- Mercredi 21 septembre 2016
- Hommage à Pierre Fauchon
- Création de nouveaux centres pour l'accueil des migrants de Calais sur l'ensemble du territoire national - Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
- Prorogation de l'état d'urgence - Examen d'une demande d'attribution des prérogatives attribuées aux commissions d'enquête
- Nomination de rapporteur
- Modernisation de la justice du XXIème siècle - Examen, en nouvelle lecture, du rapport et du texte de la commission
- Exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux - Examen du rapport et du texte de la commission
- Questions diverses
Mercredi 21 septembre 2016
- Présidence de M. Philippe Bas, président -La réunion est ouverte à 9 h 20
Hommage à Pierre Fauchon
M. Philippe Bas, président. - Bienvenue, Monsieur le ministre. Notre ancien collègue Pierre Fauchon nous a quittés cet été. Sénateur de Loir-et-Cher de 1992 à 2011, il fut un membre éminent du groupe centriste et de notre commission des lois. Très fin légiste, il a attaché son nom à la loi du 10 juillet 2000 qui précise la définition des délits non intentionnels. Il a également été l'auteur de nombreux rapports, sur la construction européenne, la justice ou le droit de la consommation. Depuis 2014, j'ai plusieurs fois eu le privilège de bénéficier de ses conseils éclairés et pertinents. Avocat de profession, il était natif d'Avranches, et son père avait été député de la Manche. Ayant fait souche dans le Perche, il avait été maire de Choue, conseiller général et président de la communauté de communes des collines du Perche.
Mme Catherine Troendlé. - Il fut un président très actif du groupe interparlementaire d'amitié France-Inde.
M. Michel Mercier. - Il siégea au Conseil supérieur de la magistrature.
M. Philippe Bas, président. - Saluons sa mémoire.
Les membres de la commission des lois, ainsi que le ministre, se lèvent et observent une minute de silence.
Création de nouveaux centres pour l'accueil des migrants de Calais sur l'ensemble du territoire national - Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
La commission entend M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, sur la création de nouveaux centres pour l'accueil des migrants de Calais sur l'ensemble du territoire national.
M. Philippe Bas, président. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir accepté immédiatement le principe d'une audition rapide devant notre commission sur les questions soulevées par votre décision de répartir les migrants de Calais sur le territoire national. Nous pourrons ainsi mieux comprendre votre politique en la matière et exercer en connaissance de cause nos prérogatives de contrôle de l'action du Gouvernement. Ce sera aussi l'occasion d'apporter un éclairage sur un débat public où la rationalité cède trop souvent le pas aux passions - et tel est bien le rôle du Sénat. Face à cette question difficile, l'humilité s'impose. Il s'agit d'un abcès de fixation, qui n'a cessé de s'aggraver au cours des années, et dont la résorption n'est pas simple, à l'évidence.
Selon quels critères choisirez-vous les villes d'accueil ? Les représentants des collectivités territoriales que nous sommes sont évidemment sensibles à la concertation avec les élus locaux, qui est aussi la condition principale de l'efficacité de votre plan. Quelles garanties apportez-vous que des charges nouvelles ne pèseront pas sur les communes ? Comment seront pris en charge les frais d'hébergement, d'éducation, de sécurité ? Nous n'ignorons pas l'importance des actes délictueux ou criminels actuellement commis dans le Calaisis. Quelles mesures avez-vous prises pour assurer un retour rapide - ou un départ pour la destination de leur choix - des migrants n'ayant pas demandé, ou pas obtenu, le statut de réfugié ? C'est la question principale. Ces migrants souhaitant se rendre en Grande-Bretagne, combien de temps accepteront-ils de rester dans les centres d'hébergement de nos régions ? Où en sont les discussions avec la Grande-Bretagne sur ce dossier ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. - Merci pour votre accueil. Je saisirai cette occasion pour répondre à tous les propos approximatifs, parfois proches de la contre-vérité, qu'on lit tous les jours dans la presse, sur ce sujet qui appelle au contraire la plus grande rigueur intellectuelle.
M. Philippe Bas, président. - Ces propos ne viennent certes pas du Sénat - mais vous pouvez parfaitement y répondre depuis le Sénat !
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. - Je tâcherai d'être exhaustif. Connaissant la sagesse de votre assemblée, je sais que nous pourrons évoquer ces questions sensibles en faisant appel à la raison et à l'intelligence collective plutôt qu'aux instincts et à l'instrumentalisation de contre-vérités. Pour apaiser le débat, faire émerger la vérité et élaborer des solutions à ces problèmes complexes, je vous apporte des chiffres précis.
Le contexte migratoire est inédit depuis la Seconde Guerre mondiale. L'an dernier, 1,2 million de personnes ont franchi les frontières extérieures de l'Union européenne. L'année précédente, ce chiffre a été de moitié inférieur. Dès le début de l'année 2016, 122 000 personnes sont déjà passées des côtes africaines en Italie. Bref, en agrégeant l'ensemble de ces chiffres, ce sont deux millions de personnes qui sont entrées en Europe. C'est donc une crise migratoire absolument inédite.
Sur les 1,2 million de migrants de 2015, entre 800 000 et 900 000 sont allés en Allemagne, en traversant plusieurs pays d'Europe centrale. La France, quant à elle, maîtrise le nombre de ses demandeurs d'asile - j'en prends à témoin M. Buffet, spécialiste de la question. En 2007, il y en a eu 35 580 ; en 2012, ils étaient 61 468. Donc, pendant le quinquennat de M. Sarkozy, leur nombre a augmenté de 73 %. Pourtant, deux millions d'étrangers n'ont pas franchi alors les frontières de l'Union européenne - même s'il y a eu les printemps arabes et la crise de 2011.
En 2015, le nombre de demandeurs d'asile en France était de 80 000. Ainsi, entre 2012 et 2015, il n'a augmenté que de 30 %. Il atteindra sans doute 90 000 ou 100 000 à la fin de l'année 2016, soit une augmentation de 40 % en cinq ans, alors que nous traversons une crise migratoire extrêmement grave. Ainsi, expliquer que le supposé laxisme du Gouvernement a pour effet d'accroître le nombre des demandeurs d'asile en France, c'est proférer une contre-vérité.
On dit aussi que depuis le début de 2016, le nombre de reconduites à la frontière aurait baissé de 20 %. Cette présentation est malhonnête, car elle ne tient pas compte du fait que depuis novembre 2015, nous procédons à des contrôles aux frontières, et que nous avons ainsi reconduit vers leur pays de provenance ou vers les pays de réadmission 40 000 étrangers qui tentaient de franchir la frontière extérieure de l'Union européenne. C'est donc parce que nous laissons moins entrer que nous avons moins à reconduire aux frontières.
Il y a 6 900 migrants à Calais, d'après la police aux frontières, c'est-à-dire le même nombre que l'an dernier à pareille époque. Entre l'automne et le printemps, nous avions réussi à faire baisser ce chiffre, mais la pression migratoire de l'été l'a fait repasser de 3 500 à 6 900. Des tensions à l'intérieur du camp aboutissent à des affrontements, y compris à l'extérieur, et à des morts. La situation humanitaire dans le camp est dégradée. Ces problèmes en viennent à créer des troubles à l'ordre public dans la ville, qui a pourtant fait preuve d'une grande générosité. Nous ne pouvons pas laisser se développer ces tensions : une seule ville, pas plus qu'une seule région, ne peut tout supporter.
Alors que nous devons consacrer l'essentiel de nos forces à la lutte contre le terrorisme, la mobilisation imposée par les troubles de Calais est significative. Notamment, les migrants s'efforcent par des intrusions répétées d'occuper la rocade, pour rejoindre la Grande-Bretagne en montant dans les camions - ce qui est impossible car nous avons étanchéifié la frontière.
En 2014, 950 policiers et gendarmes étaient affectés à la sécurisation du port et du centre-ville de Calais. En 2016, les efforts que nous avons consentis ont porté ce chiffre à 1 900 : 221 policiers assurent des missions de sécurité publique, 630 CRS et 410 gendarmes mobiles sont mobilisés pour le maintien de l'ordre public, 38 gendarmes départementaux et 597 agents de la police aux frontières luttent contre l'immigration irrégulière et démantèlent les filières de passeurs.
Lors de mon dernier déplacement à Calais, j'ai renforcé ce dispositif de deux unités de forces mobiles, soit 140 CRS, et de 62 gardiens et adjoints de sécurité. La zone de gendarmerie du Calaisis a été renforcée : 44 postes ont été créés dans le département à la faveur du plan de lutte contre le terrorisme et l'immigration clandestine, dont 28 sont dédiés à Calais. Avec la création d'un cinquième peloton, 22 militaires y sont stationnés, et 6 gendarmes renforcent les effectifs de la brigade de Fretin.
Au total, depuis mon dernier voyage à Calais, le nombre de policiers et gendarmes est passé de 1 900 à 2 100 - et 730 militaires de l'opération « Sentinelle » sont mis à disposition du préfet de la zone Nord. Sont aussi mobilisées à Calais 10,5 unités de CRS, dont 8 sont dédiées à la sécurisation de la rocade, du port et des aires de stationnement, et 2,5 sont en réserve d'intervention de nuit ; 4 escadrons de gendarmerie mobile sont engagés au Lien Fixe transmanche, ainsi qu'1,5 escouade à cheval de la Garde Républicaine. Pour faire face à la situation humanitaire, l'État assure l'intégralité du fonctionnement de la Lande, pour un montant de 46 millions d'euros.
Il y a déjà un an que nous avons décidé de faire en sorte que les migrants relevant de l'asile soient placés dans des centres d'accueil et d'orientation (CAO) en France. Nous avons ouvert 161 CAO, qui ont accueilli 5 600 réfugiés, dont 80 % ont demandé l'asile en France - il y a donc eu très peu de retours vers Calais. Cette politique n'est donc pas nouvelle, même si le pays semble la découvrir. J'en ai rendu compte régulièrement devant le Parlement, et elle a donné les résultats que j'ai indiqués. Elle a fait baisser le nombre de migrants à Calais de près de 7 000 à 3 500 avant l'été. Personne n'a, semble-t-il, entendu parler de ces 161 CAO, ni vu de mini-camps ou de mini-Calais se constituer à leur proximité - cela n'aurait pas manqué d'être exploité par ceux qui rivalisent d'outrances sur ce sujet.
On dit aussi que vivraient à Calais des migrants économiques, que nous n'aurions pas la capacité d'éloigner. C'est un mensonge. Nous ne pouvons pas reconduire dans leur pays d'origine ceux qui ont fui les guerres ou les exactions, et relèvent du statut de réfugié. Aucun Gouvernement ne le pourrait, au regard des engagements internationaux souscrits par la France... On prétend également que nous n'éloignerions pas les migrants dits « économiques », qui ne relèvent pas du droit d'asile. C'est faux : depuis le début de l'année 2016, 1 538 migrants en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière depuis Calais, soit une hausse de 20 % par rapport à 2015. Lundi encore, dans le cadre d'une opération franco-britannique, nous avons procédé à l'éloignement de migrants ne relevant pas du droit d'asile. Puisqu'il faut faire de la pédagogie, nous signalerons chaque reconduite à la frontière depuis Calais par un communiqué.
On nous accuse encore de ne pas consacrer à la lutte contre les réseaux de passeurs les moyens nécessaires. Nous en avons pourtant démantelé 222 depuis le début de l'année, soit 25 % de plus que l'an dernier, où une hausse de 25 % avait déjà été enregistrée par rapport à l'année précédente. Jamais l'activité des services de mon ministère (police aux frontières, autres services de police et gendarmerie) n'a été aussi intense en matière de lutte contre ces filières. Je rends d'ailleurs hommage à leur efficacité, sans cesse renforcée dans le cadre d'une coopération franco-britannique, qui nous incite à agir très en amont et très en aval de ces funestes activités.
Même si je n'en fais pas montre, je suis indigné de voir que sur un sujet aussi lourd et difficile, auquel les gouvernements de notre pays, quelle que soit leur sensibilité politique, devront faire face dans le respect des engagements internationaux de la France et, je l'espère, dans le respect du principe de l'asile, qui remonte à la Révolution française, l'on puisse convoquer autant de contre-vérités et procéder à des instrumentalisations aussi vulgaires et outrancières, alors que seule la confrontation avec la vérité nous aidera à régler un problème de cette ampleur.
On entend dire aussi que nous nous apprêterions à disperser les migrants de Calais sur le territoire national sans aucune concertation avec les élus locaux : c'est faux. J'ai demandé aux préfets de me transmettre l'ensemble des propositions prévoyant un hébergement « en dur » et un encadrement suffisant par des associations. Il y aura bien entendu une concertation avec les élus locaux concernés, sauf si l'instauration délibérée, par des acteurs politiques irresponsables, d'un climat de confrontation, nous amenait à prendre nos responsabilités. Pour organiser la concertation, j'ai écrit, avec Mme Emmanuelle Cosse, une lettre très claire à l'ensemble des associations d'élus. Nous souhaitons, dans le dialogue et la concertation, aboutir aux solutions les plus responsables, les plus républicaines et les plus consensuelles possible.
Quels critères de répartition ? D'abord, les propositions des collectivités territoriales elles-mêmes. Lors d'un déplacement en Vendée vendredi, six maires, tous d'opposition, m'ont fait part de leur volonté de jouer la solidarité à l'égard de Calais et d'accueillir des migrants relevant du statut de réfugié en France dans des structures à taille humaine. J'appelle de telles volontés à se manifester sur tout le territoire.
Deuxième critère : les efforts déjà effectués par les territoires, les villes et les régions. J'exclurai ainsi de la concertation les propositions issues de collectivités ayant déjà fourni beaucoup d'efforts.
Il faut aussi que des structures suffisantes soient disponibles, et que le tissu associatif local soit capable de se mobiliser pour assurer un accueil convenable.
C'est le croisement de l'ensemble de ces critères qui permettra de déterminer les lieux les plus opportuns.
L'État assumera-t-il ses responsabilités ? Pour l'heure, les CAO sont financés intégralement par l'État : celui-ci ne se défausse pas sur les collectivités territoriales de ses responsabilités. Pourtant, lors de l'évacuation de Sangatte, les migrants avaient été laissés sans aucune solution, et dès le lendemain 300 d'entre eux dormaient dans les rues de Cherbourg. J'étais donc allé voir le ministre de l'intérieur de l'époque avec M. Jean-François Le Grand, alors président du conseil général de la Manche, et il ne m'avait pas alloué le moindre euro pour traiter ce problème. Je n'ai fait aucune déclaration, j'ai pris mes responsabilités de maire, je m'en suis occupé avec les associations, sans aucune polémique.
La difficile question des mineurs isolés dépend de nombreux ministères, et relève d'une compétence obligatoire des départements. Nous engageons en conséquence une discussion avec ceux-ci, et les ministères concernés, pour déterminer les conditions d'accueil les plus conformes à nos lois et à nos responsabilités. Là encore, l'État ne se défausse nullement sur les collectivités territoriales.
Ceux qui ont signé les accords du Touquet expliquent désormais qu'il faut les dénoncer, parce que la pression migratoire serait devenue trop forte. Ce raisonnement m'intrigue. Décortiquons-le toutefois : est-ce quand les réseaux de passeurs sont les plus actifs qu'il faudrait rouvrir la frontière et augmenter le flux et le stock de migrants à Calais ? J'avoue ne pas comprendre. Si l'inspiration des accords du Touquet était juste lorsqu'ils ont été signés, elle l'est plus que jamais aujourd'hui. J'ajoute que des clauses précises de ces accords prévoient qu'aucun nouveau dispositif ne peut être mis en oeuvre moins de deux ans avant la dénonciation. Il faudrait donc, sans rien changer pendant deux ans, créer incertitude et confusion quant à la suite, ce qui ne ferait que renforcer le commerce abject des passeurs. D'ailleurs, nous pouvons toujours ouvrir notre frontière, mais quid si la Grande-Bretagne refuse d'ouvrir la sienne ? Combien de jours tiendrons-nous ? Cela serait-il conforme au niveau de responsabilité qui est celui de deux grandes nations souveraines confrontées à un sujet aussi grave ?
Nous devons donc conduire avec les Anglais un dialogue très ferme et très clair, sur des bases rationnelles, sur la question des mineurs isolés notamment et pour organiser le démantèlement du site de Calais. Nous le menons mais, si vous le permettez, je ne vous rendrai compte de ces discussions, selon des modalités que nous déterminerons, que lorsqu'elles auront abouti. Il s'agit d'organiser ce démantèlement dans des conditions de responsabilité et de rationalité partagées.
Ma seule préoccupation est d'apporter les solutions les plus humaines et les plus responsables, les plus conformes à ce qu'est la France. Pour accueillir ceux qui doivent l'être, nous devons reconduire ceux qui n'ont pas vocation à demeurer sur le territoire national. Il faut aussi mobiliser davantage de moyens pour notre politique d'asile. Là encore, le nombre de places en centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA) sera passé de 20 000 en 2012 à 42 000 l'an prochain, à la fin du quinquennat, alors que 2 000 places seulement avaient été créées pendant le précédent. De plus, pour faciliter l'exercice terriblement difficile de reconduite des déboutés, la durée de traitement des demandes d'asile doit être considérablement réduite. Pour cela, il faut accroître les moyens de l'Office français d'immigration et d'intégration (OFII) et de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Nous aurons créé plusieurs centaines de postes en cinq ans dans ces deux institutions. Alors que le nombre de demandeurs d'asile avait augmenté de 73 % pendant le précédent quinquennat, presqu'aucun poste n'avait été créé.
La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France renforce l'efficacité de l'assignation à résidence, autorise le préfet à requérir la force publique pour escorter devant les autorités consulaires un étranger assigné à résidence qui n'aurait pas déféré à une procédure de convocation, donne la possibilité aux forces de l'ordre d'aller chercher un étranger assigné à résidence en vue d'un éloignement, après autorisation du juge des libertés et de la détention. Toutes ces dispositions facilitent le retour.
La précision que j'espère vous avoir apportée par ces chiffres est due à la fois aux Français et au respect de la souffrance accumulée par ces réfugiés persécutés qui ont pris le chemin de l'exode non pas pour continuer à vivre, mais pour avoir une chance de survivre.
M. Philippe Bas, président. - Merci de cet exposé détaillé et précis. Nous sommes sensibles à votre engagement de concertation avec les collectivités territoriales comme à l'assurance que les charges financières seront assumées par l'État et non par les collectivités.
Vous dites que 80 % des migrants de Calais que vous avez déplacés dans des centres d'accueil d'autres régions ont fait une demande d'asile en France. Pourtant, s'ils étaient à Calais, c'était pour aller en Grande-Bretagne. Pourquoi de telles conversions ? On ne comprend la création de l'abcès de fixation à Calais que par la volonté des migrants de passer à tout prix en Grande-Bretagne, parfois au péril de leur vie. Pour quelle raison, une fois sortis de Calais, font-ils une demande d'une autre nature ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Pour une raison simple : nous travaillons à la résolution des problèmes, pas à leur aggravation. Nous pourrions laisser ces personnes s'entasser à Calais sous prétexte qu'elles veulent passer en Grande-Bretagne, entre les mains des passeurs, au milieu de fortes tensions, et jouer le pourrissement pour blâmer les migrants. Nous faisons l'inverse. Avec l'OFII et l'OFPRA, mais aussi les associations, nous avons multiplié les maraudes. Il s'agit de convaincre les migrants qu'ils ne réussiront pas à passer en Angleterre, en raison des accords du Touquet - que ce Gouvernement n'a pas signés, mais qu'il applique par sens de la continuité républicaine ; qu'ils ne devraient pas rester entre les mains de passeurs qui leur ont déjà prélevé entre 10 000 et 15 000 euros pour les mener dans ce cloaque, car ce n'est pas l'idée que se fait la France de ce que doit être la condition de ceux qui fuient les persécutions. Nous leur demandons de renoncer à leur projet et de déposer une demande d'asile en France. Cette oeuvre des travailleurs sociaux et des agents de la direction de la cohésion sociale porte ses fruits : 5 600 migrants de Calais ont demandé l'asile chez nous, sans que cela ne crée le moindre remous.
Oui, c'est possible, avec beaucoup d'énergie et de détermination. Il fallait une vraie volonté politique pour le faire, nous l'avons fait. Cela implique des moyens importants, que nous y consacrons. Cela vaut mieux, afin de régler les problèmes, plutôt que de les laisser s'accumuler pour faire une démonstration qui renvoie à la politique du pire.
M. Philippe Bas, président. - Ce sont donc vos services qui persuadent les migrants, avec l'aide d'associations, de renoncer à aller en Grande-Bretagne et de déposer une demande d'asile en France.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. - Oui. Si je ne le fais pas, les migrants s'accumulent à Calais, les réseaux de passeurs y prospèrent... La France, ce n'est pas cela.
M. Philippe Bas, président. - Certes, mais il vaut mieux que les choses soient clairement dites et assumées.
M. François-Noël Buffet. - En septembre 2016, il y a environ 7 000 migrants à Calais. En début d'année, ils étaient 5 500. La situation ne s'est donc pas vraiment améliorée.
Je n'ai pas eu sous les yeux la fameuse circulaire aux préfets par laquelle vous leur demanderiez d'imposer l'installation de migrants sans concertation avec les élus locaux. Vous l'avez dit, et il faut l'affirmer clairement, les préfets doivent discuter avec les élus locaux.
Quant aux fameux accords du Touquet, je ne les ai pas signés non plus ! Mais la posture systématiquement négative des Britanniques n'est pas acceptable, car la situation a considérablement évolué depuis lors, personne ne peut le nier. Même s'ils ont décidé de quitter l'Europe, leur responsabilité est encore engagée. Nous avons les moyens, les arguments, pour les inciter à accepter l'entrée de certains migrants, qui peuvent trouver leur voie chez eux. Pourriez-vous au moins tenir informé le président de notre commission de vos démarches à cet égard ?
J'en viens à la question des mineurs isolés ; c'est un problème important, d'une part, parce qu'ils sont mineurs et, d'autre part, parce qu'ils sont parfois les précurseurs de réseaux mafieux. Il concerne au premier chef les départements. Connaissez-vous leur nombre sur notre territoire ?
Je pense depuis longtemps que l'OFII et l'OFPRA doivent être présents en permanence, quotidiennement, à Calais, pour « trier » ceux qui relèvent de l'asile et ceux qui doivent être reconduits dans leur pays d'origine. En ont-ils les moyens ?
La presse locale du Rhône s'inquiète de la concurrence que feraient des migrants aux personnes qui attendent déjà un logement ou un abri, dans une situation extrêmement tendue. Certes, ce département a l'habitude d'accueillir, mais les associations locales estiment que le point de saturation est dépassé depuis des mois, voire des années, surtout en matière de logement.
Quelles sont les conséquences européennes de l'incendie - volontaire, dit - du « hotspot » de l'île grecque de Lesbos. Sera-t-il reconstruit ? Dans quel délai ?
En juillet dernier, le consul de France à Beyrouth m'a indiqué ne plus traiter les très nombreuses demandes d'asile par les procédures d'asile classiques mais avec celle de visas de long séjour ; des milliers de cas ! Nous avons besoin de précisions. Avec cette procédure de visas de long séjour, les conditions juridiques d'accueil sur le terrain ne sont pas les mêmes !
Enfin, le problème de fond reste celui des migrants sans droit ni titre sur notre territoire. Une partie n'est pas éloignable, une autre partie l'est. Des efforts sont encore nécessaires à ce titre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. - Merci, Monsieur Buffet, pour votre contribution toujours très précieuse, votre précision, votre rigueur et la qualité des propositions que vous formulez, utiles au débat. En octobre 2015, 6 000 personnes étaient dans le camp. En février 2016, 4 500 personnes. En avril dernier, 3 500, avant que la période estivale ne fasse remonter ces chiffres au même niveau que l'an dernier. En quelques mois, nous avions réussi à diviser ce nombre par deux. Désormais, les flux reprennent en Méditerranée centrale et à partir de l'Italie, en dépit des importants contrôles aux frontières.
Un journal a donné une interprétation exactement contraire à l'esprit et à la méthode d'une circulaire interne destinée aux préfets, suscitant - à dessein, me semble-t-il -une polémique qui n'avait pas lieu d'être. Nous avons demandé aux préfets de nous faire remonter des possibilités sans consultation des élus, pour ne pas les solliciter alors que nous ne leur demanderons rien. Sur un sujet aussi délicat, il est normal que l'on dresse un inventaire de tous les possibles, et que le ministère de l'intérieur examine après les opportunités et les possibilités. La concertation avec les élus se fait ainsi sur la base d'une liste arbitrée et retournée au préfet. Cette polémique était destinée à créer des tensions, en contradiction avec nos objectifs, notre méthode et notre volonté de concertation. J'ai écrit à l'Association des régions de France, à l'Association des maires de France, à l'Assemblée des départements de France et à l'Association des métropoles pour acter, par écrit, cette méthode.
Je suis favorable à une discussion très ferme avec les Britanniques sur les accords du Touquet. Elle aboutira dès lors qu'elle se fondera sur des éléments rationnels. Je n'entends pas les arguments irrationnels des ultras britanniques s'appuyant sur des articles de « tabloïds » jouant plus sur les instincts que sur la raison. La fermeté sans rationalité nous discréditerait. On ne peut mener cette négociation à ciel ouvert, mais nous pouvons rendre compte des termes de cette négociation au Parlement, en actant entre nous une clause de confidentialité.
Selon nos estimations, 900 à 950 mineurs isolés se trouvent à Calais.
Pour accueillir les migrants ayant le droit de l'être, nous devons éloigner ceux qui ne doivent pas l'être. Nous le faisons : plus de 1 500 migrants qui n'avaient pas vocation à bénéficier de l'asile en France ont été éloignés depuis le début de l'année, dans le cadre de vols franco-britanniques, comme celui qui a eu lieu avant-hier. Il y en a plusieurs par semaine et il y en aura d'autres, comme la soutenabilité de notre politique l'exige. L'OFPRA et l'OFII sont présents pour convaincre ceux qui en relèvent de demander l'asile en France.
La concurrence entre les publics peut être l'objet d'une instrumentalisation malsaine. Hier, avec Mme Cosse, nous avons reçu toutes les associations que vous avez évoquées pour indiquer ce que nous faisons en matière d'hébergement d'urgence, avec les CADA, les CAO, le dispositif Accueil temporaire service de l'asile (ATSA)... Vous devriez inviter Mme Cosse pour évoquer les conditions dans lesquelles tout cela est organisé.
Après l'incendie, la situation du camp de Lesbos est compliquée. Les Grecs ont activé le mécanisme européen de protection civile. La semaine dernière, alors que je recevais mon homologue grec, j'ai annoncé une mission française pour accompagner les Grecs dans le traitement des demandes d'asile. Ce week-end, j'ai échangé avec mon collègue allemand pour débloquer davantage de moyens pour aider la Grèce, dans le cadre du Bureau européen d'appui pour l'asile (EASO), à remplir parfaitement sa mission dans les « hotspots ».
Pour ce qui concerne les visas au titre de l'asile, délivrés par les consulats aux Irakiens et aux Syriens à partir du Liban, de la Jordanie, de l'Irak et, éventuellement, de la Turquie pour réinstallation, nous avons un objectif de 2 500 visas pour certains publics, en particulier étudiants.
Au 1er juillet 2016, nous avions octroyé 700 visas sur ce quota. Pour rappel, 1 000 visas avaient été accordés en 2014, et en 2015, 1 000 l'avaient été pour des Syriens, 2 000 pour des Irakiens. Je vais le rappeler aux consuls, qui se doivent, comme les préfets ou les ministres, de faire preuve de précision.
M. René Vandierendonck. - Le Président de la République, qui se rendra lundi pour poser la première pierre du port de Calais, et le Gouvernement se soucient de l'attractivité portuaire. Une mission, où M. Bignon représentait la majorité sénatoriale, a comparé la situation en France et en Belgique. J'atteste des chiffres qui sont donnés ici. Demandons un avenant de précision sur les accords du Touquet avant de faire campagne pour leur suppression pure et simple. Insistons davantage sur les mineurs étrangers isolés, compétence obligatoire des départements - à la différence des jeunes majeurs. Réfléchissons notamment comment déterminer leur âge. J'ai promis au sénateur Arthuis, avant son départ, que cette question importante serait réglée.
Monsieur Vial, pour vous donner des raisons d'espérer, Louis Besson, à Chambéry, a trouvé absolument évident qu'on puisse valoriser les efforts faits pour les demandeurs d'asile dans le cadre de l'obligation faite aux communes de disposer de 25 % de logements sociaux sur leur territoire. Monsieur le ministre, j'ai un profond respect et de l'admiration pour la manière dont vous exercez votre mission.
M. Jean-Yves Leconte. - J'ai étudié, la semaine dernière, le système d'asile suisse. Une collaboration excellente entre l'État et les collectivités territoriales est indispensable. La Suisse reçoit cinq fois plus de demandeurs d'asile par habitant que notre pays. Or, cela se passe plus fluidement qu'en France, grâce à cette étroite collaboration...
Mme Éliane Assassi. - Ils n'ont pas d'élection présidentielle dans huit mois!
M. Jean-Yves Leconte. - Sommes-nous en quelque sorte victimes de certains « succès » ? Comment convaincre les personnes qui sont à Calais de demander l'asile en France ? Selon plusieurs associations, certains partent à Calais pour bénéficier des procédures « fast track », impossibles en Ile-de-France. On a gonflé Calais par l'incapacité à répondre aux demandes ailleurs sur le territoire. Après être passés par l'enregistrement précis dans les « hotspots » en Italie, en Grèce ou en Hongrie, certains restent à Calais durant six mois, pris dans le « tunnel » de Dublin, leur dossier n'étant pas traité avant l'obtention de la réponse du premier pays les ayant accueillis. Nous devons aussi discuter avec la Grande-Bretagne du rapprochement familial.
Mme Catherine Tasca. - Un grand merci, Monsieur le ministre, pour la précision de votre exposé. Dans le contexte actuel, vous confirmez la difficulté de votre tâche, ainsi que votre engagement, votre détermination et celle du Gouvernement en faveur de solutions concrètes.
En tant que parlementaires, nous avons la responsabilité d'informer nos concitoyens. Avez-vous défini une norme de taille pour les futures CAO ? Cela inquiète les populations. Avez-vous passé des conventions avec les associations pour ces centres, et sur quels thèmes ? La loi sur le droit d'asile a apporté des progrès sensibles. Quels sont les délais d'instruction des dossiers à l'OFPRA ?
M. Michel Mercier. - Concrètement, le Nord-Ouest du département du Rhône est la zone du département ayant le plus de disponibilités pour accueillir les migrants. Le préfet m'en a déjà parlé. Pouvez-vous confirmer ou infirmer ce que je réponds à mes concitoyens, à savoir que les personnes placées dans les centres d'accueil le sont par l'État, qu'elles sont en situation régulière, font l'objet de contrôles permanents et que, soit leur demande d'asile est acceptée, soit ces personnes sont renvoyées ?
Une allocation est-elle versée à chacun des membres placés dans ces centres ? L'argument économique joue aussi en faveur de leur accueil. Quels contrôles sont faits par l'État ? Des terroristes sont-ils au milieu des réfugiés ? Avez-vous pris des mesures spécifiques pour faire tomber les craintes ?
Mme Catherine Troendlé. - Merci pour la précision de votre exposé. Sans polémique, des décisions ont été prises, lorsque l'opposition d'aujourd'hui était aux affaires et le contexte n'était assurément pas le même hier qu'aujourd'hui. Certaines interventions récemment faites ne relèvent pas toutes du mensonge - comme sur le manque de définition des prises en charge...
Quelles mesures prendrez-vous pour les migrants répartis dans les différentes régions, afin que la jungle inhumaine de Calais ne se reconstitue pas ? L'Allemagne a de grosses difficultés. Comment empêcher que des terroristes s'infiltrent parmi les migrants ?
M. Jacques Mézard. - Je salue l'action personnelle du ministre de l'intérieur qui, dans ces circonstances particulièrement difficiles, fait honneur à la République, et la qualité du débat - qui est la marque du Sénat - dans un contexte électoral où le niveau n'est pas forcément à la hauteur... Nous avons intérêt à défendre les valeurs de la République.
La situation est très différente suivant les départements : dans certains les migrants sont renvoyés dans les pays de première admission, dans d'autres ce ne serait pas systématique. Est-ce vraiment le cas ?
M. Jean-Pierre Vial. - Je salue la qualité du travail des agents de votre ministère avec lesquels nous travaillons. À l'occasion de la crise, ne voit-on pas que le dispositif relatif aux mineurs isolés atteint ses limites ? Ainsi, en Savoie, certains jeunes sont déposés chaque jour, directement, devant le Carré Curial, siège de la direction de la vie sociale, par des filières organisées...
À Calais, la situation est connue : il y a 950 mineurs isolés. Vous avez sollicité de grandes institutions, mais l'accompagnement des mineurs isolés doit se faire dans la durée, y compris lorsqu'ils arrivent à la majorité. N'est-il pas nécessaire de revoir le statut des mineurs isolés, et des départements qui sont ou non hébergeurs ?
Mme Éliane Assassi. - Merci, Monsieur le ministre, pour ces éléments et pour votre force de conviction sur ce sujet sensible, utilisé par certains pour attiser les haines et les tensions. J'appelle à plus de solidarité et d'humanité. J'ai rencontré de nombreux maires ; les collectivités mais aussi les populations sont très sensibles au sujet. Or certains préfets ne le prennent pas en compte suffisamment en amont : les maires doivent alors régler des situations en urgence, sans concertation avec les associations et les populations. Comment améliorer cette relation ?
La question des mineurs étrangers isolés est très préoccupante. Réfléchissons aux mesures à prendre pour éviter que les liens familiaux ne soient rompus. Nous sommes favorables à la proposition de loi qui sera bientôt débattue au Sénat. J'ai reçu des associations très inquiètes.
M. Patrick Masclet. - Vous avez rappelé quatre paramètres fondant la concertation avec les élus : la capacité des associations à accompagner, la disponibilité - et la localisation - des bâtiments, les efforts déjà réalisés par les communes, et le volontariat. Dans le Nord, nous avons réussi une bonne intégration de populations - M. Kléber Arhoul peut en témoigner. J'ajouterais un cinquième point : la capacité des communes à intégrer les migrants. On en revient à la taille des CAO. Aujourd'hui, des centres pourraient être implantés en plein coeur de bourgs peu peuplés... Approfondissons le sujet. De nombreux maires sont prêts à accueillir les migrants, parce que la population accepte, et la concertation doit en tenir compte.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. - Je partage totalement cette dernière remarque. Nous évitons de créer des CAO de grande taille dans les bourgs. Cela n'a aucun sens, et je ne le ferai pas. Je connais la situation du Nord, et l'accueil que vous évoquiez de migrants dans de l'habitat diffus va dans le sens de notre politique. Je salue particulièrement les élus du Nord et du Pas-de-Calais, y compris, sans vouloir le compromettre, le président de la région...
M. René Vandierendonck. - Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. - ... il a tenu des propos clairs à ce sujet, et je tiens à le remercier ainsi que les présidents de départements et les maires. Comme le disait M. Leconte, ayons des relations plus denses avec les collectivités territoriales.
En début d'année, nous avons effectivement rencontré des difficultés au sujet des demandes d'asile en Ile-de-France. Nous avons réformé et modernisé les huit plates-formes : l'augmentation des capacités d'accueil de 35 à 70 rendez-vous par jour est un facteur de fluidification.
Madame Tasca, les CAO auront une taille humaine, adaptée à celle des collectivités. Une charte d'accueil dans les CAO mobilisant toutes les associations garantit la qualité de l'accueil. Hier, nous avons rencontré des associations et nous travaillons très sérieusement avec elles pour aboutir à une relation de confiance et de qualité.
La durée de traitement des demandes d'asile est passée de 24 à 14 mois pour l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), y compris les recours.
Monsieur Mercier, vous avez tout intérêt à dire à Lyon comment les choses fonctionnent et à faire preuve de pédagogie. Vos propos correspondent très exactement à ce que nous faisons et voulons faire. Des contrôles de sécurité rigoureux sont réalisés au moment de l'enregistrement de la demande d'asile, très méticuleusement. Cela élève le coefficient de sécurité. C'est après que l'opération de sécurité a été réalisée que l'aide à la demande d'asile est déclenchée.
Madame Troendlé, ne pas reconstituer la jungle est l'un de nos objectifs prioritaires, et c'est pourquoi nous maintiendrons des moyens de sécurité et des forces de l'ordre, garanties d'une bonne sécurisation de la région.
Monsieur Mézard, le règlement de Dublin s'applique normalement de façon identique sur le territoire national. Notre stratégie privilégie l'intégration dans le dispositif national d'accueil (DNA) des personnes qui peuvent prétendre à l'asile en France et passent par les CAO.
Monsieur Vial, votre question sur les mineurs isolés est très juste, difficile et sensible. Certains affirment avoir de la famille ailleurs qu'en France. Nous devons alors favoriser le regroupement de ceux qui ont des liens familiaux en Grande-Bretagne. Nous y travaillons avec les Britanniques.
Ces discussions ont déjà abouti à la prise en charge de plusieurs dizaines de mineurs isolés par la Grande-Bretagne.
J'entends qu'il faut davantage associer les collectivités territoriales, Madame Assassi. Conformément aux instructions, la discussion doit s'engager le plus en amont possible, pour un dispositif apaisé et réussi.
M. Philippe Bas, président. - Monsieur le ministre, je vous remercie pour toutes ces précisions.
- Présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente -
Prorogation de l'état d'urgence - Examen d'une demande d'attribution des prérogatives attribuées aux commissions d'enquête
La commission examine la demande tendant à obtenir du Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu'il confère à la commission des lois, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour le suivi de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Nous avons décidé de maintenir le comité de suivi de l'état d'urgence, après la prorogation de ce dernier en juillet dernier. Notre commission pourrait demander que le Sénat lui confère, durant six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour le suivi de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste. Le président Bas l'avait déjà évoqué.
M. Michel Mercier. - Le comité de suivi de l'état d'urgence se réunira juste après la réunion de notre commission la semaine prochaine pour évoquer la méthode que nous appliquerons jusqu'à la fin de l'année. Vous pouvez faire connaître vos disponibilités.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - M. Mercier est le rapporteur spécial de ce comité de suivi.
Nomination de rapporteur
M. Mathieu Darnaud est nommé rapporteur sur le projet de loi n° 815 (2015-2016) relatif au statut de Paris et à l'aménagement du territoire.
Modernisation de la justice du XXIème siècle - Examen, en nouvelle lecture, du rapport et du texte de la commission
La commission examine, en nouvelle lecture, le rapport de M. Yves Détraigne et le texte qu'elle propose sur le projet de loi n° 796 (2015-2016), adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de modernisation de la justice du XXIème siècle.
Mme Catherine Troendlé , présidente. - Nous examinons le rapport de M. Yves Détraigne et les amendements qu'il nous propose sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de modernisation de la justice du XXIème siècle.
M. Yves Détraigne , rapporteur. - Nous n'avons pu parvenir à un accord, en commission mixte paritaire, sur ce projet de loi en raison du refus absolu de nos collègues de l'Assemblée nationale d'accepter la moindre modification au texte qu'ils ont adopté en première lecture le 24 mai dernier. Or l'Assemblée nationale a ajouté pas moins de 55 articles nouveaux, dont de nombreuses dispositions demandant un examen complémentaire comme l'abandon de la collégialité de l'instruction, le divorce par consentement mutuel sans juge, le changement de sexe des personnes transsexuelles à l'état civil... Dans ces conditions, la commission mixte paritaire du 22 juin ne pouvait qu'échouer.
Cela ne nous a pas empêché de poursuivre notre travail en commission. Nous avons organisé une série d'auditions sur des sujets sensibles, où le désaccord entre l'Assemblée nationale et le Sénat était flagrant. Cette nouvelle lecture sera suivie d'une lecture définitive à l'Assemblée, qui pourrait reprendre son dernier texte, avec éventuellement des amendements que le Sénat aura adoptés en nouvelle lecture.
Je propose d'approuver la création d'un service d'accueil unique du justiciable, un dispositif intermédiaire sur la collégialité de l'instruction au lieu de son abandon pur et simple, ainsi que le renforcement de la répression de certaines infractions routières.
Je propose également des évolutions sur les dispositions relatives au changement de sexe à l'état civil pour les transsexuels et la procédure de divorce par consentement mutuel, afin de parvenir à un système équilibré et raisonnable. Pour l'action de groupe, chapitre important du texte, tenons-nous-en à un équilibre proche de celui que nous avions adopté en première lecture, plus réaliste que celui de l'Assemblée.
Mme Catherine Troendlé , présidente. - S'il n'y a pas d'autre intervention, nous passons à l'examen des amendements.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-68 supprime cet article tendant à prévoir que les professionnels du droit et du chiffre proposent à leurs clients une « relation numérique » : les professionnels concernés ne sont pas tous en mesure de passer à ce système.
L'amendement COM-68 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement de précision COM-69 revient à la rédaction du Sénat.
L'amendement COM-69 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-70 supprime l'expérimentation de médiation préalable obligatoire avant la saisine du juge administratif. Il serait envisagé de confier cette mission au Défenseur des droits, or cela relève d'une loi organique.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Vous proposez donc de supprimer l'alinéa 43.
L'amendement COM-70 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-71 supprime l'article 4 bis, introduit en première lecture à l'Assemblée nationale, qui prive le juge aux affaires familiales de la faculté d'enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur familial pour recevoir une information sur l'objet et le déroulement d'une médiation.
L'amendement COM-71 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-72 complète l'article 4 ter qui propose d'expérimenter, pour trois ans, la tentative de médiation préalable obligatoire en cas de modification des modalités d'exercice de l'autorité parentale, sur le modèle de ce que prévoyait l'article 15 de la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles. Il reprend l'exception prévue par cet article 15 et que l'Assemblée nationale avait supprimée, selon laquelle la médiation préalable n'est pas obligatoire si elle est susceptible d'engendrer un délai excessif, portant atteinte au droit d'accès au juge. Il supprime la nouvelle exception créée par l'Assemblée nationale, selon laquelle la médiation ne peut avoir lieu si des violences ont été commises par l'un des parents sur l'autre parent ou sur l'enfant. Cette exception est inutile car le dispositif prévoit déjà que la médiation n'est pas mise en oeuvre en cas de motif légitime.
L'amendement COM-72 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-124 est de coordination pour la réforme des juridictions sociales.
L'amendement COM-124 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - La rédaction retenue par l'Assemblée nationale pour la réforme des juridictions sociales s'inspire pour une bonne part de celle adoptée par le Sénat. Sans remettre en cause la répartition des contentieux proposée en matière de sécurité sociale et la spécialisation de certains tribunaux, l'amendement COM-92 conserve, au sein de tribunaux de grande instance spécialement désignés, une juridiction spécialisée unique dénommée tribunal des affaires sociales, regroupant différentes compétences.
L'amendement COM-92 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-73 rétablit l'article 9 dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.
L'amendement COM-73 est adopté.
Article 10
Les amendements COM-50, COM-91 et COM-51 sont adoptés.
Article 10 bis
L'amendement COM-74 est adopté.
Article 11
L'amendement COM-52 est adopté.
Article 12 ter
L'amendement COM-53 est adopté.
Article 13
L'amendement COM-54 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-66 supprime la mention selon laquelle les modalités de transmission et de mise à jour périodique par les conseils de l'ordre de la liste des avocats inscrits au tableau de chaque barreau sont déterminées par le Conseil national des barreaux (CNB). Pourquoi le CNB imposerait-il ses règles ?
L'amendement COM-66 est adopté.
Article 13 bis B
L'amendement COM-67 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-93 rectifié rétablit la mutualisation, au sein d'une même agglomération, des effectifs du greffe du tribunal de grande instance, du conseil des prud'hommes et des tribunaux d'instance. Nous avons en tête cette mesure depuis des rapports antérieurs aux travaux sur la justice du XXIème siècle. Pour que l'Assemblée nationale l'accepte plus facilement que la dernière fois, je propose que la mutualisation ait lieu au sein d'une même agglomération, afin de ne pas déshabiller certains territoires, avec des garanties supplémentaires : une durée minimale de six mois et une décision conjointe des deux chefs de juridiction, après avis du directeur du greffe.
L'amendement COM-93 rectifié est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-123 supprime cet article, introduit à l'Assemblée nationale, qui crée un corps de juristes assistants. Actuellement, des assistants de justice ou des assistants spécialisés assistent déjà les magistrats judiciaires. Une nouvelle catégorie serait inutile et ne simplifierait pas la situation.
M. Jacques Bigot. - Raisonnons en termes de fonctionnement des juridictions et de coût de la justice. Dans d'autres pays, les juges sont assistés de personnes préparant leurs rapports voire pré-rédigeant des décisions. En France, les assistants sont recrutés pour une très brève période et n'ont pas le même niveau de formation. On parle ici d'assistants juristes docteurs en droit, ayant vocation à intégrer la magistrature et répondant aux besoins des magistrats. S'opposer à la proposition du garde des sceaux à l'Assemblée nationale ne me paraît pas opportun. Ces assistants peuvent vraiment améliorer la justice, avec un contrat de trois ans et une rémunération plus décente que celle des étudiants à temps partiel. Vous méconnaissez la proposition de la chancellerie...
M. Jacques Mézard. - Si on veut recruter des docteurs en droit, autant augmenter le nombre d'étudiants intégrant l'École nationale de la magistrature !
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Il serait préférable de renforcer le statut et la formation des assistants actuels plutôt que d'inventer une nouvelle catégorie.
L'amendement COM-123 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Les députés ont supprimé les dispositions de la loi de 2007 relatives à la collégialité de l'instruction. Je suis sensible aux arguments mis en avant par les députés lors de ce débat, en particulier le président de la commission des lois, M. Dominique Raimbourg, qui a noté qu'il convenait de « prendre acte de la difficulté dans laquelle se trouve » l'autorité judiciaire, « de la pénurie dans laquelle elle se débat ».
J'estime cependant qu'une voie alternative à la suppression pure et simple de cette réforme pourrait être envisagée, afin de faire de la collégialité une faculté supplémentaire s'ajoutant à la pratique de la co-saisine des juges d'instruction. L'amendement COM-55 reprend l'économie générale du projet de loi déposé en juillet 2013 sur l'aménagement de la collégialité de l'instruction, tout en limitant sa mise en oeuvre à certaines décisions, sur demande des magistrats ou des parties, et à certaines affaires relevant de la compétence de juridictions spécialisées.
M. Jacques Mézard. - Cette évolution chaotique pose problème pour nos tribunaux, vidés de leur capacité à instruire par la création des pôles de l'instruction. Que se passera-t-il, notamment dans les territoires ruraux, si on suit le Gouvernement ? On n'aura alors ni collégialité, ni proximité dans nos tribunaux...
M. Yves Détraigne, rapporteur. - On ne supprime pas la collégialité, mais on la prévoit dans les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), à Paris et Marseille par exemple, là où il y a des pôles d'instruction et où c'est indispensable pour le traitement d'affaires complexes.
L'amendement COM-55 est adopté.
Article 14 sexies
L'amendement COM-65 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-86 revient sur la suppression, par l'Assemblée nationale, de la possibilité de condamner les mineurs de plus de seize ans à une peine de réclusion criminelle à perpétuité. Revenons à la formulation que nous avions adoptée.
M. Jacques Bigot. - Pour ne pas prolonger les débats, sauf mention contraire de notre part, notre groupe ne soutiendra aucun des amendements déposés par le rapporteur.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Soit.
Mme Cécile Cukierman. - Il en ira de même pour notre groupe, défavorable à cet amendement.
L'amendement COM-86 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-28 rectifié du Gouvernement reporte l'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'obligation pour un mineur placé en garde à vue d'être assisté par un avocat. J'émets un avis favorable, afin d'éviter des nullités procédurales massives, dans la mesure où ces dispositions ne sont pas immédiatement applicables dans tous les tribunaux.
M. Jacques Bigot. - Notre groupe est favorable à cet amendement du Gouvernement.
L'amendement COM-28 rectifié est adopté.
Article 15 A
L'amendement COM-90 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-56 supprime une précision inutile.
L'amendement COM-56 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-20, présenté par un élu parisien, autorise la vidéoverbalisation des contrevenants aux arrêtés limitant l'accès des véhicules les plus polluants à certaines zones ou à l'ensemble du territoire d'une commune ou d'un établissement public à fiscalité propre. Le texte du Gouvernement lui donne satisfaction : il envisage, en effet, d'élargir le recours à la vidéoverbalisation, aujourd'hui limité à certaines infractions routières : laissons-le travailler. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement COM-20 n'est pas adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-57 étend, par cohérence, la majoration de 50 % prévue par l'article 15 bis AA aux amendes de composition pénale prononcées en répression du délit de conduite sans assurance de responsabilité civile.
L'amendement COM-57 est adopté, ainsi que l'amendement COM-58 rectifié.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-59 supprime un alinéa redondant.
L'amendement COM-59 est adopté.
Article 15 bis A
L'amendement COM-60 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'avis est défavorable à l'amendement COM-1 de suppression de l'article. La nouvelle version du dispositif pour renforcer la lutte contre les pratiques de conduite sans permis ou sans assurance de responsabilité civile, plus aboutie qu'il y a un an, n'encourt plus la critique d'affaiblissement de la répression ou de laxisme. Ces deux infractions routières demeurent délictuelles mais peuvent faire l'objet de la procédure de l'amende forfaitaire éteignant l'action publique.
M. Jacques Bigot. - Notre groupe suit l'avis du rapporteur.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
Article 15 bis B
Les amendements COM-61 et COM-62 sont adoptés.
Article 15 sexies
L'amendement COM-125 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-75 supprime cet article qui inscrit dans le code de l'organisation judiciaire une procédure de réexamen des décisions civiles en matière d'état des personnes, lorsque la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rendu un arrêt jugeant que ces décisions violent la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En effet, une telle réforme mérite une véritable réflexion, qui n'a pu être menée dans le cadre de l'examen de ce projet de loi. L'impact de cette mesure n'a pas été évalué. Je n'y suis pas opposé sur le fond, mais il me paraît difficile de l'insérer dans ce projet de loi, à ce stade de la navette parlementaire.
M. Jacques Bigot. - Je ne peux pas partager l'avis du rapporteur. Quand la CEDH donne raison à des justiciables, après qu'ils ont épuisé les voies de recours internes, les juridictions nationales n'appliquent pas ses décisions. Si cette procédure de révision sera certainement compliquée à mettre en oeuvre, une partie de la procédure relève en effet du pouvoir réglementaire, ne retardons pas une réforme nécessaire et indispensable.
Mme Cécile Cukierman. - Même avis.
Mme Esther Benbassa. - Même avis.
L'amendement COM-75 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Avec l'amendement COM-64, je propose de supprimer cet article qui fait suite à un arrêt de la cour d'appel de Paris, en accordant aux fondations reconnues d'utilité publique la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile dans les mêmes conditions que les associations. Comme le relevait le garde des sceaux lors de son examen à l'Assemblée nationale, cette décision isolée frappant d'irrecevabilité la constitution de partie civile d'une fondation reconnue d'utilité publique, n'a pas été confirmée par la Cour de cassation.
L'amendement COM-64 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-76, comme l'amendement COM-2, supprime l'article pour revenir à la position adoptée par le Sénat en première lecture même si, à titre personnel, je ne crois pas que le transfert de l'enregistrement des pactes civils de solidarité (PACS) aux officiers de l'état civil risque de déséquilibrer les finances locales.
M. Jacques Bigot. - Notre groupe confirme son vote contre cet amendement.
Monsieur le rapporteur, nous cherchons tous à améliorer le fonctionnement de la justice - c'est d'ailleurs le sens de la démarche entreprise par le président Bas avec la création d'une mission d'information sur le redressement de la justice. Cette amélioration doit porter tant sur l'organisation que sur les moyens budgétaires. En ce qui concerne l'organisation, force est de reconnaître que l'enregistrement des PACS par les greffes des tribunaux d'instance est une aberration. On a pu comprendre le mouvement d'humeur des élus locaux consistant à réclamer des moyens financiers, mais vous avez vous-même reconnu la logique consistant à faire enregistrer les PACS en mairie, comme les mariages. Dépassons cette querelle. De toute façon, l'Assemblée nationale rétablira son texte.
Mme Esther Benbassa. - Même avis.
Les amendements identiques COM-76 et COM-2 sont adoptés.
Les amendements COM-3, COM-12 et COM-21 tombent.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-77 revient au texte adopté par le Sénat en première lecture, qui donne compétence au conseil municipal pour décider de l'affectation d'un nouveau bâtiment à la célébration de mariages. L'Assemblée nationale a confié cette compétence au maire, en sa qualité d'officier de l'état civil. Or l'instruction générale relative à l'état civil donne déjà cette compétence au conseil municipal dans des hypothèses aujourd'hui très restrictives.
M. Jacques Bigot. - Nous pouvons suivre le rapporteur.
M. Alain Richard. - Encore que l'autre solution soit tout à fait recevable, puisque c'est le maire, aux dernières nouvelles, qui gère le domaine public municipal.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Lorsque des travaux imposent de déplacer la mairie, c'est le conseil municipal qui statue.
M. Michel Mercier. - Les choses ne se passent pas comme cela en pratique. Depuis longtemps, on célèbre les mariages là où les mariés le veulent. Il y a déjà peu de gens qui veulent se marier, on ne va pas, en plus, les embêter...
L'amendement COM-77 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-78 restreint le divorce par consentement mutuel sans recours au juge aux couples sans enfant mineur. En effet, la procédure proposée par les députés ne protège pas suffisamment les intérêts des enfants mineurs. En outre, l'amendement que je vous propose rend optionnelle la nouvelle procédure sans recours au juge : pourquoi contraindre les époux à emprunter cette voie plutôt que la voie judiciaire ? L'avantage de la solution ainsi proposée est d'éviter de les obliger à supporter le coût significatif que représente le recours obligatoire à deux avocats plutôt qu'à un seul.
M. Jacques Bigot. - J'avoue ne pas comprendre pourquoi un juge devrait absolument être saisi si le couple a des enfants mineurs. Les parents exercent conjointement l'autorité parentale : un juge peut parfaitement décider que l'enfant doit résider chez l'un des deux parents ; dans la réalité, les parents feront ce qu'ils voudront et la justice ne contrôlera rien. En fait, la saisine du juge ne se justifie que dans deux cas : soit l'enfant est en danger et le juge des enfants sera saisi par les services sociaux, par le procureur ou par l'un des parents, soit les parents sont en désaccord et ils ne recourent pas à la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel.
Cette restriction n'a donc aucune justification. Certains professionnels ont pu considérer le contraire, mais, dans la réalité, les parents font ce qu'ils veulent, parfois contre l'intérêt des enfants - je suis assez sceptique sur la résidence alternée par exemple, parce qu'il arrive qu'elle impose aux enfants des conditions de vie qui ne sont pas idéales. Quoi qu'il en soit, vous méconnaissez la réalité.
M. Jacques Mézard. - Je ne partage pas l'opinion de Jacques Bigot. Dans ma vie, j'ai dû assister près de 3 000 couples dans leur divorce : je crois donc posséder une expérience relative dans ce domaine. Si, comme on nous le dit, les parents font ce qu'ils veulent, autant fermer les tribunaux ! C'est accepter le délitement complet de l'État de droit.
Dans ces dossiers, les couples paraissent souvent être d'accord parce que l'un a pris l'ascendant sur l'autre et exerce des pressions : c'est une réalité. On a évoqué tout à l'heure l'absence de confiance dans la magistrature, mais si on ne recourt pas à la magistrature pour les divorces de couples ayant des enfants mineurs, il faut évacuer tout un pan du droit de la compétence judiciaire !
M. Jacques Bigot. - Le divorce par consentement mutuel sans homologation par le juge suppose la présence de deux avocats. Il appartient donc à chaque avocat de s'assurer que l'époux qu'il conseille accepte en toute connaissance de cause de recourir à cette procédure.
Ensuite, quand on voit le peu de temps que les magistrats consacrent aux dossiers de divorce par consentement mutuel, en omettant parfois l'audition individuelle, il est clair que l'homologation devient de plus en plus une formalité. Restreindre la nouvelle procédure aux seuls couples sans enfant mineur ne fera qu'allonger inutilement les délais de traitement.
En fait, on devrait moins parler d'autorité parentale conjointe que de responsabilité parentale conjointe, car le problème est là : il faut que les parents se sentent tous les deux responsables de l'avenir de leurs enfants.
L'amendement COM-78 est adopté, ainsi que l'amendement COM-79.
Les amendements COM-13 et COM-34 sont satisfaits.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-35 exclut le recours au divorce par consentement mutuel sans juge en cas de violences conjugales. Il est satisfait par l'adoption de l'amendement COM-78.
Mme Cécile Cukierman. - Je ne vois pas en quoi la question des violences a été traitée par l'adoption de votre amendement, puisqu'il peut y avoir des violences au sein d'un couple sans enfant.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Le recours à la procédure de divorce déjudiciarisé devient une simple faculté : il n'est pas systématique et peut être refusé par l'un des époux.
Mme Cécile Cukierman. - Les victimes de violences conjugales sont très fragiles, c'est pourquoi je voterai cet amendement.
L'amendement COM-35 n'est pas adopté.
Article 18
L'amendement COM-89 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-88 supprime le 5° de l'article 18, introduit par l'Assemblée nationale, qui permet à une personne majeure d'adjoindre le nom de l'un ou l'autre de ses parents à son nom de naissance. En effet, cette disposition pose au moins deux difficultés importantes.
En premier lieu, le principe d'immutabilité du nom s'oppose à ce qu'il puisse être changé pour de simples convenances personnelles. Le nom de famille d'un enfant lui a été dévolu à sa naissance en application des règles prévues par le code civil. Seul un motif légitime, apprécié de manière stricte par le juge, pourrait justifier un tel changement. En outre, depuis la loi du 4 mars 2002, les parents des enfants nés à compter du 1er janvier 2005 peuvent choisir entre le nom du père, le nom de la mère et les noms des deux parents accolés. Ce choix ne doit pas être remis en cause.
En second lieu, nous devons respecter l'exigence d'unité du nom de famille au sein d'une fratrie.
M. Jacques Bigot. - À titre personnel, je partage l'avis du rapporteur. La question du nom est suffisamment compliquée pour ne pas être traitée en fonction de la décision d'une seule personne. Elle mérite d'être abordée dans un texte spécifique.
L'amendement COM-88 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-4 vise à supprimer la transcription de l'acte de décès à la mairie du domicile du défunt. Il introduit une disposition tout à fait nouvelle et me semble donc irrecevable au titre de la « règle de l'entonnoir ». Il en va de même de l'amendement COM-10 relatif à la publicité des actes de notoriété.
Les amendements COM-4 et COM-10 sont déclarés irrecevables en application de l'article 48, alinéa 6, du Règlement.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-87 rectifié supprime une référence inutile aux notaires, de même que l'obligation, pour les communes sur lesquelles était établie une maternité, de mettre en place le dispositif d'échanges dématérialisés d'actes de l'état civil, au moyen de la plateforme COMEDEC. En effet, si une telle obligation se justifie pour les communes qui accueillent une maternité, la baisse prévisible du nombre d'actes de naissance lorsque cette maternité a fermé rend moins pertinente cette obligation de raccordement.
L'amendement COM-87 rectifié est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-15 cite, aux côtés des notaires, tous les acteurs susceptibles d'être concernés par les échanges dématérialisés d'actes de l'état civil, au moyen de la plate-forme COMEDEC. Il est satisfait par l'amendement COM-87 rectifié, qui supprime la référence aux notaires. Je demande donc son retrait ; à défaut, mon avis serait défavorable.
L'amendement COM-15 n'est pas adopté.
- Présidence de M. Philippe Bas, président -
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-80, comme l'amendement COM-5, supprime le transfert aux officiers de l'état civil du traitement des demandes de changement de prénom.
Les amendements identiques COM-80 et COM-5 sont adoptés.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-81 rectifié porte sur le changement de sexe à l'état civil pour les personnes transsexuelles. Il introduit une nouvelle rédaction de l'article 61-5 du code civil, inspirée de l'arrêt d'assemblée plénière de la Cour de cassation du 11 décembre 1992. La Cour de cassation a subordonné le changement de la mention du sexe à l'état civil à deux conditions : la preuve que la personne présente un syndrome de transsexualisme ; la preuve d'un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, à la suite duquel la personne ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris l'apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social.
Mme Esther Benbassa. - C'est alambiqué !
M. Yves Détraigne, rapporteur. - C'est justement pourquoi je vous propose d'adopter le texte suivant :
« Toute personne majeure qui ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social, peut obtenir la modification de son état civil, pour qu'il indique le sexe dont elle a désormais l'apparence. »
Cette rédaction nouvelle est plus protectrice. Nous ajoutons que la situation doit être médicalement constatée et nous précisons, à l'alinéa 17, que « le seul fait de ne pas avoir subi d'opération chirurgicale conduisant à une modification des organes génitaux ou à une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande ».
Nous avons auditionné de nombreuses associations et il me semble que la rédaction que nous proposons est tout à fait équilibrée.
M. Philippe Bas, président. - En adoptant cet amendement, la commission légiférera en s'inspirant d'un devoir d'humanité conforme à l'esprit de notre assemblée...
Mme Esther Benbassa. - Et du principe d'égalité entre les citoyens !
M. Philippe Bas, président. - Les personnes transsexuelles doivent aujourd'hui accomplir un véritable parcours du combattant pour obtenir la reconnaissance d'un état de fait. La barre est mise très haut, ce qui impose parfois des traitements médicaux que les transsexuels ne veulent pas subir. Leur revendication est donc légitime.
Ils veulent aussi faire reconnaître qu'ils ne souffrent pas d'une pathologie. Ils invoquent le précédent de l'homosexualité qui, il y a vingt ou trente ans, était également traitée comme une pathologie. Ils affirment simplement que leur constitution psychique fait qu'ils sont du sexe qui n'est pas leur sexe apparent. Toutefois, nous ne pouvons pas faciliter les changements d'état civil sur simple déclaration car il y a trop d'implications. D'autres dispositions du projet de loi doivent donc, à ce titre, être écartées, car elles ne sont pas respectueuses du droit des personnes ni des droits des tiers.
Dans le cas particulier des personnes transsexuelles, je crois que l'expérience de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui était déjà libérale par rapport à la jurisprudence antérieure des cours d'appel, doit être dépassée. Je remercie donc le rapporteur d'avoir trouvé un point d'équilibre.
Le texte de l'Assemblée nationale n'était pas satisfaisant et les associations de personnes transsexuelles nous l'ont dit. Je ne suis d'ailleurs pas sûr qu'elles soient d'accord avec notre texte, parce qu'elles demandent encore plus de souplesse... À tout le moins, nous ne faisons plus référence à un syndrome de transsexualité, mais nous renvoyons à une constatation médicale de la réalité de la transsexualité et nous n'imposons pas l'opération chirurgicale. Notre texte va donc dans le sens d'un assouplissement nécessaire et donne une satisfaction de principe sur le renoncement à mentionner un syndrome.
Mme Esther Benbassa. - Ayant beaucoup travaillé sur cette question pour préparer une proposition de loi, je ne crois pas que les associations représentant les transsexuels accepteront le constat médical. Comment un médecin peut-il constater une identité ? Car la transsexualité relève bien de l'identité.
M. Philippe Bas, président. - En réalité, nos auditions nous ont appris que certaines personnes qui souffrent d'affections psychiques se revendiquent d'un autre sexe que le leur sans être transsexuelles. Il est important d'écarter de tels cas, que la justice a déjà rencontrés, car ces personnes demandent ensuite à revenir à leur sexe initial. La constatation médicale portera sur une réalité psychique, que le médecin est habilité à constater.
Les médecins sont à même de prendre en compte des considérations qui ne sont pas tangibles pour nous. On donne fréquemment l'exemple de la constatation médicale de la stérilité : dans 40 % des cas, il n'y a pas de cause pathologique reconnue. Or le médecin doit certifier la stérilité du couple pour permettre l'accès à l'assistance médicale à la procréation. De la même façon, le médecin spécialiste pourra attester que la demande de changement de sexe à l'état civil n'est pas fondée sur d'autres raisons médicales que la réalité de la transsexualité qui correspond malgré tout à un certain nombre de critères. C'est précisément parce que l'employé de l'état civil, le maire ou le procureur sont eux-mêmes incapables de procéder à cette vérification que le recours au médecin est indiqué.
Nous accordons une satisfaction morale aux transsexuels en ne mentionnant plus le syndrome, mais il faut s'assurer, en raison des conséquences graves que peut avoir un changement d'état civil, que toutes les précautions ont été prises pour que ce changement n'intervienne pas par erreur. J'ajoute que la simple expression de la volonté de la personne ne suffit pas.
Mme Esther Benbassa. - Il me semble que la comparaison avec la stérilité n'est pas pertinente, même si celle-ci peut avoir des causes psychologiques.
C'est la psychiatrisation qui pose problème. Comme vous l'avez dit, dans l'histoire, la psychiatrisation de l'homosexualité avait pour but de faire changer l'orientation sexuelle des personnes homosexuelles. Les associations que j'ai consultées sont contre la psychiatrisation de la transsexualité, du fait du précédent de l'homosexualité. On peut trouver une autre façon de traiter la question. J'admets que certains troubles psychiques laissent planer un doute, mais vous savez que la psychiatrie n'est pas toujours capable de détecter une vraie dépression, par exemple. Il y a un vrai problème de compréhension.
M. Philippe Bas, président. - Je ne pense pas que l'intention du rapporteur soit de psychiatriser les transsexuels, car cela sous-entend que l'on voudrait soigner ces personnes d'un mal dont elles seraient atteintes. Nous voulons seulement nous assurer que la transsexualité revendiquée est réelle et, afin d'éviter des erreurs préjudiciables aux intéressés, il n'y a pas de meilleur moyen que la délivrance d'une attestation par un clinicien. Je sais bien que cela ne répond pas à la demande des associations, mais nous devons aussi tenir compte de l'expérience des magistrats qui abordent ces questions avec une grande ouverture d'esprit et éviter les erreurs possibles.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Il me paraît difficile de prévoir que l'officier de l'état civil enregistre la déclaration de changement de sexe sans un minimum de documents permettant de constater la volonté claire de changer de sexe.
Mme Esther Benbassa. - On peut se fier à la sociabilité !
M. Jacques Bigot. - Si j'ai bien compris le texte, le changement de sexe sur les registres de l'état civil fait l'objet d'une demande présentée devant le tribunal de grande instance. Ce n'est pas l'officier de l'état civil qui décide.
Le texte de l'Assemblée nationale précise que la preuve peut être apportée par tout moyen, ce qui laisse au juge une certaine latitude d'appréciation. L'amendement du rapporteur est plus restrictif, puisqu'il exige un document médical, ce qui suppose une expertise, parce que l'attestation d'un médecin généraliste ne sera pas suffisante. Je n'ai pas non plus compris quelle était la valeur ajoutée de la modification apportée à l'alinéa 17. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.
M. Philippe Bas, président. - Il est vrai que le texte de notre rapporteur est plus restrictif que celui de l'Assemblée nationale, mais il est beaucoup plus souple que la jurisprudence de la Cour de cassation. Nous reconnaissons que celle-ci avait placé la barre trop haut et qu'il faut apporter des assouplissements tout en les maintenant dans certaines limites.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Je m'abstiens.
L'amendement COM-81 rectifié est adopté.
Les amendements COM-17, COM-6, COM-16, COM-30, COM-18 et COM-19 tombent.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-31 autorise à conserver le secret sur son identité sexuée lorsque la révélation de cette information n'est pas justifiée par un but légitime. Cet amendement nous semble imprécis. Comment définir le but légitime ? Qui apprécierait cette légitimité ? Pourrait-il s'agir de la personne elle-même ? De plus, dès lors que la loi ou le règlement impose à une personne de justifier de son identité, on peut estimer que cette obligation est légitime. J'émets un avis défavorable.
L'amendement COM-31 n'est pas adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-33 apporte une précision inutile. Avis défavorable.
L'amendement COM-33 n'est pas adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Par cohérence avec les amendements précédents qui suppriment le transfert aux officiers de l'état civil de l'enregistrement des PACS et des changements de prénom, l'amendement COM-84 supprime le transfert aux officiers de l'état civil de la procédure de changement de nom pour les personnes qui justifieraient d'un nom inscrit sur le registre de l'état civil d'un État étranger.
L'amendement COM-84 est adopté.
L'amendement COM-7 est satisfait.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-94 supprime l'article 18 sexies pour maintenir l'homologation par le juge de certaines décisions des commissions de surendettement.
Selon le Gouvernement, 90 000 décisions par an sont concernées et leur taux d'homologation est de 98 %. Certaines décisions ne sont donc pas approuvées par le juge : demain, elles seront exécutées, alors qu'elles pourraient porter une atteinte excessive aux droits des créanciers.
M. Philippe Bas, président. - Ce sujet fait partie de ceux que notre mission d'information sur le redressement de la justice devra traiter.
L'amendement COM-94 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-95 limite le champ d'application du régime de l'action de groupe fixé par le projet de loi aux cas prévus dans le texte initial, l'Assemblée nationale ayant largement allongé la liste de ces cas. Il est sage, s'agissant d'une nouveauté dans notre droit, de ne pas aller trop loin.
L'amendement COM-95 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-36 concerne l'action de groupe en matière de discrimination. Dans le cadre du régime commun de l'action de groupe institué par le texte, une action de groupe spécifique en matière de discrimination est déjà créée par le texte dans la loi de 2008 sur la lutte contre les discriminations. Il n'y a donc pas lieu d'ajouter la mention proposée par cet amendement. Au surplus, sa rédaction n'est pas pertinente juridiquement, puisque l'article 225-1 du code pénal n'instaure aucune action de groupe. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement COM-36 n'est pas adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-96 revient à une conception plus précise de l'action de groupe, qui ne peut concerner que les préjudices subis par des personnes physiques, et non par des personnes morales.
L'amendement COM-96 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-97 limite le champ des associations habilitées à exercer l'action de groupe.
L'amendement COM-97 est adopté.
Les amendements COM-37 et COM-38 tombent.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-39, relatif à la possibilité pour une association exerçant une action de groupe de s'adjoindre toute personne, est irrecevable au regard de la « règle de l'entonnoir ».
L'amendement COM-39 est déclaré irrecevable en application de l'article 48, alinéa 6, du Règlement.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - De façon à conserver la logique de médiation prévue par le texte pour l'indemnisation dans la procédure de l'action de groupe, l'amendement COM-98 supprime l'amende civile lorsque le demandeur ou le défendeur fait obstacle de manière dilatoire ou abusive à la conclusion d'un accord d'indemnisation. En effet, cette amende crée un système de « négociation forcée », alors même que le juge sera toujours compétent in fine pour liquider les préjudices qui n'auraient pas fait l'objet d'un accord.
L'amendement COM-98 est adopté.
Article 43
L'amendement de coordination COM-99 est adopté.
Les amendements COM-40 et COM-41 tombent.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-42, similaire à l'amendement COM-36, concerne l'action de groupe en matière de discrimination, ici devant le juge administratif. Par cohérence avec notre vote à l'article 19, j'en demande le retrait. À défaut, avis défavorable.
L'amendement COM-42 n'est pas adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-43 est irrecevable au regard de la « règle de l'entonnoir », au même titre que l'amendement COM-39 à l'article 24.
L'amendement COM-43 est déclaré irrecevable en application de l'article 48, alinéa 6, du Règlement.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-100 supprime, par coordination, les dispositions modifiant et actualisant la législation générale relative aux discriminations, qui seront examinées dans le cadre du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté.
L'amendement COM-100 est adopté, ainsi que l'amendement COM-101.
Les amendements COM-24, COM-44 et COM-45 tombent.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Comme en première lecture, avec l'amendement COM-102, je vous propose de confier aux seules organisations syndicales représentatives la faculté d'engager une action de groupe en matière de discrimination au travail dans une entreprise. Cette modification est cohérente avec la logique du dispositif, qui s'ouvre par une phase de négociation dans l'entreprise destinée à permettre de résoudre la difficulté sans faire intervenir le juge.
L'intervention d'une association extérieure à l'entreprise risquerait d'avoir un effet perturbateur sur le bon déroulement de cette négociation. L'objectif de cette action de groupe spécifique est d'abord de faire cesser la discrimination par un dialogue dans l'entreprise.
L'amendement COM-102 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-103 supprime la vocation indemnitaire très partielle que le texte attribue à l'action de groupe en matière de discrimination au travail. Là encore, nous revenons au texte que nous avions adopté en première lecture.
L'amendement COM-103 est adopté, ainsi que l'amendement COM-126.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-47 supprime la phase de négociation entre syndicats et employeur en amont de l'action de groupe en matière de discrimination au travail. Avis défavorable.
L'amendement COM-47 n'est pas adopté.
Article 45 bis
Les amendements COM-104 et COM-105 sont adoptés.
L'amendement COM-48 tombe.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-106 supprime un mécanisme d'action de groupe introduit par l'Assemblée nationale en matière environnementale, qui n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact et nous semble juridiquement inabouti.
M. Jacques Bigot. - Je ne sais pas combien de temps il faut pour qu'une disposition soit considérée comme aboutie... En première lecture, nous avions déjà présenté un amendement de même nature. Lors de l'examen du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, l'Assemblée nationale a adopté une disposition similaire. Nous pensons donc qu'il y a eu suffisamment de discussions sur ce sujet. Notre groupe ne votera pas cet amendement.
Mme Cécile Cukierman. - De même que notre groupe.
L'amendement COM-106 est adopté.
L'amendement COM-49 tombe.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-107 revient sur l'intégration de l'action de groupe spécifique en matière de santé au sein du régime général prévu par le présent projet de loi. Cette mesure n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact.
M. Jacques Bigot. - J'avais exprimé tout à l'heure notre désaccord de principe avec tous les amendements du rapporteur car j'avais senti une volonté qu'il n'y ait pas de débat afin que l'examen de ce texte soit rapide...
M. Philippe Bas, président. - Mon cher collègue, nous sommes tous attachés au débat. Cependant, nous souhaitons également entendre le rapport de notre collègue Marie Mercier sur la proposition de loi relative à l'exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux.
M. Jacques Bigot. - Vous me donnerez acte du fait que je m'efforce d'être synthétique dans mes interventions.
L'idée qui a présidé à la rédaction de l'article 45 ter consiste à donner un cadre général à l'action de groupe pour faciliter le travail des praticiens, puisqu'il s'agit d'un domaine innovant.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'action de groupe en matière de santé relève d'un autre texte et d'un autre régime. Avec l'article 45 quater, il faudrait se référer à deux textes : ce projet de loi et le code de la santé publique.
L'amendement COM-107 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-108 supprime un mécanisme d'action de groupe introduit par l'Assemblée nationale, cette fois-ci en matière de données personnelles. Là non plus, nous ne disposons d'aucune étude d'impact et le dispositif paraît peu utile.
L'amendement COM-108 est adopté.
Article 46
L'amendement COM-109 rectifié est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-110 tire les conséquences d'une décision du 28 juillet 2016 sur la loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, par laquelle le Conseil constitutionnel a censuré l'obligation imposée aux seuls chefs de cour et de juridiction de transmettre une déclaration de situation patrimoniale à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, au nom du principe d'égalité entre les magistrats judiciaires. Par cohérence, il convient de supprimer cette même obligation pour les présidents des tribunaux de commerce.
M. Jacques Bigot. - Nous sommes favorables à cet amendement.
L'amendement COM-110 est adopté, ainsi que l'amendement COM-127.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'alinéa 58 de l'article 47, d'apparence anodine, a donné lieu à de nombreuses discussions. L'amendement COM-111 fixe à 71 ans révolus la limite d'âge pour être élu juge de commerce, sachant que nous limitons ainsi l'effet « couperet » pour que les intéressés puissent terminer leur mandat.
L'amendement COM-111 est adopté.
Article 47 ter A
L'amendement COM-112 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-113 autorise la compatibilité de certaines missions des administrateurs et mandataires judiciaires.
L'amendement COM-113 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-114 renvoie au pouvoir réglementaire le soin de préciser les modalités d'organisation de l'activité des magistrats inspecteurs régionaux.
L'amendement COM-114 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-115 rétablit la disposition selon laquelle la procédure d'alerte du commissaire aux comptes, qui lui impose de saisir les dirigeants lorsqu'il relève des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation de l'entreprise, n'est pas applicable en cas de mandat ad hoc. C'est déjà le cas dans des procédures plus lourdes telles que la conciliation, qui relève de la prévention des difficultés comme le mandat ad hoc, ou la sauvegarde, qui est une procédure collective. Il s'agit donc d'une disposition de simple cohérence, sans quoi le commissaire aux comptes serait tenu de procéder à l'alerte, alors même qu'il sait qu'un mandataire ad hoc a été désigné.
L'amendement COM-115 est adopté, ainsi que l'amendement COM-116.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-117 vise également à rétablir une disposition que nous avions adoptée en première lecture, selon laquelle, dans le cadre d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire avec comités de créanciers, le tribunal statue sur le seul projet de plan de sauvegarde ou de redressement adopté par les comités, qu'il s'agisse du projet que doit élaborer le débiteur ou d'un projet alternatif élaboré par un ou plusieurs créanciers.
L'amendement COM-117 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-118 vise, lui aussi, à rétablir une disposition que nous avions introduite en première lecture, pour supprimer la mention du jugement de liquidation judiciaire au casier judiciaire du chef d'entreprise, et que l'Assemblée nationale a supprimée.
L'amendement COM-118 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-119 supprime l'article qui introduit une disposition inutile concernant la vente des actifs non immobiliers du débiteur dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire.
L'amendement COM-119 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - La faculté accordée au Conseil national des barreaux de délivrer un titre exécutoire contre les avocats qui, après mise en demeure, ne paieraient pas leur cotisation paraît quelque peu exorbitante. Je vous propose de la supprimer avec l'amendement COM-120.
L'amendement COM-120 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-27 du Gouvernement corrige une erreur matérielle. L'avis est favorable.
L'amendement COM-27 est adopté.
Article 52
Les amendements identiques COM-63 et COM-25 sont adoptés.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-85 supprime le mot « notamment », conformément à la doctrine de notre commission, rendant ainsi une habilitation plus précise.
L'amendement COM-85 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-121 supprime une habilitation ne présentant aucun lien, même indirect, avec le texte, et insuffisamment précise. Cette habilitation consiste à « adapter le dispositif régissant l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques afin d'améliorer son adéquation aux objectifs de sécurité juridique et d'attractivité économique ». Au surplus, la dernière réforme des ventes volontaires remonte à la loi du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Cette nouvelle réforme ne présentant pas d'urgence particulière, elle mériterait d'être examinée par le Parlement.
L'amendement COM-121 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-29 du Gouvernement allonge les délais d'habilitation pour la transposition d'une directive du 3 avril 2014 concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale.
Lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme, le Sénat avait refusé tout allongement de ce délai. Le Gouvernement présente ici un nouvel amendement. Même s'il peut être justifié sur le fond, c'est incontestablement un sujet nouveau qui ne se rattache à aucune des exceptions permettant de ne pas le déclarer contraire à la « règle de l'entonnoir ».
M. Philippe Bas, président. - Une fois de plus, le Gouvernement nous demande de lui rendre un service alors que le chef de l'exécutif ne manque jamais une occasion de se plaindre de la lenteur du processus législatif... Nous constatons que, quand nous habilitons le pouvoir exécutif à légiférer par ordonnance, les délais qu'il accepte lui-même lors du débat sont trop courts. Nous sommes serviables, mais notre bonne volonté est, en l'occurrence, contrariée par la « règle de l'entonnoir » énoncée par le Conseil constitutionnel. Par conséquent, notre rapporteur nous propose, à regret, d'inciter le Gouvernement à accélérer le processus d'élaboration de cette ordonnance. C'est la meilleure solution, sauf à déposer un projet de loi.
L'amendement COM-29 est déclaré irrecevable en application de l'article 48, alinéa 6, du Règlement.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-26 rectifié du Gouvernement tire les conséquences d'une décision QPC du 1er avril 2016 du Conseil constitutionnel sur le fonctionnement du tribunal correctionnel à Wallis-et-Futuna. Avis favorable car si cette disposition est nouvelle, elle permet néanmoins de remédier à une inconstitutionnalité.
L'amendement COM-26 rectifié est adopté, ainsi que l'amendement COM-22.
M. Thani Mohamed Soilihi. - La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France comporte des dispositions dont l'entrée en vigueur à Mayotte et outre-mer est prévue à compter du 1er novembre 2016. Or l'application de ces dispositions exige la mise en oeuvre de moyens supplémentaires. À Mayotte, pour faire face au contentieux de la reconduite à la frontière, il faudrait créer deux postes supplémentaires de juge des libertés et de la détention et pouvoir disposer d'une salle d'audience. L'amendement COM-11 reporte au 1er janvier 2018 l'entrée en vigueur de ces dispositions pour laisser au Gouvernement le temps d'affecter les moyens nécessaires.
Je suis conscient de la « règle de l'entonnoir » que vous venez de rappeler, monsieur le président. Toutefois, les dispositions de la loi du 7 mars 2016 que j'évoquais ont été ajoutées en dernière lecture par l'Assemblée nationale, sans que le Sénat puisse les examiner. Compte tenu des conséquences qu'elles auront dans notre département - plus de la moitié des reconduites à la frontière en France sont effectuées à partir de l'île de Mayotte -, j'insiste pour que notre commission fasse preuve de modération dans l'application de cette règle et laisse au Conseil constitutionnel le soin de jouer, s'il y a lieu, son rôle de garant de la procédure.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Cet amendement est affecté par la « règle de l'entonnoir ». Je m'en remets à la sagesse de notre commission.
M. Philippe Bas, président. - Si la commission est convaincue par vos arguments, monsieur Mohamed Soilihi, et que la disposition est incluse dans le texte de loi final, le Conseil constitutionnel la censurera, car sa règle, binaire, est appliquée d'office. Il ne s'agit pas d'un risque, mais bien d'une certitude.
D'autres voies législatives s'ouvrent à vous : le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté et le projet de loi relatif à l'outre-mer. Il n'est pas certain, au reste, que l'Assemblée nationale adopte le projet de loi relatif à la justice du XXIème siècle avant le début du mois de novembre.
M. Thani Mohamed Soilihi. - J'ai, par précaution, déposé ce même amendement au projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté. Ce sujet grave étant traité avec légèreté la plupart du temps, je tenais à le défendre.
M. Philippe Bas, président. - Vos collègues de la commission des lois soutiennent votre amendement sur le fond mais tenons-nous à nos règles de recevabilité.
L'amendement COM-11 est déclaré irrecevable en application de l'article 48, alinéa 6, du Règlement.
Article 54
Les amendements COM-128 et COM-129 sont adoptés.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Mon amendement COM-122 allonge le délai avant l'entrée en vigueur de la limite d'âge des juges des tribunaux de commerce.
L'amendement COM-122 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-23 du Gouvernement corrige un oubli dans le texte de l'Assemblée nationale. Avis favorable.
L'amendement COM-23 est adopté.
L'amendement COM-8 tombe.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement COM-9 propose de rétablir l'intitulé du projet de loi tel qu'adopté par le Sénat en première lecture. L'Assemblée nationale a retenu un intitulé un peu plus sobre que celui du texte initial. Faut-il s'acharner sur cet intitulé ? Je laisse cette réponse à votre appréciation.
L'amendement COM-9 n'est pas adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine le rapport de Mme Marie Mercier et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 693 (2015-2016), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux.
M. Philippe Bas, président. - Écoutons à présent Mme Marie Mercier sur la proposition de loi relative à l'exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - La Croix-Rouge française, fondée en 1864, est présente dans 190 pays. Elle a ceci de particulier qu'elle repose sur quelque 57 000 bénévoles et 18 000 salariés et gère un budget de pas moins de 1,4 milliard d'euros. Elle exerce des missions de formation au secourisme et de premiers secours de même que, et cela est moins connu, de rétablissement des liens familiaux. La France doit lui permettre de les exercer : ces missions, statutaires, sont consacrées dans les conventions de Genève de 1949 et ses protocoles additionnels de 1977 que notre pays a ratifiés.
Rétablissement des liens familiaux, mais non dans n'importe quelle situation : la Croix-Rouge intervient lorsqu'ils ont été rompus par un conflit armé, un drame humanitaire ou une catastrophe naturelle. Or, s'il s'agit d'une mission d'intérêt général, elle ne ressort pas du service public. Il faut donc un cadre légal à cette activité menée par un service composé de 10 salariés et de 51 bénévoles.
La proposition de loi, extrêmement utile, autorise la Croix-Rouge française à obtenir communication de documents susceptibles d'aider à retrouver les personnes recherchées. Les demandes, que l'on dit « entrantes » lorsqu'elles sont adressées à la Croix-Rouge française par une personne installée à l'étranger et « sortantes » quand une personne installée en France saisit la Croix-Rouge française pour retrouver un proche disparu dans un autre pays, sont assez nombreuses : 830 en 2015 et déjà 802 depuis le début de l'année 2016.
La proposition de loi qui nous vient de l'Assemblée nationale, si elle est tout à fait pertinente, nécessite quelques ajustements. Elle institue pour la Croix-Rouge française un droit de communication spécial : elle n'accèdera pas directement aux documents, mais devra toujours passer par l'administration. Seuls les salariés de la Croix-Rouge française auront accès aux informations, les bénévoles se contenteront de saisir les demandes. Tout est parfaitement encadré : contrôle par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) des données collectées et des conditions de recueil et de conservation et, en cas de refus de communication, possibilité de saisie de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) ; divulgation des informations aux proches de la personne recherchée avec l'accord écrit de cette dernière si elle est vivante.
Donnons à la Croix-Rouge française les moyens d'exercer ses missions comme le Président de la République s'y est engagé.
M. Philippe Kaltenbach. - Je félicite la rapporteure pour son excellent travail. Ce texte, nécessaire à la Croix-Rouge, suscite un large consensus politique. Le groupe socialiste et républicain le soutiendra.
Mme Esther Benbassa. - Le groupe écologiste également.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 2
L'amendement de précision COM-1 est adopté.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-2 ajoute la mention du ministre des affaires étrangères pour étendre le droit de communication aux listes électorales consulaires.
L'amendement COM-2 est adopté.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-3 supprime les dispositions de cet article afin de les introduire au sein d'un article additionnel.
L'amendement COM-3 est adopté.
Articles additionnels après l'article 4
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-4 assure l'application de la proposition de loi outre-mer.
L'amendement COM-4 est adopté.
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-5, outre qu'il reprend les dispositions de l'article 3 bis en les complétant, prévoit qu'à compter de la mise en place du répertoire électoral unique, que M. Collombat nous a présenté récemment par son rapport éclairant, le droit de communication sur les listes électorales s'effectuera directement auprès de l'INSEE. J'ajoute que nous excluons, à la différence de l'Assemblée nationale, de la compétence de la CADA les questions relatives à la communication des copies et extraits de l'état civil car elles relèvent de l'autorité judiciaire.
L'amendement COM-5 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Questions diverses
M. Philippe Bas, président. - Nous nous réunirons le 27 septembre à 9 heures pour examiner les amendements au texte de la commission sur le projet de loi relatif à la justice du XXIème siècle, qui sera examiné en séance le même jour, à 14h30.
La mission sur le redressement de la justice que je préside, composée d'un représentant de chaque groupe, organise des auditions demain à 9h30, ouvertes à tous les membres de la commission.
Je présenterai le rapport devant notre commission en
février 2017. Comme nous avons voulu une mission pluraliste, je tiens
à ce que nous parvenions à des points de vue communs. Quand ce ne
sera pas le cas sur des points techniques, les divergences seront
mentionnées dans le corps du rapport. Si les visions divergent sur des
points essentiels, j'inviterai mes collègues membres de la mission
à présenter une contribution en annexe afin que nos travaux
soient utiles au débat démocratique. J'ai été
très sensible, hier, au fait que le garde des sceaux salue l'initiative
conjointe que nous avions prise, avec le président de la commission des
lois de l'Assemblée nationale, de visiter un tribunal de grande instance
- celui de Créteil - et une prison - la maison
d'arrêt de Bois d'Arcy - en juin dernier. Travaillons dans cet
esprit : la question du redressement de la justice doit être
soustraite du débat partisan, comme c'est le cas de la politique
étrangère et de défense.
La réunion est levée à 12 h 30