- Mardi 22 mars 2016
- Mercredi 23 mars 2016
- Renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias - Échange de vues sur une saisine pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis
- Mission en cours de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des dernières lois de réforme territoriale - Communication
- Renforcer la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorer l'efficacité et les garanties de la procédure pénale - Examen du rapport et du texte de la commission
- Questions diverses
Mardi 22 mars 2016
- Présidence de M. Philippe Bas, président -La réunion est ouverte à 17 h 55
Renforcer la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorer l'efficacité et les garanties de la procédure pénale - Audition de M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice
La commission entend M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi n° 445 (2015-2016), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.
M. Philippe Bas, président. - Merci, Monsieur le ministre, d'avoir accepté cette nouvelle audition, très importante pour nous, sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale. Notre rapporteur, Michel Mercier, est l'un des auteurs - avec deux autres collègues et moi-même - de la proposition de loi que le Sénat a adoptée il y a quelques semaines, et qui converge sur de nombreux points avec ce texte, déjà adopté par l'Assemblée nationale.
Notre commission souhaiterait aussi vous entendre sur les conséquences de l'arrestation de Salah Abdeslam et sur les procédures en cours avec la justice belge pour pouvoir le juger en France. Peut-être pourrez-vous aussi nous transmettre des informations sur l'enquête relative aux terribles attentats de Bruxelles ce matin ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. - Lorsque nous avons prévu cette audition, nous ne pensions pas que l'actualité nous rappellerait avec une telle intensité la nécessité de répondre au défi du terrorisme. Celui-ci est devenu notre horizon quotidien et la principale menace sur la sécurité mondiale.
Depuis toujours, nous avons une coopération d'une très grande fluidité avec le parquet fédéral belge. Le 1er février, lors de mon premier déplacement comme garde des sceaux, je me suis rendu à Bruxelles avec le Premier ministre et le ministre de l'intérieur pour y rencontrer nos homologues et les directeurs des services, ainsi que le procureur général Van Leeuw.
Plusieurs outils sont exploités entre nos deux pays : treize mesures d'entraide judiciaire internationale en matière pénale sont en cours actuellement entre la France et la Belgique ; j'ai annoncé la nomination d'un 18ème magistrat de liaison ; quatre équipes communes d'enquête franco-belges travaillent ensemble : une sur les attentats dans le Thalys, une sur la cellule terroriste de Verviers, une sur l'attentat de Mehdi Nemmouche au musée juif de Bruxelles, une sur les attentats parisiens du 13 novembre. Les documents ont été renforcés le 27 novembre pour couvrir la totalité des cadres devant être mobilisés. La coopération est donc très large.
Je n'ai pas d'informations particulières sur Salah Abdeslam. Un mandat d'arrêt européen a été notifié aux autorités belges samedi après-midi, réactualisant le précédent pour y intégrer les informations de la matinée et garantir l'exhaustivité de l'enquête. M. Abdeslam ne veut pas être poursuivi en France et a 90 jours pour user de toutes les voies de recours, mais au-delà, la justice belge n'aura a priori aucune réticence à nous le transférer. J'ai garanti aux victimes qu'il serait incarcéré à Fleury-Mérogis avec toutes les précautions nécessaires : Yassin Salhi, connu pour ses actes atroces en Isère, s'est suicidé en prison alors qu'il n'avait pas été diagnostiqué en proie à ces tendances. Nous ne voulons pas de chaise vide au procès et le prisonnier sera donc très surveillé.
C'est au procureur général de Paris que revient d'abord la communication sur les attentats de Bruxelles. Des Français ont été blessés, certains peut-être tués, une enquête pourrait donc être centralisée au parquet de Paris, selon les articles 706-16 et 706-22 du code de procédure pénale.
Le texte présenté s'inscrit dans une très ancienne tradition. Notre système restructuré de lutte antiterroriste est souvent présenté comme avant-gardiste, voire un modèle à suivre. Veillons à ce que les adaptations respectent scrupuleusement l'encadrement démocratique, sans atteindre à l'État de droit par des politiques par trop dérogatoires. En matière de terrorisme, cet encadrement est incarné par le juge.
Ce projet de loi poursuit le dialogue que nous avions entamé le 2 février dernier dans l'hémicycle lors de l'examen de la proposition de loi de MM. Bas et Mercier. Nous avançons sur le même chemin, poursuivons le même but et travaillons sur des solutions comparables, comme les perquisitions de nuit, le suivi socio-judiciaire en cas de condamnation pour terrorisme ou la captation de données informatiques. Pourquoi n'aboutirions-nous pas à un accord ?
Ce projet de loi a trois ambitions : renforcer les moyens des magistrats dans la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement ; renforcer les garanties au cours de la procédure pénale, notamment au cours de l'enquête et de l'instruction, pour rendre notre procédure totalement conforme aux exigences constitutionnelles et européennes ; procéder à des simplifications, à tous les stades de la procédure, qui faciliteront le travail des enquêteurs et des magistrats.
Ces objectifs sont le fruit d'une volonté polyphonique, avec un choeur de trois ministères faisant écho aux trois commissions du Sénat, puisque la commission des affaires étrangère et de la défense et la commission des finances sont saisies pour avis. J'ai lu les propos des rapporteurs pour avis, qui me semblent de bon augure.
Le ministre de l'intérieur présente des mesures pour lutter contre le terrorisme, dont la plupart proviennent des observations liées à l'application de l'état d'urgence. Je dissipe une critique : aucune mesure en vigueur dans l'état d'urgence ne sera transposée dans le droit commun par ce projet. Celui-ci comble des manques : création d'une retenue administrative de quatre heures pour des personnes contrôlées qui seraient liées à des activités terroristes, contrôle administratif des personnes de retour d'un théâtre d'opérations terroristes, un nouveau fait justificatif de l'usage des armes par les forces de l'ordre.
Le ministre de l'économie défend des dispositions sur le financement du terrorisme et le blanchiment, comme la répression du trafic de biens culturels provenant de zones contrôlées par des terroristes, le renforcement des pouvoirs de la cellule Tracfin, ou encore la réglementation des cartes prépayées.
Quant à moi, je souhaite renforcer la protection de nos concitoyens dans le cadre intangible de l'État de droit, avec un regard particulier de l'autorité judiciaire, qui tient une place à la fois symbolique et opérationnelle.
D'aucuns dénoncent un énième texte de lutte antiterroriste, un fourre-tout, avec désormais 90 articles. À l'origine, il y en avait 34, 60 après le passage devant la commission des lois de l'Assemblée et 90 après la séance publique - sans aucun amendement du Gouvernement. Pourquoi ? Les députés ont voulu limiter, avec l'accord du Gouvernement, les habilitations à légiférer par ordonnance. Il en reste une seule, pour transposer une directive européenne qui ne pose pas de difficulté. L'Assemblée a aussi réintroduit une partie des dispositions qu'elle avait déjà adoptées dans le texte portant diverses dispositions d'adaptation du droit pénal au droit de l'Union européenne... et que les sénateurs avaient découvertes avec réticence en commission mixte paritaire. La censure du Conseil constitutionnel nous conduit à recommencer l'exercice.
J'ai ajouté des mesures de simplification, puisque je dispose des diagnostics posés par trois magistrats, missionnés par Mme Taubira : le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, a remis à l'automne 2013 un rapport sur le ministère public, régulièrement objet d'injustes critiques de la Cour européenne des droits de l'homme ; le procureur général Jacques Beaume a remis un rapport sur l'enquête pénale en juillet 2014 ; et le procureur général Marc Robert a formulé des préconisations sur la cybercriminalité en septembre 2015.
J'ai déposé 19 amendements devant votre commission. Neuf portent sur des mesures de simplification - sur l'instruction, la gestion des scellés, les procédures... Quatre concernent l'encadrement de fichiers - Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT), Traitement d'antécédents judiciaires (TAJ), Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) - notamment sur l'effacement. Deux portent sur l'administration pénitentiaire et les conditions de détention. Sont aussi prévus le recours à la force publique pour faire comparaître une personne mise en cause, et des peines complémentaires en matière d'association de malfaiteurs ou de financement du terrorisme.
Nous avons donc trois orientations : modernisation de la procédure pénale, simplification, accroissement des garanties du justiciable. Nous souhaitons renforcer la place du contradictoire. Depuis vingt ans, les enquêtes dirigées par le procureur de la République sont de plus en plus nombreuses, comparativement à celles dirigées par le juge d'instruction. Or, l'avocat est moins présent au cours de la procédure et il n'y a pas de contradictoire - accès au dossier, faculté de produire des observations... Si cette situation ne pose pas de difficulté dans les affaires les plus simples où les faits sont reconnus, elle est moins satisfaisante dans le cas d'une enquête approfondie. Renforçons donc le contradictoire, la présence de l'avocat dans la procédure, les possibilités de recours. Le justiciable ou l'avocat pourront avoir accès au dossier avant l'engagement des poursuites ; la présence de l'avocat sera garantie lors des reconstitutions et des séances d'identification des suspects ; les personnes en garde à vue auront un droit de communication avec les tiers sauf incompatibilité avec l'enquête ; il sera possible d'exercer un recours en l'absence de réponse à une demande dans un délai de deux mois. Cela confortera l'équilibre entre police administrative et police judiciaire, entre les magistrats du parquet et ceux du siège, et entre le parquet et la police judiciaire.
Enquêteurs et magistrats sont accaparés par trop de contraintes procédurales. D'après tous les rapports, elles n'apportent rien au justiciable ni à la sauvegarde des libertés. Nous allégeons le texte en donnant au délégué du procureur la possibilité de convoquer en justice, afin que les magistrats et les enquêteurs se concentrent sur leur travail d'enquête. Nous étendons la possibilité de recourir à la visioconférence pour limiter le transfèrement des détenus, soit un gain de temps et d'argent. Nous simplifions la possibilité de prononcer des travaux d'intérêt général, même en l'absence du détenu à l'audience, lorsqu'il a donné son accord et qu'il est représenté par son avocat. Toutes ces mesures consolideront les outils dont chacun reconnaît la pertinence.
M. Philippe Bas, président. - Les textes enflent à chaque étape de la procédure législative. En cas de procédure accélérée, la première assemblée saisie découvre en commission mixte paritaire les amendements adoptés par l'autre assemblée. Nous avons suffisamment de déplaisir lorsque cela nous arrive pour être sensible aux intérêts de l'Assemblée nationale. Nous nous livrerons avec sérénité à cet examen. Introduire un trop grand nombre d'amendements, quel que soit leur intérêt, pose des difficultés de procédure. Nous connaissons bien une partie des dispositions, qui reprennent notre travail. Nous exercerons néanmoins la plénitude de nos pouvoirs, veillerons à ce que les dispositions votées par l'Assemblée ne soient pas en-deçà de nos exigences, et serons sensibles aux observations du Gouvernement sur la mise en oeuvre de l'état d'urgence et sur l'insuffisance de certains dispositifs de police - non liés aux procédures pénales. Enfin, nous veillerons à maintenir un équilibre.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Ce projet de loi adopté par l'Assemblée comporte certaines dispositions figurant dans la proposition de loi de M. Bas et de trois de nos collègues...
M. Philippe Bas, président. - ... dont M. Mercier !
M. Michel Mercier, rapporteur. - ... adoptée par le Sénat en février dernier. Vous faites donc un effort - faible, mais nous espérons qu'il s'accentuera au cours de la discussion ! Nous proposons de supprimer certains points qui bouleversent l'unité profonde du texte, notamment à la fin, pour en conserver la cohérence. Nous armons la justice. Si les procédures de droit commun sont suffisamment efficaces pour lutter contre le terrorisme, nous n'aurons plus besoin de l'état d'urgence. Nous souhaitons par exemple que les moyens matériels d'enquête ouverts aux services de renseignement le soient aussi au procureur et au juge d'instruction. Nous nous accordons tous pour que l'État soit plus efficace, mais ne ferons pas fi des libertés publiques ni des droits fondamentaux : nous visons surtout des dispositions présentées par le ministère de l'intérieur, mais le Gouvernement est un.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Vous parlez d'or !
M. Michel Mercier, rapporteur. - Attention, sous couvert d'efficacité, aux mesures qui semblent bonnes mais sont en réalité néfastes, comme l'introduction du contradictoire dans l'enquête préliminaire. Désormais, le nouveau couple procureur - juge des libertés et de la détention (JLD) traite 98 % des procédures et le juge d'instruction, ce qui reste. Quel statut du JLD prévoyez-vous ? Ses décisions sont, pour beaucoup d'entre elles, aujourd'hui sans recours... sauf à aller en cassation. Quel sera le rôle exact du JLD dans la procédure ?
Selon le procureur général Jacques Beaume, le procès est un : il ne faut pas juger des droits accordés aux parties sur une section du procès mais sur sa totalité. La garantie pour les parties existe lors de l'enquête judiciaire ; y instiller du contradictoire nuirait à l'efficacité. Demain, je déposerai probablement des amendements en commission sur ce sujet. Le contradictoire doit être dans le procès et non dans l'enquête, comme l'ont observé M. Jacques Beaume et M. Jean-Louis Nadal, autorités incontestées !
Nous reparlerons de la législation sur les armes, aspect très important.
Vous prenez en compte le souhait des policiers de se servir plus légitimement de leurs armes lors d'interventions durant lesquelles des voyous ou des terroristes ont déjà tiré. L'Assemblée nationale a voté un article très intéressant, mais fort complexe. Nos policiers devront, s'ils veulent dégainer, avoir sous un bras le dictionnaire, sous l'autre le code pénal. Nous ferons une proposition.
Les perquisitions de nuit et les fouilles des véhicules, voilà des sujets qui auraient dans le passé paralysé net tout débat. Les esprits ont évolué. La retenue de quatre heures s'explique par la nécessité d'approfondir les recherches lorsque la personne contrôlée est fichée. Nous encadrerons cependant les dispositions adoptées à l'Assemblée nationale. Surtout, on ne peut traiter un mineur comme un adulte, sans avertir son représentant légal, l'aide sociale à l'enfance (ASE), le procureur de la République. Nos services sont efficaces : deux heures leur suffisent pour les vérifications, pas quatre heures !
Vous voulez assigner à résidence les personnes revenant d'un théâtre d'opérations terroristes - c'est-à-dire de partout ! Cela pose un vrai problème : dans notre proposition de loi, nous avions clairement choisi de judiciariser au maximum toutes les opérations de lutte contre le terrorisme, en créant des incriminations : le fait d'être allé sur place constituerait une infraction. Le Gouvernement n'a pas souhaité nous suivre, ni lors de la discussion de cette proposition de loi, ni aujourd'hui. Je reconnais que notre proposition n'a pas suscité l'enthousiasme lors des auditions. Mais l'Assemblée nationale prévoit l'assignation à résidence : monsieur le ministre, si vous ne souhaitez pas intégrer de mesure de l'état d'urgence dans ce projet de loi, modifiez cet article ! Je présenterai un amendement limitant les pouvoirs de l'autorité administrative.
Grâce à vous, monsieur le ministre, le nombre d'articles augmentera d'une vingtaine d'amendements.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Très exactement, 19.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Nous aurons un gros travail d'examen, car bien des questions restent ouvertes, sur le couple procureur-JLD, sur le régime des peines, les retenues pour les mineurs, etc. Peut-être devrons-nous y revenir à l'occasion d'une réforme plus large du code pénal ou du code de procédure pénale, cependant le travail sera loin d'être terminé après ce texte, qui est seulement une étape - importante.
M. Pierre-Yves Collombat. - Monsieur le ministre, vous balayerez peut-être ma première question d'un revers de main : voici un énième texte, alors que nous connaissons le terrorisme depuis les années 1980, et même avant. Compte tenu de l'importance de cette question, pourquoi n'avons-nous pas pris le temps - nous sommes en guerre, paraît-il - de constituer un corpus juridique résistant au temps et pouvant régler par avance ces questions ? Disposera-t-on un jour d'un ensemble cohérent qui ne sera pas changé à chaque nouveau crime ? Faut-il à chaque fois une nouvelle liste de courses ?
La partie sur le financement du terrorisme est bien trop restreinte, avec seulement trois mesures principales, alors qu'il s'agit du nerf de la guerre. On n'ennuie guère les banquiers sur l'opacité des transferts de capitaux - je fais du mauvais esprit...
Selon vous, aucune des mesures ne transpose celles de l'état d'urgence. Pour notre rapporteur, au contraire, une bonne loi est celle qui rend l'état d'urgence permanent ; ce n'est pas ma façon de voir. Pourriez-vous nous donner des éclaircissements à ce sujet ?
M. Jacques Bigot. - Ce texte, concentré sur le crime organisé et le terrorisme, réforme également, et profondément, la procédure pénale, avec un rôle important du procureur et du JLD. J'ai des interrogations sur les articles 18 et 20. Des personnes soupçonnées d'intentions terroristes, à leur retour d'un théâtre d'opérations, pourraient faire l'objet d'un contrôle administratif, gênant pour l'État de droit. La rédaction initiale de cet article, dont le 1° a été supprimé, permettait d'arrêter ces personnes, de saisir le juge d'instruction, et de mettre en oeuvre un contrôle judiciaire. Selon certains magistrats, le délit créé dans la proposition de loi ouvrait aussi des possibilités... C'est un vrai point de débat.
Mme Catherine Tasca. - Merci pour cette présentation extrêmement construite et claire. Ce texte a davantage de cohérence et de structuration que n'en a vu M. Collombat : cette « liste de courses » repose sur des enseignements très concrets tirés de l'expérience actuelle et de l'état d'urgence. La place du contradictoire fait l'objet de nombreuses critiques des avocats ; êtes-vous allé aussi loin que possible ? Pourquoi doubler la retenue à quatre heures ? Que permettra concrètement cet allongement ? J'approuve le rapporteur qui considère qu'une solution spécifique doit être trouvée pour les mineurs.
M. Alain Vasselle. - Je déposerai quelques amendements sur le financement du terrorisme. La législation actuelle est-elle suffisamment coercitive et contraignante pour limiter la contrefaçon, qui participe au financement du terrorisme ?
Mme Cécile Cukierman. - Nous débattrons sur l'ensemble du texte en séance, entre les esprits qui évoluent et ceux qui résistent... Selon vous, la simplification permet à la justice d'être plus efficace et plus rapide ; mais elle ne palliera pas le manque de moyens. La visioconférence, loin de régler ces difficultés matérielles, fera perdre leur solennité aux auditions, y compris sur des affaires du quotidien.
Que pensez-vous de l'habilitation donnée à l'administration pénitentiaire de procéder à des écoutes ? Lors du débat sur la loi relative au renseignement, notre groupe y était hostile, pour éviter le mélange des genres.
M. François Grosdidier. - Je partage les remarques du rapporteur sur l'utilisation des armes et celles de mes collègues sur les sources de financement. Pourquoi une nouvelle mesure de sanction des officiers ou des agents de police judiciaire à l'article 23 ? Ce nouveau dispositif disciplinaire d'urgence est-il vraiment nécessaire ?
Parmi les forces de l'ordre, beaucoup dénoncent la surtransposition de la directive d'octobre 2013 qui multiplie les contraintes administratives, au détriment du travail de terrain. Cette transposition est-elle nécessaire ou exagérée ? Que pensez-vous des caméras mobiles, qui protègent les contrevenants de bavures, les policiers de remises en cause abusives, et qui servent de point d'appui précieux aux magistrats ?
Dans ma modeste commune qui compte 22 agents pour 14 000 habitants, et où deux équipages tournent chaque nuit - contre quatre pour 230 000 habitants dans la police nationale - le système est opérationnel depuis longtemps. Élaborer un cadre juridique pour les caméras mobiles individuelles, d'accord, mais j'ai été surpris de voir que les députés limitaient le dispositif aux polices municipales des communes situées en zone de sécurité prioritaire : la mienne, parce que le taux de délinquance a chuté de 50%, n'en fait plus partie... Ouvrons-le plutôt à toutes les polices municipales liées à l'État par une convention de coordination. Les conditions d'utilisation de ces techniques sont en outre, depuis la loi sur la sécurité dans les transports collectifs, plus restrictives pour les forces de sécurité publiques que pour les agents de sécurité privés. Ne faudrait-il pas faire converger les deux régimes ?
M. Alain Richard. - L'article 24 élargit les conditions d'accès au dossier pendant l'enquête. Or, d'après nos auditions, cela nuirait à l'efficacité de l'enquête et serait très consommateur de moyens humains. Qu'en pense le Gouvernement ? L'impact d'une telle mesure a-t-il pu être évalué ? Le Gouvernement fera-t-il des propositions de modification ?
M. François Pillet. - Alors que le rôle du juge des libertés et de la détention s'accroît, il serait bon de prévenir les critiques adressées naguère au juge d'instruction en lui garantissant un statut solide. Le Sénat a pris une position claire lors de l'examen du projet de loi pour la justice du XXIème siècle et du projet de loi organique relatif au statut des magistrats. Le JLD sera-t-il un juge expérimenté, par exemple un magistrat de premier grade comme nous le souhaitons, ou bien un juge sortant de l'école ? Sera-t-il nommé par décret ou, comme c'est le cas aujourd'hui, par le président du tribunal de grande instance ? Le Sénat souhaitait conserver cette dernière solution, après avis conforme de l'assemblée générale du TGI.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Merci pour la diversité de vos questions. Conséquence du caractère choral du texte, une grande partie est en fait adressée au ministre de l'intérieur. Le Gouvernement a d'ailleurs proposé au Sénat d'examiner ses dispositions par blocs : avec le ministre de l'intérieur dès le 29 mars, le ministre de l'économie ensuite, sur les questions de financement du terrorisme et de blanchiment d'argent, et moi-même enfin.
Tirons-nous parti d'un arsenal juridique solide ou sommes-nous pris de court par les événements ? Sans doute un peu les deux. Il existe un modèle français, celui de l'association de malfaiteurs à but terroriste, infraction créée en 1986, qui s'est révélée très efficace. Mais la situation a changé : Daech n'existait pas en 1986, et les technologies ont profondément muté. Voyez les difficultés qu'a le FBI pour obtenir d'Apple les informations utiles à la lutte antiterroriste - problème impensable il y a encore cinq ans, et qui est devenu un défi quasi quotidien. L'application la plus utilisée par Daech, Telegram, évolue elle-même rapidement. Le texte parfait n'existe donc pas. J'ai toujours considéré que le droit était moins affaire de connaissance que d'interprétation ; la discussion pourrait durer longtemps - pour preuve, dix-neuf amendements ont été déposés au Sénat alors que la discussion à l'Assemblée nationale remonte à peine à quinze jours...
La position du Gouvernement comme celle du Parlement s'enrichit chaque jour de l'expérience de ceux dont la lutte antiterrorisme constitue le quotidien, et je me félicite que nous ayons renforcé leurs moyens : les 302 millions d'euros débloqués sur trois ans après les attentats de Charlie Hebdo, dont 190 en 2016, ont en effet permis de mobiliser davantage de personnel. Six des neuf juges d'instruction du pôle antiterroriste travaillent par exemple sur les attentats du 13 novembre ; la section antiterroriste du parquet de Paris compte désormais onze magistrats ; la dernière promotion de l'École nationale d'administration pénitentiaire comptait, en juillet, 980 surveillants pénitentiaires, financés sur les programmes du plan de lutte antiterroriste ; 228 magistrats, autant de greffiers, 15 assistants spécialisés dans l'antiterrorisme ont également été rendus opérationnels.
Un nouveau couple, formé par le procureur et le JLD,
est en train de naître. La responsabilité donnée à
l'un doit être équilibrée par le pouvoir de contrôle
octroyé à l'autre. C'est une question de statut, mais aussi de
moyens : le tribunal de grande instance de Paris compte plusieurs JLD
à temps plein, tandis que le président de celui de Saint-Omer
exerce cette fonction à titre subsidiaire... Sur ce point comme sur la
collégialité de l'instruction
- applicable au
1er janvier 2017, ce qui implique de prévoir les moyens
appropriés ou de réduire le champ d'application, car je ne veux
pas reporter une quatrième fois l'échéance - il est
temps d'avancer, car chaque nouveau texte modifiant la procédure
pénale donne au JLD des compétences supplémentaires. Les
présidents de TGI ne sont pas favorables à ce que les JLD soient
nommés par décret ; le Gouvernement y voit pourtant une
garantie pour celui qui exerce cette responsabilité.
Monsieur Vasselle, l'arsenal juridique relatif au financement du terrorisme permet de combattre aussi la contrefaçon, ne l'alourdissons pas.
Madame Tasca, la rapporteure de l'Assemblée nationale, Colette Capdevielle, avait déposé en commission un amendement qui aurait élargi les possibilités d'accès au dossier, mais l'analyse par nos services a montré que cela aurait concerné près de 375 000 procédures... Elle s'est donc rangée à notre position - qui demeure toutefois, j'en suis certain, perfectible.
Le Gouvernement reste prudent sur l'attitude qu'il convient d'avoir à l'égard des personnes de retour d'un théâtre d'opération de groupements terroristes, mais persiste à privilégier la retenue administrative car elle présente des avantages opérationnels et demeure conforme à nos canons juridiques. J'ai eu l'occasion de le dire aux présidents des juridictions administratives que j'ai reçus à la Chancellerie.
M. Alain Richard. - Il faudrait le dire à d'autres...
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Le Gouvernement est attaché à la dualité de juridictions, et le juge administratif a fait toute la démonstration de sa capacité de protéger les libertés. Le citoyen a, je crois, tout à gagner à cette double protection. Bref, le ministre de l'intérieur aura l'occasion de revenir sur la nature du contrôle administratif des personnes de retour de Syrie.
Monsieur Collombat, parmi les membres du groupe d'action financière (Gafi), la France fait partie des pays les mieux armés, avec Tracfin, pour lutter contre le blanchiment d'argent, et n'est pas si complaisante que vous le dites vis-à-vis de ses banques.
Le ministre de l'intérieur vous répondra ultérieurement sur la situation des mineurs.
Sur la légitime défense, la perfection n'étant pas de ce monde, le Gouvernement ne souhaite qu'améliorer la rédaction du texte, dès lors qu'il reste opérationnel. Il convient de maintenir la légitime défense dans des frontières claires et bien établies.
Nous sommes en phase d'expérimentation des caméras mobiles pour la police municipale. À l'Assemblée nationale, le Gouvernement, estimant équilibré le texte initial, a émis un avis de sagesse sur les amendements élargissant le dispositif - que les députés n'ont pas votés - et n'a pas changé d'avis.
Monsieur Mercier, le Gouvernement n'est pas hostile à vos amendements sur l'article 24.
Madame Cukierman, la visioconférence peut être la meilleure et la pire des choses. Faisons confiance à la capacité de discernement des fonctionnaires. Il n'est pas toujours possible de monter en urgence une escorte policière pour transférer un détenu. Le ministère de la justice doit assumer ses responsabilités, apprendre à s'organiser, et arrêter de vouloir sous-traiter les transfèrements et les extractions judiciaires aux policiers et gendarmes.
J'ai rencontré hier toutes les organisations syndicales du ministère lors du comité technique paritaire que je présidais : toutes sont désormais favorables à ce que des agents de l'administration pénitentiaire soient spécialement formés au renseignement, selon une doctrine qui sera négociée avec elles. Il n'est bien sûr pas question de former tous les agents ; les conseillers d'insertion et de probation, par exemple, ne sont en aucune façon concernés. Le renseignement doit rester l'affaire du MS3, devenu bureau du renseignement pénitentiaire, appelé à devenir opérationnel dès que l'administration sera prête.
Le ministère ne peut se permettre une fuite en avant technologique. Songez que les 804 brouilleurs de téléphones portables disponibles dans les prisons ne brouillent que la 2G ! En racheter pour brouiller les 30 000 téléphones portables entrés en prison l'an passé ne serait profitable qu'aux fabricants de brouilleurs... Recentrons le renseignement pénitentiaire sur la criminalité organisée, la lutte contre la radicalisation ; l'appui technologique pour la sécurisation des prisons, oui, la course technologique au brouillage, non. Les parlementaires seront associés à ce chantier ; je vous invite d'ailleurs à venir avec moi constater l'utilité des 3 millions d'euros budgétés en 2017 pour l'achat de nouveaux brouilleurs...
Monsieur Grosdidier, la création d'une procédure disciplinaire d'urgence est cohérente avec le renforcement du rôle du parquet et le contrôle accru des OPJ.
M. Philippe Bas, président. - Nous vous remercions.
La réunion est levée à 19 h 15
Mercredi 23 mars 2016
- Présidence de M. Philippe Bas, président -La réunion est ouverte à 8 h 30
Renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias - Échange de vues sur une saisine pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis
La commission procède tout d'abord à un échange de vues sur une éventuelle saisine pour avis sur la proposition de loi n° 4465 (2015-2016), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
M. Philippe Bas, président. - La commission de la culture nous a délégué certaines dispositions de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
M. François Pillet. - Peut-être pourrions-nous élargir le champ de notre délégation, et aborder le thème de la déontologie des médias ?
M. Philippe Bas, président. - Nous le suggérerons à notre rapporteur.
M. Hugues Portelli est nommé rapporteur pour avis sur la proposition de loi n° 4465 (2015-2016), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
Mission en cours de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des dernières lois de réforme territoriale - Communication
Puis la commission entend une communication de MM. Mathieu Darnaud et René Vandierendonck sur la mission de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des dernières lois de réforme territoriale.
M. Mathieu Darnaud, co-rapporteur. - J'interviendrai sur la question de l'intercommunalité et des communes nouvelles. S'agissant de l'intercommunalité, les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) vont être arrêtés fin mars. À la suite des auditions de l'Association des maires de France et de l'Assemblée des communautés de France et de notre déplacement en Bourgogne-Franche-Comté, nous avons pu établir plusieurs constats. Le premier est celui de la disparité des cartes intercommunales. Dans certains départements, comme le Bas-Rhin ou la Loire-Atlantique, cette carte est aboutie, les intercommunalités étant relativement développées. A contrario, dans le Doubs, où nous nous sommes déplacés, la plupart des intercommunalités sont peu importantes, avec 25 intercommunalités sur 30 regroupant moins de 15 000 habitants. Deux raisons peuvent expliquer ces disparités. Tout d'abord, l'affectio societatis : selon les territoires, des habitudes, des relations se sont tissées au fil du temps, ce qui a abouti naturellement à la constitution d'intercommunalités. Ensuite, la différenciation territoriale : la culture intercommunale est plus ou moins prégnante selon les parties du territoire. Ainsi, le fait intercommunal est plus développé dans les régions de l'Ouest que dans celles du Sud-Est.
Dans le cadre de la loi NOTRe, le Sénat a baissé le seuil minimal de constitution des EPCI par rapport au seuil initial proposé par le Gouvernement en l'assortissant d'un système dérogatoire afin de prendre en compte l'hyper ruralité, les zones de montagne, tout en respectant les bassins de vie. Cette dernière notion a d'ailleurs été très discutée : il faudra comparer la réalité de ces bassins de vie avec les périmètres des intercommunalités telles que proposées dans les schémas.
Ce qui nous préoccupe, c'est l'application très hétérogène des dérogations. Certains préfets n'ont pas appliqué les dérogations que nous avons votées. C'est pourquoi, dans ces territoires, les élus ont fait valoir ces principes dérogatoires pour obtenir des tailles d'intercommunalité plus réalistes par rapport à la densité et à la taille du territoire.
Cela ne va pas sans poser de problème. On constate des écarts très significatifs, avec des regroupements de 210 communes dans la Manche, 205 dans le Pas-de-Calais ou une fusion de 10 intercommunalités dans les Pyrénées-Atlantiques.
Concernant la méthode, on constate aussi d'importantes variations. Certains préfets ont opté pour le « bloc à bloc », c'est-à-dire le regroupement d'intercommunalités déjà existantes, d'autres ont repensé complètement la carte de l'intercommunalité, en cassant des intercommunalités existantes.
On assiste également à la constitution d'intercommunalités qualifiées de « XXL ». Ce phénomène peut être vécu positivement quand il est souhaité par les élus, mais il peut être également très anxiogène dans certains territoires, notamment ruraux, car la question de la gouvernance se pose. Comment la commune peut-elle exister dans ces grandes intercommunalités ? Des questions se posent également dans le domaine de l'ingénierie. Concernant le regroupement au sein des territoires ruraux, un outil porte la marque du Sénat : c'est le pôle d'équilibre territorial et rural (PETR). Il est utilisé avec une relative parcimonie. Il permet pourtant d'accepter un périmètre de coopération large, sans pour autant mettre en place tout de suite une communauté d'agglomération voire une communauté urbaine. Il permet une adaptation progressive vers une intercommunalité plus intégrée.
Un autre point a été régulièrement soulevé par nos interlocuteurs : la rapidité avec laquelle les choses doivent se mettre en place, ce qui génère une réelle inquiétude chez les élus, notamment dans le cas de fusions de communautés de communes, qui s'accompagne d'une réflexion sur les compétences, ce qui pose difficulté. Pour répondre à cette inquiétude, certains proposent de retarder l'entrée en vigueur des SDCI. Dans certains territoires, on constate de réelles difficultés, notamment pour les compétences lorsqu'il y a fusion entre des intercommunalités rurales et urbaines. Dans ce contexte, la proposition de loi de M. Mézard, qui vise à rallonger dans certains cas le délai de mise en place des nouvelles intercommunalités, dans le respect des schémas départementaux qui vont être arrêtés, trouve tout son sens.
Une des principales conséquences de la révision de la carte intercommunale est la montée en puissance des communes nouvelles. Dans le Doubs, de quelques projets, on est passé quand le préfet a fait le premier rendu de son schéma, à 50 projets sur 600 communes. À l'échelle nationale, ce sont 340 communes nouvelles, concernant 1 160 communes, qui ont été créées. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Il y a tout d'abord, avec la mise en place d'intercommunalités de plus en plus importantes, un sentiment de déclassement, et la commune nouvelle permet d'être mieux représentée au sein de ces dernières. Ensuite, il est parfois techniquement difficile de mettre en place une intercommunalité, car certaines communautés de communes intègrent beaucoup de compétences, et la commune nouvelle est un élément facilitateur pour tendre vers un regroupement intercommunal. En tous cas, on constate que l'incitation financière est loin d'être toujours le fait générateur de ces regroupements.
Pour conclure, l'une des conséquences de la révision de la carte intercommunale est la montée en puissance des communes nouvelles, qui n'était pas attendue. Nous constatons également qu'il est nécessaire de laisser l'initiative au terrain et aux territoires, partant notamment de l'affectio societatis, qui permet de constituer des intercommunalités qui fonctionnent à la fois en termes de gouvernance et de montée en puissance sur les compétences.
M. René Vandierendonck, co-rapporteur. - Lors de notre déplacement en Bourgogne-Franche-Comté, nous avons pu apprécier l'exemple d'une fusion de régions réussie, en raison d'une volonté politique préexistante à la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions. Les milieux économiques portaient aussi ce projet depuis longtemps.
Les directeurs généraux des services des deux régions fusionnées ont cependant regretté que l'État se soit montré peu présent dans la préparation de cette fusion. La mise en place des services de la nouvelle région s'est organisée de façon originale. Aucun des deux directeurs généraux des services n'a accédé à cette même fonction dans la région fusionnée. En attendant la nomination du nouveau directeur général, chacun a exercé des attributions fonctionnelles sur le périmètre territorial de la nouvelle région, l'un chargé du rapprochement des politiques publiques des deux régions, l'autre des questions de ressources humaines. Les représentants syndicaux nous ont indiqué que les personnels acceptaient le principe de la fusion tout en exprimant certaines inquiétudes. Ainsi, si les droits acquis sont maintenus, il apparaît que la cohabitation de différents statuts pour des personnels effectuant les mêmes tâches pose question. La mission prioritaire de la nouvelle directrice générale des services, Mme Valérie Chatel, sera de réussir le pacte social, étape indispensable pour la suite.
Se pose aussi la question de la territorialisation de l'action publique régionale. Dans certaines régions, les départements défendent une position unitaire dans le nouvel espace régional. Dans d'autres régions, les départements souhaitent exercer les seules compétences obligatoires que leur attribue la loi NOTRe. D'autres départements, au contraire, souhaitent continuer à exercer leurs anciennes compétences au titre de la solidarité territoriale, en particulier pour aider les territoires ruraux, ce qui fait écho à l'article de notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest sur la différenciation territoriale. Le Sénat a eu à coeur de permettre la conclusion de conventions pour la délégation de compétences aux départements et aux intercommunalités. Les aides aux entreprises relèvent maintenant de la compétence des régions mais peuvent être confiées par convention aux départements ou aux intercommunalités. Les personnes que nous avons rencontrées en Bourgogne-Franche-Comté ont salué la clarification des compétences entre les différents échelons et la souplesse contractuelle adoptée à l'initiative du Sénat. Notre collègue Pierre-Yves Collombat, rapporteur délégué de la mission, a présenté la semaine dernière l'organisation des services de l'État afin de territorialiser leur action et leur synchronisation avec les services de la région. Même en présence d'une affectio societatis ancienne, il faudra un certain temps pour que la définition des politiques territoriales et la territorialisation correspondante produisent l'ensemble des effets escomptés. Les nouvelles régions ne reçoivent aucun soutien budgétaire particulier de la part de l'État, c'est la préoccupation que nous pouvons relayer, alors qu'elles doivent faire face à de nombreux défis. Dans la nouvelle région Bourgogne-Franche-Comté, la durée du mandat sera nécessaire pour réussir la fusion et la territorialisation de ses politiques.
Enfin, à noter aussi que l'idée d'un pôle métropolitain - sorte d'« auberge espagnole » où tout le monde peut trouver ce qu'il souhaite - entre Dijon et Besançon est dans les esprits, pour mettre un terme à la rivalité entre les deux villes. En théorie, c'est un projet séduisant mais sur la base d'un concept plutôt fluctuant.
M. Philippe Bas, président. - Nous remercions les rapporteurs pour leur investissement personnel. Sans surprise, les grandes régions se mettent en place progressivement et gèrent dans un premier temps leurs problèmes propres. Il est vrai que les régions ne montrent aucun empressement à recueillir des compétences, peu nombreuses, qui leur seraient transférées par les départements et qui ne les intéressent guère. De plus, ces compétences, comme les transports scolaires, étaient exercées différemment d'un département à l'autre, ce qui pose aux régions des problèmes d'harmonisation redoutables. Il y a des surprises en ce qui concerne les dispositions de la loi NOTRe en matière d'intercommunalité. Nous avons concentré le débat parlementaire sur le nombre d'habitants minimal de constitution d'une communauté de communes. Or la vraie question était celle de la procédure : malgré le seuil abaissé de 15 000 habitants pour lequel nous nous sommes beaucoup battus, les préfets ont été libres, voire incités, à utiliser l'instrument du regroupement dans le milieu rural pour y constituer des intercommunalités de 100 000 ou 200 000 habitants, dans des périmètres qui ne correspondent en aucun cas à des bassins de vie. Mais la procédure, telle que nous l'avons reproduite à partir de la loi de 2010, autorisait les préfets à établir des projets de schéma départemental de coopération intercommunale qui ne comportaient aucune limite en matière de périmètre territorial des regroupements. Il est très difficile ensuite d'en sortir car le projet de schéma a des implications juridiques très fortes. Pour les modifier, il faut pour cela une majorité des deux tiers des membres des commissions départementales de coopération intercommunale qui ne sont pas toujours protectrices de la volonté démocratique des conseils municipaux. Nous devons être attentifs à la proposition de loi de notre collègue Jacques Mézard qui vise à détendre le calendrier pour la mise en place de certaines intercommunalités car là où sont prévues de très grandes intercommunalités rurales, il faudra certainement, pour préserver la proximité des centres de décision, inciter les petites communes à se regrouper en communes nouvelles.
M. François Grosdidier. - La mission d'information n'a pas achevé ses travaux mais je reste pour l'instant sur ma faim. Au vu de la communication qui a été faite, il me semble qu'on ne tire aucun avantage de la réforme territoriale en cours : on cherche simplement des moyens de surmonter les difficultés qu'elle crée.
Une seule véritable question se pose : les fusions de régions vont-elles permettre de générer des économies ? On nous avait annoncé 16 milliards d'euros d'économies, j'ai au contraire l'impression que la perspective de quelconques économies s'éloigne.
La réforme territoriale a conduit à un allongement des circuits de décision. Pour la simple rénovation d'un lycée professionnel, par exemple, on doit traiter avec deux fois plus d'élus et tout administrer d'un échelon plus éloigné.
S'agissant du bloc communal, la réforme territoriale n'a pas réglé le principal problème de la réforme de la loi du 16 décembre 2010 : le seuil requis pour procéder à une modification du schéma départemental de coopération intercommunale, à savoir une majorité des deux tiers dans les CDCI. On atteint parfois les deux tiers des présents, mais c'est plus difficile d'atteindre les deux tiers des membres.
Je ne partage pas l'avis de notre collègue René Vandierendonck à propos des pôles métropolitains lorsqu'il les présente comme une auberge espagnole. Les pôles métropolitains peuvent constituer une bonne solution. Les intercommunalités doivent assumer le développement économique, donc elles ont intérêt à s'étendre sur un territoire suffisamment grand, afin de rendre leur action économique viable. Le revers de cette tendance à l'élargissement, c'est la naissance de structures intercommunales sur des territoires, pour partie ruraux et pour partie urbains, au sein desquels il est difficile d'exercer une compétence en matière de développement économique cohérente. Parfois, une intercommunalité de taille plus modeste combinée à un pôle métropolitain constitue une solution plus souple.
M. Pierre-Yves Collombat. - La procédure ne simplifie pas les choses, mais ce n'est pas l'origine du problème. On voit bien que la notion d'intercommunalité a pris deux sens : soit il s'agit d'un outil de gestion locale, soit d'une circonscription administrative qui agit comme un substitut au département, et selon les préfets, c'est l'une ou l'autre de ces versions qui triomphe. Certains préfets, ceux qui ne voulaient pas d'ennuis pour dire les choses clairement, ont tranquillement suivi la CDCI.
Beaucoup de communes nouvelles sont issues de la volonté de faire survivre des intercommunalités qui fonctionnaient bien, mais qui ont été contraintes de s'engager dans un processus de fusion. C'est une manière de faire survivre le consensus local sous forme de communes associées, déléguées, etc.
M. Alain Anziani. - Une remarque d'abord : on parle beaucoup du rôle prégnant des préfets dans l'élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale, mais il existe beaucoup de cas dans lesquels la majorité des deux tiers au sein de la CDCI a permis de modifier le projet de schéma et la position du préfet.
Une question ensuite : les rapporteurs pourraient-ils nous faire part de leurs commentaires sur les métropoles ?
Mme Cécile Cukierman. - Les rapporteurs peuvent-ils d'abord nous dire s'il existe des différences entre les fusions qui concernent deux régions et celles qui en concernent trois ?
Je souhaite ensuite faire part de l'inquiétude des personnels dans le cadre de ces fusions : ils sont dans l'incertitude et la fusion génère des contraintes fortes sur leur cadre d'activité.
Il existe par ailleurs un risque de perte de portée des politiques régionales sur des territoires à présent beaucoup plus étendus.
Concernant les CDCI, le seuil des deux tiers est difficile à actionner et conduit parfois à des rapports tendus. Cela ne donne pas toujours une belle image de la démocratie locale.
Je pense enfin qu'il y a un peu d'excès dans ce qui a été dit des pôles métropolitains. Ils permettent de travailler sur des projets larges et ont donc une utilité.
M. Jean-Pierre Sueur. - Premièrement, je suis satisfait des intercommunalités issues du travail des CDCI. Il fallait instaurer une taille intercommunale critique plus importante et la mettre en oeuvre. Deuxièmement, il faut retravailler le phénomène métropolitain. L'idée de pôle métropolitain, qui est une belle idée, mériterait d'être repensée.
M. Jacques Bigot. - J'ai deux observations à formuler.
Vous avez d'abord souligné, Monsieur le Président, que le préfet peut imposer des stratégies de regroupement. Mais il faut dire que ce sont parfois des stratégies partagées par les élus. Dans mon département, trois fusions ou regroupements d'intercommunalités sont programmés. Le seuil des deux tiers n'a pas été obtenu dans toutes les CDCI concernées et je dois dire que l'esprit intercommunal a parfois été absent des échanges.
Ensuite, je ne voudrais pas que la décentralisation conduise paradoxalement à un phénomène de recentralisation, au travers de l'action des préfectures dans les territoires... Quel est le poids du préfet de région dans cette nouvelle gouvernance ?
M. Patrick Masclet. - Je partage la présentation faite par les rapporteurs. J'ai le sentiment que les schémas sont globalement acceptés, même si le sujet des intercommunalités « XXL » génère parfois des attitudes anxiogènes. Les rapporteurs peuvent-ils évaluer la proportion des intercommunalités qui font l'objet de véritables difficultés, dans les projets de SDCI récemment présentés ?
Enfin, une remarque concernant les communes nouvelles : elles résultent d'un réflexe des intercommunalités existantes pour subsister au sein d'intercommunalités plus étendues.
M. Yves Détraigne. - Je suis surpris par l'évolution des esprits ces derniers temps. Le fait intercommunal est dans les esprits et les élus sont beaucoup plus ouverts aux évolutions. Les choses se font beaucoup plus facilement que ce que l'on pouvait l'imaginer, en comparaison de ce que nous avions pu constater lors de l'achèvement de la carte intercommunale en 2010-2012.
M. Jean Louis Masson. - Sur la fusion des régions, les choses ne se passent pas bien dans certains endroits. On devrait pouvoir, dans de tels cas, recourir au référendum. C'est le cas dans la région « Grand Est », à laquelle de nombreux citoyens sont opposés. Les consultations prévues par les engagements européens de la France n'ont pas été respectées.
S'agissant des commissions départementales de coopération intercommunale, le comportement de certains préfets est inadmissible. Dans mon département, il a fallu que je me batte pour la présentation d'un amendement, qu'il considérait comme irrecevable.
M. Alain Marc. - Dans mon département, le préfet s'est très bien comporté, car il a permis la bonne organisation de la commission départementale de coopération intercommunale qui aurait pu être très compliquée, en réunissant les élus de manière anticipée.
Les élus sont inquiets car ils ont l'impression qu'il ne s'agit que d'une première vague de regroupement. Avez-vous eu ce ressenti ? Et pour les citoyens, que vont-ils comprendre aux différences de compétences entre les intercommunalités ? Je crains que cela ne contribue à les éloigner encore de la vie politique.
M. Mathieu Darnaud, co-rapporteur. - Sur le ressenti des élus, nous constatons que sur certains territoires, la loi NOTRe n'est pas encore totalement, voire pas du tout, acceptée. Je vois personnellement beaucoup d'intérêt à la proposition de loi de M. Mézard, car il y a des endroits où les choses ne sont quasiment pas faisables dans le calendrier actuellement arrêté.
Je comprends la frustration de M. Grosdidier concernant le stade d'avancement du rapport, mais tout cela est encore très frais, et, s'il y a une chose à retenir, c'est la disparité entre des cartes intercommunales. L'acceptabilité des schémas proposés par les différents préfets est donc aussi plus ou moins forte. Dans mon département, l'Ardèche, la loi NOTRe est encore un épouvantail, et il y a un réflexe systématique pour aller vers les dérogations permises.
Concernant les intercommunalités « XXL », on est en train de recenser le phénomène, qui sera peut-être revu dans les schémas arrêtés. Deux questions principales se posent : celle de la prise en compte des espaces ruraux et celle de leur gouvernance.
Les commissions départementales de coopération intercommunale, si elles sont un acteur majeur, ne sont pas non plus l'alpha et l'oméga dans le processus de décision. La commission départementale de coopération intercommunale est la représentation des élus, mais les conseils municipaux ont un rôle entier dans la démarche, avec l'acceptation de l'arrêté de périmètre. Ce sera le test grandeur nature.
M. René Vandierendonck, co-rapporteur. - Nous n'avons fait pour l'instant qu'un déplacement, il faut donc rester modeste sur le bilan, les choses s'éclaireront au fur et à mesure de nos déplacements. Concernant la proposition de loi de M. Mézard, son champ de crédibilité opérationnel est limité. Il faudra la regarder de près et la limiter à des problèmes complexes. Il ne faudrait pas que, sous prétexte de l'approche des élections sénatoriales, on ait à examiner une nouvelle proposition de loi à chaque réunion de commission...
Renforcer la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorer l'efficacité et les garanties de la procédure pénale - Examen du rapport et du texte de la commission
Enfin, la commission examine le rapport de M. Michel Mercier et le texte qu'elle propose sur le projet de loi n° 445 (2015-2016), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, el terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.
M. Philippe Bas, président. - Nous examinons à présent le rapport de M. Michel Mercier sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Au départ, les choses étaient assez simples : le Gouvernement entendait préparer la sortie de l'état d'urgence en renforçant les dispositions de droit commun au stade de l'enquête, en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, en simplifiant les procédures et en achevant la transposition de directives européennes. Après le débat à l'Assemblée nationale, les intentions demeurent mais apparaissent moins clairement : le texte est passé de moins de 40 articles à près d'une centaine, et chaque article ou presque mériterait une discussion générale à lui seul. Aujourd'hui nous examinerons 175 amendements dont 26 ont été déposés par le Gouvernement.
Nombre de mesures visant à renforcer les dispositifs de droit commun ont déjà été votées par le Sénat dans le cadre de la proposition de loi du président Bas tendant à renforcer la lutte antiterroriste. Je songe à l'utilisation par les services d'enquête et d'instruction des moyens mis à disposition des services de renseignement. Nous les accueillons donc favorablement et ne proposerons que des aménagements techniques.
D'autres mesures posent plus de problèmes, comme l'extension du principe du contradictoire au stade de l'enquête - il faudra trouver un équilibre avec l'efficacité des procédures - ou les mesures administratives, qu'il s'agisse de la retenue de quatre heures après un contrôle d'identité ou du contrôle des personnes de retour d'un théâtre d'opération de groupements terroristes - que le Gouvernement préfère à la création d'une incrimination spécifique.
Je salue la présence du rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et celle du rapporteur pour avis de la commission des finances, qui présente des amendements relatifs au blanchiment d'argent, aux contrôles douaniers et au rôle de Tracfin.
Dernier sujet d'importance : l'usage des armes par les forces de sécurité contre quelqu'un qui vient de commettre ou tenter de commettre un meurtre et qui s'apprête à recommencer. L'Assemblée nationale a voté un dispositif compréhensible des seuls agrégés de droit ayant aussi travaillé à l'Académie française... Nous tâcherons de bâtir un mécanisme plus opérationnel sur ce point, et de reprendre plus largement les dispositions figurant dans la proposition de loi Bas adoptée en février dernier.
M. Philippe Bas, président. - Je salue à mon tour la présence parmi nous du rapporteur général de la commission des finances M. Albéric de Montgolfier, qui est aussi rapporteur pour avis sur ce texte, et de M. Philippe Paul, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - La commission des finances s'est saisie pour avis des articles 12 à 16 quinquies, ainsi que de l'article 33. Elle a adopté douze amendements, symboliques ou substantiels. La présidente Michèle André et moi-même nous sommes récemment rendus au service Tracfin, avec qui nous avons largement échangé, ainsi qu'avec la direction des douanes.
L'article 14 permettant à Tracfin de signaler à un établissement financier tel de ses clients faisant par exemple l'objet d'une fiche S est très utile, sous réserve que la banque ne cherche pas à se dégager de toute responsabilité en fermant le compte : cela éveillerait immanquablement les soupçons de l'intéressé. Nous avons donc adopté un amendement tendant à créer un régime d'irresponsabilité leur interdisant de fermer les comptes de clients signalés par Tracfin - il est inspiré de celui prévu en cas d'ouverture de compte sur demande de la banque de France.
À l'article 14 bis, ajouté à l'Assemblée nationale par la commission des finances après avis favorable du Gouvernement et de la commission des lois, qui étend le régime d'irresponsabilité pénale des établissements de crédit en cas d'ouverture d'un compte sur désignation de la Banque de France, nous avons adopté une amélioration rédactionnelle.
À l'article 15 bis, nous ouvrons l'accès direct de Tracfin au fichier traitement d'antécédents judiciaires (TAJ), dans le strict respect de ses attributions.
Les banques ne pouvant pour l'heure, à l'ouverture d'un compte, vérifier que les documents d'identité qu'on lui présente sont réguliers, nous avons adopté après l'article 15 bis un amendement leur permettant d'accéder aux informations relatives aux numéros des documents d'identité perdus, volés et invalidés.
À l'article 16 ter, nous avons adopté, avec l'accord de Bercy, un amendement encadrant le régime des cyberdouaniers et limitant ainsi les risques de contentieux, en instaurant une habilitation des agents, un contrôle du procureur de la République et une limitation de leurs compétences aux délits douaniers. Les dispositions existantes, éparses sont ainsi rassemblées et précisées.
J'espère que la commission des lois pourra intégrer d'autres amendements poursuivant l'objectif de rendre plus efficace la lutte contre le blanchiment et le terrorisme.
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - La commission des affaires étrangères salue la mise en place à l'article 19, sur laquelle elle s'est saisie pour avis, de la couverture juridique très attendue par les militaires mobilisés dans le cadre de l'opération Sentinelle. L'égalité est enfin instaurée avec les forces de sécurité.
La commission a adopté deux amendements. Le premier porte sur les caméras-piétons. Un amendement de la députée Élisabeth Pochon adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale prévoit que les personnes qui font l'objet de l'intervention peuvent elles-mêmes demander le déclenchement de l'enregistrement. Nous y sommes défavorables, car les risques juridiques seraient nombreux. En effet, quelles seraient les demandes valables ? Et si l'enregistrement est diffusé sur Internet pour faire le buzz ? Une panne du dispositif ferait-elle tomber toute la procédure ? Le coût d'un tel équipement n'est pas non plus négligeable : 48 millions d'euros sans doute pour des caméras à 800 euros pièce, sans compter le coût du traitement des images.
Le second amendement adopté par notre commission améliore l'emploi des gendarmes stagiaires, en leur conférant le statut d'adjoint de police judiciaire. En vertu des engagements du président de la République, nous devons en effet déployer 4 000 nouveaux gendarmes ; la formation est déjà de grande qualité, rendons-les opérationnels.
M. Jacques Bigot. - Au lendemain d'un nouvel attentat, nous pourrions être conduits, si nous n'y prenons pas garde, à accepter des règles dérogatoires à l'État de droit ; il faut néanmoins adapter les moyens d'enquête. La présente réforme de notre procédure pénale revêt donc un caractère essentiel, en renforçant le procureur de la République et, simultanément, le contrôle exercé par le juge des libertés et de la détention (JLD), institution qui n'est pas encore totalement aboutie. Soyons enfin attentifs aux moyens nécessaires à la justice pour fonctionner : humains, mais aussi matériels, notamment informatiques.
M. François Zocchetto. - Notre a priori est favorable sur un texte où nous retrouvons un certain nombre de dispositions de la proposition de loi du président Bas. Dommage que le Gouvernement n'ait pas repris notre texte, mais l'important est l'efficacité. Je demeure attaché, comme l'est le Sénat, à la création du délit de séjour intentionnel sur un théâtre d'opération de groupements terroristes.
J'espère que les 26 amendements déposés par le Gouvernement ne sont que de coordination : la procédure accélérée ayant été déclenchée, les députés découvriraient de nouvelles rédactions en commission mixte paritaire... Ce ne serait pas une bonne manière.
Mme Cécile Cukierman. - Nous ne nous retrouvons pas dans ce projet de loi, qui n'est qu'un enchevêtrement de plusieurs textes antérieurs, et qui donne le sentiment de procéder au rattrapage de ce qui n'a pas pu être obtenu plus tôt. Or cette logique de fuite en avant dans le renforcement de l'arsenal juridique est vouée à l'échec puisque le terrorisme évolue lui-même rapidement. Les professionnels de la justice et de nombreuses associations se sont émus de la remise en cause des libertés individuelles. L'équilibre avec la protection de la sécurité publique est certes difficile à trouver, mais ici nos libertés sont plus menacées que renforcées.
M. Jacques Mézard. - Le problème de fond est que nous n'avons plus la capacité de conduire une réflexion de fond sur notre politique pénale. Ce texte est le troisième sur le terrorisme depuis 2012. Même avant cette date, l'opposition, à laquelle j'appartenais, ne manquait jamais une occasion de dénoncer les lois votées en réaction à l'actualité. Les évènements ont certes pris une autre ampleur, mais il reste que nous n'avons jamais pris le temps de dresser un bilan sérieux de notre politique pénale, ni surtout de la réalité de l'exécution des peines, qui est indigne d'une république moderne. Pourtant, de nombreux rapports ont été rendus par de grands magistrats, dont les propositions auraient permis de lancer la modernisation de notre droit.
Les dispositions du texte ne sont pas toutes mauvaises, mais celui-ci est mal ficelé et nous est soumis en procédure accélérée... Le rapporteur lui-même a indiqué que de nombreux articles mériteraient chacun une discussion générale. Je serai peut-être amené, en séance publique, à rappeler les déclarations des uns et des autres, il y a quatre ans, sur la retenue administrative ; invoquer la tournure prise par les événements pour changer d'avis n'est pas convaincant, il y a eu des évènements dramatiques à toutes les époques. Est-ce à dire qu'au prochain attentat, on ajoutera une nouvelle couche ?
M. Pierre-Yves Collombat. - Bien entendu !
M. Jacques Mézard. - Nos concitoyens ne seront rassurés que lorsque le pilotage de la nation sera de nature à leur inspirer confiance. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Commençons par faire le bilan de notre politique pénale et par donner à la justice les moyens de faire appliquer ses décisions, sans quoi nos discussions resteront vaines.
M. François Pillet. - Merci, monsieur le rapporteur, de nous avoir rassurés sur la présence parmi nous de sentinelles vigilantes, soucieuses des libertés individuelles. Nous avons toutefois atteint, il faut le reconnaître, les limites des restrictions que nous pouvons leur apporter. L'amendement COM-66 que nous examinons en premier nous place d'emblée dans le coeur du sujet, en supprimant le caractère « sérieux » du risque d'atteinte à la vie privée, même si cela ne concerne que certaines hypothèses limitativement énumérées. Les événements dictent leur loi certes, mais les circonstances ne sauraient avoir raison de la raison. Souhaitons que cela soit le dernier texte du genre.
Notre code de procédure pénale devient un terrain miné pour la régularité des procédures. Il faudra un jour avoir le courage de rationaliser tout cela, et de revoir l'échelle des peines au sein du code pénal. La référence faite à l'article 706-92 du code de procédure pénale, qui vise tous les crimes et tous les délits, est à cet égard emblématique... Le Sénat a toujours été un gardien vigilant des libertés individuelles, parfois leur dernier rempart, gardons cela à l'esprit.
Mme Esther Benbassa. - Je veux remercier le rapporteur pour son exposé, clair et surtout très bref... Ce projet de loi fait partie de l'avalanche de textes qui nous submerge depuis les attentats. Un attentat égale plusieurs lois, désormais. Faire entrer les mesures de l'état d'urgence dans le droit commun, soit. Je ne suis pas défavorable aux dispositions sur la protection des témoins, la lutte contre les infractions en matière d'armes et la cybercriminalité, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, même si certaines sont insuffisantes. Mais la plupart des dispositions posent de graves problèmes, voire sont inacceptables. Elles marginalisent l'autorité judiciaire. Cette soumission accrue au pouvoir exécutif n'est pas acceptable.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Pour avoir vécu l'affaire Merah de près, je suis sensible à la critique consistant à dénoncer le caractère réactif du texte. Elle ne touche toutefois pas juste : nous essayons de pallier un manque, une lacune ou une faiblesse que la commission d'un attentat révèle, sans pour autant menacer les libertés individuelles. Je ne suis pas de ceux qui pensent que la sûreté est la première des libertés : la première des libertés, c'est la liberté ! Mais la sûreté en est une condition d'exercice. Et elle est devenue pour nos concitoyens pris collectivement - même si les réponses individuelles peuvent être différentes - la première priorité...
Mme Éliane Assassi. - D'où tenez-vous cela ? Quelle étude le démontre ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - Les attentats ont conduit à un changement d'attitude, nous le sentons tous.
Faut-il revoir tout notre droit pénal et notre procédure pénale ? Sûrement. Des ateliers de réflexion sur la réforme du code pénal et du code de procédure pénale ont été mis en place il y a longtemps à la Chancellerie. Certains de nos collègues présents ici-même y ont participé. Il serait opportun de ressortir certains des projets élaborés naguère dans ce cadre. Procéder ainsi, ce n'est pas ajouter des couches de textes les unes sur les autres, c'est ajuster à la marge les divers dispositifs pour plus d'efficacité...
Mme Éliane Assassi. - Cela ne marche pas !
M. Michel Mercier, rapporteur. - Vous manquez de sens de la nuance... Ce texte ouvre des perspectives qui appellent des réformes plus larges. Nous donnons par exemple naissance à un couple nouveau, formé par le procureur et le juge des libertés et de la détention (JLD), qui sera bientôt chargé de 98 % des affaires pénales dans notre pays. Or il leur manque un statut solide ; en effet, certaines décisions du JLD ne sont pas susceptibles de recours. Le texte ne règle pas ce problème.
M. Pierre-Yves Collombat. - Le garde des sceaux nous a fait à peu près la même réponse hier : chaque événement appellerait une réaction. C'est le signe que nos concepts ne sont pas adaptés, car un bon code pénal est capable d'absorber la nouveauté. S'il faut changer la loi à chaque nouvelle version de l'iPhone, c'est que la loi est mal conçue...
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Michel Mercier, rapporteur. - Outre des améliorations rédactionnelles, l'amendement COM-66 supprime le caractère « sérieux » du risque d'atteinte à la vie privée ou à l'intégrité physique qui limiterait les perquisitions de nuit.
M. François Pillet. - Les visites domiciliaires du fisc ou des douanes ne sont donc pas concernées ? Tous les crimes et délits de l'article 706 ne sont pas visés ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - Non.
M. François Pillet. - Une dernière remarque : nous nous sommes élevés naguère contre la suppression du juge d'instruction : c'est pourtant bien ce que nous sommes en train de faire !
M. Pierre-Yves Collombat. - Exactement.
M. Jean-Pierre Sueur. - L'adjectif « sérieux » n'était pas clair ; cet amendement le guérit de l'adjectivite qui sévit trop souvent...
M. Jacques Bigot. - La référence aux « modalités prévues par l'article 706-92 » a-t-elle des conséquences ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - Aucune.
L'amendement COM-66 est adopté.
Les amendements COM-36, COM-37, COM-38, COM-39 et COM-40 deviennent sans objet.
Article additionnel après l'article 1er
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-67, qui reprend partiellement les dispositions votées à l'article 3 de la proposition de loi Bas, crée un régime de saisie de données de messagerie électronique indépendant de la perquisition. Cela est conforme à l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 8 juillet 2015.
L'amendement COM-67 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-68 réécrit l'article pour autoriser le parquet et les juges d'instruction à utiliser la technique de l'IMSI catcher dans les procédures relatives à la criminalité organisée.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cette technique est utile, mais capter des données dans une aire géographique déterminée conduit à une « pêche » large. Et les conditions de destruction des données qui n'ont rien à voir avec l'enquête ne sont pas précisées. Est-il envisagé d'y remédier ?
M. Jacques Mézard. - Des voix se sont déjà élevées, dans tous les groupes, contre de telles dispositions : la pêche au chalut impose ensuite de trier les poissons... Malgré le contrôle accru du JLD, ces nouveaux pouvoirs confiés au parquet sont un recul considérable pour les libertés individuelles. Au demeurant, le JLD est en position subsidiaire, puisque le II de l'amendement dispose qu'il peut « également » autoriser l'utilisation de ces appareils : quel formidable progrès ! Bref, ce texte remet en cause toute l'architecture de notre droit pénal, et en procédure accélérée par-dessus le marché.
M. Alain Richard. - Cet amendement apporte une amélioration judicieuse, nécessaire, qui sera approuvée par les deux chambres du Parlement. Une imprécision demeure toutefois dans la rédaction qu'il propose de l'article 706-95-10 du code de procédure pénale, en disposant que les données collectées utiles sont détruites « à la diligence du procureur de la République ou du procureur général ». Est-ce suffisant pour identifier le responsable de cette destruction ?
Mme Cécile Cukierman. - Défavorables à un recours accru aux IMSI catcher, nous voterons contre cet amendement.
M. Alain Vasselle. - Je partage la volonté de renforcer les moyens du renseignement, mais y a-t-il en contrepartie des dispositions relatives à la réparation du préjudice que certaines personnes dépourvues de lien avec l'enquête pourraient subir ? Les modalités de collecte des données autorisent-elles des destructions sélectives, ciblées sur les parties inutiles à la justice ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - Les données dépourvues de lien avec l'autorisation délivrée doivent en effet être détruites. Les autres le sont, elles, à l'extinction de l'action publique ou lorsqu'une décision définitive a été rendue au fond. Sur l'autorité responsable de ces destructions, je propose en réponse à M. Richard de rectifier mon amendement pour apporter la précision nécessaire. Le préjudice éventuellement subi par les personnes sans lien avec l'enquête peut être réparé au moyen du régime classique de responsabilité de l'administration ; si un fonctionnaire utilisait ces données à d'autres fins que celles pour lesquelles l'autorisation de les collecter a été donnée, sa responsabilité individuelle pourrait être engagée pour faute grave détachable du service.
M. Pierre-Yves Collombat. - Elle ne doit pas forcément être détachée...
L'amendement COM-68 est rectifié et adopté.
Les amendements COM-41 et COM-42 deviennent sans objet.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-69 supprime l'article 2 bis qui protège les parlementaires, magistrats, avocats et journalistes, car des dispositions de protection existent déjà. Cet article est purement déclaratoire et les deux premières catégories ont des garanties de rang constitutionnel.
L'amendement COM-69 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-70 étend au parquet la possibilité d'utiliser la technique de la sonorisation, selon les dispositions votées par le Sénat le 2 février dernier.
L'amendement COM-70 est adopté.
Les amendements COM-43, COM-44 et COM-45 deviennent sans objet.
Article additionnel après l'article 3
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-71 reprend les dispositions initialement prévues à l'article 3 du projet de loi, qui autorisent le procureur de la République à recourir à la technique de captation à distance des données informatiques, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention. Il reprend également des dispositions de la proposition de loi en autorisant le procureur et le juge d'instruction à requérir de toute personne qualifiée la réalisation d'un dispositif technique de captation à distance des données et à recourir aux moyens de l'État soumis au secret de la défense nationale. On pourrait ainsi lutter contre l'obsolescence technologique des logiciels industriels. Ces dispositifs demeurent soumis à l'agrément de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI).
L'amendement COM-71 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - J'insiste sur mon amendement COM-72, qui insère les dispositions de l'article 1er de la proposition de loi votée le 2 février : il améliore la transition entre la phase d'enquête du parquet antiterroriste et la phase placée sous l'autorité du magistrat instructeur, en prolongeant la validité des mesures du parquet pendant quarante-huit heures après l'ouverture d'une information judiciaire, afin que tout ne s'arrête pas lors du changement de régime.
L'amendement COM-72 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-73 réintroduit les dispositions de la proposition de loi qui allongent la durée totale de détention provisoire des mineurs de 16 à 18 ans, pour l'instruction du délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et l'instruction des crimes terroristes.
L'amendement COM-73 est adopté.
Division additionnelle avant l'article 4
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-74 améliore la présentation des articles.
L'amendement COM-74 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Même si le Gouvernement a choisi une autre solution, mon amendement COM-75 reprend des dispositions de la proposition de loi, retirant uniquement de la compétence exclusive de la juridiction parisienne d'application des peines les délits d'apologie du terrorisme dont le parquet national antiterroriste ne s'est pas saisi. Le parquet de Paris peut en effet laisser de petites affaires aux parquets territoriaux. Il en va de même pour l'application des peines.
M. Alain Richard. - Le parquet de Paris serait compétent pour le délit d'évasion de quelqu'un condamné pour terrorisme, selon la présomption que ce délit aurait un lien avec les actes antérieurs.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Tout à fait.
L'amendement COM-75 est adopté.
Article additionnel après l'article 4
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-76 crée une circonstance aggravante qui criminalise les associations de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste lorsqu'elles sont commises à l'occasion ou après un séjour à l'étranger, sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes. Ainsi, il maintient dans le code pénal un délit terroriste d'association de malfaiteurs tout en facilitant l'aggravation des peines pour certains terroristes.
M. Philippe Bas, président. - On criminalise ce qui est actuellement un délit puni d'une peine maximale de dix ans d'emprisonnement, dont nous avons constaté qu'elle était toujours prononcée.
M. Pierre-Yves Collombat. - Pourquoi serait-il plus grave de tuer des gens après un séjour à l'étranger ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - Vous avez raison, un assassinat est toujours un assassinat. Mais une personne qui s'est rendue sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes a été formée : elle est donc plus dangereuse.
M. Pierre-Yves Collombat. - La pénalisation du séjour ne me choque pas, mais la rédaction donne l'impression que la sanction de quelqu'un qui tue des personnes est plus grave quand il a été à l'étranger.
M. Michel Mercier, rapporteur. - On parle de la circonstance aggravante, comme il en existe beaucoup dans le code pénal, du délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, et non de la circonstance aggravante d'un meurtre.
M. Alain Vasselle. - Je partage l'avis du rapporteur. Ira-t-on vers une harmonisation européenne dans ce domaine, pour plus de réciprocité ? Une peine de quinze ans de réclusion criminelle pour un crime terroriste est-elle réaliste ?
Mme Cécile Cukierman. - Je partage les propos de M. Collombat. Je ne suis pas favorable à cet amendement sur le fond. Il pose la question de ce que signifie un théâtre d'opérations de groupements terroristes. On peut être bien mieux formé, préparé, équipé dans un pays non concerné et revenir plus efficace et plus performant. Je ne suis pas certaine que votre volonté de simplifier et de renforcer la procédure soit satisfaite par cet amendement, monsieur le rapporteur.
M. Jacques Mézard. - On peut allonger l'échelle des peines jusqu'à l'éternité. Quelle est la définition d'un théâtre d'opérations de groupements terroristes ? Il est bon de se préoccuper de l'étranger, mais quand on assassine un préfet en France, ce n'est pas du terrorisme ? Une zone majoritairement peuplée de Kurdes est-elle un théâtre d'opérations de groupements terroristes ? Le qualificatif peut se décliner sur la terre entière. Qui en décide ? Le Gouvernement ?
Mme Esther Benbassa. - Très bien.
M. Philippe Bas, président. - Cette disposition a été votée par le Sénat il y a sept semaines.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Il s'agit de l'utilisation d'une technique de droit pénal. Soit toute action terroriste grave est appelée crime, et l'organisation de la Cour d'assises spéciale de Paris explose - M. Mézard a posé la question essentielle des moyens. Soit, comme nous l'avons fait, on qualifie certaines associations de malfaiteurs terroristes de crimes quand il y a eu séjour à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes. Dans ce cas, la cour d'assises spécialement composée est compétente. Elle a suffisamment de retard pour qu'on ne l'engorge pas. Cette solution n'est peut-être pas idéale mais elle a le mérite de distinguer des catégories.
Mme Cécile Cukierman. - Comment définir un théâtre d'opérations de groupements terroristes ? On intègre une notion subjective susceptible de recours contentieux.
M. Jacques Mézard. - Cette notion est susceptible de recours. La loi doit avoir un minimum de précision. Je ne remets pas en cause l'architecture choisie, mais un minimum de précision est nécessaire si l'on ne veut pas ouvrir une brèche.
M. Michel Mercier, rapporteur. - La notion de théâtre d'opérations de groupements terroristes est définie depuis des années par une jurisprudence constante des tribunaux, qui constitue aussi une source de droit.
M. Jacques Mézard. - Mieux vaut dire que vous n'avez pas de réponse !
M. Alain Richard. - Ce sujet mérite qu'on poursuive la réflexion sur la définition. Si une appréciation relève de l'exécutif, ce doit être écrit expressément dans le code pénal. C'est le cas, par exemple, pour la réciprocité dans l'application d'une convention internationale. Le procureur questionnera les services du Gouvernement et le tribunal appréciera souverainement.
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'article 421-2-6 du code pénal reprend la notion de théâtre d'opérations de groupements terroristes. Elle est déjà utilisée. Il peut y avoir des recours, rien n'est interdit. La position du procureur peut être contestée, c'est le droit commun. Mais il n'existe pas de risque particulier de contentieux.
L'amendement COM-76 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-77, qui reprend l'article 13 de la proposition de loi, autorise une juridiction à prescrire des actions de prise en charge de la radicalisation, dans le cadre d'une condamnation assortie du sursis avec mise à l'épreuve, en élargissant la possibilité d'en faire usage.
M. François Pillet. - Cet amendement est tout à fait satisfaisant. Reste à assurer la formation du personnel.
M. Michel Mercier, rapporteur. - C'est une question de moyens.
L'amendement COM-77 est adopté.
Article additionnel après l'article 4 bis
M. Michel Mercier, rapporteur. - Nous avons reçu vingt-six amendements du Gouvernement entre l'après-midi et la nuit de lundi - ce qui montre que le Gouvernement travaille. Je propose le rejet de quatre d'entre eux, l'adoption de quatorze autres qui sont intéressants, et le rejet temporaire de huit qui nécessitent une étude approfondie, et sur lesquels je reviendrai en séance publique. J'adopte une attitude ouverte.
L'amendement COM-158 doit ainsi être étudié de plus près d'ici la séance publique.
L'amendement COM-158 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-1.
L'amendement COM-1 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-2.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-79 de cohérence avec la loi sur le renseignement facilite les échanges d'informations entre l'administration pénitentiaire et les services de renseignement. Par ailleurs, sous le contrôle du procureur de la République, l'administration pénitentiaire peut prendre toute mesure de détection, brouillage et interruption des correspondances ; utiliser la technique de l'IMSI catcher ; accéder aux données informatiques contenues dans les systèmes de traitement automatisé des données que possèdent les personnes détenues. Bref, nous conservons la même position, alors que le Gouvernement, lui, en a changé. Nous allons plus loin que lui, sans intégrer complètement l'administration pénitentiaire à la communauté du renseignement.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cette question n'est pas du tout facile. Les six organisations du premier cercle de la communauté du renseignement ont une réticence à créer un second cercle de six organisations, craignant une dilution.
Les propos du garde des sceaux, hier, ont témoigné d'une évolution. La précédente position de la chancellerie était qu'il ne fallait pas confondre les missions. Mme Taubira avait déclaré que 160 personnes étaient chargées du renseignement dans la sphère pénitentiaire. M. Urvoas nous a dit hier que ces agents relèvent du ministère de la justice, sont formés par lui, et sont distincts des surveillants ou d'autres catégories de personnel. Le renseignement pénitentiaire est indispensable, mais sa mise en oeuvre n'est pas simple.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Cet amendement répond à la question soulevée par le président Sueur. C'est à l'administration pénitentiaire de s'organiser, et de collaborer avec les services de renseignement. Cet amendement organise leur coopération.
L'amendement COM-79 est adopté.
L'amendement COM-46 devient sans objet.
Mme Esther Benbassa. - Mon amendement COM-46 est satisfait !
M. Michel Mercier, rapporteur. - Nous avons réécrit l'article 4 quinquies adopté par l'Assemblée nationale contre la volonté du Gouvernement, et qui porte sur Apple et les organismes privés détenteurs ou fabricants d'un moyen de cryptologie. Mon amendement COM-80 augmente le quantum encouru en cas de refus d'une personne morale de répondre aux réquisitions. Contrairement à la rédaction initiale qui la réservait aux enquêtes terroristes, cette peine serait applicable dans l'ensemble des procédures. De même, alors que la rédaction initiale insérait dans le code de procédure pénale un nouveau délit de refus de communiquer des données protégées par un moyen de cryptologie à l'autorité judiciaire, l'amendement complète une disposition du code pénal qui punit d'ores et déjà le refus de remettre une convention secrète de chiffrement d'un moyen de cryptologie. Il porte à 150 000 euros la peine encourue.
M. François Pillet. - La rédaction du rapporteur éloigne le risque d'inconstitutionnalité que la rédaction un peu faible de l'Assemblée nationale faisait courir. Il y a cependant là une atteinte à la liberté d'entreprendre en cryptologie.
M. Pierre-Yves Collombat. - La peine n'est pas très dissuasive.
M. Philippe Bas, président. - Donnons mandat au rapporteur pour voir comment pousser la punition le plus loin possible.
L'amendement COM-80 est adopté.
Article additionnel après l'article 4 quinquies
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-81 reprend partiellement l'article 10 de notre proposition de loi, qui créait un délit spécifique d'entrave au blocage des services de communication en ligne faisant l'apologie d'actes de terrorisme ou provoquant à de tels actes. Il réprime le fait d'extraire, de reproduire et de transmettre intentionnellement des données faisant l'apologie publique d'actes de terrorisme afin d'entraver les mécanismes de blocage, en sanctionnant ces comportements de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.
M. Philippe Bas, président. - Ceci a déjà été examiné et approuvé le 2 février.
M. Alain Vasselle. - Je partage l'objectif du rapporteur, mais sera-ce suffisant pour éviter l'apologie du terrorisme ? Ceux qui partent en Syrie puis reviennent ne peuvent-ils pas mener des actions détournées d'apologie, hors d'Internet ? Il faudrait revoir la rédaction pour améliorer la couverture du risque.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Il existe deux incriminations différentes, dont une nouvelle qui punit ceux qui entravent le blocage d'un site.
L'amendement COM-81 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Dans mon amendement COM-82, je reprends l'article 14 de la proposition de loi, en excluant du champ de la contrainte pénale les délits terroristes. C'était une incongruité.
L'amendement COM-82 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-83 reprend l'article 17 de la proposition de loi afin de créer un fondement légal à la récente pratique de regroupement des détenus radicalisés ou en voie de l'être au sein d'unités dédiées dans les établissements pénitentiaires. Ce n'est pas une obligation, mais une possibilité.
L'amendement COM-83 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-84 reprend l'article 19 de la proposition de loi en définissant un régime d'exécution de peine plus rigoureux pour les condamnés terroristes.
L'amendement COM-84 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis pour l'instant défavorable à l'amendement COM-157, qu'il nous faut étudier.
L'amendement COM-157 n'est pas adopté.
Article 5
L'amendement rédactionnel COM-85 est adopté.
Article 6
L'amendement rédactionnel COM-86 est adopté.
L'amendement de précision COM-87 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-88 distingue, au sein des armes de catégorie D, les armes dont l'achat est soumis à agrément, et limite à celles-ci l'interdiction d'acquisition et de détention. Il actualise également la liste des infractions pouvant justifier une interdiction d'acquisition et de détention d'arme.
L'amendement COM-88 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-89 est adopté, ainsi que les amendements de coordination COM-90 et COM-91.
Article 8
Les amendements COM-92 et COM-93 sont adoptés.
Article additionnel après l'article 8
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-94 réintroduit ici l'article 8 de la proposition de loi, relatif à la délinquance organisée. Il modifie le périmètre de celle-ci, pour y intégrer les nouvelles infractions relatives aux armes créées au sein du code pénal. Il améliore la compréhension des dispositions concernant la vente et la détention d'armes. Il inclut les infractions relatives à la diffusion de procédés permettant la fabrication d'engins explosifs.
M. François Pillet. - Je salue le travail de codification et de réécriture du rapporteur. Cet amendement et le suivant sont remarquables.
M. Jacques Mézard. - La rédaction ne souffre pas de discussion, mais avez-vous mené une réflexion sur la fabrication des explosifs ? J'ai vu sur une chaîne télévisée détailler la liste des produits à employer pour fabriquer un gilet explosif ! Il faudrait réprimer cela.
M. Alain Richard. - Hélas, les éléments qui entrent dans cette fabrication sont licites. On pourrait en revanche pénaliser la présentation du mode d'association des produits.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Un amendement ultérieur répond à cette question.
L'amendement COM-94 est adopté.
M. Philippe Bas, président. - L'amendement COM-95 du rapporteur crée au sein du code pénal une section nouvelle, relative au trafic d'armes, afin d'en améliorer le cadre répressif. L'intention est excellente.
L'amendement COM-95 est adopté.
Article 10
L'amendement rédactionnel COM-96 est adopté, ainsi que l'amendement COM-97.
Article additionnel après l'article 10
L'amendement COM-35, repoussé par le rapporteur, n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-98 crée une juridiction parisienne spécialisée en cybercriminalité.
L'amendement COM-98 est adopté.
Article additionnel avant l'article 12
M. Michel Mercier, rapporteur. - Je comprends que l'Union des fabricants demande des mesures contre la contrefaçon. L'Assemblée nationale a rejeté un amendement identique à cet amendement COM-64. La lutte contre la contrefaçon, dont il faut rappeler l'importance, ne nécessite pas l'inclusion de ce délit dans ce texte. Les faits de financement du terrorisme doivent être punis en tant que tels. Retrait ou rejet.
L'amendement COM-64 n'est pas adopté.
Article 12
L'amendement COM-99 est adopté.
L'amendement COM-47, repoussé par le rapporteur, n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-3 est satisfait.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-4 qui précise le champ des nouveaux plafonds applicables aux cartes prépayées.
L'amendement COM-4 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-5 protège les professionnels assujettis aux obligations anti-blanchiment. Je ne partage pas le sentiment de la commission des finances, qui l'a déposé. Les professionnels doivent participer à la lutte contre le blanchiment.
M. Philippe Bas, président. - Le but de cet amendement est d'autoriser les agents à dissuader leurs clients de prendre part à une activité illégale.
M. Jean-Pierre Sueur. - L'intention est bonne...
M. Alain Richard. - Je n'en suis pas certain. Il s'agit d'une mesure d'autoprotection des établissements financiers tenus au respect des règles de Tracfin, obligés de signaler les cas à l'autorité légitime... mais non au client ! Car sous une apparence vertueuse, on donne la possibilité au banquier d'avertir son client que telle action entrerait dans un circuit de délits. La plupart du temps, le client le sait parfaitement.
L'amendement COM-5 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-6 évite que la désignation par Tracfin de personnes soupçonnées de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ne conduise à la fermeture de leurs comptes, ce qui pourrait les alerter de l'attention dont ils font l'objet de la part des services de renseignement. On comprend la préoccupation du rapporteur pour avis de la commission des finances, mais Tracfin est très hostile à cette disposition qui inverse la logique de responsabilité entre lui et les établissements bancaires. Je suis défavorable à un régime d'irresponsabilité de ces derniers.
L'amendement COM-6 n'est pas adopté.
- Présidence de Mme Catherine Troendle, vice-présidente -
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-48 ainsi qu'à l'amendement COM-49.
Les amendements COM-48 et COM-49 ne sont pas adoptés.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-7 de la commission des finances, pour les mêmes raisons que précédemment - l'amendement réduit le champ de la responsabilité pénale des établissements de crédit.
L'amendement COM-7 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-8.
L'amendement COM-8 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-154 du Gouvernement qui vise à supprimer l'accès direct de Tracfin au fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ). En tant que service spécialisé de renseignement, Tracfin bénéficie déjà d'un accès direct au TAJ dans certains cas, et il convient de l'élargir.
M. Jean-Pierre Sueur. - Pourquoi le Gouvernement a-t-il déposé cet amendement ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - Je l'ignore.
L'amendement COM-154 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-50.
L'amendement COM-50 n'est pas adopté.
L'amendement COM-9, accepté par le rapporteur, est adopté.
Article additionnel après l'article 15 bis
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-10 donne aux établissements de crédit, de paiement et de monnaie électronique accès aux informations relatives aux numéros des documents d'identité perdus, volés ou invalidés afin de vérifier l'identité fournie par leur client. Le fichier des objets et véhicules signalés, qui contient ces informations, a été instauré à titre expérimental par le pouvoir réglementaire - il est expiré depuis le 17 mars. Cette disposition ne relève pas de la loi. Avis défavorable.
L'amendement COM-10 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-11 instaure une présomption de provenance illicite des fonds afin de faciliter la répression du délit douanier de blanchiment aux opérations financières entre la France et l'étranger portant sur des fonds provenant de tout crime ou délit, c'est-à-dire non douanier, mais de droit commun. Avis défavorable.
M. Pierre-Yves Collombat. - Si notre but est la simplification et l'unification, pourquoi rejeter cet amendement ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - Le régime douanier est dérogatoire.
M. Pierre-Yves Collombat. - Le problème du financement est très important.
M. Michel Mercier, rapporteur. - C'est vrai, mais cet amendement a pour objet d'étendre la présomption de culpabilité, ce qui pose aussi problème !
M. Pierre-Yves Collombat. - On ne se préoccupe des libertés que lorsqu'on aborde les trafics d'argent.
L'amendement COM-11 n'est pas adopté.
Article additionnel après l'article 16
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-141.
M. Jacques Mézard. - Il n'est pas neutre, pourtant, d'assimiler les agents des douanes à des officiers de police judiciaire...
L'amendement COM-141 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-146 renforce la lutte contre le terrorisme en prévoyant une plus grande coordination et complémentarité des forces de police, de gendarmerie et de douanes, avec l'habilitation des agents des douanes à effectuer des enquêtes. Cet amendement répond à la demande que M. Collombat a formulée à l'instant. Favorable également au COM-147.
L'amendement COM-146 est adopté, ainsi que l'amendement COM-147.
Article 16 bis
L'amendement de coordination COM-100 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-101 supprime un dispositif ad hoc de cyberpatrouilles redondant avec le droit actuel et source d'insécurité juridique, qui serait également applicable à la constatation de contraventions douanières.
L'amendement COM-101 est adopté.
L'amendement COM-12 devient sans objet.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement COM-13 qui fixe par la loi le seuil à partir duquel les justificatifs de la provenance des sommes transférées en liquide à l'étranger doivent être fournis, alors que l'article 16 quater renvoie sa fixation à un décret.
L'amendement COM-13 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-14.
L'amendement COM-14 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-102 supprime le dispositif de maintien de compétence du parquet financier quelles que soient les infractions retenues à l'issue de l'enquête : c'est une source d'opacité quant à la répartition des attributions entre parquets.
L'amendement COM-102 est adopté.
Articles additionnels après l'article 16 septies
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-34.
L'amendement COM-34 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Demande de retrait de l'amendement COM-63 relatif à la lutte contre la contrefaçon. Même chose pour l'amendement COM-65.
L'amendement COM-63 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-65 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-103 clarifie la rédaction de l'article 78-2-2 du code pénal et y introduit plusieurs modifications. La possibilité de fouiller les bagages, prévue dans la rédaction initiale, est maintenue ; à la liste des infractions pour lesquelles le procureur de la République peut autoriser la mise en oeuvre des contrôles d'identité sont ajoutées les infractions relatives aux armes créées à l'article 9 du projet de loi ; enfin, en cohérence avec la proposition de loi sur la sécurité dans les trains, la possibilité de fouille des bagages est étendue au-delà des seuls véhicules de transport public de voyageurs.
L'amendement COM-103 est adopté.
L'amendement de suppression COM-51 devient sans objet.
Article additionnel après l'article 17
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-52.
L'amendement COM-52 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - C'est un point important du texte : la retenue de quatre heures. Mon amendement COM-104 l'encadre en l'assortissant de garanties : information immédiate de la personne faisant l'objet de la mesure, du motif de son placement en retenue et du fait que cette retenue ne peut donner lieu à audition ; droit de prévenir un proche et l'employeur, ce qui peut être différé sous le contrôle du procureur de la République ; transmission sans délai du procès-verbal au procureur de la République ; et pour le mineur, en cas d'impossibilité d'être assisté par son représentant légal, désignation d'un administrateur ad hoc par le procureur de la République, information de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), limitation à deux heures et nécessité d'un accord exprès.
Nous acceptons le principe de la retenue des personnes inscrites dans les fichiers pour effectuer des vérifications supplémentaires, tout en l'encadrant.
M. Jacques Mézard. - Vous apportez en effet des améliorations au texte. On peut aussi comprendre que dès qu'il est question de terrorisme, les citoyens soient prêts à tout accepter. Toutefois, qu'une personne puisse être retenue s'il existe « des raisons sérieuses de penser que son comportement peut être lié à des activités de caractère terroriste » ouvre la porte à toutes sortes de dérives. Si l'on dispose d'éléments concrets, on peut agir dans le cadre normal. Mais agir sur la foi d'une conjecture est contraire à toutes les règles et nous dirige vers un délit de pensée.
M. François Pillet. - Je rejoins mon collègue Jacques Mézard. Cela est dangereux.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Je comprends vos réserves. Nous avons décidé d'accepter le principe d'une retenue pour une durée maximale de quatre heures, mais en en limitant le champ d'application. Je conviens, avec Jacques Mézard, que la formulation peut sembler vague...
Mme Cécile Cukierman. - Nous sommes un certain nombre à le penser !
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Vous avez la possibilité de déposer des amendements de séance.
M. Michel Mercier, rapporteur. - On pourrait limiter cette mesure aux personnes inscrites dans le fichier des personnes recherchées.
M. Jacques Bigot. - La rédaction que vous proposez va affiner les contrôles. L'Assemblée nationale a ajouté que la retenue ne pouvait être le début d'une garde à vue et ne saurait donner lieu à une audition. Des précautions supplémentaires ont été introduites, comme l'obligation d'établir un procès-verbal et d'aviser le procureur de la République. Il reste que l'article peut inquiéter.
- Présidence de M. Philippe Bas, président -
M. Philippe Bas, président. - Proposez-vous d'améliorer la rédaction ou demandez-vous le rejet de l'article ?
M. François Pillet. - Pourquoi ne pas introduire la notion de présomption ?
M. Philippe Bas, président. - C'est une notion judiciaire. Nous sommes dans le cadre de la police administrative, sous le contrôle du juge administratif qui veille à éviter les abus.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet article est-il compatible avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - Une analyse plus précise est nécessaire. Je vous répondrai à la prochaine réunion.
M. Philippe Bas, président. - Si c'est la rédaction qui vous pose problème, nous aurons l'occasion de l'approfondir en séance.
M. Pierre-Yves Collombat. - Il est bien précisé que le procureur de la République est « informé sans délai »...
M. Philippe Bas, président. - Précisément, il est seulement informé.
M. Pierre-Yves Collombat. - Alors c'est purement décoratif !
M. Philippe Bas, président. - Non. En cas d'abus de droit, de privation infondée de liberté, « le procureur de la République peut mettre fin à tout moment à la retenue ». Mais le régime initial de la retenue est bien celui de la police administrative.
M. Pierre-Yves Collombat. - Le texte dit le contraire !
M. Jacques Mézard. - Nous allons trop vite sur un point très important. Il est bien précisé que le procureur peut mettre fin à la retenue à tout moment. On crée donc un double régime de police administrative et judiciaire. Ce n'est pas un mécanisme sain.
M. Philippe Bas, président. - Vous avez raison : c'est un système original de police administrative sous le contrôle du juge judiciaire.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Le contrôle des autorités judiciaires est prévu par l'article 78-1 du code de procédure pénale.
M. François Pillet. - La portée de l'article est considérable. Si les actes effectués dans ce cadre sont annulés, c'est la procédure entière qui tombera, alors que l'on aura peut-être découvert des éléments importants. Soyons attentifs à la rédaction, faute de quoi les avocats s'engouffreront dans la brèche.
M. Jacques Bigot. - La retenue ne peut être un début de garde à vue ; et la décision est prise par un officier de police judiciaire, placé sous le contrôle du procureur. Il faudra demander au ministre de l'intérieur de s'expliquer sur la nécessité du dispositif. L'enjeu consiste à concilier l'État de droit et l'exigence d'efficacité dans la lutte policière contre le terrorisme.
M. Michel Mercier, rapporteur. - C'est un régime hybride. Je comprends que les « raisons sérieuses de penser » puissent vous sembler un motif imprécis. C'est pourquoi le II, 1° du nouvel article 78-3-1 du code de procédure pénale oblige l'officier de police judiciaire à informer la personne des motifs de son placement en retenue. C'est là que le procureur peut exercer son contrôle.
M. Pierre-Yves Collombat. - Mais non !
M. Michel Mercier, rapporteur. - Pour plus de clarté, nous pouvons faire remonter cet alinéa au I.
M. Pierre-Yves Collombat. - Certains policiers retiendront tel individu simplement pour l'ennuyer... S'il existe de véritables raisons pour retenir une personne, on peut avoir recours à la procédure normale. Si l'objectif est de ne retenir que ceux qui figurent dans le fichier des personnes recherchées, alors les retenues ne devraient être pratiquées que par des officiers de police judiciaire. La rédaction est incompréhensible.
M. Philippe Bas, président. - Il s'agit bien d'un régime de police administrative, mais l'article 78-1 du code de procédure pénale prévoit un contrôle par les autorités judiciaires. C'est un OPJ qui procède aux investigations.
M. Pierre-Yves Collombat. - Mais pas à la rétention !
M. Philippe Bas, président. - Il ne faut pas confondre cette mesure avec une garde à vue ; et nous ne sommes pas dans le cadre d'une enquête judiciaire. La rédaction est complexe parce que la situation l'est aussi. C'est un approfondissement du contrôle d'identité, non une enquête.
M. Jacques Mézard. - L'OPJ doit préciser les motifs de la retenue. On dit que ce n'est pas une mesure de privation de liberté...
Imaginez que la personne retenue avoue des infractions : que fait l'officier ? D'autant qu'il est exposé à un fort risque de recours. La rédaction doit être très précise.
M. Philippe Bas, président. - Imaginons le cas où un contrôle d'identité révèle la possible appartenance de l'individu à un réseau terroriste, sans éléments suffisants pour une garde à vue. On prend alors le temps de consulter les fichiers, de réunir l'information, au besoin en consultant les bases de données à l'étranger. S'il apparaît que l'on peut basculer vers une garde à vue, le procureur, informé dès le début de la retenue, a les moyens de restituer un enchaînement juridique conforme au droit commun.
M. Alain Richard. - Lors du contrôle, la consultation des fichiers A, B ou C, numérisés, est facile depuis un terminal. Les quatre heures que dure la retenue donnent le temps de déterminer s'il y a matière à une garde à vue. C'est un dispositif adapté aux périodes de tension, sur les axes de déplacement ; il présente l'intérêt de permettre les contrôles sur des résidents étrangers. La retenue donne le temps d'approfondir les vérifications. Si vous croyez que cela est inutile, libre à vous de voter contre. L'autre solution, qui a mes faveurs, consiste à approfondir le dispositif, à apporter des garanties et assurer une continuité entre le contrôle et la procédure proprement dite.
Lors de la prorogation de l'état d'urgence, beaucoup ont fait valoir que ce régime prendrait fin plus vite si des dispositifs d'investigation et de repérage appropriés étaient mis en place. En voici un.
M. Jean-Yves Leconte. - Je comprends que l'on envisage un tel dispositif dans le cadre de l'état d'urgence, mais il me semble difficile de lui conférer un caractère permanent. Il est surtout une réponse au manque de moyens, et aux difficultés d'interconnexion entre les différents fichiers du renseignement ! L'atteinte aux libertés est grave, surtout s'agissant des mineurs. Et certains font l'objet de contrôles à répétition.
M. Michel Mercier, rapporteur. - La mesure ne vise que les personnes pouvant être soupçonnées de liens avec une opération terroriste. De plus, conformément aux articles 12 et 13 du code de procédure pénale, les OPJ agissent sous le contrôle du procureur de la République et sous la surveillance du procureur général et de la chambre de l'instruction. Nous proposons un renforcement du contrôle et des restrictions supplémentaires pour la retenue des mineurs.
On ne peut améliorer l'efficacité de la lutte contre le terrorisme hors état d'urgence sans prendre de mesures renforçant les pouvoirs habituels de la police administrative et judiciaire. Nous demeurons cependant bien dans le cadre de l'article 66 de la Constitution.
L'amendement COM-104 est adopté.
Les amendements de suppression COM-27 et COM-53 ainsi que les amendements COM-29 et COM-28 deviennent sans objet.
M. Jacques Bigot. - L'amendement COM-29 introduit des compléments à l'article 18.
M. Philippe Bas, président. - Les amendements portant sur la précédente rédaction de l'article sont rendus sans objet par l'adoption de la nouvelle rédaction, mais ils peuvent être présentés à nouveau en séance publique.
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-165 du Gouvernement remplace l'autorisation parentale de sortie du territoire par la possession d'un passeport - en cours de validité - par le mineur. Mieux vaut encore ne rien écrire ! On ne connaît pas toujours la provenance du passeport, qui ne saurait remplacer l'autorisation de sortie. Avis défavorable.
L'amendement COM-165 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-105 insère la nouvelle procédure d'interdiction de sortie judiciaire du territoire dans l'article 375-7 du code civil. La condition de carence des parents est remplacée par celle de carence du détenteur de l'autorité parentale. L'amendement étend aussi les possibilités, pour le juge des enfants, de prononcer une telle mesure d'interdiction.
L'amendement COM-105 est adopté.
L'amendement COM-164 devient sans objet.
M. Alain Richard. - L'amendement COM-164 tombe en partie seulement : qu'en est-il de l'extension de la mesure aux collectivités d'outre-mer ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'outre-mer fera l'objet d'un article global à la fin du texte.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-106 réécrit l'article 19 relatif au cadre juridique d'emploi de la force contre les auteurs de meurtres ou de tentatives de meurtre, afin de les empêcher au plus vite de réitérer ces actes. Nous avons simplifié, au bénéfice des policiers et des gendarmes, la rédaction de l'Assemblée nationale, très complexe.
Ce cadre se fonde sur l'autorisation de la loi ou du règlement et non sur l'article 122-7 relatif à l'état de nécessité. Enfin, conformément aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme, l'usage de la force doit être absolument nécessaire et strictement proportionné.
M. Philippe Bas, président. - Les syndicats de police y sont favorables. La rédaction quelque peu improvisée de cet article 19 par l'Assemblée nationale méritait en effet des améliorations.
L'amendement COM-106 est adopté.
L'amendement de suppression COM-54 devient sans objet.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Particulièrement important, l'amendement COM-166 concerne les personnes de retour en France après un séjour sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes. J'ai longuement hésité entre la position du Sénat qui, le 2 février, a créé une nouvelle incrimination, et celle du Gouvernement, qui organise un contrôle de police administrative à travers une assignation à résidence. Nous avons reçu plus de soixante praticiens ; et la disposition du Gouvernement a été votée à la quasi-unanimité par l'Assemblée nationale. Si nous souhaitons parvenir à un accord sur ce texte, il faut en tenir compte. Je propose par conséquent de reprendre ce dispositif, sous plusieurs réserves. Ainsi l'amendement prévoit l'information systématique non du procureur territorialement compétent, mais du procureur de Paris, puisqu'il s'agit de lutte antiterroriste.
Ensuite, le délai d'un mois n'est pas toujours suffisant pour lever le doute ou confirmer les soupçons. À l'inverse, les obligations dites « allégées » prévues pour six mois sont un véritable contrôle judiciaire qui ne dit pas son nom, sans supervision d'un magistrat. Par conséquent, je propose l'allongement à deux mois de la durée d'assignation à résidence et la suppression des obligations allégées. L'amendement inscrit l'interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes dans les obligations liées à l'assignation à résidence.
Enfin, je propose de présumer la condition d'urgence pour faciliter l'exercice du recours en référé devant la juridiction administrative, dans l'esprit de la récente jurisprudence du Conseil d'État.
L'amendement COM-166 est adopté.
L'amendement de suppression COM-55 devient sans objet, ainsi que les amendements COM-56 et COM-57.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-107 étend la vérification de situation personnelle pratiquée dans les entreprises de transport public de voyageurs et de fret dangereux à tous les emplois qui exposent une population importante à des atteintes graves à la sécurité publique.
L'amendement intègre la possibilité de vérifier la situation des personnes employées par une entité organisant un grand événement sportif ou culturel - la mesure cible en particulier l'Euro de football à venir. En effet, la multiplication des régimes est une source d'incertitude, et le dispositif adopté dans le cadre de la proposition de loi sur la sécurité dans les transports fait l'objet d'un consensus.
M. Alain Richard. - Notre travail consiste à rapprocher le souhaitable et le possible. Le rapporteur nous présente un dispositif souhaitable, mais le criblage - dans les faits, un contrôle d'honorabilité - se heurte à un problème de moyens et d'échelle, a fortiori si le projet de loi est adopté dans la deuxième quinzaine de mai : l'Euro commence début juin. Avez-vous eu des assurances quant à la faisabilité matérielle du dispositif ? Une date d'entrée en vigueur avancée est-elle prévue ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - Nous avons informé le Gouvernement de cet amendement.
M. Philippe Bas, président. - Le Gouvernement avait déjà proposé un amendement en ce sens dans la loi sur le renseignement. Ensuite, la loi sur la sécurité dans les transports a donné aux entreprises de transport collectif une base légale pour organiser leur collaboration avec les services de sécurité. Cet amendement harmonise les différents régimes juridiques.
L'amendement COM-107 est adopté.
Article 22
L'amendement rédactionnel COM-108 est adopté.
Article 23
L'amendement rédactionnel COM-109 est adopté.
L'amendement de suppression COM-17 devient sans objet.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-110, important, aborde la question du contradictoire. Nous entrons dans une nouvelle ère en matière d'organisation du procès. Certes, ni les conventions internationales ni notre Constitution n'obligent à prévoir du contradictoire dans l'enquête. Tous les magistrats que nous avons entendus y insistent : si le procès est un, de l'enquête au jugement, les garanties ne sont pas forcément identiques à chaque étape. Lors de l'enquête, c'est l'autorité judiciaire qui les apporte.
Rappelons qu'au Royaume-Uni, pays supposé plus favorable aux libertés individuelles, c'est la police qui mène l'enquête.
M. Pierre-Yves Collombat. - Rien de plus normal dans un régime accusatoire !
M. Michel Mercier, rapporteur. - Le fait demeure : le contradictoire y est réservé au jugement.
En France, nous nous heurtons à une difficulté pratique : le temps de l'enquête est trop long, principalement pour des raisons de moyens. La vice-présidente de la juridiction inter-régionale spécialisée (Jirs) de Marseille nous a indiqué qu'elle devait parfois attendre un an avant l'ouverture d'un dossier par la police, compte tenu de la charge de travail. Il nous est apparu nécessaire d'ouvrir, dans la phase d'enquête, pour les procédures les plus longues, une sorte de fenêtre de contradictoire. C'est la quadrature du cercle : on ne peut pas ouvrir tous les actes de la procédure au contradictoire - sinon, autant les publier directement dans le journal... ; et si on l'introduit de manière étendue, il faudra supprimer à terme le juge d'instruction. Nous avons trouvé un compromis.
Mon amendement encadre la nouvelle obligation qui pèsera sur le parquet - la rédaction retenue par l'Assemblée nationale aurait ouvert des centaines de milliers de procédures au contradictoire... Il est ainsi prévu de porter de six mois à un an la période précédant l'ouverture du contradictoire, tout en limitant les actes concernés aux seules mesures de garde à vue et d'audition libre. Le procureur de la République peut décider de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, qui impose l'accord de la personne mise en cause, au cours du mois pendant lequel elle peut formuler des observations.
Enfin, l'amendement supprime la possibilité pour la personne concernée de consulter le dossier avant de faire l'objet d'une nouvelle audition ou d'une garde à vue. La vice-présidente de la Jirs de Marseille nous a dit qu'une telle mesure entraverait le fonctionnement des tribunaux.
M. Jacques Bigot. - Le contradictoire est appliqué devant le juge d'instruction, mais les commissions rogatoires durent parfois plus longtemps que les enquêtes préliminaires... Vous avez porté le délai de six mois à un an. Cela me paraît adapté au mode de fonctionnement quotidien des parquets. Il arrive qu'une personne auditionnée n'ait plus de nouvelles du procureur pendant plusieurs mois. Vous avez aménagé l'obligation de lettre recommandée, tant mieux, c'était une surcharge de travail. Vous avez trouvé un équilibre.
Le juge d'instruction n'est plus aussi protecteur des libertés qu'auparavant. La possibilité pour l'avocat de formuler des observations durant l'enquête préliminaire incitera le procureur à enquêter à charge et à décharge. Il faut espérer que l'on en tirera les conclusions et que l'on modifiera le mode de nomination des procureurs, comme le prévoit le texte constitutionnel réformant le Conseil supérieur de la magistrature.
M. André Reichardt. -Une telle mesure allongera les procédures avec ce nouveau délai d'un mois pour la formulation d'observations. Plusieurs centaines de milliers d'enquêtes seront concernées.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Plutôt des dizaines de milliers.
M. André Reichardt. - C'est déjà trop ! Je suis favorable à une suppression de l'article, tel est l'objet de mon amendement COM-110.
M. Jacques Mézard. - D'un point de vue pratique, le principal problème est, pour les justiciables, l'absence d'information après l'ouverture de la procédure. Votre amendement est un progrès, mais il va aussi faire émerger des difficultés. Ainsi, le II prévoit qu'à tout moment, « le procureur de la République peut communiquer tout ou partie de la procédure à la personne mise en cause ou à la victime pour recueillir leurs observations ou celles de leur avocat ». Mais comment formuler des observations lorsque l'on ne reçoit qu'une partie de l'information ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - Je comprends vos réticences, mais le texte accorde une importance croissante à l'enquête préliminaire conduite par le procureur.
M. Alain Richard. - Vous tirez les conclusions d'une évolution en cours.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Pour préserver la possibilité de se défendre, nous devons introduire du contradictoire. Constatant la durée souvent très longue de l'enquête préliminaire, nous ouvrons une fenêtre tant pour les personnes mises en cause que pour les victimes. Quant au II, les représentants de la Conférence des procureurs nous ont dit que la communication de la procédure aux personnes mises en cause ou aux victimes se pratiquait déjà. L'Assemblée nationale a introduit un contradictoire permanent ; le Gouvernement ne le limitait pas assez. Nous sommes parvenus à un compromis.
L'amendement COM-110 est adopté.
L'amendement de suppression COM-30 devient sans objet.
M. Philippe Bas, président. - L'amendement de suppression COM-111 du rapporteur conserve le droit existant en matière d'interception de correspondances.
L'amendement de suppression COM-111 est adopté.
Article 25 bis A
L'amendement de suppression COM-112 est adopté.
Article 25 bis
Les amendements COM-113 et COM-114 sont adoptés.
M. Philippe Bas, président. - L'amendement du rapporteur COM-115 fait commencer à la date de déclaration d'appel, et non de l'ordonnance elle-même, le délai dans lequel la chambre de l'instruction doit statuer sur une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ou une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises.
L'amendement COM-115 est adopté.
L'amendement COM-116 est adopté.
L'amendement COM-142 est adopté.
Article 27
L'amendement COM-31, accepté par le rapporteur, est adopté.
Article additionnel après l'article 27
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-59.
L'amendement COM-59 est adopté.
Article 27 ter
Les amendements COM-117 et COM-118 sont adoptés.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-18.
L'amendement COM-18 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-60.
L'amendement COM-60 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-19.
L'amendement COM-19 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable, pour le moment, à l'amendement COM-161.
L'amendement COM-161 n'est pas adopté.
Article additionnel après l'article 27 quater
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-58 prévoit l'assistance par un avocat en cas de transport d'une personne gardée à vue. Avis favorable.
L'amendement COM-58 est adopté.
Mme Esther Benbassa. - Je suis surprise !
Article additionnel après l'article 27 octies
L'amendement COM-144, accepté par le rapporteur, est adopté.
Articles additionnels après l'article 28
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon COM-120 est un amendement de simplification.
L'amendement COM-120 est adopté.
L'amendement COM-148, accepté par le rapporteur, est adopté.
L'amendement COM-16, accepté par le rapporteur, est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Demande de retrait de l'amendement COM-156.
L'amendement COM-156 n'est pas adopté.
L'amendement COM-159 n'est pas adopté.
Article 29
L'amendement COM-121 est adopté.
Article 31
L'amendement de coordination COM-122 est adopté.
Article additionnel après l'article 31
L'amendement COM-61 n'est pas adopté.
Articles additionnels après l'article 31 bis A
L'amendement COM-143, accepté par le rapporteur, est adopté, de même que l'amendement COM-150.
Article 31 bis
L'amendement rédactionnel COM-123 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-124 supprime l'instauration d'une sur-amende pénale, douanière, également applicable aux sanctions financières des autorités administratives et indépendantes, dispositif par deux fois censuré par le Conseil constitutionnel.
L'amendement COM-124 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-125 exclut les biens meubles du périmètre d'application de la procédure de saisie de biens prévue par l'article.
L'amendement COM-125 est adopté.
L'amendement de cohérence COM-126 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-160, qui facilite l'ouverture des scellés par le magistrat instructeur.
L'amendement COM-160 n'est pas adopté.
L'amendement COM-145, accepté par le rapporteur, est adopté.
Article additionnel après l'article 31 septies
L'amendement COM-149, accepté par le rapporteur, est adopté.
Article 31 octies
L'amendement COM-127 est adopté.
L'amendement COM-140, satisfait, devient sans objet.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-128 rétablit l'obligation d'enregistrement sonore pour l'ensemble des débats en cour d'assises.
L'amendement COM-128 est adopté.
Article additionnel avant l'article 31 duodecies
L'amendement COM-152, accepté par le rapporteur, est adopté.
Article additionnel après l'article 31 duodecies
M. Michel Mercier, rapporteur. - Demande de retrait, pour le moment, de l'amendement COM-155.
L'amendement COM-155 n'est pas adopté.
Article additionnel après l'article 31 sexdecies
M. Philippe Bas, président. - L'amendement COM-62 est satisfait.
L'amendement COM-62 n'est pas adopté.
Article 31 septdecies A
L'amendement COM-129 est adopté, ainsi que l'amendement identique COM-151.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-130 donne au juge des libertés et de la détention territorialement compétent la possibilité d'autoriser les opérations de contrôle anti-dopage au domicile ou au lieu d'hébergement d'un sportif entre 23 heures et 6 heures en cas de refus de ce dernier.
L'amendement COM-130 est adopté.
M. Alain Vasselle. - Vous acceptez ici ce que vous avez refusé pour la contrefaçon...
M. Michel Mercier, rapporteur. - Le texte transmis portait déjà sur ce sujet.
Article additionnel après l'article 32 AA
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-163.
L'amendement COM-163 est adopté.
Article 32 E
L'amendement COM-32, accepté par le rapporteur, est adopté.
Article 32 F
L'amendement de suppression COM-131 est adopté.
Article 32 G
L'amendement de suppression COM-132 est adopté.
Article 32 H
L'amendement de suppression COM-133 est adopté.
Article 32
L'amendement rédactionnel COM-134 est adopté, ainsi que l'amendement COM-135.
L'amendement COM-25 n'est pas adopté.
L'amendement COM-21 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - C'est une garantie importante, pour les personnes filmées, que d'être informées du déclenchement de l'enregistrement. L'article 32 prévoit cette information, « sauf si les circonstances l'interdisent ». L'amendement COM-23 supprime cette information. Or celle-ci participe à la pacification des relations entre les agents et les personnes faisant l'objet de l'intervention. Avis défavorable.
L'amendement COM-23 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-24 réduit de six mois à un mois la durée de conservation des enregistrements réalisés par des caméras mobiles. Avis défavorable : cette durée répond aux besoins de formation pédagogique des agents, une finalité validée par la Cnil.
L'amendement COM-24 n'est pas adopté.
L'amendement COM-15 est adopté.
Article additionnel après l'article 32
L'amendement COM-162 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-26.
L'amendement COM-26 n'est pas adopté.
L'amendement COM-22, accepté par le rapporteur, est adopté, ainsi que l'amendement COM-33.
M. François Grosdidier. - Très bien !
Chapitre II
L'amendement rédactionnel COM-136 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement supprime la partie de l'habilitation autorisant le Gouvernement à assurer par ordonnance la transposition de la directive sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Il supprime également l'habilitation à prendre par ordonnances toute mesure modifiant le code monétaire et financier afin d'étendre le périmètre des personnes assujetties au respect des mesures de gel et d'interdiction de mise à disposition des fonds. Les chapitres concernés, récemment modifiés par la loi de lutte contre le terrorisme du 13 novembre 2014, exigent un contrôle approfondi du Parlement : le Conseil constitutionnel a censuré, le 2 mars, une partie des dispositions de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier relatif au gel des avoirs. La marge de manoeuvre du Parlement étant très étroite dans le cadre d'une simple ratification, nous proposons de passer par la loi.
M. Alain Richard. - Il faut en effet légiférer sur ce point. Nous connaissons les contraintes du calendrier parlementaire. Est-il préférable de refuser l'habilitation dès maintenant, ou de laisser le Gouvernement développer un argumentaire pour ensuite mettre les deux solutions en balance ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - La loi Sapin II introduira ces dispositions dans une forme qui respectera la décision du Conseil constitutionnel. Nous pourrons aussi mettre à profit la CMP pour revoir ce point.
L'amendement COM-137 est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mon amendement COM-138 supprime la partie de l'habilitation autorisant expressément le Gouvernement à assurer par ordonnance l'application outre-mer des dispositions prises en vertu des 1° à 7° de l'habilitation prévue à l'article 33 du projet de loi.
L'habilitation conférée au Gouvernement par le législateur en application de l'article 38 de la Constitution vaut transfert entier du pouvoir législatif pour le périmètre, la finalité et la durée définie dans la loi. Sauf précision contraire du texte d'habilitation, et dans le champ strict ouvert par celle-ci, le pouvoir législatif délégué, compétent pour adopter une disposition, l'est également pour l'adapter dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie, et la rendre applicable dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.
L'amendement COM-138 est adopté.
Les amendements COM-20 et COM-153 deviennent sans objet.
Article 34
L'amendement de coordination COM-139 est adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Questions diverses
M. Alain Richard. - La discussion en séance aura lieu la semaine prochaine. Au vu de l'étendue du sujet, les craintes exprimées à l'égard du choix de la procédure accélérée sont justifiées. Il est souhaitable que nous puissions disposer des délais nécessaires afin que nous puissions préparer collégialement la CMP.
M. Jacques Mézard. - Nous nous sommes abstenus sur ce texte, en dépit de ses éléments positifs. Étudier un projet de loi dont les conséquences sont particulièrement lourdes par une procédure accélérée et à ce rythme n'est pas raisonnable. Malheureusement, une telle pratique est de plus en plus fréquente, ce qui nous oblige à opérer des modifications après coup. Nous avons inventé le mouvement perpétuel...
Mme Cécile Cukierman. - Le texte consolidé sera consultable ce soir ; l'ordre du jour impose de déposer des amendements avant vendredi midi. Cela pèse sur notre capacité à travailler sereinement.
Le garde des sceaux a dit hier que nous examinerions en séance publique le 29 mars les articles qui concernent le ministre de l'intérieur, le 30 ceux qui relèvent du ministre de l'économie ; et le 31 c'est M. Urvoas qui sera là. Est-il possible d'obtenir confirmation de l'ordre de discussion des articles avant vendredi soir ?
L'ordre du jour prévisionnel inclut la nouvelle lecture du texte sur l'organisation des élections présidentielles, pas la discussion des conclusions de la CMP sur le projet de loi relatif à la protection des mineurs. Savez-vous quand elle aura lieu ?
M. Christophe Béchu. - La proposition de loi de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle a été discutée en procédure accélérée, avec la contrainte supplémentaire du délai minimal d'un an avant cette élection. La CMP a été un échec : l'Assemblée nationale ne veut bouger ni sur l'équité, ni sur l'égalité, ni sur les horaires, ni sur les seuils. La disposition sur les sondages a été votée en commission des lois de l'Assemblée contre l'avis de la rapporteure.
Une initiative du Parlement s'impose. La procédure accélérée, devenue rituelle, dénature le travail législatif et accrédite l'idée que les textes sont mal travaillés. Et le Premier ministre nous presse de voter tels quels les textes issus de l'Assemblée pour aller plus vite ! La situation empire. Je propose que des règles de bonne conduite soient adoptées pour le prochain quinquennat ; on pourrait envisager que les candidats s'engagent sur ce point.
M. Pierre-Yves Collombat. - De toute façon, ils ne tiennent pas leurs promesses...
M. Christophe Béchu. - On ne peut pas prétendre renforcer le travail parlementaire en mettant fin au cumul des mandats, tout en ignorant les difficultés que rencontre ce même travail ! Ce sont des mesures purement cosmétiques.
M. Philippe Bas, président. - Nous organiserons une réunion préparatoire à la CMP, qui s'impose d'autant plus que l'Assemblée nationale aura à prendre connaissance d'un grand nombre de dispositions nouvelles. Nous avons déjà évoqué la question avec le ministère chargé des relations avec le Parlement.
Jacques Mézard a raison : depuis 2008, c'est en commission qu'est conduit le travail le plus approfondi - et pourtant, nous aurons moins de temps en commission qu'en séance sur ce texte ! Aussi, il faut veiller à ne pas perdre de temps sur les amendements qui ne présentent pas d'enjeu majeur.
Nous subissons la multiplication des textes sous procédure accélérée et les contraintes du calendrier législatif. À cela s'ajoute la pratique malsaine consistant à considérer la loi comme un véhicule législatif auquel des wagons peuvent être ajoutés l'un après l'autre. Notre rapporteur a eu raison de se montrer sévère avec certains des amendements de dernière minute du Gouvernement.
Je confirme à Cécile Cukierman que la discussion sur le projet de loi s'effectuera dans l'ordre qu'elle a mentionné. Dès que le Gouvernement nous l'aura précisé, nous en informerons les membres de la commission et les groupes politiques. Le texte de la commission sera en ligne dès ce soir ; le rapport le sera demain après-midi.
Quant aux conclusions de la CMP sur le projet de loi relatif à la protection des mineurs, je crois savoir qu'elles seront discutées le 4 avril au soir ; la nouvelle lecture de la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle aura lieu jeudi prochain au matin.
La réunion est levée à 13 heures