Mercredi 21 septembre 2016
- Présidence de M. Jacques Legendre, président -La réunion est ouverte à 14 h 35
Audition de Mme Dorothée Schmid, directrice du programme « Turquie contemporaine » à l'IFRI
M. Jacques Legendre, président. - Mes chers collègues, je suis heureux d'accueillir Mme Dorothée Schmid, directrice du programme « Turquie contemporaine » à l'Institut français des relations internationales, l'IFRI.
Si nos travaux touchent à leur fin, il semblait utile que nous bénéficiions, avant de les conclure, d'une analyse géostratégique de la situation en Turquie après les événements qui se sont produits cet été - la tentative de coup d'État et les purges massives qui ont suivi, l'opération « Bouclier de l'Euphrate » engagée par la Turquie en Syrie - et d'apprécier ses éventuelles conséquences sur l'accord passé entre l'Union européenne et la Turquie au sujet des réfugiés et des migrants.
Madame Schmid, vous avez la parole pour une dizaine de minutes, puis nous procéderons à un échange sous forme de questions-réponses.
Mme Dorothée Schmid, directrice du programme « Turquie contemporaine » à l'Institut français des relations internationales. - Je suis assez réticente à intervenir sur l'accord entre l'Union européenne et la Turquie, car ce sujet n'est pas ma spécialité. Je comprends bien néanmoins qu'une analyse du contexte actuel soit nécessaire. Il faut en effet aujourd'hui prendre en compte la nouvelle psychologie des dirigeants turcs.
J'évoquerai trois points : le coup d'État, ses conséquences sur la politique intérieure turque, ses conséquences pour l'extérieur.
Le coup d'État manqué donne lieu à des interprétations complotistes. Mais il a bien eu lieu, fomenté par une faction minoritaire et mal préparée de l'armée, et son échec ne tient peut-être pas à grand-chose. On ne saura pas avant longtemps ce qui s'est réellement passé. Le discours officiel impute le coup d'État aux gülénistes qui représentent un danger grave pour la Turquie. Pour ma part, je pensais que la lutte contre les gülénistes avait été menée à son terme en Turquie, puisqu'elle a commencé fin 2013.
En fait, ce coup d'Etat démontre que la Turquie est un État instable. Auparavant, il existait deux menaces pour le pays : Daech - malgré le flou qui caractérise les activités de Daech en Turquie - et la question kurde, réactivée depuis un an, avec la reprise des attaques du PKK contre les forces de sécurité. On se pose désormais des questions sur la stratégie d'action du PKK, qui commence à s'en prendre à des hommes politiques turcs (AKP, CHP), au-delà des forces de sécurité. Un cap est en train d'être franchi dans les rapports entre les communautés turque et kurde et, à mon sens, le risque de guerre civile devient réel. Gülen fait désormais figure de troisième menace, le président turc mettant ces trois dangers, pourtant de nature fort différente, sur un même plan. La conséquence en est que la situation des libertés publiques s'aggrave rapidement. La propagande officielle célèbre les victimes du coup d'Etat et met en scène leur martyre. Quiconque aujourd'hui a un lien, même très ténu, avec les gülénistes, peut avoir des problèmes. De façon plus large, tous les fonctionnaires de l'Etat sont désormais sous surveillance, et c'est également valable pour les universitaires, qui ont été interdits de sortie du territoire cet été. Des pressions fortes s'exercent à l'égard des voix dissidentes. Les gülénistes demandent eux aussi discrètement de l'aide. Je suis pessimiste sur l'évolution de la situation intérieure, entre la dégradation sécuritaire et le verrouillage complet de l'opinion : c'est l'état de droit qui est en cause.
Sur le plan diplomatique, la réconciliation avec Israël et la Russie avait déjà été scellée avant le coup d'État, dans l'optique de réparer les erreurs imputées à la politique extérieure menée par Ahmet Davutoglu. Depuis le coup d'Etat, les relations avec les pays occidentaux -et en particulier, les Etats-Unis- se caractérisent par un extrême malaise, la Turquie leur reprochant d'avoir manifesté trop tard leur solidarité avec le régime. Du point de vue européen, la démarche de Martin Schultz a permis un certain apaisement. Il faut souligner, à cet égard, que l'Allemagne compte un nombre important de migrants d'origine turque et que la situation en Turquie a des implications précises pour elle en termes de politique intérieure. Il faudra être attentif aux demandes d'extradition par les autorités turques de personnes qui seraient considérées comme liées à la tentative de coup d'État. Cette problématique concernera par exemple directement la Grèce, puisque des mutins y ont trouvé refuge. Or, il n'y a pas eu de concertation au sein de l'Union européenne sur ces questions. On peut s'attendre à de nouvelles crises diplomatiques à ce sujet dans les mois à venir.
Ce qui me frappe à propos de la mise en oeuvre de l'accord, c'est que la Turquie ne cesse de changer de discours. Par ailleurs, la question de la loi anti-terroriste reste plus que jamais un point de blocage, dans un contexte de resserrement sécuritaire en Turquie.
Concernant l'intervention turque en Syrie, on peut se demander si elle a vraiment été concertée avec les autres acteurs de cette crise. C'est un sujet d'inquiétude. Vladimir Poutine manifeste, à cet égard, une certaine impatience à l'égard de la présence turque en Syrie.
J'ai récemment entendu une universitaire turque plaider pour une solidarité militaire française à l'égard de l'intervention turque en Syrie, pour compenser le fait que la France n'avait pas soutenu suffisamment le gouvernement dans la période post-coup d'État. Une certaine grogne s'exprime aussi vis-à-vis des réformes demandées par l'Union européenne dans le cadre du processus d'adhésion.
Une période de crispation était inévitable après les événements du 15 juillet. Le président Erdogan se montre depuis 2015 prêt à tout pour conserver un pouvoir absolu en Turquie. Dans un sens, la campagne anti-Gülen offre un dérivatif à une violence qui aurait pu se déchaîner d'une autre manière en Turquie. Nous sommes actuellement dans une période de « réglage » de la répression. Cela étant dit, il va être difficile de continuer à traiter avec la Turquie comme avant.
M. Michel Billout, rapporteur. - Peut-on s'attendre à une nouvelle politique turque à l'égard des réfugiés ? Par ailleurs, on constate que la répression va bien au-delà des gülenistes et touche aussi le mouvement pro-kurde comme le montre la destitution récente de 29 maires dont 26 maires kurdes, issus, pour une grande part, des régions du sud-est de la Turquie. Quelle est la situation des Kurdes dans le sud-est de la Turquie ?
Mme Dorothée Schmid. - Dans le dossier des réfugiés, le Gouvernement turc n'a pas de stratégie, il a juste laissé faire. Il s'agissait au départ d'un accueil bienveillant. Lorsqu'on discute du cas des Syriens, les autorités turques mettent surtout en avant la gestion remarquable des camps, mais qui ne concernent qu'une minorité des réfugiés. Il semble en revanche qu'elles aient peu de prise sur les autres, ceux qui sont dans les villes et qui se déplacent sur le territoire, malgré les tentatives de les fixer. Depuis le début de l'année, on commence à parler de la nécessité d'une politique d'intégration, il y a comme une volonté de trouver une issue par le haut à cette question. L'idée de leur octroyer la nationalité turque fait partie de cette tactique. Mais elle a été plutôt mal reçue par l'opinion publique. En tous cas, la prise de conscience des enjeux de ce dossier est tardive.
En ce qui concerne leur intégration économique, très peu de permis de travail ont été délivrés jusqu'ici (quelques milliers). Leur délivrance implique des contraintes fortes pour les entreprises turques. Elles sont donc réticentes, car il est plus intéressant pour elles de ne pas légaliser les travailleurs syriens. L'apport de la main d'oeuvre syrienne à l'économie turque dans le secteur informel est très important (le secteur textile compte par exemple deux tiers d'emplois clandestins, incluant une part importante d'enfants réfugiés).
La normalisation du dossier des réfugiés implique de la part de la Turquie qu'elle gère sa frontière avec la Syrie. C'est aussi pour s'assurer le contrôle d'une zone où elle pourra maintenir voire renvoyer des réfugiés syriens qu'elle est intervenue dans ce pays.
Jusqu'à présent, la population a fait preuve d'une grande tolérance à l'égard des réfugiés, mais à terme, il n'est pas certain que cette question ne finisse pas par lasser l'électorat de Tayyip Erdogan.
Concernant les Kurdes, la situation est catastrophique. On glisse très facilement de l'accusation de terrorisme à la neutralisation de toute voix dissidente. Le durcissement est très net depuis 2015, après ces élections législatives du mois de juin où le parti pro-kurde avait obtenu 13 % des voix. L'antagonisme turco-kurde devient très dur et produit un racisme réciproque. Le risque est que les Kurdes non politisés dérivent. La marginalisation du HDP, de plus en plus présenté par le régime comme une vitrine légale du PKK, me semble aller en ce sens.
M. Jean-Yves Leconte. - Je relève un décalage entre l'image moderne que renvoie ce parti et sa base qui est celle du PKK. Pour quelles raisons l'ambassade de France a-t-elle fermé juste avant le coup d'État ?
Mme Dorothée Schmid. Il ne faut pas verser dans la théorie du complot. La France, comme d'autres pays, avait fermé son ambassade en raison des menaces de Daech. Quant au HDP, il est vrai qu'il est constitué pour une bonne partie de militants pro-autonomie, dans la mouvance large du PKK. Mais son positionnement politique est assez compliqué pour susciter l'intérêt. Ce parti évolue plus rapidement que les autres en Turquie : c'est le seul parti à tenir un discours audible et structuré sur les questions d'Etat de droit et des libertés publiques.
M. Jean-Yves Leconte. - Il semblerait que la Russie et l'Iran aient fourni à la Turquie des informations sur ce qui se tramait dans l'armée alors que les services occidentaux ne l'ont pas fait. Y-a-t-il un vrai changement d'orientation et un rapprochement de la Turquie avec ces pays ? Beaucoup estiment que la Turquie tire profit de l'accord passé avec l'UE sur le plan intérieur, en se donnant le beau rôle.
Mme Dorothée Schmid. Certes, le coup d'Etat a contribué à renforcer les liens de la Turquie avec la Russie et l'Iran. Néanmoins, la relation russo-turque n'est pas sans aspérités. L'intervention turque en Syrie embarrasse l'OTAN et aurait nécessité un peu de concertation en amont. Concernant les réfugiés, il faut admettre que depuis 2011, l'UE néglige les efforts réalisés par la Turquie en faveur des réfugiés. Leur présence sur le sol turc n'est pas forcément un atout car, pour l'heure, la situation économique turque n'est pas florissante. En outre, de même qu'il y a une fragmentation de la population syrienne, il y a une fragmentation de la population des réfugiés. La Turquie a fini par fermer sa frontière avec la Syrie, ne pouvant accueillir davantage de réfugiés. Je persiste à croire que les autorités turques connaissent très mal cette population. Cela pose un problème aussi en termes de sécurité, car parmi les Syriens se trouvent aussi des Kurdes et des radicaux islamistes.
M. Michel Billout, rapporteur. - On peut parler d'une réussite de l'accord en termes de flux. Quel peut être l'intérêt de la Turquie à le maintenir si l'UE, compte tenu des critères, ne peut lui donner satisfaction sur le plan des visas et de l'adhésion ?
Mme Dorothée Schmid. - On assiste à un retour en force de la rhétorique turque sur sa volonté d'adhésion et le traitement discriminatoire que l'UE lui infligerait ; mais en fait, la Turquie est soucieuse de ne pas infliger trop de dommage à sa relation avec l'UE. Concernant le tarissement des flux, je suis persuadée qu'a joué l'effet d'annonce de la fermeture de la route des Balkans, y compris sur les réfugiés se trouvant au Liban et en Jordanie. Si la Turquie concède en outre la nationalité turque aux réfugiés, les Syriens qui le peuvent resteront probablement en Turquie si les portes de l'Europe restent fermées.
M. Jacques Legendre. - Les réseaux de passeurs ont-ils vraiment été démantelés ou bénéficient-ils d'une certaine tolérance ?
Mme Dorothée Schmid. - Sur toute la frontière turco-syrienne, on sait que se développent des trafics divers, y compris humains. Il est évident que les réseaux de passeurs ont pu corrompre des officiels et bénéficier de complicités locales. Entre la Turquie et la Grèce, les mêmes opérateurs peuvent s'organiser : les passeurs sont syriens, mais aussi turcs pour la plupart.
M. Philippe Kaltenbach. - Les réfugiés forment une main-d'oeuvre pas chère pour la Turquie, y compris les enfants, mais constituent-ils également une réserve de voix pour Tayyip Erdogan ? Peut-on parler d'une démarche électoraliste ? Par ailleurs, la menace du président Erdogan de « rouvrir les vannes » vous semble-t-elle crédible ?
Mme Dorothée Schmid. - D'un point de vue économique, vous avez raison. On commence à peine à mesurer la contribution des réfugiés à l'économie turque. Ce pays a en effet, malgré un contexte difficile, marqué notamment par la guerre, une croissance supérieure aux prévisions. La présence des Syriens a des effets positifs dans la mesure où ils travaillent, y compris les enfants, avec des salaires inférieurs aux salaires turcs. Il y a aussi des Syriens qui ont délocalisé leur activité en Turquie dans le secteur informel. La volonté de compenser un manque de croissance peut effectivement induire de la tolérance vis-à-vis des réfugiés. Mais cette concurrence pourrait aussi alimenter une grogne anti-réfugiés, alors que jusqu'à présent, l'électorat de l'AKP -c'est-à-dire la classe moyenne des petits entrepreneurs- soutenait le discours d'accueil de Tayyip Erdogan. La présence de Daech est aussi liée à celle des réfugiés, notamment dans le sud-est. Sur le terrain, on relève des incidents de plus en plus fréquents liés à leur présence. On atteint désormais les limites de l'invisibilité des réfugiés syriens. Je suis inquiète de la manière dont leur intégration peut se faire, dans un pays où cohabitent déjà difficilement différents groupes de population. Certains soupçonnent en effet les autorités turques de tenter « d'arabiser » le sud-est du territoire, pour effectuer une sorte de rééquilibrage au détriment de la population kurde.
Audition M. Didier Billion, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques
M. Jacques Legendre, président. - Mes chers collègues, nous avons maintenant le plaisir d'accueillir M. Didier Billion, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques.
Comme je l'indiquais à notre précédent intervenant, notre mission rendra bientôt ses conclusions sur l'accord UE-Turquie, sujet sur lequel nous travaillons depuis le mois de mai dernier, et nous souhaiterions, avant cette échéance, recueillir votre analyse sur l'évolution récente de la Turquie - putsch manqué et reprise en main qui a suivi ou encore intervention turque en Syrie - et sur ses éventuelles conséquences pour l'accord migratoire passé entre l'Union européenne et la Turquie.
M. Didier Billion, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques. - Je vais vous exposer les différents aspects de la question très brièvement et peut-être, je vous prie de m'en excuser, un peu schématiquement. La situation induite par le coup d'État de juillet dernier a entraîné des réactions en chaîne dont nous ne maîtrisons pas encore l'ampleur. À mon sens, les conséquences politiques de ce coup d'État, heureusement avorté, s'apprécieront sur plusieurs années.
Avant toute chose, il faut souligner qu'il y a eu une véritable tentative de coup d'État. On peut considérer qu'il était mal préparé, que ceux qui en étaient à l'origine étaient des amateurs et qu'il a été réalisé par une coalition hétéroclite, mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une véritable tentative de coup d'État, dont l'expression la plus symbolique - je suppose que l'on y est forcément sensible dans une institution comme la vôtre - a été le bombardement du Parlement.
Cette tentative de coup d'État a démontré une nouvelle fois l'extraordinaire réactivité du président Recep Tayyip Erdogan, pour le meilleur et pour le pire, car, après une période très courte de flottement - on peut le comprendre, des avions militaires survolaient la capitale et Istanbul -, les mesures nécessaires ont été prises très rapidement. Cela s'est traduit par la sauvegarde de l'appareil d'État et par ce que l'on pourrait appeler un contre-coup d'État civil.
Je ne ferai pas un parallèle entre le coup d'État et ce contre-coup d'État civil ; toutefois, dans les mesures répressives qu'il a prises, le pouvoir en place a ratissé large. Les réseaux gülenistes étaient certes implantés dans l'appareil d'État, y compris au sein de l'institution militaire, mais parmi les personnes radiées de la fonction publique, arrêtées ou expulsées de leur entreprise, on peut considérer, si l'on admet que les réseaux gülenistes ne possèdent pas une structure centralisée, qu'il y a des personnes qui ont été, à un moment donné, en lien avec Hizmet, mais qui ne sont pour rien dans la tentative de coup d'État. Il y a donc en ce sens une pente dangereuse, cela est incontestable.
Toutefois, je ne pense pas que notre réaction ait été des plus appropriées. De mémoire, dans son premier communiqué après l'évènement, le ministre français des affaires étrangères condamnait la tentative de coup d'État, mais indiquait, dans le même temps, qu'il faudrait veiller à ce que les autorités turques n'en profitent pas pour restreindre trop les libertés publiques. Il ne s'agit pas de critiquer le ministre des affaires étrangères, mais d'avoir en tête les possibles réactions de la Turquie.
Voici donc la difficulté : nous ne pouvons rester indifférents aux mesures prises par le pouvoir turc, qui ont un caractère incontestablement liberticide, mais nous devons aussi nous centrer sur la question principale : avons-nous - en Union européenne, en France - les mêmes intérêts géopolitiques que la Turquie ? Avoir les mêmes intérêts géopolitiques fondamentaux n'implique pas d'être forcément toujours d'accord sur tout, mais la critique, que nous avons le droit voire parfois le devoir de formuler, ne doit pas aboutir à une condamnation permanente de la Turquie.
Par ailleurs, il faut saisir la période de tensions que traverse la Turquie, le thème de la guerre civile apparaît fréquemment dans la presse turque. Si c'est sans doute exagéré, il y a tout de même eu des moments de micro-guerres civiles, notamment au Sud-Est il y a environ un an.
Nous pouvons émettre des critiques sur la situation des droits de l'homme et de l'État de droit en Turquie, mais nous devons faire l'effort de replacer ces critiques dans le contexte turc, et de les mesurer en raison de la situation politique régionale - conflit syrien, question kurde.
En second lieu se posent les questions de l'application de l'accord du 18 mars dernier et donc celle des visas, les deux étant indissolublement liées. Nous avons signé cet accord, donc, il nous engage. Je fais partie de ceux qui considèrent qu'il n'est peut-être pas très bon, mais il n'y en avait sans doute pas de meilleur.
Cela touche à la question antiterroriste, sur laquelle l'Union européenne demeure un peu floue. Sans doute avons-nous le droit d'émettre des critiques sur la conception large des autorités turques de la lutte contre le terrorisme, conduisant par exemple à l'arrestation de journalistes traitant trop complaisamment les revendications kurdes, mais il est très difficile de les faire comprendre aux autorités turques, ainsi qu'à une portion très large de la population qui subit des attentats depuis des années. On risque dans ce cas d'être inaudibles, il faut en tenir compte.
Il convient également d'avoir à l'esprit que la Turquie a trois ennemis publics numéro 1 : Daech, le PKK et les gülenistes. En avoir un, c'est fréquent, il peut arriver que l'on en ait deux, mais en avoir trois paraît excessif. Donc, même si c'est difficile à dire, on ne peut pas considérer sur le même plan, en les qualifiant de terroristes, les combattants de l'État islamique, les membres du PKK et les gülenistes. La genèse de ces mouvements et leur histoire diffèrent.
Pourtant, aujourd'hui, le gouvernement et le président turcs dénomment le mouvement Gülen « FETÖ », acronyme turc de « organisation terroriste Fethullah». Des gülenistes ont sans doute participé au coup d'État, mais de là à les qualifier de terroristes, il y a un pas que je ne franchirais pas. Cela dit, demander aux autorités turques de préciser leur définition du terrorisme, ou plutôt la nature de leur lutte antiterroriste est difficile, il ne faut pas faire de faux pas. On est donc piégé, mais il faut toujours sortir des pièges, c'est-à-dire trouver des pistes.
En ce qui concerne les réfugiés, on lit ou on entend qu'ils seraient maltraités ; peut-être ne sont-ils pas très bien gérés à leur arrivée, mais rappelons qu'ils sont trois millions et qu'il n'est pas facile d'en accueillir un tel nombre. Chacun s'accorde à constater que d'importants efforts ont été réalisés pour ce qui concerne les camps d'accueil. En outre, l'Union européenne doit aussi remplir sa part de l'accord en honorant ses engagements sur le plan financier ; or on est loin du compte.
Le 24 août dernier, date de l'intervention turque sur le sol syrien, a toutefois marqué un tournant dans le conflit en Syrie. La critique adressée à la Turquie à propos de sa complaisance à l'égard de l'État islamique est désormais derrière nous. Soulignons toutefois que si l'Etat islamique est visé c'est plus fondamentalement la lutte de l'État turc contre le PYD qui est l'essentiel - je parle bien du PYD et non des Kurdes.
Je termine mon propos liminaire en demandant si nous, Français, Européens, avons intérêt à nous renforcer nos liens avec la Turquie. Oui, de mon point de vue. Nous avons souvent en France cette tendance à considérer que les Kurdes constituent une réalité politique en tant que telle, ce qui est erroné. En réalité, nous avons plus d'intérêts communs que de divergences avec la Turquie concernant la Syrie. Dès le printemps dernier, fin mai, Tayyip Erdogan a déclaré qu'il était nécessaire de dialoguer avec la Syrie, ce qui désignait clairement le pouvoir de Damas. La Turquie a donc fortement évolué puisque, je le rappelle, Tayyip Erdogan et Ahmet Davutoglu avaient pour objectif la chute de Bachar al-Assad. Il y a ainsi un rapprochement avec les positions de la France - je ne dis pas « avec les positions européennes » car j'ai du mal à saisir quelle est la position européenne ; ce que je crois avoir compris, c'est qu'il y a plutôt de multiples positions européennes.
Je reviens à la question des valeurs, de la démocratie, de l'État de droit. On ne peut pas se poser en donneur de leçons à ce sujet vis-à-vis de la Turquie, ne serait-ce que parce que les Turcs sont susceptibles ; c'est une réalité dont il faut tenir compte. Il faut se placer dans une perspective positive. À cet égard, le rapport de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat me paraît avoir la bonne tonalité, adopter le bon angle. La tendance facile serait en effet de condamner, mais la condamnation ne vaut pas grand-chose : elle n'ouvre pas de perspective et elle froisse.
C'est une erreur tactique que nous avons commise lorsque nous avons condamné le coup d'État tout en demandant aux autorités de ne pas en profiter pour prendre des mesures liberticides. C'est très mal perçu en Turquie et c'est même instrumentalisé : Tayyip Erdogan s'en prend aux puissances occidentales, présentées comme donneuses de leçons. Cela dit, il fait cela parce qu'il a besoin d'un dialogue avec les puissances occidentales. Il est faux de considérer que la Turquie et Tayyip Erdogan sont en rupture avec les puissances occidentales, au contraire. Cela n'exclut pas une réconciliation avec la Russie ; ce n'est pas parce que l'on fait plus de Russie ou d'Asie que l'on fait moins d'Europe ou d'États-Unis...
M. Michel Billout, rapporteur. - Je voudrais réagir en recentrant la discussion sur notre sujet, l'accord entre l'Union européenne et la Turquie destiné à faire cesser le flux de migrants vers la Grèce. Voici notre constat : que ce soit un effet de l'accord ou lié à un autre facteur, le flux de migrants a chuté alors que toutes les autres dimensions de l'accord ne fonctionnent pas.
Du côté européen, tout le monde souhaiterait en rester là, mais il y avait des contreparties à l'accord, concernant notamment la politique de visas et la reprise du processus d'adhésion. Que faire maintenant ? Sans parler du processus d'adhésion, purement cosmétique, les Européens doivent-ils être plus souples pour les visas ?
Seconde question : de son côté, Tayyip Erdogan a-t-il intérêt à continuer d'agiter la menace selon laquelle, si l'on n'applique pas l'accord, il arrêtera tout et les migrants retraverseront la mer Égée ?
M. Didier Billion. - Faire cesser le flux de migrants vers la Grèce demeure bien entendu l'objectif majeur, mais le flux continuera tant que se poursuivra la guerre en Syrie. Avant l'accord du 18 mars dernier, en février me semble-t-il, il y a eu un afflux massif de migrants d'Alep vers la frontière turque, fermée par les autorités. Mme Federica Mogherini avait alors intimé à celles-ci d'ouvrir leurs frontières, tout en maintenant fermées celles de l'Union européenne. On ne peut pas exiger cela, nous devons être logiques.
Nous touchons effectivement là au coeur du sujet. Ne peut-on accepter que cette question des visas soit totalement et radicalement indépendante de la question de la définition de la lutte contre le terrorisme ? Je réalise que cela est plus facile à dire qu'à faire, mais il n'y a pas d'autre solution si l'on veut gérer la question du flux. Tayyip Erdogan l'a d'ailleurs bien compris et il fait de la surenchère.
En outre, sur cette question de la lutte antiterroriste, sommes-nous audibles lorsque nous disons que la Turquie doit restreindre la définition du terrorisme et de la lutte anti-terroriste alors qu'elle a subi plusieurs attentats au cours des derniers mois ? Que dirions-nous, en France, si une organisation internationale ou un État étranger nous demandaient de suspendre l'état d'urgence alors que nous avons été victimes de plusieurs attentats ? Or la Turquie est confrontée à un défi semblable au nôtre, mais dans un contexte encore plus chaotique.
Ne peut-on donc faire un pas en ce sens ? On pourrait tout à fait imaginer un compromis acceptable, d'autant que la polarisation s'est accentuée en Turquie, avant même le coup d'État de juillet dernier.
Seconde question : jusqu'où Tayyip Erdogan peut-il aller ? Pour ma part, je crois qu'il peut mettre ses menaces à exécution, je pense qu'il peut tout à fait, ponctuellement, pendant quelques semaines, ouvrir les vannes. C'est condamnable, sans doute, c'est du chantage, mais c'est pour cela qu'il faut négocier et il faut le faire sans se renier. Si l'on n'est pas capable de prendre cela en compte, on ne fait plus de politique. Nous faisons d'ailleurs la preuve que, dans notre propre pays, où pourtant l'État de droit est respecté, il existe, indépendamment des surenchères politiques, des débats sur la lutte antiterroriste. Cela signifie donc bien que cette question est difficile.
Par ailleurs, je n'ai pas réussi à avoir des éléments tangibles à ce sujet, on m'a dit que les flux vers la Grèce ont augmenté récemment, est-ce le cas ?
M. Jacques Legendre, président. - C'est vrai, mais dans des proportions limitées.
M. Didier Billion. - En outre, avant de dire que les Turcs ont leur pleine place dans l'Union européenne - ce à quoi personne ne croit vraiment, en tout cas dans le court terme -, il serait tout de même utile d'ouvrir les chapitres 23 et 24 des négociations. Ouvrons-les ! Je ne suis d'ailleurs pas sûr que cela plairait à nos amis turcs, car il s'agit des droits fondamentaux et des libertés publiques, mais discutons-en, nous sommes partenaires. Le processus d'adhésion n'a pas été théoriquement arrêté. Cela aiderait en outre les démocrates turcs, qui en ont besoin.
J'ai conscience que cela est plus facile à dire qu'à faire, parce que Tayyip Erdoðan a parfaitement compris qu'il a des atouts dans sa manche, mais on ne peut pas lui couper le bras, donc il faut en tenir compte. Peut-être suis-je trop empreint de realpolitik, mais il n'y que cette méthode qui puisse donner des résultats.
M. Michel Billout, rapporteur. - Vous pensez que Tayyip Erdogan pourrait ouvrir les vannes, mais nous nous sommes demandé s'il les avait réellement fermées. Plusieurs intervenants turcs ont affirmé que ce n'était pas le cas. Selon eux, il s'agirait d'un phénomène psychologique, la fermeture des Balkans aurait tari le flux. Le représentant de la Turquie auprès de l'Union européenne nous a ainsi indiqué que la Turquie ne reprendrait plus les réfugiés de Grèce, mais il n'y a pas eu de reprise des flux antérieurs. Les Turcs disent plutôt qu'ils n'ont pas de prise sur ce phénomène - il y a d'ailleurs une certaine incohérence à prétendre que l'on ne maîtrise pas les flux et à menacer d'ouvrir les vannes...
M. Didier Billion. - Pour ma part, sur le fondement des informations dont je dispose, cela n'est pas vrai. Les Turcs ont resserré le dispositif de contrôle. Ce n'est sans doute pas le seul facteur, il existe aussi un facteur psychologique et un tarissement des flux par ces voies, mais tout cela se conjugue. Ils se donnent le bon rôle, mais ce n'est que très partiellement vrai. J'ai même entendu dire lors, d'un échange avec un parlementaire turc, que c'étaient les gülenistes qui étaient responsables des flux transfrontaliers...
D'après ce que nous pouvons savoir, un système de surveillance et de contrôle renforcé a été mis en place pour bloquer les passages. Néanmoins, cela n'est pas contradictoire avec le fait que les réfugiés passent par d'autres voies.
Bref, les autorités turques ont fermé les vannes et ont donc joué le jeu, c'est pourquoi je crois le Président Erdogan quand il dit qu'il peut les rouvrir ; il est allé jusqu'à affirmer dans un discours que les cars et les avions turcs pourraient être utilisés pour aller en Europe... Puisque ce responsable politique ne comprend que le langage du rapport de force, il peut ouvrir les vannes de façon temporaire pour faire pression sur l'Union européenne. Il y a donc là un jeu dialectique compliqué.
M. Michel Billout, rapporteur. - Que pouvez-vous nous dire sur la question des réfugiés en Turquie, notamment sur l'intérêt que le Président Erdogan pourrait avoir à les y maintenir ? En effet, ces réfugiés constituent une main-d'oeuvre bon marché et l'on pourrait aussi en faire des électeurs. En outre, pour pouvoir retourner facilement en Syrie, ils restent dans la région sud-est, donc cela pourrait favoriser une nouvelle forme de peuplement de la région kurde.
M. Didier Billion. - Oui, la main-d'oeuvre bon marché que constituent les réfugiés est une réalité. Cela étant dit, attention, cela peut facilement entraîner un profond mécontentement social et du chômage. Il y a de fortes contradictions sociales en la matière. Le gouvernement turc a d'ailleurs parfaitement conscience de cette difficulté. Une loi permettant aux réfugiés de trouver du travail a été adoptée. On ne peut contester le principe qui la sous-tend. Cela représente un véritable effort et il y a des aspects positifs dans le fait de donner un cadre légal, un statut, à ces réfugiés. Toutefois, c'est un fait qu'une fraction des entrepreneurs peut en profiter et la presse turque a souligné les tensions extrêmement fortes que cela pouvait entraîner sur le marché du travail.
Cela ne concerne d'ailleurs pas que le marché du travail mais aussi l'immobilier. Une partie des réfugiés syriens, disons autour de 10 % d'entre eux, ne sont pas de pauvres gens, ils ont de l'argent et ils l'investissent, y compris dans le marché immobilier.
Enfin, en 2015, la majorité des entreprises ont été créées par des réfugiés syriens et irakiens - il s'agit bien entendu de petites entreprises. Pour les petits et moyens entrepreneurs turcs, cela représente une concurrence directe. Or ces petits et moyens entrepreneurs constituent la base sociale de l'AKP. En tout état de cause, les autorités ont conscience de toutes ces réalités.
Tayyip Erdogan a aussi fait des déclarations annonçant la naturalisation des réfugiés. On dit que cela pourrait accroître sa base électorale ; certes, mais il a été élu président au premier tour en 2014 et son parti a remporté 49 % des voix aux secondes élections législatives de 2015. Il a donc d'ores et déjà une base électorale solide.
M. Jacques Legendre, président. - Mais pas aux premières élections de 2015...
M. Didier Billion. - C'est vrai, mais l'AKP avait tout de même remporté 41 % des suffrages. Après 12 ans au pouvoir, ce n'est pas rien. Beaucoup de partis en France aimeraient remporter autant de suffrages après une telle durée. Toutefois, il est vrai que son objectif n'était pas atteint puisqu'il voulait la majorité qualifiée requise pour pouvoir modifier la Constitution.
Par ailleurs, Tayyip Erdogan a effectivement évoqué le droit de vote pour les réfugiés mais, de mémoire, seulement dans des discours et à deux reprises, la dernière fois étant en juin dernier.
La question de l'avenir des réfugiés en Turquie pose le problème de la région sud-est. Y aurait-il une tentation de modifier la composition ethnique et confessionnelle dans cette région ? C'est peut-être un objectif mais, dans ce cas, il faudrait beaucoup plus de réfugiés que trois millions.
Il y a aussi la question des alévis de Turquie. Les alévis voient l'installation des réfugiés d'un très mauvais oeil. S'il existe un danger d'être submergé par les réfugiés, cela concerne plutôt les alévis, qui sont très inquiets d'un possible remplacement ethno-confessionnel. Je pense toutefois que Tayyip Erdogan est suffisamment fin politique pour ne pas prendre ce risque et qu'il n'y aura pas de naturalisations massives. En revanche, je pense qu'une partie importante des réfugiés restera en Turquie pendant plusieurs décennies, voire ad vitam æternam.
M. Jacques Legendre, président. - Que pouvez-vous nous dire sur la position politique des partis de l'opposition non güleniste ? La représentante du parti kémaliste nous a fait un discours plutôt embarrassé au Conseil de l'Europe. Elle a insisté sur le risque de réduction du droit des femmes et sur celui de guerre civile.
M. Didier Billion. - Je ne crois pas que l'on puisse poser la question du droit des femmes en ces termes...
Pour ce qui concerne la situation des partis d'opposition, concentrons-nous sur le parti kémaliste. En effet, le parti d'extrême droite, le Parti d'action nationaliste, traverse une crise très profonde ; je pense qu'il subira une scission et, en tout cas, il est en perte de vitesse. Quant au Parti démocratique des peuples, il est en difficulté puisque le souhait de lever l'immunité parlementaire est dirigé contre lui.
À ce sujet, la France et l'Union européenne doivent être très fermes, c'est une question de principe. Il s'agit d'un parti parlementaire, qui a des élus. Même s'il entretient des liens avec le PKK, on ne peut pas considérer ses membres comme terroristes. On a connu en Europe des situations comparables - en Irlande du Nord ou dans le Pays basque espagnol - et ce parti, quoi qu'on en pense, fait partie de la solution. Si la procédure judiciaire va à son terme et si une partie des députés concernés perd effectivement son immunité, ce sera une catastrophe, l'État de droit n'existera plus.
Revenons au parti kémaliste. Celui-ci est piégé. Avait-il une autre solution ? J'en doute, car qui peut critiquer l'exécutif de prendre des dispositions au lendemain d'un coup d'État ? Pourtant, la première manifestation, qui a eu lieu un dimanche, deux semaines après le coup d'État, a été organisée de manière très subtile, me semble-t-il, par le parti républicain. Il s'agissait d'une manifestation à la fois contre le coup d'État et en défense des droits civils.
Ensuite, il y a eu cette manifestation colossale du 7 août dernier, organisée par l'AKP. Deux dirigeants kémalistes ont été invités et sont intervenus. Pouvaient-ils faire autrement ? Je ne le sais pas, mais le piège est maintenant refermé. En acceptant cela sans critique, ils y participent. Il y a eu un débat à ce sujet au sein du parti républicain, qui s'est finalement aligné sur Tayyip Erdogan. D'ailleurs, j'ai vu début août pendant deux heures et demie trois parlementaires turcs de passage à Paris - un membre du parti républicain et deux membres de l'AKP - et le député républicain était plus virulent, contre les auteurs du coup d'État, que les deux autres.
La marge de manoeuvre des membres du parti républicain est donc très faible, alors que leur devoir doit être, en s'inscrivant dans la logique de la répression contre le putsch, de défendre l'État de droit.
Il y a une autre difficulté pour le parti républicain : il est devenu le parti des alévis, qui ne représentent que 15 % de la population mais 80 % de sa direction. L'AKP en profite, car lui défend le sunnisme, la tradition. La marge de manoeuvre est ainsi très réduite, le parti kémaliste s'étant mis en porte-à-faux vis-à-vis de la société. Pourtant, il faut trouver des voix pour lutter contre cette tendance.
Sur la question des droits des femmes, que voulait dire la députée que vous avez entendue ? Considère-t-elle que, s'ils étaient encore réduits, cela entraînerait une guerre civile ? Il me semble que c'est exagéré.
M. Jacques Legendre, président. - Elle semblait surtout très inquiète du risque de recul des droits des femmes en Turquie.
M. Didier Billion. - Oui, cette députée est, à juste titre, très attachée aux droits des femmes.
M. Jacques Legendre, président. - Nous vous remercions de votre éclairage sur la situation en Turquie depuis le putsch et sur les conséquences de cet évènement sur cet arrangement.
M. Didier Billion. - Un « arrangement », c'est le bon terme...
La réunion est levée à 16 heures 40