- Mardi 15 novembre 2016
- Mercredi 16 novembre 2016
- Loi de finances pour 2017 - Mission « Sport, jeunesse et vie associative » - Crédits « Sport » et « Jeunesse et vie associative » - Examen du rapport pour avis
- Communication diverse
- Demande de saisine pour avis
- Contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et France Médias Monde (FMM) pour la période 2016-2020 - Audition de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente de FMM
- Loi de finances pour 2017 - Audition de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
Mardi 15 novembre 2016
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -La réunion est ouverte à 9 heures.
Loi de finances pour 2017 - Audition de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, et M. Thierry Braillard, secrétaire d'État chargé des sports
La commission auditionne M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, et M. Thierry Braillard, secrétaire d'État chargé des sports, sur le projet de loi de finances pour 2017.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Messieurs les ministres, au cours des dernières semaines, les occasions de travailler ensemble ont été nombreuses. Je citerais les textes relatifs au sport, mais également le projet de loi relatif à l'égalité et la citoyenneté qui comportait un volet important consacré à la jeunesse et je sais que plusieurs de nos collègues - je pense notamment à Jean-Claude Carle, Françoise Laborde et Jacques-Bernard Magner - ont très activement participé aux travaux de la commission spéciale chargée d'examiner ce texte.
Dans le domaine sportif, le Sénat a adopté définitivement le projet de loi qui a notamment rétabli les compétences de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Les travaux menés en amont de l'examen de la proposition de loi de notre collègue le questeur Dominique Bailly sur l'éthique et la transparence du sport ont, également, démontré toute la valeur du travail de co-construction de notre commission.
Pour toutes ces raisons, nous sommes tous très heureux de vous retrouver aujourd'hui pour un exercice plus traditionnel, l'audition sur les crédits de votre département ministériel et je vous cède sans plus tarder la parole.
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. - Je voudrais en premier lieu saluer Jacques Bernard Magner ainsi que Jean-Jacques Lozach, rapporteurs, et me réjouir de la qualité de leur investissement, ainsi que de celui de l'ensemble de votre commission, sur les questions budgétaires qui concernent mon ministère.
C'est la troisième fois que je présente ce budget et je précise qu'il ne s'agit pas là d'un exercice purement technique, mais éminemment politique. Le contexte dans lequel nous le défendons aujourd'hui est très singulier.
Dans une France choquée qui commémore dans le recueillement les attentats du 13 novembre, notre devoir absolu est de maintenir la cohésion nationale. Nous avons tenu à cette fin trois comités interministériels à l'égalité et à la citoyenneté, un quatrième devant se tenir au printemps 2017. Le projet de loi « Égalité et citoyenneté » vient également conforter cette démarche d'union nationale. Aujourd'hui même, à Doha au Qatar, notre équipe « Paris 2024 » présente le dossier « Paris ville olympique et paralympique ». Le choix définitif interviendra le 13 septembre 2017, à Lima. Enfin, je souligne, comme dernier élément de contexte, la prise de certaines mesures à caractère exceptionnel afin de conforter l'égalité républicaine. Je pense ici au plan de financement d'équipements sportifs en outre-mer que j'ai annoncé récemment à l'occasion d'un déplacement et qui sera rappelé lors de déplacements futurs du secrétaire d'État chargé des sports.
Je n'oublie pas non plus de rappeler nos grands succès en matière de sport, tels que le dernier Euro 2016 de football, parfois décrié comme une menace, même si les tristes événements qui l'ont succédé de quelques jours ont montré que les attentats pouvaient frapper ailleurs que dans les grandes manifestations sportives.
Derrière le maquis de chiffres que vous connaissez se dessine un projet de société qui prend en compte le contexte particulier dans lequel nous vivons.
Ces engagements sont précisément traduits par les chiffres de certaines grandes masses budgétaires : 477 millions d'euros pour le programme Jeunesse et vie associative et 521 millions d'euros pour le programme Sport, dont 260 millions d'euros au profit du Centre national pour le développement du sport (CNDS), bras armé de notre politique sportive en direction des territoires.
Nous sommes convaincus que la clé de cette cohésion réside dans le « faire » et plus particulièrement dans le « faire ensemble ». Le niveau d'engagement des Français est aujourd'hui frappant. 18 millions de licenciés sportifs, 16 millions de bénévoles et 100 000 jeunes en service civique, sans compter toutes les autres formes d'engagement que je ne peux mentionner dans ce propos liminaire. Ces chiffres disent combien les Français sont attachés aux valeurs de l'engagement et actifs pour donner du sens aux notions de vivre ensemble et de nation au sein de notre pays.
Le budget Vie associative, jeunesse et sport présente trois aspects saillants afin de faire fructifier ce véritable capital.
Le premier concerne la promotion de l'engagement et de la citoyenneté. Les moyens alloués au service civique s'élèvent à 390 millions d'euros avec l'objectif que 150 000 jeunes puissent effectuer une mission en 2017. Il s'agit d'une montée en charge considérable, que nous opérons en veillant à ce que les missions de service civique ne deviennent pas des stages « low cost ». Des moyens humains seront également alloués puisque 50 postes seront ouverts, principalement dans nos directions territoriales, pour assurer cet effort. 5 postes seront également ouverts au sein de l'Agence du service civique dont le budget a plus que triplé depuis le début du quinquennat puisqu'il s'élevait à 113 millions d'euros en 2012. Martin Hirsch me rappelait récemment que le budget annuel de cet organisme, à sa création, se situait aux alentours de 8 millions d'euros.
D'autres mesures du projet de loi « Égalité et Citoyenneté » participent de l'ambition de promotion de l'engagement, avec la mise en place de la réserve civique, la reconnaissance de l'engagement dans les parcours universitaires et le congé d'engagement. Cette promotion fera la différence entre la vision française de l'engagement et celle de certains autres pays de l'Union européenne.
J'évoquerai, enfin, le grand projet présidentiel « La France s'engage », qui représente 15 millions d'euros du programme d'investissements d'avenir (PIA) pour 2017 afin de soutenir les initiatives d'intérêt général les plus innovantes et les plus prometteuses.
Deuxième point saillant de ce budget : l'emploi et l'insertion. En cohérence avec le point précédent sur l'engagement, le Premier ministre a souhaité que le débat parlementaire s'empare de la question du soutien à l'emploi dans les associations puisqu'il représente 10 % de l'emploi salarié en France. Le secteur associatif est, en effet, pourvoyeur d'emplois, producteur de lien social et créateur de richesses de proximité. Il est donc à la fois juste et utile de le conforter. Cela se fera par le biais d'un crédit d'impôt affecté sur la taxe sur les salaires bientôt en discussion à l'Assemblée nationale. Le montant de cette mesure, qui reçoit par ailleurs un accueil très favorable des associations, est de 600 millions d'euros.
Le troisième axe vise à rassembler les Français grâce au sport, tant du point de vue de sa pratique que des grands événements sportifs. Dans quelques semaines va être accueilli en France le championnat du monde de handball. Cette compétition constitue l'occasion de redire que la France est une grande nation d'accueil d'événements sportifs majeurs de dimension mondiale, comme l'a déjà montré le récent succès populaire de l'Euro 2016.
Nous allons donc proposer un budget fort d'une augmentation sensible de 8 % par rapport à celui de 2016, qui atteindra 521 millions d'euros en 2017, dont 260 millions d'euros pour le Centre national pour le développement du sport (CNDS). Il s'agit d'un signal sans ambiguïté au moment où la France présente le dossier de candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État chargé des sports. - Le budget du sport pour 2017 est marqué par cinq priorités.
La première est le maintien du soutien au mouvement sportif. Alors que nous ne sommes pas en année olympique, le soutien apporté aux fédérations ne sera pas revu à la baisse par rapport à l'année 2016 ; le budget est reconduit à l'identique.
Le deuxième point saillant concerne la candidature de Paris pour l'organisation des Jeux olympiques de 2024. Quel pourrait être l'héritage des Jeux ? Cet héritage pourrait favoriser la pratique sportive de nos concitoyens et une enveloppe de 10 millions d'euros y a donc été attribuée. Elle concernera le soutien aux infrastructures de proximité, le soutien aux initiatives créant des passerelles entre sport scolaire et sport fédéral, le soutien aux initiatives des fédérations et le soutien au handisport. L'Assemblée nationale a adopté un amendement déposé par le vice-président de la commission des finances, M. Régis Juanico, portant le montant de cette enveloppe à 20 millions d'euros. J'espère que les sénateurs feront preuve de sagesse en conservant ce nouveau montant.
La troisième priorité porte sur l'aide à la pratique sportive dans les territoires carencés. Les territoires d'outre-mer ainsi que la Corse méritent un plan de rénovation de leurs équipements sportifs. Des inspections générales ont, en ce sens, été lancées. L'Association nationale des élus du sport (ANDES) a apporté son soutien à ce projet. Son président, accompagné d'une délégation était, à ce titre, en Corse la semaine dernière pour établir la liste des équipements potentiellement concernés par cette action. Ce plan, établi sur quatre ans, bénéficiera de 10 millions d'euros en 2017 et du soutien du ministère en charge de l'outre-mer pour ce qui le concerne.
Renforcer et garantir l'éthique du sport est la quatrième priorité de ce budget. Quoiqu'en dise le président de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), 700 000 euros de plus sont effectivement prévus au titre de son budget pour 2017, et non 700 000 euros de moins comme cela a pu à tort être annoncé. Les chiffres ont un sens !
Enfin, les efforts engagés les années précédentes seront poursuivis, notamment sur le plan « Citoyens du sport » qui concerne les emplois auprès de structures sportives dans les quartiers populaires. L'opération « J'apprends à nager » est aussi concernée. L'État finance, dans son cadre, dix leçons de natation pour les jeunes issus de quartiers populaires ou de zones rurales éloignées des équipements. Cette opération a aujourd'hui permis d'apprendre à nager à 36 800 enfants ; l'an prochain une enveloppe de 2 millions d'euros permettra de l'amplifier.
En conclusion, les états généraux du sport ont révélé la fragilité des résultats de l'équipe de France paralympique. La France termine à la douzième place au classement des médailles des derniers jeux paralympiques, mais sans les performances de Marie-Amélie Le Fur, elle n'aurait été que vingt-deuxième. Une étude sur les médailles obtenues aux Jeux olympiques et paralympiques montre que la chute des résultats paralympiques français est continue. La cause principale de ce déclin est financière car la France est encore à l'ère du bénévolat et de l'amateurisme. À l'heure où 230 records du monde ont été battus lors des derniers Jeux paralympiques, le professionnalisme ne semble pourtant plus une option. Il s'agit d'une véritable problématique qu'il faudra aborder.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits Jeunesse et vie associative. - Je félicite les ministres pour avoir obtenu l'augmentation des crédits de la mission dans son ensemble. Nous savons que défendre de tels budgets devant le ministère des finances n'est pas une tâche aisée. Vous avez non seulement réussi à ménager des crédits pour de nouvelles actions, mais également à conserver ceux qui étaient affectés aux actions déjà existantes. C'est une prouesse. La commission des finances a d'ailleurs adopté les crédits à l'unanimité. Le fait qu'elle ait approuvé les crédits proposés était déjà, de notre point de vue, un bon signe. Je remercie la présidente Mme Catherine Morin-Desailly d'avoir rappelé notre travail au sein de la commission spéciale pour y faire entendre la voix de la commission de la culture à propos des questions relatives à la jeunesse, à la vie associative et la citoyenneté lors de l'examen du projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Ce projet a beaucoup occupé le Sénat et les débats nous ont permis d'aller au plus profond des questions relatives à la citoyenneté.
Certains des thèmes abordés par ce budget, comme le service civique ou l'engagement citoyen, l'ont donc été une première fois à cette occasion. Si certaines dispositions, notamment relatives à la vie associative, n'ont pas été votées par le Sénat, j'espère qu'elles seront réintroduites par l'Assemblée nationale car il s'agit d'une question qui m'est chère, notamment en tant que membre du Haut conseil de la vie associative.
Le troisième programme d'investissement d'avenir (PIA) financera-t-il bien des projets relatifs à la jeunesse ?
Quels sont les financements consacrés à l'École du numérique ?
Mon département, le Puy-de-Dôme, a été l'un des premiers à voir se développer la Garantie jeunes et j'ai pu, avec les missions locales, participer à la millième mise en place de ce dispositif : quel bilan le Gouvernement tire-t-il de son expérimentation et, désormais, de sa généralisation ? Cette Garantie sert-elle de tremplin à une insertion dans le monde du travail pour les jeunes concernés ? Combien ont-ils été et quelles ont été les sommes engagées pour ce programme ?
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits du sport. - L'augmentation de 8 % du budget est significative. C'est d'autant plus appréciable que, comme évoqué, il a été adopté à l'unanimité par la commission des finances du Sénat après avoir été bonifié par des amendements introduits par l'Assemblée nationale.
Il s'agit d'un budget qui se place dans la continuité de l'effort consenti par l'État dans le but de préparer l'Euro 2016 de football. Cette manifestation a, en effet, nécessité tant la mise en place de programmes de sécurité que de réhabilitation et rénovation d'enceintes sportives pour la tenue de cette compétition internationale. Il se place également dans la continuité de la préparation de nos athlètes aux Jeux olympiques de Rio où un record de 42 médailles a été atteint par la France. Ce record nous rappelle le rôle important de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) et des pôles décentralisés. Ce budget est, également, dans la continuité de la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2014. Pensez-vous, à ce propos, que l'élection de M. Trump va avoir une influence sur l'issue du duel entre Paris et Los Angeles pour l'organisation des jeux compte tenu de l'influence présumée du « clan Clinton » sur le milieu olympique ?
Ce budget marque la dernière étape de l'effort de redressement du CNDS entrepris depuis 2012.
Ce budget a, en outre, pour contexte la tenue des états généraux du sport de haut niveau, dans le droit fil de la loi de novembre 2015 qui conforte le statut des sportifs de haut niveau. Le sport de haut niveau n'est toutefois pas la seule optique dans laquelle se place ce budget puisque l'orientation « Sport pour tous » y trouve aussi sa place.
Les chiffres ne doivent pas faire oublier les personnes. Je vise ici les personnels mis à disposition par l'État des fédérations délégataires parmi lesquelles se trouvent les 1 588 conseillers techniques sportifs.
Quelle est votre réaction à la proposition formulée par la mission paritairement composée par l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS), qui a passé en revue les dépenses publiques en faveur du sport, et qui vise à concentrer sur 29 fédérations spécifiques les moyens mis en oeuvre au profit du sport de haut niveau ?
Je souhaiterais maintenant évoquer les grands événements sportifs, tels que l'Euro de football, sous l'angle de la concurrence organisée par la gouvernance sportive internationale entre les États organisateurs. Est-il, par exemple, normal que, sur les 3 milliards de chiffre d'affaires générés par l'Euro 2016, 700 à 800 millions reviennent directement à l'Union des associations européennes de football (UEFA) alors qu'un niveau très important de charges a pesé sur les finances publiques du pays organisateur, notamment en matière de sécurité et d'infrastructures ? N'y a-t-il pas là un rééquilibrage à opérer ?
L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), par son communiqué de presse d'hier, s'est inquiétée de ses perspectives budgétaires. Qu'en est-il véritablement de l'augmentation de 700 000 euros des moyens qui vont être mis en oeuvre au profit de l'agence ? N'oublions pas que le nombre des missions qui lui sont confiées est en constante augmentation dans le cadre, par exemple, de la généralisation du passeport biologique récemment votée.
En ce qui concerne l'attribution des Jeux olympiques de 2024 et la décision du 13 septembre prochain, une estimation des coûts a-t-elle d'ores et déjà été établie pour l'État français ? Une programmation budgétaire est-t-elle envisagée pour la période 2018-2024 ?
Enfin, le mécénat sportif des entreprises est encore un chantier à ouvrir. Une légère progression est, il est vrai, constatée puisque ce mécénat ne portait que sur 2,8 milliards d'euros en 2013 et qu'il a atteint 3,5 milliards d'euros l'année dernière. N'y a-t-il pas là lieu de créer une véritable implication financière des entreprises en matière de sport, tant du point de vue du sport de haut niveau que de celui de la pratique pour tous ? Il me semble aussi que la France accuse un certain retard en matière de pratique du sport au sein de l'entreprise.
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. - Le PIA 2 qui est en train de se clore était doté d'un volet jeunesse conséquent : 84 millions lui étaient consacrés par l'intermédiaire de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Sur ces 84 millions d'euros, 25 millions ont été dédiés au programme La France s'engage, 5 millions d'euros financent, j'y reviendrai, la Grande école du numérique et 54 millions sont affectés au développement de projets locaux. J'étais hier à Lille pour lancer le PIA jeunesse de cette métropole. Il s'agit d'un projet de plus de 5 millions d'euros, qui fait partie des 16 projets validés au plan national pour valoriser des initiatives selon un modèle destiné à être reproduit sur l'ensemble des régions pour valoriser la politique « jeunesse » portée par les territoires ou le secteur associatif.
L'État assume ce qui relève de ses compétences, comme la Grande école du numérique ; il contribue également au développement des initiatives locales au travers de ces programmes.
Le PIA 3 est actuellement en négociation et financera, lui aussi, certaines démarches à destination de la jeunesse dont celle de valoriser la recherche. Nous veillerons ainsi à ce que l'élan impulsé par le PIA 2 en la matière trouve dans le PIA 3 un vecteur de continuité.
La Garantie jeunes est un succès reconnu par des médias dont la ligne éditoriale n'est pourtant manifestement pas favorable à notre Gouvernement. Il s'agit d'un dispositif créé en 2013 à destination des jeunes qui ne sont pas en formation, qui n'ont pas de travail et qui sont en décrochage scolaire. Il y en a encore beaucoup même si le nombre annuel de décrochages scolaires avoisine aujourd'hui 90 000, contre 150 000 en début de quinquennat.
100 000 jeunes seront ainsi en Garantie jeunes à la fin de l'année 2016 et le budget 2017 de ce programme sera de 553 millions d'euros. Il permettra de recruter 150 000 jeunes en année pleine. La Garantie jeunes n'est ni un « RSA jeunes », ni un service civique. Il s'agit d'un dispositif qui prévoit une prise en charge extrêmement rigoureuse des jeunes concernés, sur une durée d'un an, par les missions locales. Ces dernières estiment, à ce titre, avoir retrouvé leur véritable raison d'être au travers de ce dispositif qui donne une réelle seconde chance aux jeunes concernés. S'il a un coût, il permet d'économiser l'ensemble des aides qui auraient été allouées à ces jeunes s'ils devaient demeurer dans leur situation d'échec.
La Grande école du numérique est également l'un des grands projets du Gouvernement. Il s'agit d'un dispositif très sélectif qui vise à intégrer dans des structures de formation au numérique des jeunes qui, bien que sans diplôme, disposent de prédispositions ou d'une appétence certaine pour le sujet. Le but est, notamment, de les former au codage puisqu'il s'agit d'un des principaux besoins inhérents à l'industrie du numérique. Cette Grande école du numérique va devenir un Groupement d'intérêt public (GIP) à la fin de l'année 2016. Elle offre, pour l'heure, 171 formations et va pouvoir former 10 000 jeunes du fait des 5 millions d'euros apportés par le PIA jeunesse. Ce système fonctionne particulièrement bien car 95 % des élèves formés accèdent à un emploi. Ce succès spectaculaire s'explique par l'implantation de ces élèves au sein des entreprises qui les forment. Je précise également qu'il existe des Grandes écoles du numérique outre-mer.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État chargé des sports. - Il est ennuyeux que des inspecteur généraux outrepassent leur mission d'évaluation de l'utilisation des deniers publics en exprimant des positions politiques sur la manière dont ces deniers devraient, selon eux, être utilisés, notamment en matière de politique sportive. Une certaine confusion dans les médias peut parfois conduire à ce que ces positions soient, à tort, assimilées à celle du Gouvernement.
Il existe un modèle français de la politique du sport qui vise à ne pas exclusivement soutenir les fédérations dont les disciplines sont présentes aux Jeux olympiques. Les états généraux du sport de haut niveau révèlent la nécessité d'une implication plus forte dans la recherche de la haute performance, qui concerne en premier lieu les fédérations olympiques ou paralympiques, mais il est hors de question d'abandonner les 56 autres fédérations sportives. Il en va de la diversité et de l'accès au sport pour tous que la France a toujours voulus.
Je comprends l'interpellation de M. Lozach quant à l'UEFA. Je constate néanmoins que l'Euro 2016 a été un succès et que l'organisation d'un tel événement est subordonnée à l'acceptation préalable d'un cahier des charges. Nous avons donc respecté les engagements de ce cahier des charges, notamment en matière d'allègement de taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui a aussi bénéficié aux clubs français. Malgré l'ensemble de ces contraintes, ce type d'événements reste une opportunité pour le pays qui les organise.
L'AFLD est une autorité administrative indépendante (AAI). Le sénateur Jacques Mézard rappelait récemment, à l'occasion d'une proposition de loi qu'il avait initiée sur le sujet, que lorsqu'on se veut indépendante, il est toujours difficile pour une autorité administrative de dépendre à 95 % d'un financement par l'État.
Le financement de Paris 2024 représentera un budget de 6 milliards d'euros, pour moitié alloués aux investissements et au fonctionnement. Le budget relatif au fonctionnement ne devrait pas peser sur le contribuable puisqu'il sera assumé par les recettes propres du Comité international olympique (CIO) comme les recettes de billetterie ou les droits de retransmissions télévisuelles. En matière d'investissement, la France a la chance de posséder déjà la quasi-totalité des infrastructures nécessaires. Seule une piscine olympique devrait être aménagée à proximité du Stade de France. Les 3 milliards d'euros dédiés à l'investissement seront alimentés à 50 % par des fonds publics et 50 % par des fonds privés. L'origine des fonds publics sera répartie. Ainsi, 1 milliard d'euros sera à la charge de l'État, la Ville de Paris et la région Ile-de-France assumeront 145 millions d'euros. Le reste sera supporté par d'autres collectivités comme Marseille où se dérouleront les épreuves de voile, ainsi que le conseil départemental de Seine-Saint-Denis ou la métropole du Grand Paris.
Dans le même temps seront construits un village olympique et un village des médias. Ce village des médias, au Bourget, évitera que les journalistes soient dispersés dans tous les hôtels de la ville, voire de la région. À l'issue des jeux, ces investissements immobiliers seront affectés à des logements en accès à la propriété.
Bernard Amsalem, le président de la fédération française d'athlétisme, rendra jeudi 17 novembre un rapport au Conseil national du sport sur le mécénat sportif. Il existe à ce sujet des dispositifs relativement méconnus, comme la loi de 2011 créant un fonds de dotation à destination des sportifs. Les entreprises soutenant l'association bénéficient ainsi d'une déduction fiscale.
Mme Corinne Bouchoux. - Je remercie les ministres pour leur disponibilité en amont de l'élaboration de ce budget. Elle relève d'une volonté de co-construction des textes et de concertation qui, si elle avait été partagée par d'autres ministères, aurait permis d'éviter que soit si délicate la situation actuelle.
Je rappelle qu'au travers des différentes instances où ils ont pu siéger, les écologistes n'ont majoritairement pas été favorables à la candidature de Paris pour l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques en 2024. Certains membres du groupe écologiste ont toutefois affirmé que si cette candidature devait tout de même être retenue, ils auraient à coeur que les Jeux soient à la fois écologiques et accessibles pour les personnes en situation de handicap. Il s'agirait là d'un moindre mal et nous nous impliquerions donc ce processus.
Par ailleurs, le thème du sport féminin sous toute ses formes, qu'il s'agisse du sport professionnel, du sport amateur, du sport-santé ou du handisport féminin, représente aujourd'hui un enjeu économique, social et politique majeur. Lors des prochaines présentations de ce budget, devant la presse notamment, allez-vous insister d'avantage sur les aspects qui le concernent, notamment le soutien aux associations qui permettent aux femmes de pratiquer une activité sportive dans les quartiers ?
M. Claude Kern. - Je pense, comme vous, qu'il est possible d'engager une politique ambitieuse en faveur du sport et de donner les moyens à notre pays de s'inscrire comme une nation de sportifs de haut niveau. L'exemple de l'investissement des Britanniques en amont et en aval des Jeux olympiques de Londres est probant puisque la Grande-Bretagne s'est classée juste derrière les États-Unis et la Chine au rang des médailles obtenues en 2012 et deuxième de ce classement à Rio, devant la Chine. La France à, quant à elle, fini à la septième place du classement de ces derniers Jeux olympiques. Ce rang est, certes, inférieur à l'ambition initiale qui portait sur le « top 5 » mais il est meilleur que celui des jeux paralympiques de la même année où la France ne s'est placée qu'à la douzième place.
Le financement de la candidature de Paris pour l'organisation des Jeux olympiques de 2024 doit, selon moi, être pris sur le budget des sports plutôt que sur celui du CNDS. A force d'en amputer ses ressources, il est à craindre que la part territoriale du centre et l'aide apportée aux petits clubs subissent un nouveau recul. Je m'étonne donc que le prélèvement sur les mises de jeux de loterie, destinées à financer la contribution du CNDS au projet de construction et de rénovation des stades devant accueillir l'Euro 2016 ainsi qu'à la candidature de la Ville de Paris, ne soit pas prolongé jusqu'en 2024. Ces ressources pourraient abonder un fonds dédié au renforcement de l'héritage sportif des grands événements sportifs internationaux.
Nous sommes satisfaits de constater que la sincérité des compétitions sportives et leur éthique figurent parmi les objectifs du Gouvernement pour la prochaine année. La lutte contre le dopage est un enjeu sanitaire et sportif majeur qui doit mobiliser les pouvoirs publics. L'augmentation du taux de sportifs de haut niveau ayant bénéficié d'un suivi médical complet est une mesure encourageante. Nous regrettons vivement, en revanche, que le nombre des contrôles anti-dopage diligentés hors compétitions en 2015 soit en baisse. Je me veux ici le porte-parole de l'AFLD qui affirme être contrainte de réduire de l'ordre de 20 % le nombre des contrôles qui seront effectués en 2017 en raison de réductions budgétaires.
S'agissant du sport pour tous, qu'en est-il précisément des modalités d'affectation des 10 millions d'euros dont le CNDS va bénéficier dans le cadre d'un plan de rattrapage pour les équipements sportifs outre-mer ?
En ce qui concerne le programme Jeunesse et vie associative, nous soutenons la montée en charge du service civique et l'objectif de 150 000 volontaires dès l'année prochaine. Cependant, l'objectif de 70 000 volontaires en 2015 n'a pas été atteint puisque seuls un peu plus de 50 000 jeunes ont été accueillis. Dans ce cadre-là, l'objectif d'accueillir bientôt la moitié d'une classe d'âge représente, en s'appuyant sur une hypothèse basse, un budget de plus de 1 milliard d'euros. Dans le contexte de rétablissement des comptes publics et des nouvelles dépenses annoncées pour 2017 et 2018, quelles sont les pistes d'économies envisagées pour dégager ce milliard d'euros ?
Mme Christine Prunaud. - Le sport féminin ne devrait plus être un thème que l'on aborde en dernier lieu. La féminisation de certains sports, qu'il s'agisse du football ou du basketball, est réelle. Un soutien plus précis du Gouvernement permettrait cependant aux encadrants et aux collectivités locales d'aller plus loin dans cette démarche.
J'ose espérer que la victoire de Donald Trump sur Hillary Clinton ira dans le sens de la candidature de Paris. Nous n'aurons au moins pas tout perdu...
Je m'inquiète, cette année encore, sur le devenir de certaines infrastructures à l'issue des Jeux olympiques. Il ne s'agit pas des infrastructures qui pourront continuer à remplir leur usage spécifique auprès de la population, mais sur le devenir du village olympique. Une idée avait été lancée pour en faire, dans le cas de Paris, une sorte de cité internationale. Que sera donc l'avenir de ce village olympique si la candidature de Paris est retenue ?
Je prends pour point positif la place de l'éthique dans ce budget et la volonté du ministère de ne pas abaisser ses seuils d'exigence, y compris pour les clubs locaux de nos départements.
Je vous fais confiance sur la réalité de l'augmentation de 700 000 euros à destination de la lutte contre le dopage. Si cette augmentation est réelle, elle va dans le bon sens.
Concernant la jeunesse et la vie associative, je rappelle que notre groupe a toujours été un peu critique vis-à-vis de la Garantie jeunes. Il ne s'agit pas d'une critique sur le principe puisque je connais des jeunes au sein de ma circonscription qui ont eu l'opportunité de reprendre confiance en eux grâce à ce dispositif. Nos réserves portent sur le caractère restreint du champ de ce programme. Je soutiens en revanche pleinement l'idée de service civique. Sa bonne mise en place nécessite un effort que votre Gouvernement produit, mais elle nécessite aussi une campagne de sensibilisation et d'information à l'échelle locale. J'ai, dans cette optique, eu un entretien avec la fédération des Maisons des jeunes et de la culture (MJC) qui serait partie prenante de telles campagnes. Il est également nécessaire que le Gouvernement contrôle ce dispositif afin de prévenir certaines dérives, notamment liées à des emplois fictifs. Le nombre de services civiques vers lequel nous souhaitons tendre rend ce contrôle encore plus important ainsi que le recours à des référents professionnels.
Je me fais, enfin, le relais d'une inquiétude de la part d'associations d'éducation populaire. Car si le budget de votre ministère augmente de manière globale, il faut cependant ne pas oublier qu'il prévoit également certaines baisses. Ces baisses touchent par exemple les MJC qui sont de véritables moteurs d'éducation populaire au sein de nos territoires. Leur inquiétude porte donc sur la volonté d'établir une rotation des bénéficiaires des subventions du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP). Beaucoup de responsables de MJC sont conscients des raisons qui motivent cette rotation sur la base de trois ans mais constatent qu'une telle mesure aurait pour conséquence directe la suppression de leur poste du fait de la capacité très limitée des MJC à s'autofinancer. Ces difficultés d'autofinancement sont directement liées à la nature sociale spécifique de leurs activités qui rendrait, par exemple, difficile l'augmentation des cotisations dans l'hypothèse où la mesure viendrait finalement à être adoptée.
Je constate enfin qu'aucune solution globale n'est proposée en faveur de la jeunesse. Un certain nombre de mesures spécifiques se juxtaposent sans que l'on puisse tirer un sens global de cet ensemble. Car l'autonomie des jeunes est un sujet qui charrie beaucoup de paroles mais peu d'actions. La Garantie jeunes en est un bon exemple. Elle est une solution adaptée pour un public restreint mais ne donne pas de solution au problème plus large de l'autonomie des 18-25 ans.
M. Michel Savin. - Ce projet de budget comporte un certain nombre de points positifs en premier lieu desquels se trouve la montée en charge du service civique qui voit son budget propre passer à 390 millions d'euros en 2017. La prise en compte sur une année pleine de la protection sociale des sportifs de haut niveau est également un point positif puisqu'il s'agit d'une mesure attendue que nous avons partagée. Je rappelle enfin l'augmentation non négligeable de 10 millions d'euros des crédits alloués au CNDS.
Concernant le service civique, l'objectif affiché de 150 000 contrats sur l'année 2017 doit être analysé à la lueur de la réalité de ce qui a été effectivement atteint les années précédentes. Se pose également la question du financement de cette mesure. Lorsque le Président de la République affiche un objectif de long terme à 300 000, voire 350 000 contrats par an, ce coût avoisine le milliard d'euros. Où sera-t-il pris ? Par ailleurs, l'objectif de ces 150 000 contrats supplémentaires dépend de l'implication des collectivités locales. Nous savons cependant aujourd'hui que ces collectivités connaissent souvent des difficultés budgétaires du fait, notamment, de la baisse de la dotation globale de l'État. Je ne pense donc pas qu'elles soient enclines à supporter des charges supplémentaires liées à ces contrats et reste perplexe face à cet objectif.
Je regrette la baisse de 1,5 million d'euros des crédits du Fonds de développement de la vie associative (FDVA) qui peut, en outre, se cumuler pour certaines associations avec un recul des subventions en provenance des collectivités locales. Certaines ont, en effet, décidé de compenser la baisse des dotations de l'État par la diminution des aides versées aux associations sportives, culturelles, sociales... Dans ce contexte, le message ainsi envoyé aux associations par le Gouvernement n'est pas positif. Le bénévolat doit, à nos yeux, être conforté, soutenu et reconnu. La baisse des crédits du FDVA participe du même mouvement. Nous souhaitons tous que les bénévoles soient plus nombreux mais ils doivent être encadrés et formés pour faire face à la responsabilité que représente le fait d'être à la tête d'une association et assumer correctement leur tâche.
Je regrette également la baisse des crédits alloués au soutien national des associations agréées jeunesse et éduction populaire comme la baisse au soutien à des projets associatifs locaux jeunesse et éducation populaire. Le Premier ministre avait annoncé la mise en place d'un crédit d'impôt pour les associations. Comment est prévue et financée cette dépense fiscale estimée à 600 millions d'euros ? Cette mesure semble intéressante dans son principe, mais nous souhaiterions en connaître les modalités de mise en oeuvre.
Nous regrettons enfin le décalage entre le discours de soutien à la lutte contre le dopage et la réalité des crédits affectés à l'AFLD. Chaque année le Gouvernement réduit, en cours d'exercice, les montants des crédits initialement alloués par la loi de finances par le bais de la réserve de précaution qui s'élevait à 5 % et qui, cette année, sera de 8 %. Nous nous interrogeons donc sur la sincérité des chiffres du projet. Vous nous annoncez une augmentation de 700 000 euros des crédits de l'AFLD mais le raisonnement qui précède conduit à s'attendre à une augmentation se limitant à un peu plus de 300 000 euros. Je suis toutefois prêt à changer de position si vous me prouvez le contraire. Cette augmentation n'est donc pas à la hauteur des attentes de l'AFLD du fait, notamment, des nouvelles missions qui lui sont confiées et de la généralisation du passeport biologique qui auraient nécessité des moyens supplémentaires et non leur réduction.
Est-il envisagé de prolonger sur plusieurs années le prélèvement sur les mises de jeux de loterie pour financer la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques de 2024 ? Vous annoncez une participation de un milliard d'euros de l'État si jamais sa candidature était retenue. Ce n'est pas une somme négligeable et j'espère que cette dépense ne se fera pas au détriment du budget du Sport.
Pour conclure, le candidat François Hollande voulait que les jeunes de 2017 vivent mieux que ceux de 2012. C'est un échec : leur taux de pauvreté a augmenté de près de 2 %, 25 % des jeunes actifs sont au chômage et 2 millions de jeunes de moins de 26 ans sont sans emploi, sans diplôme et sans formation.
Mme Maryvonne Blondin. - Je rappelle que les collectivités territoriales jouent également un rôle important dans le développement du sport, notamment le sport pour tous dans les régions carencées et en matière de handisport. Je salue la nomination de la nouvelle présidente de la Ligue de football professionnel. J'ai toujours milité pour que des femmes soient candidates à l'exercice de responsabilités au sein des fédérations et qu'elles soient formées pour franchir toutes les étapes jusqu'au niveau national.
L'Assemblée nationale a relevé les plafonds du prélèvement sur les paris sportifs. Les fonds ainsi perçus vont-ils seulement servir à financer la candidature de Paris pour l'organisation des Jeux olympiques de 2024 ou vont-ils également aider le CNDS à développer des aides sur les territoires ?
M. David Assouline. - Je remercie les ministres pour leur disponibilité et le fait qu'ils se dépensent sans compter pour la promotion du sport et pour que la France soit à la hauteur de cet enjeu.
L'exemple anglais est à double tranchant. L'esprit olympique et les valeurs universelles qui ont prétendument été attachés aux Jeux de Londres n'ont pas empêchés les Britanniques de voter le Brexit alors que ce vote n'est, semble-t-il, pas un vecteur de promotion de leur pays. Si le Brexit avait été voté avant, ces jeux se seraient peut-être déroulés à Paris. Le Brexit trouve sa source dans les défauts conjugués de certaines politiques publiques et la mauvaise gestion des retombées engendrées par les Jeux de Londres en fait partie car certains s'en sont peut-être sentis exclus. Il s'agit là d'une leçon à retenir pour notre propre candidature.
Je vais, vendredi, vous remettre, Messieurs les ministres, ainsi qu'à Mme Azoulay, mon rapport sur le sport à la télévision en France : pour l'accès au plus grand nombre, pour la diversité des pratiques et des disciplines exposées. Les propositions que j'y formule ont quelques incidences budgétaires. Je ne sais pas si leur mise en oeuvre sera éventuellement possible pour 2017, mais elles resteront, en tout état de cause, valables pour les années suivantes.
Je considère qu'il faut doubler le montant du fonds dédié par le CNDS à la médiatisation des sports qui le sont peu pour le moment. Cela concerne l'essentiel des sports, puisque sur l'ensemble des disciplines olympiques, seules cinq ou six sont réellement médiatisées. Cela concerne également le handisport et le sport féminin. Doubler ce fonds permettrait à toutes les petites structures, les petits clubs et les petites enceintes de se donner les moyens techniques nécessaires à la retransmission télévisuelle des événements qu'ils accueillent. Un amendement a récemment relancé le débat sur le champ de la taxe Buffet au sein de notre commission. Le fait que des compétitions organisées par des fédérations ou des acteurs internationaux en soient exclues aboutit à une perte de recettes de 15 millions d'euros. La pérenniser en faisant obstacle à cette évasion sans pour autant sanctionner financièrement celles qui en bénéficient pourrait se faire par la baisse de son taux de 5 à 4 %. Un statu quo serait ainsi obtenu et toute dérive future serait écartée, sans augmentation du coût des droits de retransmission.
La médiatisation du sport est aujourd'hui nécessaire et je suis, à ce titre, heureux que la France accueille bientôt les championnats du monde de handball. Je regrette toutefois que le contribuable soit mis à contribution pour son organisation alors que les droits de retransmission sont cédés à une chaîne payante et que seules les demi-finales et finales seront diffusées sur une chaîne gratuite, à condition que l'équipe de France y prenne part.
M. Jacques Grosperrin. - Cette augmentation globale de plus de 8 % peut être comprise de deux manières. On peut la considérer comme une réelle avancée du fait d'arbitrages favorables aux thèmes défendus par ce budget. On peut, à l'inverse, les voir comme l'affichage de « cadeaux » pré-électoraux dans l'optique du scrutin présidentiel à venir.
Le 27 octobre dernier a eu lieu le premier forum des citoyens qui contribue à faire vivre la démocratie dans les quartiers. Le 23 octobre dernier, un arrêté a, de fait, interdit la pratique du Mixed martial arts (MMA) en compétition. Ne serait-il pas opportun de revenir sur cet arrêté, au nom de la démocratie dans les quartiers, puisqu'une demande en émane ? Je salue, à cette occasion, la discussion ouverte par M. Braillard et souhaiterais avoir, maintenant, le point de vue de M. Kanner à ce sujet.
Ne serait-il pas possible de ne plus subordonner la délivrance d'une licence sportive à un certificat médical ; il existe une demande forte des fédérations sportives en ce sens ?
Enfin, y a-t-il eu une évaluation des impacts de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite « loi NOTRe ») sur la déconcentration de vos services au sein des nouvelles régions ?
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. - Je rappelle à M. Grosperrin que M. Braillard et moi-même partageons les mêmes points de vue sur les dossiers évoqués, notamment celui du MMA.
La mise en oeuvre de la loi NOTRe se passe de manière apaisée puisque nous suivons le principe selon lequel il n'existera pas d'obligation de « déménager » pour les acteurs concernés. Ainsi, dans ma région, la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJCS) se trouvera maintenant à Amiens alors qu'elle était à Lille, où une antenne subsistera. L'objectif est de donner un pôle d'équilibre à Amiens puisque la Picardie pouvait se sentir un peu mise en question par le poids de la métropole lilloise. Il faut que la loi NOTRe soit un outil d'aménagement du territoire en matière de services publics pour l'État. Il est cependant un peu tôt pour tirer un premier bilan qualitatif de cette réforme sous cet angle-là. L'actualité nous montre qu'il existe très peu de mécontentement exprimé. C'est plutôt bon signe, même s'il faut tenir compte du fait que nos fonctionnaires sont particulièrement rigoureux dans le respect de leur devoir de réserve.
Le service civique est un des points forts du budget et le nombre de postes offerts dans son cadre a doublé entre 2015 et 2016. La pente est ascendante puisque 2 000 jeunes rejoignent le service civique chaque semaine mais certaines difficultés demeurent. L'aspect budgétaire n'est pas au nombre de ces difficultés car 390 millions d'euros sont prévus pour l'accueil des 150 000 jeunes au cours de l'année 2017. L'offre de missions est, en revanche, un paramètre inquiétant. Sa répartition est simple puisque 70 % de l'offre provient du milieu associatif, 22 % de l'État et enfin, 8 % des collectivités territoriales. Le monde associatif semble atteindre le maximum de ses capacités d'accueil. L'État peut, lui, encore produire un effort. Certaines des dispositions de la loi « Égalité et Citoyenneté » vont d'ailleurs en ce sens. Il est, en revanche, particulièrement important que les collectivités territoriales progressent. Les départements vont être amenés à le faire car ce même texte prévoit que le service civique sera ouvert aux Centres d'incendie et de secours, ce qui représente des milliers de postes potentiellement mobilisables. Ils permettront, en outre, de créer une dynamique vers les sapeurs-pompiers volontaires ou professionnels. J'entends bien que les difficultés financières des collectivités territoriales pourraient constituer un frein à leur mise en oeuvre de services civiques. Cependant, si un service civique revient, toutes charges comprises, à 1 000 euros par mois et par jeune et, sur ces 1 000 euros, seuls 100 pèsent finalement sur l'organisme d'accueil, ce coût ne représente donc pas un réel obstacle pour la mise en place du service civique par les municipalités, surtout qu'il existe des moyens de transformer ces 100 euros en défraiements en nature, tels que la prise en charge des repas dans des cantines.
La méconnaissance du dispositif et de sa mise en oeuvre par certains élus est également un frein. Il reste donc tout un travail d'information à effectuer pour valoriser ce service civique. À l'heure actuelle, 160 000 jeunes sont passés par ce dispositif depuis sa création. L'objectif de 350 000 jeunes par an fixé par le Président de la République me parait accessible si les gouvernements qui se succèderont continuent de déployer les moyens nécessaires. Le service civique relève de l'union nationale et procède d'une belle politique. Je le dis d'autant plus librement qu'il n'a pas été créé par un gouvernement politiquement proche du nôtre. Martin Hirsch a voulu ce service civique, nous l'avons développé et je ne doute pas que cette action sera poursuivie quoi qu'il arrive. Car il représente, pour les jeunes, un moyen privilégié de s'émanciper, de se développer, de créer des réseaux, de se rendre utile et de finalement donner plus que de recevoir. C'est donc un message fort que nous envoyons à notre jeunesse, porté par un budget à la hauteur de nos ambitions.
La question du sport féminin est une de nos priorités. Je ne peux, cependant pas dire que le monde du sport soit un milieu favorable à la féminisation. Sa gouvernance en est un exemple. Le fait que, sur 31 fédérations olympiques, seule une soit dirigée par une femme, nous montre que des efforts importants doivent encore être accomplis. Beaucoup de mesures ont été prises pour favoriser la féminisation de certains sports collectifs comme le rugby ou le football et je salue, à cette occasion, le travail effectué par Noël Le Graët, président de la fédération française de football, défenseur acharné du football féminin. Il a ainsi pu, avec notre aide, obtenir que l'organisation de la Coupe du Monde 2019 ait lieu en France ce qui sera sans doute à l'origine d'une dynamique forte en faveur du sport féminin.
Quel que soit le président des États-Unis, il défendra la candidature de Los Angeles pour l'organisation des Jeux olympiques de 2024. Cette candidature est financée en totalité par des fonds privés, ce qui constitue un atout.
Je rappelle que le budget 2017 voit augmenter de 2 % les postes du FONJEP. Il est, en effet, important de valoriser l'héritage et l'histoire de l'éducation populaire dans notre pays. Il est cependant vrai que l'éducation populaire s'interroge aujourd'hui sur la place qui est la sienne dans la société. La question des quartiers prioritaires doit également être revue sous cet angle. Certains manques sont peut-être, en ce sens, à combler.
Je rejoins M. Savin sur le fait que le FDVA est la clé de la formation de nos bénévoles. Mais il est important de conforter le monde associatif en tant que tel et les 600 millions d'euros du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi pour les associations (CICE Associations) vont en ce sens. Tous les partenaires associatifs et notamment les plus gros employeurs, comme la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP) pour le monde médico-social, ou l'Association des paralysés de France (APF) dans le secteur du handicap, m'assurent que ce CICE servira essentiellement à recruter. Il s'agit d'une bonne chose pour notre pays. Même s'il représente un certain coût, ce CICE favorisera in fine le recrutement.
Je souhaite conforter le financement du FDVA, même s'il ne s'agit pas d'une chose aisée, par l'intermédiaire d'une mesure évidente portant sur la gestion des fonds en déshérence du secteur associatif. Des millions voire des dizaines de millions d'euros sont laissés en déshérence sur des comptes bancaires par des associations qui ne vivent plus et qui, sans être proprement dissoutes, n'ont plus aucune activité. Si une telle mesure devait être adoptée, je vous assure que le financement du FDVA ne serait plus une question !
Je ne polémiquerai pas sur les conclusions de M. Savin relatives au bilan de notre politique de la jeunesse. Je réagirai en revanche aux propos de Mme Prunaud qui considère l'ensemble des mesures à destination de la jeunesse comme une sorte de tableau impressionniste, constitué de touches de couleur ponctuelles dans lequel il serait difficile de déceler une cohérence ou une harmonie globale. Il est vrai que nous avons pris des mesures pour « les jeunesses » et qu'il n'y a pas eu peut-être de mesure emblématique à destination de la Jeunesse dans son ensemble. Mais les jeunesses renvoient à des réalités très différentes. Le fils d'un cadre supérieur de l'administration d'État rencontre sans doute moins de difficultés que le fils d'un ouvrier au chômage dans un quartier prioritaire. Ces deux jeunes ont certes le même âge mais ne rencontrent pas les mêmes problèmes et il faut savoir répondre à ces différentes problématiques.
Dans cette optique, les travaux réalisés avec la Garantie jeunes, avec le développement du service civique, avec la création de la « caution logement », avec l'augmentation de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU C), avec l'augmentation des bourses,... montrent que nous avons su répondre aux besoins de catégories de jeunes. Mais la réponse est pour moi simple et elle consiste en l'universalisation du droit commun pour tous les jeunes. L'âge ne doit plus être un handicap pour accéder aux mesures de droit commun.
Le meilleur exemple récent de la mise en oeuvre de cette politique est celui de la prime d'activité. Alors que l'ancien revenu de solidarité active pour les jeunes actifs (RSA jeunes actifs) n'était mobilisé que par moins de 10 000 jeunes jusqu'à sa suppression au cours de cette année, aujourd'hui, les jeunes travailleurs modestes gagnant moins de 1 500 euros par mois sont 500 000 à avoir mobilisé la prime d'activité, dispositif de droit commun. Il ne s'agit pas de dépenses inutiles puisque je vois mal les jeunes bénéficiant de 10 % de pouvoir d'achat supplémentaire du fait de cette prime ne pas les dépenser et ainsi en faire bénéficier l'économie réelle.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État chargé des sports. - Au risque d'être polémique, je réponds à M. Grosperrin que si des « cadeaux électoraux » ont pu être faits dans le passé, ils ne justifient pas la suspicion qu'il porte à nos mesures. Je rappelle, à ce titre, que lors de son installation, le gouvernement de l'époque a trouvé en 2012 un CNDS dont la dette atteignait 464 millions d'euros alors que son budget annuel était de 270 millions d'euros. Plus de 600 millions d'euros correspondaient donc à des promesses électorales faites entre 2011 et 2012 ! Le budget du CNDS que nous présentons aujourd'hui montre que nous n'avons pas employé la même méthode.
M. Jacques Grosperrin. - Je vous l'accorde, mais ce n'est pas parce que des erreurs ont été commises qu'il faut les reproduire.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État chargé des sports. - Je voulais également vous remercier pour le travail engagé à l'occasion du rapport sur le MMA. Vous constatez que nous ne restons pas fermés aux propositions et que des dispositions prévoient l'encadrement de la pratique non compétitive de ce sport. La position du Gouvernement n'a pas changé depuis 2012 puisqu'il est contre la pratique du MMA en compétition.
Le plan « Citoyens du sport », reconduit pour 2017, comporte une enveloppe d'un million d'euros affectée aux projets de développement du sport féminin. Les structures qui y concourent ne doivent donc pas hésiter à déposer un dossier auprès de la direction départementale ou régionale jeunesse et sport pour bénéficier de ce soutien financier. La loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes est également appliquée dans le monde du sport et un réel contrôle est exercé sur les fédérations afin de vérifier qu'elles en respectent les dispositions. La récente proposition de loi votée à l'unanimité par le Sénat introduit l'idée d'une grande conférence sur le sport féminin. Il s'agit d'une avancée assez importante.
L'Assemblée nationale a voté un amendement au projet de loi de finances afin de proroger le prélèvement supplémentaire de 0,3 % sur les jeux, mis en place pour financer la construction ou la rénovation des nouveaux stades pour l'Euro 2016. Cette prolongation est notamment motivée en prévision du soutien à l'héritage sportif des Jeux olympiques de Paris 2024 en vue d'autres grands événements.
Enfin, l'accessibilité du village olympique sera un point prioritaire. Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, porte également l'idée de créer un éco-quartier propre à ce village. Le village olympique et paralympique qui prendra place à Pleyel-Bords de Seine représentera 17 000 lits. Le village des médias en comportera, lui, 4 000. Ces deux villages seront transformés en 5 000 logements à l'issue des jeux, 4 000 pour le village olympique et 1 000 pour le village médias.
La réunion est close à 10 h 35.
Mercredi 16 novembre 2016
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -La réunion est ouverte à 10 heures.
Loi de finances pour 2017 - Mission « Sport, jeunesse et vie associative » - Crédits « Sport » et « Jeunesse et vie associative » - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission examine le rapport pour avis de M. Jean-Jacques Lozach sur les crédits « Sport » et de M. Jacques-Bernard Magner sur les crédits « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2017.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits Jeunesse et vie associative. - Si la jeunesse a, de tous temps, constitué un enjeu primordial pour la construction de l'avenir des sociétés, les évolutions récentes du contexte socio-économique et des équilibres générationnels requièrent de la part des pouvoirs publics un fort investissement pour accompagner les jeunes dans leur parcours d'autonomie, soutenir leurs initiatives et remédier aux difficultés qu'ils peuvent rencontrer.
Dans cette perspective, le projet de loi de finances pour 2017 consacre 90,97 milliards d'euros et met en place un nombre important d'actions et de dispositifs dans tous les domaines de la vie des jeunes, pour les soutenir au quotidien ou pour leur permettre de construire leur projet de vie.
Avec 476,7 millions d'euros, les crédits du programme 163 de la mission « Jeunesse et vie associative » ne représentent qu'une fraction modeste de l'effort national consenti en faveur de la jeunesse. Pour autant, ils témoignent du fort engagement du Gouvernement pour cette priorité. En effet, ils sont en augmentation de 21,5 % par rapport à 2016. Cette augmentation est due à la hausse des crédits en faveur du service civique, qui passent de 294,6 millions d'euros en 2016 à 390 millions d'euros en 2017. Il s'agit de l'action 4 du programme : développement du service civique.
Le service civique connaît une montée en charge sans précédent depuis sa création en 2010. Entre 2010 et 2015, le nombre de volontaires a été multiplié par sept pour passer de 6 000 à 52 000. À la fin de l'année 2016, le nombre de 95 000 volontaires en service civique devrait être atteint pour un objectif initial de 110 000 jeunes engagés. À l'horizon 2017, l'objectif fixé par le Président de la République s'élève à 150 000 jeunes et même à 350 000 pour la fin 2018, soit la moitié d'une classe d'âge.
Je me réjouis que le plafond d'emplois alloué à l'Agence du service civique, en charge de la mise en oeuvre de ce dispositif, augmente de 10 équivalents temps plein travaillé (ETPT) dans le projet de loi de finances pour 2017 - dont la consolidation de 5 ETPT déjà autorisés en 2016 en gestion - pour passer à 51. Par ailleurs, les services déconcentrés du ministère qui sont en charge des agréments et du contrôle vont bénéficier d'un renfort de leurs effectifs travaillant sur le service civique à hauteur de 50 ETPT. Ce renfort est inscrit dans le programme 124 « conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, de la jeunesse et des sports » qui est le programme support des effectifs du ministère.
Cet effort doit être poursuivi, notamment afin de permettre à l'Agence du service civique et aux services déconcentrés de mieux exercer leur contrôle sur les structures d'accueil. En effet, le taux de contrôle a chuté de 20 % en 2014 à 10 % en 2015. Au demeurant, le fort développement des missions a rendu le programme de contrôle élaboré en 2010 inadapté. La procédure a donc été simplifiée et clarifiée en 2015 et un guide pratique a été élaboré à l'attention des services déconcentrés.
Il convient également de s'assurer que l'augmentation quantitative du service civique ne se fasse pas au détriment de la qualité des missions exercées. Lors de l'examen du projet de loi « Egalité et citoyenneté », le Parlement a adopté plusieurs mesures visant à distinguer les missions réalisées dans le cadre d'un service civique et les activités exercées dans le cadre d'un emploi ou d'un stage.
La montée en puissance du dispositif est liée à la capacité d'augmenter le nombre de structures d'accueil et de missions proposées. Au cours de l'année 2015, le paysage des structures d'accueil a nettement évolué. À cette date, 84 % des organismes agréés sont des associations, mais celles-ci ne réalisent plus que 73 % des accueils de volontaires, contre 87 % en 2015. Cette évolution est liée à la mobilisation du secteur public, notamment des services de l'État et de leurs opérateurs, qui ont accueilli 25,65 % des volontaires, contre 12 % en 2014. Le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est celui qui a accueilli le plus grand nombre de volontaires au cours de l'année 2015. On constate également que plus de la moitié des structures agrées en 2015 ne l'étaient pas en 2014.
Pour autant, l'objectif des 350 000 volontaires du service civique ne pourra être atteint que si les collectivités territoriales se mobilisent pour accueillir davantage de jeunes en service civique.
Or, ces dernières restent réticentes à s'engager. Plusieurs raisons sont avancées. D'une part, elles ont encore des difficultés à faire la différence entre les emplois aidés et les missions de service civique. Par ailleurs, elles sont confrontées à une montée en charge de leurs missions alors même que la dotation de l'État a fortement diminué, ce qui ne les incite pas à accueillir dans leurs services des jeunes souvent inexpérimentés qu'il faudra former et encadrer. À cet égard, je rappelle que les collectivités territoriales ne bénéficient pas de l'aide de l'État de 100 euros mensuels par volontaire accueilli destinée à couvrir une partie des coûts liés à l'accueil et l'accompagnement du volontaire. Comme l'a fait remarquer le Haut-commissaire à l'engagement, M. Yannick Blanc, lorsque je l'ai auditionné, une aide similaire pourrait être légitime pour certaines petites communes et faciliterait leur implication dans le dispositif du service civique.
Au-delà du service civique, le programme 163 soutient le développement de la vie associative (il s'agit de l'action 1) et les actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire (action 2).
Les crédits de ces deux actions pour 2017 baissent de 11,1 % par rapport aux crédits votés en 2016 à 86,7 millions d'euros, avec une baisse plus prononcée pour l'action 1 : 32,9 %, soit 8,6 millions d'euros de moins qu'en 2016, contre - 3,2 % pour l'action 2, soit 2,3 millions d'euros en moins.
Toutefois, ces chiffres bruts doivent être relativisés. En ce qui concerne l'action 1, la baisse entre les crédits votés en 2016 et les crédits proposés par le projet de loi de finances pour 2017 s'explique de deux manières. D'une part, l'action « développement de la vie associative » bénéficie traditionnellement d'une part non négligeable de la dotation d'action parlementaire : 6,6 millions d'euros en 2016 qui n'ont pas été pris en compte dans le projet de loi de 2017. En outre, un million d'euros a été transféré du fonds de développement de la vie associative (FDVA) qui figure à l'action 1 au profit du soutien aux projets associatifs « Jeunesse éducation populaire » de l'action 2, compte tenu de la sous-consommation des crédits du FDVA.
L'action 2 a également bénéficié de 2 millions d'euros de crédits non reconductibles au titre de la réserve parlementaire en 2016.
Par conséquent, si on compare les crédits globaux affectés aux actions 1 et 2 en 2016 et 2017 hors réserve parlementaire, la baisse n'est plus que de 2,21 millions d'euros, soit 2,5 %. Ce taux est inférieur au taux d'effort prévu dans la lettre de cadrage du Premier ministre du fait du maintien des crédits du fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) qui s'élèvent à 31,3 millions d'euros pour 2017 et de la stabilité des crédits dédiés aux échanges internationaux des jeunes à travers l'Office Franco-Allemand pour la Jeunesse (11,55 millions d'euros) et l'Office Franco-Québéquois pour la Jeunesse (1,96 million d'euros).
L'événement marquant en matière de politique de la jeunesse cette année a été le projet de loi égalité et citoyenneté présenté en conseil des ministres le 13 avril dernier et examiné en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale à partir du 22 novembre prochain.
Ce texte poursuivait, à l'origine, trois objectifs :
- encourager l'engagement citoyen des jeunes ;
- utiliser le logement social pour favoriser la mixité et la cohésion sociale ;
- lutter contre les discriminations.
Composé de 41 articles initialement, sa taille a fortement augmenté après son examen par l'Assemblée nationale, pour passer à 217 articles.
Comme vous le savez, il a été profondément modifié par le Sénat et a perdu une grande partie de ses articles.
Je rappelle quelques avancées en faveur de la jeunesse portées par ce texte, au moins à l'origine :
- la création d'un congé d'engagement qui permettra à tout dirigeant associatif de prendre un congé non rémunéré de six jours maximum par an ;
- la reconnaissance systématique de l'engagement des étudiants, grâce à la validation, dans le cursus du supérieur, des compétences et connaissances acquises dans une activité bénévole ;
- l'amélioration de la transparence dans l'attribution des logements sociaux, notamment pour les jeunes ;
- une coordination territorialisée du réseau d'information jeunesse ;
- la création d'un conseil d'orientation pour les politiques de la jeunesse dont le rôle est d'impulser une dynamique de production de l'offre destinée aux jeunes, de veiller à ce que chaque politique publique prenne en compte la question de la jeunesse et de proposer des politiques à mettre en oeuvre pour l'ensemble des jeunes.
En conclusion, compte tenu de la très forte augmentation des crédits du programme 163 qui témoigne de l'engagement de ce Gouvernement pour la jeunesse, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits du sport. - Je rappellerai tout d'abord que ce budget du sport pour 2017 fait suite à une année olympique - avec les Jeux de Rio - et à l'organisation de l'Euro 2016. Ces deux événements ont nécessité la mobilisation de moyens importants, il aurait donc été logique que le budget de 2017 connaisse une baisse sensible après un pic comme c'est le cas habituellement dans ces circonstances. Or il n'en est rien puisque, à périmètre constant, les moyens du programme 219 s'établiront en 2017 à 224,8 millions d'euros contre 224,6 millions d'euros en 2016. Le maintien des moyens s'inscrit en particulier dans la perspective de la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Le Gouvernement a voulu envoyer un signal de mobilisation au CIO qui devra désigner la ville retenue le 13 septembre 2017 à Lima. La candidature de Paris constitue donc le « fil rouge » de ce budget.
Si l'on rentre maintenant dans le détail, il convient d'observer que les crédits de l'action n°1 consacrée à la promotion du sport pour le plus grand nombre baisse de 39,8 % car elle ne prend pas en compte les crédits issus de la dotation d'action parlementaire et que l'action n° 2 évolue du fait de la non-reconduction des primes pour les médaillés olympiques. Au final, à structure courante, les crédits demandés s'élèvent à 157,32 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 260,97 millions d'euros en crédits de paiement. Une fois les crédits de la réserve parlementaire au titre de 2016 neutralisés, ainsi que les mesures de périmètre et de transfert au titre de 2017, l'augmentation est de 2,7 % soit +5,93 millions d'euros.
L'année dernière, j'évoquais le fait que le budget pour 2016 n'hésitait pas à faire des choix pour dégager des priorités. Ce principe vaut également pour le budget 2017 et nous pouvons tous le comprendre compte tenu de la situation des finances publiques.
Les crédits de l'action n° 1 consacrée au « sport pour tous » s'élèvent à 7,95 millions d'euros, en augmentation de 0,34 million d'euros par rapport à 2016 après neutralisation de la réserve parlementaire au titre de 2016 et de la mesure de périmètre pour 2017, qui a pour effet de faire figurer 36,1 millions d'euros destinés à compenser à l'ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale) des exonérations de charges accordées au titre de la rémunération des arbitres et juges sportifs.
Ces crédits permettront de maintenir en 2017 le niveau des subventions accordées aux fédérations sportives. Ces crédits servent à financer les fédérations, mais l'essentiel du financement de ces dernières provient du CNDS. L'action n° 1 permet également de financer le musée national du sport à Nice. À ce sujet, il convient toujours d'être vigilant sur le niveau de fréquentation de cet équipement qui doit encore progresser, grâce en particulier à une meilleure desserte et une attractivité de l'offre.
Je mentionnais il y a un instant le CNDS, j'y reviens pour évoquer le fait que le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une réduction de ses ressources de 4,3 millions d'euros, à 260 millions. À noter que le CNDS bénéficiera en 2017 d'une prolongation de la ressource exceptionnelle de 120 millions d'euros prévue par la loi de finances pour 2011 plafonnée à hauteur de 15,5 millions d'euros. Ces moyens supplémentaires devraient en particulier profiter au stade de Lens (à hauteur de 12 millions d'euros).
Le CNDS bénéficiera également de deux abondements exceptionnels. Le plafond de la ressource exceptionnelle sera relevé à 25,5 millions d'euros, afin de dégager 10 millions d'euros pour accompagner la candidature de Paris et 10 millions d'euros seront consacrés à un plan de rattrapage en faveur des équipements sportifs situés en Outre-mer et en Corse.
Le plan « Citoyens du sport » décidé le 6 mars 2015 est également poursuivi. Je rappelle que ce plan vise à promouvoir les valeurs éducatives et citoyennes du sport et à assurer l'accès à la pratique sportive. Il prévoit, notamment, la création de 400 emplois supplémentaires d'éducateurs sportifs au sein des clubs sportifs situés dans les quartiers visés par la politique de la ville.
Alors que j'évoque le CNDS et son rôle dans le financement des stades de l'Euro, permettez-moi d'évoquer le succès de cette compétition qui a permis de rassembler 4 millions de spectateurs. Le seul incident à Marseille lors du match Angleterre-Russie n'a heureusement pas eu de suites. À noter qu'une étude sur les retombées économiques de cette compétition est en cours de réalisation par le Centre de droit et d'économie du sport, dont les résultats seront présentés le mois prochain.
J'ai auditionné Jacques Lambert, l'organisateur de la compétition, qui m'a indiqué que la proportion de spectateurs étrangers dans les stades était de 65% contre une prévision de 40 %, ce qui a eu sans nul doute un impact sur ses retombées économiques. Par ailleurs, le préfet Lambert a salué l'organisation des « fan zones » qui ont permis d'assurer la sécurité du public dans les circonstances difficiles que nous connaissons. Le succès de l'Euro 2016 en France constitue un atout pour la candidature de Paris, puisque notre pays a su démontrer une grande maîtrise dans l'organisation d'un événement complexe, qu'il a su rénover profondément ses installations et engager une transition vers un nouveau modèle qui met le sportif au centre de nos politiques.
Les crédits de l'action n° 2 relatifs au sport de haut niveau confirme, à cet égard, notre engagement en faveur des athlètes puisqu'ils augmenteront de 4,88 millions d'euros pour atteindre 169,83 millions d'euros.
Les crédits alloués aux fédérations dans l'action n° 2 - compte tenu du fonds de concours du CNDS - s'établiront à 78,7 millions d'euros, soit un montant comparable à l'année dernière. À noter toutefois qu'une réserve de précaution de 8 % est prévue en gestion ce qui correspond à 6,3 millions d'euros. Ces crédits constitueront la dernière annuité des conventions d'objectifs 2014-2017. Un nouveau cycle de conventions débutera prochainement pour la période 2018-2021, qui pourrait intégrer une distinction entre une part fixe de moyens destinée au sport de haut niveau et une part variable accordée sur la base d'appels à projets pour des actions sociales et sociétales. Cette part variable devrait, selon moi, se référer à la charte d'éthique et de déontologie définie par le CNOSF dans le prolongement de la proposition de loi que nous avons adoptée le 26 octobre dernier.
Un mot pour évoquer le renforcement de la protection sociale des sportifs de haut niveau. En 2017, les moyens seront consolidés en matière de retraite (+2 millions d'euros) et d'accidents du travail (+1,93 million d'euros), pour tenir compte de l'application en année pleine des dispositions adoptées dans la loi de novembre 2015.
J'en viens maintenant à l'INSEP dont le plan de développement se poursuit, malgré les incertitudes créées l'année dernière du fait d'un prélèvement de 2,7 millions sur son fonds de roulement, qui a fragilisé à la fois la stratégie de développement des ressources propres et les moyens nécessaires pour l'entretien des installations. Votre rapporteur pour avis ne peut que se réjouir, dans ces conditions, du fait que la subvention de l'État à l'INSEP soit portée à 22,1 millions d'euros et que le fonds de roulement de l'établissement soir préservé. Pour mémoire 21 des 42 médaillés olympiques à Rio étaient passés par l'INSEP, ce qui démontre l'efficacité de cet établissement que beaucoup de pays nous envient et essayent de copier.
Un mot enfin des CREPS dont le transfert aux régions a été prévu par l'article 28 de la loi du 7 août 2015, portant nouvelle organisation de la République. En 2016, l'État avait pris en charge la rémunération des personnels à hauteur de 52,1 millions d'euros et prévu 5,09 millions au titre des investissements. En 2017, la subvention de fonctionnement aux CREPS augmentera de 6 % à 60,51 millions d'euros pour tenir compte de la hausse de la masse salariale. À noter également que 2017 sera marquée par le transfert aux régions au 1er janvier des agents contractuels et titulaires volontaires. Une majorité des 422 agents concernés auraient déjà opté par ce transfert.
Concernant les crédits consacrés à la protection des sportifs, j'observe, en particulier, que la subvention à l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) s'établit à 8,5 millions d'euros contre 7,8 millions d'euros en 2016 tandis que la contribution à l'Agence mondiale antidopage (AMA) progresse également à 0,69 million en 2017.
Hier, devant notre commission, les deux ministres concernés ont confirmé l'effectivité du versement des 8,5 millions d'euros au bénéfice de l'AFLD. Il semblerait que la réalité soit plus complexe puisque le ministère a publié un communiqué de presse qui prévoit que ce montant de 8,5 millions d'euros s'entend hors réserve de précaution habituelle. Nous allons donc suivre avec vigilance le versement effectif de ces crédits. J'observe, par ailleurs, que les ministres ont trouvé inopportune l'expression publique de l'AFLD le jour même où la candidature de Paris était présentée à Doha.
Pour terminer, j'évoquerai trois modifications adoptées par l'Assemblée nationale : elle a décidé d'augmenter de 10 millions d'euros le plafond du prélèvement de 1,8 % effectué sur les sommes misées sur les paris sportifs et affecté au CNDS. Elle a également relevé le plafond du prélèvement complémentaire de 0,3 % sur les jeux de loterie et les paris sportifs au bénéfice du CNDS. Enfin, l'Assemblée nationale a décidé d'exonérer d'impôt sur le revenu les primes perçues par les médaillés de Rio. Votre rapporteur pour avis ne peut que souscrire à ces trois évolutions qui étaient attendues par le mouvement sportif.
Au final, ce budget 2017, qui s'inscrit dans le prolongement du budget de l'année dernière, pour lequel nous avions émis un avis favorable, présente de nombreuses satisfactions même si des efforts sont demandés ici et là. C'est sans hésiter que je vous proposerai dans ces conditions que nous lui donnions un avis favorable.
M. Claude Kern. - Le Gouvernement souligne la priorité donnée à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » au cours du quinquennat et son augmentation de 31 % depuis 2012.
Il faut tout de même rappeler que l'exécution des crédits dédiés au sport en 2012 s'élève à 265,3 millions d'euros environ. Les crédits demandés pour 2017 sont donc en baisse de 1,6 % par rapport à l'exécution 2012, voire de 15 % si l'on enlève les 36,1 millions d'euros dédiés à l'Agence centrale de sécurité sociale (ACOSS) dans le programme en 2017.
Je ne vais pas redévelopper, comme hier, la politique à engager en faveur du sport afin que la France devienne une nation de sport de haut niveau dynamique et paralympique.
À force d'amputer les ressources du CNDS, il est à craindre en effet que la part territoriale du Centre et l'aide apportée aux petits clubs subisse un nouveau recul.
Nous nous étonnons également que le prélèvement sur les mises des jeux de loterie destiné à financer la contribution du CNDS aux projets de construction ou de rénovation de stades devant accueillir l'Euro 2016 de football ainsi qu'à la candidature de la Ville de Paris aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ne soit pas prolongé jusqu'en 2024.
Les ressources pourraient venir abonder un fonds dédié, au sein du CNDS, au renforcement de l'héritage sportif des grands événements sportifs internationaux.
Sur le programme « Sport », nous notons l'effort du Gouvernement en direction des sportifs de haut niveau, le financement en année pleine de la couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP), le déblocage inattendu de 10 millions d'euros supplémentaires pour soutenir la candidature de Paris aux Jeux olympiques et paralympiques en vue d'accompagner la génération de sportifs qui se prépare pour 2024 et la défiscalisation des primes des médaillés olympiques adoptée lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances.
S'agissant du sport pour tous, le CNDS bénéficie d'une première tranche de 10 millions d'euros pour la mise en place d'un plan de rattrapage des équipements sportifs en outre-mer. Je reste perplexe sur les principales orientations de ce plan, notamment sur les objectifs précis et la ventilation en fonction des territoires.
Bien sûr, nous reconnaissons la priorité donnée, dans le programme « Jeunesse et vie associative », au service civique sous ce quinquennat.
Le quinquennat précédent a fait le service civique, l'actuel Gouvernement a décidé de sa montée en charge, objectif que nous partageons. C'est pourquoi les budgets ne sont pas les mêmes : 110 millions d'euros de crédits consommés en 2012, contre 390 millions prévus en 2017.
Ne nous lançons donc pas dans des comparaisons faciles à neuf mois de l'élection présidentielle, alors que nous pouvons nous retrouver sur certains points positifs de ce budget.
Nous soutenons la montée en charge du service civique et l'objectif de 150 000 volontaires dès l'année prochaine. Mais l'objectif de 70 000 volontaires en 2015 n'a pas été atteint malgré une montée en charge significative avec plus 52 000 jeunes accueillis en structure. On comprend bien que l'objectif du Gouvernement en 2017 ne pourra être satisfait qu'au prix de la réforme du périmètre de l'agrément du service civique.
Par ailleurs, si l'effort budgétaire en faveur du service civique mérite d'être salué, se pose la question de sa soutenabilité à terme, en particulier à la suite de l'annonce du président François Hollande de porter à 350 000 le nombre de jeunes effectuant un service civique. Accueillir la moitié d'une classe d'âge représente, en retenant une hypothèse basse, nécessite un budget de près d'1 milliard d'euros. Dans le contexte de rétablissement des comptes et compte tenu des nouvelles dépenses annoncées pour 2017 et 2018, nous nous demandons quelles sont les pistes d'économies envisagées pour dégager ce milliard d'euros.
Nous ne pouvons que regretter la baisse des crédits destinés à la vie associative hors FONJEP. Les crédits du Fonds de développement de la vie associative (FDVA) ainsi que ceux visant à soutenir les associations agréées « jeunesse et éducation populaire » enregistrent des baisses de près de 20 % en deux ans.
Cette politique n'est pas très cohérente au moment où le Gouvernement tente d'envoyer un message aux responsables associatifs avec la création d'un congé engagement. En réalité, il est plus facile de déléguer la gestion des absences des responsables associatifs aux entreprises plutôt que de garantir les fonds pour les former.
Le Premier ministre a annoncé la mise en place d'un crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires, supposé compenser l'absence de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) pour les associations, ou la baisse de charges sur les salaires à hauteur de près de 600 millions d'euros dont devraient bénéficier toutes les associations employeuses. Nous craignons que ce dispositif rejoigne les 10 milliards d'euros de mesures déjà annoncées par le Gouvernement pour 2017 et qui ne semblent aucunement financées, si ce n'est par l'endettement. Certes, les taux d'intérêt sont bas, mais cela ne justifie pas une ouverture des vannes de la dépense publique à la veille de l'élection présidentielle. Pouvez-vous nous en dire plus sur son financement ?
En conclusion, si les crédits de la mission sport, jeunesse et vie associative témoignent d'un effort positif de la part du Gouvernement, certaines craintes demeurent. Nous nous abstiendrons donc lors du vote.
Mme Corinne Bouchoux. - Je suis d'accord aux deux tiers avec ce que vient de dire Claude Kern. Nous avons l'espoir que la candidature de Paris aux Jeux olympiques et paralympiques aura un rôle dynamisant sur l'accessibilité au sport des personnes handicapées, sur le développement du sport féminin ainsi que sur l'équipement en nouvelles infrastructures. Mais nous avons une vraie inquiétude qui concerne le CNDS et les 10 millions d'euros qui lui sont alloués pour la candidature de Paris qui ne bénéficieront pas aux petits clubs. Il nous apparaît également que le crédit d'impôt dont bénéficient les associations profite surtout à celles qui ont des salariés avec le risque de créer un système à deux vitesses.
Si nous sommes satisfaits de l'augmentation du budget consacré au sport, nous constatons que celle-ci profite surtout au sport de haut niveau et moins au sport pour tous, à la prévention, au sport santé et à des programmes comme « j'apprends à nager » qui ne bénéficient en chiffres absolus que de moyens limités. D'autres ratios de répartition auraient été préférables car le sport professionnel reçoit déjà beaucoup de moyens. Nous soutiendrons néanmoins les efforts en faveur du sport et donnerons un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
M. Michel Savin. - Nous étudions ce matin l'avis budgétaire relatif à la mission sport, jeunesse et vie associative du projet de loi de finances 2017. À la suite des auditions que notre commission a effectuée et aux éléments avancés par nos collègues rapporteurs, je souhaiterais mettre ici en avant quelques points que j'ai évoqués hier devant les ministres et qui me paraissent essentiels à l'analyse de ce budget.
Nous ne pouvons pas contester que ce projet de budget fait apparaître une montée en charge du service civique, qui voit ainsi son enveloppe passer à 390 millions d'euros en 2017.
Ce projet de budget prend aussi en compte, en année pleine, la mesure que nous avons collectivement adoptée au Sénat, qui concerne la protection sociale des sportifs de haut niveau ainsi qu'une augmentation de 10 millions de crédits au CNDS. Ces deux derniers points sont à saluer et soulignent la volonté d'accompagner nos sportifs qui représentent la France au plus haut niveau.
Concernant le service civique, l'objectif avancé de 150 000 services civiques est fortement dépendant de l'implication forte des collectivités locales, ce qui risque d'être difficile à atteindre vu la baisse des dotations de l'État, qui impacte fortement leurs budgets.
Le ministre a d'ailleurs lui-même reconnu la difficulté de remplir cet objectif.
Si l'objectif affiché de développer l'accès à la pratique sportive avec le plan « Citoyens du sport », afin de permettre aux jeunes les plus éloignés du sport, notamment dans les quartiers de la géographie prioritaire de la politique de la ville et dans les zones rurales, d'accéder à une pratique sportive régulière et encadrée, (pratique qui est la plupart des cas proposée par les associations), je constate et regrette la baisse de 1,5 million d'euros des crédits du fond de développement de la vie associative, baisse qui peut se cumuler pour certaines associations avec un retrait plus ou moins important des collectivités locales du fait, là encore, de la baisse des dotations de l'État.
Le bénévolat doit être conforté, soutenu et reconnu. Or, nous constatons un retrait des crédits du fond de formation contraire aux ambitions affichées.
Les autres dispositifs du programme 163 connaissent de légères baisses de crédit, ce que nous regrettons, l'engagement associatif étant au coeur du dynamisme de notre société. Dans ce cadre, certaines des décisions annoncées par le Gouvernement ne sont pas en accord avec la baisse de ces crédits. Ainsi, concernant les associations, il a été annoncé par le premier ministre la mise en place d'un crédit d'impôt pour les associations, estimé aujourd'hui à 600 millions d'euros de dépenses fiscales, dont le financement n'a pas été précisé.
Enfin, une autre décision marque l'incohérence entre le discours affiché en termes de soutien et de développement de la lutte contre le dopage et le montant des crédits affectés réellement à l'Agence française de lutte contre le dopage. Je tiens à remercier notre rapporteur pour son explication honnête.
Les crédits augmenteraient cette année de 9 % selon le projet de loi de finances, mais il s'agit en fait d'une augmentation en trompe-l'oeil. En effet, le fonds de roulement de l'agence a été complètement consommé et la réserve de précaution passe de 5 % à 8 % en 2017. Alors que les crédits inscrits sont en hausse, ceux-ci sont systématiquement rabotés durant l'année avec cette réserve de précaution.
Cette décision est regrettable car l'AFLD prévoit d'accroître ses efforts pour porter le pourcentage de contrôle à domicile sur 2016 - 2017 à 50 %. Il s'agira de rejoindre les attentes de l'Agence mondiale antidopage qui a pris la mesure de l'efficacité de ce type de contrôles par rapport à ceux diligentés en compétition.
La priorité ainsi maintenue pour les contrôles hors compétition suppose une connaissance des lieux d'entraînement. Un tel objectif ne peut être atteint sans une connaissance fine des plannings d'entraînement des sportifs, particulièrement difficiles à obtenir dans les sports individuels. Cela suppose également de pouvoir mobiliser tous les réseaux de l'Agence disposant de la connaissance du milieu sportif local.
Le passage des paroles aux actes n'est donc pas la première des vertus du Gouvernement et cette dernière disposition l'illustre pleinement. Par ce choix le Gouvernement valide le fait que le nombre des contrôles risque de diminuer, ce que nous regrettons amèrement, alors que l'agence a l'objectif d'en faire de plus en plus, du fait de la généralisation des passeports biologiques notamment, disposition que nous avons adopté dans cette même commission il y a seulement quelques jours. Si nous pouvons partager certains choix, nous ne pouvons pas cautionner des décisions contraires aux objectifs que nous devrions partager, en termes de soutien aux associations, d'éthique et de préservation de l'intégrité physique des sportifs : l'impact de l'image du sportif de haut niveau auprès du public, et notamment des plus jeunes, nécessite que l'État veille au respect des valeurs du sport.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains s'abstiendra.
Mme Christine Prunaud. - Le groupe communiste, républicain et citoyen est un ardent défenseur du service civique. Toutefois, il est très attaché à ce que l'augmentation du nombre des missions ne se fasse pas au détriment de leur qualité. La plupart des structures d'accueil sont soucieuses d'offrir des missions correspondant au cahier des charges du service civique, mais les contrôles effectués par l'Agence du service civique restent indispensables. Par conséquent, la création de 10 postes supplémentaires pour faire face à la montée en charge du dispositif ne nous paraît pas suffisante. Par ailleurs, nous partageons le constat sur l'insuffisante implication des collectivités territoriales dans ce dispositif, mais il nous revient, en tant qu'élus, de les informer, de les sensibiliser et de les accompagner dans cette démarche.
Je tiens à faire part de notre inquiétude sur le FONJEP. Certes, les crédits sont en légère augmentation mais nous regrettons le système de rotation des subventions défendu par le Gouvernement en dépit des critiques de la Cour des comptes à ce sujet.
En ce qui concerne l'action « actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire », nous regrettons la diminution des crédits affectés au FDVA et aux projets associatifs « Jeunesse éducation populaire » (JEP) car elle a un impact négatif sur la vie du territoire.
Enfin, tout en prenant acte des mesures prises par le Gouvernement telles que la prime d'activité ou encore la garantie jeunes, nous constatons que l'objectif recherché, à savoir une plus grande autonomie des jeunes, est loin d'être atteint. À cet égard, je rappelle que dans le cadre de la mission d'information sur l'intérêt et les formes possibles de mise en place d'un revenu de base en France, notre groupe s'était montré dubitatif sur une telle mesure.
Concernant le sport, nous sommes attachés à ce que l'éthique et la neutralité des compétitions soient garanties. Un rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat sur les femmes et la laïcité a mis en évidence des difficultés dont nous devons tenir compte.
En matière de lutte contre le dopage, une augmentation des crédits a été évoquée, mais dont il va falloir s'assurer. Nous sommes favorables à un soutien plus important au sport féminin et au handisport, pour lequel nous avons proposé la création d'une conférence permanente.
À propos du CNDS, il faut rappeler que celui-ci était très endetté en 2012, et qu'un redressement des finances a été mis en oeuvre. Nous sommes satisfaits par l'augmentation de la dotation à l'INSEP.
M. Jean-Louis Carrère. - Je rappellerai à notre collègue Claude Kern, qu'en 2012, le CNDS avait des millions d'engagement non financés. Les critiques sur l'absence de sincérité de ce budget ne sont pas fondées compte tenu en particulier des crédits prévus pour les médaillés des Jeux olympiques et paralympiques de Rio et pour le musée du sport. C'est un budget positif pour le développement du sport et de la jeunesse. Le groupe socialiste votera un avis favorable à son adoption.
Mme Françoise Laborde. - Je rappelle la difficulté que représente la construction d'un budget. Celui de 2017 permet de financer des mesures adoptées par le Sénat en 2015, telles que le financement en année pleine de la protection sociale des sportifs de haut niveau. En ce qui concerne le programme 163, je rappellerai que le bénévolat ne peut pas prendre en charge seul toute la vie associative et doit être aidé par l'État. De même, la montée en charge du dispositif du service civique ne doit pas se faire au détriment de la qualité de ses missions. Ces remarques étant faites, le groupe du rassemblement démocratique et social européen votera les crédits de cette mission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Concernant les CREPS, je rappellerai que le transfert aux régions est intervenu en 2016 avait été approuvé par le Sénat lors de la discussion de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Mais le Sénat avait adopté le principe selon lequel chaque région avait vocation à accueillir un CREPS alors que trois d'entre elles - la Bretagne, la Normandie et la Corse - en sont aujourd'hui dépourvues. Il faudrait prévoir une enveloppe particulière pour accompagner les régions qui, comme la Normandie, sont désireuses de faire renaître leur CREPS.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits Jeunesse et vie associative. - Je vous remercie d'abord pour vos appréciations globalement positives sur les crédits de cette mission. Je rappelle que ces derniers ont été adoptés à l'unanimité par l'Assemblée nationale et par la commission des finances du Sénat. Par ailleurs, je note le consensus qui existe sur le service civique et que l'examen du projet de loi « égalité et citoyenneté » a confirmé.
Je reconnais la légitimité de la question de M. Claude Kern sur le périmètre définitif du service civique et sur les besoins de financement qui en résulteront, notamment au regard de l'objectif fixé par le Président de la République, de 350 000 contrats chaque année. Le chiffre d'un milliard d'euros est avancé, il devra faire l'objet d'un arbitrage. Toutefois, celui-ci ne devrait pas être insurmontable s'il existe une volonté politique forte en faveur de la montée en puissance du service civique. Pour ceux qui prônent plutôt le retour du service militaire, je rappelle qu'au moment de sa suppression, il touchait moins de 300 000 jeunes. En outre, en comparaison avec le service civique, le service militaire a le double inconvénient d'être à la fois plus cher et contraignant.
L'État n'a pas le monopole du soutien aux associations ; il s'agit d'une compétence partagée avec l'Europe et les collectivités territoriales, ce qui permet de multiplier les sources de financement.
Je souhaite revenir brièvement sur le projet de loi « égalité et citoyenneté » et regretter que le Sénat n'ait pas adopté le congé pour l'exercice de responsabilités associatives, alors même qu'un tel congé existe en matière syndicale ou pour l'exercice d'un mandat politique. Pourquoi donc refuser un congé similaire dans le milieu associatif ?
Je répondrai à Michel Savin que certes, le soutien apporté par le Gouvernement au bénévolat à travers le crédit d'impôt a un coût, mais il s'agit d'une décision politique que nous assumons entièrement.
Je partage l'analyse de Christine Prunaud qui insiste sur la nécessité, en dépit de l'importance des grosses associations, de ne pas oublier les plus petites d'entre elles qui irriguent notre territoire. En revanche, je défends le système de la garantie jeunes qui a vocation à remplacer le revenu de solidarité active (RSA) pour les jeunes et représente un dispositif vertueux en faveur de leur insertion sociale et professionnelle.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits du sport. - Je souhaite éviter toute polémique mais il convient de rappeler qu'à structure constante, les crédits consacrés au sport augmentent de près de 6 millions d'euros. On peut toujours dire que ce n'est pas assez, certains gouvernements ont proposé dans le passé de faire plus, mais le montant des crédits consacrés au sport ont toujours avoisiné dans notre pays 0,2 % du budget de l'État. Le sport n'est donc pas un parent pauvre. Et j'observerai qu'il est difficile de distinguer jeunesse et sport tellement les deux sont liés.
2017 sera la dernière année de mise en oeuvre du plan de redressement du CNDS décidé en 2012, lorsqu'il a été nécessaire de financer les 464 millions d'euros d'engagement qui n'avaient pas été budgétés. Une réflexion doit être menée sur l'avenir des ressources du CNDS et notamment sur l'élargissement de la taxe Buffet. Concernant l'utilisation des fonds, je rappellerai que seuls 10 % des 18 000 clubs qui existent en France, déposent des dossiers. Le mouvement sportif demande à ce que le CNDS dispose de plus d'autonomie. À noter qu'en 2016, pour la première fois, le nombre de projets intercommunaux retenus a été plus important que celui des projets communaux.
La candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 est bien partie ; un plan d'investissement de 20 millions d'euros par an est prévu afin de permettre de construire des infrastructures qui constitueront l'héritage.
Il existe plusieurs écoles concernant les événements sportifs. Certains considèrent que les grands événements créent des emplois et permettent des retombées économiques ; d'autres disent que de ces événements naît du bonheur collectif mais n'apportent pas de richesse ; d'autres encore pensent que ces événements constituent une malédiction pour les pays hôtes du fait des « éléphants blancs » qu'ils laissent, comme à Athènes et à Montréal. Jusqu'où faut-il aller ? Quel est le degré d'acceptabilité sociale ? Les habitants de Hambourg, consultés par référendum, ont refusé la candidature de leur ville.
Trois régions ne sont effectivement pas pourvues de CREPS. Or ils peuvent constituer de formidables outils de formation professionnelle. Je rappelle que les conditions de transfert aux régions ont été satisfaisantes.
En réponse à Corinne Bouchoux, je dirai qu'il y a effectivement un problème d'équilibre entre les moyens consacrés au sport pour tous et ceux dont bénéficient le sport de haut niveau. Il faudra sans doute à l'avenir modifier le curseur au bénéfice du sport santé et du sport scolaire. Jamais il n'y a eu autant d'argent dans le sport, mais pourtant 46 % des présidents de clubs manquent de moyens. Il y a donc un problème de répartition. Cela concerne le mouvement sportif mais aussi les fédérations internationales. Je rappellerai que le budget de l'UEFA est de 1 milliard d'euros par an. Le sport crée aussi de l'argent à sa périphérie comme l'illustrent les 61 milliards d'euros de mises de paris sportifs qui ont été prises sur l'Euro 2016.
Sur le mécénat d'entreprise, on peut aller plus loin, aucune entreprise du CAC 40 n'investit dans le sport et la Ligue de football professionnel a dû signer une convention avec la chaîne américaine Domino's pizza pour trouver un sponsor à la Ligue 2.
Concernant la lutte contre le dopage, il faut avoir à l'esprit que la généralisation du passeport biologique et le développement de la recherche du laboratoire de Châtenay-Malabry nécessite des moyens et qu'il existe donc un risque de régression pour l'AFLD.
Mme Maryvonne Blondin. - Je souhaite saluer le travail des rapporteurs et dire combien je suis satisfaite par la progression de ces budgets d'autant plus que le risque existe que nous ne puissions débattre en séance.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2017.
Communication diverse
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Je souhaiterais faire part de la préoccupation de mon groupe face à la situation à i-Télé et demander à ce que l'on puisse auditionner la direction de la chaîne et les syndicats.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - La situation est préoccupante ; j'ai eu l'occasion d'échanger avec la direction de cette chaîne, j'ai reçu les syndicats et j'ai joint le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pour demander que le cahier des charges de la chaîne soit respecté. Le CSA a par ailleurs adopté deux mises en demeure. Sylvie Robert et moi avons interrogé la ministre de la culture et de la communication à ce sujet lors de son audition par notre commission la semaine dernière. Conjointement avec la ministre du travail, elle a reçu les salariés en début de semaine. Nous pouvons effectivement auditionner la direction et les syndicats.
Demande de saisine pour avis
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous propose de demander à la conférence des présidents que notre commission se saisisse pour avis du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique. Ce texte, sur lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, a été adopté par l'Assemblée nationale le 11 octobre et renvoyé à la commission des lois.
S'il ne contenait pas, à l'origine, de dispositions susceptibles de nous intéresser, il comporte désormais plusieurs articles qui relèvent à un titre ou à un autre, de notre commission.
Je citerai notamment :
- l'article 13 C, qui permet le financement, par le fonds d'échange à but éducatif, culturel et sportif (FEBECS), des échanges scolaires en outre-mer ;
- l'article 13 E, qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances afin de procéder à une révision des dispositions du code de l'éducation intéressant les territoires et collectivités d'outre-mer ;
- l'article 13 bis, qui autorise le Gouvernement à expérimenter, pendant trois ans, l'extension de l'obligation de l'instruction pour les enfants âgés de trois à dix-huit ans, en Guadeloupe, Guyane ainsi qu'à la Martinique, à Mayotte et à la Réunion ;
- et l'article 21, qui ajoute aux obligations du service public audiovisuel « la valorisation des cultures des outre-mer » ; il permet également aux offices publics des langues régionales et aux associations de défense de ces langues d'engager une procédure de mise en demeure des éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle et des opérateurs de réseaux satellitaires...
... sans oublier diverses demandes de rapports sur des sujets intéressant notre commission.
Je précise que ce texte pourrait venir en discussion au tout début de l'année prochaine.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à 11 h 20.
Contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et France Médias Monde (FMM) pour la période 2016-2020 - Audition de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente de FMM
La réunion est ouverte à 15 heures.
Au cours d'une deuxième réunion tenue dans l'après-midi, la commission entend Mme Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde (FMM).
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je souhaite la bienvenue à Mme Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde (FMM). Nous attendions avec impatience la présentation du contrat d'objectifs et de moyens (COM) de FMM pour la période 2016-2020. Elle sera l'occasion d'aborder le rôle très particulier de l'audiovisuel extérieur, du fait de la spécificité des missions de services public qui lui sont attachées.
Mme Marie-Christine Saragosse. - Avant de dresser le portrait de ce futur COM, je souhaite rappeler le contexte qui l'a vu émerger. Ces quatre dernières années ont, en effet, été marquées par l'accroissement du risque terroriste, la montée du populisme, la crise des migrants ou, plus récemment, la crainte sur l'avenir de l'Union européenne après le Brexit. Cette multiplication des périls ne nous décourage pas car, plus que jamais, des médias porteurs de sens sont nécessaires pour rappeler le message singulier de la France sur la scène internationale.
Dans ce contexte, trois scénarii ont été proposés en mai 2015 et c'est sur la base du plus favorable que le COM a été construit. Un effort de 23,1 millions d'euros va être fourni d'ici 2020. Cet effort important traduit, dans le contexte difficile que connaissent les finances publiques, la conscience qu'ont les pouvoirs publics de ces enjeux majeurs.
Nous ne disposons cependant pas des moyens de la British Brodcasting Corporation world (BBC world), a fortiori devant l'effort financier important dont elle bénéficie actuellement. Cet effort budgétaire - le plus important connu par le groupe depuis 1940 - va lui permettre de lancer des programmes dans plus de 11 nouvelles langues étrangères alors qu'elle disposait déjà d'un budget deux fois supérieur au nôtre. Si notre budget est sans commune mesure avec celui de BBC world, l'effort public est multiplié par deux par rapport à la période couverte par le précédent COM. Il prévoyait, en effet, une croissance annuelle d'environ 0,85 % des recettes publiques, contre 1,9 % pour le nouveau COM.
Le précédent COM a été le premier connu par notre groupe et a constitué un socle pour celui que je vous présente aujourd'hui. C'est au cours de l'exécution de ce premier COM que s'est construit un véritable groupe. La situation initiale était complexe. Un blocage existait sur le déménagement des locaux, il n'existait plus d'organigramme lisible, l'ensemble des instances étaient passibles de délit d'entrave et les procédures normales et propres à une entreprise n'existaient plus. Les accords d'entreprise précédents étaient devenus caducs après la fusion. Nous avons, depuis, répondu point par point à l'ensemble de ces difficultés. Un accord d'entreprise a été signé le 31 décembre 2015, comme le précédent COM le prévoyait. Ce changement global s'est traduit par l'adoption du nom France Médias Monde en juin 2013.
Comme l'État nous le demandait, nous avons construit un groupe dont les rédactions restent distinctes. Il en résulte des différences de culture d'entreprise en son sein. Des passerelles fortes existent néanmoins entre toutes ses entités, notamment en matière de formation et de sécurité, où sont mises en place des opérations communes. Hier, Radio France Internationale (RFI) et France 24 ont pu, par exemple, avec TV5 Monde, interviewer le Président de la République à Marrakech.
Ce précédent COM, au même titre que le projet présenté, axait sa stratégie sur la qualité des contenus proposés au public. Car à quoi bon vouloir rayonner à l'échelle internationale si l'on n'a aucun message spécifique à faire passer ? Nous n'avons pas les mêmes messages à délivrer que d'autres chaînes comme la BBC ou Al Jazeera. Cette différence est portée par la spécificité de nos grilles de programmes, qu'il s'agisse de celles de RFI, de France 24, ou de Monte Carlo Doualiya (MCD). Nous avons, en ce sens, lancé de nouvelles émissions, accru les directs, atténué le parallélisme strict des antennes de France 24 pour mieux contextualiser et hiérarchiser nos contenus. Nous nous sommes également beaucoup délocalisés à la rencontre de nos publics et avons mis l'accent sur la culture qui reste un signe distinctif de la France dans le paysage mondial.
Les douloureuses années 2015 et 2016 ont aussi vu notre groupe affirmer des valeurs. Les principes de liberté, l'égalité, l'universalité, la laïcité et le respect de l'autre ont raisonné dans les quinze langues de nos programmes et ont structuré nos antennes. Nous étions probablement les seuls dans le monde arabe, voire dans le monde anglophone, à montrer le tirage du Charlie Hebdo des survivants pour porter haut le principe de la liberté d'expression.
Nous nous sommes engagés dans l'éducation aux médias et avons conclu une convention avec l'éducation nationale. Nous sommes également très actifs dans le cadre de la semaine de la presse à l'école pour essayer de lutter contre les manipulations par le biais d'internet, qui reste un outil de propagande malheureusement performant.
La promotion de la langue française était également une priorité. Nous avons, en ce sens, mis en oeuvre des méthodes d'apprentissage du français, en particulier dans des langues africaines. L'avenir de la francophonie est en Afrique et il faut que le français y soit appris car il y est rarement la langue maternelle.
Nous nous sommes beaucoup mobilisés sur la parité, la mixité et la diversité au sens large. L'accès de nos programmes aux handicapés, dont les sourds et malentendants, a aussi été un objectif.
La place des langues étrangères a été revue avec succès puisqu'elles représentent 40 % de la consultation de nos contenus numériques. Nous comptons également sur des radios-filiales, comme RFI Romania ou RFI au Cambodge, qui y sont reconnues comme référentes. Nous avons aussi lancé une radio en mandingue, langue du Sahel très pratiquée.
Une forte offensive ciblée sur la mobilité et les réseaux sociaux a été mise en oeuvre dans le cadre de notre politique du numérique où nous avons refondu toutes nos offres. Des résultats très encourageants en ont été la conséquence puisque les audiences de France 24 ont pu croître de 22 % en trois ans pour atteindre 51 millions de téléspectateurs par semaine et ce dans seulement un tiers des pays où elle est distribuée. Sur la même période, RFI a connu une augmentation de 16 % du nombre de ses auditeurs, pour atteindre 40 millions par semaine dans seulement 37 pays ayant fait l'objet d'une étude, soit à peu près un tiers des pays couverts. MCD a atteint 7,3 millions d'auditeurs, soit une augmentation de 9 %. Il faut ici tenir compte de la situation géographique difficile là où émet cette radio. Certains de ses émetteurs sont d'ailleurs actuellement aux mains de Daesh. Les audiences sont, en ce sens, particulièrement difficiles à obtenir et a fortiori à mesurer dans ce contexte.
Nous fêtons aujourd'hui les 50 millions d'abonnés sur les réseaux sociaux pour notre groupe. RFI et France 24 ont respectivement connu une croissance de 94 % et 51 % de la fréquentation de leurs environnements numériques.
Cette croissance a été rendue possible par une forte augmentation de notre distribution. Elle a été de 50 % pour France 24 qui était présente dans 315 millions de foyers à la fin du précédent COM, 321 millions à l'heure actuelle. RFI et MCD ont, elles, acquis sept nouvelles fréquences d'émission pendant cette période.
Tous ces objectifs ont été atteints en maintenant nos équilibres financiers, en développant nos ressources propres et en obtenant de très forts gains de productivité.
C'est sur ce bilan que se construit le futur COM 2016-2020 pour lequel nous sollicitons l'avis de votre commission. Il s'articule autour de trois grands axes : des contenus toujours plus référents, un accroissement de notre présence mondiale et une gestion rigoureuse puisque nos ressources sont majoritairement issues de deniers publics.
Pour ce qui est des contenus, le prochains COM vise à capitaliser et à pérenniser le développement de notre offre éditoriale mais également à développer de nouveaux contenus. Je pense qu'il est ici important de saluer le lancement de France 24 en espagnol en septembre prochain. Le coût de cette diffusion sera, en année pleine, de 7,3 millions d'euros et une enveloppe de 2,9 millions d'euros sera allouée à son lancement en 2017. La rédaction sera basée à Bogota où cette chaîne sera adossée à RFI qui possède déjà une rédaction en espagnol. Des émissions conjointes sont d'ailleurs prévues. Cette rédaction comptera des journalistes en provenance de tout le continent latino-américain.
Notre participation à la chaîne Franceinfo est au nombre de nos nouveaux projets. Elle a débuté en 2016 et nous place comme le plus gros pourvoyeur de contenus avec ceux diffusés la nuit, mais également trois journaux par jour ainsi qu'un certain nombre d'autres émissions. Nous essayons maintenant de développer notre présence sur sa plateforme numérique.
Le numérique est, en effet, le deuxième axe par lequel nous souhaitons améliorer nos contenus. Il s'agit ici d'industrialiser le numérique, de renforcer l'animation et la modération et de développer les nouvelles écritures dont la vidéo mobile. Nous voulons également attacher au numérique une véritable mission de service public en touchant le jeune public entre 18 et 35 ans, notamment par l'intermédiaire de RFI savoirs ou RFI musique ou Mashable en français, la version française du pure player américain qui a sollicité notre collaboration. Je suis responsable de la ligne éditoriale de Mashable en français qui possède donc une ligne éditoriale française assise sur un savoir-faire partagé avec les Américains. Nous souhaitons également développer un internet citoyen chez la jeune génération par l'intermédiaire d'appels à candidatures sur des applications portant sur la santé ou bien l'éducation. RFI Challenge App Afrique ou Les observateurs du climat sont, en cela, des points majeurs. Un portail d'information à destination des migrants qui va être financé en intégralité par la Commission européenne va également bientôt être lancé, avec le partenariat de la Deutsche Welle.
Nous continuerons à affirmer la singularité de nos différents médias, non pour des raisons idéologiques, mais pour des raisons pratiques car cette pluralité permet de toucher un public plus large. Ces différents médias vont cependant travailler ensemble au profit de la chaîne en espagnol, déjà évoquée, mais également pour renforcer l'africanité de France 24. Ce COM porte, en effet, une volonté d'accentuer l'africanité du signal notamment porté en Amérique latine à travers un rapprochement avec RFI.
Nous souhaitons également continuer à marquer notre présence en se basant notamment sur la haute définition (HD), sur la Télévision numérique terrestre (TNT) en Afrique, mais également avec la version de France 24 en espagnol en Amérique latine. Cela passe aussi par la confirmation de la réelle percée de nos médias en Asie et spécialement en Inde, en Indonésie, au Vietnam et en Corée du Sud. Nous essayons aussi de trouver une entrée au Japon et, s'il s'agit pour le moment d'un rêve, la Chine pourrait également devenir un objectif ! Il ne reste ainsi que la France où nous n'avons pas pu développer nos radios dans le cadre du précédent COM. Nous espérons compter sur la Radio numérique terrestre (RNT) pour prochainement y remédier dans certaines zones ciblées et ainsi contribuer à la cohésion sociale de notre pays.
En lien avec cette optique de rayonnement, le COM prévoit le rattachement de Canal France international, qui est l'outil de coopération audiovisuel de la France. Il sera rattaché à FMM de la même manière que BBC action est rattachée à la BBC. Voulu par le ministère des affaires étrangères, ce rattachement fera l'objet d'un avenant distinct au COM où son principe y est déjà acté. Il s'agit d'une mesure très prometteuse en matière de synergie et de seuil critique permettant d'être visible sur la scène internationale.
Le troisième axe est l'optimisation de la gestion du groupe. La protection contre les risques en est un point central du fait de leur importante recrudescence sur tous les fronts. Ils concernent en premier lieu le terrain, mais également nos propres locaux, ou bien les cyberattaques. Puisque nous sommes situés en zone inondable, une crue de la Seine nécessiterait aussi, par exemple, que soit mis en place des plans de reprise d'activité ou de continuité d'antenne. La sécurité est donc un axe fort pour les années à venir.
L'application de l'accord d'entreprise précédemment évoqué est en cours. Nous devons continuer à réduire les disparités salariales résiduelles qui demeurent au sein de notre entreprise. Elle est, en effet, le fruit du rapprochement d'acteurs aux destins jusque-là très éloignés et aux systèmes sociaux très différents. Nous travaillons donc à la transposition de ce nouvel accord à l'aide d'outils de planification ainsi que différents accords complémentaires et continuons de lutter pour la parité, pour reconnaître le handicap dans l'entreprise. Ce sont des valeurs que nous défendons.
Le passage récent à la HD oriente maintenant notre politique d'investissement vers une forme de stabilité pour les années à venir. Nos procédures internes vont, afin d'augmenter notre productivité, traiter spécifiquement des marchés publics. Si nous possédons déjà une commission d'attribution et de nombreuses procédures, nous souhaitons maintenant créer un poste dédié pour renforcer notre expertise dans ce domaine.
Le développement de nos ressources propres aura la même place que lors de la période précédente avec une augmentation de 1 million d'euros, soit 15 % au cours de la période 2016-2020. Cette augmentation sera donc identique à celle observée lors du précédent COM.
Nous voulons également continuer à cultiver nos relations avec les autres services publics tels que France Télévisions et la chaîne Franceinfo, Radio France, TV 5 Monde ou CFI-TV. Nous travaillons également de très près avec l'Agence France-Presse (AFP) pour notre projet en espagnol et avec l'Institut national de l'audiovisuel (INA) pour notre plan de rétablissement de l'activité en cas de crue de la Seine.
Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur. - Votre présentation nous fait prendre conscience de l'ampleur du travail effectué depuis 2012, point de départ du redressement du service public de l'audiovisuel extérieur. La construction de ce groupe s'est, de plus, faite dans un contexte difficile. Nous attendions donc avec fébrilité ce COM 2016-2020 !
L'année dernière, France Médias Monde avait évoqué trois scénarii pour les moyens du COM 2016-2020. Seul le troisième scénario, qui envisageait une hausse de 2,1 % des moyens par an et 25,3 millions d'euros sur la durée du COM, permettait, selon vous, de financer la nouvelle chaîne France 24 en espagnol. Je me réjouis que le scénario le plus favorable ait été retenu mais une inquiétude subsiste. Lorsqu'on regarde le COM, sans tenir compte de l'année 2015 qui n'est pas concernée, on s'aperçoit que la hausse des moyens sera en fait de 1,73 % sur la période 2016-2020, soit 21,1 millions d'euros et donne lieu à un décalage de 4,2 millions d'euros avec le scénario 3. Quelles sont les conséquences de ce décalage ? Comment allez-vous absorber ces crédits « en moins » par rapport à vos besoins identifiés ?
L'accord professionnel du 31 décembre 2015 a pour objectif de rapprocher la situation des personnels des différentes entités. Peut-on considérer aujourd'hui que cette harmonisation est accomplie ?
Les nouveaux personnels recrutés ont-ils conscience de rejoindre un groupe unique avec une culture commune à construire ou bien ont-ils vocation à faire perdurer la culture propre à RFI et France 24, y compris dans leur dimension particulière voire conflictuelle ?
Les services du ministère de la culture et de la communication m'ont indiqué que la diffusion de France 24, RFI et MCD sur le territoire national ne constituait pas une priorité compte tenu de la répartition des rôles avec l'audiovisuel public « national ». Pensez-vous néanmoins pouvoir progresser dans ce domaine compte tenu des nouveaux canaux de diffusion disponibles ?
M. Jean-Pierre Leleux. - La création de FMM visait à l'origine à rapprocher les rédactions de France 24 et de RFI. Cette fusion des rédactions a été stoppée en 2012 par le nouveau Gouvernement. Quels seraient selon vous les avantages et les inconvénients de remettre en chantier ce rapprochement dans les mois à venir ? Combien de temps faudrait-il, selon vous, pour mener à bien ce rapprochement qui est au coeur du projet de modernisation de l'audiovisuel extérieur ?
La diffusion de RFI et de France 24 sur le territoire national ne constitue pas une priorité aujourd'hui. Pourtant Radio France bénéficie de fréquences qui sont sous-utilisées mais ne peut les mettre à disposition de RFI ou MCD sans les rétrocéder avant au CSA qui devra faire des appels à candidatures. Serait-il possible, selon vous, de prévoir - quitte à modifier la loi - une possibilité pour l'audiovisuel public « intérieur » et « extérieur » de gérer en commun les fréquences dont ils bénéficient pour permettre une montée en puissance de RFI par exemple ?
Votre contribution à la chaîne Franceinfo est, comme vous l'indiquiez, assez importante en termes de mise à disposition de contenus. Quel est votre ressenti sur les premiers mois de sa mise en service ? Quelles sont les pistes d'amélioration que mérite cette initiative ?
M. Louis Duvernois. - Je souhaiterais reprendre deux points déjà abordés. Le premier concerne le rapprochement, ou le regroupement de France 24 et de RFI. Le second concerne plus spécialement la diffusion de France 24 sur le territoire.
Ce COM réaffirme la mission de service public de FMM dans l'univers du numérique qui impose de s'y adapter toujours plus rapidement. Si notre commission s'est déjà montrée favorable à un regroupement des opérateurs au sein du service public de l'audiovisuel national et international, les avis demeurent globalement divergents à ce sujet. Le président de Radio France s'y est, par exemple, montré récemment défavorable. Quel est précisément votre avis sur cette question qui ne serait pas sans incidence sur l'orientation d'une gouvernance plus « mutualisée » ?
N'avez-vous pas, cependant, déjà commencé à établir des coopérations avec d'autres opérateurs du service public pour y rencontrer des succès d'audience ? Ce succès est palpable si j'en juge par les résultats qui m'ont été communiqués et ce que je perçois à l'occasion de tous mes déplacements successifs à l'étranger à l'écoute de Franceinfo dont la formule est « deux points ouvrez l'info » sur internet. Ce slogan me semble, d'ailleurs, bien adapté aux auditoires visés. Cette nouvelle offre publique d'information en direct sur le web nous semble correctement s'inscrire dans le cadre d'un projet fédérateur regroupant quatre partenaires de l'audiovisuel public que sont France Télévisions, Radio France, FMM et l'INA. Elle constitue ainsi une offre globale d'information. La participation de France 24 à Franceinfo permet également d'élargir, en France, la présence de la chaîne de l'audiovisuel extérieur.
Après les succès d'audience à l'international de France 24 en français, en anglais, en arabe, et bientôt en espagnol, comme nous le souhaitons, je voudrais connaître votre point de vue sur l'éventuelle diffusion de France 24 en langue arabe sur le territoire national afin de reproduire l'expérience fructueuse de diffusion de RFI et de MCD sur une fréquence temporaire événementielle à l'occasion de Marseille capitale européenne de la culture en 2013. Le sénateur-maire de Marseille, M. Jean-Claude Gaudin, ayant trouvé l'opération intéressante, était prêt à pousser plus loin la réflexion.
Mme Marie-Christine Saragosse. - Le chiffre proposé dans notre scénario le plus favorable était 25,3 millions d'euros. Ce chiffre correspondait au delta entre le budget 2015 qui est hors COM et le budget 2020, dernier budget couvert par le COM. Il représente donc l'effort consenti sur cinq années, qui n'est donc pas de 21,1 millions d'euros, comme indiqué par Mme Lepage, mais bien de 23,1 millions d'euros, soit à peu près 2 millions de moins que notre scénario le plus favorable. Le budget de 2016 doit être inclus aux chiffres de ce COM.
Si cet effort est important, ce décalage nous a tout de même conduits à renoncer au renforcement des langues africaines alors qu'une telle action nous tenait particulièrement à coeur. Le lien entre l'Afrique et nos médias est extrêmement fort. Le lancement d'un programme en langue Mandingue. Un micro-trottoir effectué à l'occasion de la première année de cette initiative a, en ce sens, montré un réel engouement. Mais les priorités accordées à la chaîne de France 24 en espagnol et sur le numérique nous ont malheureusement poussés à faire des choix au détriment du développement des langues africaines.
Le travail d'harmonisation des statuts au sein de notre groupe a été marqué par la signature d'un accord d'entreprise, mais il ne marque pas de point final au travail à effectuer. Il a nécessité, en premier lieu, d'être transposé et que nous réfléchissions au positionnement et à l'évaluation des métiers afin de procéder au réétalonnage des salaires. Il s'agit d'un travail lourd, comme peut le confirmer le directeur général de FMM, Victor Rocaries.
M. Victor Rocaries, directeur général de France Médias Monde. - Je rappelle que nous avons modifié le temps de travail de la totalité de nos collaborateurs. Cette modification nous a conduits à modifier l'ensemble des contrats de travail qui lient ces collaborateurs. Il nous reste également à « peaufiner » la définition des métiers et leurs positionnements. Ces lourdes tâches nous occuperont tout au long de l'année à venir.
Mme Marie-Christine Saragosse. - En ce qui concerne la culture d'entreprise, la fusion de l'ensemble des fonctions support concourt à la constitution d'une identité commune. En revanche, chaque rédaction possède sa propre manière de voir les choses. Les différentes langues et les différents supports utilisés par les rédactions de France 24 ou de RFI participent à cette différenciation. Le stage commun que suivent ensemble nos grands reporters, avec ceux d'autres médias, fait, en revanche naître chez eux un sentiment de confraternité assez fort.
Le fait qu'il n'existe plus de conflits entre nos rédactions fait émerger une forme de plaisir à travailler ensemble. Nous avons d'ailleurs pour slogan « puisqu'on ne fusionne plus, si on travaillait ensemble ? ». Une forte dynamique de collaboration existe. De nombreux programmes communs à France 24 et RFI en sont le fruit et il est fréquent que les uns pensent à des idées de programmes pour les autres.
La problématique de la présence en France de FMM doit être différenciée, qu'il s'agisse de la radio ou de la télévision. En ce qui concerne la radio, le précédent COM avait prévu une action ciblée au travers d'une fréquence commune RFI/MCD en langue arabe à Marseille, qui a été un vrai succès mais qui, du fait de son caractère temporaire, a dû être interrompue. Depuis rien ne semble avoir été fait pour pérenniser un tel média alors que la loi donne à l'État la possibilité de préempter des fréquences radio. Le fait que la langue arabe soit concernée n'y est peut-être pas étranger au regard du contexte actuel passionnel. Je défends personnellement l'idée d'un service public qui puisse s'appuyer sur l'utilisation de la langue arabe dans un contexte laïc, a fortiori dans un pays qui a inventé l'agrégation d'arabe. Mais il s'agit là d'un choix souverain qui me dépasse et qui explique pourquoi MCD n'est pas distribuée sur notre sol. Néanmoins, la RNT risque, en ce moment même, de faire évoluer les choses avec les appels à candidature du CSA et la préemption possible de l'État.
Comme M. Duvernois, je suis consciente de la nécessité de creuser cet axe de réflexion et compte sur l'appui des maires, proches des réalités du terrain, pour lesquels le sujet ne génère pas d'inquiétudes particulières. Fournir une information dans une langue étrangère plus accessible à certains Français présente, en outre, un double avantage. Le premier est que le coût est marginal puisque ces médias existent déjà. Le second est qu'il évite à ces Français d'aller chercher l'information ailleurs, notamment par le biais de médias extra-européens qui ne présentent pas les mêmes garanties de neutralité et de qualité.
En ce qui concerne la télévision, il ne faut pas oublier que France 24 est accessible en langue arabe sur tout le territoire par l'intermédiaire du câble, du satellite et d'internet. Elle n'est pas disponible sur la TNT, mais je ne pense pas qu'il soit dans l'air du temps de consacrer une part de cette ressource assez rare à une chaîne entièrement en langue arabe. Des partenariats pourraient, en revanche, voir le jour pour permettre des diffusions locales. Car il est aujourd'hui acquis que les médias internationaux peuvent avoir une utilité en France, sur des zones ciblées, par rapport aux problématiques de cohésion sociale qui sont les nôtres.
Concernant les structures de notre groupe, je rappelle que la logique initiale de FMM était construite autour de l'idée de fusion dans un but d'économie et de recherche d'efficacité. En ce qui concerne les économies, nos organismes de tutelle savent que nous en avons tellement effectuées que nous ne disposons plus, à l'heure actuelle, de leviers pour accroître notre productivité. Notre budget pour 2016 en est l'exemple car il est inférieur à celui de 2011, malgré l'ensemble de nos nouveaux projets.
Ces efforts de productivité ont été obtenus sans fusionner les rédactions, voire même en les renforçant, puisque France 24 n'avait pas atteint en 2012 sa taille actuelle. Lorsque j'ai pris mes fonctions, les chaînes de FMM disposaient, en moyenne, d'un personnel d'un peu moins de 150 équivalents temps plein (ETP). À titre de comparaison, BFM TV, dont la gestion ne peut pas être soupçonnée de légèreté, dispose à l'heure actuelle de 215 ETP pour assurer 18 heures d'émission par jour sur le seul territoire national. Après les efforts que nous avons produits, France 24 dispose de seulement 160 ETP pour couvrir le monde entier, 24 heures sur 24 et pas seulement 18 heures par jour ! Je pense donc sincèrement que notre groupe est particulièrement performant et ne voit pas quelles économies majeures pourraient encore être réalisées.
BBC world émet en 37 langues et va bientôt en développer 11 de plus alors que nous ne diffusons qu'en 15 langues. Il ne nous est donc pas possible de voir la réduction du nombre de langues comme une piste d'économie.
France 24, RFI et MCD doivent aller chercher des publics différents. Nous disposons de trois formats très différents avec une chaîne d'information en continu, une radio d'actualité dont certains contenus lui donnent un vrai rôle d'éducation populaire et une chaîne généraliste. Il est prioritaire que les contenus de ces trois médias ne se concurrencent pas entre eux, mais qu'ils créent des synergies du fait de leur complémentarité pour accroître l'audience globale du groupe.
Le numérique est un lieu de regroupement de ces trois médias. Le site des savoirs de RFI utilise, par exemple, des vidéos de France 24. Des informations intéressantes de RFI peuvent aussi être reprises par Mashable. Il n'y a pas de cloisonnement. Mais lorsque l'on visite la Radio-télévision belge de la Communauté française (RTBF) et la Radio-télévision suisse (RTS) qui ont connu une fusion, on se rend bien compte que, fusion ou pas, un journaliste ne peut pas faire de la télévision, de la radio et du numérique en même temps !
Nos journalistes sont polyvalents, mais ne peuvent pas tout faire à la fois, ce qui justifie la persistance d'une forme de spécialisation, d'ailleurs soutenue par la fusion de nos services support.
Nous avons inventé un modèle original qui fonctionne et qui n'a pas encore fini de donner toute sa créativité. Je suis, par exemple, persuadée que nous allons dans l'avenir nous épanouir dans le domaine des vidéos mobiles.
Je ne peux pas vous parler de la structure du service public dans son ensemble de la même manière que j'évoque notre propre système puisqu'il comporte d'autres acteurs. Je pense néanmoins que la mission doit, ici aussi, justifier les moyens qui sont mis en oeuvre pour l'accomplir, et non le contraire. Le coût du service public de l'audiovisuel s'élève à 6,7 milliards d'euros au Royaume-Uni et 9 milliards d'euros en Allemagne contre 3 milliards d'euros seulement en France. La comparaison des effectifs va dans le même sens puisque le service public de l'audiovisuel s'appuie sur 22 000 ETP en Grande-Bretagne contre seulement 18 000 en France.
Les fusions ont aussi un coût. Nous avons financé notre rapprochement par redéploiements car nous avons pu dégager une marge de manoeuvre du fait de plans de départs. Si la fusion n'a pas forcément, en elle-même, généré des économies, elle a, à l'inverse, engendré des charges, comme celles relatives à l'harmonisation sociale ou aux déménagements. Notre situation est, à ce titre, plutôt avantageuse puisque notre harmonisation sociale ne s'est pas faite exclusivement à la hausse pour les salariés, comme c'est souvent le cas, avec une diminution du temps de travail et un alignement sur les salaires les plus élevés. Nous avons au contraire, d'un côté, augmenté le temps de travail ainsi que les salaires et avons, de l'autre côté, un peu allégé le temps de travail sans baisser les salaires. Je comprends que certains pensent qu'il était possible de faire mieux mais le risque de blocages sociaux a été évité.
J'ai très agréablement été surprise, notamment sur le plan humain, que la chaîne Franceinfo ait réussi à voir le jour malgré les difficultés inhérentes à ce projet. Cette chaîne est très récente et certains progrès sont donc encore à faire dans l'environnement complexe des chaînes d'information. Le parti-pris initial vers le numérique est très marqué et, du fait de la linéarité de cette chaîne, certains ajustements vont être effectués dans une nouvelle grille de programmes à venir. FMM est prestataire mais n'est pas responsable de la ligne éditoriale et de l'édition de cette chaîne qui reviennent à France Télévisions. Si nous n'avons pas directement la responsabilité de Franceinfo, nous constatons qu'elle est un point de rencontre qui donne de la fluidité aux rapports que l'on peut entretenir au sein du service public de l'audiovisuel. Nous collaborons ainsi avec l'INA pour notre dispositif de secours en cas de crue et cela a, plus globalement, donné envie aux gens de faire des choses ensemble.
M. Jean-Pierre Leleux. - Ces coopérations sont finalement déjà, de facto, une forme de regroupement.
Mme Marie-Christine Saragosse. - Cette coopération se fait plus autour de contenus que de structures. Nous avons d'ailleurs été soulagés de voir retenu le modèle économique qui est celui que la chaîne possède actuellement. Nos journaliste sont polyvalents et prennent souvent en charge eux-mêmes le montage des reportages ou la prise de son, par exemple. C'est la condition qui nous permet de respecter nos budgets. Le choix d'un autre modèle économique aurait donc pu remettre le nôtre en question. Là est encore l'exemple que le rapprochement des structures peut créer des blocages alors que les projets communs sont à l'origine de dynamiques positives pour tous, si l'on respecte les contraintes financières.
M. Louis Duvernois. - Le numérique est en passe de devenir une forme de concurrence pour les chaînes traditionnelles. Comme je le rapportais, le public apprécie particulièrement l'écoute de certains médias sur internet. Cette chaîne internet ne fait-elle pas, en ce sens, concurrence à des chaînes traditionnelles existantes comme TV5 Monde ou France 24 dans sa version en français ?
Mme Marie-Christine Blandin. - Les mésaventures de RFI pourraient donner lieu à une véritable bande dessinée ! Rappelons qu'elle a été logée dans les locaux de la Maison de la radio, puis expulsée, puis relogée dans de mauvaises conditions, malmenée, et que l'on a demandé à ses talents de se mettre au service de France 24. Merci d'avoir tenu bon et assuré une gestion bienveillante et exigeante du travail commun de toutes les entités de FMM, à qui vous transmettez de « bonnes ondes ».
Je vous témoigne, au nom de mes collègues, notre solidarité suite à l'appel en faveur d'Ahmed Abba dont le procès ne s'appuie sur aucune preuve sérieuse de culpabilité, alors qu'il risque la peine de mort en raison de la loi anti-terroriste votée il y a deux ans dans son pays. Vous pouvez compter sur nous pour faire valoir ses droits en tout lieu.
Nous pensons, comme Claudine Lepage, qu'il est urgent que certains médias s'expriment sur notre sol dans d'autres langues que le français. Certaines langues ne doivent pas seulement être uniquement parlées dans les lieux de culte mais doivent être entendues dans le cadre d'autres contenus et en d'autres lieux.
Je constate que vous collaborez avec l'AFP en Amérique latine mais je ne crois pas que cette agence participe au programme d'aide aux migrants auquel sont associées l'agence de presse italienne Agenzia Nazionale Stampa Associata (ANSA) et Deutsche Welle. Pourquoi l'AFP n'y participe-t-elle pas ?
Peut-on obtenir plus de détails sur la mise en oeuvre de l'éducation aux médias ?
M. Philippe Bonnecarrère. - Je vous remercie d'avoir abordé les thèmes de la productivité et de l'industrialisation du numérique ou des procédures de marché public. Tous ces éléments témoignant d'une gestion rationnelle donnent, à mon sens, de la crédibilité à la notion de service public et aux grandes formules de principe qu'il nous est souvent donné d'écouter.
Vous avez émis l'idée que les trois structures qui constituent votre groupe pouvaient s'auto-alimenter réciproquement et se renforcer. Que l'on raisonne au sein de FMM ou au sein de l'information continue de France Télévisions, vous nous avez expliqué que l'important était de se retrouver sur des projets et pas forcément au sein de structures communes, reléguant ainsi l'idée de fusion. Il est, en revanche, possible de ne pas fusionner et conserver des canaux distincts de diffusion tout en les plaçant sous la protection commune d'une « marque parapluie ». Il s'agit d'une situation connue dans les modes de gestion privée.
Malgré les cultures propres aux trois médias de votre groupe, défendriez-vous l'hypothèse d'une telle « marque parapluie » qui vous donnerait une visibilité plus forte dans le paysage de la diffusion internationale ?
L'AFP est un outil à la disposition de notre pays pour assurer son influence internationale et soutenir la francophonie. C'est la raison pour laquelle l'État finance à peu près la moitié de son budget à un niveau de près de 130 millions d'euros par an. Je conçois bien que le métier de l'AFP n'est pas le même que ceux de votre groupe, il n'en est pas moins vrai que vous avez une raison d'être en commun. Elle consiste à porter l'influence de la France et de ses valeurs au-delà de nos frontières, notamment par l'utilisation de médias en langues étrangères. En quoi pensez-vous néanmoins faire des choses différentes ? En quoi pensez-vous que FMM dispose d'un bon rapport « qualité/prix » pour assurer la diffusion de l'image de la France et de ses idées ? A travers leurs missions communes, vous est-il possible d'envisager des pistes de complémentarité entre FMM et l'AFP ?
Comme vous, le président de l'AFP pense que la vidéo mobile est un élément d'avenir. L'emploi de termes communs me fait m'interroger sur une harmonisation possible entre sa structure et la vôtre.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - M. Philippe Bonnecarrère a été rapporteur de la loi de 2015 relative au statut de l'AFP.
Je souhaiterais aborder le thème de la sécurité des journalistes de FMM car je sais qu'il s'agit d'une de vos préoccupations majeures du fait de la multiplication des zones de conflits et des arrestations de journalistes à travers le monde, telle celle, récente, d'Olivier Bertrand en Turquie. Quelles sont les mesures particulières avez-vous prises pour y faire face ? Quelles difficultés particulières avez-vous rencontrées ?
Sachez que nous vous soutenons car nous comprenons les spécificités propres à un média audiovisuel extérieur. Elles sont inhérentes aux prises de risque, au courage et à la nécessité d'être tout de même sur le terrain afin d'exercer votre mission de service public. Je souhaiterais que vous partagiez cet aspect avec les membres de notre commission.
Je rappelle à M. Duvernois que la concurrence que représente l'information sur le web pour les chaînes « traditionnelles » existait avant Franceinfo. Le web est, en effet, le lieu de toutes les concurrence puisque radio, télévision, presse écrite se retrouvent sur ce marché. C'était le cas de Franceinfo, à l'époque France TV info, qui avait exactement la même offre et était regardée à l'international. FMM se différencie car nous touchons, en outre, plus largement les francophones que les français. Même les Français expatriés ont besoin d'entendre parler du pays où ils habitent et ça ne correspond pas totalement à la ligne éditoriale de Franceinfo. Nos offres sont donc complémentaires pour les Français de l'étranger.
Les francophones ne sont pas plus intéressés par Franceinfo que par France 24 alors que France 24 émet en trois langues étrangères. Du fait de la montée de l'arabe et de l'anglais sur France 24, la langue française ne concerne à peine plus que la moitié des contenus proposés. En conséquence, la moitié de notre trafic se fait en langue étrangère et c'est là notre signature.
France 24 est de surcroît déjà représentée sur la chaîne de Franceinfo. Une version du site va être dévoilée en décembre, elle devrait également permettre une montée en puissance. Ces médias appréhendent l'actualité sous un angle différent. Le caractère autocentré des Français exaspère souvent le reste du monde et France 24 tient à s'en éloigner.
Je reviens sur les problèmes de sécurité rencontrés par nos journalistes et rappelle que nous avons récemment dû en exfiltrer un de Tanzanie alors qu'il était condamné pour terrorisme. Une action similaire a également été nécessaire au Burundi. Le premier journaliste a obtenu le statut de réfugié en France du fait, notamment, des actes de torture dont il avait été victime. Je confirme qu'Ahmed Abba risque la peine de mort alors que son accusation ne s'appuie sur aucun élément tangible. Je comprends que le Cameroun soit déstabilisé par l'opposition qu'il doit mener à Boco Haram. Cette lutte ne doit cependant pas conduire à un amalgame entre journalistes et terrorisme. Les auditions de Ahmed Abba par la justice camerounaise se multiplient et nous nous efforçons d'être à ses côtés à chacune d'entre elles. Nous ne perdons pas l'espoir de le voir libéré avant la fin de l'année.
Enfin, en République Démocratique du Congo (RDC), où il ne nous est plus possible d'émettre depuis une semaine. Une mission s'y rendra à ce titre la semaine prochaine.
Ces difficultés sont paradoxalement inhérentes à notre succès. Si RFI n'avait pas gagné la crédibilité, le statut et le poids qu'elle a actuellement, elle ne serait pas perçue comme une menace par certains, même s'il s'agit d'une contrepartie dont nous nous passerions volontiers.
Je me souviens de votre témoignage de soutien lors de l'assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, dont nous avons récemment commémoré la disparition. On ne se remet jamais de ce type de situation. Personne n'a oublié Jean Hélène. Personne n'a non plus oublié Johanne Sutton dont nous avons également commémoré la semaine dernière les 15 ans de la disparition en Afghanistan. Grand reporter est un métier à risque mais nous savons que ne plus l'exercer revient à laisser leur place au non-droit, aux massacres et aux dictatures. Le silence est complice des pires abominations. Aucun reportage ne vaut une vie et ce principe ne saurait souffrir d'exceptions. Mais le « risque zéro » n'existe pas et nous devons faire l'effort de le minimiser au maximum pour assurer notre mission. Il en va de la démocratie.
Nous avons, pour cela, créé le stage que j'ai évoqué en introduction et qui est également ouvert aux non-journalistes. D'une durée d'une semaine, il traite des divers aspects du métier de journaliste comme son exercice e, zone de guerre ou lors des manifestations dangereuses, mais aussi du numérique, de la psychologie, du secourisme... La liste est longue. Il n'existe pas d'équivalent et c'est la raison pour laquelle des médias comme Europe 1 ou Canal plus y voient des collaborateurs.
J'ai également recruté un jeune colonel en retraite au poste de responsable de la sécurité. Nous avons ainsi pu conceptualiser les procédures et les ventiler en fonction des zones concernées, selon une cartographie des risques unique pour toute la société, et assurer la sécurité des personnels déployés. Il faut aussi lutter contre l'impunité des crimes commis contre des journalistes car, sur 10, 9 restent impunis à l'heure actuelle. L'année 2015 a été celle du triste record du nombre de morts de journalistes. Je tire mon chapeau aux journalistes qui vont sur le terrain. Il ne s'agit pas de baroudeurs ou d'aventuriers, mais bien de professionnels qui ont à coeur de trouver la vérité. Beaucoup d'entre eux sont des femmes.
Nous possédons, dans un autre domaine, un dispositif de lutte contre les cyberattaques puisque nous subissons en moyenne 1 million de tentatives d'intrusion chaque mois. Un plan de sécurité de nos locaux a aussi été mis en oeuvre.
Le projet d'information des migrants est un projet européen. Nous ne pensions pas, à l'origine, rencontrer un tel succès et avons dû aller chercher des partenaires d'autres pays membres pour obtenir la subvention européenne qui nous était nécessaire. C'est pourquoi nous nous sommes tournés vers Deutsche Welle qui est l'un de nos partenaires habituels et que l'Agence nouvelle des solidarités actives (ANSA) s'est spontanément jointe à nous. Un dossier franco-français, conduit avec l'AFP par exemple, n'aurait eu que peu de chances d'obtenir cette subvention. Je signale, à cette occasion, siéger au conseil d'administration de l'AFP. J'y ai été nommée pour représenter le service public.
Au même titre que Reuters et BBC world, FMM et l'AFP n'ont pas le même rôle et n'ont donc pas vocation à fusionner.
M. Philippe Bonnecarrère. - La situation n'est pas la même puisque les ressources de l'agence Reuters ne sont pas publiques.
Mme Marie-Christine Saragosse. - La nature des activités de l'AFP et de FMM peut, il est vrai, sembler se rapprocher du fait de leurs financements publics, mais elles sont en réalité fondamentalement différentes. L'État verse à l'AFP une subvention au titre de sa mission de service public, mais la part restante de ses ressources est, elle, tirée de la vente de contenus à des chaînes de télévision comme les nôtres.
M. Philippe Bonnecarrère. - Ma question portait sur la possible complémentarité de vos actions.
Mme Marie-Christine Saragosse. - La collaboration entre la chaîne espagnole de France 24 à Bogota et l'AFP est liée à la possibilité d'y établir une synergie de nos équipements et de nos locaux. Je ne pense pas que ce rapprochement conduise cependant l'AFP à nous faire cadeau des images qu'elle produit en espagnol. Nous entretenons avec cette agence des rapports de client à fournisseur. L'AFP a également besoin de marquer son indépendance pour garantir sa crédibilité auprès des autres chaînes qui lui achètent des contenus, comme la BBC ou Russia today.
Je me suis cependant déjà interrogée sur la possibilité que FMM puisse vendre certains de ses contenus par l'intermédiaire de l'AFP pour en étoffer l'offre à moindre coût. Il faut, toutefois, que nous ayons la certitude d'être à 100 % producteur des reportages que nous proposerions afin de ne pas indirectement revendre des contenus que nous aurions déjà achetés en amont. L'intégration d'images achetées nous permet la diffusion du reportage qui les contient, mais pas sa commercialisation.
L'AFP et FMM possèdent des points communs, des correspondants communs, des mesures de sécurité en commun mais des activités véritablement différentes, en revanche. Un rapprochement ne va donc pas de soi. Le prochain COM pourrait être cependant l'occasion d'étudier et d'approfondir la question.
S'agissant des fréquences FM non utilisées, Radio-France, avec qui nous travaillons en bonne intelligence, nous a précisé que ces fréquences lui étaient utiles dans le cadre de sa mission de service public. Si ces fréquences devaient être libérées, comme le souligne M. Leleux, je ne pense pas que les radios privées accepteraient que les groupes publics puissent se les échanger sans passer par le CSA. Une telle démarche les évincerait de facto de toute procédure de réattribution. L'équité entre le public et le privé serait ici en jeu. Je serais, en tout état de cause, ravie si RFI pouvait récupérer ces fréquences.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie, madame la présidente, d'avoir répondu à nos questions. Je me souviens très bien de la création de la Chaîne française d'information internationale (CF2I), ancien nom de France 24, dont on va fêter les 10 ans le 6 décembre prochain. Nous en suivons les développements COM après COM, mesurons ici tous les obstacles qu'il a fallu surmonter et souhaitons tous un excellent anniversaire à cette chaîne.
La réunion est close à 16 h 20.
Loi de finances pour 2017 - Audition de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
La réunion est ouverte à 18 h 05.
Au cours d'une troisième réunion tenue dans l'après-midi, la commission auditionne Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Madame la ministre, nous sommes heureux de vous accueillir malgré un horaire qui, comme l'année dernière, ne nous permet pas de travailler dans des conditions satisfaisantes et nous prive de la présence de plusieurs de nos collègues. Je note que vous êtes accompagnée d'un certain nombre de représentants du ministère de l'agriculture.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. - C'est un plaisir pour moi d'être parmi vous malgré l'heure tardive.
L'école de la République est une institution dont nous pouvons être fiers. Face aux défis considérables auxquels nous sommes confrontés, nous ne pouvons envisager le redressement du pays sans envisager celui de l'école.
En 2012, il y avait urgence à redresser l'école. Les résultats de PISA 2012 mettaient en évidence les faiblesses persistantes d'un trop grand nombre d'élèves dans la maîtrise des fondamentaux et le poids accru des inégalités économiques et sociales sur la scolarité de nos élèves.
Ces deux enjeux doivent nous rassembler. Toute notre action, depuis le début de ce quinquennat, a été d'agir sur ces deux points : améliorer la maîtrise des fondamentaux et ne plus laisser les inégalités dicter leurs destins à des élèves avant même qu'ils n'aient franchi le seuil de l'école.
Vous connaissez les liens qui unissent la République française et l'école. Ils ont nourri des débats à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Au fil de cette histoire, il n'a jamais été remis en cause qu'agir pour l'école, c'est agir pour l'avenir de notre pays. Le budget de l'éducation nationale, cette année encore, continue à l'affirmer.
Je regrette sincèrement que la majorité sénatoriale ait décidé de rejeter en bloc le budget 2017 sans même l'examiner, y compris le budget de l'éducation nationale qui bénéficie pourtant d'une augmentation inédite et historique.
Ce qu'affirme ce budget, c'est que l'école est bien une priorité et qu'elle est au coeur du redressement de notre pays.
Nous avons voulu faire un effort particulier pour l'école primaire. Nous savons que c'est à l'école primaire que les élèves font l'acquisition des bases solides et des fondamentaux sur lesquels vont s'ériger leurs apprentissages futurs. Toute faiblesse initiale risque de peser longtemps sur la suite de leur scolarité.
L'école primaire n'est pas seulement la première des écoles ; elle est aussi, à bien des égards, primordiale. C'est pourquoi nous y avons concentré nos efforts, en créant, entre 2013 et 2016, un poste pour cinq élèves supplémentaires dans le premier degré. Sur la même période, dans le second degré, nous avons créé un poste pour quatorze élèves supplémentaires.
Nous avons aussi rééquilibré la dépense intérieure en faveur de l'école primaire. Chacun savait que dans notre pays, il fallait que la dépense d'éducation se concentre davantage sur l'école primaire. Au cours de ce quinquennat, la dépense intérieure d'éducation a augmenté de 10 % dans son ensemble, mais de 12 % pour le primaire, de 7 % pour le collège et de 4 % pour le lycée.
Les moyens ne font pas tout, mais ils font beaucoup. Nous avons pris soin de les articuler à des évolutions pédagogiques importantes et à des mesures qui améliorent en particulier l'acquisition des fondamentaux.
Nous avons par exemple alloué des moyens supplémentaires pour développer, partout où cela était le plus urgent, la scolarisation des enfants moins de trois ans, dont toutes les études ont montré les bienfaits, notamment pour l'acquisition de la langue française, et pour mettre en place le « plus de maîtres que de classes » afin d'assurer la maîtrise des fondamentaux dès le plus jeune âge. Ce dispositif, qui gagnerait à être mieux connu et mieux valorisé, fait des merveilles sur le terrain.
Nous avons mis l'accent sur la maîtrise de la langue française. Au-delà des dix heures de français hebdomadaires, les nouveaux programmes de la scolarité obligatoire entrés en vigueur en septembre consacrent dix heures supplémentaires à des activités quotidiennes d'oral, de lecture et d'écriture.
Cette maîtrise est la clef de voûte des apprentissages futurs. C'est par la maîtrise du français que se construisent notre rapport au monde et notre capacité à débattre démocratiquement. C'est pour cela que son apprentissage exige une pédagogie cohérente dès la maternelle, dès les premiers apprentissages.
Les nouveaux programmes de maternelle, plébiscités par les enseignants, comme les nouveaux programmes du primaire et du collège, visent à améliorer l'acquisition de la langue française et des fondamentaux.
Le deuxième point qui ressortait clairement des enquêtes PISA était la question du déterminisme social. Rien n'est plus contraire à l'idée d'école et à la liberté qu'elle défend que de voir des déterminants économiques et sociaux peser sur la scolarité de nos élèves.
Une fois encore, les moyens ne font pas tout, mais l'absence de moyens ne garantit qu'une chose : l'échec de toute politique. C'est pourquoi nous avons accompagné les évolutions pédagogiques d'une réforme de l'éducation prioritaire et d'une réforme de l'allocation des moyens visant à donner plus aux établissements qui sont confrontés à plus de difficultés sociales, même lorsqu'ils ne sont pas en zone d'éducation prioritaire.
C'est pour cette raison aussi qu'un effort tout particulier a été fait en faveur des fonds sociaux : réduits à peau de chagrin avant 2012, ils auront augmenté de plus de 40 % durant ce quinquennat. Le budget pour l'année 2017 prévoit de porter leur dotation de 53 à 65 millions d'euros.
L'enveloppe consacrée aux bourses s'établit à 670 millions d'euros, une forte augmentation qui permet d'accroître de 10 % les bourses des lycéens, mais aussi de financer l'aide à la recherche du premier emploi, par exemple sous la forme d'une continuation de bourse pour les bacheliers professionnels.
La force de notre pays vient aussi de sa capacité à tenir compte des singularités de ses territoires. En votre qualité de sénateurs, la diversité de nos départements et de nos régions est une réalité que vous connaissez bien. Vous savez que derrière un même mot, l'école, on rencontre des situations différentes selon les territoires dans lesquels s'ancrent nos établissements.
Nous prenons désormais mieux en compte les territoires les plus fragiles. La réforme de l'allocation des moyens permet de tenir compte des difficultés sociales des établissements. Les effets s'en ressentent, notamment dans les territoires ruraux. Je veux également citer le soutien de 373 millions d'euros apporté par l'État aux communes pour le développement des activités périscolaires dans le cadre de la réforme des rythmes.
Je voudrais, à cet égard, vous redire mon engagement à mieux accompagner les élus. Lors du débat sur les rythmes scolaires que nous avons eu dans votre hémicycle le 18 octobre dernier, je vous avais indiqué que nous remobilisions les groupes d'appui départementaux (GAD), pour qu'ils portent une attention renforcée aux actions visant à favoriser la mutualisation de ressources dans les territoires et la mise en place de formations communes aux enseignants et aux personnels d'animation périscolaire. Une instruction a depuis été publiée au bulletin officiel de mon ministère.
Ce souci des spécificités des territoires et de l'accompagnement des élus, nous l'avons aussi pour tenir compte des territoires ruraux. Nous continuons donc à développer les conventions ruralité qui permettent d'intégrer, dans l'évolution des effectifs, la spécificité des zones rurales et de montagne.
Enfin, je veux rappeler qu'au sein de l'école, nous avons besoin que nos enseignants soient mieux formés, mieux rémunérés et qu'ils aient de meilleures perspectives de carrière.
L'engagement de créer 54 000 postes dans l'éducation nationale a été tenu. 11 662 postes supplémentaires seront ouverts en 2017.
Les personnels de l'éducation nationale, qui font vivre l'école au jour le jour, doivent être mieux formés et mieux rémunérés. La formation continue bénéficie d'une enveloppe de 100 millions d'euros, ce qui représente en deux ans une augmentation de 40 %.
L'augmentation nécessaire et méritée de la rémunération des enseignants est passée à la fois par la revalorisation de la valeur du point, mais aussi par le protocole parcours et rémunération, le PPCR, qui fera l'objet d'un investissement d'un milliard d'euros sur trois ans, dont 500 millions d'euros dès 2017. Notre objectif est que nos enseignants soient parmi les mieux rémunérés des pays de l'OCDE et non, comme c'est le cas aujourd'hui, en dessous de la moyenne. Enfin, cette rentrée scolaire a vu l'entrée en vigueur de l'augmentation de l'indemnité des enseignants du premier degré (ISAE), qui, jusqu'à présent, n'était pas du même montant que celle des enseignants du second degré. Nous avons rétabli cette injustice en allouant une indemnité de 1 200 euros à ces enseignants.
Je tiens enfin à préciser que les postes créés ne sont pas uniquement des postes d'enseignants. Cette précision est l'occasion pour moi de rappeler l'action que nous avons conduite pour rendre l'école plus inclusive, et en particulier pour améliorer la scolarisation des enfants en situation de handicap. C'est un sujet extrêmement important, car c'est l'honneur de la République que de pouvoir garantir à chaque enfant de recevoir une formation adaptée à sa situation.
Des difficultés demeurent, mettant les familles dans des situations parfois problématiques. Mais nous nous donnons les moyens d'agir. Nous avons augmenté le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés de près de 25 % par rapport à 2012 et nous prolongeons cet effort, conformément aux engagements du président de la République.
Durant ce quinquennat, nous aurons créé 4 251 postes d'accompagnants d'élèves en situation de handicap, et nous avons facilité le passage au statut de contrat à durée déterminée (CDI) pour ces AESH. Nous aurons ainsi à terme 28 000 AESH en CDI dans les écoles.
Le budget de l'éducation nationale s'élève à 68,64 milliards d'euros. Il est à la hauteur de l'importance que nous accordons à l'école, mais aussi à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Si nous voulons résoudre les crises et relever les défis auxquels notre pays est confronté, il nous faut une jeunesse instruite, formée, émancipée et citoyenne. C'est pourquoi nous ne pourrons jamais faire l'économie d'un budget ambitieux pour l'école.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis sur les crédits de l'enseignement scolaire. - Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit que les crédits de la mission « Enseignement scolaire » augmentent de près de 3 milliards d'euros, soit une hausse de 4,5 %. En incluant l'enseignement agricole, cher à Françoise Férat, ils atteindront 70 milliards d'euros.
Je ne juge pas la qualité d'un budget à son augmentation. Le budget ayant doublé en l'espace de quelques décennies, cette augmentation est récurrente. Dans son rapport Gérer les enseignants autrement, la Cour des comptes estime que « les résultats insatisfaisants de notre système scolaire ne proviennent ni d'un excès, ni d'un manque de moyens budgétaires ou d'enseignants, mais d'une utilisation défaillante des moyens existants ».
Aujourd'hui, 60 % des élèves ont une maîtrise suffisante des compétences attendues en fin d'école primaire, tandis qu'une étude met en évidence une dégradation extrêmement préoccupante de la maîtrise de l'orthographe des élèves en fin de CM2. Toutes les comparaisons internationales le montrent, notre système éducatif a besoin d'un vrai redéploiement des dépenses du secondaire vers le primaire, qui demeure le parent pauvre de l'école.
Je ne nie pas votre volonté de réorienter des moyens vers le primaire, mais ce rééquilibrage est encore loin d'être satisfaisant. Les crédits consacrés à l'enseignement du premier degré public représenteront 31 % du budget 2017 contre 29,6 % en 2012. Il en va de même pour le nombre d'enseignants : le plafond d'emplois de personnels enseignants du premier degré du programme 140 s'élevait à 316 000 en 2012 ; il est de 317 801 en 2016 et sera porté à 321 405 en 2017. On est loin des 14 000 postes supplémentaires, que vous ne parvenez à pourvoir qu'en multipliant les concours ou en ayant recours aux listes complémentaires.
Vous allez me dire que c'est à cause de l'héritage de la précédente majorité, mais c'est un peu court ! Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour donner la priorité à l'apprentissage des fondamentaux par tous les élèves ? Peut-on vraiment parler de priorité donnée au primaire lorsque le premier degré bénéficie de moins de la moitié des créations de postes ? Où en sont la reconnaissance statutaire et la simplification des tâches des directeurs d'école ?
Ma deuxième question porte sur le financement du renouvellement des manuels scolaires. Vous avez choisi de faire entrer en vigueur, à la rentrée 2016, les nouveaux programmes pour l'ensemble des disciplines de l'école primaire et du collège. À cette fin, vous annonciez l'année dernière un effort de 300 millions d'euros sur deux ans. Cet effort a été revu à 260 millions d'euros, puisque votre budget ne prévoit pour 2017 que 110 millions d'euros. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ? Les chefs d'établissements et les enseignants nous ont fait part de leur incompréhension à ce sujet. En ce qui concerne l'école primaire, s'il n'appartient pas à l'État de fournir les manuels, je vous rappelle qu'aucun texte n'impose aux communes, déjà asphyxiées par la baisse des dotations et les rythmes scolaires, de les prendre en charge. Ne s'agit-il pas, comme pour les rythmes scolaires ou le numérique, de mettre encore à la charge des collectivités locales le financement de vos réformes ?
Ma troisième question porte sur la santé scolaire, dont la situation est dramatique. Environ 30 % des enfants et 21,2 % des enfants scolarisés en REP + ne bénéficient pas du bilan de santé à l'âge de six ans. Ce chiffre en constante dégradation est d'ailleurs fondé sur des données incomplètes et comprend les dépistages infirmiers, qui ne sont pas à proprement parler une visite médicale. Cette dégradation tient à plusieurs facteurs : le corps des médecins scolaires est en voie d'extinction du fait d'une attractivité insuffisante - il est de surcroît difficile de trouver des vacataires quand l'heure est rémunérée 21 euros. L'arrêté du 3 novembre 2015, en dissociant le travail des infirmiers et des médecins scolaires a aggravé la situation. Le rapport d'évaluation conduit par les inspections générales est éclairant. Suivrez-vous leurs recommandations ?
Ma dernière question porte sur l'article 55 sexies, adopté par l'Assemblée nationale sur votre initiative, relatif à la bonification indiciaire des enseignants bi-admissibles. Pourquoi avoir inséré cet article, l'accord PPCR prévoyant la disparition de cette bonification ? Cela ne relève-t-il pas du pouvoir réglementaire ?
Mme Françoise Férat, rapporteure pour avis sur les crédits de l'enseignement technique agricole. - Madame la ministre, j'ai longuement hésité à vous poser une question, car l'année dernière vous m'aviez répondu que vous n'étiez pas concernée par l'enseignement agricole ! Si c'est bien le ministère de l'agriculture qui est à la manoeuvre sur le volet pédagogique, sur le volet financier, nous sommes au coeur de votre mission avec le programme 143. J'en veux pour preuve que vous avez opéré à deux reprises un prélèvement de 2,5 millions d'euros dans le budget de l'enseignement agricole pour financer la réforme des rythmes scolaires, alors même que l'enseignement agricole n'est pas concerné par cette action.
Comptez-vous effectuer la même manoeuvre, procéder au même hold-up, alors que les crédits alloués à l'enseignement technique agricole, qui donne d'excellents résultats, représentent moins de 2 % de votre budget ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Dans notre commission, la défense de l'enseignement agricole est une tradition sur toutes les travées !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Je vous remercie, monsieur le sénateur Carle, car j'ai relevé que vous notiez une amélioration, bien que celle-ci soit à vos yeux insuffisante, notamment en matière de rééquilibrage de la dépense en faveur de l'école primaire.
Permettez-moi de préciser que les listes complémentaires que vous avez évoquées sont des listes de titulaires. Il ne s'agit pas de professeurs au rabais.
Vous me reprochez de ne pas avoir créé autant de postes d'enseignants devant élèves qu'annoncé, car une partie d'entre eux sont encore en formation. Nous l'assumons totalement, car notre logique a été à la fois de créer des postes et de former de nouveaux enseignants. Par définition, les nouveaux enseignants que nous recrutons passent deux ans en formation. Je ne crois pas qu'il faille le déplorer, car ce sont des professeurs formés qui vont ainsi se présenter devant nos enfants.
Il est vrai que dans certaines disciplines, notamment les mathématiques, nous avons du mal à pourvoir les postes. Pourquoi ? Premièrement, parce que le message a mis un certain temps à passer auprès des étudiants, qui, du fait de l'assèchement du vivier de professeurs, n'imaginaient pas trouver un emploi dans l'éducation nationale. Deuxièmement, parce que dans certaines disciplines, comme les mathématiques, les étudiants ont l'opportunité de s'orienter vers des carrières d'ingénieur qui sont mieux rémunérées que les métiers de l'enseignement, d'où la nécessité de revaloriser les salaires des enseignants. En attendant, nous ouvrons des listes complémentaires, et à la marge, nous avons recours à des contractuels que nous formons et accompagnons de mieux en mieux.
Vous avez évoqué la question de la simplification des tâches des directeurs d'école. Je constate que les chantiers métier que nous avons menés en 2014 sont passés inaperçus. Avec les organisations syndicales, nous avons revu les statuts et le cahier des charges des métiers de tous les personnels de l'éducation nationale. Nous avons amélioré le système de décharge des directeurs d'écoles, y compris dans les écoles comportant un faible nombre de classes, tout en leur apportant une aide administrative sous forme de contrats aidés.
Je ne nie pas les difficultés rencontrées sur la question de la santé scolaire. Malgré les mesures prises, notamment la revalorisation de la rémunération des médecins scolaires, dont une indemnité supplémentaire de 600 euros en 2016, nous avons du mal à embaucher des médecins scolaires. Le manque de médecins scolaires nous amène à nous appuyer beaucoup sur les infirmiers scolaires, dont je salue le rôle et l'engagement. Nous veillons à améliorer cette situation.
Concernant les enseignants bi-admissibles, vous évoquez un amendement à la loi de finances adopté par l'Assemblée nationale. Les enseignants certifiés bi-admissibles à l'agrégation bénéficiaient jusqu'à présent d'une différence de traitement au titre d'une grille spécifique. Dans le cadre du PPCR, cette grille sera fermée aux nouveaux entrants à partir du 1er septembre 2017. Cet amendement visait à permettre aux enseignants bi-admissibles de conserver cette bonification indiciaire. Il s'agissait simplement de corriger une anomalie.
Madame Férat, je vous rejoins sur l'importance de la question du budget de l'enseignement agricole et je suis désolée de devoir à nouveau vous répondre qu'il ne relève pas de ma compétence. Lorsque nous avons travaillé sur la réforme du collège, nous nous sommes beaucoup inspirés de ce qui se faisait dans l'enseignement agricole.
L'enseignement agricole bénéficie d'une hausse de son budget de 2 %. Une revalorisation de la rémunération des enseignants y est prévue, ainsi que la création de 140 postes d'enseignants en 2017, comme c'était déjà le cas 2016.
Mme Françoise Férat, rapporteure pour avis. - Allez-vous de nouveau opérer cette année un prélèvement de 2,5 millions pour financer les rythmes scolaires ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Votre question renvoie à un point de technique budgétaire. En effet, pour assumer des dépenses supplémentaires, il est parfois nécessaire de pratiquer des coups de rabot, tous ministères confondus.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. - Madame la ministre, j'appelle votre attention sur la fiscalité portant sur les valeurs locatives des établissements privés non lucratifs. Avez-vous des informations à nous communiquer à cet égard ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Nous avons conscience de cette difficulté et avons d'ores et déjà saisi Bercy de ce dossier.
Enfin, je tiens à revenir sur la dotation des manuels scolaires. La baisse enregistrée en 2017 par rapport à 2016 s'explique par la diminution du volume d'ouvrages à renouveler l'année prochaine. En la matière, les financements sont absolument assurés. Je saisis cette occasion pour saluer la grande qualité des nouveaux manuels.
M. Claude Kern. - Madame la ministre, j'ai bien relevé l'augmentation du budget de votre ministère, et je m'en félicite. Je ne reviendrai pas sur les problèmes de recrutement des enseignants, dénoncés dans un récent numéro d'Envoyé spécial. Je me concentrerai sur cinq autres points.
Premièrement, la formation continue des enseignants est régulièrement critiquée. Je renvoie au rapport rédigé par notre collègue député Michel Ménard. Les enseignants français disposent de quatre jours de formation par an. En la matière, la moyenne s'établit à huit jours dans les pays de l'OCDE. Qu'avez-vous prévu à cet égard, au-delà de l'augmentation de crédits que vous avez annoncée ?
Deuxièmement, la loi pour la refondation de l'école de la République est en cours de mise en oeuvre, avec le dispositif « plus de maîtres que de classes ». Mais qu'en est-il, dans ce cadre, de l'accueil des enfants de moins de trois ans ?
Troisièmement, la mission « Sports, jeunesse et vie associative » a vu abonder son budget pour atteindre l'objectif de 150 000 volontaires du service civique. Quel rôle ces derniers joueront-ils auprès des équipes éducatives ? Quelles seront les formations qui leur seront proposées ?
Quatrièmement, on constate que le nombre d'élèves handicapés scolarisés a progressé de 24 % en cinq ans. Il faut bien entendu saluer cet effort. Toutefois, tous les besoins des familles ne sont pas encore couverts. Où en est le recrutement des accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH ? Ces personnels bénéficieront-ils des mesures de revalorisation salariale ?
Cinquièmement, je ne puis manquer d'insister sur l'enseignement des langues vivantes, qui me tient beaucoup à coeur. Qu'en est-il de la deuxième langue vivante en classe de cinquième ? Quelle est la part respective des différentes langues enseignées ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Je me réjouis à mon tour de la hausse du budget du ministère de l'éducation nationale, même si, bien entendu, les efforts ne sont pas encore suffisants. On observe des évolutions plus que problématiques, en particulier quant à la compréhension du monde où nous vivons.
Le Gouvernement n'en a pas moins recréé 54 000 emplois au cours du quinquennat.
Monsieur Carle, à ce propos, il faut bien tenir compte d'un fâcheux héritage : au total, 88 000 postes avaient été supprimés et toute formation professionnelle initiale des enseignants avait disparu sous la précédente mandature. Nombre de murs doivent donc être relevés pour refonder l'école de la République.
Madame la ministre, la recréation du vivier des enseignants m'inspire de véritables inquiétudes. Le problème ne tient pas uniquement à la nature des disciplines. À plusieurs reprises, j'ai proposé de travailler à un processus de pré-recrutement des personnels. Ce n'est pas la solution que vous avez retenue et je le déplore.
De plus, je me dois de pousser un cri d'alarme au sujet des remplacements. Certains enfants voient défiler de nombreux remplaçants en quelques jours ou en quelques semaines. Ces situations sont profondément insatisfaisantes.
Par ailleurs, pouvez-vous nous préciser comment la réforme de la formation continue sera mise en oeuvre ? Ces formations supposent, elles aussi, des remplacements. Et qu'en est-il de la création d'un corps unique de conseillers pédagogiques au sein de l'éducation nationale ?
J'avais - hélas - raison quant à l'onde de choc que l'on provoquerait en réduisant la préparation du baccalauréat professionnel de quatre à trois ans. Aux deux extrémités de la chaîne, la déstabilisation est immense. Le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) a été totalement dévalorisé. Pour « vendre » cette réforme, on a prétendu qu'elle permettrait de revaloriser les formations professionnelles, notamment agricoles. Or on observe désormais des difficultés au titre de la poursuite d'études. En résultent nombre de frustrations, qui peuvent entraîner des réactions terrifiantes. Pouvez-vous nous préciser ce que le Gouvernement entend faire sur ce front ?
Enfin, une tentative de dématérialisation de la procédure d'attribution des bourses serait en cours au sein de l'académie de Paris. Aux dires de mes correspondants, une telle réforme serait une véritable catastrophe !
M. Jacques Grosperrin. - À mon tour, je salue l'augmentation du budget de l'éducation nationale, d'autant qu'elle n'est pas réductible à des cadeaux électoraux.
Madame la ministre, je vous reconnais à votre optimisme et à votre pugnacité. Toutefois, vous semblez partir du principe que, plus on consacre d'argent au système éducatif, meilleurs seront les résultats. Or tel n'est pas le cas ! Les exemples étrangers le prouvent.
Vous citez l'enquête PISA de 2012. Mais qu'en est-il de la dictée ? Les fautes d'orthographe sont de plus en plus nombreuses. La dictée n'est peut-être pas fondamentale dans la vie. Mais la lecture est un enjeu de taille, car elle renvoie au rapport à l'écrit.
En outre, vous le savez très bien, la difficulté consiste à recruter les enseignants parmi les meilleurs étudiants. Pour cela, il faut leur garantir de bons salaires. À l'heure actuelle, la France ne s'en donne pas les moyens. Sans doute faudrait-il également opter pour un dispositif gagnant-gagnant : si chaque enseignant assurait deux heures de cours supplémentaires chaque semaine, l'éducation nationale économiserait 45 000 postes. Imaginez l'effet de levier financier qui en résulterait, notamment pour augmenter le traitement des enseignants !
J'en viens à la question des méthodes pédagogiques. Vous nous faites l'éloge des Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ). Mais ces derniers ne sont que les copies conformes des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Il faut absolument changer l'esprit de cette formation. Les formateurs de l'enseignement primaire doivent intervenir davantage. Les formations ne sauraient être dispensées par les seuls universitaires.
Pour ce qui concerne le soutien aux élèves en difficulté, le dispositif « plus de maîtres que de classes » est efficace et il mérite d'être salué. Mais ce sont les élèves qui sont le plus fortement en situation d'échec qui « plombent » nos résultats au titre de l'enquête PISA. Il faudra donc pousser la réflexion plus avant, et nous nous en chargerons !
Plus largement, il faudra évaluer les grandes promesses faites par François Hollande. Il faudra réfléchir à l'autonomie des établissements et, Jean-Claude Carle le souligne avec raison, faire évoluer le statut des directeurs d'école. C'est un enjeu essentiel pour le recrutement des enseignants.
On observe divers signaux négatifs pour ce qui concerne l'éducation. Ce soir, nous n'allons pas vous attribuer une note, puisque vous ne voulez plus de notations. Mais nous pouvons proposer l'évaluation suivante : « Bonnes intentions, peut mieux faire. » À l'évidence, une réorientation s'impose, et je crois que les Français s'en chargeront !
Mme Marie-Christine Blandin. - Mme la présidente a relevé l'état de fatigue dans lequel nous nous trouvons. Mais il s'agit là d'une mauvaise fatigue : nous sommes comme des écureuils tournant sur une roue qui n'est reliée à rien, et pour cause, il n'y aura pas de débat en séance !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Eh oui, pas de noisettes !
Mme Marie-Christine Blandin. - Le manque de professeurs de mathématiques a été déploré. Mais si la terminale S ne servait pas de voie de sélection bourgeoise pour diverses professions non scientifiques, comme celle d'avocat, elle serait plus favorable à ceux qui ont la vocation des chiffres. Pour l'heure, cette section reste un tuyau d'élites.
M. Jacques Grosperrin. - Ah, Bourdieu revient !
Mme Marie-Christine Blandin. - En outre, pour ce qui concerne la dégradation de l'orthographe, il faut tenir compte du contexte général que nous vivons, notamment du rôle des médias et des technologies, qui engendrent tant de ruptures d'attention. Ne faisons pas un mauvais procès à l'école.
Madame la ministre, nous approuvons ce budget, sous les rapports tant quantitatif que qualitatif - je songe notamment au numérique, à la restauration des réseaux d'éducation prioritaire, les REP, à la formation continue et à la validation des acquis de l'expérience.
Toutefois, je souhaite vous poser trois questions.
Premièrement, au titre du numérique, pourquoi avoir privilégié les tablettes lorsque les réseaux filaires sont à la fois plus protecteurs des ondes, plus adaptés aux ordinateurs, aux logiciels libres, et plus favorables à la pédagogie ? Les tablettes inféodent, tandis que le filaire émancipe. De plus, qui paye pour Pronote ? Observez attentivement les rubriques consacrées à l'évaluation de ce logiciel : elles la formatent selon les dispositions de la loi Fillon, et non selon celles de la loi Peillon.
Deuxièmement, quels seront les moyens dévolus à la formation continue, qui est une priorité absolue ? Dans quels lieux, dans quelles conditions sera-t-elle assurée ? Et quel nombre d'heures lui sera consacré ? À ce titre, j'insiste à mon tour sur le problème des remplacements, qui est préjudiciable pour les enfants.
Troisièmement, comment le ministère contrôle-t-il le budget des ÉSPÉ ? Les universités sont autonomes mais le ministère contrôle-t-il le travail et les rémunérations des intervenants non universitaires, qu'ils soient artistes, formateurs à la non-violence, ou qu'ils relèvent de l'éducation populaire ?
Mme Françoise Laborde. - Madame la ministre, le RDSE se félicite évidemment de la hausse des moyens dévolus à l'enseignement primaire.
Un appel à la grève a été lancé pour demain dans l'éducation nationale, et il sera suivi dans certains lycées. Il a pour objet la réforme de l'éducation prioritaire, laquelle s'achèverait désormais avec la scolarité obligatoire. Or il est question de prolonger cette dernière jusqu'à dix-huit ans, ce qui paraît antinomique. On m'a beaucoup interrogée à ce propos, aussi, je me permets de me tourner vers vous.
En outre, comment se répartissent les rôles et les responsabilités au titre des activités périscolaires de nature culturelle ? Sur quels budgets les crédits en question sont-ils prélevés ? Peut-être le plan Vigipirate empêche-t-il un certain nombre de sorties. Mais, si l'école ne peut pas aller à la culture, la culture doit aller à l'école.
M. Guy-Dominique Kennel. - Madame la ministre, M. Magner et moi-même avons formulé diverses propositions en matière d'orientation dans le rapport que nous avons établi en juillet dernier au nom de notre commission. Néanmoins, je ne poserai que peu de questions, étant donné l'inutilité de l'exercice auquel nous nous livrons.
Dans une approche superficielle, je pourrais vous féliciter, au grand étonnement de mes collègues de la droite et à la satisfaction de l'opposition sénatoriale, en saluant en vous la « ministre plus » du Gouvernement. On l'observe notamment au nombre de conseillers qui vous accompagnent ce soir ! Vous gérez le premier budget de l'État, vous déployez plus d'enseignants, plus de moyens, plus de temps de formation et peut-être, surtout, plus de communication. Avec vous tout augmente, y compris l'insatisfaction des acteurs de terrain...
En l'occurrence, nous procédons bien sûr à un exercice budgétaire. Mais à aucun moment vous ne vous livrez à une quelconque évaluation quantitative. J'ai le sentiment que vous surfez sur votre autosatisfaction. Vous êtes persuadée qu'avec vous, tout va mieux. Mais bien des chiffres, émanant même de vos propres services, mettent en doute cette impression ! Peu importe, car, je le répète, le débat de ce soir est inutile.
Je vous souhaite bonne chance aux prochaines élections législatives.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mon cher collègue, restons dans le cadre du budget.
M. Guy-Dominique Kennel. - Peut-être pourrez-vous, lorsque vous siégerez à votre tour dans l'opposition, constater les dégâts et critiquer les résultats de votre propre politique...
Mme Françoise Cartron. - Monsieur Kennel, tout ce qui est excessif est insignifiant !
Mme Françoise Férat, rapporteure pour avis. - Cela vaut pour tout le monde !
M. Guy-Dominique Kennel. - Madame Cartron, mes propos n'avaient rien de méchant : je suis rond de corps et d'esprit !
Mme Françoise Cartron. - La majorité sénatoriale nous a souvent fait valoir qu'au sujet de l'école les polémiques politiciennes n'avaient pas leur place. Nous devons nous réunir quand il s'agit d'assurer l'avenir de notre jeunesse. Mais, aujourd'hui, hélas, nous assistons à un débat totalement stérile.
Je crois que l'on ne trouve pas, dans les annales, exemple d'un budget qui, tout en affichant une telle augmentation, n'a pas pu être voté. À mon sens, un tel choix constitue un fort mauvais signal pour le corps enseignant, qui souffre trop souvent d'un manque de reconnaissance. Le Sénat devrait pouvoir dépasser le contexte politique actuel.
Madame la ministre, une politique se juge notamment à l'aune de sa cohérence. Le budget de l'éducation nationale est tout à fait cohérent sur l'ensemble du quinquennat. Année après année, les objectifs se sont succédé et se sont mis en place avec méthode et avec logique.
Au sujet de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, j'appelle l'attention de la commission sur une étude remarquable menée dernièrement par un chercheur de Lausanne. Les conclusions de cette étude sont on ne peut plus claires : la scolarisation des enfants de deux à trois ans permet à la fois de nettes progressions dans la maîtrise du langage et dans la réussite postérieure.
Tout le monde parle actuellement des échéances électorales. Mais, en lisant tel ou tel programme, j'ai comme l'impression que certains sortent de cinq années d'amnésie. Ces documents présentent nombre d'objectifs qui ont déjà été atteints !
Il ne me semble pas souhaitable d'expérimenter le « moins de moyens, moins d'enseignants », même si M. Carle affirme que les moyens n'ont pas beaucoup d'importance.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. - Vous déformez mes propos ! Au reste, je n'ai fait que citer la Cour des comptes.
Mme Françoise Cartron. - De son côté, Mme Férat semble frémir à l'idée que le moindre centime soit prélevé aux dépens de l'enseignement agricole...
Mme Françoise Férat, rapporteure pour avis. - Le raccourci un peu facile ! Vous aussi, vous pouvez mieux faire !
Mme Françoise Cartron. - Bien sûr, on ne peut pas atteindre un résultat optimal en seulement cinq ans. Mais, au cours du quinquennat, la politique dédiée à l'éducation nationale a été nettement réorientée.
Avec courage, vous avez ouvert un dossier essentiel : la mixité sociale dans les établissements scolaires. À cet égard, où en sommes-nous ? Il faut véritablement en finir avec les établissements ghettos.
Les ÉSPÉ, créées il y a seulement trois ans, sont beaucoup critiquées, parfois de manière caricaturale. Pour ma part, j'insisterai uniquement sur l'importance de la recherche en matière de pédagogie. Elle nous permet de comprendre les moyens de stimuler efficacement la curiosité et l'attention des enfants. Quelle place occupera-t-elle à l'avenir au sein des ÉSPÉ ?
À en croire certains discours déclinistes, l'école n'atteindrait pas ses objectifs. Or de très belles expériences sont actuellement menées. Quelles sont les décisions qu'inspirent ces initiatives ? Quelle place reconnaît-on aux établissements innovants, dans ce monde de l'éducation nationale qui est parfois très normé ?
Mme Dominique Gillot. - Madame la ministre, vous l'avez rappelé avec beaucoup de précision : depuis 2012, la France s'est engagée pour un renouveau éducatif, qui passe par la refondation de la formation des maîtres et le renouvellement des pratiques pédagogiques, en lien avec l'interdisciplinaire, le travail d'équipe et le numérique.
Quoi qu'on en dise, dans le cadre du troisième volet du plan d'investissements d'avenir, le PIA 3, notre pays a choisi de soutenir les programmes de l'enseignement et de la formation en se fondant sur les initiatives de terrain, pour préparer les élèves aux grandes mutations que connaît actuellement le monde. La Stratégie nationale de l'enseignement supérieur, la StraNES, vise à aller vers une société apprenante. Dans ce cadre, il faut encourager le partage de la culture scientifique, technique et industrielle, qui favorise l'apprentissage des fondamentaux.
À cet égard, les conseils régionaux sont en train d'élaborer des schémas régionaux. Ne faudrait-il pas inviter les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, à y apporter leur contribution ? La culture scientifique doit avoir toute sa place au coeur de l'école !
Enfin, je souhaite revenir sur la scolarisation des enfants handicapés. L'école a bel et bien pour vocation d'être inclusive. Néanmoins, l'école ordinaire ne saurait être transformée en école spécialisée. Une telle évolution se ferait au détriment de tous.
Des décrets d'application sont aujourd'hui à l'étude pour définir les modalités d'admission de ces enfants au sein d'unités d'enseignement extérieures issues des établissements spécialisés dans les écoles ordinaires, ce qui suppose une très bonne harmonisation entre l'éducation nationale et l'assurance maladie, qui exerce la tutelle de ces établissements médico-sociaux. Cette initiative peut être extrêmement fructueuse. Toutefois, il faut tenir compte des diverses cultures en présence, ce qui impose d'agir de manière progressive. Les services du ministère doivent bien entendu être impliqués.
M. Jean-Claude Frécon. - Madame la ministre, vous avez évoqué vos priorités pour 2017 et je vous encourage dans cette voie. Vous l'avez dit, la dépense intérieure d'éducation a augmenté, dans son ensemble, de 10 % : 12 % pour le primaire, 7 % pour le collège et 4 % pour le lycée. Mais vous n'avez pas donné de chiffre concernant les écoles maternelles, en faveur desquelles le Gouvernement s'est beaucoup investi.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Évoquant la formation au numérique, Mme Blandin a souligné que les outils utilisés, pouvaient soit inféoder soit émanciper. Ainsi sommes-nous nombreux à nous être interrogés sur la pertinence de la contractualisation réalisée avec Microsoft. Nous nous sommes inquiétés d'une sorte d'inféodation à une entreprise extraeuropéenne, sans que soient apportées un certain nombre de garanties. Pourquoi n'a-t-il pas été passé un marché en bonne et due forme, avec des conditions d'utilisation et de travail, de manière à ce que les données personnelles des enfants ne puissent faire l'objet d'une utilisation ultérieure ?
J'évoquerai également la radicalisation de nos jeunes. J'appartiens à l'agglomération où a été assassiné - c'est une véritable tragédie - le père Hamel. Les élus de la commune de Saint-Étienne-du-Rouvray ont vu l'assassin se radicaliser. J'avais souhaité que, dès septembre, nous puissions avoir un temps privilégié de dialogue avec vous, madame la ministre, afin de connaître les mesures pratiques et de réflexion éducative en matière de prévention. Quels moyens ont été mis en place pour s'attaquer au coeur du sujet ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. -S'agissant de l'augmentation de la rémunération des enseignants, je veux insister sur le travail réalisé dans le cadre du PPCR. Derrière ce sigle technocratique, un immense progrès a été réalisé, en accord avec les organisations syndicales. Il permet de garantir aux enseignements une augmentation importante de leur salaire, perceptible dès le 1er janvier prochain. Pour les stagiaires, cela se traduit par une augmentation de 1 400 euros par an. En outre, la reconnaissance de l'engagement des enseignants, que vous appeliez tous de vos voeux, est désormais acquise, car ce n'est pas la même chose d'enseigner dans un établissement d'éducation prioritaire - je pense notamment aux directeurs d'école - ou dans un établissement de centre-ville ! Cette reconnaissance se traduira par des accélérations de carrière et des augmentations de rémunération très importantes, ce qui devrait rendre plus attractifs certains postes.
Par ailleurs, nous avons revu le mode d'évaluation des enseignants, pour se défaire de l'inspection couperet, qui ne tombait pas au même rythme pour tous. Nous avons établi un cadre clair, beaucoup moins infantilisant. Quatre vrais rendez-vous de carrière sont organisés. Ils auront lieu à une date précise, soit globalement tous les sept ans. L'enseignant fera face aux regards croisés de l'inspecteur et du chef d'établissement. Au terme de cette évaluation formative, une prescription de formation pourra être formulée si des manques sont observés. Nous soutenons ainsi fortement et structurons la formation continue, qui fera partie de manière plus évidente de la carrière de l'enseignant.
Cette évolution est quasiment une révolution. Bien qu'elle soit passée inaperçue, peut-être parce qu'elle a été mise en place de façon consensuelle, il convient de la saluer.
Vous m'avez également interrogée sur l'accueil des enfants de moins de trois ans. Entre 2012 et 2015, 1 100 classes nouvelles ont été ouvertes, ce qui représente 25 000 places. À la rentrée 2016, 231 classes supplémentaires ont vu le jour. Nous devrions donc réussir à tenir notre engagement, à savoir la scolarisation de 30 % des enfants de moins de trois ans dans les REP et de 50 % dans les REP+. Nous avons d'ores et déjà atteint notre objectif dans douze académies sur trente. Cette politique n'a pas été simple à mettre en place. En effet, il ne suffit pas d'ouvrir des places ou de créer des postes, car cela se fait lien avec les collectivités locales. Nous avons également rencontré un autre problème, d'ordre culturel : dans les territoires en grande difficulté sociale, les familles préféraient garder leurs enfants à la maison. Nous avons mené une intense campagne de communication très ciblée, pour parvenir à des chiffres positifs.
Monsieur Kern, vous avez posé la question du service civique. Depuis que le Président de la République a décidé d'engager les administrations publiques à proposer des missions de service civique, le ministère de l'éducation nationale, qui a mené une politique très active, peut se targuer d'accueillir le plus grand nombre de jeunes. Ils étaient au nombre de 5 000 en 2015 et de 10 000 en 2016. Et ceux qui font ce service civique en établissement scolaire affirment ensuite qu'ils sont attirés par la profession d'enseignant... Nous constituons ainsi des viviers de recrutement. Quant aux enseignants, ils apprécient leur présence dans l'enceinte scolaire. Ces services accompagnent des projets d'éducation artistique et culturelle, de sport ou de développement durable. Ils contribuent aussi à la lutte contre le décrochage scolaire.
Pour ce qui concerne les enfants en situation de handicap, 4 250 postes d'AESH, les accompagnants des élèves en situation de handicap, ont été créés depuis le début du quinquennat, qui sont venus s'ajouter à ceux qui étaient déjà en place. Il a été décidé que ces personnels bénéficieraient plus rapidement d'un CDI. À terme, à l'issue de ce quinquennat, nous aurons 280 000 AESH CDIsés, auxquels il convient d'ajouter, pour les cinq ans à venir, 50 000 auxiliaires de vie scolaire, qui sont en contrat unique d'insertion, et passeront tous progressivement au statut d'AESH. Cela signifie qu'ils bénéficieront d'une grille indiciaire, avec de vraies perspectives de carrière et de formation.
S'agissant des langues vivantes, vous me demandiez quelle était la situation, après l'instauration de la deuxième langue vivante en classe de cinquième. J'étais ce matin à un colloque organisé par la Conférence des présidents d'université (CPU) sur la pédagogie : Stanislas Dehaene, psychologue cognitif, insistait sur l'importance de l'apprentissage de plusieurs langues vivantes dès le plus jeune âge, dès la maternelle. D'après lui, c'est aux alentours de 13-14 ans qu'une moindre plasticité du cerveau rend l'apprentissage des langues vivantes plus complexe. Une telle analyse tend à confirmer notre action, à savoir une première langue vivante au CP, et une deuxième langue en classe de cinquième. On a alors affaire à des enfants plus désinhibés, à la sortie de l'enfance. C'est la raison pour laquelle nous avons de si bons chiffres concernant l'allemand : nous passons ainsi de 487 0000 élèves germanistes à 516 000 élèves germanistes. C'est une progression historique. Nous sommes donc sur la bonne voie.
Quelqu'un a dit tout à l'heure que j'étais dans l'autosatisfaction permanente. C'est faux ! J'estime en effet que, outre la précocité dans l'apprentissage des langues, il faudra travailler beaucoup sur la pédagogie, notamment par le biais du numérique, et former davantage les enseignants, notamment ceux des écoles. Il sera donc nécessaire de remettre ce sujet sur le tapis.
Madame Gonthier-Maurin, vous avez évoqué la question du remplacement des enseignants, sujet permanent de tracasserie. Nous avons eu beau, depuis le début du quinquennat, recréer des viviers de remplaçants, cela n'a pas suffi à régler le problème. Je rappelle cependant que, en 2012, ces viviers avaient été asséchés. Nous avons donc créé 5 000 postes de remplaçants.
Par une réponse qualitative, dans le cadre d'un plan annoncé récemment, nous avons apporté une réponse aux situations insupportables de remplacements successifs, qui résultaient d'un mécanisme de zone de remplacement infradépartemental, dont les zones géographiques d'affectation étaient réduites. Nous avons fait sauter ce premier verrou. On pourra désormais faire appel à des remplaçants qui seront affectés sur une zone départementale.
Par ailleurs, il existait une différence entre remplacements de courte et de longue durée. Ainsi, dans le premier temps de l'absence, on faisait appel à un remplaçant de courte durée, auquel succédait un remplaçant de longue durée. Nous avons mis fin à ce système : les remplaçants pourront désormais être affectés à un poste, quelle que soit la durée de l'absence.
J'évoquerai également les « absences perlées » : un enseignant s'absente, puis revient, puis s'absente de nouveau. Pour le chef d'établissement, il est très complexe de savoir comment le remplacer. Afin d'éviter ce genre de situation, nous avons mis en place un protocole d'accompagnement de ces personnels par la médecine du travail.
Enfin, dans le cadre de ce plan remplacement, nous avons décidé de rendre public le taux d'absences non remplacées dans le premier et le second degré, dans un souci de transparence. Cela nous permet également de mettre la pression sur certaines académies.
Le sujet des psychologues scolaires me tient à coeur. Pour la première fois, nous créons un corps unique de psychologues de l'éducation nationale, conformément aux aspirations des professionnels. Jusqu'à présent, des professeurs d'école se faisaient certifier pour intervenir en matière de psychologie, alors qu'un tout autre système prévalait dans le second degré. Or les COPSY ne communiquaient pas forcément avec les intervenants du premier degré, ce qui interdisait toute fluidité dans le suivi de l'élève. Désormais, grâce à ce corps unique de psychologues scolaires, nous aurons de vrais professionnels se consacrant uniquement à la psychologie scolaire et aux sujets très importants que sont le climat scolaire, le décrochage scolaire, le harcèlement ou la radicalisation. Le décret a été adopté aujourd'hui en comité technique. Il ne reste plus qu'à le soumettre au Conseil supérieur de la fonction publique et au Conseil d'État avant de le publier. Concrètement, le premier concours sera mis en place d'ici à quelques mois et 330 postes seront proposés.
En ce qui concerne le bac professionnel, je ne peux que souligner l'absence de sérieux ayant permis, en 2010, de passer d'une scolarité de quatre à trois ans, sans même changer les programmes. Les professeurs devaient faire faire à leurs élèves, en trois ans, un programme conçu pour une période de quatre ans ! À défaut de remettre en cause la durée des études, nous avons beaucoup travaillé sur la façon dont elles sont organisées, pour que les élèves puissent acquérir des connaissances et se préparer à leur stage en entreprise, lequel est systématiquement précédé d'une semaine de préparation.
Vous avez également évoqué la poursuite, pour ces bacheliers professionnels, d'études supérieures. Constatant que leur taux de réussite est de moins de 3 % à l'université, mais meilleur en brevet de technicien supérieur (BTS), nous leur y avons réservé des quotas de places, tout en créant 10 000 places supplémentaires de BTS, pour mieux les accueillir.
Vous vous êtes également inquiétée, madame Gonthier-Maurin, de la dématérialisation de la demande de bourse. C'est une expérimentation menée sur quelques académies, dont Paris. Il s'agit d'une possibilité, non d'une obligation. Sur ce sujet, je n'ai pas eu connaissance de difficultés particulières. Je m'apprête à vérifier ce qu'il en est.
Monsieur Grosperrin, la question de la dictée a fait couler beaucoup d'encre. Pour ma part, je suis convaincue de la nécessité de bien maîtriser le français et c'est la raison pour laquelle j'avais demandé la réalisation de l'évaluation qui a été rendue publique récemment.
Je rappelle tout de même que les élèves testés en 2015 ont bénéficié des programmes de 2008. Quand on mène une évaluation en 2015 sur le niveau d'orthographe à la sortie de l'école primaire, on évalue des enfants qui sont allés à l'école primaire entre 2010 et 2014. Quant à l'enquête PISA qui sera publiée début décembre, elle ne concernera que l'avant-refondation de l'école, puisque ce sont des élèves de 15 ans qui sont évalués. Pour bien évaluer la refondation de l'école, il faudra attendre l'enquête PISA de 2025 !
Monsieur Grosperrin, vous avez dit que les professeurs pourraient travailler deux heures de plus. Permettez-moi de vous conseiller un film génial, qui montre le quotidien d'une professeur des écoles et dont le titre est Primaire.
M. Jacques Grosperrin. - Je parlais du secondaire !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Je pensais que vous parliez de tous les enseignants. Quoi qu'il en soit, je rappelle à quel point on mésestime le temps préparatoire au travail en classe.
S'agissant des directeurs d'école, les IEN, les inspecteurs de l'éducation nationale, jouent un rôle très important dans l'encadrement pédagogique. D'ailleurs, la majorité des directeurs d'école ne souhaitent pas devenir chefs d'établissement.
Je remercie Mme Blandin d'avoir dit des choses très justes sur la filière scientifique. Dans notre pays, il existe une désaffection générale à l'égard des mathématiques et de la culture scientifique. Cela nous a conduits à adopter, en 2014, la Stratégie mathématiques, qui visait à rendre les programmes moins conceptuels et plus interactifs. Il s'agissait également d'améliorer la formation des professeurs des écoles, dont les connaissances mathématiques sont fragiles. Il faudra poursuivre ce travail.
S'agissant des types d'appareils, nous avons voulu un plan numérique très bottom up. Dans chaque département, en lien avec chaque équipe de chaque collège, nous avons déterminé, sans rien imposer, les besoins, les projets pédagogiques et les types d'appareils utilisés. Vous seriez surpris de voir que de nombreux établissements ont recours à des appareils filaires et non pas à des tablettes.
Vous m'avez également demandé, madame Blandin, si le budget en faveur des ÉSPÉ était fléché. En fait, le ministère accorde une subvention globale à l'université. C'est son président qui décide de la répartition, en application du principe d'autonomie. Pour autant, on suit ce qui se passe, en s'assurant de l'utilisation de la subvention. Par ailleurs, un comité de suivi, présidé par le recteur Daniel Filâtre, a été mis en place. Sur ce sujet, je vous invite au ministère le 29 novembre prochain, date à laquelle le recteur me remettra son rapport de conclusion sur l'évolution des ÉSPÉ depuis 2013.
Par ailleurs, en lien avec Robin Renucci, nous nouons des partenariats avec de nombreux ÉSPÉ, pour intégrer des modules de formation à la théâtralité dans la formation des enseignants.
Madame Laborde, vous m'avez interrogée sur l'éducation prioritaire dans les lycées. En 2014, la réforme de l'éducation prioritaire concernait les écoles primaires et les collègues. La deuxième phase portera bien évidemment sur les lycées. Il n'a jamais été question de supprimer les lycées du dispositif ! D'ailleurs, sachant que le report de la réforme pour les lycées aurait pu mettre certains personnels en difficulté, notamment au regard des bonifications indiciaires, j'ai pris un certain nombre de décisions leur permettant de conserver leurs avantages. Préfigurant la réforme à venir, j'ai déjà identifié des lycées susceptibles de faire partie de la cartographie REP.
Vous avez également attiré mon attention sur le plan Vigipirate et les sorties scolaires. Dans un certain nombre d'établissements et même de territoires, une fois que le plan Vigipirate est levé, les restrictions perdurent en vertu d'une sorte d'autocensure. Je rappelle régulièrement qu'il n'est pas pertinent d'interdire toute sortie scolaire. Le dispositif Cent artistes en résidence à l'école, mis en place avec Mme Audrey Azoulay, devrait d'ailleurs permettre d'amener des artistes dans les écoles pour y mener des projets culturels au contact des élèves.
Monsieur Kennel, je sais que le sujet de l'orientation des élèves vous intéresse. Acceptez donc mon invitation ! Je serai en effet dans un établissement scolaire, le 22 novembre prochain, pour évoquer un certain nombre de nouveautés en la matière. Cela vous permettra d'évaluer par vous-même les évolutions mises en oeuvre.
Madame Cartron, nous présenterons bientôt les résultats de tous les territoires engagés dans des actions volontaristes en faveur de la mixité sociale. Je le rappelle, vingt-cinq territoires pilotes ont accepté d'expérimenter des réponses à l'absence de mixité sociale. Ces dernières sont imaginatives et diverses. Déjà douze d'entre elles sont opérationnelles depuis la rentrée.
Pour ce qui est des pratiques innovantes, la réforme du collège soutient beaucoup l'innovation, notamment en donnant 20 % d'autonomie aux équipes pédagogiques. Un volet du troisième programme d'investissements d'avenir est consacré à l'innovation et à la pédagogie. C'est un vrai effort pour soutenir financièrement la recherche en éducation et promouvoir les pratiques innovantes. J'ai missionné François Taddei, qui devra nous faire des recommandations pour créer un département Recherche et développement au sein du ministère de l'éducation nationale. À cet égard, je veux saluer ce qui se fait dans les établissements innovants.
Madame la présidente, s'agissant de Microsoft, le ministère de l'éducation nationale et l'entreprise ont conclu un partenariat à titre gracieux. Aucun flux financier n'existe et aucun transfert de données n'est opéré. Les défenseurs du logiciel libre s'étaient d'ailleurs émus de ce partenariat. Or je rappelle que le ministère de l'éducation est le plus gros contributeur et utilisateur de logiciels libres de toute l'administration française.
J'accepte bien volontiers le principe d'une audition consacrée à la question de la radicalisation. Le moment est adéquat, dans la mesure où nous avons enfin des remontées fiables de nos procédures de signalement dans les établissements scolaires. C'est un sujet dont il faut prendre le temps de parler.
La réunion est close à 20 h 05.