Mardi 27 octobre 2015
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -Loi de finances pour 2016 - Audition de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
La réunion est ouverte à 19 heures.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous sommes heureux de vous accueillir, madame la ministre, malgré un horaire qui nous prive de la présence de plusieurs de nos collègues. Vous voudrez bien nous présenter votre budget et vous évoquerez certainement la réforme du collège, sur laquelle nous vous avions entendue au printemps, et celles de de l'évaluation, des programmes ainsi que sur le plan numérique pour l'école.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Il est effectivement important de passer en revue ce budget, mais aussi toutes les réformes qui le sous-tendent. En 2013, l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté une loi majeure, celle de la refondation de l'école, qui a insufflé une ambition éducative sans précédent. Ce budget est à la hauteur de l'enjeu.
L'année prochaine, l'enseignement scolaire sera doté de 65,72 milliards, soit 694 millions de plus que cette année. Grâce à l'effort budgétaire que constitue la création de 60 000 postes dans l'éducation au cours du quinquennat, nous poursuivons la mise en oeuvre de l'engagement du Président de la République. Ainsi, 54 000 postes auront été créés dans l'éducation nationale, 5 000 dans l'enseignement supérieur et 1 000 dans l'enseignement agricole. L'année prochaine, 10 711 postes seront créés, dont 8 000 d'enseignants. Depuis 2012, 47 078 ETP auront été créés pour l'éducation. Il en restera 12 922 à créer en 2017 pour atteindre l'objectif des 60 000 postes.
La semaine dernière, les députés Les Républicains ont considéré que c'était folie de créer autant de postes dans l'éducation nationale. J'assume pleinement ce désaccord : les quelque 80 000 suppressions de postes du quinquennat précédent avaient abîmé l'école de la République et provoqué de nombreux dysfonctionnements.
M. Jean-Claude Luche. - Nous n'avons rien dit ! C'est de la provocation.
M. Jacques Grosperrin. - Tout à fait !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - J'espère que les sénateurs Les Républicains ont une autre façon de voir les choses.
La rentrée s'est bien passée, notamment parce qu'il y avait un enseignant dans chaque classe, malgré la forte poussée démographique. Élus de terrain, vous savez le traumatisme que provoque la fermeture d'une classe dans une commune. J'ai d'ailleurs reçu de très nombreuses lettres de parlementaires de tous bords me demandant le maintien de telle ou telle classe de leur circonscription, y compris de la part de ceux qui combattent la création de nouveaux postes d'enseignants. Ces créations accompagnent de véritables politiques publiques, comme la priorité accordée au premier degré - afin d'assurer la maîtrise des fondamentaux, la refonte de l'éducation prioritaire, qui vise à donner à tous les élèves les mêmes chances de réussite, ainsi que la réforme du collège - afin que tous les jeunes maîtrisent le socle de connaissances, de compétences et de culture.
Ces créations de postes accompagnent également les territoires dans leur diversité : la poussée démographique est très forte dans certains départements ; il faut qu'ils puissent garder des taux d'encadrement adaptés. Mais nous devons aussi soutenir l'école en milieu rural malgré la baisse démographique que connaissent certains territoires.
Conformément aux décisions prises lors du comité interministériel aux ruralités qui s'est tenu à Vesoul en septembre, le Premier ministre a confié au sénateur de l'Ariège Alain Duran la mission d'accompagner les élus locaux vers les conventions ruralité : les élus des départements très ruraux peuvent ainsi maintenir des services de qualité, notamment en réorganisant les réseaux d'école afin de garder tout ou partie des postes malgré la baisse démographique. Nous souhaitons développer cet outil précieux et j'invite les élus de ces territoires à conclure ces conventions avec nous.
La formation initiale des enseignants est la pierre angulaire d'un enseignement de qualité. Sur ce point, nous avons entendu dire tout et n'importe quoi, notamment que les postes créés depuis 2012 ne concerneraient que des professeurs stagiaires, comme s'il s'agissait d'emplois précaires. Les élèves en dernière année d'école supérieure du professorat et de l'éducation (ESPÉ) sont à mi-temps dans les classes et à mi-temps en formation. L'année suivante, ils sont titularisés. Il s'agit bien de postes à part entière.
Nous avons également fourni un effort important pour la formation continue : 72 millions d'euros lui sont consacrés (soit une hausse de 75 % par rapport à 2012 ), dont 24 millions pour préparer les enseignants à l'ère numérique.
Le soutien financier de l'État aux communes pour les activités périscolaires associées aux nouveaux rythmes scolaires est pérennisé.
Cette rentrée a marqué la deuxième année de généralisation des nouveaux rythmes scolaires, qui ont entraîné des évolutions significatives pour les équipes enseignantes, pour les enfants, pour les parents, mais aussi pour les communes.
M. Jean-Claude Luche. - Ainsi que pour les départements !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Pour les intercommunalités aussi. Cette réforme a demandé un effort d'adaptation de tous les acteurs, notamment des équipes éducatives et des maires. Avec cinq matinées d'enseignement retrouvées, elle rythme mieux les journées, favorise les apprentissages et l'acquisition des savoirs fondamentaux.
Cette année, les organisations du temps scolaire sont caractérisées par une très grande stabilité, ce qui confirme que la réforme est installée dans la durée. Certes, des ajustements seront encore nécessaires. J'ai ainsi donné instruction de renforcer l'accompagnement des équipes enseignantes parce qu'une fois les questions organisationnelles réglées, toute l'énergie doit être portée sur le pilotage pédagogique. Comme certains d'entre vous me l'ont demandé, j'ai souhaité qu'une attention particulière soit apportée au risque de fatigue des enfants en maternelle,. Voilà pourquoi j'ai demandé aux chercheurs de l'université d'Orléans-Tours de mener une enquête approfondie auprès de milliers d'enfants.
Les activités périscolaires relèvent de la compétence des communes. Mais comme cette réforme est fondamentale, le gouvernement l'accompagne avec le fonds de soutien. Nous avons publié cet été les décrets qui étaient nécessaires pour le rendre pérenne. Les communes continueront après 2015-2016 à percevoir 50 euros par élève, voire 90 euros pour les communes les plus en difficulté.
Désormais, l'attribution de ces aides est liée à la signature d'un projet éducatif territorial (PEDT). Il ne s'agit pas d'une contrainte, mais d'une opportunité pour mettre en place des activités périscolaires de qualité. Les élus locaux ne s'y sont pas trompés : à la rentrée 2015, 82 % des communes avaient signé un PEDT, ce qui nous a agréablement surpris. Nous souhaitons parvenir à 100 %. Avec Patrick Kanner, mon collègue chargé de la ville, de la jeunesse et des sports, nous accompagnons les communes, notamment rurales, pour trouver les animateurs et mutualiser les formations. Si nous atteignons les 100 %, nous en tiendrons bien évidemment compte dans le budget afin que chaque commune bénéficie de cette aide.
Avec la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), nous accompagnons les communes pour l'accès aux activités périscolaires des élèves en situation de handicap. La CNAF a ainsi provisionné un fonds pour financer les aménagements nécessaires.
La réforme est loin de n'être qu'une somme de contraintes : le nombre des accueils périscolaires a augmenté de près de 30 % sur 2014-2015 et les activités sont très diversifiées. Comme l'a démontré une enquête de la CNAF publiée en décembre 2014, ces activités sont largement fréquentées par les enfants et donnent satisfaction aux parents. À ce titre, le Premier ministre a confié à Françoise Cartron, que je salue, la mission d'établir le bilan des initiatives prises par les élus locaux pour organiser et développer les activités périscolaires afin que l'État accompagne mieux les communes, notamment les plus petites et les plus rurales. Cet accompagnement passe par la diffusion des bonnes pratiques et par une réflexion sur le recrutement et la qualification des animateurs, ainsi qu'aux adaptations et aux simplifications à envisager. Nous comptons sur elle pour nous aiguillonner, sinon nous harceler.
Mme Françoise Cartron. - C'est bien me connaître...
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Je veux ici lever une ambiguïté, qui avait conduit la sénatrice Françoise Gatel à m'interroger lors d'une séance de questions au gouvernement. Les écoles privées sont libres de leur organisation mais le fonds de soutien est là pour les inciter à mettre en oeuvre les nouveaux rythmes scolaires. En 2014-2015, des aides ont été versées à plus de 800 écoles privées. L'article 67 de la loi de refondation de l'école a ouvert le fonds de soutien aux écoles privées, dont les enseignements sont répartis sur neuf demi-journées par semaine. Parce qu'il s'agit d'une possibilité et non d'une obligation, le décret « Hamon » n'a concerné que les écoles publiques qui avaient besoin d'un cadre expérimental pour s'organiser différemment. Pour autant, à l'occasion de mutualisations des TAP entre écoles publiques et écoles privées, une trentaine de communes ont demandé aux écoles privées d'adopter l'organisation mise en place par leurs écoles publiques, avec le risque d'une non-éligibilité au fonds pour les écoles privées lorsque cette organisation est régie par le décret « Hamon ». Je déposerai à l'Assemblée nationale un amendement au projet de loi de finances rectificative pour prendre en compte la situation des écoles privées intégrées dans des PEDT et pour lesquelles les communes organisent les activités périscolaires dans le cadre du décret « Hamon ».
Ce budget finance les politiques nouvelles mises en place dans le cadre de la refondation de l'école. Il finance la réforme des collèges, avec la création de 4 000 postes. L'année scolaire 2015-2016 sera marquée par un effort important de formation et d'accompagnement des équipes pédagogiques à la nouvelle organisation du collège qui entrera en vigueur à la rentrée 2016. Chaque équipe pédagogique sera formée à la mise en oeuvre des enseignements pratiques interdisciplinaires, à l'accompagnement personnalisé, à l'utilisation de la dotation d'heures professeurs pour le travail en petits groupes.
La refondation de l'école de la République s'accompagne de la refonte des programmes de la scolarité obligatoire. Les programmes actuels de l'école primaire et du collège souffrent d'un manque de progressivité et de cohérence et sont considérés par de nombreux enseignants comme trop lourds et trop longs. C'est pourquoi le gouvernement a souhaité qu'ils soient tous repensés sur toute la durée de la scolarité obligatoire et par cycles de trois ans. Pour la première fois, ils ne sont plus la simple juxtaposition de programmes disciplinaires annuels, mais sont articulés autour d'un socle commun pour garantir son acquisition. Ces programmes sont tournés vers ce que doivent apprendre les élèves, plutôt que vers ce que doivent enseigner les professeurs. Pour la première fois, ils laissent du temps pour des entraînements et des exercices fréquents afin de consolider les apprentissages.
Leur entrée en vigueur va entraîner le renouvellement des manuels scolaires qui sera échelonné sur deux années en fonction des disciplines. À la rentrée 2016, tous les élèves recevront de nouveaux manuels de français, mathématiques et histoire-géographie, langue vivante 2 pour les classes de 5ème et sciences pour les classes de 6ème. Les autres manuels seront fournis à la rentrée 2017. L'effort conséquent de l'État s'élève à 150 millions d'euros pour l'année 2016.
Cette réforme du collège et des programmes s'accompagne d'une modernisation de notre école, avec le lancement du grand plan numérique. Il s'agit d'élever le niveau de compétences numériques des élèves et d'accompagner la généralisation des pratiques du numérique dans les établissements scolaires. Le déploiement du plan numérique, doté de 192 millions d'euros, se fera sur trois ans. En 2016, 40 % des collèges seront concernés, 70 % en 2017, et 100 % en 2018. Ce plan repose sur trois piliers : formation des enseignants, création d'outils pédagogiques dans toutes les disciplines, équipement des établissements scolaires. Dès cette année, une expérimentation concerne 350 écoles et 220 collèges pilotes.
L'éducation nationale ne pouvait pas rester insensible aux tragiques événements de janvier. Nous avons apporté des réponses autour de la notion de laïcité. Nous avons ainsi présenté un plan de formation des personnels en février : 1 000 formateurs se déploient sur les territoires pour former 300 000 enseignants d'ici la fin 2015. Nous avons également mis en oeuvre l'enseignement moral et civique de l'école élémentaire jusqu'au lycée. Nous avons voulu que les candidats aux concours de recrutement soient à même d'expliquer et de faire partager les valeurs de la République. Les parents d'élèves sont invités à signer la charte de la laïcité. Un livret laïcité a été distribué à tous les chefs d'établissements pour leur apporter des réponses claires sur des sujets délicats. Enfin, nous prévoyons un parcours citoyen pour les élèves pour qu'ils soient responsables et libres, grâce notamment à la valorisation de la culture de l'engagement. La réserve citoyenne de l'éducation nationale fonctionne bien : 5 000 citoyens se sont proposés pour venir témoigner devant les élèves.
Chacune de nos réformes tente de réduire les inégalités de réussite scolaire. L'allocation progressive des moyens tient compte des évolutions démographiques, mais aussi des difficultés sociales et des contraintes territoriales. De même, nous avons mis en oeuvre la réforme de l'éducation prioritaire. Si elle a été contestée par des établissements craignant de sortir de la carte d'éducation prioritaire, elle y a fait entrer 200 établissements parmi les plus pauvres de France et qui souffraient en silence. Ils bénéficient désormais des moyens de l'éducation prioritaire. Au total, plus de 1 000 collèges et plus de 6 000 écoles primaires sont concernés. Les 350 millions supplémentaires serviront à mieux former et rémunérer les enseignants, ainsi qu'à créer 2 150 postes d'assistants d'éducation prioritaire. Cette réforme finance également le dispositif « plus de maîtres que de classes », avec 500 emplois supplémentaires, soit un total de 2 500 emplois créés. La préscolarisation des moins de trois ans touche près de 21 % des enfants, contre 17 % en 2012.
Pour aider les élèves les plus en difficulté, la loi de refondation de l'école a également renforcé l'action des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). Plusieurs milliers d'emplois y avaient été supprimés entre 2007 et 2012 ; nous en avons créé pour porter leur nombre à 10 063. En outre, leurs spécificités et leurs missions sont mieux reconnues.
Nous traduisons aussi le concept d'école inclusive en actes. Quels que soient les handicaps, les origines, les différences, tous les enfants peuvent apprendre, grandir, se dépasser. L'école inclusive doit donc veiller à bien les accueillir. Plus de 260 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés dans nos établissements. Nous avons travaillé sur la professionnalisation des assistants d'éducation (AVS) qui les accompagnent. Ainsi, à terme, les 28 000 assistants d'éducation ayant exercé durant six ans des fonctions d'accompagnement du handicap pourront bénéficier d'un contrat à durée indéterminée. Nous créerons cette année encore 350 postes d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). De plus, 10 000 contrats aidés sur des missions d'auxiliaire de vie scolaire seront pourvus en 2015-2016. Trente nouvelles unités d'enseignement autisme en maternelle ont été créées cette rentrée et il y en aura 100, soit une par département, d'ici la fin du quinquennat.
Enfin, je travaille sur la pérennisation des contrats aidés assurant l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Je me réjouis que la CNAF ait prévu un fonds doté de près de 400 millions d'euros pour accompagner les territoires qui facilitent l'accessibilité des accueils périscolaires aux enfants en situation de handicap. J'ai adressé une instruction aux recteurs pour faciliter l'emploi complémentaire par les collectivités des AESH pour que les enfants aient affaire à la même personne pendant le temps scolaire et en dehors de celui-ci.
Avec 7 100 ETP, les moyens humains des unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) sont en augmentation constante. Il n'y a plus de tension au niveau national pour y accéder. L'éducation nationale accompagne largement les familles pour une scolarisation individuelle en classe ordinaire. Dans le premier degré, les élèves en situation de handicap sont plus souvent scolarisés individuellement au sein de classes ordinaires. Si cela se révèle nécessaire, ils peuvent être accompagnés par un AVS.
Ces crédits pour l'enseignement scolaire, en constance augmentation depuis 2012, reflètent parfaitement notre ambition pour l'école de la République.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis sur les crédits de l'enseignement scolaire. - Votre budget augmente de 1 %, soit de 600 millions d'euros. Néanmoins, comme je le dis avec constance depuis longtemps, on ne juge pas l'efficacité d'un budget à l'aune de sa progression. Ce budget a constamment augmenté depuis trente ans sans résultats tangibles.
Comme vous, j'estime que les enfants doivent maîtriser les apprentissages fondamentaux, surtout à l'âge où tout se joue, entre la dernière année de maternelle et le CE2. Il faut suffisamment d'enseignants devant ces élèves et ces apprentissages doivent être dispensés par les personnels les mieux formés et convenablement rémunérés. Le premier degré ne bénéficie que d'un peu plus de la moitié des créations de postes. Devant l'ampleur de ce défi, n'aurait-il pas été préférable de redéployer des moyens du secondaire vers le primaire ? La Cour des comptes a en effet rappelé que le lycée était excessivement doté. Or la moitié des 150 000 jeunes qui en sortent sans diplôme ni qualification, avait connu des difficultés entre le CP et le CE2. A ce propos, qu'en est-il de la mission, du rôle et du statut des directeurs d'école ?
Selon la Cour, le surcoût net des rythmes scolaires après les versements des aides de l'État et de la CNAF est compris entre 350 et 620 millions d'euros. Cette réforme a accru les inégalités sociales puisque 30 % des communes demandent une participation financière aux familles. Il manquerait 70 millions dans votre budget, si 100 % des communes signaient un projet éducatif territorial (PEDT), comme c'est d'ailleurs votre objectif. D'où viendrait cet argent ?
Il faudra des manuels scolaires pour les nouveaux programmes - rejetés d'ailleurs par le Conseil supérieur de l'éducation (CSE). Vous prévoyez 150 millions d'euros par an pendant deux années pour les nouveaux manuels du collège. Quid pour le primaire ? Certes, il n'appartient pas à l'État de fournir ces manuels mais aucun texte n'impose aux communes de le faire. Les familles et les communes devront-elles payer ?
En ce qui concerne l'orientation, l'enseignement professionnel et l'apprentissage, les crédits n'augmentent pas et les dispositifs de pré-orientation ont presque tous été supprimés : comment ferez-vous pour parvenir à 60 000 apprentis en 2017 et comment atteindre l'objectif du Président de la République de 500 000 apprentis ?
Mme Françoise Férat, rapporteure pour avis sur les crédits de l'enseignement technique agricole. - L'an dernier, nous avons eu la désagréable surprise de voir un amendement du gouvernement adopté par l'Assemblée nationale réduire les crédits du programme 143 de 2,5 millions d'euros, afin de financer le fonds de pérennisation pour la réforme des rythmes scolaires. Quel mépris pour l'enseignement agricole ! Il ne représente que 2 % d'une mission budgétaire de plus de 65 milliards d'euros. C'est une goutte d'eau dans votre budget. Avez-vous mesuré les dégâts occasionnés ? L'enseignement agricole, qui n'est en rien concerné par les rythmes scolaires, doit-il être à nouveau la variable d'ajustement du budget de l'éducation nationale ? Le montant des crédits au titre du fonds de soutien des collectivités locales au développement des activités périscolaires ne suffira probablement pas. Amputerez-vous à nouveau les crédits de l'enseignement agricole ?
Ce secteur est fragilisé par la forte baisse de ses effectifs, notamment en classe de quatrième et troisième. C'est une conséquence de la politique d'orientation menée par l'éducation nationale qui n'a pas dû vous échapper. Comment prévoyez-vous d'y remédier ? L'enseignement agricole forme à beaucoup de métiers : moins de 20 % des élèves deviennent agriculteurs ou producteurs.
Les établissements d'enseignement agricole, très dispersés, gagneraient beaucoup à mutualiser leurs moyens avec ceux de l'éducation nationale : les auxiliaires de vie scolaire (AVS) pourraient par exemple être mis en commun au sein des bassins de formation.
Enfin, à l'approche du onzième mois de l'année civile, les subventions aux organisations n'ont toujours pas été versées. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point ? L'enseignement agricole est un enseignement d'excellence. Il se retrouve sur une pente dangereuse. Voulons-nous, oui ou non, le préserver ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances. - Nos finances publiques sont extrêmement contraintes. Dans notre pays, l'enseignement secondaire est beaucoup plus coûteux que dans les pays comparables de L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Envisagez-vous d'adopter une attitude plus directive pour réduire les coûts de l'enseignement secondaire ? L'enseignement préélémentaire, l'internat, l'accueil des enfants handicapés, sont autant d'éléments de satisfaction.
Une politique de recrutement quantitativiste a pour contrepartie la stagnation voire la régression du pouvoir d'achat des enseignants. On peine à recruter dans certaines matières -lettres, mathématiques, anglais. Cette politique ne contribue-t-elle pas à dégrader le savoir-faire, la bonne volonté et l'engagement des professeurs ?
De très nombreuses collectivités territoriales ont déjà lancé des initiatives en matière de technologies de l'information et de la communication. Comment les concilier avec une intervention de l'État, telle que vous la prévoyez ?
Quid du statut de l'établissement public d'enseignement primaire ? Le directeur d'école pourrait devenir un véritable patron. Malgré les efforts considérables de regroupement déployés par les élus locaux, il reste des écoles sans directeur et des directeurs sans statut. Comment remédier à ce manque ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Monsieur Carle, on ne juge pas de la qualité d'une politique à son seul budget. Mieux vaut cependant avoir un budget si l'on veut conduire une politique, en particulier dans l'éducation nationale. Depuis 2012, la loi de refondation de l'école donne la priorité au primaire, avec la création de nouveaux postes dans les écoles : d'abord 1 000, puis 3 000 à la rentrée 2013, 2 355 en 2014, 2 511 en 2015 et 3 900 en 2016. Pour revaloriser la rémunération des enseignants du primaire, nous avons créé en 2013 une indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE). Cette prime de 400 euros sera régulièrement augmentée pour se rapprocher de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) du second degré.
Les surcoûts dans le secondaire ? Oui, sans doute, cependant la Cour des comptes se prononce sur la situation qui ressort de la réforme de 2010, conduite par la précédente majorité. Elle a également reconnu que la période 2010-2012 était de transition, avec la superposition de deux systèmes et les surcoûts afférents. Un bilan doit être lancé dans les prochaines semaines, et nous veillerons à prendre en chasse tous les surcoûts afin de dégager des marges de manoeuvre.
Un travail considérable a été accompli depuis 2013 pour revaloriser le métier d'enseignant. Avec tous les partenaires sociaux, nous avons lancé les chantiers métiers pour revoir les missions et les rémunérations de chacun. En créant l'indemnité pour mission particulière (IMP), nous avons valorisé l'implication des enseignants dans leur établissement scolaire. Quant aux directeurs d'école, nous avons augmenté leur décharge horaire, revalorisé leurs indemnités et allégé leurs tâches administratives, grâce à la mise en place de 15 000 contrats aidés.
Le point d'étape réalisé en juin dernier sur les rythmes scolaires a montré que pour la moitié des communes signataires d'un projet éducatif territorial (PEDT), les activités périscolaires étaient gratuites. La tarification est un choix des élus locaux, qui veillent à la progressivité en fonction des revenus des familles. S'engager dans un PEDT est le meilleur moyen de limiter les coûts pour les familles.
Depuis toujours, la compétence pour l'achat des manuels scolaires revient aux communes. C'était déjà le cas en 2008, lorsque Xavier Darcos était ministre de l'éducation nationale. En revanche, s'agissant des collèges, nous avons provisionné 150 millions d'euros pour 2016.
L'apprentissage est un sujet qui me tient à coeur, d'où l'engagement fort que nous avons pris : alors qu'on recense 40 000 jeunes apprentis sous statut scolaire, nous visons les 60 000 en 2017. Au-delà d'Affelnet, notre stratégie consiste à multiplier dans chaque académie les réunions d'information pour valoriser l'apprentissage. Et, nous avons mis en oeuvre le parcours avenir qui avance le premier contact avec le monde professionnel de la troisième à la sixième : des chefs d'entreprise viendront dans les classes, des journées portes ouvertes seront organisées...
Madame Férat, le budget de l'enseignement agricole ne me concerne pas directement. Vos suggestions de mutualisation sont néanmoins tout à fait pertinentes. Une tradition de coopération existe déjà entre les deux ministères, sur la carte scolaire, l'apprentissage des langues, les procédures d'affectation des élèves de troisième et de terminale. J'ai pris note de votre proposition sur les AVS.
Monsieur Longuet, je crois avoir répondu à beaucoup de vos questions. En ce qui concerne le recrutement, nous nous sommes réjouis, il y a quelques jours, de constater qu'il y avait beaucoup plus de candidats inscrits aux concours que l'an dernier, y compris dans des matières difficiles comme les mathématiques ou l'anglais. Nous devons poursuivre nos efforts. Il n'est pas surprenant que les étudiants des filières scientifiques soient plus attirés par des postes d'ingénieurs dans le privé. À nous de rendre nos métiers attractifs, ou de miser sur d'autres types de recrutement, en nous adressant par exemple à des gens qui souhaiteraient se reconvertir.
Quant au plan numérique, c'est une chance que les collectivités territoriales aient déjà lancé des initiatives. Loin de nous l'idée de faire du passé table rase. Pour le collège, le plan fonctionnera sur un appel à projets, de manière à ce que les départements intéressés s'entendent avec leur académie et leurs établissements scolaires pour monter un projet et évaluer les besoins. Nous accompagnerons leur choix, sans jamais imposer de modèle unique aux collectivités.
M. Jacques-Bernard Magner. - Un budget qui augmente de 600 millions d'euros par rapport à l'an dernier, même s'il reste autour de 65 milliards d'euros, c'est significatif, et remarquable dans la situation budgétaire actuelle. Pendant cinq ans, la tendance a été à la réduction du budget et des moyens. Peut-on faire mieux avec moins ? Ce n'est pas sûr : après avoir supprimé des postes, on crée désormais 60 000 sur cinq ans.
Ce budget donne la priorité à l'enseignement primaire et contient beaucoup de mesures qui contribuent à rendre l'école plus inclusive. Comme élu local, je vois de plus en plus de personnel attaché au service des enfants handicapés, au service des enfants en difficulté. Les directeurs ne revendiquent pas un statut de chef d'établissement. L'école n'est pas l'armée. Plutôt que d'un chef, elle a besoin de gens qui travaillent ensemble.
M. Jacques Grosperrin. - Coordonnés par qui ?
Mme Françoise Cartron. - Cela fonctionne très bien à l'école.
M. Jacques-Bernard Magner. - La coordination ne passe pas forcément par un chef. Regardons vers l'avenir plutôt que de revenir au passé, comme l'a proposé une récente commission d'enquête prônant la sanction, la répression ou la ségrégation. La formation des enseignants a été remise à niveau de sorte que les ESPÉ redeviennent attractives. Qu'avez-vous prévu pour intégrer dans la formation des enseignants, qu'elle soit initiale ou continue, des éléments pour réagir à des événements tels que ceux de janvier dernier ?
M. Jacques Grosperrin. - Vous soufflez le chaud et le froid. « Qui se justifie s'accuse », disait ma grand-mère. Ayez le courage de votre politique. Osez dire que vous souhaitez créer des postes, en sachant que ce sera difficile car le métier n'est plus attractif ; ou, que vous souhaitez plus de RASED, car ils ont été supprimés dans certains endroits alors qu'ils auraient pu y jouer un rôle. Vous êtes dans un bel exercice de communication pour nous montrer que l'augmentation du budget masque une politique qui n'est ni réaliste, ni objective, ni constructive. Bien sûr, il y a l'augmentation démographique ; il y a aussi l'augmentation phénoménale des démissions et des arrêts de travail dont vous n'avez pas parlé. Le ministère reste à cet égard dans le déni.
La gestion du numérique met en difficulté les collectivités territoriales, car elles n'ont pas les financements nécessaires, et les chefs d'établissement peinent à recruter des animateurs. Dans le Doubs, on compte 5 000 ordinateurs pour 44 collèges, et seulement deux personnes pour gérer ce parc informatique.
Si le socle commun est une priorité nationale, où est le fléchage du budget pour l'apprentissage de la natation ? Les chefs d'établissement sont obligés de prendre sur leur propre budget pour le financer. Acceptez que nous ne soyons pas d'accord sur ces principes.
Avancer l'âge de l'exposition à l'apprentissage est une bonne mesure, même si elle s'inscrit dans une idéologie problématique. Vous n'êtes pas la Mme Bahlsen de l'éducation nationale ! Quant à l'indemnisation pour mission particulière, pourquoi ne pas donner plus d'autonomie aux établissements en leur confiant une enveloppe « heures supplémentaires année » (HSA) qu'ils géreraient comme ils l'entendent ?
Mme Marie-Christine Blandin. - C'est mieux qu'avant, pour dire les choses simplement. Cependant, envisagez-vous une réflexion sur les salaires des enseignants, dont la rémunération s'établit à 70 % de celle des enseignants des pays européens ?
Dispose-t-on d'un outil comptable pour connaître tous les moyens affectés à chaque établissement et le taux de remplacement ?
En ce qui concerne la formation continue, notamment en lien avec la réforme du collège, je constate des disparités étonnantes. En Auvergne, on y consacre cinq jours de formation, auxquels s'ajoutent huit pour le numérique ; dans le Nord, ce sera cinq jours de formation et, comme on a tiré la sonnette d'alarme, un jour avec les maisons des sciences pour former les enseignants aux manipulations de physique, de chimie, etc. ; dans une autre académie, tous les enseignants vont suivre une formation au sein de l'armée, avec un module consacré à la reconnaissance des terroristes, un film vantant un char d'assaut sans chenilles et une distribution de prospectus d'engagement : on est loin du programme d'enseignement moral et civique du Conseil supérieur des programmes. Quel outil de contrôle et de pilotage vous donnez-vous ?
De nouveaux manuels scolaires vont entrer dans les collèges avec la réforme des cycles deux, trois et quatre. La simultanéité de la réforme du collège, tous cycles confondus, est-elle irrévocable ? On faciliterait le déroulement de la prochaine rentrée en remettant à plus tard la réforme du cycle quatre.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous sommes dans un débat assez convenu. Même si ce budget est le premier de l'État, il s'exprime dans un cadre contraint : 694 millions d'euros supplémentaires, c'est une augmentation de 1 % environ pour une inflation aux alentours de 1 %... Vous avez raison de vous fixer des objectifs ambitieux. C'est mieux, est-ce que cela sera suffisant ? À considérer le plafond d'emplois consommés, je ne suis pas aussi euphorique quant au nombre d'enseignants en présence des élèves. Le problème de la reconstitution du vivier continue à poser problème. Enfin, dans cette enceinte, on ne parle plus du tout de l'enseignement professionnel. Quelle stratégie engagerez-vous pour répondre aux difficultés bien réelles dans ce domaine, notamment en termes de réussite ou de poursuite d'études ?
Mme Mireille Jouve. - Les enseignants ont besoin de davantage de reconnaissance : cela passe par l'amélioration de leurs conditions de travail. Fin 2014, je vous avais interrogée sur leur suivi médical, car l'on peine à recruter des médecins de prévention pour l'assurer. Un rapport sur la médecine de prévention des trois fonctions publiques devait ouvrir des pistes de réflexion. Sommes-nous sur la bonne voie ? Il n'est pas normal que l'État demande aux collectivités territoriales de procéder à un suivi de ses agents sans que les enseignants en bénéficient.
Mme Françoise Férat. - Le programme 143 reste au coeur de votre mission. Qu'en est-il d'éventuels prélèvements pour la pérennisation des rythmes scolaires ? C'est un sujet qui me tient à coeur.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Je remercie M. Magner de ses appréciations. En ce qui concerne la formation des enseignants, un travail est en cours pour préciser le statut du mémoire demandé aux étudiants, mais aussi pour donner plus de place aux valeurs de la République, ainsi que pour développer les apprentissages professionnels. Le nombre d'élèves attirés par les ESPÉ a crû cette année de plus de 4 %, contre 2 % dans les autres filières : les ESPÉ sont devenus la voie royale pour passer les concours de l'enseignement. L'année passée, 70 % des admis étaient passés par une ESPÉ.
Alors que la formation continue avait été réduite comme peau de chagrin et qu'en 2012, nous avions trouvé son budget borné à 40 millions d'euros, celui-ci dépasse cette année les 70 millions d'euros. Ainsi, nous pouvons former les enseignants aux réformes que nous mettons en place, tout en leur proposant un plan de formation continue qui réponde à leurs demandes. S'il importe de s'inspirer des demandes exprimées, le contenu des formations doit être contrôlé.
La démission des professeurs semble être une obsession sur les bancs des Républicains. Les chiffres, pourtant, sont epsilonesques ! L'an dernier, sur 800 000 enseignants, seuls 385 ont démissionné.
M. Jacques Grosperrin. - Je parlais de ceux qui viennent de prendre leurs fonctions.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Sur les quelque 25 000 enseignants dans ce cas, le nombre de démissionnaires est d'environ une centaine.
M. Jacques-Bernard Magner. - C'est beaucoup moins qu'avant...
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - En effet : en 2010-2011, ils étaient 473. L'apprentissage de la natation ayant toujours fait partie des missions des établissements, il n'est pas nécessaire d'y consacrer un budget supplémentaire.
M. Jacques Grosperrin. - C'est une priorité nationale.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Il faut mieux communiquer sur ce sujet. Sur le préapprentissage à quatorze ans, est-il besoin de répondre ? Nous avons un profond désaccord sur le sujet. J'estime qu'on ne peut pas demander à un adolescent de quatorze ans de choisir son métier ni l'enfermer dans une voie dont il ne pourra plus sortir.
M. Jean-Claude Carle. - Et de le maintenir en situation d'échec ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - La souplesse que vous réclamez sera donnée par la réforme du collège, qui octroie au conseil pédagogique de l'établissement une marge d'autonomie de 20 % afin qu'il puisse s'adapter aux spécificités locales.
Des efforts ont été faits sur la rémunération des enseignants : augmentation de 400 euros par l'ISAE, hausse du nombre de personnels accédant à la hors-classe, création des indemnités pour mission particulière et doublement des indemnités REP et REP +. Nous pourrons désormais négocier avec nos personnels, grâce à l'accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR), sur leur rémunération et les déroulements de carrière. Nous commencerons dans les prochaines semaines, et cela sera très positif pour l'éducation nationale.
Nos systèmes d'information comptable sont assez performants et nous progressons chaque année dans la connaissance des coûts relatifs des différents établissements. Cela dit, l'extrême variété des situations rend les comparaisons difficiles. Ainsi, un établissement dans un territoire très attractif comptera de nombreux enseignants en fin de carrière : la masse salariale globale divisée par le nombre d'élèves sera très supérieure à celle que l'on observera ailleurs, où les enseignants seront plus jeunes. Comparaison n'est pas raison, donc.
Il me paraît essentiel de conduire la réforme du collège d'un seul bloc, puisqu'elle instaure à la fois un socle et des cycles.
Mme Marie-Christine Blandin. - Et sur le cycle quatre ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Les horaires de chaque discipline ont été repensés pour l'ensemble de la scolarité au collège. Ne pas faire entrer la réforme en vigueur pour tous les niveaux en même temps créerait des déséquilibres et priverait des vertus du travail collectif et interdisciplinaire au sein de l'équipe pédagogique.
Oui, Mme Gonthier-Maurin, il faut prêter plus d'attention au lycée professionnel. Voilà bien pourquoi j'ai décidé ouvrir cinq chantiers pour l'enseignement professionnel. D'abord, mettre en lien la cartographie des filières de la voie professionnelle et l'évolution à long terme des métiers qui les composent, sur laquelle j'ai demandé à France Stratégie une étude complète à un horizon de dix ou quinze ans. Puis, améliorer la première année de formation en lycée professionnel, puisqu'elle ne donne manifestement pas satisfaction. J'ai mis en place un groupe de travail associant les partenaires sociaux, qui me fera des propositions concrètes dans les prochaines semaines afin que nous puissions les appliquer à la rentrée prochaine.
Troisième chantier : la formation des enseignants des lycées professionnels en ESPÉ. Ceux-ci disaient que la formation dispensée ne tenait pas suffisamment compte de la singularité du métier de professeur en lycée professionnel. J'ai demandé aux inspections générales d'aller voir comment se déroulaient ces formations et de proposer des modalités pédagogiques adaptées. Le quatrième chantier porte sur l'orientation des élèves dans la voie professionnelle, car les passerelles existantes ne sont pas toujours utilisées. Enfin, des pôles de stage aideront les lycéens professionnels à trouver des périodes de formation en milieu professionnel.
Nous célébrons cette année les 30 ans de la filière professionnelle. Aussi serez-vous conviés à de nombreux événements. Par exemple, nous organisons un concours pour valoriser ce qui se passe dans les lycées professionnels, et une grande exposition se tiendra à Paris au printemps, avec la participation du photographe Reza...
La médecine scolaire traverse une crise d'attractivité, alors que les départs à la retraite sont nombreux. Ses missions ont été retravaillées avec les syndicats et nous menons avec le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) une réflexion sur la revalorisation de sa rémunération, qui aboutira en février. Si vous vous intéressez à ce problème, madame Jouve, votre aide est bienvenue.
Mme Férat a évoqué l'annulation de 2,5 millions d'euros de crédits. C'est la contribution du ministère de l'agriculture à ce qu'on appelle les aléas de gestion !
M. Michel Savin. - Environ 80 000 enseignants seraient dégagés de l'obligation d'animer une classe. Certes, ils ne sont pas payés par votre ministère, mais ils émargent tout de même au budget de l'État. Pourquoi ne pas redéployer ces personnels au lieu de continuer à recruter des milliers d'enseignants ?
La semaine dernière, nous avons adopté une proposition de loi relative au statut des sportifs de haut niveau. Nous avons en particulier adopté un amendement sur la formation à distance. Les établissements qui la dispensent ne peuvent bénéficier des crédits parce que les sportifs de haut niveau étant souvent en déplacement, les 200 heures ne sont pas effectuées sur place. J'espère que vous en tiendrez compte.
M. Jean-Claude Luche. - Président d'un conseil départemental, j'ai dû prendre en charge la maintenance du matériel informatique, pour un coût de 750 000 euros, soit un point de fiscalité supplémentaire. L'État baisse ses impôts et transfère aux collectivités territoriales la charge d'augmenter les leurs. Compenserez-vous ce coût supplémentaire ?
Mme Maryvonne Blondin. - Pour avoir participé jusqu'au bout au débat sur la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, je me félicite d'autant plus que nous ayons inscrit dans le code de l'éducation l'enseignement des langues et des cultures régionales. Des formations à la détection des signes de maltraitance ou de mal-être seront-elles dispensées dans les ESPÉ ?
Mme Dominique Gillot. - Comptez-vous réactiver le dispositif « Ouvrir l'école aux parents » à l'intention des enfants allophones qui arrivent dans nos écoles grâce à la générosité de certaines communes qui accueillent des familles de migrants ?
La loi sur l'enseignement supérieur et la recherche renforçait l'accompagnement des lycéens dans leur orientation par le dispositif « bac - 3/bac + 3 ». Il faut s'intéresser davantage à ce que doivent apprendre lycéens et étudiants qu'à la manière dont les professeurs doivent le leur enseigner.
M. Guy-Dominique Kennel. - Vous avez décidé la création d'un corps unique de psychologues de l'Éducation nationale, réunissant psychologues scolaires et conseillers d'orientation psychologues. Pourquoi ? Quel sera l'impact budgétaire de cette décision ? Ces personnels seront-ils intégrés dans les établissements scolaires et, surtout, seront-ils évalués ?
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je me réjouis de votre plan numérique, car je milite en ce sens depuis longtemps. Pourquoi le limiter au collège et qu'envisagez-vous pour le primaire ? M. Carle a évoqué le changement de manuels scolaires en primaire et au collège. Vous avez souhaité que ce changement se fasse d'un seul coup ; les éditeurs nous avaient alertés sur l'impossibilité d'un tel renouvellement. De plus, ce sont les communes qui financent les manuels scolaires. Ceux d'entre nous qui ont été adjoints à l'éducation savent bien qu'il s'agit d'une dépense importante, surtout en cette période. Que répondez-vous aux communes ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Lorsqu'un fonctionnaire de mon ministère est en détachement, ce n'est pas l'éducation nationale qui le rémunère, vous l'avez dit. Les détachements, qui ne coûtent strictement rien à mon ministère, lui sont profitables, car il peut être utile que certains professeurs acquièrent l'expérience d'autres milieux professionnels. Cela dit, le nombre de possibilités de détachement a été considérablement réduit ces dernières années, car nous avons besoin de professeurs devant les classes.
Le Conseil d'État a confirmé que la maintenance informatique était du ressort des collectivités territoriales compétentes. Il n'y a eu aucun transfert, aucune nouveauté. Au demeurant, le plan numérique prévoit bien que l'État dépensera un euro pour chaque euro dépensé par le département.
La médecine scolaire souffre d'un déficit d'attractivité. Nos pistes de réflexion pour revaloriser cette profession ne concernent pas uniquement la rémunération. Nous souhaitons aussi promouvoir l'accueil d'internes dans les services de médecine scolaire ou faciliter l'accès des médecins scolaires à la hors-classe. Nous avons rassemblé en un corps unique les psychologues de l'Éducation afin d'établir une continuité dans le suivi des élèves, surtout psychologique en primaire avant d'être axé sur l'orientation au collège et au lycée. Formés en commun, les personnels se transmettront mieux les informations et partageront des réflexes. Cette réforme a été très bien accueillie.
Nous créons 2 500 places supplémentaires dans le dispositif « Ouvrir l'école aux parents pour la réussite des enfants » afin de préparer l'accueil des parents allophones. Je souhaite que nous allions encore plus loin, en lien avec le ministère de l'intérieur.
Je vais faire dans les prochaines semaines, avec M. Mandon, plusieurs annonces sur le dispositif « bac - 3/bac + 3 ». Pour s'orienter vers les filières où ils ont le plus de chances de réussite, les lycéens doivent connaître le taux d'insertion professionnelle de chacune. Ainsi, nous réduirons le nombre de filières où sévit cet insupportable tirage au sort.
Mme Dominique Gillot. - Souvent, les professeurs du secondaire ignorent ce qu'on attend d'un étudiant à l'université - et inversement.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - C'est vrai, en particulier dans les lycées professionnels.
Nous avons décidé de donner la priorité au collège en matière de numérique car c'est le bon âge pour effectuer ces apprentissages - et aussi parce que c'est l'État qui est compétent sur les manuels, ce qui simplifie la mise en oeuvre. Cela ne signifie pas que l'État se désintéresse de ce que font les communes en ce domaine, au contraire : parmi les établissements pilotes, il y a cette année 300 écoles primaires. D'ailleurs, nous réfléchissons à la transition entre les équipements qu'elles mettent en place dans les écoles et ceux que nous installons dans les collèges.
Les éditeurs ont ressenti de l'inquiétude lorsqu'ils ont cru qu'on leur demanderait de changer tous les manuels scolaires en même temps, mais nous avons prévu un échelonnement sur deux ans. Cinq manuels seulement vont changer cette année. En primaire, le nombre de manuels est bien moindre qu'au collège. Et nous n'avions pas changé les manuels ces dernières années, ce qui faisait autant d'économies pour les communes.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie d'avoir répondu à l'ensemble de nos questions.
La réunion est levée à 20 h 55.
Mercredi 28 octobre 2015
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -La réunion est ouverte à 10h10.
Contrat d'Objectifs et de Moyens (COM) pour la période 2015-2019 entre l'État et Radio France - Audition de M. Mathieu Gallet, président directeur général de Radio France
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous accueillons ce matin M. Mathieu Gallet pour nous présenter le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de Radio France pour 2015-2019.
Je vous rappelle que selon les termes de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les COM déterminent en particulier pour chacune des sociétés de l'audiovisuel public pour une durée de 3 à 5 ans : les axes prioritaires de leur développement ; le coût prévisionnel de leurs activités ; le montant des ressources publiques devant leur être affectées ; le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ; les axes d'amélioration de la gestion financière et des ressources humaines ; et, le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l'équilibre financier.
Je me permets de rappeler à cet égard que Radio France connaît une situation déficitaire depuis 2014 et que son besoin de financement a été évalué à près de 170 millions d'euros par nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin dans leur récent rapport sur le financement de l'audiovisuel public.
Le projet de COM nous a été officiellement transmis par le Secrétariat général du gouvernement (SGG) il y a moins d'une heure. Une copie du rapport a été tenue à la disposition de ceux d'entre vous qui l'ont souhaité au secrétariat de la commission dès que nous l'avons reçu à titre officieux, et va vous être distribuée.
Je rappelle également qu'au terme de l'article 53 de la loi de 1986, notre commission dispose d'un délai de 6 semaines pour rendre un avis sur ce projet de COM à compter de sa transmission officielle.
M. Mathieu Gallet, président directeur général de Radio France. - Le projet de contrat d'objectifs et de moyens a été transmis au Sénat et à l'Assemblée nationale ainsi qu'au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et le Parlement dispose de six semaines pour l'examiner. Nous souhaitons qu'il puisse être adopté d'ici le mois de décembre. Ce COM lie l'Etat et Radio France sur la période 2015-2019. Plusieurs raisons expliquent le retard dans son élaboration : une situation financière dégradée qui a été découverte en 2014 et qui a donné lieu à un retard dans l'adoption du budget 2015, la nécessité de conduire de nombreux allers et retours entre l'Etat et l'entreprise afin de définir une nouvelle trajectoire financière et le conflit social du printemps dernier qui a nécessité le recours à une médiation. La trajectoire financière prévoit le retour à un équilibre d'exploitation en 2018. Nous avons souhaité que ce contrat soit plus ramassé, plus court, avec des objectifs moins nombreux afin qu'il soit plus facile à suivre pour la représentation nationale.
Ce COM comprend trois axes principaux.
Le premier vise à mettre la radio au coeur du projet et le public au centre de nos préoccupations. Cela se traduit par une stratégie éditoriale qui vise à rendre les sept radios du groupe parfaitement complémentaires. L'auditeur peut ainsi passer d'une antenne à l'autre afin de satisfaire ses envies de découverte, d'information, de débats, de musique... Les projets de développement numérique visent à toucher le public le plus jeune afin de lutter contre le vieillissement de l'audience. Le COM prévoit de renforcer la singularité de la production radiophonique en préservant en particulier les fictions.
Le deuxième axe de ce COM concerne la Maison de la Radio qui constitue à la fois un lieu de production et un lieu de contact physique avec le public. L'objectif est de créer des liens entre la production physique et l'expérience radiophonique. De nouvelles activités seront développées en matière pédagogique et l'accueil de publics scolaires sera développé. Nous visons également à accroître notre rôle de prescripteur culturel.
Le troisième axe consiste à donner les moyens à l'entreprise d'exercer ses missions, dans le cadre d'une contrainte budgétaire renforcée. La dotation d'équipement devrait être reconduite à l'identique jusqu'en 2018 tandis que l'Etat apporterait une subvention d'investissement complémentaire de 25 millions d'euros en 2016, 2017 et 2018 ainsi qu'une dotation en capital de 55 millions d'euros en 2016 et 2017. Radio France souscrira, par ailleurs, un emprunt de 70 millions d'euros. La fin du chantier devrait intervenir en 2018, mais elle ne comprend pas les studios moyens dont la rénovation devrait faire l'objet d'un examen avec l'actionnaire en 2016. Des efforts d'économie, d'amélioration des performances et de renforcement du pilotage sont prévus tandis que le plan d'affaires comprend également des économies sur les frais de diffusion, sur les achats, la grille de programmes et la masse salariale. Le décalage du retour à l'équilibre en 2018 permet d'éviter de recourir à un plan de départs volontaires, comme cela était encore envisagé au printemps. Un non-remplacement des départs est prévu ainsi que la stabilité à la baisse de la masse salariale sur la durée du COM.
Le COM comporte 13 objectifs ainsi que 11 indicateurs. Le projet d'entreprise permet de préserver les programmes et de se projeter dans l'avenir avec une nouvelle offre numérique.
M. Jean-Pierre Leleux. - Je souhaiterais tout d'abord saluer la qualité du document qui nous a été transmis et qui parle de manière très positive de la radio publique et de ses missions. Alors que l'on peut regretter une certaine banalisation de l'offre de France Télévisions par rapport aux chaînes privées, on retrouve, dans le projet de Radio France, une exigence sur les contenus et les valeurs qui font honneur au service public. Et je sais que cette exigence est partagée en particulier par les salariés et les producteurs. Alors que Radio France est probablement à un tournant de son histoire, il me semble nécessaire de rappeler l'attachement qui est le nôtre à l'existence de ce formidable outil au service de la culture et de l'intelligence.
Je rends aussi hommage au discours de vérité que l'on trouve dans ce projet de COM. Nous ne pouvons en effet qu'approuver le fait que selon ce document, je cite, « Radio France doit se transformer tout en restant elle-même » « avec la nécessité d'un retour à l'équilibre de ses comptes à l'horizon 2017 ». Vous avez également l'honnêteté de reconnaître que l'audience vieillit et que vous ne vous adressez plus, dans les faits, à l'ensemble de la population, ce qui pourrait affaiblir à terme votre légitimité. Nous sommes donc dans une large mesure d'accord sur le constat.
Certains des axes stratégiques prévus par le COM nous semblent également satisfaisants, je pense, en particulier, au fait qu'une évaluation du nouveau positionnement éditorial du Mouv' décidé en février 2015 sera réalisée fin 2016. Il est, à mes yeux, essentiel que la direction de Radio France ait pu avoir la liberté de conduire cette relance éditoriale, mais il est aussi indispensable de prévoir des clauses de rendez-vous. Si l'audience du Mouv n'atteint pas ses objectifs d'ici la fin de l'année - soit 0,8 point d'audience - un basculement vers une webradio et une réallocation des moyens deviendront alors inévitables.
Au-delà de ces points importants sur lesquels nous nous retrouvons, je souhaiterais avoir des précisions sur les points suivants.
Pourquoi ce projet de COM nous est-il soumis si tard ? Contrairement à son intitulé, ce COM ne concernera pas l'année 2015 qui, à maints égards, restera comme une « année blanche » pour la radio publique. L'année dernière, vous évoquiez une adoption fin décembre 2014 pour un examen au Parlement au premier trimestre 2015. Comment expliquer ce retard ?
Comment expliquer que le COM ne tient pas compte du projet de chaîne d'information en continu auquel vous êtes maintenant associé ? Il s'agit d'un axe stratégique de développement de l'audiovisuel public qui n'est évoqué que de manière très allusive en page 27 - « Radio France s'efforcera de rechercher toutes les synergies possibles dans tous les domaines, en particulier dans le domaine du numérique mais également dans le domaine de l'information »-. Quitte à préparer un COM avec retard, pourquoi ne pas avoir attendu afin qu'il soit complet ? N'aurait-il pas mieux valu coordonner davantage le COM de Radio France avec celui de France Télévisions pour fixer les conditions de mise en oeuvre de ce projet qui interpellent beaucoup les syndicats de Radio France ? Quelle forme va prendre cette coopération ? Quels moyens vont être mobilisés ? Quel sens donner à votre projet de France Info Media global dans ces conditions ?
Concernant la situation financière de Radio France, le COM évoque plusieurs fois un retour à l'équilibre à l'horizon 2017 alors que les prévisions de l'entreprise parlent d'un déficit de 6,458 millions € en 2017 et d'un léger bénéfice en 2018 (+2,785 M€) ceci dans un contexte de recours important à l'emprunt. Nous sommes bien conscients que c'est l'État qui fixe l'équation financière, mais quelle crédibilité donner à des promesses d'investissements complémentaires de 25 M€, en 2017 et 2018, et d'une dotation en capital de 55 M€, en 2016 et 2017, qui devront être honorées pour partie par un autre gouvernement ? Quel crédit donner également à un document qui renvoie à la majorité qui sera élue en 2017 - quelle qu'elle soit- la charge d'assurer le retour à l'équilibre en 2018 ?
Pourquoi certaines réformes sont-elles également repoussées à 2017 ? Le COM évoque en particulier les recommandations faites par M. Stephan Gehmacher en juin 2015 concernant l'avenir de la stratégie musicale et le dimensionnement des formations qui devront, selon le document, donner lieu à une réforme « à l'issue de la première année d'exécution du COM ». Concernant le Choeur par exemple, avec ses 115 membres, il constitue selon M. Gehmacher - je cite - « une exception absolue parmi les choeurs professionnels » qui comptent la plupart du temps une cinquantaine de membres. De la même manière, les effectifs de l'Orchestre philharmonique de Radio France se situent - je cite encore - « au-dessus de celui d'ensembles semblables en dehors de France ». M. Gehmacher évoque la possibilité de synergies pour combler des remplacements ou permettre des renforts. Pourquoi remettre à 2017 ces questions ?
M. Mathieu Gallet - Je vous remercie d'avoir salué le travail qui a été accompli par les équipes de Radio France. Je ne crois pas cependant que l'on puisse qualifier l'année 2015 d'« année blanche ». Dès mon arrivée en mai 2014, nous nous sommes efforcés de repenser l'offre éditoriale pour offrir de nouveaux programmes dans un temps très contraint. Les nouvelles grilles ont permis d'obtenir des succès d'audience lors de la saison 2014-2015 et ont été reconduites à la rentrée 2015. La Maison de la Radio a été ré-ouverte au public le 14 novembre 2014 avec l'inauguration du nouvel auditorium, qui constitue notre deuxième métier. L'année 2015, marquée par un déficit de 21 millions d'euros, a été employée à remettre l'entreprise sur les rails, avec la perspective d'un retour à l'équilibre en 2018. Des groupes de travail ont été constitués concernant le réseau France Bleu, la production radiophonique et la musique qui ont permis d'enrichir le projet de COM. L'année 2015 a donc été difficile mais utile.
Vous avez également fait référence, Monsieur Leleux, au vieillissement de notre audience. Il est vrai qu'à Radio France, l'audience moyenne s'établit à 57 ans, soit 10 ans de plus que l'âge moyen de la population française, qui demeure l'étiage pour la radio française dans son ensemble. Pire, la situation de Radio France en la matière ne cesse de se dégrader. Ce phénomène s'explique par le fait que, depuis la libéralisation du secteur au début des années 80, la quasi-totalité des stations destinées aux adolescents et aux jeunes adultes, Mouv' mis à part, appartiennent aux chaînes privées. Avec la création de Mouv' en 1997, Radio France a tenté d'attirer cette population mais, vingt ans après, ne disposant que de 30 fréquences, l'offre publique à destination des jeunes demeure très limitée. À titre de comparaison, le groupe NRJ bénéficie d'environ 400 fréquences. Pour sa part, FIP, pépite musicale du service public, dont l'âge moyen des auditeurs tourne autour de la quarantaine, n'est présente que sur dix fréquences. En conséquence, Radio France n'est présente musicalement sur l'ensemble du territoire que par la voix, classique, de France Musique. Loin de considérer ce constat comme une fatalité, Radio France a engagé, en 2015, un ambitieux chantier d'adaptation de l'offre éditoriale de Mouv', composée à 75 % de musique. Désormais les cultures urbaines, le hip-hop et le R'n'B sont au coeur de la programmation aux fins d'attirer les 13-24 ans. Pour autant, les évolutions constantes des pratiques des plus jeunes en matière d'écoute musicale ne permettent pas d'affirmer avec certitude que la nouvelle mouture de Mouv' sera un succès. Pour cette raison, un point de rendez-vous est prévu sur ce dossier par le contrat d'objectifs et de moyens (COM) de Radio France.
J'ai en revanche, Monsieur le sénateur, plus de difficultés à me prononcer sur les conséquences que pourrait avoir, selon vous, sur le COM, un éventuel changement politique à la tête de l'État en 2017. Il me semble en réalité que l'État s'est engagé en tant que tel pour cinq ans. Or, Radio France a absolument besoin de cette visibilité dans la durée, quand bien même la représentation nationale est amenée chaque année à voter le budget.
Les travaux menés cet été par Stephan Gehmacher, directeur de la Philharmonie de Luxembourg, sur les formations musicales de Radio France ont été particulièrement instructifs, d'autant plus que l'auteur bénéficiait de toute la légitimité en raison de ses compétences et à sa gestion saluée du service public de l'audiovisuel de Bavière, dont les caractéristiques sont proches en de nombreux points de celles de Radio France. Je ne vous cacherai pas, néanmoins, que la réception de ses conclusions a quelque peu secoué nos musiciens, notamment s'agissant de sa proposition relative à un orchestre philharmonique à géométrie variable. Ce rapport va - j'en suis convaincu - nous permettre de construire à Radio France une offre musicale dotée d'une véritable identité, afin de la faire émerger dans un contexte où le nombre de salles parisiennes ne cesse de croître : 2015 a ainsi vu la Philharmonie être inaugurée tandis que les équipements de l'Ile Seguin devraient être accessibles en 2017. Notre réflexion relative à l'affirmation d'une identité culturelle propre à Radio France s'appuie, en outre, sur les travaux menés sur ce thème par Marie-Pierre de Surville.
Enfin, Monsieur Leleux, vous avez souhaité connaître l'état d'avancement des travaux préparatoires à la création d'une chaîne d'information du service public. Les discussions, menées par Laurent Guimier pour Radio France et Germain Dagognet pour France Télévisions, sont en cours, raison pour laquelle nous n'avons pas souhaité faire apparaître ce point dans le COM. À la fin du mois de novembre, si nous souhaitons être capables de lancer une offre à l'automne 2016, une feuille de route devra avoir été élaborée. Tel est mon souhait, partagé par Delphine Ernotte comme par l'ensemble des présidents des sociétés de l'audiovisuel public.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Il faut saluer ici le bel outil que représente Radio France, garant de la mission de service public sur les ondes, ce que votre COM rappelle à bon escient. Mes questions porteront sur des points très pratiques. Je souhaiterais en effet que vous nous apportiez des réponses plus précises s'agissant des engagements de votre groupe sur la diminution des effectifs d'ici à 2019, sur la base du non-remplacement des départs en retraite, et sur la limitation du recours à l'intermittence. Par ailleurs, comment envisagez-vous l'adaptation du réseau de France Bleu, qui dispose de 44 stations locales, à la réforme territoriale, qui verra la création prochaine de 13 grandes régions ? Pouvez-vous également préciser les conditions concrètes de la mise en oeuvre de votre objectif de nomination d'un nombre plus élevé de cadres femmes, notamment au sein du réseau Bleu ? Enfin, qu'en est-il des perspectives de la banque de programmes de service public Sophia ? Des rumeurs courent sur sa cession, pour une somme symbolique, à un opérateur privé. Nous confirmez-vous cette information ?
M. David Assouline - Je partage parfaitement les propos tenus par mes collègues Jean-Pierre Leleux et Brigitte Gonthier-Maurin sur la nécessité de maintenir, voire de renforcer le service public de la radio, qui représente un pan trop souvent négligé du service public de l'audiovisuel. À mon sens, l'enjeu majeur se trouve dans le lien par trop distendu des stations du groupe avec le public, marqué notamment par le vieillissement constant de l'audience. Or, comment imaginer que les Français consentiront éternellement au financement, via le paiement de la contribution à l'audiovisuel public, de stations que seule une minorité de la population écoute ? À cet égard, je suis particulièrement inquiet de la difficulté dont fait état Radio France à endiguer cette tendance. Il est selon moi essentiel que le COM fixe des objectifs chiffrés à chaque chaîne, au-delà du seul Mouv' et de votre présence sur Internet, en matière de rajeunissement de l'audience. Un tel objectif a nécessairement des conséquences sur les contenus diffusés et les personnalités invitées, même si j'estime qu'il n'est pas du rôle du politique de s'en préoccuper. Sur ce point, Monsieur Leleux, je considère qu'il n'est pas dans l'esprit d'un contrat pluriannuel signé par l'État, d'être modifié par le résultat d'élections à venir.
Je souhaiterais terminer mon intervention en saluant le travail réalisé par vos salariés : la radio n'est pas un média désincarné, mais le fruit de l'engagement d'hommes et de femmes d'une grande qualité professionnelle. Dès lors, la dégradation récente du climat social dans vos murs ne doit pas cesser de nous inquiéter. Le malaise des salariés de Radio France, exprimé lors du dernier conflit social, me semble aller au-delà des seules questions d'emploi et de salaires. Avez-vous engagé des actions spécifiques de lutte contre la souffrance au travail, notamment celle exprimée par les personnels techniques et administratifs, qui, en raison de la nature de leurs tâches, ne sont nullement gratifiés par un passage à l'antenne ?
Mme Colette Mélot. - Je tiens à féliciter M. Gallet pour la qualité du document qu'il nous a transmis. Je me réjouis du rôle majeur que Radio France tient dans la diffusion d'une offre culturelle remarquable ainsi que des partenariats noués avec des festivals locaux.
Le document que vous nous avez transmis indique que France Bleu confirme son rôle de promoteur des langues et des cultures régionales : pouvez-vous nous apporter quelques précisions à ce sujet ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer ce que vous prévoyez pour l'outre-mer ?
Mme Marie-Christine Blandin. - Nous tenons tous à Radio France, à sa « singularité » que vous avez soulignée, mais aussi à sa « qualité ». La publicité y tient une place moindre que sur les radios privées et vous accordez une place de choix à la culture technique et scientifique : bravo !
Le COM indique, en page 19, que la récolte de données personnelles devrait permettre de mieux répondre aux goûts des auditeurs. Cette démarche, qui se rapproche de celle d'un Google et aboutit à segmenter les publics, me semble contraire à la mission de service public et de lien social qui est celle de Radio France.
A l'instar de ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin, je souhaiterais également avoir quelques précisions sur les projets de revente de Sophia, la banque de programme de Radio France qui permet aujourd'hui d'accompagner de nombreuses radios associatives.
M. Loïc Hervé. - Je veux remercier M. Gallet pour ses propos très synthétiques.
Votre deuxième objectif est relatif aux nouveaux usages de la radio. Dans quels outils allez-vous investir ? Quels sont, outre l'hyper-concurrence, les écueils, techniques ou réglementaires, qui pourraient se dresser devant vous ?
M. Mathieu Gallet. - S'agissant de France Bleu, nous agissons dans un cadre contraint (disponibilités des fréquences, moyens budgétaires), mais je souhaite néanmoins que l'enrichissement de son réseau se poursuive, en particulier avec l'implantation d'une nouvelle station dans le Rhône, sur un bassin de plus d'un million d'habitants.
Les langues régionales continueront à être diffusées sur Radio France et notamment France Bleu, avec un développement de notre offre au travers de l'outil numérique. Le nouveau site de Radio France et l'application « France Bleu » le permettent déjà mais nous devons aller encore plus loin, avec notamment le développement des podcasts. Outre-mer, nous sommes présents via des programmes croisés avec le réseau outre-mer 1ère.
Le risque d'un décrochage entre la radio de service public et notre jeunesse existe et c'est l'un de mes soucis majeurs. Nous adaptons notre offre à ce public, via notamment Mouv' qui reprend les codes et le langage des nouvelles générations d'auditeurs et qui emprunte des canaux de diffusion également adaptés : Mouv' occupe 30 fréquences FM mais se développe de plus en plus sur le numérique ou est également disponible, en complément, Mouv'Extra. Le rajeunissement des auditoires des autres chaînes du groupe est plus délicat à opérer compte tenu notamment des habitudes d'écoute.
M. Frédéric Schlesinger, directeur délégué aux antennes et aux programmes de Radio France. - Le sport, par exemple, est une thématique qui fédère les publics de toutes générations. Nous allons mener une grande réforme des services des sports, actuellement éparpillés sur différentes chaînes, pour assurer notamment la retransmission de grands événements sportifs. La part des auditeurs entre 34 et 49 ans s'est diluée au profit d'une chaîne concurrente qui a mieux réussi dans ce domaine. France Info est destinée à devenir un acteur plus référent du suivi des activités sportives. Cela devrait avoir un impact sur notre audience.
Sur France Inter, l'objectif est de renouer avec la tranche d'âge des 34-49 ans dont le poids pourrait être un peu plus important dans son auditoire. Nous constatons déjà une progression sur ce point. Cela fait l'objet d'un travail quotidien et vous avez sans doute noté l'effort déployé dans ce sens sur France Culture, même si l'audience à destination des populations étudiantes y est plus faible. C'est une préoccupation permanente qui requiert une oeuvre colossale pour parvenir à inverser les tendances.
M. Mathieu Gallet - Le but est d'éviter un décrochage massif des auditeurs. Au-delà du sport, l'humour tient une place importante sur nos ondes. De nouveaux et nouvelles humoristes, comme Charline Vanhoenacker ou Sophia Aram, par exemple, nous permettent, grâce à l'écoute en numérique et la ré-écoute en podcast, de toucher un public plus jeune et également plus féminin. La dernière pastille humoristique de Sophia Aram a été vue sur internet plus de trois millions de fois en trois jours. C'est aussi par le biais de la chronique que l'on peut rajeunir notre auditoire.
Je vous remercie de saluer notre souci de la culture scientifique et technique, qui rencontre un public important sur France Inter ou sur France Culture dans la France entière. Ce qui montre bien que cette transmission, que nous sommes, par ailleurs, les seuls à proposer, fait partie de notre mission.
La bande de données de programmes d'information et de programmes plus généralistes Sophia nous préoccupe depuis plusieurs années, notamment, son rôle et la façon dont nous pouvons accompagner les radios associatives pour leur permettre d'avoir accès à l'information. Une réflexion est en cours et le comité d'entreprise Paris-Ile-de-France qui se tiendra en novembre ne manquera pas de l'évoquer.
M. Frédéric Schlesinger - Sophia est une bande de programmes née dans les années 90, au début du numérique, à une époque où la concurrence était faible. A la fin des années 2000, Radio France avait trouvé une sorte d'équilibre puisque il opérait non seulement Sophia mais aussi le site 107/7 sur une partie du territoire. Nous avons perdu le client 107/7 et, depuis, Sophia évolue avec des pertes récurrentes importantes dans un environnement où la concurrence s'est développée. Parmi les offres que nous déclinons pour les radios associatives, celle qui fédère le plus est l'offre d'information. Le film musical et les chroniques, proposées à l'origine, sont de moins en moins vendus et il n'est pas question pour nous d'abandonner au service privé le soin de servir en information les radios associatives.
Nous avons été approchés par différents repreneurs potentiels ces derniers mois. Nous avons refusé toutes ces approches. Un point essentiel pour nous est la reprise de l'ensemble du personnel. Or ces potentiels repreneurs n'étaient intéressés que par le rachat d'une activité et d'un portefeuille client. Pour le moment, nous discutons avec un groupe extrêmement sérieux, dont je tairai aujourd'hui le nom, acteur référent de l'économie sociale et solidaire qui, avec 12 000 collaborateurs en France, manie les approches collaboratives.
Nous avons fixé cinq conditions préalables au rachat : l'agrément du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), celui du ministère de la culture et de la communication, la reprise des huit collaborateurs en contrat précaire - contrat à durée déterminée d'insertion (CDDI) ou contrat à durée indéterminée (CDI) - et l'agrément des syndicats professionnels. Ce repreneur potentiel échange d'ailleurs avec les syndicats professionnels pour adapter la démarche éditoriale à la réalité des besoins des radios associatives auxquelles l'essentiel de notre métier est de fournir des informations.
La mise à niveau de la technologie pour Radio France, si nous voulions nous redéployer, exigerait beaucoup de moyens dans un métier où, à côté de l'information, l'alternative est riche. Nous savons déjà que les films musicaux et les chroniques vont s'éteindre dans le temps.
Quand vous connaîtrez le nom du groupe repreneur qui possède déjà de nombreux médias, associatifs, collaboratifs, de lien social, vous serez sans doute rassurés.
M. Mathieu Gallet - S'agissant de l'« innovation technologique », nous consacrons 1 % de notre budget au numérique. C'est beaucoup trop faible. Que ce soit sur la question de l'investissement ou du fonctionnement, nous n'avons évidemment pas fixé un objectif ferme dans le COM. Mais il fait partie de notre trajectoire de faire progresser ce budget dédié au numérique.
Dans le cadre du COM, nous avons prévu de créer 20 postes en net sur une période de deux ans. L'aspect numérique sera particulièrement concerné. Cette compétence, nous ne l'avons pas aujourd'hui, mais cela n'empêche pas une formation de nos collaborateurs dans ce domaine.
Il n'y a pas aujourd'hui d'écueil qui pourrait nous empêcher de nous redéployer. C'est une question de temps et de moyens. J'ai souhaité, au détriment même d'autres chaînes, que la refonte du numérique de France Bleu soit une priorité. Le nouveau site France Bleu et sa nouvelle application constituent un socle qui va permettre d'enrichir à terme France Culture et France Inter. France-Musique et FIP pourront également en bénéficier. Les nouvelles chaînes en web radio viendront compléter l'offre de FIP et renforcer le lien avec nos auditeurs.
Sur les effectifs, le fait d'avoir renoncé à l'équilibre non pas fin 2017 mais à l'horizon 2018 nous permet d'éviter la mise en place d'un plan de départs volontaires sur un an et demi. Nous avons trois ans pour retourner à l'équilibre. Nous allons procéder au non-remplacement des départs naturels qui s'élèvent de 150 à 180 postes par an. En 2017, nous remplacerons un départ sur 2, en 2018 1 sur 3 pour revenir ensuite au remplacement de chaque départ.
En parallèle, des créations de postes permettront, d'une part, la mise en oeuvre de France Bleu Rhône et, d'autre part, l'enrichissement en matière de numérique et le développement de propositions musicales. Il faut placer Radio France dans le paysage culturel parisien. Nous sommes un producteur culturel, un producteur radiophonique. Des comédiens seront engagés pour nos fictions radiophoniques.
Les contrats à durée déterminée sont liés à l'évolution de nos grilles de programmes. Nous recourons aujourd'hui encore trop à des contrats à durée déterminée d'usage (CDDU) dans certains domaines. Nous allons faire un effort et travailler avec le ministère de la culture et de la communication pour nous améliorer sur ce point tout en gardant néanmoins une souplesse nécessaire au fonctionnement d'une maison de création comme Radio France.
Un certain nombre de journalistes sont en CDD. 80 journalistes viendront compléter et remplacer nos titulaires dans le réseau France Bleu, notamment dans les périodes de congés. Dans le cadre du COM, nous avons prévu de réduire un certain nombre de CDD par une meilleure planification des budgets au cours de l'année. Des améliorations sont à apporter au niveau des chaînes nationales dans les mois à venir.
Le climat est aujourd'hui vers un retour au travail. Il reste une inquiétude mais que l'on retrouve aussi au niveau national. Le soutien financier de notre actionnaire, notamment les 80 millions d'euros de l'Etat, pour finir le chantier dans son périmètre actuel, a été bien perçu par l'entreprise. La difficulté est de maintenir l'excellence dans un cadre économiquement contraint et avec des évolutions technologiques constantes. L'entreprise doit pouvoir se projeter dans l'avenir, forte de son histoire et de ses succès. Sinon, le principal risque sera le décrochage entre le service public radiophonique et son public.
Je partage les préconisations exprimées par MM. Gattolin et Leleux dans leur rapport sur le financement du service public de l'audiovisuel. Nous avons l'obligation que le financement corresponde à un financement ad hoc spécifique et au changement d'usage. La seule détention d'un téléviseur comme base de la contribution à l'audiovisuel public est totalement dépassée et incongrue pour financer des missions radiophoniques. Je m'inscris pleinement dans la proposition sur le forfait universel.
C'est à nous d'intéresser la jeune génération qui doit aussi comprendre que les missions de service public ne sont pas gratuites. La jeune génération a tendance à penser que la musique est gratuite à travers le piratage et la consommation sur les plateformes de partage sur Internet. Je considère que l'ensemble des publics doit contribuer au bon fonctionnement des services publics.
Mme Sylvie Robert. - J'aurais aimé avoir des réponses plus précises sur Sophia, et notamment sur le calendrier. Peut-on espérer avoir des réponses avant la fin de l'année ?
Ma seconde question porte sur le rajeunissement des audiences.
France Inter est venu à Rennes et je voulais vous en remercier. La participation du public a été bonne. Mais j'ai observé la moyenne d'âge du public et je partage votre analyse. Elle était bien supérieure à celle des Transmusicales, révélateur des artistes de demain, dont France Inter fut un temps partenaire. Le service public n'encourage pas assez la prise de risque. C'est bien de spécialiser les radios mais il faut aussi adresser des messages aux jeunes sur des antennes généralistes pour réunir l'ensemble des générations. Ce serait une stratégie intéressante.
Enfin, sur la question des usages, on fonctionne maintenant avec les « applis ». Là, on parle de stratégie digitale.
M. Jacques Grosperrin. - 14 millions d'auditeurs par jours, c'est exceptionnel ! Nous en sommes ravis car nous sommes très attachés à ce secteur.
Mes trois questions portent sur la particularité de l'audiovisuel en France et sur la place de votre entreprise dans ce paysage, sur la sauvegarde de Radio France qui doit passer par une révision en profondeur de la gestion des ressources humaines, et sur un parallélisme avec le conflit qui s'est déroulé à Air France.
Mme Samia Ghali. - Radio France est à la pointe de l'information avec des émissions de qualité. Par contre, il reste du travail à faire en matière de renouvellement des audiences, notamment à destination de la jeunesse. Avez-vous l'intention de faire de la production avec vos studios d'enregistrement ? Il en manque dans la musique urbaine. Vous avez là un créneau à saisir. Est-ce que cela peut vous intéresser ?
Les jeunes n'écoutent pas beaucoup les radios publiques. En même temps, les jeunes ignorent la notion de service public. Ne pourrait-on pas effectuer un travail avec l'éducation nationale pour faire découvrir le service public à travers la radio ?
Je pense enfin que dans ce secteur, le public est encore plus jeune que vous imaginez. Il faut aller les chercher bien avant 13 ans, dès le primaire !
M. Michel Savin. - Je siège au Conseil d'administration de Radio France et si les débats ont été parfois tendus, j'ai pu observer que tous les représentants avaient pour objectif de pérenniser et renforcer l'entreprise. Depuis quelques mois, chacun a pris conscience qu'il devait faire un pas pour trouver une solution.
Mes trois questions portent sur le retour à l'équilibre de Radio France à travers la maîtrise de sa masse salariale qui représente 60 % de son budget, sur le manque de garantie dans le COM concernant l'encadrement de la publicité sur les contenus numériques et enfin, sur les mesures à prendre pour éponger les pertes estimées à 20 millions d'euros en 2016.
Mme Maryvonne Blondin. - Pour moi, Radio France se fonde de longue date sur le triptyque : informer-éduquer-divertir.
Je voudrais vous interroger sur le réseau France Bleu, auquel nous sommes tous très attachés ici en raison de son rôle dans le domaine de l'information au niveau local et pour le temps d'antenne qu'il accorde aux langues régionales. Ce réseau confère à mon sens une double identité à Radio France, groupe d'envergure nationale tout à la fois fortement ancré dans nos territoires.
Pouvez-vous me confirmer qu'un tiers des personnels de Radio France se trouve en région ? Cela engendre certainement des difficultés en termes d'organisation, de programmation. Cela a aussi un impact sur les conditions de travail. Je prendrai l'exemple de mon département, le Finistère, où la station France Bleu actuellement basée à Quimper dans des locaux vétustes doit déménager à Brest, ce qui suscite quelques remous. Pour en avoir parlé avec plusieurs membres du personnel sur place, je crois toutefois que la majorité est favorable à ce transfert, qui n'entraînera pas pour autant la fin de l'activité à Quimper.
Je voudrais savoir par ailleurs s'il est vrai que Radio France est le premier employeur de comédiens en France. C'est une information que j'ai retrouvée dans plusieurs rapports et cela ne va pas sans susciter des questions sur le statut de l'intermittence et le recours aux CDDU. Qu'en est-il enfin de la féminisation des postes de responsabilité au sein de votre entreprise ?
Mme Corinne Bouchoux. - J'ai noté, en consultant notamment le récent rapport de nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, que votre budget faisait preuve d'un certain optimisme en matière de recettes publicitaires. Ma question est simple : peut-on raisonnablement être aussi optimiste en matière publicitaire pour les cinq années qui viennent, sans prendre le risque de mettre en doute la sincérité des prévisions budgétaires ?
M. Mathieu Gallet. - Nous nous fondons sur un budget publicitaire volontariste, ce qui ne signifie pas que nos prévisions budgétaires sont insincères. Au cours des années à venir, Radio France va devoir faire évoluer le cadre dans lequel elle opère en matière publicitaire. Nous vivons en effet une situation d'insécurité juridique depuis le récent jugement du Tribunal de commerce de Paris qui a estimé que Radio France diffusait des spots de publicité en dehors du périmètre autorisé par son cahier des charges. De même, il existe une insécurité économique : Radio France a perdu depuis 2008 près d'un quart de ces annonceurs publics, principalement les collectivités territoriales en raison des contraintes budgétaires qui pèsent sur elles. Il est donc impératif d'élargir notre panel à d'autres types d'annonceurs, tout en préservant le confort d'écoute de nos auditeurs qui se caractérise par une présence publicitaire limitée sur nos antennes.
Dans le cadre de notre budget, nous souhaitons développer l'aspect numérique et maintenir notre action dans le domaine hertzien. Je voudrais souligner également que nous avons pour objectif de diversifier nos recettes grâce à la billetterie de nos concerts et en proposant un certain nombre de services au sein de la Maison de la Radio. Il s'agit ainsi de développer l'activité de producteur culturel au sein de la Maison de la Radio.
Je me réjouis de constater que nous partageons les mêmes préoccupations au sujet de la jeunesse. Ce souci se traduit dans notre programmation par une place accrue pour le sport et l'humour comme je l'ai dit tout à l'heure. L'humour se prête particulièrement aux nouveaux modes de diffusion privilégiés par les jeunes, podcasts et vidéos en format court. Leur partage permet d'étendre la notoriété de nos chaînes dans cette catégorie de population. De même, nous avons à coeur de soutenir les jeunes talents, comme ce fut le cas récemment de France Inter avec l'artiste Christine and the Queens, que nous avons détectée avant même la sortie de son premier disque, fait partie des missions essentielles de France Inter, sous l'égide du directeur musical, Didier Varrot.
En matière de partenariat, nous avons souhaité clarifier le rôle de chacune de nos chaînes dans leur politique de soutien aux festivals musicaux. Il ne nous semblait pas très cohérent que plusieurs de nos antennes apportent leur soutien à une même manifestation. Ainsi, FIP est désormais l'unique partenaire des Transmusicales de Rennes. Cette situation n'empêche pas le festival de bénéficier du soutien de l'ensemble du groupe Radio France. Nous avons créé un comité des partenariats qui évalue en fonction de critères éditoriaux, artistiques et programmatiques quelle chaîne est la plus indiquée pour soutenir tel ou tel évènement. Cela permet de développer l'identité de nos différentes antennes, alors que France Inter est toujours la plus sollicitée.
Madame Blondin, je vous confirme que Radio France est le premier employeur de comédiens en France en raison du nombre important de fictions dans nos programmes. Le personnel en région représente bien un tiers des effectifs de Radio France. J'effectue un déplacement par mois dans les stations France Bleu : j'ai ainsi pu échanger récemment avec les personnels de France Bleu Armorique, à Rennes. En ce qui concerne le cas des locaux de France Bleu Breizh Izel que vous évoquez, il est encore trop tôt pour se prononcer. Claude Escaline, directeur du réseau France Bleu, suit ce dossier de près avec l'aide de la direction des ressources humaines du groupe et en lien avec les instances représentatives du personnel. L'objectif de cette opération est d'obtenir au final un meilleur service de proximité.
L'instauration de la parité au sein du réseau France Bleu n'est pas chose évidente.
M. Claude Escaline.- Il y a une quarantaine de cadres féminins dans le réseau France Bleu. C'est insuffisant. Je travaille avec mes équipes afin de faire en sorte que ce nombre augmente. Nous avons des collaboratrices de grand talent, parmi les responsables de rédaction ou de programmes. Nous souhaitons augmenter en particulier le nombre de directrices de station, actuellement limité à trois.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Il n'existe pas d'indicateurs de suivi ? Je suis surprise.
M. Mathieu Gallet. - Il n'y a pas d'indicateurs de suivi aujourd'hui. La féminisation des postes de responsabilité était un des engagements que j'avais exprimé devant le CSA. Il y a actuellement trois directrices de chaînes sur sept au niveau du groupe, et le nouveau comité exécutif est paritaire. Nous devons poursuivre notre effort, notamment dans le réseau France Bleu.
M. Frédéric Schlesinger.- Je répondrai à Mme Ghali que le Mouv' propose un panel d'émissions qui vise à faire émerger les jeunes talents, notamment dans le domaine des musiques urbaines. Je pense à l'émission dirigée par Issam Krimi, un musicien professionnel très connu dans les milieux du jazz, « Mouv' Live Show » qui associe des rappeurs et des musiciens professionnels dans le cadre de concerts en direct à la Maison de la Radio qui sont retransmis par ailleurs par France Ô. De même, Mouv', à travers le classement « Top Mouv' indé » affiche la préoccupation constante de mettre en avant les scènes musicales indépendantes, dont ce qu'on appelle la « musique de garage », afin que celles-ci rencontrent leur public.
M. Mathieu Gallet. - Comment réduire notre déficit l'an prochain et tenir notre trajectoire budgétaire ? Nos efforts, Monsieur Savin, ont commencé dès cette année, ce qui n'avait rien d'évident avec le conflit social que nous avons connu : nous avons réduit notre effectif de 90 emplois, nous mettons en place un suivi très précis qui tient compte de l'évolution de nos métiers et de l'équilibre de nos antennes. Quant à la publicité, nous souhaitons la maintenir à son niveau actuel mais en diversifier les sources, en particulier du côté du numérique où nous aurons de plus en plus de public.
L'audiovisuel public a-t-il des particularités ? Certainement, Monsieur Grosperrin, et parmi elles le fait que la différence, la singularité et l'excellence font partie de nos missions, de notre qualité de radio de service public. Pour les maintenir, nous devons faire évoluer nos métiers, nous adapter pour être en phase avec les évolutions de la société française, dans toutes ses composantes, c'est au coeur de notre nouveau modèle de gouvernance, qui passe notamment par la responsabilisation du management intermédiaire, de proximité.
Quant au rapprochement avec Air France-KLM, il me paraît bien hasardeux, tant chaque entreprise a ses caractéristiques et son identité propres...
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Merci pour toutes ces précisions, Monsieur Gallet. Nous nous réjouissons qu'après une année quelque peu mouvementée, Radio France ait retrouvé un climat de sérénité et qu'elle soit de nouveau sur de bons rails. Du travail reste à faire sur le COM, il est ambitieux et en phase avec les enjeux de gestion aussi bien que d'évolution des publics. Vous avez une grande responsabilité, celle du service public, d'autant plus grande que le paysage audiovisuel français est mouvant, que les changements s'y accélèrent au gré de la révolution technologique : il vous revient d'y préserver, et même d'accentuer la singularité de Radio France, vous nous avez démontré que c'est bien là votre objectif.
Je veux souligner, enfin, l'importance des antennes de France Bleu : leurs équipes remplissent véritablement leur mission de service public, elles sont au coeur de l'actualité, très réactives, au fait des événements culturels, sportifs, de tout ce qui fait la vie de nos territoires : nous y sommes très attachés !
La réunion est levée à 12 h 05.