Mardi 29 novembre 2016
- Présidence de M. Jacques Legendre, président d'âge -La réunion est ouverte à 9 h 35.
Réunion constitutive
M. Jacques Legendre, président. - En qualité de président d'âge, il me revient d'ouvrir la réunion constitutive de la commission d'enquête sur les frontières européennes, le contrôle des flux des personnes et des marchandises en Europe et l'avenir de l'espace Schengen. La constitution de cette commission d'enquête fait suite à une demande du groupe Les Républicains dans le cadre du droit de tirage prévu à l'article 6 bis du Règlement du Sénat. La Conférence des Présidents a pris acte de cette demande le 16 novembre dernier et le Sénat a désigné les membres au cours de sa séance du mardi 22 novembre. Selon le Règlement, les fonctions de président et de rapporteur d'une commission d'enquête sont partagées entre la majorité et l'opposition.
Nous procédons à l'élection du président de notre commission d'enquête. J'ai été informé de la candidature de M. Jean-Claude Requier, du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE).
M. André Gattolin. - Formidable ! J'y suis très favorable.
La commission procède à la désignation de son président, M. Jean-Claude Requier.
- Présidence de M. Jean-Claude Requier, président -
M. Jean-Claude Requier, président. - Je salue notre président d'âge, qui conjugue expérience et sagesse, et vous remercie de m'avoir confié la présidence de cette commission d'enquête sur un sujet essentiel pour l'avenir de la construction européenne.
Toute commission d'enquête est tenue à un délai impératif de six mois pour rendre ses travaux. Toutefois, le groupe Les Républicains ayant souhaité terminer nos investigations d'ici quatre mois, notre commission d'enquête pourrait prendre fin au cours de la deuxième quinzaine de mars 2017, en fonction de l'avancée de ses travaux.
Nous disposons de pouvoirs de contrôle renforcés. Aux termes de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, une commission d'enquête peut convoquer toute personne qu'elle juge bon d'entendre. Cette personne est alors tenue de déférer à la convocation, délivrée si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique. Les personnes entendues doivent prêter serment. L'auteur d'une déposition mensongère s'expose à des peines pouvant atteindre sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende.
Le rapporteur dispose de pouvoirs propres : effectuer des contrôles sur pièces et sur place et se faire communiquer tout document de service non secret ou concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs.
Les pouvoirs des commissions d'enquête ne concernent que les personnes de nationalité française, ce qui ne nous empêchera pas, si nécessaire, de faire venir des témoins étrangers - qui ne prêtent pas serment et ne sont pas requis par la force publique. Ces pouvoirs ne valent que sur le territoire national.
Les auditions sont en principe publiques, sauf si nous en décidons autrement. Elles peuvent se faire à huis clos, si nous en décidons ainsi après demande de l'auditionné. Nous devons définir les modalités de publicité de nos travaux : publication de comptes rendus, ouverture au public, ouverture seulement à la presse, enregistrement audiovisuel... En revanche, tous les travaux non publics de la commission d'enquête sont soumis à la règle du secret pour vingt-cinq ans. Je vous incite donc à la plus grande discrétion sur nos travaux non rendus publics, en particulier lors de la délibération sur les orientations du rapport.
Le non-respect du secret est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal, soit un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. En outre, l'article 100 du Règlement du Sénat prévoit que « tout membre d'une commission d'enquête qui ne respectera pas les dispositions du paragraphe IV de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative aux travaux non publics d'une commission d'enquête pourra être exclu de la commission par décision du Sénat prise sans débat sur le rapport de la commission après avoir entendu l'intéressé » et que cette exclusion « entraînera pour le sénateur qui est l'objet d'une telle décision l'incapacité de faire partie, pour la durée de son mandat, de toute commission d'enquête ».
Poursuivons la constitution du bureau de notre commission. Le groupe Les Républicains, à l'origine de la commission d'enquête, a proposé M. François-Noël Buffet pour les fonctions de rapporteur.
La commission procède à la désignation de son rapporteur, M. François-Noël Buffet.
M. Jean-Claude Requier, président. - Il nous reste à compléter le bureau en élisant vice-présidents un représentant de chaque groupe et un autre supplémentaire pour les deux groupes les plus importants. Le groupe RDSE exerçant la présidence et comptant un seul membre au sein de la commission, il n'aura pas de vice-président. J'ai reçu les candidatures de MM. Jean-Yves Leconte et Didier Marie pour le groupe Socialiste et républicain, de M. Pascal Allizard pour le groupe Les Républicains, de M. Claude Kern pour le groupe Union des démocrates et indépendants (UDI-UC), de M. André Gattolin pour le groupe Écologiste et de M. Michel Billout pour le groupe Communiste, républicain et citoyen.
La commission procède à la désignation des vice-présidents : MM. Pascal Allizard, Michel Billout, André Gattolin, Claude Kern, Jean-Yves Leconte et Didier Marie.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Merci de votre confiance sur ce sujet qui nous préoccupe depuis de nombreux mois. Dans ce contexte de crise migratoire de grande ampleur et de menace terroriste importante, l'espace Schengen, qui comprend 26 pays, dont 22 États membres de l'Union européenne, ne parvient pas à atteindre correctement ses objectifs : assurer la sécurité dans cet espace de liberté. Des contrôles aux frontières intérieures ont été rétablis.
Cette situation n'est pas satisfaisante. Les frontières extérieures de l'Union européenne ne sont pas suffisamment protégées et la sécurité de nos concitoyens est mise à mal, voire compromise. Dans le même temps, une restauration durable des contrôles aux frontières pourrait avoir des répercussions économiques non négligeables.
Notre commission d'enquête devra porter ses investigations sur les services nationaux et européens chargés du fonctionnement de l'espace Schengen et du contrôle des frontières extérieures, tracer des perspectives et proposer des réformes pour plus d'efficacité. Les travaux de la commission d'enquête devraient être achevés d'ici à la fin mars 2017, le Sénat suspendant ses travaux fin février. Nous pourrons nous appuyer sur les nombreux travaux existant au Sénat, comme les rapports importants de MM. Leconte et Reichardt, ou celui de la mission d'information sur l'accord entre l'Union européenne et la Turquie, et concentrer nos auditions sur les principaux services. Notre commission d'enquête adoptera ainsi un rythme assez soutenu.
Après avoir rappelé l'économie générale et les objectifs de l'espace Schengen, nous regarderons comment les récentes mesures de correction des dysfonctionnements sont effectivement mises en oeuvre ; ainsi, Frontex a été renforcé. Il faudra être attentif à la fois aux frontières terrestres, aériennes et maritimes, aborder le thème du contrôle des flux des personnes et des marchandises et donc étudier aussi le volet douanier. Nous entendrons des services des ministères des affaires étrangères, de l'intérieur et des finances, ainsi que le Secrétariat général des affaires européennes.
Les déplacements pourraient avoir lieu, dans la mesure du possible, le lundi et le vendredi, pour respecter les obligations du Règlement du Sénat. Il serait utile de nous rendre à Bruxelles et à Strasbourg, ainsi qu'à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), à Roissy et dans une préfecture - par exemple celle des Alpes-Maritimes - ainsi qu'à Grande-Synthe où le maire a mis en place un dispositif particulier pour accueillir les migrants après le démantèlement de la « jungle » de Calais. À l'étranger, nous pourrions nous rendre à la frontière bulgaro-turque plutôt qu'effectuer un énième déplacement en Italie ou en Grèce, où le Sénat s'est déjà rendu. Il serait opportun d'organiser des visioconférences avec Frontex - dont le siège est à Varsovie - et EASO (European Asylum Support Office, Bureau européen d'appui en matière d'asile) - dont le siège est à La Valette.
Les investigations pourraient se conclure par l'audition des ministres de l'intérieur et du budget, ce dernier exerçant la tutelle sur les douanes.
Quelle publicité donner à nos travaux ? Le principe est la publicité. Nos auditions pourraient faire l'objet d'un compte rendu publié et être ouvertes au public et à la presse. Nous pouvons modérer ce principe si besoin, afin de laisser nos interlocuteurs plus libres de leur expression. Je suis ouvert à vos suggestions d'auditions, même si le panel proposé est déjà large. Les auditions pourront commencer dès cette semaine, mais je ne pourrai être présent durant la semaine du 12 décembre, car je siège, avec d'autres collègues, à la Cour de justice de la République pour le procès de Mme Lagarde.
M. André Gattolin. - Je félicite et remercie le président, le rapporteur et les vice-présidents. En raison de l'historique de Schengen, depuis l'accord de 1985 jusqu'à la convention de 1990, pouvons-nous organiser une audition - non coercitive - de M. Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, qui a porté cette initiative sur les fonts baptismaux ? Cette audition, de bon aloi, pourrait intéresser les médias. Au-delà des frontières géographiques européennes, tenons également compte de l'implication de l'Islande et de la Norvège - je préside le groupe d'amitié France-Europe du Nord - dans cette politique.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Très bien. Nous avons tout intérêt à réaliser un constat de qualité, posant les problèmes, pour une prospective efficace ensuite.
M. Jean-Yves Leconte. - Quel est le périmètre exact de notre commission d'enquête ? Les flux de marchandises relèvent de l'Union européenne, mais pas de Schengen. Je perçois dans vos propos une orientation sur l'asile. Exclut-on les marchandises de notre réflexion, malgré le titre, pour nous concentrer sur les mouvements de personnes, voire de certaines personnes ?
Malgré la crise qui perdure depuis dix-huit mois, ne nous concentrons pas seulement sur la frontière turque, mais élargissons aux Balkans et à la frontière orientale, l'Ukraine et la Russie. Et n'oublions pas les échanges et les multiples coopérations avec les pays du sud de la Méditerranée.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Attention à ne pas trop élargir le champ de nos travaux. Les marchandises sont un sujet accessoire, relatif à la liberté de circulation économique. L'essentiel de nos travaux porteront sur la circulation des personnes, le contrôle de leurs entrées et sorties de l'Union, et les moyens de faire face à la crise.
M. Claude Kern. - Je félicite également les membres du Bureau et le groupe Les Républicains pour son initiative. Intéressons-nous aussi à la frontière serbo-hongroise, où a été installé un grillage barbelé prétendument dans le respect total des accords de Schengen.
M. Jean-Claude Requier, président. - Nous avions aussi envisagé d'auditionner l'ambassadeur de Hongrie.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Un homme remarquable.
M. Didier Marie. - Si la question des entrées dans Schengen via la Grèce est en partie réglée, on observe, depuis quelques semaines, une recrudescence des entrées par l'Italie. Faisons le point sur cette pression très forte en provenance de Libye et de Tunisie, pour déterminer si les moyens de Frontex et de l'État italien sont suffisants.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Tout à fait. Si un déplacement à Lampedusa me semble inutile, il est important de disposer d'une nouvelle analyse des arrivées, en nombre croissant, et des parcours des migrants.
M. Jean-Claude Requier, président. - Jeudi prochain, nous recevrons pour notre première audition Mme Laurence Auer, directrice adjointe de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères.
Mardi 3 janvier, nous pourrions recevoir des représentants de Notre Europe-Institut Jacques Delors ou de la Fondation Robert Schuman, puis France Stratégie, et jeudi 4 janvier, les ambassadeurs d'Allemagne, d'Espagne ou de Hongrie, et un représentant de l'OCDE.
M. André Gattolin. - Pouvez-vous nous envoyer une note de cadrage ? Il y a une distinction juridique entre une frontière terrestre et une frontière maritime, cette dernière étant régie par le droit de la mer : chacun doit prêter assistance à une personne en danger. Ainsi, ceux qui aident paient le fruit de leur engagement : cela nous interroge sur la manière de concevoir Schengen.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Nous commencerons mardi 3 janvier vers 10h30 ou 11 heures, pour finir à 18 heures ; de même mercredi 4 janvier.
M. Jean-Claude Requier, président. - Un calendrier prévisionnel vous sera communiqué.
M. Olivier Cigolotti. - Peut-on avoir connaissance du calendrier des déplacements à l'étranger ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Il est en cours de préparation, il vous sera diffusé.
M. Jean-Louis Tourenne. - Si on veut tarir la source des migrations, il serait utile de comprendre la situation dans les pays d'origine - les moyens mis en oeuvre, les raisons des migrations... Comment se fait-il que de nombreux jeunes migrants arrivent à Roissy avec des visas ? Apparemment, des personnels indigènes dans les consulats délivrent facilement des visas...
M. André Gattolin. - Et les futurs migrants font la tournée des consulats de l'espace européen : s'ils n'arrivent pas à obtenir un visa de l'Allemagne, ils vont au consulat de France ou d'Espagne...
M. Jean-Pierre Vial. - Lors d'un déplacement ministériel pour apprécier les arrivées en provenance de Calais dans les départements, je me suis entretenu avec un traducteur : certains migrants soudanais disaient avoir été contraints de monter dans les bateaux, le fusil dans le dos pour plus de rapidité. Pourrons-nous avoir accès aux fiches parcours de l'Ofpra, qui mentionnent ces informations précises, sous couvert de confidentialité ?
M. Jean-Claude Requier, président. - Nous le demanderons aux équipes de l'Ofpra lors de notre visite.
M. Jean-Yves Leconte. - Intéressons-nous aussi au commerce des passeports européens : des passeports chypriotes ont été donnés contre le siphonage de comptes bancaires, et M. Orban a attribué des permis de séjour permanents aux personnes ayant aidé la Hongrie financièrement...
M. André Gattolin. - Et que dire de Malte qui vend sa citoyenneté ?
La réunion est close à 10 h 10.