Mercredi 9 novembre 2016
- Présidence de M. Jean-Claude Carle, vice-président -La réunion est ouverte à 10 heures.
Loi de finances pour 2017 - Mission Recherche et Enseignement supérieur - Crédits « Enseignement supérieur » et « Recherche » - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission examine le rapport pour avis de M. Jacques Grosperrin sur les crédits « Enseignement supérieur » et de Mme Dominique Gillot sur les crédits « Recherche » de la mission interministérielle « Recherche et Enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2017.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». - Un budget qui augmente dans un secteur dans lequel le manque de moyens est criant, n'est-il pas, nécessairement, un « bon budget » ? C'est la difficile question à laquelle nous allons devoir trouver une réponse collective ce matin.
M. Jean-Louis Carrère. - Je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas l'examiner en séance publique !
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. - À n'en pas douter, le budget de l'enseignement supérieur proposé pour 2017 augmente, et dans des proportions tout à fait remarquables cette année ! Les ministres successifs nous avaient habitués à nous réjouir d'une « sanctuarisation des crédits » mais cette année, je ne comprends pas très bien pourquoi, c'est Noël un peu avant l'heure.
Les trois programmes de la mission consacrés à l'enseignement supérieur représentent quelque 16,3 milliards d'euros pour 2017, en augmentation de 3,7 % par rapport à 2016. Les crédits supplémentaires prévus pour 2017 sont principalement dédiés au financement de trois décisions gouvernementales fortes. Tout d'abord, le dégel du point d'indice de la fonction publique (117 millions d'euros) ; cela a un impact extrêmement fort sur ce budget car l'enseignement supérieur est, si vous m'autorisez l'expression, une « industrie de main d'oeuvre ». Ensuite, la poursuite du plan de création d'emplois dans l'enseignement supérieur engagé depuis 2012 : 2017 est la dernière année du plan quinquennal qui avait prévu la création de 1 000 emplois chaque année. Enfin, la dotation supplémentaire de 100 millions d'euros annoncée pour aider les établissements à faire face à l'augmentation des effectifs étudiants depuis trois ans.
Mais soyez rassurés, tout n'augmente pas ! Les frais d'inscription n'augmentent pas ; pas même à proportion de l'inflation comme c'était le cas jusqu'à l'an dernier. Les frais de restauration universitaire n'augmentent pas non plus, pas plus que le taux de cotisation d'assurance maladie. Je l'ai dit sans ambages la semaine dernière au ministre : il s'agit là, à mon sens, de petits « cadeaux électoraux » destinés à se faire bien voir d'une génération de jeunes électeurs à l'approche d'une échéance électorale majeure pour notre pays. « Petits cadeaux » qui s'ajoutent au « gros cadeau » fait aux fonctionnaires par le dégel du point d'indice en dernière année de mandature ...
Les établissements d'enseignement supérieur public ne sont pas particulièrement maltraités dans ce budget. Mais le Gouvernement a semblé manquer de cap ces dernières années. Souvenez-vous : 100 millions d'euros avaient été prélevés sur les fonds de roulement des établissements en 2015 - de quoi s'interroger sur l'autonomie des universités ! - ; 100 millions d'euros avaient été ajoutés à la dernière minute, par amendement, dans le PLF 2016 pour éviter d'avoir à prélever à nouveau sur le fonds de roulement ; et maintenant, 100 millions d'euros sont prévus au PLF 2017, soi-disant au titre de la « démographie », mais, à y regarder plus précisément, c'est plutôt de la part du ministère une sorte de « solde de tout compte » destiné à calmer la grogne des établissements. Ces 100 millions d'euros doivent permettre de faire face aux effectifs étudiants supplémentaires mais ils seront également utilisés pour créer effectivement les postes annoncés par le Gouvernement depuis 2012, dont beaucoup avaient été gelés, pour éponger une partie des charges non remboursées par le Gouvernement (GVT, suppression du jour de carence), pour financer le manque à gagner lié au gel des droits d'inscription...
Un seul cap semble avoir été maintenu et je le regrette : le refus de l'augmentation, même minime, des frais d'inscription à l'université. Je suis un fervent partisan d'une hausse modérée de ces frais afin de donner des moyens financiers supplémentaires aux universités (une hausse de 100 euros appliquée à nos 1,5 million d'étudiants inscrits à l'université représente presque 100 millions d'euros supplémentaires chaque année, cela n'est pas négligeable) ; afin de donner aussi, tout simplement, de la valeur aux études ...
Permettez-moi de rappeler l'ampleur des enjeux financiers : si l'objectif, comme l'annonce le ministre et comme cela est inscrit dans la stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES), est de consacrer, en 2025, 2 % de notre PIB chaque année à l'Enseignement supérieur (alors que nous ne sommes pas encore à 1,5 % et que les États-Unis et le Canada sont au-delà de 2,5 %), c'est une marche de 40 milliards d'euros que nous devons franchir. Sur les dix prochaines années, cela suppose de consacrer chaque année 2,5 milliards d'euros supplémentaires à cet objectif... L'augmentation des droits d'inscription n'est peut-être pas la panacée mais il nous faut absolument trouver de nouvelles sources de financement de l'enseignement supérieur.
D'autres crédits n'augmentent pas, ou si peu : c'est le cas notamment des crédits à l'enseignement supérieur privé. Longtemps il a été difficile de se repérer dans un paysage de l'enseignement supérieur privé très foisonnant, où se côtoyait le meilleur, et parfois le pire... Mais depuis la loi pour l'enseignement supérieur et la recherche (ESR) de 2013, les établissements d'enseignement supérieur privé bénéficient d'un label qui leur assure une reconnaissance par l'État, celui d'établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG). Ce sont des écoles, des instituts, portés par des associations, dans un but non lucratif et qui complètent notre offre d'enseignement supérieur. Ils accueillent aujourd'hui 3,5 % de nos étudiants et ont largement permis à notre système d'enseignement supérieur d'absorber les récentes augmentations d'effectifs étudiants. Malheureusement, ils sont loin de bénéficier d'un soutien de l'État à la hauteur de leur participation à la mission de service public de l'enseignement supérieur : les crédits accordés ont baissé de 17 % en valeur absolue depuis 2012 et même de 35 % si on les rapporte au nombre d'étudiants accueillis. Le ministre nous annonce, royalement, que sur les 100 millions d'euros attribués au titre de l'augmentation des effectifs, les EESPIG bénéficieront d'un petit million d'euros, soit 1 % de la dotation, alors qu'ils ont accueilli 7 % des effectifs étudiants supplémentaires des trois dernières rentrées. Le meilleur indicateur de cette différence de traitement est la dotation de l'État par étudiant : de l'ordre de 10 000 euros à l'université, elle est passée, depuis 2012, sous la barre de 1 000 euros dans l'enseignement privé, où elle atteint à peine 753 euros cette année...
En refusant de soutenir ces établissements, en vertu d'une idéologie « anti-privé » à très courte vue, nous les fragilisons et c'est tout le paysage de notre enseignement supérieur dont nous abîmons la diversité. Je refuse le modèle unique de l'université : la diversité des parcours et des établissements est un gage de réussite pour tous car chacun doit pouvoir trouver un parcours adapté à son profil et à son projet.
J'en viens à l'aide à la recherche du premier emploi, l'Arpe, un sujet que certains trouveront peut-être un peu anecdotique mais qui en dit long sur la conception que se fait la majorité gouvernementale du rôle de l'enseignement supérieur. Créée il y a quelques mois dans le cadre de la loi El Khomri, cette nouvelle allocation s'adresse aux jeunes diplômés du supérieur qui étaient boursiers et qui pourront continuer à profiter d'une allocation pendant les quatre mois suivant l'obtention de leur diplôme pour rechercher un emploi : 76 000 étudiants pourraient être concernés en 2017 pour un budget prévisionnel de 92 millions d'euros.
Pourquoi m'offusquer d'une telle mesure, qui part pourtant d'un si bon sentiment ? Parce que cela habitue nos jeunes à vivre d'allocations et les incite à repousser dangereusement l'échéance de la recherche d'emploi. C'est aussi renoncer à faire porter la charge et le temps de l'insertion professionnelle sur la dernière année d'université alors que c'est pourtant lorsque les étudiants sont encadrés et conseillés que leurs actions d'insertion professionnelle seront les plus efficaces. J'aurais préféré que ces crédits soient attribués aux établissements pour qu'ils aident concrètement à l'insertion professionnelle de leurs futurs diplômés.
Vous l'aurez compris, ce budget me laisse sur ma faim : petits cadeaux pré-électoraux ; insuffisante réflexion sur un nouveau modèle économique pour l'enseignement supérieur français ; maltraitance avérée de l'enseignement supérieur privé à but non lucratif ; erreur historique avec la création de l'Arpe.
Je n'ai pas répondu à l'étrange question que j'avais posée à titre liminaire : « Un budget qui augmente est-il un bon budget ? » Permettez au mauvais élève que je suis de demander à pouvoir changer de sujet et de répondre à une toute autre question pour vous donner son avis sur le budget de l'enseignement supérieur pour 2017. Cette nouvelle question est celle que nous posait le candidat François Hollande il y a presque cinq ans, au Bourget : « Est-ce que les jeunes vivront mieux en 2017 qu'en 2012 ? ». De mémoire, il souhaitait n'être évalué que sur cette seule promesse faite à la jeunesse. Alors, chiche !
Pour répondre, je ne prendrai qu'un critère, celui de la réussite de nos étudiants en 1er cycle. Un sujet qui concerne près d'un million de jeunes inscrits chaque année en licence. En 2011, 27,6 % de nos étudiants obtenaient leur licence en trois ans ; en 2017, ils devraient être 27,5 % et l'objectif du Gouvernement est de porter ce taux à 30 %. Quel terrible aveu d'impuissance collective ! Autrement dit, nous acceptons collectivement que deux étudiants sur trois soient en échec.
Alors, oui, la politique du Gouvernement en matière d'enseignement supérieur a été intéressante à bien des égards et je l'ai saluée lorsque l'occasion s'en présentait : lors du vote de la loi pour l'enseignement supérieur et la recherche, de l'installation et développement des CoMUE, les communautés d'universités et établissements, lorsqu'on a vu se réduire le nombre des universités en déficit, lorsque les crédits budgétaires ont été sanctuarisés, puis augmentés, et même très récemment avec l'instauration du principe de sélection en master, cher à notre collègue Jean-Léonce Dupont. Oui, le chantier est immense et très difficile.
Mais, reconnaissons-le, la jeunesse étudiante française n'a pas bénéficié de ce quinquennat. Le Gouvernement n'a pas su engager les réformes en profondeur nécessaires à la réussite de nos jeunes.
Vous l'aurez compris, sur ce seul critère fondamental, qui dépasse peut-être le cadre de l'annualité budgétaire mais qui nous permet d'évaluer globalement la politique menée sur les cinq dernières années, je vous proposerai d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et Enseignement supérieur ».
Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis des crédits consacrés à la recherche au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». - Deux programmes de la MIRES sont gérés par le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche : le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » qui regroupe tous les opérateurs de recherche, à l'exception du le Centre national d'études spatiales (CNES), et le programme 193 « Recherche spatiale ».
Par rapport à l'année précédente, les montants alloués à ces deux programmes s'élèvent à 7,99 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 7,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 376 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 281, 4 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances de 2016.
En ce qui concerne le programme 172, les 175 millions d'euros de crédits supplémentaires sont répartis dans cinq des onze actions que compte le programme. D'abord, plus de 65 millions d'euros sont consacrés au financement des mesures « Fonction publique » ayant un impact sur l'évolution des dépenses de personnel des opérateurs de recherche : 38,8 millions d'euros sont consacrés à l'augmentation du point d'indice, 19,4 millions à l'application du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) qui transforme certaines primes en points d'indice, et 6,9 millions, enfin, au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP).
Ensuite, les crédits d'intervention de l'agence nationale de la recherche (ANR) augmentent de 49, 2 millions d'euros en crédits de paiement et de 118, 1 millions d'euros en autorisations d'engagement par rapport à la loi de finances pour 2016 pour atteindre 673,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 609,2 millions d'euros en crédits de paiement - 560,5 millions d'euros en CP après l'application du taux de réserve de 8 %. Ces crédits étaient tombés à 515 millions d'euros en 2015 et 2016, ce qui poussait légitimement le secrétaire d'État à la recherche lui-même à s'interroger sur l'utilité de l'ANR : le taux de sélection avait chuté à 9,5 %, ce qui faisait dire à la communauté scientifique que les appels à projet relevaient désormais plus de la loterie que d'une procédure scientifique et objective. Le taux de sélection devrait désormais atteindre 12,5 %. On reste encore loin de l'objectif de 20 %, qui correspond au taux des agences de recherche étrangères, et que souhaitent voir atteint la communauté scientifique ainsi que le ministre, Thierry Mandon. La réévaluation du budget de l'ANR doit donc être poursuivie et amplifiée, non seulement pour améliorer les taux de succès aux appels à projets, mais également pour apurer les reliquats de financement de projets accumulés sur la période 2006 à 2010, évalués à 160 millions d'euros. De même, les coûts induits par les contrats ne sont toujours que partiellement pris en compte. Les frais de gestion ne sont indemnisés qu'à hauteur de 4 %, contre 25 % pour les contrats européens des autres pays. Pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), cela représente 20 millions par an, ce qui est loin d'être négligeable. Il serait souhaitable d'atteindre rapidement un taux de 20 %. La question reste néanmoins en débat parmi les opérateurs.
La hausse des crédits du programme 172 correspond à une meilleure prise en compte du coût réel des très grandes infrastructures de recherche internationales, grâce à une augmentation de la dotation de 30 millions. Sont concernés l'European Spallation Source (ESS), une source à neutrons, qui bénéficie de 28,3 millions d'euros en crédits de paiement, afin de répondre aux engagements internationaux de la France pour 2017, ainsi que l'European Synchroton Radiation Facility (ESRF), source de lumière synchroton de troisième génération, dont les crédits sont augmentés de 1,7 million d'euros par rapport à 2016 pour atteindre 26,7 millions d'euros en crédits de paiement.
Cette démarche de sincérité budgétaire pour des dépenses où la parole de la France est engagée mérite d'être saluée. Elle devrait être étendue à l'ensemble des participations attendues de la France à des investissements internationaux et couvrir l'intégralité de nos engagements financiers. En effet, certaines contributions, comme la participation de la France à l'opération immobilière du centre international de recherche sur le cancer (CIRC), n'ont pas été budgétées dans le projet de loi de finances pour 2017 et devront donc être ponctionnées sur le budget courant des organismes de recherche. D'autres dépenses restent clairement sous-évaluées. Certes, un premier pas a été franchi cette année puisque la lettre de plafond pour 2017 prévoit explicitement un dégel de la réserve de précaution à hauteur du besoin réel de financement des très grandes infrastructures de recherche internationales. Toutefois, il serait souhaitable que ces dépenses soient enfin exonérées de la réserve de précaution, puisque les engagements devront être honorés dans leur intégralité, quel que soit le montant fixé en projet de loi de finances.
Sont également inscrits au budget 17,4 millions d'euros supplémentaires, destinés à financer le volet « recherche » des contrats de plan État-régions, dont les crédits passent de 23,3 millions d'euros en 2016 à 40,7 millions d'euros en 2017, comme le Premier ministre en avait pris l'engagement.
Autre hausse remarquable, les financements consacrés aux grandes infrastructures de recherche nationales qui augmentent de 4,4 millions d'euros supplémentaires pour atteindre 239, 4 millions d'euros en crédits de paiement.
L'utilité de ces augmentations de crédits sur le programme 172 est évidente. Sans elles, la situation financière des opérateurs de recherche serait difficile. Néanmoins, elles ne leur permettent pas de dégager les financements nécessaires à leurs équipes pour développer des projets de recherche autonomes.
Ainsi, à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), le soutien de bases aux unités (soit 1 200 équipes) s'est établi, en 2016, à 59 millions d'euros, pour un budget global de plus de 800 millions d'euros, soit une diminution de 25 % sur les dix dernières années. Le président-directeur général de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) fait la même remarque : « Une fois payée la masse salariale limitative, les sommes disponibles pour le fonctionnement, les investissements et en particulier la capacité de l'Inria à initier de nouveaux projets scientifiques ou à mettre en oeuvre des actions de transferts de technologie ont chuté de 13,3 millions en six ans, soit de plus de 26 %. »
Il conviendrait de mieux prendre en compte les dépenses obligatoires des opérateurs de recherche au moment du calcul de leur subvention. En premier lieu, le financement du Glissement vieillesse technicité (GVT), qui augmente le coût des personnels en place, par exemple au CNRS, de 20 millions d'euros chaque année, et qui doit être autofinancé. En deuxième lieu, les dépenses indispensables au renforcement de la protection des sites civils en raison de la menace terroriste, qui entraînent un surcoût de 18 millions d'euros pour le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). En troisième lieu, le coût des nouvelles missions confiées par le Gouvernement aux organismes de recherche, et qui ne sont que partiellement intégrées dans le projet de budget de 2017. L'Inserm est particulièrement concerné : participation au consortium REACTing, chargé d'apporter une réponse « recherche » aux crises sanitaires mondiales telles qu'Ebola ou Zika, mise en place d'une cohorte dans le cadre du Plan maladies neurodégénératives 2014-2019, Plan France médecine génomique 2025, mise en place d'un système national des données prévue par la loi relative à la modernisation du système de santé. L'Inserm, « victime » de son succès, est ainsi sollicité pour de nombreuses recherches engageant l'État : il ne peut assumer seul les frais de fonctionnement de ces programmes.
Enfin, je salue l'initiative de Thierry Mandon visant à élaborer le livre blanc de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour évaluer les besoins de financement et jeter les bases d'une loi de programmation des moyens financiers et humains pour les cinq ou dix années à venir.
L'augmentation des crédits du programme 193 est également importante : avec 106,4 millions d'euros supplémentaire, la dotation atteindra 1,48 milliard d'euros en crédits de paiement.
L'audition du président du CNES, M. Yves Le Gall, laisse penser que cet organisme bénéficie d'une relative aisance financière par rapport à ses homologues du programme 172, mais ces nouveaux crédits ont vocation à permettre à la France de respecter totalement ses engagements financiers vis-à-vis de l'Agence spatiale européenne (ESA), grâce à une contribution de 833,4 millions d'euros, en hausse de 79,3 millions d'euros par rapport à 2016, et partiellement pour Eumetsat : 69,6 millions d'euros supplémentaires contre 42,6 en 2016 - il ne manque plus que 7,7 millions d'euros pour atteindre le montant total correspondant à la participation à laquelle la France s'est engagée.
Confrontés à la maîtrise budgétaire globale qui a eu pour conséquence un strict maintien des dotations de l'État depuis plusieurs années, les organismes de recherche ont dû développer leurs ressources propres. Ces ressources sont toutefois plus aléatoires que les subventions et rendent leurs exercices budgétaires plus difficiles.
La diminution des crédits d'intervention de l'ANR, entamée dès 2010, s'est poursuivie à partir de 2013, avec un impact direct sur le financement des projets portés par les organismes de recherche, même si les effets sont variables d'un opérateur à l'autre. Pour le CNRS, premier bénéficiaire des crédits de l'ANR (143 millions en 2015), la part de ces crédits dans son budget est passée de 5,6 % en 2012 à 4,3 % en 2015, soit une diminution de 42,4 millions d'euros. Pour L'Inria, elle est passée de 5,9 % à 4,5 % sur la même période, soit une baisse de trois millions d'euros. Elle est également passée de 3,6 % à 2,2 % pour l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), soit une baisse de onze millions d'euros. Seuls l'Inserm et l'Institut national d'études démographiques (Ined) ont bénéficié d'une augmentation des crédits en provenance de l'ANR sur cette période : une hausse de 7,3 millions d'euros pour l'Inserm et de 369 000 euros pour l'Ined. L'augmentation de 64 millions d'euros des autorisations d'engagement en gestion réalisée au cours de 2016 et la hausse des crédits de l'ANR, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, prévue pour 2017 devraient avoir un effet positif sur les ressources propres des organismes de recherche, et le taux de sélection des projets devrait augmenter.
En ce qui concerne les financements européens, depuis le lancement, en 2014, d'Horizon 2020, 22 % des projets retenus pour financement ont été présentés par des équipes françaises, pour un montant total de 1,7 milliard d'euros, ce qui représente 10,4 % des financements disponibles. Toutefois, si la France a obtenu, en 2014, 11,6 % des financements engagés, soit plus que sur la moyenne du septième programme-cadre de recherche et développement technologique (PCRDT), ce taux est descendu à 9,2 % en 2015. Le manque relatif de mobilisation des équipes françaises avait déjà été constaté lors du 7e programme-cadre. Différentes explications avaient été avancées, telles que la lourdeur administrative du montage et de la gestion des projets européens ou encore la concurrence des appels à projets en raison de la montée en puissance des programmes d'investissement d'avenir. Le Premier ministre a diligenté une étude sur le niveau de la participation française aux appels à projets européens au regard des autres pays. Ses conclusions, remises en juillet dernier, préconisent de renforcer l'accompagnement de proximité aux échelles régionales et nationales, ainsi que la présence et l'influence de la communauté scientifique française à Bruxelles. Néanmoins, malgré la politique volontariste menée par le ministère chargé de la recherche, la participation des opérateurs de recherche français se heurtera, à court terme, à une forte concurrence européenne, se traduisant par une augmentation globale des taux de souscription des équipes de recherche. Il convient toutefois de noter que la France enregistre le taux de succès le plus élevé parmi les principaux bénéficiaires du programme-cadre (23,6 % en moyenne sur le 7e PCRDT ; et déjà 17,5 % à mi-parcours du programme « Horizon 2020 »).
Les crédits en provenance des programmes d'investissement d'avenir (PIA) constituent une manne financière importante pour les organismes de recherche. Le PIA 1 a été doté de 35 milliards d'euros, dont 21,9 milliards d'euros dédiés à la recherche et à l'enseignement supérieur, soit 62,5 % des crédits ; le PIA 2 s'élève à 12 milliards d'euros dont 5,3 milliards d'euros consacrés à la recherche et à l'enseignement supérieur, soit 45 % des crédits. Ainsi, entre 2011 et 2015, le CNRS a bénéficié de 336 millions d'euros de crédits en provenance du PIA. Et sur le budget de 2016, ce sont 132,5 millions d'euros qui ont été inscrits au titre des investissements d'avenir.
Les crédits des PIA constituent également une ressource financière indispensable pour le CNES. Dans le cadre des projets thématiques d'excellence, une action « Espace » a ainsi été mise en place ; 500 millions d'euros ont été alloués au titre du PIA 1 et quatre projets ont été retenus : la préparation du lanceur européen de nouvelle génération Ariane 6, la mission franco-américaine SWOT pour l'océanographie opérationnelle et l'hydrologie continentale, le développement d'une plateforme compétitive de microsatellites, appelée Myriade Evolutions, pour le marché export des satellites d'observation de la terre à haute résolution, et enfin un projet de satellites du futur, préparant la nouvelle génération des plateformes pour les satellites géostationnaires de télécommunications. Au titre du PIA 2, 61,5 millions ont été alloués et deux nouveaux projets ont été retenus : le projet de satellite à propulsion électrique et le projet relatif au satellite E172B d'Eutelsat.
Les PIA ont permis la mise à niveau des équipements, la création de nouveaux outils innovants et mutualisés, et le lancement de nouveaux programmes de recherche, que les budgets des organismes ne pouvaient prendre en charge. Ils ont également contribué à une meilleure structuration, une plus grande visibilité de l'enseignement supérieur et de la recherche français. Ils ont aussi renforcé les exigences dans la sélection des projets à travers la définition de critères fondés sur une notion large mais rigoureuse de l'investissement, l'excellence des projets et leur effet structurant, la constitution de jurys indépendants et l'instauration d'une évaluation indépendante systématique des projets financés. Autre avantage, les dépenses des PIA échappent à la régulation budgétaire et à la contrainte de la norme de dépenses en raison de leur gestion extrabudgétaire. Le Gouvernement propose, dans le projet de finances pour 2017, l'adoption d'une PIA 3 de dix milliards d'euros, dont 5,9 milliards consacrés à l'enseignement supérieur, à la recherche et à sa valorisation, comprenant une partie d'investissements en fonds propres et une partie en dotations décennales.
Au regard des investissements massifs que la nation se doit d'effectuer dans l'enseignement supérieur et la recherche, afin d'élever le niveau de qualification de l'ensemble de la population et de maintenir la compétitivité économique et scientifique de notre pays, je ne peux qu'approuver ce nouveau PIA, axé autour du soutien à l'enseignement supérieur et à la recherche, au développement du numérique et à la transformation pédagogique.
Toutefois, le PIA devra tirer les conséquences de la réforme des universités intervenue en 2013 et replacer ces dernières au coeur du dispositif. En effet, le premier PIA est entré en vigueur avant la loi de 2013 sur l'enseignement supérieur et la recherche, qui a profondément modifié le paysage de l'enseignement supérieur français et fortement augmenté les responsabilités des universités. La logique du premier PIA, notamment en matière de valorisation de la recherche, reposait sur la création de nouvelles structures, telles que les sociétés d'accélération de transfert de technologies (SATT) ou les instituts de recherche technologique (IRT), ayant vocation à entrainer une transformation de la construction de la connaissance et de sa transmission. Ce choix tenait à une méfiance des concepteurs du PIA à l'encontre des dispositifs universitaires existants, jugés trop rigides, pour ne pas dire trop attachés à des pratiques dépassées. Aujourd'hui, le directeur général de la recherche et de l'innovation affirme avec conviction que les campus universitaires sont les lieux d'un foisonnement interdisciplinaire, où prennent forme différents laboratoires expérimentaux et des espaces de rencontre entre milieux académiques, entrepreneuriaux, économiques et sociétaux, conformément au principe de la loi pour l'enseignement supérieur et la recherche de 2013, qui préconise le transfert de la recherche dans les universités et organismes de recherche au bénéfice de la société dans son ensemble.
La multiplication des outils de valorisation rend le dispositif complexe et difficilement lisible, notamment pour les entreprises désirant bénéficier du rapprochement avec les milieux académiques pour développer des innovations de laboratoire. Le Gouvernement, conscient du problème, a dessiné une nouvelle stratégie globale d'innovation dans laquelle l'université a vocation à jouer un rôle central et les contraintes de rentabilité des SATT ont été desserrées.
Mon ultime observation portera sur la gouvernance de la recherche. La stratégie nationale de la recherche a été publiée en mars 2015 après une large consultation et en collaboration avec l'ensemble des Alliances. Toutefois, je remarque que la recherche souffre d'un pilotage politique insuffisant au plus haut niveau. Ainsi, le conseil national stratégique n'a jamais joué son rôle de réflexion, de conseil, d'impulsion et d'arbitrage auprès du Premier ministre. Par ailleurs, même si la loyauté et l'efficience du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est visible, le choix d'un simple secrétariat d'État pour l'enseignement supérieur et la recherche rend la défense des intérêts de la recherche plus difficile, tant vis-à-vis de Bercy que des ministères plus influents exerçant une cotutelle. Cette gouvernance imparfaite n'est pas sans conséquence sur la structuration et la valorisation de la recherche, comme en témoignent les tensions observées entre certains organismes de recherche et l'ANR, ou encore les retards dans la mise en place de l'Université Paris-Saclay. Dans d'autres pays, cités en exemple par les acteurs de la recherche, l'exécutif, est en contact régulier, au plus haut niveau, avec les chercheurs, et est informé sur les évolutions qui se préparent. J'espère que le livre blanc sur l'enseignement supérieur et la recherche commandé par Thierry Mandon apportera des réponses claires sur les responsabilités de chacun pour la mise en oeuvre de la stratégie nationale de la recherche.
Vous l'aurez constaté, je me suis efforcée de mener une analyse sincère, pointant les déficiences, les outils mis en place pour y remédier, ainsi que les pistes destinées à améliorer la situation dans les années à venir.
Compte tenu du contexte budgétaire, qui reste contraint, je me félicite de l'augmentation des crédits du budget de la recherche, qui témoigne de l'engagement du Gouvernement en faveur de ce secteur crucial pour l'avenir de notre pays. Je vous propose en conséquence de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche.
Mme Corinne Bouchoux. - Je remercie nos deux rapporteurs, qui nous ont apporté un éclairage contrasté. Certains annoncent le dépôt d'une question préalable sur ce dernier budget du quinquennat, ce qui nous empêcherait d'examiner en séance les crédits de cette mission. Je comprends la logique : à quoi bon examiner un budget qui sera revu après l'élection présidentielle ? Je n'en estime pas moins que c'est fort regrettable.
Je remercie les rapporteurs pour leur présentation, même si M. Grosperrin s'est éloigné, à la fin de son intervention, de l'analyse factuelle et objective qui convient à une discussion budgétaire, pour adopter un ton digne d'un meeting électoral... Je peux comprendre que vous émettiez des réserves, mais de là à dire que ce budget est un mauvais budget !
Il existe un angle mort dans la Lolf, la loi organique relative aux lois de finances : il y manque une vision cartographique, territorialisée. Nous raisonnons depuis Paris, pour Paris, et cela n'est plus possible - on l'a vu avec les contrats de plan dans certaines régions. Je ne serai plus là l'année prochaine pour examiner le prochain budget, mais il serait bon de travailler avec le concours de géographes, afin de sortir de cette vision parisiano-centrée, évaluer les besoins et les retombées dans les régions.
Le résultat de l'élection présidentielle américaine, ce matin, nous montre qu'en démocratie tout est possible. À cet égard, l'éducation et la recherche sont des enjeux cruciaux. Certes, il existe entre nous des divergences, mais si, sur ces questions, nous ne pouvons-nous entendre et parler d'une seule voix, nous pourrions bien nous réveiller un matin avec la même gueule de bois que nos voisins d'outre-Atlantique.
M. Jacques-Bernard Magner. - M. Grosperrin manie le sophisme : si un budget dont les crédits augmentent est un mauvais budget, que serait un budget dont les crédits baisseraient ! Ce genre de raisonnement n'est plus audible et fait le lit du populisme. Les gens finissent par ne plus faire de différences entre les discours. Évoquer des « petits cadeaux électoraux », alors que le budget augmente de 3 %, ce n'est pas sérieux. Ce n'est pas bon pour la démocratie. Certes tout n'est pas parfait. Certes, les usagers du service public de l'éducation, les enseignants, jugent que l'effort est insuffisant : ils sont dans leur rôle. Reste que le Gouvernement, dans un contexte contraint, a essayé de faire au mieux. En 2017, les 60 000 postes supplémentaires promis en 2012 auront été créés. Les enseignants sont mieux formés, grâce à la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, mieux rémunérés, dans une école inclusive, avec davantage de personnels d'accompagnement. En 2012, les auxiliaires de vie scolaire (AVS) ou les bénéficiaires d'emplois de vie scolaire (EVS) étaient en situation précaire. Ils se sont vu offrir des perspectives de carrière, avec de vrais contrats. Les contrats d'avenir professeur, puis le statut d'étudiant apprenti professeur, ou le développement du service civique dans l'éducation sont des avancées, au même titre que le développement du service public numérique, qui profite au milieu rural. Comment peut-on dans ces conditions affirmer que ce budget est mauvais et refuser de le discuter en séance ? Le groupe socialiste votera ces crédits.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - À quoi bon ce débat dès lors que la majorité sénatoriale a décidé d'opposer une question préalable et de ne pas examiner ce projet de loi de finances en séance publique ?
Le rapporteur a raison, il faut augmenter les dépenses consacrées à l'enseignement supérieur : 2,5 milliards d'euros par an sont en effet nécessaires. Ces dépenses sont des investissements et devraient être sorties du calcul des déficits publics au sens de Maastricht. Le groupe communiste, républicain et citoyen a déposé une proposition de résolution européenne en ce sens.
En dépit des objectifs de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur, les inégalités restent très vives entre les enfants issus de milieux modestes et ceux qui peuvent bénéficier du soutien de leur milieu social. À cet égard, je trouve vos propos sur les « petits cadeaux » scandaleux. Un peu de pudeur ! Il est indécent de s'insurger contre la non-augmentation des frais d'inscription, d'assurance-maladie ou de restauration, quand 55 % des étudiants sont obligés de travailler pour poursuivre leurs études ! Vous n'avez rien dit sur l'insuffisance des bourses sur critères sociaux ; pourtant 22 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté. Dans ces conditions, tous les propos sur la nécessaire augmentation des connaissances et des qualifications ne sont que baratin électoraliste !
J'aimerais connaître votre sentiment sur un amendement du Gouvernement relatif au campus Condorcet, déposé sur le projet de loi sur le statut de Paris et l'aménagement métropolitain ? Son exposé des motifs me laisse sur ma faim.
Vous n'avez rien dit non plus sur le crédit impôt recherche...
Dans le secteur de la recherche : 40 % des personnels travaillant dans des organismes de recherche sont en situation précaire. Comment relancer la recherche à ce compte ? Les hausses de crédits sont inégales ; certains secteurs sont oubliés, comme la recherche industrielle ou la recherche dans l'industrie culturelle.
Nous ne suivrons pas les conclusions du rapporteur, M. Grosperrin, sur ce budget. Ses propos étaient choquants.
M. Jean-Léonce Dupont. - Un peu d'humilité ! Désormais, avec le quinquennat, l'examen du dernier budget de la législature revêt un caractère particulier. En 2012, le premier budget présenté par la nouvelle ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche était quasiment conforme à l'ancien budget, voté par la précédente majorité. Résultat, sur deux budgets quasiment identiques, un vote à front renversé : ceux qui n'avaient pas voté le budget précédent, parce qu'ils étaient dans l'opposition, votaient ce budget une fois arrivés au pouvoir, tandis que ceux qui l'avaient défendu votaient contre !
En cette fin de quinquennat, deux approches sont possibles : soit on juge ce budget en soi, en évaluant la répartition des crédits de l'année, et, dans ce cas, le jugement peut être plutôt positif ; soit on remet ce budget en perspective pour dresser un bilan du quinquennat. À l'approche de l'élection présidentielle, cette approche me paraît légitime. Dans ce cas, le jugement sera beaucoup plus sévère. Sommes-nous allés plus loin vers l'autonomie des universités ? Avons-nous engagé les moyens nécessaires pour répondre à la massification de l'enseignement supérieur ? Avons-nous remédié à l'échec massif en premier cycle ? Telles sont les trois questions qui me tiennent à coeur.
L'autonomie des universités a-t-elle été renforcée en cinq ans ? L'évolution n'est guère satisfaisante. Les augmentations de charges, décidées au niveau national, ont réduit en réalité la marge d'autonomie financière des universités. Il en va de même pour les collectivités territoriales.
Nous accueillons chaque année environ 30 000 étudiants supplémentaires par an. Ce budget prévoit une dotation de 100 millions d'euros pour couvrir la hausse des effectifs depuis trois ans, soit 1 000 euros par étudiant... Quand un étudiant coûte en moyenne 10 000 euros par an à l'université, cela n'est pas à la hauteur des besoins, même si le coût marginal d'un étudiant supplémentaire est moindre. À moins que le Gouvernement entende désormais aligner les nouvelles dotations sur celles qu'il accorde au privé...
Le taux d'échec en premier cycle est massif. Quand moins d'un tiers des étudiants obtiennent leur diplôme de licence en trois ans, on est en droit de se poser des questions. Tous les gouvernements ont échoué, faute de s'être interrogés sur les causes. À l'inverse, avec sagesse, nous avons su résoudre, collectivement, la question de l'entrée en master.
Au vu de ces éléments, le bilan n'est pas positif. Je rejoins la position de Mme Bouchoux : il faut un minimum de territorialisation, afin que certains territoires ne soient pas oubliés. Je ne réclame pas une stricte proportionnalité des moyens, mais il faut reconnaître le fait géographique. Pour ces raisons, le groupe de l'UDI-UC ne votera pas ces crédits.
M. Jean-Louis Carrère. - Je m'abstiendrai, par courtoisie, de commenter les propos des rapporteurs. J'ai constaté ce matin que les membres de la majorité sénatoriale étaient ébranlés par les résultats électoraux outre-Atlantique. Mais nous y allons aussi, et à grande vitesse ! Je le dis, je peux partager certaines des idées qui se sont ici exprimées, notamment dans l'intervention de Jean-Léonce Dupont faite au nom du groupe UDI : au lieu de glorifier nos différences, trouvons des points d'accord sur de grands thèmes, ou nous ferons le lit de tous les extrémismes. Je trouve choquant que certains jouent les apeurés tout en attisant le feu par leur comportement. Depuis des années, je milite pour que le Sénat ne tombe pas dans ce travers. Je me rappelle que, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, j'avais vu les sénateurs du groupe UMP voter contre la loi de programmation militaire, avec des arguments dont eux-mêmes reconnaissaient qu'ils étaient fallacieux. Il est vrai que certains ont voté pour...
Votre refus d'examiner le budget portera un coup au Sénat. Et je vous le dis puisque nous sommes entre nous : nous savons bien, pour l'avoir fait, qu'il est plus difficile de construire une proposition alternative cohérente que de s'opposer, tout simplement. Mais où nous conduiront de telles attitudes ? Je ne peux pas défendre publiquement le bicamérisme et admettre que nous refusions le débat. Il existe un système politique qui nous éviterait d'avoir des échéances régulières : la monarchie ! Je sais qu'il n'y a que des républicains dans cette salle. Eh bien, agissez en républicains !
M. Bruno Retailleau. - Je vais remettre les pendules à l'heure. Notre groupe soutient l'analyse de notre rapporteur, que nous remercions pour son travail approfondi, sur lequel il fonde sa conviction. Quant aux leçons qu'on pourrait nous donner, je rappelle que lorsque le Sénat était à gauche, nous ne sommes pas allés jusqu'à l'examen de la deuxième partie du budget car la majorité a piteusement défailli dès la première ! Nous dirons aux Français les raisons de notre choix, et nous verrons bien si ce qui est démocratique, c'est de truquer le budget comme cela s'est rarement vu.
Nous débattrons sur des arguments. Assez de leçons ! Président de région, j'ai trouvé un contrat de plan dans lequel les crédits de l'enseignement supérieur avaient été dramatiquement amputés, de 40 %. J'ai pu obtenir dix millions d'euros supplémentaires en négociant péniblement avec l'État dans le cadre de la clause de revoyure. Dans une région qui connaît une poussée démographique sans précédent, parler d'effort significatif, c'est vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
M. Christian Manable. - J'ai mal supporté les propos de M. Grosperrin - je le dis sans acrimonie. C'est un discours suranné, un discours de préau, qui ne correspond pas à ce qu'attendent nos concitoyens et qui les éloignera de la politique. Tout ce qui est excessif est insignifiant. Au fond, la seule différence entre M. Dupont et M. Grosperrin est que l'un s'avance en ballerines, et l'autre en Pataugas.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. - De fait, je viens du Jura...
Mme Dominique Gillot. - Permettez-moi de m'exprimer non pas comme rapporteure mais en mon nom. Nous sommes, je vous le rappelle, dans un budget contraint par des exigences de respect de norme en matière de déficit budgétaire. Pourtant, les propositions qu'il formule répondent aux réclamations et aux observations faites par les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le GVT est enfin pris en compte, tout comme les conséquences des décisions de l'État sur le statut des fonctionnaires. Nous pouvons nous en féliciter, et considérer ces avancées comme le fruit d'un long travail plutôt que comme un cadeau électoral.
L'autonomie des universités a été mise en oeuvre, même si M. Dupont considère qu'elle ne va pas assez loin, et celles-ci ont pris des dispositions pour maîtriser leur fonction support et exercer leurs responsabilités. Pas question d'accumuler des exigences de toute nature quand le budget est contraint. Mais le financement du GVT et de l'évolution du point d'indice ne peuvent être balayés d'un revers de main, monsieur Grosperrin, car ils répondent à d'insistantes revendications.
Quant à la création de l'Arpe, qui fait l'objet de vos critiques acerbes et ironiques, c'était une demande forte de toutes les organisations étudiantes. Ainsi, les étudiants en situation précaire verront leur bourse prolongée, le temps qu'ils trouvent un emploi - mais pas ad vitam aeternam, puisque le maximum est fixé à quatre mois. Les universités se sont mises en ordre de marche pour préparer leurs futurs diplômés à s'insérer professionnellement. On peut certes déplorer l'importance de la réorientation en cours de licence. Encore faudrait-il savoir précisément où vont les étudiants, car on les retrouve souvent dans d'autres formations diplômantes. En tous cas, il est excessif de dire qu'il y a 70 % d'échec en licence. Certains étudiants ont besoin de plus de temps pour décrocher leur premier diplôme d'enseignement supérieur, et je salue l'effort des établissements pour les accompagner. L'Arpe n'est pas un cadeau électoral, mais répond à un vrai besoin d'appui à ce que vous avez appelé la massification de l'enseignement supérieur.
Les étudiants vivront mieux en 2017 qu'en 2012, ce qui n'empêche pas que les demandes restent vives : il nous appartient de préparer l'avenir. Plutôt que de dresser un bilan, je préfère aller de l'avant. Mais si nous adoptons, à chaque échéance électorale, des postures de blocage, le temps utile d'un quinquennat se réduira à quatre ans, voire à trois... Pour l'heure, l'action parlementaire doit être utile, quelle que soit l'issue des élections de 2017.
M. Guy-Dominique Kennel. - Je remercie nos deux rapporteurs pour leur implication au quotidien. Il aurait mieux valu confier ce ministère à un ministre de plein exercice plutôt qu'à un secrétaire d'État, et je vous remercie d'avoir eu l'honnêteté de le reconnaître. Le secrétaire d'État actuel aurait été parfait à ce poste. Pour l'heure, il est bridé par la ministre de l'éducation nationale.
Après quatre ans - c'est-à-dire avec une année supplémentaire - le taux d'échec en licence reste de 61 %. Voilà le scandale de notre enseignement supérieur. Le meilleur taux de réussite s'observe dans les licences scientifiques. Mais il ne dépasse pas 50 %, là encore après quatre années. Qui peut se satisfaire de tels résultats ? Le scandale n'est pas en master mais en licence. Nous devrons donc réfléchir à l'entrée en licence, car pour l'instant nous envoyons plus d'un étudiant sur deux à l'échec.
Mme Bouchoux a raison, la cartographie est importante, car elle est parlante. J'ai co-signé le contrat de plan de notre région, puisque mon conseil départemental y participe à hauteur de 25 %, mais l'État a diminué sa participation à l'enseignement supérieur de 25 % et, sur la durée du contrat, il n'a honoré que 30 % de ses engagements. Voilà la réalité. Aussi ne pourrai-je voter en faveur de ce budget.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. - Merci pour vos questions. Jean-Léonce Dupont a bien illustré ma méthode : je pouvais m'en tenir à l'analyse de la loi de finances pour 2017, ou faire également le bilan des cinq années écoulées. Je crois que les Français ont le droit de savoir quels engagements ont été pris et quels ont été tenus. C'est par la transparence et l'honnêteté que nous lutterons contre les thèses que, nous comme vous, nous réprouvons.
En matière d'autonomie des universités - dont je n'oublie pas que le parti socialiste était contre, en 2008 -, nous ne sommes pas allés assez loin. Certes, des moyens ont été donnés pour faire face à la massification, mais ils ont souvent été utilisés pour équilibrer les budgets des universités plutôt que pour créer des postes. Résultat, les taux de réussite en licence n'ont pas bougé : 27,6 % en 2011, 27,5 % en 2017 ! On en est toujours à deux tiers d'échecs ! En tant que rapporteur de la mission d'information de notre commission, M. Kennel a fait un excellent travail sur l'orientation. Il montre que l'octroi d'une année supplémentaire ne ramène le taux d'échec qu'à 60 %. Il y a un vrai problème, dont nous sommes collectivement responsables.
Mme Bouchoux a raison d'évoquer la cartographie, ce qui nous fait regretter encore davantage son départ l'an prochain. Nous sommes d'accord sur le parisianisme universitaire.
Vous êtes dans votre rôle, monsieur Magner, en défendant votre Président de la République et le ministre - dont nous aurions préféré qu'on n'en fasse pas un simple secrétaire d'État, car ce n'est pas un bon signal. Je n'ai pas parlé de mauvais budget, mais indiqué qu'il méritait d'être évalué, alors que le quinquennat arrive à son terme, à l'aune des cinq années passées.
L'objectif du ministre, madame Gonthier-Maurin, était d'atteindre 2 % du PIB. Vous me reprochez l'expression de « petits cadeaux », mais on ne les voit pas que dans l'éducation nationale et l'enseignement supérieur. Il suffit de demander pour obtenir ! Gouverner, c'est prévoir, sans doute, mais c'est aussi savoir garder le cap.
L'amendement du Gouvernement sur lequel vous m'interrogez propose de conférer un statut pérenne au Campus Condorcet, qui, dans la loi ESR, comme pour Paris Tech et Agreenium ne bénéficiait que d'un statut transitoire, prenant fin en 2018.
J'ai bien entendu M. Carrère, qui marque nos différences, et remercie le président Retailleau de sa confiance. Il a raison de dire que nous n'avons pas à recevoir de leçons, et y compris du Président de la République.
M. Manable a cité Edgar Faure, qui venait de mon département. Je lui retourne le compliment. Tout ce qui est excessif est insignifiant. Jean-Léonce Dupont en maître à danser, et Jacques Grosperrin en croquenots ? Allons !
Oui, le budget est contraint, comme l'a rappelé Dominique Gillot, mais l'Arpe est un marqueur typique de ce Gouvernement : on n'habitue pas des jeunes, ni des moins jeunes, à vivre d'allocations. Comment avons-nous fait, nous ? Détourner de l'effort, voilà l'esprit de ce Gouvernement, et cela ne nous convient pas.
Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. - J'ai reçu moins de questions. Nous avons analysé précisément les enjeux et l'action des divers organismes. Le rapport montre que la place de la recherche dans notre pays est de mieux en mieux reconnue, notamment grâce à la loi de 2013, qui adosse la recherche aux universités.
Le parisianisme n'est pas si fort : de grands établissements, aux quatre coins de la France, sont des moteurs et des outils de rayonnement universitaire. Ceci pour répondre à Corinne Bouchoux.
L'augmentation du budget de la recherche n'est pas homothétique, relève Brigitte Gonthier-Maurin. Bien sûr, puisqu'elle vise à répondre aux besoins tout en encourageant les organismes engagés dans une démarche transdisciplinaire - un concept qui me tient à coeur.
Jean-Léonce Dupont regrette que les moyens ne soient guère territorialisés. Le PIA 3 l'est davantage. Certes, les sommes sont relativement faibles, mais il aura un effet d'entraînement. De même, monsieur Retailleau, l'enveloppe consacrée aux contrats de plan est augmentée, ce qui répond à votre préoccupation.
Monsieur Kennel, il vaudrait mieux un ministre de plein exercice pour l'enseignement supérieur. C'était le cas au début du quinquennat, et la ministre d'alors a donné des impulsions importantes. Je ne peux toutefois laisser dire que le secrétaire d'État serait bridé par la ministre. Ce serait inconvenant, et d'ailleurs il ne le pense pas. Le travail mené au sein de cet important ministère est cohérent, mais la ministre défend ses dossiers un par un, et ne peut avoir une vision aussi pertinente des problématiques de l'enseignement supérieur et de la recherche que son secrétaire d'État.
Oui, la loi LRU a été contestée par les socialistes, mais l'autonomie des universités, je le rappelle à Jacques Grosperrin, ne se résume pas à cette loi. La loi de 2013 l'a considérablement améliorée, puisqu'elle a suivi les assises de l'enseignement supérieur et de la recherche. Une partie des universités souhaitaient un retour à la centralisation. Le Gouvernement a choisi d'avancer.
M. Jean-Claude Carle, président. - Je rappelle que nous procédons à un vote unique, sur les crédits de la mission.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et Enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2017.
Nomination d'un rapporteur
La commission nomme M. Jean-Pierre Leleux rapporteur sur la proposition de résolution européenne n° 103 (2016-2017) présentée par M. André Gattolin et Mme Colette Mélot, au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la révision de la directive « Services de médias audiovisuels ».
La réunion est close à 11 h 30.
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La réunion est ouverte à 16 h 35.
Loi de finances pour 2017 - Audition de Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission auditionne Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de loi de finances pour 2017.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Madame la ministre, je suis très heureuse de vous accueillir pour la première fois pour la traditionnelle audition budgétaire, un moment privilégié d'échanges autour des grandes orientations des différentes politiques publiques. Nous avons tous apprécié, tous groupes confondus, l'excellent travail de coopération réalisé, grâce à votre écoute, lors de l'examen du volumineux projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, aboutissant à une loi satisfaisante capitalisant sur les avancées de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Nous examinerons successivement les missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles ».
Mme Audrey Azoulay, ministre. - Je suis également heureuse de me retrouver devant votre commission, avec laquelle j'ai plaisir à travailler.
En cette semaine particulière d'hommage aux victimes des attentats du 13 novembre dernier, je tiens à souligner que nous avons fait le choix de porter haut le budget de la culture, pour lui donner des moyens importants, à l'instar des autres grandes priorités du Gouvernement : la jeunesse, l'éducation, l'emploi et les domaines régaliens.
Les Français ont montré qu'ils ne voulaient pas renoncer à la culture : cet été, ils ont été plus nombreux que d'habitude dans les festivals sur vos territoires et ont montré ce besoin de se retrouver autour des propositions d'artistes. Les journées européennes du patrimoine ont également remporté un grand succès.
Ce projet de loi de finances renforce la place de la culture et la rend toujours plus accessible. Ainsi, nous élargissons les horaires des bibliothèques, chère Sylvie Robert. Le Président de la République a pour objectif qu'un enfant scolarisé sur deux puisse avoir accès à un enseignement artistique et culturel à l'école. C'est le sens de notre priorité donnée à l'éducation artistique et culturelle, de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine et de celle visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, ainsi que des valeurs que nous défendons dans les actions du ministère avec les professionnels de la culture. Dans le cadre légal du dialogue avec les partenaires sociaux, nous avons conclu le 28 avril un accord historique sur le régime des intermittents du spectacle, entré en vigueur par décret le 1er août dernier. Le Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle, le FONPEPS, sera doté de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 55 millions d'euros en crédits de paiement. C'est le sens aussi des accords sur la production audiovisuelle, appelés de vos voeux, des accords sur la diversité cinématographique signés à Cannes et des accords sur le renforcement du soutien à la création indépendante ou sur les aides à la musique.
Ce budget est en hausse de 5,5 %, soit l'une des plus fortes hausses que le ministère ait connue et cette augmentation concerne toutes ses composantes. Ainsi, le budget de la culture dépasse le seuil symbolique de 1 % pour atteindre 1,1 % du budget de l'État, et ce, sans aucun artifice. Nous avons respecté le périmètre défini depuis plus de trente ans, c'est-à-dire la mission « Culture », les programmes 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » et 334 « Livre et industries culturelles » et la dotation générale de décentralisation, la DGD, pour les bibliothèques - bien qu'elle soit portée par le ministère de l'intérieur.
Nous défendons quelques orientations claires : s'adresser aux jeunes générations, investir dans les territoires et soutenir la presse et les médias. En sus du budget, lors du comité interministériel du tourisme, le Premier ministre a annoncé lundi dernier que 5 millions d'euros supplémentaires provenant du Fonds interministériel de prévention de la délinquance financeront des investissements de sécurité des grands opérateurs culturels. Ils s'ajoutent aux 9 millions d'euros prévus dans le PLF pour la sécurité des opérateurs et aux 73 emplois supplémentaires prévus dans trois établissements publics. Le Fonds d'urgence au spectacle vivant, créé à la suite des attentats du Bataclan et abondé en juin 2016 pour renforcer la sécurité des grands festivals d'été, se verra également doté de 4 millions d'euros supplémentaires. Bonne nouvelle pour le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), qui gère ce fonds, nous allons intervenir pour que le plafond de recettes de la taxe parafiscale ne soit pas bloquant, afin qu'il ne perde pas le surplus de recettes cette année.
Je suis fière de ce budget, qui traduit notre ambition pour la culture. La mission « Culture » sera dotée de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement, 2,91 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 6,2 %. Sa principale priorité est la jeunesse. Entre 2012 et 2017, l'effort financier pour l'éducation artistique et culturelle a été multiplié par deux, grâce à un budget en 2017 en hausse de 12 %, pour atteindre 64 millions d'euros et financer de nombreuses opérations. Une initiative nouvelle, « Création en cours », se développe dans certains départements, avec le ministère de l'éducation nationale, pour que des résidences de jeunes artistes diplômés des écoles d'art se tiennent dans des classes de CM1, CM2 ou sixième, notamment dans les zones les moins favorisées en termes d'offre culturelle.
Le réseau d'enseignement supérieur Culture, d'une centaine d'écoles, forme 10 000 étudiants par an, avec un taux d'insertion de 80 %. Ses moyens seront renforcés à hauteur de 6 %, avec 276 millions d'euros en crédits de paiement. S'inspirant de financements par le mécénat ou de fondations, un appel à projets a été lancé pour inciter à la diversité de recrutement au sein de ces écoles, comme l'École de la Comédie de Saint-Étienne, le théâtre national de Strasbourg, le Conservatoire national supérieur ou l'École nationale des beaux-arts...
Deuxième priorité : ce budget élargit les horizons de la création dans les territoires, au plus près du public. Le budget de la création augmente de 4 % ; 700 millions d'euros seront consacrés au spectacle vivant, en sus du soutien renforcé déjà accordé en 2016 aux compagnies, aux labels et aux résidences d'artistes, et donc à l'indépendance, aux ateliers de fabrique artistique, sur l'ensemble du territoire et notamment en milieu rural. Nous lançons des projets innovants comme « Micro Folies » porté par l'établissement public du parc et de la grande halle de la Villette et déployé à la fin de cette année, le développement de l'établissement public de coopération culturelle de Clichy-Montfermeil ou les conventions signées entre les quartiers prioritaires d'Île-de-France et certains établissements publics, grâce à des crédits de la politique de la ville en Île-de-France. C'est un exemple réussi à généraliser. Les moyens des arts visuels sont accrus de 9 % en crédits de paiement, pour atteindre 77 millions d'euros, et de 33 % en autorisations d'engagement, à 90 millions d'euros, afin de soutenir la photographie - trop peu soutenue actuellement - grâce à la commande publique.
Troisième priorité : remettre la culture au coeur de notre quotidien. Des partenariats sont signés avec les collectivités territoriales dans le cadre des contrats de développement culturel, s'ajoutant à une soixantaine de pactes initiés en 2015 avec des villes et des intercommunalités. Dix nouveaux pactes seront signés en 2016. Les crédits déconcentrés, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), progresseront de 7 %, avec particulièrement 1,5 million d'euros dédiés à l'action culturelle en milieu rural.
Nous participons à la rénovation d'équipements importants, comme la Comédie de Saint-Étienne, le centre de création contemporaine Olivier-Debré à Tours, la Maison de la culture à Bourges - longtemps attendue -, le théâtre des Amandiers à Nanterre ou l'École nationale supérieure de la photographie d'Arles. Je citerai aussi le chantier de la Cité du théâtre dans les ateliers Berthier à Paris.
Nous investirons dans le numérique grâce au programme d'investissements d'avenir de troisième génération lancé par le Président de la République.
Nous voulons protéger et valoriser un patrimoine exceptionnel, vivant et plébiscité, par une augmentation de 4 % du budget dédié : 318 millions d'euros pour les monuments historiques, 360 millions d'euros pour les musées, 29 millions d'euros pour les archives et 32 millions d'euros pour l'architecture. Les crédits transférés aux collectivités territoriales augmenteront de 1 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement, avec un geste fort sur le programme 175, dont les autorisations d'engagement augmentent de 6 %. Je rectifie une erreur de saisie sur l'action 4 du programme 175 : les transferts aux collectivités ont progressé entre 2016 et 2017. Les moyens du CMN, le Centre des monuments nationaux, en fonctionnement et en investissement, augmenteront de 8 % entre 2016 et 2017. Au total, les crédits du programme 175 augmentent de 4 %.
Les musées ont connu des difficultés en raison de la baisse de fréquentation touristique consécutive aux attentats. Sur les trois premiers trimestres de 2016, les trente plus grands opérateurs ont connu une chute de fréquentation de 16 %, avec un fort impact sur les recettes mais aussi sur leurs dépenses en raison des dépenses de sécurité supplémentaires; d'où les mesures décidées lors du comité interministériel du tourisme, ainsi que dans le PLF pour 2017. Les crédits de paiement pour les musées de France augmentent de 6 %, les engagements de 8 % et les crédits pour les acquisitions de 12 %. Nous respecterons tous les schémas directeurs des musées et lancerons le nouveau schéma directeur du Centre Pompidou, avec une augmentation de sa dotation en fonds propres de 5 millions d'euros en crédits de paiement et de 18 millions d'euros en autorisations d'engagement.
Une réflexion « musée du XXIe siècle » est en cours sur la place du musée, ses rapports avec le public, afin de construire un musée citoyen et participatif. Les conclusions devraient être connues avant la fin de l'année.
Les musées et monuments historiques sont partenaires du projet « les portes du temps » pour accueillir enfants et jeunes durant les vacances, que nous cherchons à dynamiser.
Le budget du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) augmente de 5 %, pour atteindre 707 millions d'euros en 2017, afin de financer les réformes comme les aides à l'export et les aides aux cinémathèques sur l'ensemble du territoire. Nous apporterons également des aides pour le documentaire et la réforme des cinémas d'art et d'essai. Ce budget donne donc toute sa place à la culture dans les priorités du Gouvernement.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, pour le programme 175 « Patrimoines ». - Je me félicite de l'augmentation des crédits pour les monuments historiques, mais quelles mesures concrètes l'État prendra-t-il pour garantir leur bonne exécution ? Plusieurs rapports ont relevé une sous-consommation de ces crédits ces dernières années : les collectivités et les entreprises en ont un besoin impérieux, car près d'un millier d'emplois ont été perdus par les entreprises du Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques. Avec la réforme territoriale et le regroupement des DRAC au sein des nouvelles régions, nous craignons de nouveaux ralentissements pour la consommation des crédits.
Vous avez annoncé que le pourcentage des crédits reversés par l'État sur les successions en déshérence à la Fondation du patrimoine passerait de 50 % à 75 %. Le décret sera-t-il publié avant la fin de l'année ?
Comment expliquer que la subvention du CMN s'établisse à 17 millions d'euros en 2017, alors que l'État s'était engagé sur une subvention de 30 millions d'euros lors du transfert de la maîtrise d'ouvrage et que les réserves constituées par le CMN dans un fonds de roulement sont désormais quasiment épuisées ? Le CMN gère de très grands monuments et est essentiel pour les entreprises spécialisées et le tourisme.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - En l'absence de M. David Assouline, je présenterai ses questions sur le cinéma et sur la création.
L'an passé, le Gouvernement a renforcé ambitieusement le crédit d'impôt en faveur du cinéma et de l'audiovisuel avec des résultats remarquables. Toutefois, au-delà des aides fiscales, le financement du cinéma est largement porté par les chaînes de télévision et notamment par Canal+. Les difficultés financières annoncées par le groupe conduisent la chaîne à renégocier ses engagements et à demander des assouplissements en matière de chronologie des médias. Qu'en pensez-vous ? Jusqu'où faut-il aller pour sauver Canal+ ?
Le 14 septembre dernier, la Commission européenne a dévoilé son projet de révision de la directive du 22 mai 2001 relative au droit d'auteur. Si certaines propositions vont dans le bon sens, notamment au bénéfice des éditeurs de presse, d'autres mesures inquiètent, en particulier en matière de territorialité des droits. Que pensez-vous du projet présenté ? Comment la France va-t-elle se mobiliser pour faire valoir ses positions ?
Comment expliquer la persistance d'un tel écart entre les crédits alloués au spectacle vivant et ceux alloués aux arts plastiques, alors qu'il y a un réel besoin de structuration du secteur et que les établissements d'arts plastiques font face à des charges de structure croissantes ?
Pourquoi ne pas envisager la mise en place d'aides ciblées en direction des jeunes photojournalistes, dans le cadre d'une refonte des aides à la presse, pour faciliter le renouvellement de la profession ?
Vous nous avez indiqué revenir sur le plafonnement de la taxe au sujet duquel deux amendements ont été rejetés, à l'Assemblée nationale, pour financer les aides distribuées par le CNV, instrument vertueux indispensable pour la diversité artistique et la création. Pouvez-vous nous le confirmer ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. - Tout à fait !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - En l'absence de M. Jean-Claude Luche, je présenterai ses questions sur la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture.
Comment expliquer qu'aucun mécanisme de compensation ne soit prévu pour l'exonération des étudiants boursiers dans les écoles d'art territoriales, alors qu'il s'agit d'une politique sociale définie par l'État ? Quelles sont les mesures prévues pour rapprocher le statut des enseignants des écoles d'art territoriales de celui des enseignants des écoles nationales, que le projet annuel de performances définit comme une priorité, mais pour lequel aucune enveloppe spécifique n'est prévue ?
Pour les conservatoires, comment garantir que le nombre de places offertes aux prochains concours d'assistant territorial d'enseignement artistique et de professeur d'enseignement artistique de la fonction publique territoriale compense l'absence d'organisation de ces concours sur une base régulière, comme c'était le cas auparavant ?
Certains critiquent le manque de transparence dans l'attribution des crédits entre les différents conservatoires par les DRAC et l'application apparemment inégale des nouveaux critères d'intervention de l'État par les DRAC. Des mesures comme la rédaction d'un vade-mecum sont-elles envisagées pour garantir aux conservatoires une certaine prévisibilité dans l'allocation des crédits ? J'ajoute que la somme consacrée aux conservatoires n'est pas revenue à son niveau initial...
Mme Audrey Azoulay, ministre. - Le rythme de consommation et la capacité de consommation et d'engagement des crédits de la DRAC en faveur des monuments historiques (MH) ont été moins dynamiques au début de l'exercice 2016 qu'auparavant, en raison de la mise en place de la réforme territoriale, non encore achevée. Plus de 60 % des crédits MH des DRAC sont destinés à des monuments historiques qui n'appartiennent pas à l'État et qui nécessitent donc des plans de financement mobilisant de nombreux acteurs. Nous avons rattrapé ce lent début d'année. Au 7 novembre, 80 % des crédits destinés aux monuments historiques avaient été consommés, sachant que les deux derniers mois de l'année consomment généralement 25 % des crédits annuels. Nous suivons donc un bon rythme et essayons d'éviter l'annulation de crédits en cours de gestion.
Le produit de la quote-part que reverse l'État à la Fondation du patrimoine sur les successions en déshérence était en baisse par rapport aux années précédentes, ce qui était préoccupant pour la Fondation du patrimoine, qui réalise un travail indispensable. Nous nous sommes engagés à augmenter la quote-part que reverse l'État à la Fondation à 75 %. Le décret a été publié le 5 novembre, exprès pour vous !
M. Philippe Nachbar. - Merci de votre délicate attention !
M. Jean-Louis Carrère. - Bravo, monsieur Nachbar !
Mme Audrey Azoulay, ministre. - L'effort budgétaire de l'État pour le CMN est très important en 2017, sa contribution augmentant de 8 %, passant de 25,4 millions à 27,4 millions d'euros, dans le cadre du plan pluriannuel entre le ministère et le CMN, mis à jour avec la direction générale du patrimoine, pour plus de visibilité et de priorité des travaux réalisés. C'était particulièrement important alors que la restauration de l'hôtel de la Marine va commencer et que le CMN a assuré la réouverture de la villa Cavrois de Mallet-Stevens à Croix. L'évolution du périmètre du CMN a pour corollaire une augmentation des dépenses de fonctionnement et un résultat d'exploitation négatif. Cependant, le fonds de roulement, qui s'élevait à 64 millions d'euros fin 2015, devrait compter 38 millions d'euros fin 2016 pour assurer une stabilité de l'établissement.
Nous menons des discussions soutenues avec Canal+ sur i-Télé et sur sa contribution à l'industrie cinématographique. Une convention, suivie par, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), a été signée pour cinq ans avec le monde du cinéma et prévoit un double mode de calcul, assis sur le chiffre d'affaires et le nombre d'abonnés. Canal+ souhaite faire évoluer ses offres commerciales et donc le calcul de l'investissement dans le cinéma. Les professionnels du cinéma et le ministère de la culture regardent cela avec attention et ne négocieront un changement de cette convention qu'en cas d'assurance du financement de Canal+ en contrepartie de la licence cryptée qui lui est attribuée.
Nous avons travaillé durant deux ans sur la territorialité du droit d'auteur dans le cadre de la réforme du droit communautaire pour répondre à la Commission européenne, qui souhaitait instaurer un marché unique numérique avec de nombreux projets de textes comme un règlement sur la portabilité, un règlement réformant la directive sur le câble et le satellite, un projet de réforme de la directive relative aux services de médias audiovisuels, un autre réformant la directive sur le droit d'auteur et deux textes sur les exceptions handicap au droit d'auteur, issus du traité de Marrakech. En 2014, des projets inquiétants de la Commission remettaient en cause la territorialité des droits d'exploitation ; pour préfinancer une oeuvre, les producteurs pré-vendent des droits d'exploitation sur chacun des territoires, constituant le préfinancement, qui garantit la diversité : on peut ainsi financer des oeuvres non seulement par les parts de marché, mais aussi sur une part de risque distribuée selon les territoires. Nous avons défendu nos positions durant deux ans et sommes rassurés par les textes de la Commission de ces derniers mois. Ceux-ci font droit à nos propositions de respect du droit d'auteur, de reconnaissance de la diversité culturelle, de territorialité des droits, de respect de l'oeuvre par la portabilité des abonnements dans une formulation mieux sécurisée, de responsabilité de nouveaux diffuseurs sur internet - par une meilleure prise en compte des plateformes dans la diffusion des oeuvres, d'intégration de ces plateformes dans le champ de la régulation audiovisuelle, de création d'un nouveau droit voisin pour les éditeurs de presse, afin de rééquilibrer les relations avec les géants d'internet.
Nous avons fait remonter au vice-président de la Commission, M. Ansip, nos mécontentements sur l'extension du principe du pays d'origine à certains services numériques dans le cadre de la réforme de la directive « câble et satellite ». La majorité des États membres sont opposés à cette extension, porte d'entrée pour remettre en cause la territorialité des droits. Pour gagner en influence, j'ai préparé la position française pour le prochain Conseil des ministres de l'Union européenne de novembre avec l'Allemagne et l'Italie.
Près de 700 millions d'euros seront consacrés au spectacle vivant et 61 millions d'euros aux arts visuels au sein du programme 131, mais la dotation destinée aux arts visuels augmente de 9 %, soit deux fois plus que celle pour le spectacle vivant. Au total, les crédits pour les arts visuels ont augmenté de 12 % depuis 2012. En 2017, un investissement de 17 millions d'euros en autorisations d'engagement est prévu en faveur du Centre national des arts plastiques (CNAP) afin de relocaliser ses réserves, actuellement situées à La Défense, en raison de la fin de leur bail emphytéotique en 2018, et pour remédier à une localisation peu optimale, tant pour le financement que pour la conservation des oeuvres. Nous attendons l'avis du Conseil de l'immobilier de l'État sur les différents lieux identifiés.
Nous consolidons les institutions de référence comme les Fonds régionaux d'art contemporain, qui viennent récemment d'ouvrir leurs portes pour leur anniversaire, les centres d'art ou le musée du Jeu de Paume, qui réalise un travail remarquable dans le domaine de la photographie, et nous avons lancé une commande publique sur la photographie. Des efforts sont réalisés sur les écoles supérieures d'art et concernent donc les arts plastiques. Au total, les crédits pour les arts visuels s'élèvent à 150 millions d'euros.
La taxe affectée au CNV est plafonnée par une mesure transverse concernant de nombreux opérateurs. Mais les dépenses du CNV sont intrinsèquement liées à ses recettes et liées au marché sur lequel opère le CNV. Il y aurait une contradiction à faire jouer le plafond et que les sommes écrêtées reviennent au budget de l'État, alors que les dépenses sont générées par ces recettes. Nous avons débattu avec Bercy, qui maintient sa doctrine de plafonnement des recettes, tandis que nous défendons la réalité économique et sectorielle. Le compromis trouvé pour remonter le plafond sera présenté en projet de loi de finances rectificative pour que l'établissement public conserve l'intégralité de l'augmentation de la taxe.
Mme Maryvonne Blondin. - Automatiquement ? Ce serait vertueux...
Mme Audrey Azoulay, ministre. - Vous avez raison. Soyez-y attentifs !
Mme Sylvie Robert. - C'était très important !
Mme Audrey Azoulay, ministre. - Le ministère de la culture finance 40 millions d'euros de bourses pour les étudiants en école d'art en 2017, en hausse par rapport à 2016, et le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) finance des bourses sur critères sociaux dans tous les établissements. Dans certaines écoles, des dispositifs spécifiques favoriseront la diversité dans les promotions. Le Gouvernement veut créer un statut spécifique des professeurs d'écoles d'art territoriales pour reconnaître leurs missions d'enseignement supérieur et de recherche, équivalentes aux missions des professeurs des écoles nationales, et réévaluer la grille indiciaire et les conditions d'accès à ce nouveau cadre. Nous n'avons pas encore chiffré ces mesures, qui prendraient effet fin 2017. Un projet de décret sur la recherche est en cours, associant les représentants des écoles territoriales supérieures d'art et des écoles nationales.
L'État augmente le financement des conservatoires - sans revenir à leur niveau initial - de 3,5 millions d'euros, pour atteindre 17 millions d'euros. Toutes les dispositions ont été prises pour que les quatre critères d'intervention de l'État dans le financement des conservatoires soient élaborés avec les collectivités territoriales et précisés par une circulaire du 10 mai 2016 : mise en oeuvre d'une tarification sociale, renouvellement des pratiques pédagogiques, accompagnement de la diversification de l'offre artistique, encouragement des réseaux et des partenariats. Ce texte a aussi ouvert le droit, pour des conservatoires souvent implantés en zone rurale, de bénéficier d'une aide de l'État qui n'existait pas en 2012.
M. André Gattolin, rapporteur spécial de la mission « Culture ». - Malheureusement, nous ne débattrons pas en séance publique des missions budgétaires, même si Vincent Eblé et moi-même présenterons notre rapport spécial sur la mission « Culture ». Vous vous en doutez, mes questions sont d'ordre financier. Quelles sont vos prévisions sur la part croissante des dépenses de personnel du ministère de la culture à la suite du plan Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) au sein de la hausse affichée du budget de la culture ? Avez-vous des détails sur le véhicule de financement du programme de travaux du Grand Paris ? Si la subvention exceptionnelle ne dépend pas du ministère de la culture, qui la portera ? Je n'ai rien vu dans le programme d'investissements d'avenir (PIA)...
Avec Colette Mélot, je suis, au sein de la commission des affaires européennes, les sujets du numérique et de la culture. Un projet de directive européenne prévoyant la neutralité fiscale de la TVA pour la presse et le livre sur tous les supports, numériques ou matériels, devrait être déposé à la fin du mois. Qu'en pensez-vous, sachant que la Cour de justice de l'Union européenne a condamné la France sur sa loi portant à 7 % la TVA sur le livre numérique ?
Mme Françoise Férat. - Sans être obnubilée par l'archéologie préventive, je m'interroge sur la budgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP), en 2017. En 2015, 1 692 diagnostics ont été réalisés par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), soit 81 % d'entre eux, contre 19 % par les collectivités territoriales. Or la ventilation de la RAP ne correspond pas à cette répartition. Pour quelles raisons l'INRAP devrait, comme en 2016, percevoir 73 millions d'euros, contre seulement 10 millions d'euros pour les collectivités territoriales ?
Mme Sylvie Robert. - Le groupe socialiste et républicain est satisfait de l'augmentation du budget de la culture, qui atteint le seuil symbolique de 1,1 % du budget de l'État, jamais atteint jusqu'alors, grâce à une augmentation de 5,5 %. Dans le contexte particulier de commémoration des attentats du 13 novembre, certains d'entre nous se sont réveillés groggy ce matin après les résultats de l'élection présidentielle américaine ; l'éducation et la culture sont des enjeux extrêmement importants pour l'émancipation individuelle et collective et pour le jugement critique et la liberté de choix. Dans notre société de tensions, de divisions, où la tentation du repli est forte, la reconnaissance et l'altérité sont très importantes. La culture y participe. Nous sommes satisfaits que l'investissement artistique et culturel soit une priorité. Nous sommes heureux d'examiner ce budget, même si nous ne pourrons pas le voter et en sommes frustrés.
Vos priorités sur la jeunesse, la création, l'équité territoriale et l'emploi sont essentielles.
Dans la ventilation budgétaire sur le terrain, assurons un égal accès à l'art et à la culture. Prévoir qu'un enfant sur deux puisse bénéficier d'un enseignement artistique et culturel est ambitieux. Nous avons lu la charte pour l'éducation artistique et culturelle signée à Avignon et suivons les travaux du Haut Conseil. Comment avez-vous négocié avec l'éducation nationale pour que cet enseignement soit pris sur du temps scolaire ?
Nous sommes satisfaits de l'augmentation de 7 % des crédits déconcentrés en DRAC. La directive nationale d'orientation comprendra des priorités : zones rurales, quartiers populaires ou prioritaires... Cette équité territoriale sera-t-elle spécifiée dans cette directive, eu égard aux différences de périmètre des grandes régions ? Le différentiel d'investissement entre Paris et le reste de la région d'Ile-de-France est-il un peu atténué ?
En application de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, nous attendons pour janvier des rapports sur les arts visuels, le spectacle vivant, le permis de faire, sur l'architecture ou le 1 % travaux publics, essentiels pour mesurer les différentes incidences budgétaires. L'article 1er assure la liberté de création et l'article 5 évoque les labels. Envisagez-vous de développer ces labels et d'étendre les esthétiques - comme les marionnettes - et de consolider ce qui existe, notamment en revalorisant le plafond des SMAC, les scènes de musiques actuelles ? Depuis plusieurs années, les musiques actuelles ont été le parent pauvre du secteur culturel.
Mme Marie-Christine Blandin. - Les écologistes se réjouissent que le Gouvernement, à la suite de la loi, montre que la culture n'est pas une variable d'ajustement, même en période de tension budgétaire. Nous sommes aussi attentifs à l'emploi et à toutes les actions de consolidation du régime des intermittents, qui est fondamental.
Nos groupes ont des préoccupations communes, comme l'importance des musiques actuelles, pratiquées par un quart des Français - on est loin d'un quart du budget de la création ! Plus de 12 % des Français pratiquent collectivement un instrument ; c'est le lieu du lien et des rencontres de culture, ce qui nous manque en ce moment dans le monde. En moyenne, 102 000 euros sont consacrés à une SMAC, contre sept fois plus - 750 000 euros - pour une scène nationale. En dépit de la jeunesse du label SMAC, il ne faut pas s'arrêter à cette maigre part. Il est nécessaire de gonfler leurs subventions.
Vos annonces au sujet du CNV nous réjouissent. Je sais que vous avez fort à faire avec Bercy. Sachez que, pour notre part, nous avons fort à faire, à la fin du débat budgétaire, avec les représentants de la commission des finances, qui adorent le plafonnement... Moi qui suis contre ces plafonnements et qui préfère les mécanismes coopératifs, je me réjouis de votre astuce : respecter la règle, mais monter le plafond chaque fois que de besoin.
Je voulais vous signaler une anomalie que le Sénat aurait pu corriger si nous avions pu débattre de la première partie du projet de loi de finances. Aujourd'hui, la billetterie est en ligne et se trouve dans les mains de trois grands groupes - Live Nation, Vivendi et Vente-privée.com -, qui prennent 15 % du montant du billet des spectacles. Le comble, c'est qu'ils ne sont pas frappés par la TVA. La vente de billets doit être une des seules activités associées à la culture à n'être pas assujettie à la TVA. Celui qui fait le spectacle paie la TVA, pendant que les trois majors rackettent la culture et ne paient même pas d'impôt ! Je souhaitais vous signaler cette niche de recettes potentielle.
À propos des arts plastiques, notre collègue David Assouline a signalé que 90 % des crédits bénéficiaient au spectacle vivant. On peut aider les arts plastiques autrement que par le budget.
Il nous faudra quand même revenir sur la TVA applicable aux droits d'auteur, à 10 %, alors que tous les autres taux de TVA ont baissé.
Il faudra payer les artistes qui répondent aux appels d'offres, qui leur consacrent du temps de créativité, même si leur candidature n'est pas retenue.
Nous vous demandons, madame la ministre, un effort significatif sur le régime social de base et sur le régime complémentaire des artistes. Or le paritarisme est en panne depuis 2014, et le régime complémentaire est absolument intenable si des gens devaient payer ce pour quoi on les appelle.
Je vous remercie d'avoir mentionné les actions très positives menées en faveur des photographes. Qu'en est-il de la mise en oeuvre de l'amendement qui a été adopté, pour notre plus grand bonheur, à l'article 30 de la loi sur la liberté de la création, afin de donner un coût d'arrêt à l'impunité des spoliations réalisées via les moteurs de recherche ?
Enfin, nous avons inscrit dans la loi le principe d'une responsabilité partagée. Nous avons entendu comment vous souteniez les collectivités qui s'engagent, mais vous ne devez pas devenir le supplétif de celles qui se désengagent. Quand les territoires se dispensent de soutenir la culture, les artistes en appellent à l'État. C'est une catastrophe !
Mme Françoise Laborde. - Je suis moi aussi ravie que le budget alloué à la culture corresponde à plus de 1 % du budget global de l'État - proportion établie selon un mode de calcul identique depuis trente ans. C'est important de le relever.
Je m'associe aux questions de Sylvie Robert sur la jeunesse, l'éducation et la culture. Peut-être arriverons-nous un jour à vous auditionner en même temps que Mme la ministre de l'éducation nationale... Depuis la refondation de l'école, un certain nombre d'actions culturelles très importantes tournées vers les élèves se trouvent reléguées à la marge, sur du temps périscolaire.
Pour terminer, j'aimerais avoir quelques précisions sur la Cité du théâtre, qui touche aussi à la question des relations entre Paris et ce qu'on appelle - ou non - la province.
Mme Christine Prunaud. - Madame la ministre, je vous remercie, au nom de mon groupe, de votre intervention, très claire et très sereine.
Nous sommes plutôt satisfaits de constater une légère hausse du budget de la culture, même si, bien évidemment, nous demandons toujours plus. Disons que vous avez presque rattrapé le retard pris entre 2012 et 2015...
Je m'intéresse tout particulièrement à la jeunesse. À ce sujet, vous avez parlé de l'installation en résidence dans les établissements scolaires de jeunes artistes, diplômés d'écoles d'art. L'idée, dont j'entends parler pour la première fois aujourd'hui, est intéressante. J'aimerais avoir un peu plus de précisions sur ce projet : établissements concernés, financement, ligne budgétaire...
Par ailleurs, l'année dernière, nous avions interrogé votre prédécesseur à propos du concours que pourraient passer certains professeurs des conservatoires de musique pour intégrer la fonction publique territoriale. Nous n'avons pas obtenu de réponse.
Mme Marie-Pierre Monier. - Je vais moi aussi commencer par me réjouir de l'augmentation significative - environ 4 % - des crédits alloués au patrimoine. C'est une excellente chose.
En tant qu'élue d'un territoire rural, je suis très attachée au maintien de la vitalité des offres culturelles et à la sauvegarde du patrimoine local. C'est un enjeu économique fort pour nos communes dans les territoires ruraux. Je tiens à saluer l'effort de l'État en ce sens, avec une augmentation sensible des crédits destinés aux opérations en région en faveur de la protection et de la restauration des monuments historiques. Ainsi, 60 % des crédits destinés au patrimoine monumental seront destinés aux opérations en région. Les DRAC bénéficieront quant à elles de 50 millions d'euros supplémentaires, soit une augmentation de 7 %, même si leur situation est parfois compliquée.
On note aussi, peut-être à la suite de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite « LCAP », du 7 juillet dernier une hausse de 30 % des crédits d'études destinées à soutenir les collectivités territoriales dans la création des sites patrimoniaux remarquables.
L'adoption de la loi LCAP a permis des avancées majeures en termes de clarification des rôles des différents acteurs de ce secteur, notamment l'INRAP, et du renforcement du contrôle scientifique de l'État. Nous avons tous dit que c'était une excellente chose.
En outre, rappelons que, dans le cadre du précédent exercice budgétaire, la budgétisation de la RAP, à hauteur de 118 millions d'euros, a permis une réelle et importante sécurisation du financement de l'archéologie préventive, en permettant à l'INRAP de bénéficier de ressources stables. Nous saluons le maintien, cette année, des fonds affectés à cette budgétisation, avec 119 millions d'euros pour 2017. L'action patrimoine archéologique s'élève ainsi à 133,9 millions d'euros en crédits de paiement.
J'insiste sur le fait que la sécurisation des outils de financement profite non seulement à l'INRAP, mais aussi aux collectivités territoriales et aux aménageurs, via le FNAP, le Fonds national pour l'archéologie préventive.
Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que, conformément aux engagements pris lors de la loi LCAP, cette budgétisation permettra de financer toutes les missions de l'INRAP liées à l'archéologie préventive ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public ». - On ne peut que saluer l'effort que représente le budget pour 2017 de la culture, qui permet aux différents postes de retrouver un niveau correct. Il était temps, le quinquennat n'ayant pas été, sur ce plan, à la hauteur de ce que l'on pouvait attendre.
Je veux évoquer la filière musicale. Ces dernières années, ce secteur a connu des chauds et froids, entre espoirs et déceptions, notamment autour du Centre national de la musique, projet qui a été abandonné au profit d'un concept de « maison commune », qui, au fond, n'a pas encore pu être bien structuré.
Comme vous le savez, les attentes sont fortes sur ce plan. Il existe même une forme de jalousie - le terme me dérange un peu - à l'égard de la filière du cinéma, compte tenu des efforts consentis en faveur de celle-ci. La musique et la chanson françaises sont des outils de promotion de notre pays à l'étranger qui méritent véritablement d'être soutenus, car elles portent en elles bien d'autres effets - culturels, voire économiques. J'ai relevé que les crédits du bureau export de la musique française ont été légèrement augmentés, mais dans des proportions qui n'ont rien à voir avec l'effort supplémentaire pour le cinéma.
Vous avez évoqué le plafond glissant - susceptible d'augmenter avec les recettes prévisionnelles - du CNV. Aujourd'hui, le plafond s'élève à 30 millions d'euros. Les perspectives de recettes pour cette année sont déjà bien supérieures, puisque l'on attend presque 32 millions d'euros. Pensez-vous, comme nous le souhaitons, que l'on va laisser au CNV ses propres recettes, dans une logique d'autoalimentation du secteur, que la commission de la culture a toujours soutenue ? Il faut dire que nous n'aimons pas trop les plafonnements au profit de Bercy...
Mme Audrey Azoulay, ministre. - M. Gattolin a évoqué les crédits de personnel au sein du budget. Sur la période 2012-2017, 18,5 millions d'euros auront été mobilisés pour le pouvoir d'achat des agents du ministère de la culture, dont 10 millions d'euros pour rattraper le retard de celui-ci, par rapport à d'autres départements ministériels, en matière indemnitaire - le décalage est réellement handicapant en matière de recrutements -, et 8 millions d'euros pour financer les effets indiciaires, liés à l'amélioration de la structuration des corps et de la carrière des personnels. Quatre priorités ont été assignées à la politique générale du personnel : travailler sur le statut d'enseignant-chercheur dans les écoles nationales supérieures d'architecture, dans le cadre d'un plan pluriannuel ; poursuivre le rattrapage catégoriel et statutaire indemnitaire des agents du ministère ; poursuivre la mise en oeuvre de la loi Sauvadet ; contribuer à la politique de recrutement par voie d'apprentissage - c'est important -, en se fixant des objectifs ambitieux.
Comme vous l'aurez constaté, il n'y aura aucune suppression nette d'emploi en 2017 au ministère de la culture, en rupture avec les années antérieures.
Vous avez également évoqué le Grand Palais, cet équipement exceptionnel dont nous avons la chance d'avoir hérité à la suite des expositions universelles du début du XXe siècle et que le monde entier nous envie. Tout récemment encore, à l'occasion de la FIAC, cet équipement, situé en plein centre de Paris et comparable à aucun autre, a suscité l'admiration. Cependant, on ne peut pas aujourd'hui en tirer le plein bénéfice. Certains espaces sont fermés, certaines mesures de sécurité ne sont pas prises, ce qui oblige l'établissement à fonctionner dans des conditions assez chaotiques. La dirigeante de l'établissement doit engager sa propre responsabilité lorsqu'elle ouvre certaines salles.
Nous voulons définir un projet ambitieux pour le Grand Palais, qui nous permettra de bénéficier pleinement de cette merveille et du Palais de la découverte, en créant, notamment, de nouvelles circulations. Ce projet a un coût élevé, estimé à 466 millions d'euros, dont 436 millions d'euros actualisés et 30 millions d'euros de frais financiers. Il est prévu qu'il soit financé par le ministère de la culture, à hauteur de 112 millions d'euros, par la RMN-GP, par emprunt, à hauteur de 150 millions d'euros et par une dotation exceptionnelle, via le PIA, à hauteur de 200 millions d'euros.
S'agissant de la RAP et de l'archéologie préventive, qui ont été évoquées par Mmes Férat et Monier, la réforme qui a mis fin à l'affectation de la taxe visait à résoudre des dysfonctionnements que vous aviez souvent relevés et auxquels les multiples réformes de la RAP menées depuis 2001 n'avaient pas permis de répondre.
Dans le PLF pour 2017, le principe demeure celui de la budgétisation, 119 millions d'euros sont inscrits sur le programme « Patrimoines », tandis que les recettes de la RAP sont versées au budget général. Les diagnostics de l'INRAP bénéficieront de 72 millions d'euros et les dotations en fonds propres de l'Institut s'élèveront à 1,6 million d'euros. La dotation de l'INRAP sera complétée par la mise en place d'une subvention pour charges de service public, à hauteur - inchangée - de 7,5 millions d'euros.
La loi de finances initiale pour 2016 a entériné un changement des modalités de financement public, avec cette budgétisation et la répartition suivante : sur 119 millions d'euros, 72 millions d'euros sont affectés aux diagnostics, 35,4 millions au FNAP, 10 millions d'euros au financement des diagnostics des collectivités territoriales et 1,6 million d'euros aux dotations en fonds propres de l'INRAP.
Le montant ventilé pour les diagnostics des collectivités territoriales est issu d'échanges avec l'ANACT, l'Association nationale pour l'archéologie de collectivité territoriale. Il a reçu l'avis favorable du Conseil national d'évaluation des normes le 8 septembre dernier et du Comité des finances locales le 27 septembre dernier. Il a été doublé par rapport à l'année précédente.
J'en viens à l'éducation artistique et culturelle, qui fait partie de nos grandes priorités. Je rappelle que la charte pour l'éducation artistique et culturelle, ou charte EAC, a été élaborée par le Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle. Un plan d'action a été signé par Najat Vallaud-Belkacem et par moi-même cet été à Avignon. Les projets EAC sont définis selon trois principes : la rencontre avec l'artiste, la connaissance des arts et la pratique artistique. Pour la première fois, on reconnaît la doctrine de l'éducation par l'art.
S'agissant des coopérations avec le ministère de l'éducation nationale, sachez que la députée Sandrine Doucet a été chargée d'une mission visant à repérer l'ensemble des bonnes pratiques en la matière. Son rapport doit nous être remis d'ici aux prochaines semaines.
L'opération « Création en cours », commune au ministère de la culture et au ministère de l'éducation nationale, vise à installer de jeunes artistes auprès d'enfants scolarisés en CM1, en CM2 ou en sixième, dans des territoires où l'offre d'éducation artistique et culturelle est insuffisante. Nous avons lancé un appel à candidatures pour une centaine d'écoles et de collèges - une sera retenue dans chaque département -, en impliquant une centaine d'écoles supérieures qui interviennent sur la formation artistique et qui dépendent du ministère de la culture : la Fémis, les écoles d'art, les écoles d'architecture, les écoles nationales supérieures de théâtre, de marionnettes, de photos, les conservatoires. Les résidences dureront vingt jours au minimum et permettront un véritable dialogue entre les jeunes artistes, les élèves, les familles, les enseignants et l'ensemble de la communauté scolaire, au plus près de la création. Cette opération, financée sur les crédits du ministère de la culture, à hauteur de 1,75 million d'euros, débutera en janvier 2017. Pour l'année scolaire 2017-2018, 2 millions d'euros seront mobilisés.
Le statut des professeurs dans les conservatoires est un sujet de préoccupation ancien. L'organisation des concours ne relève pas du ministère de la culture, ni même de l'État. Elle est la prérogative du Centre national de la fonction publique territoriale. La révision des critères de classement des conservatoires et, dans le même temps, des schémas nationaux d'orientation pédagogique qui sont prévus par la loi LCAP devraient nous permettre de mieux cerner le niveau de qualification attendu pour ces professeurs et encourager l'ouverture de concours.
Pour ce qui concerne l'aménagement du territoire et le déploiement de ces moyens nouveaux, l'augmentation des moyens des DRAC est supérieure au taux directeur des moyens du ministère. Même si la directive nationale d'orientation 2016-2017 avait été établie avant que je ne prenne mes fonctions, des orientations très claires sont fixées aux DRAC, par écrit et par oral, leur demandant, pour chaque opération nouvelle et pour chaque euro nouveau déconcentré, de concentrer leur action là où l'offre est insuffisante, à savoir généralement dans les territoires ruraux et périurbains et les quartiers prioritaires. Nous le faisons systématiquement, pour toutes les opérations que nous lançons.
Les scènes de musiques actuelles sont essentielles à l'émergence des jeunes artistes, à la diffusion et à la création. Aujourd'hui, le réseau compte 97 structures. Il a bénéficié de 2 millions d'euros de mesures nouvelles pour achever le plan de développement lancé en 2011. L'effort total de l'État s'élève à près de 12 millions d'euros, dont 4 millions issus de la période 2011-2016. En 2017, ce plan sera parachevé avec quelques moyens complémentaires alloués, notamment, aux SMAC situés en milieu rural, en particulier en Haute-Saône et en Picardie.
La billetterie, activité de plus en plus concentrée sur deux ou trois grands groupes, et sur la participation des recettes qui en sont issues aux mécanismes généraux de péréquation ou de solidarité du secteur, constitue une vraie préoccupation. J'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer avec certains organismes de solidarité sectorielle, comme l'ASTP, l'Association pour le soutien du théâtre privé, ou le CNV. J'ai demandé à la direction générale des médias et des industries culturelles et à la direction générale de la création artistique d'y travailler. Il ne faudrait pas, en effet, qu'émerge un point de fuite, dommageable stratégiquement à la fois pour ces organismes de solidarité sectorielle et pour les sujets relatifs à la TVA. Nous y serons très attentifs. Il faudra peut-être s'inspirer de notre expérience dans le domaine du cinéma, pour lequel nous avions pris des mesures spécifiques avec Bercy.
Madame Robert, nous allons proposer la mise en place d'un label national pour la marionnette en 2017 et une augmentation des moyens consacrés à cette discipline.
Le projet de la Cité du théâtre a été présenté récemment au Président de la République. Ce projet doit prendre place aux ateliers Berthier, dans le nord-ouest de Paris, dans le quartier en complète rénovation des Batignolles, véritable « champ de grues ». Les ateliers Berthier sont des ateliers historiques, ceux de l'Opéra national de Paris, servant à la fabrication des décors et d'une partie des costumes. Une salle du théâtre de l'Odéon y est installée depuis déjà un certain temps.
L'idée est de consolider l'implantation, sur place, de l'Odéon, pour l'heure assez inconfortablement installé, d'y faire venir la Comédie-Française, qui, depuis plus de cinquante ans, réclame une salle plus moderne pour faire entrer dans son répertoire des esthétiques contemporaines, ce qu'elle fait déjà dans ses emprises actuelles, mais de façon moins adaptée, et de pouvoir loger, parce que le projet porte aussi sur la transmission, le Conservatoire national supérieur d'art dramatique, qui pourrait ainsi quitter les locaux de formation quasi insalubres qu'il occupe actuellement - il garderait, en revanche, son petit théâtre. Ce bel ensemble réunirait donc l'Odéon, la Comédie-Française, le Conservatoire, de nouvelles esthétiques et une mission de transmission tournée vers la jeunesse, le tout dans un quartier en pleine mutation.
Cela implique aussi d'investir pour l'Opéra national, dans une partie de l'Opéra Bastille qui n'était pas complètement achevée, pour permettre que ce qui se faisait à Berthier se fasse aussi à Bastille, tout en offrant à l'Opéra national de nouvelles possibilités pour présenter de petites formes dans une salle adaptée et un espace dédié pour l'éducation artistique et culturelle.
Je terminerai en évoquant le bureau export de la musique française. Nous attachons une grande importance au rayonnement que peut apporter la musique, à travers l'export. Vous avez peut-être vu, récemment, Christine and the Queens à la une d'un grand magazine américain. Certains de nos artistes connaissent véritablement de très grands succès à l'étranger, raison pour laquelle nous avons très sensiblement renforcé notre effort en faveur du bureau export. Les crédits budgétaires ont déjà été augmentés de 500 000 euros en 2016. Nous amplifions cet effort en 2017, avec 125 000 euros supplémentaires, portant la subvention à 1,3 million d'euros. Si cet effort se poursuit en 2018, ce que j'espère, les moyens alloués à cette politique de rayonnement culturel majeure auront donc doublé en trois ans.
La comparaison avec le cinéma est parfois faussée, notamment parce que la politique du cinéma est financée par des taxes parafiscales. Les ordres de grandeur ne sont pas les mêmes. Ces taxes sont bien moins importantes dans la musique. Cela dit, le secteur est conscient des efforts budgétaires réalisés, qu'il veut d'ailleurs lui-même contribuer à consolider, en apportant une contribution professionnelle supplémentaire.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - La semaine prochaine, nous rencontrerons Mme Jacqueline Eidelman, chargée d'une mission sur les musées du XXIe siècle. Nous pourrons évoquer avec elle un certain nombre de sujets.
Nous passons à l'examen de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Mme Audrey Azoulay, ministre. - Concernant la mission « Médias, livre et industries culturelles », il vous est proposé de la doter de 573 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 571 millions d'euros en crédits de paiement, hors compte de concours financier pour l'audiovisuel public, qui, lui, bénéficiera de 3,93 milliards d'euros. Ce montant est resté inchangé à l'issue de la discussion de la première partie du PLF à l'Assemblée nationale, mais la répartition entre la contribution à l'audiovisuel public et la taxe sur les opérateurs de communications électroniques a été modifiée par rapport à la proposition du Gouvernement.
S'agissant de l'audiovisuel public, plusieurs réformes ont été faites durant ce mandat en faveur d'une plus grande indépendance du secteur : la réforme des modes de nomination des patrons des chaînes en 2013, la réforme du financement de l'audiovisuel public uniquement par impôts d'État et par une taxe en partie affectée, et non plus par crédits budgétaires de l'État.
Le projet de budget pour 2017 prévoit des moyens importants pour l'audiovisuel public, dont nous croyons qu'il a un rôle majeur à jouer en matière d'information, de création et, plus généralement, de cohésion sociale pour surmonter la crise que traverse aujourd'hui notre société.
Les 63 millions d'euros supplémentaires dédiés à l'audiovisuel public par rapport à l'année précédente permettront le respect des contrats d'objectifs et de moyens de l'Institut national de l'audiovisuel et de Radio France, le financement des contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions, Arte et France Médias Monde et du projet de plan stratégique de TV5 Monde. Ils permettront également de financer un plan d'investissement sans précédent dans la création audiovisuelle par France Télévisions et Arte, à hauteur de 30 millions d'euros, et le lancement, prévu dans l'année, de France 24 en espagnol par France Médias Monde, ainsi que celui, déjà effectué, d'une nouvelle offre d'information en continu pour un coût additionnel, en sus des moyens mis en commun, de l'ordre de 14 millions à 15 millions d'euros. Ces crédits financeront enfin la poursuite des travaux de la maison de la radio, afin que ces investissements ne pèsent ni sur le budget de fonctionnement de Radio France ni sur l'offre publique radiophonique.
L'évolution du nombre de foyers redevables de la CAP, la contribution à l'audiovisuel public, permet une évolution spontanée de 13 millions d'euros, et l'indexation de la contribution sur l'inflation s'élève à 25 millions d'euros, soit une hausse globale de 38 millions d'euros. Le Gouvernement a considéré que c'était le meilleur moyen d'assurer un financement pérenne et indépendant des besoins de ces organismes en 2017. La proposition initiale, qui consistait à relever la CAP de 1 euro en sus de l'actualisation sur l'inflation, n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale.
S'agissant des crédits budgétaires de la mission « Médias, livre et industries culturelles », je citerai d'abord notre action en faveur du livre, qui s'appuiera en 2017 sur un budget de 260 millions d'euros en crédits de paiement. Beaucoup a été fait dans le domaine du livre depuis 2012. Je pense au plan d'aide aux librairies indépendantes, à l'opération destinée à la lecture pour la jeunesse - initiée l'an dernier, celle-ci a profité cette année à 500 000 enfants -, aux contrats territoires-lecture, qui seront près de 150 en 2017, soit 25 supplémentaires. Nous allons aussi aider pour la première fois les bibliothèques à élargir leurs horaires d'ouverture et donner des moyens supplémentaires à la Bibliothèque nationale de France, qui voit ses emplois stabilisés et sa dotation augmentée.
Dans le secteur du jeu vidéo, nous dépensons chaque année plus de 34 millions d'euros. Certains veulent aller plus loin. Il est vrai que cette industrie, qui a une dimension culturelle créative importante, est source de fortes synergies avec d'autres secteurs de la création audiovisuelle.
Dans le secteur de la musique, je rappellerai la création d'un fonds de soutien à l'innovation et à la transition numérique doté de 2 millions d'euros, la mise en place de l'Observatoire de l'économie de la musique pour 0,3 million d'euros et le renforcement du bureau export de la musique.
Pour les médias, deux fonds ont été créés en 2016 : le Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse, pour 4 millions d'euros, et le Fonds aux médias d'information sociale de proximité, pour 1,6 million d'euros. Les autres aides qui bénéficient d'une hausse dans ce budget sont l'aide au pluralisme de la presse locale et le Fonds stratégique pour le développement de la presse.
Vous citez une mesure importante concernant les diffuseurs et les marchands de journaux. Une mesure importante proposée pour 2017 et très attendue par la profession est l'exonération systématique de contribution économique territoriale pour tous les marchands de journaux indépendants, les kiosquiers. Un amendement gouvernemental sera déposé en ce sens au PLF 2017 dans le cadre des articles non rattachés.
Je sais que vous êtes aussi très attentifs aux radios associatives. Nous allons revaloriser leur budget de façon très significative, puisque le budget du Fonds de soutien à l'expression radiophonique sera augmenté de 6 %. Cela répond à une demande très ancienne, au sujet de laquelle vous m'avez beaucoup sollicitée.
Je voudrais également attirer votre attention sur l'AFP, qui est notre championne mondiale en matière d'agence d'information. L'État continue de la soutenir activement, avec plus de 10 millions d'euros supplémentaires entre 2016 et 2017.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis. - Madame la ministre, je crains de ne pas partager votre optimisme sur le financement de l'audiovisuel public, particulièrement pour France Télévisions.
Lors de son audition sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens, la présidente de France Télévisions a reconnu que l'État allait se retrouver « face à une falaise » concernant le rendement de la CAP du fait de l'absence de réforme. Quelle est, dans ces conditions, la confiance que l'on peut accorder à un contrat d'objectifs et de moyens sur cinq ans, si les ressources de l'audiovisuel public ne sont pas garanties ? Pourquoi avoir encore une fois renoncé à réformer la CAP ?
La Cour des comptes a mis en évidence des excès dans les rémunérations de certains personnels de France Télévisions, qui cumulent à la fois des salaires élevés et des rémunérations complémentaires avec des contrats d'usage. Comment réagissez-vous à ces révélations ? Quelle réponse envisagez-vous d'y apporter ?
Un an après la grande grève, la situation de Radio France semble fragile, avec des réformes repoussées, comme celle des orchestres ou des rédactions, et des déficits persistants. Quelle est exactement la situation financière de Radio France aujourd'hui ? Les foyers de dépenses sont-ils aujourd'hui maîtrisés ou bien craignez-vous une dégradation des comptes dans les mois qui viennent ?
Ma dernière question concerne la radio numérique terrestre. Le CSA a engagé un nouveau programme de déploiement sur les régions de Lille, Lyon et Strasbourg, permettant un franchissement du seuil des 20 % de couverture de la population française. Il semble que le Gouvernement n'ait pas encore fait connaître sa position quant à la présence des radios du service public sur ces trois zones. Qu'en est-il exactement ?
Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel extérieur ». - Le budget de France Médias Monde est en augmentation cette année, et l'on ne peut que s'en réjouir. Le COM prévoit le maintien, voire une légère augmentation annuelle des moyens jusqu'en 2020, mais nous verrons comment cela se passe.
J'ai auditionné hier une partie des syndicats de France Médias Monde. Permettez-moi de me faire le relais de certaines de leurs préoccupations. Ils s'interrogent sur le projet stratégique à long terme. En effet, la télévision est budgétivore, et les besoins de France 24 sont réels. Mais, parallèlement, le budget de RFI stagne dans le meilleur des cas, ce qui suscite l'inquiétude des salariés sur leur avenir et sur celui de leur radio. Pouvez-vous préciser les priorités de l'État pour le groupe audiovisuel extérieur ?
TV5 Monde panse encore ses plaies suite à l'attaque informatique de 2015. Est-ce que les leçons ont été tirées pour l'ensemble de l'audiovisuel public ? Pensez-vous que TV5 Monde va pouvoir reprendre sa marche en avant dans un contexte très concurrentiel ?
France 24 est partenaire de la nouvelle chaîne d'information, Franceinfo. Quel jugement portez-vous sur ce partenariat et sur les débuts de la chaîne ? Quels sont les apports de France Médias Monde à ce projet ? L'équilibre entre les différents médias ne devra-t-il pas être revu à terme ?
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits « Livre et industries culturelles ». - Madame ministre, je vous remercie pour la progression et la stabilisation de certaines lignes budgétaires. Je voudrais toutefois attirer votre attention sur deux points.
Lors des auditions que j'ai menées, j'ai pu constater la baisse des taxes que perçoit le Centre national du livre. Selon les conclusions de la mission confiée à l'Inspection générale des affaires culturelles sur les causes de l'érosion du rendement des taxes qui lui sont affectées, il apparaît que, pour ce qui concerne la taxe sur les appareils de reprographie, la poursuite de cette attrition serait inexorable, les photocopieurs étant replacés par des sociétés de services.
Or il y a de nombreuses répercussions sur les actions qui sont menées par le CNL, notamment le soutien à la librairie, la politique territoriale, les salons, les festivals, et certains projets peuvent être remis en question. Dès lors, quelles sont les pistes envisagées pour lui donner les moyens de mener à bien ses missions à l'avenir ? D'autres sources de financement seront-elles mobilisées ?
Comme l'an passé, le présent projet de loi de finances dote la HADOPI de moyens suffisants à la mise en oeuvre de ses missions. Ce budget stabilisé permet d'en assurer le fonctionnement mais pas au-delà. Or le piratage continue de priver les auteurs de la rémunération qui leur est due. Par ailleurs, il est possible que les modalités de piratage évoluent à moyen terme et que certaines missions deviennent obsolètes. Est-il envisagé de maintenir la HADOPI à ce niveau d'action ou, au contraire, d'en élargir le champ de compétence à de nouveaux modes de piratage afin de la rendre plus efficace ?
M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits « Presse ». - À l'occasion des auditions préparatoires au présent projet de loi de finances, plusieurs de mes interlocuteurs m'ont fait part de leurs craintes s'agissant de la poursuite de la mutualisation des moyens entre messageries de presse, à la suite du changement de gouvernance opéré au sein des Messageries lyonnaises de presse. Si cet obstacle venait à se confirmer, des mesures seront-elles prises pour obliger les messageries à tenir leurs engagements ? La fusion des deux entités pourrait-elle alors être envisagée ?
Malgré une augmentation de 5 millions d'euros de sa dotation en 2017, l'Agence France-Presse demeure dans une situation financière inquiétante, marquée par la faiblesse de ses résultats commerciaux et par un niveau d'endettement élevé. Comment l'État pourrait-il envisager de sortir l'Agence de ce mauvais pas sans contrevenir à la réglementation européenne ?
M. Michel Savin. - Je souhaite obtenir une précision et une confirmation : de quel montant sera l'effort consenti en faveur des SMAC, et cet effort sera-t-il bien ciblé sur le monde rural ?
Mme Marie-Christine Blandin. - Nous nous félicitons de la remontée des crédits du Fonds de soutien à l'expression radiophonique.
Par ailleurs, nous voulons insister sur l'éducation aux médias, vers laquelle il est important de flécher des crédits.
S'agissant enfin du Grand Palais, notre commission restera vigilante pour que la culture scientifique ne soit pas rognée par les prestations internes à cette entité.
Mme Maryvonne Blondin. - L'Observatoire de l'économie de la musique doit être mis en place au début de l'année prochaine. Quels seront ses moyens, notamment en matière de personnel ?
J'aimerais aussi savoir s'il y a une différence entre les pactes culturels et les contrats de développement culturel. Les régions peuvent-elles être associées aux seconds ? Comme elles ont maintenant la main sur les fonds européens, elles pourraient peut-être aider les autres collectivités territoriales à élaborer des projets artistiques favorisant la vie culturelle dans les zones un peu abandonnées sur ce plan.
Mme Vivette Lopez. - Madame la ministre, vous avez annoncé votre intention d'aider à l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques. Quelle forme prendra cette aide ? Des plages d'ouverture plus larges supposent une augmentation du temps de travail des bibliothécaires ou des embauches. Aiderez-vous les communes à financer les heures supplémentaires ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. - En ce qui concerne la contribution à l'audiovisuel public, les prévisions de Bercy font toujours apparaître un dynamisme spontané, lié à l'augmentation du nombre de foyers détenteurs d'un poste de télévision, mais qui diminue continûment. Nous ne sommes donc pas en retard, mais nous finirons par l'être si nous ne faisons pas cette réforme, que nos grands voisins européens ont déjà faite. Mon ministère la prépare avec le concours de Bercy, pour que l'administration soit parfaitement prête le jour où la décision sera prise par la représentation nationale et le Gouvernement.
S'agissant de Radio France, la dernière prévision de résultat net transmise par la société pour 2016 est légèrement meilleure que prévu : 13 millions d'euros de déficit, soit 3 millions d'euros de moins qu'envisagé. On est donc sur le chemin du retour à l'équilibre des comptes, prévu pour 2018 par le contrat d'objectifs et de moyens 2015-2019. L'effort est partagé entre l'État et Radio France. De son côté, le Gouvernement a tenu et tiendra ses engagements : une dotation exceptionnelle de 80 millions d'euros sera allouée à la société entre 2016 et 2018, et la nouvelle offre d'information à laquelle contribue Radio France sera accompagnée à hauteur de 500 000 euros. Du sien, Radio France doit mener un certain nombre de réformes ; nous y serons attentifs, car elles sont nécessaires pour aller au bout du chemin.
Plusieurs rapports ont souligné le coût élevé de la généralisation de la radio numérique terrestre, notamment pour les éditeurs. S'agissant du service public, le contrat d'objectifs et de moyens signé en mars dernier prévoit la possible diffusion en RNT des services musicaux de France Musique, Mouv' et FIP dans les zones où ils ne sont pas disponibles en FM. Une demande de réservation de fréquences pourrait donc être envisagée dans le cadre des appels lancés par le CSA à Strasbourg, Lille et Lyon, si un déficit était avéré dans ces zones-là.
Les priorités de France Médias Monde sont clairement fixées dans le contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020 : lancement de l'offre de France 24 en espagnol, présence de cette chaîne dans l'ensemble de ses zones de diffusion avec le passage en TNT en Afrique et la migration en HD en Asie, en Amérique et en Europe, effort de communication pour accroître la notoriété des marques du groupe, enrichissement des offres numériques et renforcement de la sécurité des emprises et du système d'information.
Grâce à l'accord conclu en 2015, qui a conduit à une hausse des salaires des personnels et à une adaptation de leur temps de travail à celui des personnels de France 24, la situation de RFI me paraît maintenant stabilisée.
À la suite de la cyberattaque subie par TV5 Monde le 8 avril 2015, le premier acte de cybersabotage de cette ampleur commis sur le sol français, le Gouvernement a réuni l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information et l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel et de la presse pour partager avec eux ses informations. Un comité stratégique de l'audiovisuel public s'est réuni le 21 octobre dernier pour, notamment, réfléchir à des projets de cybersécurité. Compte tenu des coûts additionnels de 4,4 millions d'euros supportés par TV5 Monde, auxquels s'ajoutent des pertes de recettes sur le numérique, nous et d'autres gouvernements bailleurs de fonds avons débloqué des financements exceptionnels à hauteur de 2 millions d'euros. Par ailleurs, la France a augmenté sa dotation pérenne à TV5 Monde de 0,7 million d'euros en 2016.
Les signes d'érosion des taxes affectées au Conseil national du livre sont, en effet, une vraie préoccupation. Une mission a été confiée, en 2015, à l'Inspection générale des affaires culturelles pour en comprendre l'origine. La loi de finances rectificative pour 2015 a étendu le champ d'application de la taxe sur l'édition des ouvrages numériques, mais cette mesure n'a pas suffi à compenser l'érosion constatée. Je vais confier à deux experts de l'Inspection générale des affaires culturelles et du Conseil d'État un travail d'examen plus structurel sur l'assiette pertinente pour retrouver un niveau de recettes suffisant.
Les moyens supplémentaires alloués à la HADOPI dans le projet de loi de finances pour 2017 visent principalement à répondre aux demandes d'indemnisation des fournisseurs d'accès à internet et non à revenir sur le débat relatif à ses missions. Parallèlement à l'action de la HADOPI, nous avons pris des mesures énergiques contre ceux qui tirent un profit commercial du piratage, en suivant l'approche dite follow the money - si vous m'autorisez cet anglicisme.
Au sein des Messageries lyonnaises de presse, un changement de gouvernance est en effet intervenu avant l'été. Une nouvelle équipe se met en place. L'État est vigilant sur ces évolutions et le commissaire du Gouvernement auprès du CSMP, le Conseil supérieur des messageries de presse, rappelle, lorsque cela est nécessaire, la nécessité de préserver les équilibres de la loi Bichet.
Il est dans l'intérêt des Messageries lyonnaises de presse et de Presstalis de mener à terme les réformes structurelles qu'elles ont entreprises, sous l'égide du CSMP et dans un dialogue constructif avec l'État. Les deux messageries ont, je crois, conscience de partager un intérêt commun, ce qui a déjà permis de réaliser des réformes importantes : le nouveau schéma directeur de niveau 2 et le décroisement des flux logistiques.
En ce qui concerne les conséquences de la réforme des annonces judiciaires et légales de 2015 sur certaines publications à faible diffusion, je confirme que le titre La Semaine ne peut plus bénéficier de la publication des annonces judiciaires et légales ; ce changement s'impose à nous, et c'est plutôt la circulaire qui n'était pas adaptée. Nous n'avons pas été saisis d'autres cas où la question se poserait. Je vous promets de vous faire parvenir dans la semaine la réponse écrite que je vous dois.
Quant à l'Observatoire de l'économie de la musique, le décret précisant ses missions, sa gouvernance et son fonctionnement fait actuellement l'objet d'une consultation publique, qui s'achèvera le 10 novembre. Il sera publié d'ici à la fin de l'année, pour que l'observatoire puisse être effectif au 1er janvier 2017. Cette instance sera abritée par le CNV mais aura une gouvernance propre. L'engagement de l'État aux côtés des professionnels participant à l'observatoire se traduit dans le projet de loi de finances pour 2017 par l'attribution au CNV de 300 000 euros supplémentaires, destinés à financer les études de la future instance. Le transfert de moyens humains et financiers hébergés à la Cité de la musique-Philharmonie de Paris est également prévu.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Qu'en est-il des SMAC ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. - L'effort, de 500 000 euros, bénéficiera prioritairement, mais pas exclusivement, au monde rural.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Compte tenu de la gravité du phénomène de radicalisation, nous devrions sérieusement réfléchir à étendre la zone de diffusion de la chaîne Monte Carlo Doualiya, qui porte un autre regard sur le monde en langue arabe.
Mme Sylvie Robert. - Nous sommes préoccupés par la situation d'i-Télé, d'autant plus qu'elle se prolonge. Il faut mesurer l'inquiétude psychologique et morale, voire la détresse, des journalistes. Ceux-ci ont été reçus par la ministre du travail. Où en êtes-vous vous-même, madame la ministre, et y a-t-il une issue à cette situation triste et extrêmement préoccupante ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Sylvie Robert exprime une préoccupation partagée par nombre d'entre nous. Après avoir reçu les représentants des journalistes et m'être entretenue avec la direction de la chaîne, j'ai appelé le CSA à assumer toute sa responsabilité, ce qu'il a fait en lançant ses mises en demeure. Les difficultés sont liées aussi à une inquiétude sur l'avenir éditorial d'i-Télé : restera-t-elle une chaîne d'information avec un degré d'exigence et de qualité élevé ? Quelle est votre position sur la situation, madame la ministre, et quels ont été les résultats de l'entretien des représentants des journalistes avec Mme El Khomri ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. - Nous sommes nous aussi très préoccupés par la situation. La grève dure depuis trop longtemps : nous risquons de battre mardi prochain le record de la plus longue grève dans l'audiovisuel depuis la fin de l'ORTF !
Les questions soulevées par ce conflit ont été abordées de façon plus générale au moment de l'examen de la proposition de loi de Patrick Bloche visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias. Les équipes d'i-Télé s'inquiètent à juste titre pour leur indépendance et pour l'éthique de l'information, qui doit être protégée vis-à-vis des intérêts des actionnaires comme de ceux des annonceurs. Cette question intéresse le législateur comme le Gouvernement. Quant au CSA, il a joué son rôle de façon claire pour faire respecter la convention en vertu de laquelle i-Télé a obtenu une fréquence.
Des problèmes de droit du travail se posent également. C'est pourquoi Myriam El Khomri a ouvert sa porte aux équipes d'i-Télé, mais aussi à la direction, qui n'a pas encore répondu.
Pour sa part, le ministère de la culture a donné du temps au dialogue. Nous avons reçu les équipes et la direction, laquelle a pris devant moi des engagements destinés à assurer l'indépendance des rédactions, mais qui n'ont pas abouti. Parier sur l'épuisement des journalistes, qui commence à être réel, n'est ni digne ni responsable de la part d'un groupe comme Canal+.
Nous restons très vigilants et nous attendons de la direction, dans les jours qui viennent, des gestes en faveur de l'indépendance des rédactions.
La réunion est close à 18 h 35.