- Mercredi 25 novembre 2015
- Loi de finances pour 2016 - Programmes 844 - France Médias Monde - et 847 - TV5 Monde - Mission « Avances à l'audiovisuel public » - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2016 - Programme 146 - Équipement des forces - Mission « Défense » - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2016 - Programme 212 - Soutien de la politique de défense - Mission « Défense » - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2016 - Programmes 110 - Aide économique et financière au développement et 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement - Mission « Aide publique au développement » - Examen du rapport pour avis
Mercredi 25 novembre 2015
- Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président -La réunion est ouverte à 9 heures
Loi de finances pour 2016 - Programmes 844 - France Médias Monde - et 847 - TV5 Monde - Mission « Avances à l'audiovisuel public » - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Philippe Esnol sur les programmes 844 - France Médias Monde - et 847 - TV5 Monde - de la mission « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2016.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis. - Dans le projet de loi de finances voté par l'Assemblée nationale, les ressources publiques aux opérateurs de l'audiovisuel public s'élèvent à 3,791 milliards d'euros. Elles sont, depuis cette année, financées par le compte d'avances à l'audiovisuel public dont les ressources proviennent pour l'essentiel de la « redevance », dont le taux augmente de 1 €, et marginalement par affectation d'une partie du produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques. Ces ressources progressent globalement de 1% par rapport à 2015.
Au sein de cette masse dont France-Télévisions reçoit les 2/3 et voit sa part progresser de 1,16%, les opérateurs de l'audiovisuel extérieur ne reçoivent que 8,46%. France Médias Monde, qui opère les chaines de télévisions France 24, Radio France International et MCD, radio en langue arabe diffusée au Moyen-Orient et en Afrique du nord, reçoit 244 millions d'euros (+0,8%) et TV5Monde la chaine de télévision francophone, commune avec la Suisse, la Belgique et le Canada, 76,9 millions d'euros (+ 0,9%).
Les deux opérateurs sont entrés dans une phase de consolidation qui devait leur permettre de poursuivre leur développement, mais ils voient s'ouvrir devant eux une période très incertaine.
La première parce que le Gouvernement, malgré des avertissements de votre commission, n'a pas été en mesure d'arrêter des choix clairs sur ses ambitions et de boucler son contrat d'objectifs et de moyens avant les arbitrages budgétaires. L'année 2016, première année d'exécution, sera une année neutralisée au cours de laquelle, sauf attribution bien improbable de ressources en cours d'exercice, elle poursuivra ses activités sans nouvel élan.
La seconde, parce que victime d'une cyberattaque majeure le 8 avril dernier, elle devra limiter ses ambitions.
En 2014 et 2015, France Médias Monde a rempli ses objectifs. La couverture de France 24 progresse de 25 % : 300 millions de foyers sont désormais susceptibles de regarder l'une des trois versions de la chaîne d'information. Les audiences progressent. France 24 réunit 45,9 millions de téléspectateurs (41,4 en 2013) en données hebdomadaires, RFI, 37,3 millions d'auditeurs (34,7 en 2013) et MCD, 7,3 millions (7 en 2013).
Cette progression a pour conséquence un accroissement des charges liées aux programmes. Le développement de l'entreprise induit par construction une progression de ses effectifs et de sa masse salariale.
Dans un marché publicitaire atone, elle ne se traduit pas, hélas, par l'apport de ressources commerciales à la hauteur prévue dans le contrat d'objectifs et de moyens dont nous avions relevé qu'elle était surestimée.
Pour présenter des comptes en équilibre, la société a donc dû financer une part importante de ses nouveaux développements et de ses investissements, notamment le passage de son outil de production et de diffusion en haute définition, par des économies de gestion drastiques.
Pour 2016, nous nous trouvons dans une situation paradoxale de devoir nous prononcer sur une allocation de ressources publiques sans avoir connaissance, ni du contenu du prochain contrat, ni de sa trajectoire financière.
Le budget est donc une simple actualisation de la trajectoire financière proposée par l'ancien COM qui prend en compte le respect d'obligations légales, les inéluctables glissements de la masse salariale et quelques modestes objectifs en matière de programme et de diffusion, assortie d'une progression de la ressource publique de 2 millions d'euros et d'allégements de charges pour 3,1 millions d'euros. L'équation budgétaire présentée semble garantir un équilibre des comptes en 2016, mais cette présentation apparaît très fragile.
Les ressources commerciales (4,1% des ressources) sont évaluées de façon raisonnable en reconduisant le niveau attendu pour 2015.
En revanche, l'évolution des charges nous semble sous-estimée. Celle de la masse salariale prévue pour 2016 : +0,8 millions d'euros paraît insuffisante pour prendre en compte les seuls effets de glissement évalués désormais à 1,8 million d'euros, sans compter l'obligation légale d'instaurer une complémentaire santé (0,6 million d'euros). Ceci survient, en outre, dans un contexte difficile d'achèvement de la négociation, engagée depuis le printemps 2014, d'un accord collectif d'harmonisation des statuts entre les différentes catégories de personnel de l'entreprise.
Parmi les dépenses « obligatoires », il est prévu de consacrer 1,1 million d'euros supplémentaire au renforcement de la sécurité notamment dans le domaine informatique pour parer au risque de cyberattaque, 400 000 euros à l'amélioration de l'accessibilité des programmes de France 24 aux sourds et malentendants et 200 000 à l'archivage des contenus audiovisuels à l'INA. Enfin, la société devra prendre en compte l'amortissement de ses équipements dont la charge augmente de 1,2 million d'euros.
Or elle ne dispose guère de marges d'économies après plusieurs années de politiques efficaces en ce domaine : la quasi-totalité des contrats ont été renégociés, des procédures auditées....
Les ressources ne couvrent donc qu'à peine ces dépenses inéluctables ou obligatoires. Elle aura donc de grandes difficultés à financer des mesures nouvelles d'amélioration de ses programmes et de sa distribution, notamment pour se positionner sur le développement de la TNT en Afrique, basculer sa diffusion en HD sur de nouvelles zones, investir enfin dans le marketing et la communication qui conditionnent la génération de ressources commerciales et poursuivre le développement de ses programmes numériques. Il me paraît impossible de financer, comme le prévoit son plan stratégique, le lancement d'un programme en espagnol à destination notamment de l'Amérique latine, projet soutenu par le ministère des affaires étrangères, sans apport de ressources nouvelles à l'occasion de la conclusion du COM.
De même lui sera-t-il difficile d'assurer une meilleure diffusion de ses programmes sur le territoire national, alors qu'un besoin de pluralisme de l'information en langue arabe est évident et constituerait un accompagnement intéressant de la lutte contre la radicalisation islamiste, ce que nous soulignons depuis plusieurs années.
J'en viens maintenant à la partie de mon co-rapporteur Philippe Esnol qui m'a priée de l'excuser et que le groupe RDSE n'a pas souhaité faire remplacer ce matin.
TV5Monde est disponible dans plus de 291 millions de foyers répartis dans 198 pays et territoires soit une progression de 15% par rapport à 2014. Pour maintenir ses positions sur des marchés locaux en pleine mutation, il convient d'accompagner la généralisation progressive du passage à la Haute Définition, de susciter la reprise des contenus dans les offres 360° et dans les futures offres innovantes des opérateurs, et de développer le sous-titrage. Avec 14 langues de sous-titrage, TV5Monde se rapproche des grandes chaînes mondiales privées mais ne dispose pas des moyens de faire plus malgré la demande.
L'audience globale hebdomadaire de 39,1 millions est en hausse de 15,7%. Les 3 pays qui concentrent le plus grand nombre de téléspectateurs sont la RDC (11,9 millions), la Côte-d'Ivoire (3,3 millions), et la France (2,9 millions).
Pour développer sa présence sur les médias numériques, la société a défini plusieurs grands axes stratégiques avec des résultats d'audience et de recettes publicitaires très encourageants mais compromis depuis la cyberattaque subie en avril dernier.
Dans un paysage audiovisuel africain, marqué par l'apparition de nombreuses chaînes internationales et de chaînes locales privées qui segmentent les audiences, TV5Monde s'efforce de faire face à la concurrence. Avec ses six plateformes satellitaires dédiées, 13,8 millions de foyers raccordés, elle reste au premier rang des chaînes internationales. C'est aussi la zone où elle réalise son plus gros chiffre d'affaires publicitaire. Sa progression s'explique en partie par sa stratégie ; ce continent est le seul où elle met en place des programmes spécifiques locaux dans tous les domaines. Afin de préparer l'avenir, et de contribuer à ce que ce continent demeure francophone, elle projette le lancement d'une chaîne « enfants » mais n'a pas réussi, à ce stade, à trouver le financement nécessaire. Par ailleurs, elle intensifie son soutien à la production de programmes africains de qualité.
A ressources publiques quasi constantes, TV5Monde est parvenue à équilibrer son budget 2015, et par redéploiement à lancer une chaîne thématique « Art de vivre » sur les territoires Maghreb-Orient et Asie-Pacifique. L'objectif de cette chaîne est la promotion de la France, de son art de vivre, de son tourisme et de ses exportations à l'étranger. Avec un coût en année pleine de 2,2 millions d'euros, la chaîne espère être rentable d'ici 2 ou 3 ans.
Pour atteindre l'équilibre, TV5Monde a poursuivi sa politique d'économies dans tous les domaines.
L'attaque informatique d'avril 2015 a interrompu cette dynamique et mis à mal ses fragiles équilibres. D'une ampleur sans précédent, elle avait pour objectif de détruire les infrastructures informatiques de la chaîne, pour l'empêcher de produire et de diffuser. L'entreprise a été fortement impactée, tant sur le plan opérationnel que financier. Elle a dû assumer des coûts de reconstruction et supervision de son système d'information et des coûts de personnel alourdis, du fait de la disparition provisoire de tous les automatismes qui concourent à son fonctionnement normal. L'impact financier s'élèverait à 5 millions d'euros en 2015, 2,6 millions d'euros a minima en 2016, et un peu plus de 2,3 millions d'euros par an, de façon pérenne.
Elle a dû effectuer des mesures de gel prudentiel, afin de tenter de préserver son équilibre budgétaire. La première a été la décision de ne pas reconduire le contrat de distribution en Turquie ce qui la prive de 2,5 millions de foyers desservis dans ce pays. Elle pourrait être amenée à prendre d'autres décisions de ce type, mais elle s'engagerait alors dans un processus de régression très important avec des pertes de recettes.
La chaîne a été autorisée à redéployer une partie des fonds spécifiques destinés à l'acquisition de programmes français, pour un montant de 1,2 million d'euros environ, soit 12% de son budget d'acquisition, ce ne sera pas sans conséquence sur l'attractivité de ses grilles.
Pour 2016, la dotation de la France à TV5Monde (76,9 millions d'euros) progresse de 0,7 million d'euros (+0,9%), la société bénéficiera en outre d'un allègement de charge de taxe sur les salaires (1,7 million d'euros), conséquence du financement par la contribution à l'audiovisuel public.
Il est espéré que les autres partenaires annonceront, lors de la conférence de novembre 2015, une augmentation proportionnelle de leurs contributions. Elle sera de toute manière très modeste.
Ces marges de manoeuvre seront toutefois largement consommées par le glissement inéluctable des charges d'exploitation, même calculées au plus juste, dans une entreprise qui a su réaliser d'importantes économies de gestion au cours des derniers exercices, auquel s'ajoutent les dispositions à prendre pour sécuriser les systèmes d'information, et gérer la fin de la couverture en dollars de certains contrats dont le coût est estimé à 1 million d'euros en raison de la baisse de la devise européenne.
Pour absorber l'intégralité de ces coûts et poursuivre la mise en oeuvre d'un plan stratégique déjà sous-financé, la progression attendue des ressources commerciales, qui ne représentent que 8,8% des produits d'exploitation, risque de s'avérer très insuffisante.
Pour atteindre l'équilibre, l'entreprise risque de devoir réduire ses ambitions en matière de programmes et de diffusion. Un projet, aussi stratégique, que le lancement d'une chaîne « enfant » en Afrique, ne pourra être financé que par redéploiement.
Nous estimons que dans ce type de circonstances, les bailleurs de TV5Monde devraient réexaminer le plan stratégique 2014-2016 afin d'ajuster les objectifs ou se comporter comme des « réassureurs » et soutenir davantage financièrement la société pour l'aider à surmonter ces difficultés.
Comme vous le voyez, les deux opérateurs, qui ont réalisé leurs objectifs, tout en menant une politique de gestion rigoureuse, sont confrontés à un réel besoin de financement pour maintenir leurs positions et poursuivre leur développement. Dans cette perspective, nous proposons d'abonder de 2 millions d'euros chacun le programme 844 et le programme 847, en prélevant sur la dotation de France-Télévisions qui reçoit par ailleurs 140,5 millions d'euros de produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques.
En conclusion pour l'ensemble de ces motifs et sauf apport de ressources supplémentaires que nous proposons par amendement, nous proposons de donner un avis défavorable à l'adoption de la mission « Compte d'avance à l'audiovisuel public ».
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Peut-être avant d'ouvrir la discussion pourriez-vous présenter votre amendement ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis. - Nous vous avons indiqué la situation budgétaire des deux opérateurs de l'audiovisuel extérieur.
Considérant leur importance stratégique dans le développement de la politique d'influence de la France dans le monde, de leur capacité de soutien de la diplomatie économique et du développement touristique, de la francophonie et de la culture française, mais aussi pour FMM de sa capacité à proposer par une diffusion en France de ces médias de soutenir une politique publique de cohésion sociale fondée sur les valeurs de la République, considérant également que plus que d'autres, ils ont mené au cours des dernières années des politiques exemplaires d'économie de gestion pour financer une partie importante des objectifs qui leur étaient assignés, nous estimons nécessaire de compléter leur financement pour 2016 par l'attribution à hauteur de 2 millions d'euros chacune en prélevant sur la dotation de France-Télévisions qui reçoit par ailleurs 140,5 millions d'euros par l'affectation du produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques afin d'alléger le poids de sa dette. Nous estimons que France-Télévisions n'a pas fait tous les efforts suffisants pour limiter son déficit, contrairement aux opérateurs de l'audiovisuel extérieur dont les efforts méritent d'être récompensés. Ce sera un excellent signal pour les opérateurs publics, trop habitués à laisser filer les déficits sachant qu'in fine l'Etat les comblera sans nécessairement exiger des mesures de redressement.
C'est aussi une incitation à ouvrir avec le Gouvernement un débat sur le caractère insuffisamment dynamique de la contribution à l'audiovisuel public, sur les moyens de la faire évoluer, ou d'apporter des ressources nouvelles aux opérateurs, mais aussi peut-être à une réflexion sur l'utilité de développer tous azimuts le secteur public de l'audiovisuel.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Si j'ai bien compris, si l'amendement était adopté, vous recommanderiez un vote favorable ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis. - Tout à fait.
M. Daniel Reiner. - Le rapporteur a bien présenté la situation de ces opérateurs de l'audiovisuel public qui jouent un rôle essentiel. Il est difficile d'apprécier l'importance du besoin de ces opérateurs qui naturellement souhaitent disposer de crédits supplémentaires. Mais je ne considère pas opportun de voter un amendement qui propose d'opérer par prélèvement sur un budget que je sais d'expérience difficile à équilibrer. Le groupe France-Télévisions a de multiples soucis. Nous ne voterons pas cet amendement et serons favorable à l'adoption des crédits.
M. Michel Billout. - Autant nous soutenons les observations du rapporteur concernant la nécessité d'accroître les crédits des opérateurs de l'audiovisuel extérieur particulièrement à un moment où nous avons besoin de porter davantage la parole française dans le monde ; autant je ne peux soutenir un amendement qui consiste à « déshabiller Pierre, pour habiller Paul ». L'audiovisuel public connaît de grandes difficultés notamment en raison de la baisse des ressources publicitaires. Ce n'est pas la bonne solution de financement.
M. Jacques Legendre. - Je suis tenté de voter cet amendement notamment parce qu'il fait référence à la diffusion des médias de France Médias Monde sur le territoire national. Le regard de la France sur l'actualité internationale est insuffisamment audible sur le territoire national et cela présenterait aussi un grand intérêt pour les étrangers vivant en France. Quant au prélèvement sur France-Télévisions, c'est évidemment désagréable, mais c'est un grand groupe, alors que pour les opérateurs de l'audiovisuel extérieur, cet apport même modeste est très important.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Hier soir, a été présenté un amendement sur l'affectation du produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques à France-Télévisions, je souhaiterais savoir s'il a été adopté et quelles en sont les conséquences.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis. - Il s'agit d'un sous-amendement de nos collègues Leleux et Morin-Desailly qui affecte à France-Télévisions 140,5 millions d'euros du produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques qui a été voté hier soir. Il semble par ailleurs que le produit de cette taxe permette largement de financer cet apport et qu'il ne soit pas nécessaire de l'augmenter. C'était le sens de l'amendement du rapporteur général de la commission des finances sur lequel se greffe ce sous-amendement.
Je voudrais revenir sur les arguments développés. Je comprends la réticence à vouloir « déshabiller Pierre pour habiller Paul », mais il faut tout de même rappeler que la dotation de France-Télévisions est de 2,5 milliards. Nous avons besoin d'une importante présence audiovisuelle française dans le monde, surtout dans la période que nous vivons actuellement Nous avons besoin de pouvoir influencer et de passer un message fort, notamment dans les pays qui sont menacés par le terrorisme. Je vous ai cité l'exemple du retrait de TV5Monde de Turquie, faute de financement, c'est extrêmement grave ! Je vous rappelle également que les sociétés de l'audiovisuel extérieur ont réalisé d'importantes économies de gestion. Je peux vous dire que ce sont des gens qui ne comptent pas leurs heures de travail et qui font un travail considérable par dévouement pour la France. Je vous rappelle enfin ce projet de France-Télévisions de créer une nouvelle chaîne d'information 24h/24. Je m'inquiète et je m'étonne. Est-ce bien nécessaire ? Vous imaginez le coût, alors qu'il existe déjà des chaînes françaises d'information 24h/24 et qui sont d'ailleurs fragiles financièrement. Certes, ce sont des chaînes privées mais alors ? et puis nous avons déjà une chaîne publique, c'est France 24 qui est un élément important pour la France, pour son développement économique et pour la promotion de ses valeurs. Qu'est-ce que deux fois deux millions d'euros par rapport aux efforts que se sont imposés France Médias Monde et TV5Monde par une gestion rigoureuse et surtout par rapport à un projet qui sera terriblement budgétivore ?
Mme Nathalie Goulet. - Compte tenu du vote intervenu sur le sous-amendement de Mme Morin-Desailly, nous voterons cet amendement.
L'amendement est adopté.
En conséquence, et sous réserve de son adoption par le Sénat, la Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au Compte de concours financiers : « Avances à l'audiovisuel public » pour ce qui concerne les programmes 844 « France Médias Monde » et 847 « TV5Monde.
Loi de finances pour 2016 - Programme 146 - Équipement des forces - Mission « Défense » - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de MM. Jacques Gautier, Daniel Reiner et Xavier Pintat sur le programme 146 - Équipement des forces - de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2016.
M. Jacques Gautier, rapporteur. - Le budget de la défense prévu par le PLF 2016 s'établit à près de 32 milliards d'euros en crédits de paiement, hors pensions. Les crédits budgétaires constituent l'essentiel de cette dotation : 31,7 milliards d'euros sont inscrits sur la mission « Défense ». Seuls 250 millions d'euros de recettes de cessions sont attendus, soit 0,8 % du total : 200 millions d'euros de cessions immobilières et 50 millions d'euros de cessions de matériels militaires.
Au total, ce budget représente une augmentation de 576 millions d'euros, soit + 1,8 %, par rapport aux prévisions pour 2015. Il est conforme à la programmation militaire actualisée par la loi du 28 juillet 2015. En particulier, dans le respect des orientations de la LPM, la priorité est donnée à l'équipement ; les dépenses en la matière représenteront l'année prochaine près de 17 milliards d'euros, soit 53 % des crédits prévus pour la défense.
C'est bien sûr avec satisfaction que nous accueillons ces éléments, alors que l'année 2015 aura été marquée de façon si tragique par l'évidence des menaces et, par conséquent, la nécessité de renforcer des moyens de notre défense.
Les annonces du Président de la République devant le Congrès du Parlement, le 16 novembre dernier, en particulier celle de l'arrêt de la diminution des effectifs de la défense jusqu'en 2019, à cette heure, ne se sont pas traduites par un amendement du Gouvernement au PLF. Il est vraisemblable que ces annonces, en effet, n'auront pas d'impact sur le budget 2016 de la défense, qui intègre déjà une augmentation nette de 2 300 postes. Cependant, les mesures annoncées appellent au moins une révision à la hausse de la trajectoire financière de la programmation militaire pour les années 2017 et suivantes, à la fois pour les besoins de masse salariale induit par le maintien d'effectifs et pour les dépenses correspondantes en termes de fonctionnement, d'équipement et d'infrastructures.
Le report de charges de la gestion 2015 sur l'exercice 2016 est estimé à moins de 3 milliards d'euros, soit une baisse de l'ordre de 20 % par rapport au report de charges de l'année dernière. C'est un point positif. Néanmoins, la fin de gestion 2015 est soumise à de fortes tensions de trésorerie, principalement pour les programmes 146 et 178 ; leur résolution conditionne l'entrée dans l'exercice 2016. Ce « nouveau départ » que sera l'année prochaine pour la programmation militaire actualisée, bien évidemment, ne doit pas être hypothéqué... Je laisserai à Daniel Reiner le soin d'exposer la façon dont la fin de gestion 2015 est organisée par le projet de loi de finances rectificative qui a été déposé à l'Assemblée nationale.
Dans l'attente des crédits, le paiement des factures de la DGA est retardé. Le délégué général pour l'armement nous a précisé que ce retard ne concernait pas les PME avec lesquelles la DGA est liée contractuellement. Le lancement de certains programmes d'armement est également suspendu. Pour mémoire, d'ici à la fin de l'année 2015, une petite dizaine de programmes à effet majeur restent encore à lancer, conformément à la programmation militaire. Ce sont, en particulier : l'acquisition de la première capacité de communications par satellite de nouvelle génération (COMSAT-NG) ; le programme de télécommunications DESCARTES ; le programme MURIN de radars tactiques terrestres ; la modernisation des avions de transport C130 ; la rénovation des avions Mirage 2000D ; l'acquisition de véhicules pour les forces spéciales (VFS), dont le besoin est urgent ; enfin, le système de drones tactiques (SDT) de l'armée de terre, sujet sur lequel je laisserai revenir Xavier Pintat.
L'année 2016, sur le plan de l'état d'avancement des programmes, est marquée par la prévision de très nombreuses livraisons et commandes. Sans tout détailler, j'indiquerai notamment que, pour le système de forces « Commandement et maîtrise de l'information », seront livrés l'année prochaine, notamment : le deuxième système de drones MALE Reaper, soit trois vecteurs aériens, qui a été commandé en juillet 2015 ; des systèmes de renseignement d'origine électromagnétique (ROEM), dont une charge utile MALE, commandée en 2015 au titre de l'actualisation de la LPM, qui devrait améliorer l'efficacité des drones ; des équipements du programme SCCOA (système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales), lequel a permis à la France d'intégrer, en juin 2015, le système de défense aérienne intégrée de l'OTAN ; divers équipements de communication et d'information ; des radars tactiques terrestres MURIN... Parallèlement seront commandés, notamment : un troisième système de drones MALE Reaper, qui sera le premier au standard Block 5 ; des systèmes de renseignement d'origine électromagnétique ; le centre multi-missions de Mont-de-Marsan, troisième centre doté de l'Air command and control system (ACCS) de l'OTAN ; divers équipements de communication et d'information, dont le coeur stratégique du réseau de télécommunications DESCARTES ; etc.
Pour le système de forces « Projection-mobilité-soutien », seront livrés en 2016, notamment : 281 camions PPT (porteurs polyvalents terrestres), 6 hélicoptères NH90 - dont deux en version navale, les quatre autres en version terrestre - et 3 avions A400M.
À cet égard, je rappelle que, du fait de difficultés de développement et de production annoncées par Airbus début 2015, huit avions seront livrés à la France au standard initial, essentiellement logistique, au lieu de deux prévus, et un aléa pèse sur la livraison des deux derniers appareils sur les quatre prévus pour 2015. Le premier A400M doté de capacités tactiques devrait être livré début 2016. Comme le délégué général pour l'armement l'a rapporté lors de son audition par notre commission, le ministre de la défense a exigé d'Airbus pour fin 2016 la mise à disposition de six avions au standard 1.5, premier standard militaire, comprenant les capacités d'extraction de charges lourdes par l'arrière et le largage de parachutistes par les portes latérales, ainsi qu'un système d'autoprotection contre les missiles à très courte portée. Je souligne l'importance qui s'attache au respect de cette échéance. La fonction du ravitaillement des hélicoptères est reportée à plus tard, en espérant qu'elle soit un jour atteinte !
Par ailleurs, à la suite de l'actualisation de la LPM, 4 avions de transport C130 devraient être commandés l'année prochaine. Le choix pourrait se porter sur des avions C130-J neufs ou C130-H d'occasion. Ce choix est en cours d'expertise par le ministère de la défense. La LPM actualisée prévoit 330 millions d'euros pour cette opération ; or c'est là un montant sensiblement inférieur au coût d'achat de quatre C130-J neufs : des arbitrages budgétaires devront être faits, le cas échéant.
En tout ou en partie, ces nouveaux C130 devraient être dotés de la capacité de ravitailler en vol des hélicoptères, qui fait défaut à l'A400M et est précieuse pour les opérations de la bande sahélo-saharienne. Cependant, en l'état du parc d'hélicoptères existant, seuls les Caracal en service dans l'armée de l'air se trouvent munis de la perche pouvant permettre le ravitaillement en vol, et seuls les Caracal peuvent être ainsi configurés... En particulier, cette faculté n'a pas été prévue pour le NH90, dont la loi du 28 juillet 2015 d'actualisation de la LPM a prévu d'augmenter les cadences de livraison au profit de l'armée de terre.
M. Daniel Reiner, rapporteur. - Comme Jacques Gautier l'a indiqué, les conditions d'entrée dans l'exécution du budget 2016 de la défense, qui sera la première annuité de la LPM actualisée, dépendent des conditions de gestion de la fin de l'exécution 2015. Notre commission est particulièrement vigilante sur le respect de la LPM, notamment en ce qui concerne sa trajectoire financière. Cette vigilance se trouve aujourd'hui récompensée : le projet de loi de finances rectificative (PLFR) qui a été déposé à l'Assemblée nationale le 13 novembre dernier règle cette question, complété par le traditionnel décret d'avance de fin d'année, encore à venir. Notons d'ailleurs qu'il s'agira du troisième décret d'avance de cette année, et que les deux précédents n'ont pas amputé les crédits de la défense.
Les besoins de fin de gestion sont, au total, de 3,17 milliards d'euros. Ils se décomposent en quatre domaines.
Premièrement, la conversion en crédits budgétaires des ressources exceptionnelles (REX) initialement attendues de la cession de la bande de fréquences des 700 MHz, soit 2,15 milliards d'euros. Cette mesure, décidée dans la loi du 28 juillet 2015 d'actualisation de la programmation militaire, figure bien dans le PLFR. Je signale d'ailleurs que le ministère chargé de l'économie a fait état d'un produit de 2,8 milliards d'euros à l'issue du processus de cession d'une partie de la bande des 700 MHz aux opérateurs de téléphonie mobile qui s'est conclu le 18 novembre dernier.
Deuxièmement, la couverture des surcoûts nets d'opérations extérieures (OPEX), au-delà des 450 millions d'euros prévus dans la loi de finances initiale pour 2015 conformément à la règle fixée par la LPM. Ces surcoûts sont aujourd'hui évalués à 625 millions d'euros. Il convient de leur ajouter le surcoût induit par l'opération « Sentinelle », désormais évalué à 171 millions d'euros. Les crédits nécessaires seront ouverts à due concurrence par le décret d'avance annoncé.
Troisièmement, le remboursement au programme 146 du coût net de l'annulation de la vente des BPC de classe Mistral à la Russie, qui a été prélevé sur ce programme en août dernier. Il s'agit de près de 57 millions d'euros. Ils sont restitués, comme prévu, par le PLFR.
Quatrièmement et enfin, le financement des besoins de masse salariale, hors OPEX et opération « Sentinelle », résultant de l'actualisation de la manoeuvre « RH » par la loi du 28 juillet 2015 et des dysfonctionnements persistants du logiciel Louvois. Au total, ce besoin s'élève à environ 150 millions d'euros. Ils sont prévus par le décret d'avance.
Certes, ce décret d'avance et le PLFR comporteront aussi des annulations de crédits pour le ministère de la défense, à hauteur de 298 millions d'euros au total. Néanmoins, sur ce montant, seuls 200 millions d'euros relèvent du périmètre financier de la programmation militaire ; le reste sera imputé sur la mission « Anciens combattants » et le programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». En outre, pour ce qui concerne le périmètre « LPM », l'essentiel des annulations - un montant de 187 millions d'euros - tient aux intérêts générés par les versements français à l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAr) et gardés en trésorerie dans les comptes de celle-ci.
J'ajoute que ces annulations représentent une baisse de la part prise par la défense dans l'ensemble des annulations prévues au sein du budget général de l'État, au titre de la régulation de fin d'exercice. En effet, les 298 millions d'euros en cause cette année correspondent à 14,3 % du total des annulations, alors que la ponction sur la défense, les années antérieures, était de l'ordre de 18 à 20 %. Enfin, l'enveloppe du programme 146 n'est pas affectée par ces annulations ; le programme d'équipement a ainsi été sanctuarisé.
En conclusion, les arbitrages de fin de gestion ont été parfaitement convenables pour le respect des besoins de notre outil défense. La seule difficulté sera d'ordre technique : elle consistera, pour la DGA, à dépenser 2,2 milliards d'euros en quelques heures, entre la publication de la loi de finances rectificative pour 2015 et la clôture de cet exercice.
S'agissant de l'état d'avancement des programmes, en complément de ce qu'a exposé Jacques Gautier, je détaillerai d'abord ce qui est prévu, l'année prochaine, pour le système de forces « Engagement et combat ».
En ce domaine, seront d'abord livrés 9 avions Rafale,
dont 3 Rafale Marine F1 rétrofités au standard F3. Un mot ici
s'impose, pour se réjouir que se trouve à présent
levée l'hypothèque budgétaire liée au « pari
» de l'exportation du Rafale, qui pesait sur la programmation militaire
à hauteur d'environ 4 milliards d'euros pour la période
2016-2019, l'État s'étant engagé à maintenir un
rythme d'acquisition de onze appareils par an en cas de non réalisation
des objectifs d'export. Les marchés conclus au profit de l'Égypte
- 24 appareils, en février dernier - et du Qatar - 24
appareils encore, au mois de mai - garantissent la charge de la chaîne
industrielle Rafale. On attend la confirmation de la commande indienne
- une première tranche de 36 appareils a été
annoncée en avril 2015 - et le prochain aboutissement d'autres
prospects. Pour tout dire, on attend aussi le versement du premier acompte du
Qatar, sans lequel le contrat n'est toujours pas en vigueur...
L'année prochaine verra également la livraison, entre autres, d'une frégate multi-missions (FREMM), de 5 hélicoptères Tigre et de 25 véhicules poids lourds pour les forces spéciales. Seront commandés, par ailleurs : la régénération de véhicules blindés légers (VBL) ; la rénovation du Mirage 2000D ; un prototype du futur système de drone de lutte anti-mines marines (SLAMF) ; des roquettes à précision métrique pour l'hélicoptère Tigre, qui ont été prévues par l'actualisation de la LPM ; enfin, la réalisation de la future arme individuelle du fantassin (AIF).
Nous suivons avec beaucoup d'attention cette dernière opération, qui vise à remplacer le FAMAS, en service dans l'armée française depuis 1979. L'arme future sera au standard OTAN et s'intégrera dans le système FÉLIN (« fantassin à équipements et liaisons intégrés »). Dans le cadre d'un appel d'offres, cinq industriels ont été retenus par la DGA et ont fourni à celle-ci, au mois d'août 2015, le matériel qu'ils proposent. Les essais et les évaluations sont en cours. La section technique de l'armée de terre (STAT) a défini un plan d'essais et d'évaluations qui court de septembre 2015 à mars 2016 ; son objectif est de remettre à la DGA un rapport d'évaluation fin mars 2016, classant les fusils selon les critères technico-opérationnels issus de l'expression du besoin militaire. Le marché devrait ainsi être notifié à la fin de l'année 2016. Il n'y a pas d'offre française, mais il est possible que des entreprises françaises, indirectement, participent à cette opération.
Toujours dans le domaine des équipements relevant du système « Engagement et combat », nous exprimons le souhait que les améliorations techniques qui sont en train d'être apportées par Airbus Helicopters au système de filtre du moteur de l'hélicoptère Caracal, et qui doivent être disponibles pour l'exportation, bénéficient également aux appareils en service dans les armées françaises. Ces ajustements sont réalisés, je le rappelle, à la suite des difficultés de maintien en condition opérationnelle rencontrées pour le Caracal dans la bande sahélo-saharienne, du fait des spécificités du sable, particulièrement abrasif, sur lequel l'hélicoptère doit évoluer.
Par ailleurs, nous préconisons d'anticiper, autant que possible, la commande des premiers véhicules blindés multi-rôles (VBMR) - baptisés « Griffon » -, compte tenu de l'importance de ces véhicules pour les opérations de l'armée de terre. Cette commande, à passer dans le cadre du programme SCORPION, est actuellement prévue en 2017, pour de premières livraisons en 2018.
Pour finir, je signale que le système de forces « Protection et sauvegarde » fera l'objet, l'année prochaine, des livraisons, notamment, de 2 bâtiments multi-missions (B2M) et d'un patrouilleur léger guyanais. Les commandes concerneront, entre autres, 2 bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH) et un bâtiment multi-missions (B2M). Tout cela est conforme à la LPM actualisée.
M. Xavier Pintat, rapporteur. - À titre de complément, un mot, pour commencer, sur notre force de dissuasion nucléaire, cette dissuasion qui, comme je le souligne régulièrement, fait la crédibilité de la France sur la scène internationale et légitime le siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies dont dispose notre pays. Au total, cette action stratégique bénéficiera, l'an prochain, de près de 5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 3,6 milliards d'euros en crédits de paiement.
Je me suis réjouis que l'actualisation de la programmation militaire réalisée avec la loi du 28 juillet 2015, tout en renforçant les moyens de notre outil de défense, n'ait pas remis en cause l'effort budgétaire mobilisé pour les deux composantes de la dissuasion - la composante aéroportée et la composante océanique ; cet effort permettra de les moderniser, le moment venu. J'espère naturellement qu'il en ira de même des futurs ajustements de la trajectoire financière de cette programmation militaire qu'impliquent, au moins pour les années 2017 et suivantes, les annonces du Président de la République devant le Congrès du Parlement, le 16 novembre dernier.
En la matière, l'année 2015 a notamment été marquée par l'essai, le 30 septembre dernier, du missile balistique stratégique M51. À l'inverse de ce qui s'était passé pour l'essai précédent, en mai 2013, ce nouvel essai a été réussi. Il s'agissait du septième tir d'essai du missile, entrant dans le cadre du développement de la nouvelle et troisième version, qui a été lancé en 2014. Par ailleurs, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a commandé cette année le supercalculateur TERA 1 000, qui devrait succéder au TERA 100, en service depuis 2010. La commande porte sur plusieurs tranches de calcul à livrer progressivement d'ici à 2020.
L'année prochaine, ces travaux se poursuivront, de même que l'adaptation au M51 d'un sous-marin, les travaux de conception du sous-marin nucléaire lanceur d'engins de troisième génération (SNLE-3G) et les travaux de rénovation à mi-vie du missile ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré).
Quelques indications, à présent, sur l'espace militaire. Les crédits en ce domaine, l'année prochaine, sont prévus à hauteur de 498 millions d'euros, contre 151 millions d'euros en 2015. De telles variations, d'une année sur l'autre, ne sont pas rares pour ces crédits : elles sont liées en grande partie au cycle des programmes. L'importante dotation budgétaire pour 2016 reflète la montée en puissance des programmes MUSIS (imagerie optique et radar), CERES (renseignement électromagnétique), et COMSAT-NG (communications par satellite).
Les priorités du spatial militaire restent, en effet : d'une part, les télécommunications, avec COMSAT-NG ; d'autre part, le renseignement, qui concerne les domaines de l'imagerie optique et radar (où s'inscrit le programme MUSIS), l'écoute électromagnétique (avec notamment le programme CERES) ; enfin, l'alerte avancée pour la défense antimissile, même si le calendrier s'est distendu sur ce dernier point, à la suite de l'achèvement du programme Spirale.
Je vous rappelle l'évènement majeur de l'année 2015 : le conseil des ministres franco-allemand qui s'est tenu à Berlin le 31 mars 2015 a décidé de mettre en place une coopération entre le futur système allemand d'observation radar par satellite SARah et la composante spatiale optique (CSO) du programme MUSIS, qui est en cours de réalisation sous responsabilité française. L'accord comprend, pour la France, l'acquisition d'un segment sol du système SARah et, pour l'Allemagne, l'acquisition d'un segment sol du système CSO ; ces segments permettront l'échange d'images entre pays. Cet accord prévoit également le financement par l'Allemagne, aux deux tiers - soit 210 millions d'euros -, du troisième satellite CSO. La mise en service opérationnel de ce satellite CSO-3 est programmée en 2021, à la suite de celle des satellites CSO-1 et CSO-2, en 2018 et 2019 respectivement.
Je tiens à redire ici que le secteur spatial doit être soutenu en tant qu'enjeu de souveraineté et, à la fois, comme enjeu scientifique, technologique et industriel de premier plan. Le développement des technologies spatiales constitue souvent un véritable laboratoire d'innovations ! En 2014, la France représentait le deuxième investisseur mondial du secteur, derrière - assez loin derrière, certes - les États-Unis. Il faut donc soutenir résolument les coopérations européennes qui se nouent, à l'instar de celle qui a été décidée pour MUSIS-CSO cette année.
J'en viens au domaine des drones, et d'abord celui des drones MALE. Comme Jacques Gautier l'a noté, le deuxième système de drones MALE Reaper, commandé en juillet 2015, sera livré en 2016, et, en 2016, sera commandé un troisième système Reaper ; ce sera le premier au standard Block 5. Sera également livrée, l'année prochaine, la charge utile de renseignement d'origine électromagnétique (ROEM) qui a été commandée, en 2015, à la suite de l'actualisation de la programmation militaire ; cet équipement devrait améliorer l'efficacité de nos drones. Je rappelle que la LPM prévoit, au total, la livraison de quatre systèmes complets, comprenant chacun trois vecteurs aériens, d'ici à 2019.
En la matière, je salue la poursuite de l'effort de recherche pour une nouvelle génération de drones MALE, à l'horizon 2025, concrétisé par une lettre d'intention qui a été signée en mai dernier entre l'Allemagne, l'Italie et la France, rejointes par l'Espagne. Une étude est ainsi prévue, sur deux ans, pour déterminer les prérequis opérationnels et élaborer un prototype. Le contrat devrait être notifié au premier semestre 2016, pour un montant de 60 millions d'euros partagé entre les pays partenaires, à raison de 31 % pour l'Allemagne et 23 % pour chacun des trois autres États. L'enjeu est fondamental, à la fois parce que les armées, aujourd'hui, ne peuvent plus se passer des drones MALE et, sous l'aspect industriel, dans la mesure où, si la France dispose en ce domaine de capacités, il lui est difficile de résister à la concurrence américaine. Cela dit, nous savons bien qu'il sera très difficile de produire un drone MALE européen qui conjugue la satisfaction d'un besoin militaire partagé et un coût susceptible de créer un marché...
Pour finir, j'évoquerai le programme visant à doter l'armée de terre d'un système de drones tactiques (SDT) pérenne. La LPM prévoit la livraison de 14 vecteurs de ce système, à l'horizon 2017, pour remplacer le système de drones tactiques « intérimaires » actuellement en service. Un appel d'offres a été ouvert en 2014 ; cette procédure répondait d'ailleurs au voeu que nous avions émis, en vue de préserver les intérêts financiers de l'État et de fournir à l'armée de terre le matériel répondant au mieux à ses besoins opérationnels. Deux propositions sont en lice : le Watchkeeper de Thales UK et le Patroller de Sagem, Airbus n'ayant pas donné suite à l'appel d'offres. Or, au vu des performances de ces équipements, proches de celles d'un drone MALE, nous nous interrogeons, pour l'heure, sur la réelle plus-value du programme SDT... Et nous recommandons donc que soit effectuée la plus étroite vérification de l'adéquation de ces offres aux besoins exprimés par l'armée de terre.
Pour conclure, Jacques Gautier, Daniel Reiner et moi-même émettons, sur le programme 146, une appréciation positive, et, sous réserve de l'avis des autres rapporteurs, nous recommandons l'adoption des crédits de la mission « Défense ».
M. Robert del Picchia. - Lors du débat du Sénat qui s'est tenu, hier, en séance publique, sur les amendements présentés par notre commission et la commission des finances visant à maintenir le plafonnement de la décote dite « Duflot » que nous avions introduit dans la loi du 28 juillet 2015 d'actualisation de la LPM, le secrétaire d'État au budget s'est engagé à ce que la prévision de 32 milliards d'euros pour le budget 2016 de la défense soit scrupuleusement respectée.
M. Jean-Marie Bockel. - Dans le contexte de la montée en puissance de la menace, le respect des engagements pris pour le budget de la défense est essentiel. La question de l'évolution de l'opération « Sentinelle » est posée : ses modalités d'organisation, en renfort des forces de sécurité, ne doivent pas conduire à amputer nos capacités de défense au sens strict. Il est heureux que l'on s'apprête à mieux mobiliser les capacités de la réserve opérationnelle, mais le projet de « garde nationale » évoqué par le Président de la République, lors de son allocution devant le Congrès du Parlement, le 16 novembre dernier, reste flou. Il me semblerait opportun que notre commission engage une réflexion sur le sujet, compte tenu de l'importance qu'il est susceptible de revêtir dans les prochains mois.
Une question sur le fusil qui doit succéder au FAMAS : la possibilité qu'une entreprise française participe au programme a été mentionnée ; quelle forme cette participation prendrait-elle ? Dans le même ordre d'idée, quelle est la capacité française pour la fabrication de munitions ?
M. Hubert Falco. - Je risque de doucher l'enthousiasme des rapporteurs, mais dès lors que nous sommes en guerre, l'augmentation du budget de la défense dont ils ont fait état pour 2016 me paraît nettement insuffisante... J'entends que l'effort sera accentué à partir de 2017, mais c'est aujourd'hui que nous sommes en guerre : des moyens exceptionnels devraient donc se trouver dégagés dès cette année !
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Je rappelle que les paramètres de l'équation financière actuellement prévue pour la défense ont été réglés avant les attentats du 13 novembre dernier. Leur réévaluation est en cours, la situation est éminemment complexe ; mais ne doutons pas que la pression de Bercy demeure pour maintenir la contrainte budgétaire. Cela dit, nous mesurons tous l'importance de l'enjeu de sécurité du pays qui s'attache à cette réévaluation des moyens dont notre défense doit disposer.
M. André Trillard. - Si le budget de la défense n'a pas été écorné pour la fin de gestion 2015, d'autres budgets en lien avec la sécurité l'ont été ; je pense en particulier à la justice.
Par ailleurs, je m'interroge sur la logique de nos collègues députés qui, en juillet dernier, avaient voté notre initiative de limiter la décote « Duflot » praticable sur les ventes immobilières du ministère de la défense et, dans le PLF 2016, sont revenus, avec l'accord du Gouvernement, sur cette mesure qui avait fait consensus...
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Les amendements de notre commission et de la commission des finances qui tendent à maintenir ce plafonnement de la décote ont été adoptés, hier, par le Sénat.
M. Yves Pozzo di Borgo. - J'ai défendu cet amendement au nom de notre commission. Le secrétaire d'État au budget a clairement indiqué que, si les ventes d'immeubles du ministère de la défense devaient donner lieu à un produit plus important que les recettes prévues, à ce titre, par la LPM, l'excédent ne bénéficierait pas à la défense mais serait reversé au budget général. Il est donc important que nous réfléchissions à des recettes futures au profit de la défense ; j'ai formulé des propositions en ce sens, en demandant un meilleur retour sur le soutien à l'exportation que fournissent nos armées.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Le plus important reste d'obtenir les crédits budgétaires permettant à nos forces d'accomplir les missions qui sont exigées d'elles. Je crois qu'il ne faut pas chercher de nouvelles formes de recettes exceptionnelles pour la défense, alors que nous avons milité pour la disparition de ces REX dans l'actualisation de la LPM, afin de sécuriser la trajectoire financière de celle-ci.
M. Cédric Perrin. - Les tragiques évènements récents permettent de régulariser, en quelque sorte, la situation de nos armées : elles ne savaient pas réduire davantage leurs effectifs... Cependant, à la suite des annonces du Président de la République au Congrès, je m'interroge sur la manière dont vont être financés, désormais, les équipements dont la dépense était « gagée » par la déflation.
L'évolution du contexte intérieur et international conserve-t-il du sens à la programmation militaire ? Je note en particulier que deux années blanches sont prévues en matière de livraison de Rafale, et que le porte-avions Charles-de-Gaulle, aujourd'hui en Méditerranée orientale, sera bientôt immobilisé par son deuxième arrêt technique majeur...
Enfin, je rejoins Xavier Pintat quant à la nécessité de préserver notre dispositif de dissuasion au niveau d'excellence qui est aujourd'hui le sien. Des choix importants devront être faits, dans les prochaines années, en ce domaine.
Mme Nathalie Goulet. - Pour soutenir les efforts actuellement déployés par la France afin de lutter contre le terrorisme, quelle coopération avec nos partenaires européens, ou quelle contribution, sous une forme ou une autre, est-elle prévue ? J'aimerais que l'on nous donne des réponses claires, à cet égard.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Il faudra, en effet, que ces réponses soient apportées, alors que la demande a été formulée, en direction de nos partenaires, au plus haut niveau de l'État, avec la mise en oeuvre de l'article 42-7 du traité sur l'Union européenne.
M. Jean-Paul Emorine. - Je souscris bien entendu à l'idée que le renforcement de notre défense est nécessaire. Je voudrais cependant appeler l'attention sur la nécessité de préserver, en même temps que notre souveraineté militaire, notre souveraineté économique. Chaque année, la France emprunte, pour financer son budget, l'équivalent du double du budget de la défense ! En l'absence de croissance, c'est une situation qui comporte des risques substantiels pour l'avenir de notre pays. Nous devons conserver à l'esprit ces enjeux de moyen et long termes.
M. Jacques Legendre. - Je ne suis pas certain que nos objectifs de politique étrangère soient véritablement en phase avec nos moyens militaires. Avons-nous les moyens de nos ambitions ? Pouvons-nous dégager, malgré la situation économique du pays et la situation financière de l'État, des moyens militaires plus importants que ceux qui existent ?
Le coeur de ces moyens militaires est constitué par la dissuasion nucléaire. A-t-on bien atteint les objectifs qui étaient prévus en matière de simulation ?
M. Joël Guerriau. - A-t-on toutes les garanties que le coût de l'annulation de la vente des BPC à la Russie sera restitué au budget de la défense ? Le poids budgétaire de l'opération « Sentinelle », et celui des opérations extérieures que l'on intensifie en Syrie et en Irak aujourd'hui, seront-ils soutenables ?
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Au vu du nombre de bombes récemment lâchées sur le sol syrien, on peut en effet s'interroger sur le coût de ces opérations.
M. Jacques Gautier, rapporteur. - Je vais commencer de répondre à ces nombreuses questions.
On peut voir le budget de la défense de notre pays comme le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein... Pour atteindre un niveau de dépenses militaires à hauteur de 2 % du PIB, un effort de quatre milliards d'euros supplémentaires serait nécessaire. Actuellement, ce niveau est de 1,7 % du PIB. En tout cas, la couverture des surcoûts d'OPEX a toujours été assurée, jusqu'à présent, dans le cadre des régulations budgétaires de fin d'année, par la solidarité interministérielle. Le surcoût de l'opération « Sentinelle », de même, est financé pour 2015. Pour la suite, je rappelle que notre commission a été à l'initiative de l'introduction dans la LPM, par la loi du 28 juillet 2015, d'un article 4-1 prévoyant qu'un bilan opérationnel et financier des opérations intérieures soit effectué par le Gouvernement ; il est expressément demandé que le premier bilan de cette nature, en 2016, précise les conditions dans lesquelles les surcoûts en la matière peuvent faire l'objet d'un financement interministériel.
L'amendement défendu au nom de notre commission, hier, par Yves Pozzo di Borgo, et adopté par le Sénat, tend bien à rétablir le vote du Parlement qui visait, dans la loi d'actualisation de la LPM de juillet dernier, à sécuriser les ressources de la défense devant provenir de cessions immobilières, en plafonnant à 30 % la décote « Duflot » sur ces ventes.
Le gel de la diminution des effectifs de la défense annoncé par le Président de la République impactera nécessairement les années 2017 et suivantes, jusqu'en 2019 - années pour lesquelles une diminution nette de postes du ministère de la défense était jusqu'à présent programmée, au total, à hauteur de 9 218 équivalents temps plein. Cette période sera d'ailleurs lourde d'enjeux pour l'ensemble de la trajectoire financière de la programmation militaire : la plus grande part de l'effort budgétaire y a été concentrée ; l'arrêt de la déflation d'effectifs va accroître cette tendance ; des décisions majeures seront à prendre dans le domaine de la dissuasion... Le prochain président de la République, quel qu'il soit, devra faire face à ces enjeux. Il entre dans notre rôle, je crois, d'éclairer les futurs candidats au poste !
La réalisation d'un livre blanc en matière de défense implique, soit de partir de l'analyse des menaces, pour définir en conséquence les missions des forces armées, puis les moyens qui doivent être donnés à celles-ci, soit de partir des moyens disponibles pour définir les objectifs militaires possibles. Notre Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 constitue un compromis entre ces deux approches. Les moyens, jusqu'à présent, répondaient à peu près à nos besoins, au vu des menaces identifiées ; mais les derniers évènements ont mis en évidence la nécessité de réajuster cet équilibre.
La recherche d'appuis européens à l'effort de défense actuellement soutenu par la France est en cours. Je rappelle que Jean-Pierre Raffarin, premier ministre, avait cherché à obtenir que les dépenses d'opérations extérieures soient soustraites du calcul du déficit « maastrichien ». Le nouveau contexte pourrait être de nature à faire prospérer cette proposition...
La livraison des Rafale à la France reprendra à partir de 2019. L'avionique de l'appareil, à cette date, devrait avoir été améliorée.
Dans le domaine des munitions, la France, depuis une quinzaine d'années, a renoncé à la production de petit calibre ; notre pays se concentre sur les calibres à partir des canons de 20 millimètres. Nous importons ces munitions, qui peuvent être produites à moindre coût ailleurs.
M. Xavier Pintat, rapporteur. - Toutes les observations qui ont été soulevées n'appellent pas nécessairement de réponse au plan technique. Je reviendrai seulement sur le programme de simulation qui soutient notre dissuasion.
Ce programme a permis de garantir, sans nouvel essai nucléaire, la tête nucléaire aéroportée (TNA) du missile ASMP-A et la tête nucléaire océanique (TNO) du missile M51. Il est constitué d'un ensemble cohérent d'investissements : des supercalculateurs - j'ai évoqué la commande du TERA 1 000 ; une installation de radiographie éclair, sur le site de Valduc ; enfin, le laser mégajoule, mis en service en 2014. Le programme se déroule conformément au calendrier prévu, et les résultats sont satisfaisants. En particulier, comme je l'ai indiqué, le dernier essai du M51, le 30 septembre dernier, a été un succès.
Pour le reste, je pense que le développement d'une réflexion de notre commission en ce qui concerne la réserve opérationnelle est une bonne idée.
M. Daniel Reiner, rapporteur. - C'est dans le cadre de l'adaptation au programme FÉLIN qu'une entreprise française pourrait être associée au programme AIF de renouvellement du FAMAS.
Comme je l'ai indiqué, le remboursement au programme 146 du coût net de l'annulation de la vente des Mistral à la Russie est assuré par le PLFR. De son côté, la société DCNS attend l'indemnisation que la COFACE doit lui verser au titre de cette opération.
Que notre politique de défense ne soit pas trop déconnectée de nos moyens militaires, ce fut tout l'exercice de rédaction du Livre blanc de 2013 ! À cet égard, je rappelle la formule du chef d'état-major des armées : le costume a été taillé « au plus juste »... Dans ce contexte, il était important que le plafonnement de la décote « Duflot » soit rétabli, par le Sénat, au bénéfice des cessions immobilières du ministère de la défense. Nous attendons encore de connaître les concours qui seront proposés à la France dans le cadre de l'activation de la clause de solidarité prévue par l'article 42-7 du traité sur l'Union européenne.
La mise en garde de Jean-Paul Émorine est celle de la sagesse. Ce sont les termes d'un débat pour le prochain Livre blanc... Celui-ci devra évidemment comporter un volet consacré à la réserve opérationnelle. Le sujet avait déjà été débattu en 2013 ; une loi spéciale avait été envisagée, sans suite. Mais je rappelle que notre commission a d'ores et déjà produit un remarquable travail, dans ce domaine, dès 2010, sous la forme du rapport d'information de nos collègues Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam. Nous avons entendu la volonté du chef d'état-major des armées d'aller de l'avant en la matière, et je pense que le rapport du Gouvernement, à venir, sur la doctrine d'emploi et le cadre juridique des missions des forces armées sur le territoire national, devrait comporter des développements sur cet aspect.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Compte tenu des circonstances, notre commission pourrait en effet mettre l'accent, en 2016, non seulement sur la réalisation d'un bilan des OPEX, mais aussi sur les opérations intérieures. Ces travaux incluraient les questions relatives à la réserve et à la « garde nationale », sans perdre de vue les investissements importants qui, à compter de 2017, devront être réalisés, notamment, pour la dissuasion nucléaire - c'est-à-dire l'avenir de notre dispositif de défense, lequel, bien sûr, s'étend au-delà des opérations en cours.
À titre personnel, j'ai émis des réserves, récemment, sur l'emploi du mot guerre, pour qualifier la situation actuelle. Mais il est vrai que nous sommes en présence d'actes de guerre. En tout cas, si l'on est en guerre, il doit y avoir des sacrifices en conséquence ; si guerre il y a, elle se fait à Paris comme à Raqqa, et avec notre budget comme avec nos armées. Des choix doivent nécessairement être faits ; les efforts financiers - et je rejoins ici Jean-Paul Émorine - ne pourront être construits sur le seul recours au déficit. Je pense que cette lucidité est impérative, dans une éthique de responsabilité.
Mme Nathalie Goulet. - Les orientations qui ont été proposées pour les travaux de la commission recueillent l'approbation de mon groupe.
Loi de finances pour 2016 - Programme 212 - Soutien de la politique de défense - Mission « Défense » - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de MM. Robert del Picchia et Gilbert Roger sur le programme 212 - Soutien de la politique de défense - de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2016.
M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis. - L'année dernière, à cette même place, j'évoquais devant vous les déflations, la nouvelle « gouvernance RH » du ministère et la baisse de la masse salariale envisagée pour 2015.
Depuis, le contexte a changé, les dramatiques attentats qui ont frappé la France cette année ont justifié un changement radical d'orientation. La priorité est désormais de donner à nos armées les moyens, notamment humains, lui permettant d'assurer la protection de notre territoire.
Ainsi, pour 2016, les crédits de titre 2 inscrits au programme 212 (qui regroupent, je le rappelle, l'ensemble des crédits de personnel du ministère de la défense) s'établissent à 19,13 milliards d'euros, en augmentation de 2,17 % (+407,3 millions d'euros) par rapport à 2015. Cette augmentation de la masse salariale traduit l'augmentation nette des effectifs prévue pour l'année 2016 (soit un solde positif de 2 300 équivalents temps plein) par la loi du 28 juillet 2015 d'actualisation de la programmation militaire. Elle vise à permettre la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre (FOT), qui comprendra 77 000 hommes fin 2016 (contre 66 000 l'année dernière). Ce renforcement était indispensable pour que l'armée de terre puisse, dans des conditions satisfaisantes (c'est-à-dire sans renoncer à l'entraînement ni à la nécessaire récupération) poursuivre les opérations extérieures et assurer la mission Sentinelle qui est appelée à perdurer.
Pour l'armée de terre, il s'agit d'un tournant important, car après des années de baisse, elle regagne enfin des effectifs et va pouvoir reconstituer deux régiments.
Mais ces renforts, soulignons-le, bénéficieront aussi au renseignement, à la cyberdéfense, au soutien à l'exportation, ainsi qu'à d'autres composantes de la protection du territoire comme la mission Cuirasse de protection des installations militaires.
Dans le détail, l'augmentation des crédits de titre 2 prévue pour 2016 recouvre à la fois :
- une augmentation des dépenses de rémunération (+279 millions d'euros) ;
- une augmentation des pensions (+71,6 millions d'euros), le montant des cotisations vieillesse augmentant avec les effectifs ;
- une hausse également des crédits destinés au surcoût des opérations intérieures (qui passent de 11 à 26 millions d'euros) ; cette progression reste toutefois modeste au regard des dépenses générées par Sentinelle (estimées pour 2015 à 85 millions d'euros, soit 93 millions d'euros pour l'ensemble des OPINT), qui sont principalement couvertes en fait d'année via le collectif budgétaire ;
- enfin, une hausse des dépenses hors rémunérations (+48,1 millions d'euros), comprenant notamment un effort supplémentaire de 19,3 millions d'euros en faveur des réserves, en conformité avec les engagements pris lors de l'actualisation de la LPM.
Notons que les récentes annonces du Président de la République concernant le renoncement aux diminutions d'effectifs dans la défense jusqu'en 2019 n'auront a priori pas d'impact sur l'annuité budgétaire 2016 (c'est en tout cas ce que nous a indiqué le directeur des ressources humaines du ministère). S'agissant des années 2017-2019, la trajectoire sera revue, sans qu'il soit possible pour le moment de dire dans quelles proportions, compte tenu des interprétations divergentes de Bercy et du ministère de la défense. Il nous semble toutefois que dans le contexte actuel, une interprétation favorable au renforcement des effectifs est à privilégier.
Le desserrement de la contrainte en matière de déflations ne signifie pas la fin de la « manoeuvre RH ». Celle-ci se poursuit, dans ses différents volets, car les armées continuent de se transformer. Ainsi, il reste nécessaire d'assurer un flux de départs suffisant pour garantir le renouvellement de nos forces. Le dépyramidage demeure également un objectif, même s'il ne vise plus l'ensemble des officiers. Le rééquilibrage personnel civil-personnel militaire reste aussi d'actualité, car il est pertinent que nos soldats occupent en priorité des postes dans le domaine opérationnel et non dans celui du soutien. La reconversion des anciens militaires ne doit pas être négligée non plus.
Mais le principal défi pour 2016 est celui du recrutement, qui concerne principalement l'armée de terre. Celle-ci doit procéder, nous l'avons dit, à 11 000 recrutements supplémentaires pour renforcer la FOT, qui viennent s'ajouter à ceux qu'elle doit réaliser pour renouveler son personnel militaire. Cela signifie 9 000 recrutements à réaliser en 2015 et 16 000 sur l'année 2016, ce qui est considérable. Bien sûr, elle mobilise pour cela toute sa chaîne de recrutement, y compris les chefs de corps qui sont mis à contribution pour dynamiser le recrutement de proximité. Il faut relever l'effet important des attentats sur les candidatures : le directeur des ressources humaines de l'armée de terre a indiqué lors de son audition avoir reçu, le 14 novembre dernier, le plus grand nombre de demandes jamais enregistré.
Le défi n'est pas seulement de trouver des candidats motivés et susceptibles de rester, il est aussi de pouvoir les former, les équiper, les héberger dans de bonnes conditions. Mon collègue Gilbert Roger, à qui je vais passer la parole, reviendra certainement sur ces aspects.
Je vous propose, quant à moi, de donner un avis favorable à ces crédits, dans la mesure où ils portent la marque de la priorité donnée à la défense, que nous ne pouvons que soutenir dans le contexte actuel.
M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis. - Dans le prolongement de ce que vient de dire notre collègue Robert del Picchia, il me semble que nous devons nous réjouir d'avoir obtenu le remplacement de ressources exceptionnelles par des crédits budgétaires.
Les crédits budgétaires hors titre 2 s'élèvent pour 2016 à 2,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement (-10,4 %) et à 2 milliards d'euros en crédits de paiement (+3,4 %). A ces crédits de paiement, il faut ajouter 200 millions d'euros de ressources issues du produit des cessions immobilières.
Ma première observation portera sur la politique immobilière du ministère de la défense.
Cette politique doit aujourd'hui répondre à de multiples priorités, dans un contexte budgétaire qui demeure contraint. En premier lieu, le PLF 2016 doit permettre la poursuite des investissements en infrastructures pour l'accueil des grands programmes d'armement (MRTT, hélicoptères de nouvelle génération, Rafale, FREMM, SNA Barracuda, Scorpion etc.). L'effort de modernisation des bases navales de Brest et de Toulon sera, en particulier, poursuivi.
En deuxième lieu, la politique immobilière doit accompagner la remontée en puissance. Les moindres déflations d'effectifs et la remontée de la force opérationnelle terrestre à 77 000 hommes constituent un tournant, impliquant des besoins en infrastructures. Des travaux sont prévus dans 31 régiments pour l'accueil d'effectifs supplémentaires. La densification d'emprises existantes demeure la voie privilégiée.
La réflexion actuellement menée sur le rôle et la place de l'armée sur le territoire national suppose d'anticiper aussi les conséquences des évolutions envisagées en termes d'infrastructures. L'opération Sentinelle nécessite des adaptations, pour améliorer les conditions d'hébergement des militaires déployés sur le territoire, afin de permettre le maintien du dispositif, avec un maillage territorial fin et dans la durée. En parallèle, l'effort de rénovation des logements et de réhabilitation des bâtiments de vie les plus dégradés, doit être poursuivi.
En troisième lieu, s'agissant de la politique immobilière, il nous semble que le renforcement de la sécurité des infrastructures devrait être une priorité mieux dotée, d'un point de vue financier. 60 millions d'euros seront consacrés, en 2016, à des travaux de sécurité dans les dépôts de munitions, à la suite du vol commis en juillet 2015 sur le site de Miramas. L'effort à réaliser pour la protection des sites de défense sera toutefois bien supérieur à cette somme. La privatisation de la sécurité n'est pas toujours une solution adaptée.
Une réflexion plus large, y compris sur les aspects juridiques de la protection, doit intégrer les « trois dimensions », en répondant aux interrogations suscitées par la multiplication des survols d'installations sensibles par des drones, notamment à proximité du site de l'Ile Longue en janvier dernier.
Afin de répondre à l'ensemble de ces priorités, la politique immobilière est dotée d'1,2 milliard d'euros en crédit de paiement. Comme l'a indiqué le secrétaire général de l'administration du ministère de la défense ici même, les besoins sont estimés à 1,4 milliard d'euros. Il manque donc 200 millions d'euros pour répondre aux besoins identifiés.
J'en viens maintenant aux cessions d'actifs immobiliers, qui constituent l'un des éléments de l'équilibre de la loi de programmation militaire actualisée. 730 millions d'euros de recettes sont prévues sur la période 2015-2019, dont 200 millions d'euros en 2016.
L'essentiel doit provenir des cessions d'emprises parisiennes (Ilot Saint-Germain et Saint-Thomas d'Aquin). La sécurisation des recettes prévues pour les prochaines années nécessite le maintien de la garantie que nous avons fait inscrire dans la loi actualisant la programmation militaire. Il s'agit de limiter la décote prévue par la loi du 18 janvier 2013, dite « loi Duflot », à 30 % de la valeur vénale des immeubles cédés par le ministère de la défense. L'Assemblée nationale a proposé la suppression de cette limitation, revenant ainsi sur notre accord de CMP de juillet dernier. Le Sénat a adopté hier l'amendement de notre commission, revenant sur la suppression de ce plafonnement.
S'agissant maintenant des restructurations territoriales, celles annoncées le 31 juillet 2015, au titre de l'année 2016, sont plus limitées que celles annoncées les années précédentes. Nous continuons à regretter l'absence de programmation pluriannuelle des restructurations, même si on ne peut que se réjouir que la révision de la LPM n'implique pas, pour l'avenir, de restructurations majeures traumatisantes pour nos territoires. En 2016, les autorisations d'engagement permettront le lancement des premiers projets rattachés aux quatre contrats de redynamisation en cours de signature (Châlons-en-Champagne, Dijon, Creil et Drachenbronn). À l'avenir, l'accompagnement économique des restructurations sera intégré au volet territorial des contrats de plan État-région.
Ma quatrième observation concerne le déménagement des états-majors et services centraux sur le site de Balard, mis à disposition du ministère le 28 février 2015. Le déménagement se poursuivra, en 2016, jusqu'à l'installation de l'ensemble des 9 300 agents qui doivent y emménager. Il n'est pas étonnant qu'un déménagement d'une telle ampleur donne lieu à quelques difficultés. La sécurité du site sera probablement renforcée, moyennant des adaptations. Plus globalement, toutefois, il nous semble qu'un bilan global de l'opération « Balard » devrait être effectué, afin d'en évaluer le coût et les bénéfices, et d'en vérifier la neutralité financière supposée. Rappelons que le montant total du contrat a été évalué à 3,5 milliards d'euros (constants hors taxes) et la redevance annuelle moyenne à 130 millions d'euros hors taxes. Les ressources nécessaires au financement de cette redevance doivent être assurées, sans abondement, par redéploiement de crédits budgétaires.
Enfin, mon dernier point portera sur les dysfonctionnements de Louvois. Le plan d'urgence mis en place en 2012 a été utilisé à hauteur de 48 millions d'euros. La maintenance de Louvois coûte 4 millions d'euros par an, à quoi il faudrait ajouter le coût du maintien de l'outil de gestion propre à l'armée de l'air, qui devait être supprimé et a été maintenu.
Le remplacement de Louvois par un nouveau système, appelé Source Solde, a fait l'objet d'un marché notifié le 22 avril 2015 à la société Sopra-Stéria. La conduite du projet a été confiée à la DGA, avec la volonté de le conduire « comme un programme d'armement ». Nous suivrons attentivement ce dossier en 2016, année qui sera consacrée aux tests de qualification du nouveau système.
Sous le bénéfice de ces observations, nous émettons une appréciation positive sur les crédits du programme 212 en 2016. Ces crédits permettent d'accompagner la remontée en puissance de l'effort de défense, même si nous resterons vigilants sur les points que je viens de mentionner.
M. Daniel Reiner. - Le recrutement constitue le principal sujet de préoccupation de l'armée de terre aujourd'hui. Le nombre de demandes d'information s'est fortement accru depuis les attentats. Ce nombre est tout d'abord passé d'environ 200 par jour en 2014 à environ 500 par jour en 2015 grâce aux campagnes publicitaires en faveur du recrutement. Depuis les attentats du 13 novembre dernier, il est d'environ 1 500 demandes par jour. Cette réaction spontanée de la jeunesse aux événements récents est rassurante. Le nombre de candidats étant plus important, la qualité du recrutement s'en ressentira positivement.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Il serait intéressant de faire le bilan, sur longue période, de cette politique de recrutement des armées.
M. Daniel Reiner. - Ce sujet pourrait en effet faire l'objet d'un travail particulier au sein de votre prochain rapport budgétaire.
M. Gaëtan Gorce. - Nos armées intègrent de nombreux jeunes issus de l'immigration. Elles contribuent à tisser le lien national.
Le 25 novembre 2015, à l'issue de l'examen de l'ensemble des programmes de la mission, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense ».
Loi de finances pour 2016 - Programmes 110 - Aide économique et financière au développement et 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement - Mission « Aide publique au développement » - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de M. Henri de Raincourt et Mme Hélène Conway-Mouret sur les programmes 110 - Aide économique et financière au développement - et 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement - de la mission « Aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2016.
M. Henri de Raincourt. - L'année 2015 a apporté quelques bonnes nouvelles en matière de développement. Il faut le réaffirmer contre le pessimisme parfois de mise en la matière : l'aide au développement donne des résultats !
Du 25 au 27 septembre, le sommet des Nations Unies sur le développement a permis de faire le bilan de la mise en oeuvre des objectifs du millénaire.
Et ce bilan est encourageant ! Quelques résultats parmi d'autres, obtenus entre 1990 et 2015 : le nombre des personnes vivant dans l'extrême pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 1,25 dollars par jour, a diminué de moitié, passant de 1,9 milliard de personnes à 836 millions. En outre, la proportion de personnes sous-alimentées dans les régions en développement a baissé de près de moitié depuis 1990, passant de 23,3 % à 12,9 % ; le nombre d'enfants non scolarisés alors qu'ils sont en âge de fréquenter l'école primaire a été réduit quasiment de moitié dans le monde, passant de 100 millions en 2000 à 57 millions. Parmi toutes les régions du monde, l'Afrique subsaharienne a obtenu les meilleurs résultats pour l'éducation primaire, avec 20 points de taux de scolarisation en plus ; le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans dans le monde a diminué de plus de moitié ; enfin, 13,6 millions de personnes vivant avec le VIH reçoivent aujourd'hui un traitement antirétroviral, ce qui était le cas de seulement 800 000 personnes en 2003. Ce traitement a permis d'éviter 7,6 millions de décès depuis 1995.
Outre le sommet de l'ONU, qui s'est traduit par l'adoption des nouveaux objectifs du développement durable, d'autres grands événements ont donné en 2015 une nouvelle impulsion à la politique d'aide au développement au niveau international : la conférence d'Addis-Abeba s'est tenue du 13 au 16 juillet 2015 et a permis à la communauté internationale d'examiner les différentes options permettant d'assurer de manière plus efficace et plus transparente le financement du développement ; une importante réunion des ministres des finances et des dirigeants des banques multilatérales de développement, qui s'est tenue le 9 octobre 2015 à Lima, a conduit la communauté internationale à préciser l'engagement qu'elle avait été pris de consacrer, à partir de 2020, 100 milliards de dollars par an à la lutte contre le changement climatique ; enfin, la Conférence de Paris sur le climat (COP 21) va bientôt débuter.
Dans ce contexte, le Président de la République a annoncé le 24 août un rapprochement de l'Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations. Devant l'Assemblée générale des Nations unies, il a ensuite déclaré que la France allait augmenter son aide publique au développement de 4 milliards d'euros à l'horizon 2020.
Dès lors, la présentation des crédits demandés pour la mission « Aide au développement » au sein du PLF 2016 a été quelque peu décevante, avec une baisse de plus de 6% des crédits de la mission par rapport à 2015.
Une telle évolution ne paraît pas de nature, en effet, à améliorer le ratio aide au développement/Revenu national brut qui était pour notre pays de seulement 0,41 % en 2013 et 0,36% en 2014, loin du fameux objectif des 0,7 %, et surtout inférieur désormais à celui de l'Allemagne et très inférieur à celui du Royaume-Uni, ce pays ayant atteint les 0,7%.
L'aide au développement n'est pourtant pas un luxe, c'est pour nous un investissement indispensable, une contribution essentielle à la construction d'un monde plus pacifique et plus juste !
Heureusement, plusieurs amendement déposés par le Gouvernement à l'Assemblée nationale ont corrigé le tir et ont permis de stabiliser l'enveloppe, avant que des amendements parlementaires ne prévoient un apport supplémentaire.
Au total, et malgré un amendement de seconde délibération adopté par les députés, la somme des crédits consacrés de la mission développement et de ceux du fonds de solidarité et de développement, le FSD, alimenté par la taxe sur les transactions financières et la taxe sur les billets d'avions, cette somme sera supérieure de 79 millions d'euros en 2016 à ce qu'elle était en 2015.
Deux bémols cependant. En premier lieu, cette augmentation provient exclusivement de la TTF, dont 368 millions d'euros de produit supplémentaires seront consacrés au développement, alors que les crédits budgétaires diminuent au total de 10,4 % compte tenu de l'amendement de seconde délibération du Gouvernement. Cette montée en puissance de la TTF est très positive mais elle se substitue ici aux crédits budgétaires alors que l'orthodoxie voudrait plutôt que les financements innovants viennent en addition et non en substitution du budget. Bien entendu, nous ne pouvons pas faire fi du contexte budgétaire de notre pays... Nous ne pouvons que souhaiter que ces financements puissent redevenir véritablement additionnels quand la situation budgétaire se sera améliorée.
En second lieu, la TTF ne transite pas par le budget de l'Etat mais par le FSD, qui n'est pas retracé par les documents budgétaires. Nous perdons donc un peu en transparence et en contrôle.
Pour finir, je voudrais souligner qu'il nous faudra éviter deux écueils dans les années à venir. D'abord, il ne faut pas subordonner totalement le développement au sens classique à la lutte contre le réchauffement climatique. Dans les annonces du Président de la République, j'ai surtout entendu l'aspect environnemental, ce qui est normal à l'approche de la COP21 mais ne doit pas nous faire négliger les aspects traditionnels du développement. D'ici à 2050, la population de l'Afrique doublera et en même temps, la population vieillira et s'urbanisera. De ce fait, l'aide au développement doit rester focalisée sur les services de base rendus à la population : l'éducation, la santé, les services publics en général.
Ensuite, le rapprochement de l'agence française de développement et de la Caisse des dépôts, qui va aboutir à augmenter encore le volume de prêts de l'agence, ne doit pas conduire l'AFD à perdre son identité et sa spécificité pour la transformer en une banque se consacrant essentiellement au financement de l'économie des pays émergeants. La commission de surveillance de la Caisse des dépôts, présidée par M. Henri Emmanuelli, s'est prononcée contre une éventuelle filialisation de l'AFD par la CDC. L'AFD devra ainsi garder son autonomie et sa gouvernance propres au sein de la CDC.
Sous bénéfice de ces observations, je souhaiterais que notre commission donne un avis favorable aux crédits de la mission « Aide au développement ».
M. Jean-Pierre Raffarin. - On peut à cet égard remarquer que Bpifrance a l'air de bien fonctionner, avec une certaine autonomie et une capacité d'action satisfaisante, en étant rattachée à la CDC sans y être absorbée.
M. Henri de Raincourt. - Nous suivrons attentivement ce précédent même s'il y a une différence : les actionnaires de Bpifrance sont l'Etat et la CDC, tandis que l'AFD ne sera adossée qu'à l'AFD.
Mme Nathalie Goulet. - N'oublions pas que le Sénat et en particulier Jean-Pierre Fourcade avaient travaillé sur le Fonds stratégique d'investissement, dont les débuts ont été difficiles, mais qui a finalement obtenu de très bons résultats.
Mme Hélène Conway-Mouret. - S'il est vrai que le budget initial de la mission développement a pu paraître décevant, il faut souligner que les efforts fait par le Gouvernement et par les députés pour y remédier ont totalement inversé la situation. En l'état actuel du PLF, le compte y est, puisque le budget de l'aide au développement est stable par rapport à l'année précédente pour la première fois depuis 5 ans, grâce aux 150 millions d'euros ajoutés par les amendements du Gouvernement !
La plus grande partie de la hausse des crédits provient du produit de la taxe sur les transactions financières. À ce sujet, il faut selon moi saluer les efforts accomplis par le Gouvernement pour étendre à d'autres pays de l'Union européenne ce nouveau financement. La Commission européenne a en effet proposé en septembre 2011 une proposition de directive sur un système commun de taxe sur les transactions financières pour toute l'Union Européenne. Devant l'opposition d'un certain nombre de pays, le Conseil de l'Union a engagé la voie d'une coopération renforcée en la matière entre onze États membres. Nous saurons peut-être le 8 décembre 2015 si ces onze États décident de mettre en oeuvre cette nouvelle taxe, éventuellement dès 2016.
M. de Raincourt l'a dit, beaucoup d'annonces concernent le climat. Mais il ne faut en aucun cas opposer aide au développement et lutte contre le changement climatique ! Nous savons que les pays les plus pauvres sont aussi ceux qui auront le plus à souffrir de la hausse globale des températures. Le Gouvernement s'est d'ailleurs battu pour que la moitié des crédits du Fonds vert, créé en 2009 à Copenhague et qui doit recevoir 100 milliards d'euros par an à partir de 2020, soient consacrés à l'adaptation au changement climatique : lutte contre la montée des eaux, systèmes d'alerte précoce aux catastrophes naturelles, etc. Autre exemple de convergence entre les objectifs climatiques et les objectifs de développement, la réduction de la déforestation et les objectifs sanitaires vont de pair, les foyers ouverts alimentés au bois étant responsables de quatre millions de décès prématurés. Enfin, comment ne pas évoquer les réfugiés climatiques ? Le chiffre de 200 millions de réfugiés à l'horizon 2050 est parfois évoqué ! Lutte contre la pauvreté et contre le changement climatique sont donc des combats jumeaux.
Je voudrais ensuite souligner quelques éléments qui me paraissent très positifs dans ce budget 2016 : les moyens de l'AFD sont confirmés. Les crédits consacrés aux subventions sont stables tandis que ceux qui permettent les bonifications de prêts sont en hausse modérée. À ce sujet, il faut souligner que si les 4 milliards supplémentaires annoncés par le Président de la République prendront la forme de prêts de l'AFD et de Proparco, le Gouvernement s'est également engagé à augmenter les subventions de 370 millions d'euros en 2020 par rapport au niveau actuel. Dans la continuité des décisions d'Addis-Abeba, les crédits destinés aux ONG humanitaires et aux autres acteurs du développement atteindront 79 millions d'euros cette année. Enfin, le budget 2016 prend en compte la situation actuelle : grâce à un amendement du Gouvernement abondant le programme 209, il prévoit un effort de 50 millions d'euros supplémentaire en faveur des réfugiés.
S'agissant des crédits de la francophonie, je tiens à rappeler qu'elle constitue un atout essentiel pour le rayonnement de la France. Il s'agit en effet d'un lien puissant avec les 80 pays membres de l'OIF et avec les quelque 750 millions de locuteurs prévus à l'horizon 2050. À ce sujet, le regrette d'ailleurs que le budget prévoie une baisse de 2 millions d'euros.
J'en viens à la question du rapprochement de l'AFD et de la Caisse des dépôts.
L'objectif, on le sait, est double. D'abord, concrétiser l'annonce d'un accroissement des prêts en faveur du développement de 4 milliards d'euros à l'horizon 2020 suppose que l'AFD commence dès l'année prochaine à prêter davantage. L'adossement de l'AFD à la CDC doit ainsi permettre à l'agence d'augmenter ses fonds propres de manière à pouvoir accroitre dès l'année prochaine le montant de ses prêts.
De manière plus stratégique, le rapprochement des deux entités se justifie également par le nouvel accent mis sur le développement durable comme problématique transversale. Il est logique, pour les pays qui souhaitent accroître leur effort en matière de développement durable, de se doter d'un organisme capable de lancer et de soutenir des projets à la fois sur le territoire national et dans les autres pays, dans une optique de synergie entre ces deux aspects. Cette démarche a notamment été entreprise par les Allemands, les Italiens, et la Chine s'est lancée dans une politique comparable.
Dans cette optique, il n'est pas exclu que l'activité de l'organisme qui sera issu des deux entités comporte une dimension de diplomatie économique. Si la transparence doit régner en ce domaine, rien n'interdit de soutenir davantage par ce biais le développement international des entreprises françaises.
Bien qu'il existe ainsi de fortes raisons pour justifier un rapprochement des deux entités, une vigilance particulière et un suivi attentif de ce dossier seront nécessaire, afin de s'assurer que ce rapprochement se traduise bien par une synergie qui profite aux deux entités, notamment en augmentant la surface financière et par conséquent les capacités d'action de l'AFD et en mettant à profit l'ancrage local de la CDC ; que l'identité et le « métier » de l'AFD soient préservés afin qu'elle continue à poursuivre l'objectif de développement en adéquation avec la loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale et dans le cadre des objectifs de développement durables des Nations unies ; que la réforme se traduise in fine par l'intensification et l'amélioration de l'aide apportée aux pays les moins avancés ; que le rapprochement des deux identités accroisse la lisibilité et la transparence de l'aide au développement française et permette d'améliorer son évaluation.
Si l'ensemble de ces conditions sont respectées, et compte tenu des crédits d'ores et déjà prévus par le présent budget, il y a là pour notre pays l'occasion de passer à la vitesse supérieure en matière d'aide au développement. Comme Henri de Raincourt, je souhaiterais donc que notre commission donne un avis favorable aux crédits de la mission « Aide au développement ».
M. Jacques Legendre. - Si le taux de scolarisation dans les pays africains augmente effectivement, c'est au détriment de la qualité de l'enseignement. Il faut rester extrêmement attentif à la qualité des systèmes d'éducation en Afrique. Par ailleurs, les systèmes de santé permettent de réduire la mortalité infantile, ce qui produit une augmentation de la population. Du fait de cet accroissement démographique, de plus en plus de jeunes Africains tentent de venir en Europe, notamment en passant par la Libye, car ils pensent n'avoir aucun avenir en Afrique. Le refus qui leur est souvent opposé par les pays européens génère du ressentiment et fait de ces jeunes une proie d'autant plus facile pour les djihadistes. Dès lors, il est autant dans notre intérêt que dans celui des pays africains de continuer à oeuvrer pour le développement économique du continent. Ceci devrait d'ailleurs concerner au premier chef l'Union européenne, mais certains pays membres n'ont pas du tout conscience de ce problème. Enfin, je crois que les crédits de la francophonie sont effectivement insuffisants mais il faudrait suivre de plus près les dépenses engagées en la matière, notamment en ce qui concerne l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), dont les liens avec la France se sont distendus de manière regrettable.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Le budget 2016 doit permettre de consolider l'architecture financière d'Expertise France, qui agit avec efficacité pour stabiliser des pays en crise et a également aidé des délégations à présenter leur contribution nationale dans la perspective de la COP21. Il n'est pas raisonnable de demander aux personnels d'Expertise France de dégager sans moyens nouveaux encore 15% de croissance l'année prochaine. Les besoins exprimés sont de l'ordre de 3 millions d'euros. Expertise France sera-t-elle bien soutenue à cette hauteur ?
M. Robert Hue. - Je donnerai un avis favorable à ce rapport. J'ai cependant noté que nous étions en retard par rapport à d'autres pays, notamment le Royaume-Uni. Notre commission plaide depuis plusieurs années pour que nous nous dotions de meilleurs outils pour évaluer l'utilisation des crédits de l'aide au développement. Où en sommes-nous de ce point de vue ?
M. Jean-Paul Emorine. - Bpifrance a fusionné plusieurs organismes comme Oséo ou Anvar avec la participation de la CDC. C'est une structure régionalisée qui fonctionne bien. De même, il ne faut pas que l'AFD soit absorbée au sein de le CDC, mais plutôt que celle-ci participe à l'action de l'Agence. Si la l'AFD est placée sous la tutelle de la CDC, elle n'aura plus la même influence au niveau international.
M. Michel Billout. - Je suis déçu par le montant selon moi insuffisant des crédits consacrés à l'aide au développement dans le projet de loi de finances pour 2016, surtout après l'amendement de seconde délibération du Gouvernement à l'Assemblée nationale. Il faut marcher sur ses deux jambes : la sécurité mais aussi l'aide aux pays pauvres. Je ne soutiendrai donc pas ce budget.
Mme Nathalie Goulet. - Comment se passe la coopération avec les grandes fondations comme celle de Bill et Melinda Gates, dont les budgets sont très importants ?
M. Henri de Raincourt. - L'aide publique au développement est indispensable si nous voulons que les habitants des pays en développement puissent vivre et travailler de manière satisfaisante sans avoir à émigrer. Notre intérêt partagé est donc d'accentuer nos efforts en la matière. Au niveau planétaire, l'aide est de l'ordre de 130 milliards d'euros : il en faudrait au minimum 50 de plus. Les crédits budgétaires seront insuffisants, c'est pourquoi la France s'est battue pour créer la TTF qui permet de mettre à contribution le milieu financier qui ne participait pas à cet effort alors même qu'il profitait au maximum de la mondialisation. Une base large et un taux faible garantiront un rendement substantiel. Concernant le système éducatif, il est vrai que le qualitatif doit suivre le quantitatif. Par ailleurs, notre commission a demandé à plusieurs reprises la mise en place d'un système d'évaluation simple et unifié ; il n'existe pas encore. Toutefois, des progrès sont accomplis par les organismes internationaux dans le contrôle de la bonne utilisation de l'aide. Enfin, la France travaille avec la Fondation Bill et Melinda Gates. D'autres, comme la fondation Mérieux, sont également très actives.
Mme Hélène Conway-Mouret. - La secrétaire d'Etat au développement, Mme Annick Girardin, nous a indiqué qu'elle plaidait pour le déblocage de la subvention d'équilibre pour Expertise France. Une convention a été récemment signée entre l'AFD et Expertise France et ceci permettra à cette nouvelle structure de se développer dans de meilleures conditions.
En ce qui concerne les crédits prévus pour 2016, le Gouvernement a déposé des amendements augmentant ces crédits de 150 millions d'euros et les députés ont prévu 268 millions d'euros de plus ! Dès lors, l'amendement de Gouvernement adopté en seconde délibération ampute certes les crédits du programme 209 de 162 millions d'euros mais il reste tout de même environ 100 millions d'euros de plus que lors de la présentation du projet de loi de finances !
L'AFD a engagé un plan d'action commun avec la Fondation Bill et Melinda Gates qui prévoit notamment un appui aux systèmes de santé d'Afrique de l'Ouest.
Enfin, je souhaitais présenter un amendement destiné à augmenter les crédits de la francophonie en transférant 2 millions d'euros du programme 110 vers le programme 209. La francophonie peut nous aider à mener des actions en matière de développement économique. En 2016 pourrait par exemple être mis en place un forum des femmes francophones consacré à l'économie et à l'entreprenariat.
M. Henri de Raincourt. - Si notre commission émettait un avis défavorable aux crédits de l'aide au développement à l'heure même où notre présence militaire en Afrique est des plus substantielles, le message paraîtrait contradictoire.
M. André Trillard. - Je m'abstiendrai sur l'amendement proposé, dont je ne saisis pas toute la portée.
M. Jacques Legendre. - Je suis embarrassé : l'objet de cet amendement est sympathique, mais comment pouvons-nous être surs que ces crédits aillent bien à des actions utiles ? J'aimerais par exemple qu'ils soient affectés à des bourses permettant à de jeunes étudiants étrangers francophones de venir suivre des études en France.
M. Daniel Reiner. - Notre groupe va naturellement voter en faveur des crédits de la mission « Aide publique au développement » dont les crédits sont, in fine, en progression. En revanche, je n'ai pas la certitude que l'amendement présenté, bien que son objectif soit louable, soit en totale cohérence avec les priorités du budget. Dès lors, notre groupe ne le soutiendra pas.
M. Jacques Gautier. - Le groupe Républicain dans son ensemble soutiendra et votera les crédits de la mission « Aide au développement » malgré l'avis de la commission des finances ; en revanche nous sommes réservés sur l'amendement proposé.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Cet amendement visait à stabiliser les crédits de la francophonie pour envoyer un signal. Toutefois, compte tenu des différentes prises de parole, je le retire.
À l'issue de sa réunion du mercredi 25 novembre 2015, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».
La réunion est levée à 12 h 47