- Jeudi 11 février 2016
- Compte-rendu du déplacement dans le département du Nord le vendredi 13 Novembre 2015
- Compte rendu par Mme Elisabeth Lamure, des rencontres effectuées à l'administration des Douanes et à la Fondation Entreprise, le jeudi 14 janvier 2016
- Présentation de la proposition de loi sur l'apprentissage par M. Michel Forissier
- Questions diverses
Jeudi 11 février 2016
- Présidence de Mme Élisabeth Lamure, présidente -Compte-rendu du déplacement dans le département du Nord le vendredi 13 Novembre 2015
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Mes chers collègues, compte-tenu de l'ordre du jour particulièrement dense et de l'horaire, nous allons tout de suite commencer par le compte-rendu du déplacement dans le Nord, le 13 Novembre 2015, date funeste.
Mme Valérie Létard. - Merci madame la Présidente. Le 13 novembre dernier, une dizaine d'entre nous se sont rendus à Valenciennes, dans le département du Nord. J'ai été très heureuse de pouvoir accueillir cette partie assez significative de la délégation à la communauté d'agglomération de Valenciennes Métropole que j'ai eu l'honneur de présider jusqu'à mon élection récente au Conseil Régional. Je remercie encore Elisabeth Lamure d'avoir bien voulu organiser ce déplacement, qui avait un relief particulier du fait qu'y a également participé le président du Sénat, Gérard Larcher. Nous accompagnaient aussi Olivier Cadic, Michel Canevet, Jacky Deromedi, Jacques Legendre, Patricia Morhet-Richaud, Claude Nougein, Sophie Primas et Michel Vaspart.
Le Nord est le département le plus peuplé de France, avec plus de 2,6 millions d'habitants. C'est une terre d'industrie en perpétuelle mutation et c'est ce que j'espère vous avoir fait toucher du doigt au cours de cette journée. Les dernières décennies ont été marquées par le double séisme qui a touché la sidérurgie et les mines, et qui a eu des conséquences sur 40 000 emplois directs sur un arrondissement de 400 000 habitants. Le taux de chômage a ainsi grimpé à 22 % sur l'arrondissement de Valenciennes, avec des poches à 35 %. Pour vous donner un ordre d'idée, des villes comme la commune de Denain sont passées du plein emploi à aucun emploi. Sont restés les gens qui étaient prisonniers de leur condition.
Une reconversion industrielle a été engagée au début des années 1990. Les collectivités territoriales ont accompagné les entreprises dans cette reconversion du territoire, en s'appuyant notamment sur l'université de Valenciennes et du Hainaut qui joue un rôle particulier. Cette université a vocation à attirer de nouvelles industries, former leurs personnels d'encadrement et permettre aux jeunes des familles modestes d'accéder à l'enseignement supérieur. La particularité de cette université qui est très ouverte au secteur économique est d'être née d'un IUT ; elle a toujours entretenu des liens avec les acteurs économiques du territoire jusqu'à devenir une grande université.
La communauté d'agglomération, créée il y a dix ans, n'a eu qu'une seule stratégie : l'investissement. Elle a ainsi entrepris de raser les friches industrielles, de les dépolluer, de les aménager, de les fibrer... Nous avons fait de Valenciennes une agglomération de projet plutôt qu'une agglomération de service, tout simplement parce que l'on partait d'une situation qui nécessitait de restructurer des friches sans lesquelles on ne pouvait pas bâtir de reconversion économique. 170 personnes y travaillent, pratiquement 50 % de cadres avec des ingénieurs et des chargés de mission, typiquement sur un modèle d'agence d'urbanisme et développement, avec pour priorités : la mobilité, l'accessibilité, les grands équipements... 15 % des revenus de l'agglomération viennent de l'autofinancement, alors que c'est un territoire extrêmement pauvre bénéficiaire du Fonds de péréquation. Je citerais quelques une de nos grandes réalisations : Transalley, le technopôle des mobilités innovantes et durables développé autour de grands acteurs automobiles et ferroviaires, d'une université et d'un pôle de recherche aménagé sur une zone de 25 hectares; les Rives créatives, pôle d'excellence numérique et technologique que nous avons aménagé sur les rives de l'Escaut, sur une friche Vallourec, située sur 27 hectares en plein coeur de ville, qu'il a fallu raser, dépolluer, aménager pour en faire un pôle d'excellence numérique qui bénéficie d'un data-center et d'une école supérieure de 900 étudiants dans le domaine du numérique ; enfin, le terminal à conteneurs au bord de l'Escaut, premier port de fret régional au service de la logistique durable. L'enjeu, pour nous, c'est de structurer des filières et de spécialiser les territoires, en créant des dynamiques locales sur des niches ou autour de clusters rapprochant les étudiants, les laboratoires de recherche, les entreprises... Ainsi, la Picardie mise sur l'agroalimentaire, particulièrement les céréales, le sud du département sur la mobilité durable, la côte sur les énergies renouvelables et la métropole lilloise sur la Silver economy.
Une fois dressé ce bref panorama, nous avons pu entendre une petite vingtaine de chefs d'entreprise, qui représentaient bien la diversité industrielle qui caractérise le Valenciennois : des grands employeurs du monde des transports comme Toyota ou Alstom, aux jeunes entreprises innovantes du numérique ou du développement durable, en passant par des entreprises de taille intermédiaire du monde de la mécanique, de la logistique ou de la fabrication, ou encore des sous-traitants du ferroviaire ou de l'automobile.
Ils ont témoigné de plusieurs difficultés qui avaient déjà été signalées à la Délégation lors de ses précédents déplacements :
- la complexité juridique : le « choc de simplification » reste insensible sur le terrain ; les entrepreneurs ont la sensation que nous légiférons sans arrêt pour peu de choses ; ils ont notamment dénoncé la complexité du droit social, et notamment du compte pénibilité et du compte personnel de formation, dont ils ne voient pas l'utilité. Ils estiment que cette complexité mobilise des armées au sein des entreprises comme au sein des services de l'État. La numérisation est vue comme une piste pour favoriser la simplification : l'un des participants a ainsi insisté sur la nécessité de numériser les greffes pour alléger les formalités des entreprises ;
- la frilosité de l'administration : aux yeux des entrepreneurs - je relate stricto sensu ce qui a été dit -, le fonctionnaire, même efficace, a peur et, de ce fait, ne prend de risques que sur ordre du préfet ;
- le manque de flexibilité du droit du travail : si les entrepreneurs ont salué la possibilité de renouveler les CDD, ils ont jugé que la durée des CDD (18 mois maximum) était trop courte, même doublée par le renouvellement: ainsi, le directeur général de Toyota a estimé que doubler la durée du CDD pour la porter à 36 mois serait un bon facteur de relance ; un entrepreneur a aussi proposé que les entreprises puissent adapter les contrats de travail de leurs employés en fonction des contrats qu'elles concluent avec leurs clients ; un autre a indiqué être obligé de recourir à l'intérim pour des contrats clients de deux ans, ce qui n'était satisfaisant pour personne, à commencer par l'entreprise, obligée de former les intérimaires ; le représentant d'Alstom a jugé que le défaut de flexibilité et le recours à l'intérim représentaient une difficulté centrale pour l'industrie ferroviaire. Sur ce point, le patron de Toyota nous a expliqué que sur l'arrondissement de Valenciennes qui connaît 15 % de chômeurs, la limitation des contrats empêchait des demandeurs d'emplois valenciennois qualifiés et ayant déjà travaillé chez Toyota d'y occuper des emplois à durée déterminée. L'entreprise est obligée d'aller recruter à l'extérieur de l'arrondissement. Les travailleurs viennent ainsi de plus en plus loin pour travailler chez Toyota du fait de la nature des contrats. Dans l'industrie automobile, Toyota emploie 4 000 CDI mais également 800 CDD composant ses équipes de nuit qui représentent une variable d'ajustement utile ;
- la durée d'indemnisation du chômage : un dirigeant de PME a déploré que certains ouvriers fassent tout pour être licenciés et bénéficier d'indemnités chômage pendant deux ans. Il a aussi voulu souligner que d'autres ouvriers se donnaient sans compter et regretté que ceux-là entendent parler de parachutes dorés ;
- les distorsions de concurrence intra-européennes : le secteur de la logistique a particulièrement souligné les écarts croissants entre les législations française et européenne, encore plus sensibles dans une région frontalière. Ainsi, les charges sociales, la fiscalité, la rigidité du droit du travail disqualifient la France par rapport aux autres pays européens. Notamment, la définition du temps de travail diffère entre la France et les pays voisins : par exemple, un chauffeur français est payé le temps de ses arrêts pour une livraison, alors que ce temps de repos n'est pas rémunéré à l'étranger ; un entrepreneur ayant démarré son activité en Belgique a indiqué que la différence de charges sociales avec la Belgique était telle que les coûts salariaux étaient 30 % plus élevés en France qu'en Belgique;
- les difficultés de financement des entreprises : plusieurs ont dénoncé la frilosité des banques qui demandent des garanties importantes alors qu'elles prennent des risques qu'ils jugent minimes. Le rôle facilitateur de la BPI a été souligné, même s'il a été indiqué que la BPI aussi demandait la caution du dirigeant, ne serait-ce que pour contre garantir le prêt bancaire. L'un des entrepreneurs présents a même confié être caution à hauteur de 15 fois sa maison, donc ne plus craindre de l'être encore!
- les difficultés liées au contrôle fiscal du crédit impôt recherche (CIR), contrôle qui intervient trop tardivement : ainsi, une start up qui développe des jeux vidéo a témoigné d'un contrôle intervenu trois ans après l'octroi du CIR, ce qui est très déstabilisant pout une petite entreprise en cas de redressement ;
- le défaut de reconnaissance des chefs d'entreprise : un dirigeant de PME, fier de prendre des risques, a regretté d'être stigmatisé comme chef d'entreprise ; il considère que la France ne sait pas garder ses chefs d'entreprise et doit cesser de nourrir un regard de jalousie sur la réussite, qui donne envie aux entrepreneurs de quitter le pays. Je ne fais ici que reprendre des propos qui ont été tenus. Plusieurs ont aussi déploré que le système éducatif français n'éveille pas à l'entrepreneuriat.
Ces constats, nous les avons déjà entendus. Il est important de les rappeler, même s'ils sont connus, car cela nous dit quelles doivent être nos priorités. Mais il est intéressant de noter que les entrepreneurs du Valenciennois ont mis en avant des sujets plus spécifiques:
- la pénurie de main d'oeuvre bien formée qui est un vrai défi : les entreprises du Valenciennois recherchent des savoir-faire, mais surtout, nous ont-elles dit, des savoir-être. C'est un sujet qui n'avait pas émergé dans nos précédents déplacements et l'un des intervenants a indiqué ne pas rencontrer ce type de difficultés dans son établissement situé en Rhône-Alpes. Cela est lié aussi à la réalité socio-économique d'un territoire, qu'il faut prendre en considération. La plupart ont estimé que notre main d'oeuvre, particulièrement sa frange la plus jeune, présentait des difficultés en termes d'employabilité : ainsi, le représentant de Toyota France a indiqué avoir embauché 500 intérimaires l'an dernier et déploré un taux de turn over de 30 %, de plus en plus de salariés jugeant trop dur de travailler sur une chaîne de fabrication pour 1 500 euros par mois. Un dirigeant de PME a lui aussi indiqué rencontrer des difficultés équivalentes : il a mis en place, avec Pôle Emploi, des formations à ses propres métiers mais, sur les 35 personnes sans qualification qui ont bénéficié de cette formation, l0 ont été recrutées et il n'en reste aujourd'hui que 3 qui travaillent encore dans l'entreprise. Cet enjeu de la formation est souvent revenu dans les échanges, plusieurs dénonçant le coût de l'alternance et de la formation professionnelle au regard des résultats ; pour éviter aux entreprises de payer deux fois pour la formation, l'une d'elles a suggéré d'alléger les taxes sur la formation (2 % de la masse salariale) et de laisser aux entreprises plus de liberté pour former leur personnel ;
- le rôle des partenaires sociaux : les plus gros employeurs du département souhaiteraient travailler avec eux dans une confiance mutuelle et un investissement partagé, pour assurer la qualité des relations sociales dans l'entreprise et mieux saisir les opportunités. L'un a estimé que les lois en matière de dialogue social ressemblaient à des « armes de destruction massive remises dans les mains de personnes qui n'ont pas toujours la compétence ou la volonté pour les utiliser de manière raisonnable pour l'entreprise »; plusieurs entrepreneurs ont déploré le manque de représentativité des instances représentatives du personnel : en effet, beaucoup de salariés ne veulent pas se syndiquer et il est souvent difficile d'atteindre le quorum aux élections professionnelles. C'est ainsi qu'un entrepreneur s'est trouvé empêché de conclure un accord d'entreprise, faute de délégués syndicaux. Un des participants a d'ailleurs proposé de travailler sur une obligation pour les salariés de se syndiquer, afin d'améliorer la représentativité des syndicats ; un autre a estimé que les ressources des syndicats ne dépendant pas du nombre de leurs adhérents, les syndicats étaient incités à vivre pour eux-mêmes, pas au service du bien collectif - je continue à relater les propos tenus - ;
- la commande publique : c'est en effet un levier de croissance que les petites entreprises ont mis en avant. Notamment les jeunes entreprises numériques, qui ont indiqué qu'elles avaient plus besoin de la commande publique que de subventions, d'autant que celles-ci ne peuvent dépasser 200 000 euros sur 3 ans, en application de la règle européenne de minimis en matière d'aides d'État, règle qui désavantage d'ailleurs les entreprises européennes dans la compétition internationale ;
- le nécessaire encouragement à l'investissement industriel : tous les intervenants sont convenus de la nécessité de transformer l'industrie française en industrie à valeur ajoutée. Ainsi, le représentant de Toyota a jugé nécessaire de miser sur l'hybride et l'hydrogène, qui sont l'avenir de l'automobile. Une des clefs pour accompagner cette transformation est assurément de soutenir l'investissement. L'un des entrepreneurs a d'ailleurs imaginé à cette fin que l'amortissement du matériel puisse se faire sur la même durée que celles des contrats clients ; il regrettait de ne pouvoir profiter du dispositif créé dans cet esprit par la loi Macron.
Ces pistes ouvertes à Valenciennes sont à creuser pour favoriser le développement de nos entreprises. Nous pouvons au moins nous féliciter d'un point positif : plusieurs des participants ont salué la façon dont les collectivités territoriales accompagnent leurs entreprises, pas seulement par la création de zones franches urbaines. C'est la dynamique impulsée au niveau de l'agglomération qui permet de renforcer l'attractivité territoriale, notamment pour répondre aux difficultés que rencontrent les entreprises en matière de recrutement mais aussi à leur besoin d'accompagnement dans les dossiers à monter pour pouvoir s'implanter sur un territoire de proximité.
Après le déjeuner, nous avons visité deux entreprises industrielles. Nous nous sommes tout d'abord rendus dans l'usine HAMON D'HONDT installée à Fresnes sur Escaut, filiale du groupe belge, HAMON & Cie. Ce groupe est un acteur mondial en ingénierie et fabrication de grands équipements, dans quatre domaines principaux : les systèmes de refroidissement, les systèmes de dépollution de l'air, les systèmes de récupération d'énergie et les échangeurs de chaleur.
Nous avons visité l'usine historique du groupe, lequel compte aussi des sites en Arabie Saoudite, en Corée et en Belgique. Sur le site de Fresnes, travaillent près de 150 personnes, pour des clients, qui sont des grands donneurs d'ordres dans des projets internationaux, comme Kawasaki ou Eni, aux utilisateurs finaux, comme Total ou Shell. Le chiffre d'affaires de ce site, qui est de l'ordre de 50 millions d'euros, se fait pour 95 % à l'export. La société travaille sur plusieurs projets de R&D : refroidissement pour centrales solaires, stockage de l'énergie thermique... Elle participe d'ailleurs au concours mondial de l'innovation 2030.
Les dirigeants de l'entreprise ont attiré notre attention sur deux points majeurs :
- leurs difficultés de financement : cette entreprise a besoin d'investir dans son parc industriel pour remplir un objectif de prises de commandes de 68 millions d'euros pour le site de Fresnes, ce qui devrait créer une trentaine d'emplois stables supplémentaires. Les dirigeants nous ont particulièrement sollicités pour appuyer leur demande auprès de la BPI de financement pour un investissement à hauteur de 2 millions d'euros qu'ils n'arrivent pas à obtenir alors que cet investissement, utilisé pour le matériel en fin de chaîne de production, permettrait de créer immédiatement 30 emplois. Il faut avancer, puisque dans ce cas, l'entreprise n'a pas de difficultés avec son carnet de commande mais c'est l'investisseur public qui manque de confiance envers l'entreprise ;
- leur besoin d'accompagnement à l'export : mis à part les 9 VIE qui leur sont très précieux, ils ne se sentent pas soutenus dans leur développement à l'export. La Coface a aidé l'entreprise quand elle était florissante, mais elle se retire maintenant qu'elle rencontre des difficultés, ce qui accentue la tension sur la trésorerie. En comparaison, ils estiment que les autres pays protègent mieux et aident mieux leurs entreprises. Ils regrettent aussi que les entreprises entre elles ne s'entendent pas sur une approche groupée, à l'allemande.
La Délégation sénatoriale aux entreprises s'est ensuite rendue sur le site de Valenciennes du groupe HIOLLE INDUSTRIES, lequel compte 11 sites de production, principalement en région Nord Pas de Calais Picardie ; l'entreprise familiale réalise un chiffre d'affaires de 70 millions d'euros et emploie 650 personnes dans des domaines variés. De grands donneurs d'ordre lui font confiance comme General Electric, EDF, Siemens, Alstom ou Areva, par exemple. Ces grands groupes dépendent de la commande publique, celle des régions notamment, dans les secteurs du transport et du ferroviaire. Ces entreprises à l'actionnariat familial font preuve de leur capacité à s'adapter à un marché très diversifié mais fragile.
Voilà à grands traits ce que nous avons vu, ce qui a été le témoignage d'entreprises, des grands groupes très solides à des start-ups du numérique en passant par des PME qui gravitent autour. Beaucoup d'innovations engagées, nos espoirs en matière logistique et la position de notre territoire au carrefour de l'Europe du Nord constituent autant d'atouts, mais des freins subsistent. J'ai essayé d'exprimer de façon directe quelles sont les inquiétudes, les préconisations et les attentes en direction de la Délégation aux entreprises.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Ceux qui faisaient partie de ce déplacement s'en sont bien rendu compte : la reconversion de ce bassin industriel et la dynamique déployée notamment par Valenciennes métropole sont assez spectaculaires. Par ailleurs, les témoignages des chefs d'entreprise furent très directs, comme à chaque déplacement : ils nous ont dit ce qu'ils avaient sur le coeur, charge à nous de tenir compte de leurs messages dans notre action parlementaire.
M. Michel Cavenet. - Nous avons été très bien reçus. Merci encore.
Mme Annick Billon.- Je regrette de n'avoir pu participer à ce déplacement.
Compte rendu par Mme Elisabeth Lamure, des rencontres effectuées à l'administration des Douanes et à la Fondation Entreprise, le jeudi 14 janvier 2016
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Nous allons pouvoir rendre compte maintenant de la matinée du 14 Janvier où nous étions nombreux à participer à un déplacement composé de deux visites. Nous nous sommes tout d'abord rendus à Montreuil pour rencontrer la Direction générale des Douanes et des droits indirects, puis à Paris pour découvrir la Fondation Entreprendre. Ces deux rencontres, bien que différentes, ont fait souffler un vent d'optimisme. Nous avons trouvé d'abord une administration centrale du ministère des finances en train de développer une nouvelle culture tournée vers l'entreprise.
Les Douanes préparent actuellement l'entrée en vigueur du nouveau code des douanes de l'Union à compter du 1er mai 2016. Cette réforme prévoit notamment un dédouanement centralisé au niveau national, qui permettra à une personne de déposer auprès d'un bureau de douane une déclaration concernant des marchandises présentées dans le ressort d'un autre bureau. En outre, le nouveau code des douanes de l'Union permettra d'accomplir toutes les formalités et tous les actes douaniers en représentation directe ou indirecte : autrement dit, le monopole des professionnels du dédouanement agréés sera levé. C'est vraiment une simplification notable. Derrière ces questions très techniques se cache un enjeu majeur : renforcer l'attractivité des plates-formes logistiques françaises et la domiciliation du dédouanement en France. Cela fait le lien avec notre déplacement dans le Nord, zone frontalière où l'activité logistique est essentielle et où l'on connaît la compétitivité des ports d'Anvers et de Rotterdam.
Par ailleurs, les Douanes ont engagé une mutation qui les voit compléter leur mission traditionnelle de contrôle et de surveillance des flux commerciaux par l'exercice d'une nouvelle mission de conseil, de facilitation et d'accompagnement des entreprises tant à l'import qu'à l'export. Elles ont notamment mis en place une certification d'« opérateur économique agréé ». Après un audit douanier destiné à s'assurer de sa fiabilité, de sa solvabilité et du respect de standards de sûreté, l'entreprise labellisée obtient des avantages : ses contrôles douaniers sont réduits, elle est prévenue à l'avance des contrôles de marchandises, elle est traitée prioritairement en cas de contrôle ou de tests en laboratoire, elle choisit partiellement son lieu de contrôle, etc. Fin 2015, 1 400 entreprises étaient labellisées. De même, il existe un statut d'exportateur agréé qui permet notamment à l'entreprise de devenir certificatrice de l'origine des marchandises : 5 800 entreprises en bénéficient, ce qui leur offre des garanties contre des ennuis juridiques ou tarifaires dans le pays d'exportation.
L'administration des Douanes s'est lancée dans un Tour de France : il s'agit de présenter aux entreprises les procédures à suivre, les faire participer à des ateliers pratiques concrets et leur fournir des conseils personnalisés. Je vous rappelle les prochaines étapes de ce Tour de France des experts de la Douane : Lille - Tourcoing le 18 février, Rouen le 3 mars et Bordeaux, le 10 mars.
Vous le voyez, une vraie dynamique positive s'est mise en marche, même s'il reste des points de blocage que nous avons librement évoqués dans nos questions :
- encore trop peu de PME et d'ETI se saisissent des nouvelles facilités douanières. Il y a encore un travail de communication à faire et le tour de France est le bienvenu ;
- les flux illégaux, par exemple de médicaments en provenance d'Asie, explosent au même rythme que l'e-commerce ;
- les ports français manquent de compétitivité et se font une très forte concurrence, sans que le ministère des transports en tant que tutelle parvienne à les coordonner ;
- les règles d'origine, fixées par l'Union européenne et appliquées par les Douanes, bloquent le développement du label « made in France » pour de nombreuses entreprises.
Notre rencontre avec la Fondation Entreprendre nous a permis de découvrir un très bel endroit, la Filature, un exemple de réhabilitation réussie du patrimoine manufacturier parisien. Elle nous a surtout permis de rencontrer des associations et des chefs d'entreprise, dynamiques et très engagés dans le développement de l'esprit d'entreprise et dans le soutien actif aux jeunes créateurs d'entreprise.
L'association 100 000 entrepreneurs a pour but de transmettre aux jeunes de 13 à 25 ans la culture de l'entreprenariat, en faisant intervenir des entrepreneurs dans des classes à partir de la 4e. Grâce à un réseau de 80 entreprises qui travaillent avec 4 000 enseignants sur toute la France, 63 000 jeunes ont été sensibilisés. Ces interventions sont couplées avec la réalisation d'un projet collectif. Elles sont particulièrement bien accueillies chez les élèves qu'on a un peu trop tendance à reléguer par défaut dans la voie professionnelle comme dans une voie de garage, notamment dans les zones d'éducation prioritaire.
Dans un deuxième temps est intervenue l'association Entreprendre pour apprendre qui développe des programmes comme la mini-entreprise : il s'agit d'amener des jeunes, en BTS typiquement, à faire toutes les démarches de création d'entreprise à partir d'une idée, d'un concept qu'ils ont défini au cours d'une année scolaire. 25 000 jeunes ont participé à une mini-entreprise. Nous avons bénéficié du témoignage de l'un d'entre eux qui, grâce à cette immersion concrète dans la vie de l'entreprise, s'est découvert une vraie vocation après avoir été orienté en BEP puis en bac pro par défaut. Il a finalement créé sa propre entreprise de sécurité informatique et participe désormais comme tuteur au programme. Deux autres associations En Actes et Les entrepreneuriales nous ont été présenté : elles agissent dans le monde universitaire pour diffuser la culture de l'entreprise et contribuent à la popularisation du statut d'étudiant-entrepreneur, créé il y a un an et demi.
Enfin, nous avons découvert le Réseau Entreprendre Paris. Il appartient à la fédération nationale qui a été créée en 1985 dans le Nord par André Mulliez et qui regroupe 6 000 chefs d'entreprise bénévoles pour soutenir 800 projets par an. Le Réseau entreprendre apporte un soutien financier sous forme de prêt à taux zéro et de garanties apportées aux banques. Il offre aussi aux créateurs d'entreprise un espace de dialogue et d'échanges pour rompre l'isolement et aborder toutes les difficultés du quotidien. Ces échanges sont réalisés avec un mentor qui suit spécifiquement une entreprise et dans le cadre d'un cercle informel où se réunissent tous les entrepreneurs soutenus par le réseau. Les résultats parlent d'eux-mêmes : au cours de l'accompagnement par le Réseau entreprendre, les entreprises passent en moyenne de 1 ou 2 salariés à 20 salariés. Un programme complémentaire appuyé par la Caisse des dépôts vise ensuite à croître au-dessus de 100 salariés pour les plus performantes. Nous avons pu échanger avec deux jeunes lauréats qui ont fondé les sociétés See Concept sur le marché des lunettes de lecture et Guest to Guest, devenu leader mondial de l'échange gratuit d'appartements.
Nous les retrouverons, je l'espère, lors de notre Journée de l'entreprise du 31 mars 2016, car ils nous ont envoyé un vrai message d'espoir et de confiance : les choses peuvent bouger dans notre pays, notamment grâce à un écosystème favorable aux start-ups et un soutien réel des collectivités, pour peu que l'on fasse confiance aux chefs d'entreprise, que l'on stabilise le cadre réglementaire et que l'on fluidifie la législation du travail. Ces messages nous sont désormais familiers. Il nous revient de les écouter.
M. Henri Cabanel. - La semaine dernière se déroulait un colloque à Bercy entre les douanes et la filière viti-vinicole. J'ai trouvé cela très intéressant. Dans le cadre de la simplification, une volonté politique, partagée par les acteurs économiques, a beau se manifester sur les bancs des hémicycles, l'administration elle-même ne connaît pas toujours le même élan. S'il n'y a pas de volonté de leur côté, cela ne se fera pas. C'est pourquoi je me félicite que la directrice générale des douanes fasse preuve d'une réelle volonté de créer des ponts entre administration et entreprises.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Il faut en effet saluer ce que font les douanes avec leur tour de France, qui leur permet de rencontrer les chefs d'entreprises dans les principales villes. Cette nouvelle culture de l'administration, en direction des entreprises, est un grand pas en avant.
Mme Nicole Bricq. - Effectivement. Cela permet à l'administration des douanes de monter en gamme et en compétences. La rencontre avec la fondation Entreprendre était aussi très intéressante. Ce n'est pas la seule fondation à agir, mais elle fait beaucoup pour les jeunes.
Nous travaillons au sein de la Délégation sur la question de la croissance des entreprises françaises ; nous sommes encore organisés dans un capitalisme vertical, où dominent les grands groupes, et notre industrie est importante mais fragile. La filière pétrolière, qui a été évoquée par le biais de Vallourec tout à l'heure, est soumise aux aléas géopolitiques. C'est également vrai pour Alstom, qui affronte une concurrence féroce. Derrière cette problématique, il y a des emplois, des savoir-faire à préserver.
Par ailleurs, nous devrions travailler sur la création d'entreprises. La Seine Saint Denis est le département où l'on crée le plus d'entreprises, notamment des TPE-PME. Toutefois, la création d'entreprise reste compliquée en France ; les entreprises doivent payer avant même d'avoir fait entrer dans leurs caisses la moindre somme d'argent. Les méandres de la protection sociale et la multiplicité des divers statuts de société constituent d'autres facteurs de complexité. Nous n'aurons pas de loi sur les nouvelles opportunités économiques (NOÉ), mais certains éléments de réforme devraient apparaître dans le projet de loi défendu par Myriam El Khomri. La Commission qui sera saisie sera la Commission des Affaires Sociales, notamment pour les questions du droit du travail, mais notre délégation peut aussi jouer un rôle fédérateur sur ces sujets. Il n'y a pas seulement les start-ups parmi les entreprises, même si le numérique est un domaine important et que la numérisation de l'économie est un vrai sujet sur lequel nous sommes très en retard, au détriment de la compétitivité de nos entreprises.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - J'ai interpellé le Ministre du Commerce extérieur sur ce sujet lors de son audition. La grande faiblesse de nos PME provient de leur manque de visibilité en ligne. Malgré tout, il y a en France près de 500 000 créations d'entreprise par an. Le statut de l'auto-entrepreneur, bien que décrié, a apporté une simplification majeure. L'idée était de pouvoir créer son entreprise d'un clic. Il reste néanmoins, vous avez raison, encore beaucoup de choses à simplifier.
Mme Nicole Bricq. - Ce statut a été complexifié depuis. Je le reconnais d'autant plus que nous en y avons contribué.
M. Jean-Marc Gabouty. - On peut être réservé sur le statut d'auto-entrepreneur ; tant que l'activité d'auto-entrepreneur était une activité complémentaire pour certaines catégories et un sas vers la création d'entreprise effective pour d'autres, l'idée était intéressante. Mais vous connaissez la lutte qui existe dans certaines professions entre artisans et auto-entrepreneurs. Créer une entreprise en une heure, avec un bout de papier, un euro et un clic est quelque chose d'excessivement dangereux. Ce n'est pas créer une entreprise qui est difficile, mais la faire durer et fonctionner correctement. Pour la création, il existe des statuts-types. Ce n'est pas insurmontable, avec un expert-comptable qui peut intervenir en la matière. La complexité se situe plutôt dans l'ensemble de nos institutions. Nous avons voté il y a une semaine la loi ratifiant l'ordonnance sur la diminution du nombre minimum d'actionnaires dans une société anonyme. L'ordonnance traite toute la question sur une page et demie. Il a fallu pourtant 14 mois pour la mettre en oeuvre, sur un sujet simple et sans opposition professionnelle. Il faut donc réfléchir à ces délais. Nous avons participé récemment avec Valérie Létard à une remise de prix en matière d'innovation à des entreprises. L'un des lauréats est de ma ville. Il m'a parlé des contacts qu'il avait pris, pour vendre son projet, avec l'opérateur Orange en France et avec le premier opérateur américain. Aux États-Unis, ces affaires se traitent en quinze jours et dans notre pays, elles se traitent en deux ans. C'est cet effet d'enlisement qui plombe notre économie, que l'on soit dans le secteur privé ou dans le secteur public. Je voudrais faire observer que les statistiques concernant les créations d'entreprise sont faussées car elles comprennent également les auto-entrepreneurs.
M. Olivier Cadic. - Effectivement, la visite à la fondation Entreprise était revivifiante. Elle avait un côté très dynamique qui invitait à l'optimisme. Une réserve néanmoins : un entrepreneur face aux parlementaires a tenu à parler médecine du travail et tickets restaurant. C'est ce qui le préoccupait. Lorsque nous avons rencontré Madame Clotilde Valter avec le bureau de la délégation, elle nous a présenté comme mesure de simplification un logiciel permettant pour une entreprise de savoir, en donnant son code postal, quel est le montant total des aides auxquelles elle a droit. Il existe un décalage entre les préoccupations des entrepreneurs et la simplification vue par l'administration. Les chefs d'entreprise sont conscients de la complexité et du nombre d'aides, mais la solution apportée est un logiciel qui ne fait que perpétuer le système plutôt que le réviser. Comment changer cet état d'esprit ? Lundi, je suis allé voir des entreprises du Kent, dont un entrepreneur français qui avait créé son entreprise en France et qui a dû la fermer à cause de la complexité de la réglementation et de la pression fiscale. Certains jettent l'éponge et s'en vont. Il m'a affirmé qu'il avait payé plus d'impôts en France, où il n'avait recruté personne, qu'au Royaume-Uni, où il avait 20 salariés. Il n'arrive pas pourtant pas à fermer son entreprise en France. Une fois dans le système, le plus difficile est d'en sortir : il faudra que l'on examine aussi ce processus de sortie.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Nous sommes tout à fait dans le sujet de la simplification. Tout le monde est demandeur. Il sera d'ailleurs abordé largement lors de notre journée des entreprises.
M. Francis Delattre. - Je souhaiterais juste poser une question à Valérie Létard concernant le Crédit Impôt Recherche (CIR) et ses difficultés. Il a été très simplifié en 2008-2009, ce qui lui a donné un nouvel élan. Les entreprises bénéficient aujourd'hui de plus de 5 milliards d'euros. Les difficultés que l'on a répertoriées au cours de notre commission d'enquête étaient liées aux faiblesses du financement de l'innovation et du capital-risque dans notre pays. D'après l'association des banques françaises, 80 % des investissements pour les PME - PMI - ETI sont d'origine bancaires. Les banques appliquent les critères de fonds propres de Bâle III, ce qui stérilise une partie de leur réserve, qui n'est pas injectée dans l'économie. C'est un vrai souci. En outre, la France est le pays le plus mis à contribution au titre du Fonds de Garantie européen, à hauteur de 18 milliards. Nous sommes confrontés à un défaut de capacité capitalistique des banques pour soutenir les entreprises. Nous devrions avoir une réflexion de nature fiscale, car notre système est tout de même orienté vers une épargne sans risque : le logement et l'assurance vie captent pratiquement 80 % de l'épargne du pays. Il faut donc avoir également des propositions pour développer l'épargne plus risquée mais plus stimulante pour l'activité. Le CIR fonctionne bien, mais nos start-ups n'ont qu'une idée : se vendre à l'étranger. J'étais allé à une exposition il y a deux ans aux États-Unis ; les Canadiens, les Allemands et les autres rachètent beaucoup de nos start-ups et profitent en réalité de notre système fiscal et du CIR.
Mme Valérie Létard. - L'entreprise que nous avons rencontrée a bénéficié du CIR mais elle a exprimé des réserves à son sujet car elle a subi un contrôle et un redressement trois ans après l'avoir obtenu. Ce décalage temporel est terrible pour l'entreprise. Si pour les grandes entreprises, le système fonctionne parfaitement, pour les PME, reconnaissons que c'est un peu plus compliqué. Souvent, celles-ci n'ont pas l'ingénierie nécessaire pour solliciter le Crédit Impôt Recherche. Beaucoup d'organismes de conseil ne sont soumis à aucun label ou à aucun agrément de quelque nature que ce soit, et vendent le CIR comme un produit de défiscalisation, même si cela a certainement évolué.
Mme Nicole Bricq. - Le contrôle peut intervenir jusqu'à la fin de la troisième année mais pas après, car il y a prescription.
Mme Valérie Létard. - Tout juste en tout cas, puisqu'ici l'entreprise s'est faite redresser trois ans plus tard.
Mme Nicole Bricq. - C'est la même chose pour les particuliers.
M. Francis Delattre. - N'oublions pas la solution du rescrit fiscal.
Mme Valérie Létard. - Certes, mais le rescrit est quelque chose de complexe à mettre en pratique qu'il faudrait rendre plus efficient. Pour revenir à la défiscalisation, je voudrais prendre l'exemple de Vallourec ; 550 millions d'euros de la BPI sont ainsi réinjectés dans Vallourec Monde, fleuron français. Il existe deux unités de production en France, Saint Saulve (Valenciennes) et Déville-lès-Rouen, qui sont envoyées en Allemagne malgré le refinancement. Dans le même temps, l'entreprise achète pour 180 millions d'euros une aciérie en Chine. En revanche, elle a du mal à soutenir le maintien et la recapitalisation, avec un nouveau partenaire industriel, de l'aciérie Valenciennes - Saint Saulve, qui n'est pas sauvée et qui compte 350 salariés. Si l'aciérie meurt, c'est le reste de la tuberie et du laminoir, et ses 350 autres emplois, qui peut-être demain disparaîtront. Si meurt cette aciérie qui est la plus moderne de France et d'Europe et qui a bénéficié de 250 millions d'euros d'investissement par Vallourec depuis 2008, alors c'est tout le processus de production qui meurt. Par contre à Aulnoye-Aymeries, dans l'autre unité du Nord, le nombre de chercheurs en recherche et développement augmente, car ceux-ci bénéficient de la défiscalisation française.
Paradoxe : l'acier sera fabriqué à Saint-Saulve, avant que les tubes soient envoyés en Allemagne, d'où ils seront renvoyés pour les finitions à Saint-Saulve. Nous devons faire attention à protéger les outils de production sur notre sol et nous interroger sur la stratégie française qui vise à maintenir des fleurons qui n'ont de français que le nom, alors que la production se fait ailleurs. Soit cela ne sert à rien d'injecter les 550 millions de la BPI, soit on nous assure de la pérennité de l'unité de production et de sa modernisation. Il ne faut pas confondre stratégie industrielle et politique fiscale.
M. Jean-Marc Gabouty. - Juste un mot pour compléter : depuis 25 ans, nous ne faisons plus de politique industrielle. Nous ne sommes désormais plus en mesure de suivre des politiques de filières. Ce qu'il y a de plus dangereux en France, ce ne sont pas les difficultés des entreprises mais c'est surtout que, dans certains secteurs d'activité, on ne peut même plus relocaliser car il manque des pans entiers de savoir-faire.
Mme Valérie Létard. - Il manque juste 15 millions pour moderniser le laminoir en France, alors qu'il n'y a pas besoin de moderniser le laminoir allemand... Mais on peut tout de même acheter une aciérie en Chine.
Mme Nicole Bricq. - On pourrait aussi parler d'Areva et d'autres grosses entreprises comme celles-ci qui se retrouvent en grande difficulté. Areva est un drame national, pas seulement en termes d'emploi, mais également au niveau de la technologie et du savoir-faire. Beaucoup d'entreprises qui travaillent à l'international, réfléchissent par rapport à leur chaîne de valeur. Une grande compagnie comme Airbus, qui est à la fois française, espagnole, allemande, anglaise et italienne choisit les lieux de fabrication des divers morceaux de ses avions pour optimiser sa chaîne de valeur. Les nez des Airbus sont fabriqués en Tunisie, car ce n'est pas le nez qui rapporte de l'argent, tout comme les composants qui sont fabriqués en Asie du Sud Est. Ce qui compte, et les Allemands sont bien organisés de ce point de vue, c'est comment capter le maximum de valeur ajoutée. En France, à Toulouse, on fait de l'assemblage. On capte l'essentiel de la valeur ajoutée dans cet assemblage, mais aussi dans le design, le bureau d'études de faisabilité... Il faut donc s'habituer à cela car beaucoup de grandes entreprises réfléchissent comme cela. Le rapatriement de la valeur ajoutée, par ces entreprises très souvent patriotiques, est fait sur le sol national. Je me place du point de vue de cette grande entreprise. C'est cela qui fera qu'elle restera en France, malheureusement ou heureusement.
Mme Valérie Létard. - Il faut faire attention, comme cela a été dit, de ne pas perdre des savoir-faire sur des industries essentielles qui peut-être demain seront de nouveau utiles sur le territoire national. Si l'on va trop loin dans la désindustrialisation, et le Commissariat à l'énergie atomique est très inquiet à ce sujet, nous n'aurons plus les savoir-faire sur la filière acier et nous nous exposons aux difficultés liées à l'éloignement, aux enjeux environnementaux, aux éventuelles fiscalités carbone...
Présentation de la proposition de loi sur l'apprentissage par M. Michel Forissier
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Je vais laisser la parole à Michel Forissier, rapporteur de la proposition de loi sur l'apprentissage.
M. Michel Forissier. - Depuis notre table ronde du 1er octobre, nous avions décidé de nous emparer du sujet de l'apprentissage qui aujourd'hui n'a pas trouvé sa juste place auprès des jeunes. Cette voie de formation initiale, qui permet à un jeune de moins de 26 ans de signer un contrat de travail en étant formé pour obtenir un diplôme professionnel, a même régressé de 11 % en deux ans. (264 580 en 2014 297 295 en 2012). La proposition de loi que nous vous présentons ce matin vise à développer l'apprentissage comme voie de réussite, pouvant aboutir à l'excellence : c'est la seule voie de formation qui semble pouvoir résorber efficacement le chômage des jeunes de moins de 25 ans, proche de 25 % dans notre pays, alors qu'il n'est que de 7 % en Allemagne.
Les freins, structurels, sont connus et ont été rappelés pendant les auditions auxquelles vous étiez nombreux à assister. Je remercie d'ailleurs ceux d'entre vous qui étaient présents, tout en excusant ceux qui n'ont pu, en raison des problématiques d'agenda, se joindre à moi. Ces freins, vous les connaissez :
les jeunes sont rarement incités à s'orienter vers cette formation, injustement présentée comme une voie de garage, par défaut, et donc peu valorisée par rapport au lycée professionnel ;
les formations et les diplômes sont déconnectés des réalités professionnelles, préparant mal les jeunes aux compétences dont ils vont avoir besoin pour réussir leur insertion professionnelle, et privant ainsi les entreprises de salariés formés correctement pour répondre à leurs attentes ;
la définition de la carte des formations est telle qu'elle prive les acteurs économiques de la liberté de créer des centres de formation, mêmes lorsqu'ils sont prêts à les financer entièrement ;
les contraintes administratives sont particulièrement lourdes et découragent les entrepreneurs d'embaucher des apprentis ;
enfin la situation des apprentis et maîtres d'apprentissage n'est pas suffisamment prise en compte et valorisée.
L'apprentissage doit désormais être perçu comme une « voie de réussite », pas comme une « voie de garage ». La présente proposition de loi vise donc à changer d'état d'esprit le système de l'apprentissage en France : une voie de formation initiale valorisée et organisée plus librement par les entreprises qui le souhaitent, des diplômes en adéquation avec les besoins des jeunes et des entreprises, une gouvernance plus claire et performante avec un pacte national et le pilotage renforcé de la région, et des procédures administratives simplifiées.
Compte tenu des critiques unanimes, recueillies lors des auditions, relatives aux changements incessants en matière d'aides et de mesures fiscales sans bilan préalable, notre texte ne propose pas une réforme des dispositions relatives au financement de l'apprentissage. En revanche, la Délégation aux entreprises pourrait commander rapidement une étude d'impact sur la simplification des aides, et sur la modulation des financements en fonction des efforts fournis pour développer l'apprentissage.
Cette proposition de loi constitue donc, à mon sens, une première étape qui vise à donner une nouvelle orientation à l'apprentissage et à changer les mentalités à l'égard de cette voie de formation. Une nouvelle étape ultérieure pourra inclure une réforme de son financement, en fonction des études éventuellement menées, ainsi qu'une réforme plus profonde des lycées professionnels qui pourraient, à terme, devenir des établissements régionaux, pilotés par des directeurs nommés par les régions, et dont les enseignants seraient des agents publics formés et rémunérés par l'État. Cela renforcerait la cohérence de l'offre de formation avec les CFA. Mais une telle piste nécessitera une réforme en profondeur du code de l'éducation et un changement des mentalités, que la présente proposition de loi souhaite amorcer.
Le texte qui vous a été distribué décline la stratégie de développement de l'apprentissage en six étapes, que je pourrai vous détailler brièvement. Je voudrais simplement attirer votre attention sur les mesures qui constituent une véritable « révolution » du cadre législatif de l'apprentissage :
- l'apprentissage vise désormais l'insertion professionnelle des apprentis, et plus seulement l'obtention d'un diplôme ;
- l'État, les régions, les chambres consulaires et les branches professionnelles s'engagent dans un pacte national pour l'apprentissage, qui ensuite est décliné dans tous les outils territoriaux de développement de la formation professionnelle et dans tous les objectifs assignés à l'Éducation nationale ;
- la région pilote désormais seule la carte des formations (en informant bien entendu le recteur) et le comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles -CREFOP (le préfet devenant vice-président). En outre, elle propose des noms pour le choix du chef d'établissement des lycées professionnels, elle a la responsabilité des CIO et coordonne l'action de l'inspection de l'apprentissage ;
- les personnes privées peuvent créer librement des CFA dès lors qu'ils sont financés exclusivement par des fonds privés. Cette mesure peut faire débat mais nous formulons cette proposition ;
- les élèves ne peuvent s'inscrire dans une formation sans avoir pris connaissance des statistiques relatives au taux de réussite et au taux d'insertion professionnelle pour connaître les perspectives d'avenir dans cette profession ;
- les diplômes sont co-construits par l'État et les branches professionnelles ;
- les enseignants, les chefs d'établissement et les corps d'inspection acquièrent une expérience de l'entreprise ; dans leur formation, cela devient obligatoire ;
- les maîtres d'apprentissage sont associés aux jurys pour la validation des diplômes par leurs apprentis ;
- des classes de préparation à l'apprentissage sont rétablies au collège, au niveau de la 4ème et de la 3ème ;
- le travail de nuit est autorisé pour les apprentis mineurs, mais seulement en présence du maître d'apprentissage, et on aligne la procédure de rupture du contrat d'apprentissage sur le droit commun (aujourd'hui la rupture est prononcée par les prud'hommes) ;
- les apprentis bénéficient de nouveaux droits : deux semaines de congés, oeuvres universitaires, représentation au CNEFOP...
Enfin nous mettons en oeuvre la logique vertueuse de simplification du code du travail en abrogeant les dispositions relatives au contrat de génération dont tous reconnaissent l'échec : nous appliquons ici le « One in, two out » puisque 16 articles sont supprimés pour 7 créés. Je crois qu'il faut donner l'exemple. Voici mes chers collègues, les éléments directeurs de cette proposition de loi. Je suis à votre disposition.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Merci à Michel Forissier d'avoir préparé et d'avoir porté ce texte.
M. Serge Dassault. - Je connais bien ce problème. Vous oubliez le collège unique, qui bloque l'apprentissage au départ. Il faut en prendre conscience. Depuis qu'il existe, l'Éducation Nationale produit 150 000 chômeurs par an. C'est un échec total. On veut mettre à chacun le même socle de connaissance, sans aucune mesure, très peu de notes, pas d'examens... tout le monde est là dans la classe, qu'il suive ou non. Certains jeunes s'intéressent à tout, et cela est très bien, mais d'autres ne veulent pas travailler ou ne comprennent pas ce qu'on leur dit. Dans mon département, j'interroge les principaux de collèges qui confirment la diversité des profils. Il faut une sélection à la sortie de l'école primaire ou au plus tard en 6ème, et commencer un apprentissage des métiers. Les jeunes ne savent pas en quoi consistent les métiers de boucher ou mécanicien. Le meilleur moyen serait de remettre en valeur le certificat d'étude, c'était un élément qui permettait de passer du primaire au secondaire avec un minimum de connaissances. Or aujourd'hui, il n'existe plus.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - On aborde là un sujet bien plus large.
M. Serge Dassault. - Oui, mais c'est l'origine du problème. Tous les élèves n'ont pas envie de devenir ingénieur ou avocat. Que font les autres ? Ils végètent à la sortie du collège, n'entrent pas au lycée et deviennent délinquants, peut-être davantage. C'est cette tranche d'âge qu'il faut prendre en main. Vous dites qu'en Allemagne, il y a moins de chômage chez les jeunes. Cela est vrai car il y a une véritable sélection. Vous avez dit quelque chose de très juste tout à l'heure, que l'apprentissage était considéré comme une voie de garage. Ce n'est pas une voie de garage, c'est une voie de réussite. Mais on a commis une faute énorme : se fixer comme objectif 80 % de bacheliers. Que deviennent-ils ensuite ? Cela ne sert à rien de passer le baccalauréat si c'est pour échouer ensuite. Il est nécessaire que les jeunes sachent lire, écrire et compter, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui. Je suis pour l'apprentissage, mais il faut changer le système qui ne s'y intéresse pas. C'est le rôle des chambres d'apprentissage, des missions locales.
Mme Hermeline Malherbe. - Avez-vous regardé ce qui était fait en Languedoc-Roussillon ? C'est une région où l'apprentissage n'a pas baissé et a même augmenté pendant plusieurs années. Son observation permet de voir comment développer utilement l'apprentissage. Nous ne devons pas systématiquement associer l'apprentissage au commerce et à l'artisanat ; c'est une image qui date des années 1980, mais aujourd'hui, l'apprentissage correspond à une autre réalité car il se développe au niveau bac, au niveau universitaire, au niveau de l'enseignement supérieur. C'est ce qui permet à l'apprentissage d'avoir une autre image.
Je suis très attachée aux PME-TPE et à l'artisanat qui constituent majoritairement les entreprises des Pyrénées-Orientales. Il est important de voir quelles sont les difficultés que rencontre l'artisanat dans notre économie actuelle, à l'origine d'un certain nombre d'obstacles pour l'apprentissage. Cette voie de formation initiale est une manière d'apprendre en alternance. Il faut donc développer l'apprentissage dans tous les secteurs, y compris dans les collectivités publiques. L'employabilité à la suite de l'apprentissage est deux à trois fois plus grande que lorsque l'on est titulaire d'un diplôme sans alternance. Nous devons tenir compte de notre histoire à chaque fois que nous construisons notre avenir.
Mme Annick Billon. - Merci pour toutes les auditions qui ont été organisées et qui ont représenté un grand travail.
Nous avions souhaité que les entreprises soient parties prenantes dans l'élaboration des programmes, est-ce le cas ? Nous avions également noté une méconnaissance des besoins et des chiffres en France, la proposition de loi y répond-elle ? Enfin concernant le fléchage de la taxe d'apprentissage, une réponse est-elle apportée ? J'ajoute que ces trois questions étaient vraiment récurrentes lors des auditions auxquelles j'ai assisté.
Mme Sophie Primas. - Je crois que l'apprentissage est un vecteur d'employabilité très fort, sur lequel nous devons agir très vite. Pour rebondir sur les propos de Serge Dassault, l'ouverture de l'apprentissage dès 14 ans est un chiffon rouge, mais qui doit susciter une réflexion sur les enfants perdus dans le système scolaire. Je crois que l'apprentissage, en terme d'image, ne s'en sortira que s'il concerne aussi des ingénieurs apprentis ou des formations équivalentes. Ces profils ne sont pas suffisamment mis à l'honneur. C'est ce brassage qui sortira l'apprentissage de l'image d'une voie de garage à la suite d'un échec scolaire sur les filières classiques.
Évidemment, cette proposition de loi y répond, mais la rigidité et la lourdeur des procédures restent un frein, notamment s'agissant de la possibilité de mettre fin à des contrats d'apprentissage quand ils se passent mal. Je suis employeur, en tant que maire, et j'ai fait le choix de n'avoir aucun contrat d'avenir. J'ai choisi de mettre toutes les forces de la commune au service de l'apprentissage ; j'ai donc beaucoup d'apprentis dans ma commune. Quand le contrat ne se passe pas bien, il est très difficile d'y mettre fin, ce qui arrive malheureusement parfois.
Mme Nicole Bricq. - Si je comprends le travail fort soigné qui a été fait, et les codes dans lesquels peut s'insérer la proposition de loi, celle-ci pourrait-elle être désossée et rattachée à des textes qui vont venir en discussion ? Je pense à un texte qui doit être examiné au mois d'avril.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Notre intention est de la déposer très rapidement, lundi si possible, pour passer dans une niche dès la fin du mois de mars ou début avril.
M. Gilbert Bouchet. - Je reviens sur la question de l'âge pour l'apprentissage. Il y a des jeunes qui excellent dans les métiers manuels, et de 14 à 16 ans, ils s'ennuient : c'est là le problème. Et lorsque l'on parle des jeunes de 14-16 ans, il convient d'évoquer les normes, qu'il faut assouplir pour les artisans, les commerçants et les petites entreprises. Je pense sincèrement qu'il y a des jeunes qui ne sont pas faits pour être docteurs et préfèrent les travaux manuels. Il est important qu'ils puissent s'y intéresser dès 14 ans. Il faut valoriser le travail manuel.
M. Michel Forissier. - Il me reste peu de temps pour vous répondre. Il y a un débat à avoir sur l'apprentissage à 14 ans.
Le parti pris de ce texte est d'abord une initiative parlementaire. Nous sommes dans un système parlementaire, et nous sommes tous très motivés, notamment à la Commission des Affaires Sociales et à la Délégation aux Entreprises, pour faire évoluer la situation. Il appartiendra au Gouvernement d'en faire l'usage qu'il souhaite.
Mme Malherbe a très bien évoqué l'image de l'apprentissage, qui est à changer. J'ajoute que j'ai 12 apprentis dans ma commune, dont un en master 2. Aujourd'hui, nous voulons faire le lien entre l'apprentissage et l'insertion des jeunes au travers ce texte. Il s'agit d'avoir des programmes spécialisés en classe de 3ème et en 4ème, avec une préparation à l'apprentissage, de manière à ce que les jeunes rentrant en apprentissage sachent lire, écrire, compter et aient des programmes adaptés aux métiers. Il y aura en même temps des stages d'immersion. On se heurte à une très grosse modification du code du travail si l'on souhaite faire signer des contrats d'apprentissage à 14 ans. Ce sera une deuxième étape qui pourra être envisagée pour certaines professions mais pas pour toutes, car il faut faire très attention.
Pour répondre à Mme Malherbe, nous donnons aux régions la liberté de s'organiser avec un cadre national, à travers un pacte qui sera le fruit d'une négociation avec les branches professionnelles... C'est une boîte à outils que nous proposons. Lors de la semaine d'études en Allemagne, nous avons découvert que, même si ce pays est fédéral, c'est l'État qui pilote. L'institution républicaine doit s'appliquer en tous lieux de notre territoire. Nous innovons donc en mettant en place un pacte auquel tout le monde participe. C'est un cadre général, et il appartient aux régions de définir précisément les spécificités régionales. C'est pour cela que je n'ai pas voulu intégrer de choses trop précises dans la loi. C'est un processus qui part du haut. On veut tout d'abord obliger les deux ministères à se parler, notamment via le Premier Ministre, comme cela se fait beaucoup.
Pour répondre à Mme Billon, je précise que la construction des diplômes est réalisée conjointement par l'État et les branches. Il reviendra également au CNEFOP d'établir les chiffres relatifs à l'apprentissage car aujourd'hui, lorsque vous discutez avec les uns ou les autres, tout le monde vient avec ses chiffres - tous très différents.
L'article 8 prévoit l'obligation de la transparence par rapport à l'usage que font les régions de la taxe d'apprentissage, ce qui n'existe pas aujourd'hui. Les régions seront ainsi incitées à affecter ces crédits à l'apprentissage.
La rupture du contrat est facilitée par l'article 31 et sortie des prud'hommes. Bien sûr s'il y a un contentieux, ils seront sollicités. Dans la ville de Meyzieu, où nous avons des contrats d'apprentissage depuis quelques années, le taux de réussite est de 100 %. Il n'y a pas de rupture parce qu'il y a une sélection. Il faut avoir le courage de ne pas signer un contrat d'apprentissage sans avoir eu des entretiens et sans avoir vu la motivation du jeune.
L'approche proposée pour l'apprentissage vise à éviter les décrochages. Il faut donc regarder ce qui intéresse les jeunes, et c'est là que les CIO auront un gros travail. Ils auront la responsabilité de l'orientation et de l'information. La région aura la responsabilité d'organiser, comme certaines le font très bien, des forums des métiers de manière à informer les jeunes. Lorsque l'on a la chance d'avoir un collège à proximité de la zone industrielle, il faut faire le lien entre les deux. C'est le cas dans ma commune et les industriels viennent dans les collèges. En général, même dans les grosses sociétés, c'est le patron qui vient en personne pour expliquer son métier avec passion : le chef d'entreprise est le meilleur vendeur de son entreprise.
Ce texte vise à changer l'état d'esprit général de l'apprentissage et obliger les interlocuteurs à discuter entre eux, notamment entre les deux ministères concernés entre lesquels on a senti un tiraillement. Le même constat a été fait pour les syndicats : il n'y a pas forcément qu'une seule parole qui est portée. Mais tout le monde doit se mettre d'accord. En Allemagne, il y a une fédération des syndicats patronaux, une fédération des syndicats pour les représentants du personnel et les deux parlent d'une seule voix. Il existe une vieille habitude de dialogue qui remonte à l'Empereur Guillaume.
Il y aura des amendements, chacun doit enrichir le texte car il y a peut-être des sujets que je n'ai pas vus. Ce texte est une idée qui a germé après la table ronde où l'on a observé une forte attente. Il faut donc y répondre, pour le monde économique et pour des jeunes qui veulent vraiment travailler et s'inscrire dans un parcours professionnel.
Enfin, le sujet du collège unique est du ressort de l'Éducation Nationale et sort du sujet de l'apprentissage que j'avais pour mission de traiter.
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Merci pour ces réponses et ces conclusions. C'est une base qui s'enrichira. Comme il nous reste très peu de temps, je vous propose de passer au sujet suivant.
Questions diverses
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Nous allons aborder la question de la journée du 31 mars prochain, date à laquelle se déroulera la journée des entreprises. Vous avez dans vos documents le programme complet tel qu'il a été élaboré. La journée sera animée par Emmanuel Lechypre, journaliste à BFM Business. Nous commencerons par un certain nombre de témoignages de la part d'entrepreneurs que nous avons rencontrés. Il y aura des discussions avec les entrepreneurs présents, étant spécifié que sont invitées les entreprises que nous avons rencontrées durant nos déplacements ainsi que celles proposées par tous les sénateurs sollicités à cet effet. Nous avons ensuite une table ronde sur la simplification des entreprises ; nous avons l'accord de Mme Valter qui fera l'ouverture. Ensuite, d'autres témoignages suivront : le président de Guest To Guest que nous avons rencontré à la Fondation, Monsieur Huot qui représentera le Conseil pour la Simplification des Entreprises...
A l'occasion du déjeuner, il y aura des échanges entre les entrepreneurs français installés à Londres et notamment Arnaud Vayssié, PDG de SOS International et Président de CCI France International. Les Questions d'actualité pourront être l'occasion de poser des questions essentiellement économiques si les présidents de groupe le veulent bien. Avant le discours de clôture de Gérard Larcher, nous aurons la remise du prix EFQM par l'AFNOR. Nous pouvons faire un point d'étape. Le nombre d'entreprises que nous avons rencontrées représente environ 200 personnes, et le nombre d'entreprises recommandées par nos collègues est d'environ 400. 600 invitations sont donc programmées.
Mme Nicole Bricq. - Les réponses des sénateurs sont-elles à peu près réparties géographiquement et politiquement ?
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Oui, tout à fait, et tous les groupes ont répondu.
Mme Nicole Bricq. - Pourrez-vous nous envoyer la liste des participants ?
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Nous allons établir la liste département par département pour votre information.
M. Henri Cabanel. - Vous n'êtes pas sans savoir qu'en tant que parlementaires, nous sommes considérés comme des entreprises car nous avons un numéro SIRET en tant qu'employeurs. Je tenais à vous informer que j'ai souhaité m'engager dans une évaluation de certifications et j'ai signé hier avec le président de l'AFNOR une évaluation sur la RSE en tant que parlementaire.
Mme Nicole Bricq. - Sur les sous-titres du programme du 31 mars, il est écrit : simplification « normative ». Cela a un sens en droit, car ce qui est normatif doit s'appliquer, comme la loi et le règlement. Mais s'il s'agit des normes, nous devons plutôt parler de simplification « administrative ».
Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Le terme « normatif » est large. « L'inflation normative », telle que le Conseil d'État en parle, permet de parler de la législation et des normes. Je propose de nous en tenir à la « simplification pour les entreprises ».
J'ai enfin quelques questions diverses à aborder. J'ai reçu de la part de nos collègues Nicole Bricq et Jérôme Durain une demande pour intervertir leurs postes au sein du Bureau de la Délégation : je vous propose de valider cette modification. M. Jérôme Durain deviendrait ainsi vice-président de notre Délégation et Mme Nicole Bricq secrétaire.
Vous vous souvenez qu'à notre dernière réunion, qui remonte au 10 décembre, j'avais sollicité deux candidats, l'un de la majorité, l'autre de l'opposition pour participer au groupe de travail sur la simplification législative en termes d'urbanisme et de construction créé à l'initiative de la Délégation aux collectivités territoriales. Sur la proposition des groupes UDI-UC et CRC, j'ai soumis la candidature de nos collègues Annick Billon et Jean-Pierre Bosino. Je crois que le groupe commence déjà à travailler et j'espère que ses travaux contribueront à simplifier l'implantation ou l'extension des entreprises.
Deux dates enfin : nous nous rendrons en Saône et Loire le 7 mars à l'invitation de Jérôme Durain, vous êtes évidemment les bienvenus. Nous allons notamment découvrir les sites d'Areva, des PME qui gravitent autour et le site d'Amazon. Enfin, le 8 mars, journée du droit des femmes, une réunion est organisée avec une trentaine de femmes Meilleurs Ouvriers de France. Notre collègue Christiane Hummel est à l'initiative de la rencontre, qui sera co-présidée par Chantal Jouanno pour la délégation au droit des femmes, Catherine Morin-Desailly, pour la commission de la culture et moi-même. Nous vous enverrons une invitation. Merci beaucoup à tous pour votre participation.