle du bien.
Les amendements identiques nos COM-31 et COM-20 sont adoptés.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Mon amendement n° COM-32 soumet à l'accord du bailleur la cession, par le preneur, de son bail réel immobilier à une autre personne. La substitution du preneur est en effet une opération suffisamment importante pour justifier une telle autorisation du bailleur.
Les amendements identiques nos COM-32 et COM-21 sont adoptés.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Mon amendement n° COM-33 supprime l'indemnisation prévue lorsqu'un bail d'habitation conclu dans un immeuble faisant l'objet d'un BRILi ne mentionne pas le risque de recul du trait de côte et ses conséquences. En effet, l'article prévoit déjà, dans ce cas, la nullité du bail d'habitation, et on ne voit pas très bien comment ces deux mesures peuvent s'articuler.
Les amendements identiques nos COM-33 et COM-22 sont adoptés.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Mon amendement n° COM-37 supprime le nouvel article L. 567-27, qui oblige les parties à « déterminer les conséquences de la destruction accidentelle des constructions et ouvrages, à l'exclusion de celle résultant de la réalisation anticipée du recul du trait de côte. » Il semble redondant avec le nouvel article L. 567-15, qui oblige le preneur à maintenir les constructions en bon état d'entretien et le dispense de les reconstruire si elles ont été détruites par cas fortuit. Enfin, il n'est pas justifié d'établir un lien entre l'absence de cette clause et la possibilité de demander en justice la résiliation du bail et les indemnités qui pourraient être dues. La saisine du juge est un droit fondamental qui s'exerce en cas de litige entre les parties et ne saurait être restreint par de telles limitations.
Les amendements identiques nos COM-37 et COM-23 sont adoptés.
L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 12 bis
L'article 12 bis est adopté sans modification.
M. Michel Vaspart, rapporteur. - Mon amendement n° COM-36 rétablit le financement par le fonds Barnier, faute d'alternative crédible.
L'amendement n° COM-36 est adopté.
L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 14
La suppression de l'article 14 est maintenue.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements est repris dans le tableau ci-après.
La réunion est close à 11 h 20.