Lundi 14 septembre 2015
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -La réunion est ouverte à 15 heures.
Deuxième dividende numérique et poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre - Désignation des candidats appelés à faire partie de la commission mixte paritaire (CMP)
La commission procède à la désignation des candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi n° 140 (2014-2015) relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Notre commission se réunit exceptionnellement un lundi. Il nous appartient notamment de procéder à la désignation des candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi n° 140 (2014-2015) relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre, qui se tiendra demain à l'Assemblée nationale.
La commission désigne, en qualité de membres titulaires : Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Bruno Retailleau, Jean-Pierre Leleux, Mme Colette Mélot, M. David Assouline, Mme Sylvie Robert et M. Patrick Abate, et, en qualité de membres suppléants : MM. Dominique Bailly, Gilbert Bouchet, Mme Françoise Cartron, MM. René Danesi, Loïc Hervé, Guy-Dominique Kennel et Mme Françoise Laborde.
Désignation d'un rapporteur
La commission nomme Mme Corinne Bouchoux rapporteure sur la proposition de loi n° 656 (2014-2015) relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - M. André Gattolin et les membres du groupe écologiste ont déposé une proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique. Je vous propose de désigner Mme Corinne Bouchoux rapporteure de cette proposition, qui pourrait être examinée par le Sénat le 21 octobre prochain.
M. David Assouline. - Je suis plus que d'accord avec cette nomination. Les sénateurs de groupes même très minoritaires doivent pouvoir être nommés rapporteur de textes législatifs.
Demande de renvoi pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis
La commission demande à être saisie pour avis du projet de loi n° 3037 (AN, XIVe légis.) relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public et désigne M. Loïc Hervé rapporteur pour avis sur ce texte.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Notre prochaine réunion est fixée à mercredi pour une table ronde sur la situation des sportifs de haut niveau. La proposition de loi de l'Assemblée nationale devrait être inscrite à l'ordre du jour du Sénat du 21 octobre. Préalablement à la réunion de la commission, une réunion de son bureau permettra de faire le point sur les travaux à venir.
La réunion est levée à 15 heures 10.
Mercredi 16 septembre 2015
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -La réunion est ouverte à 10 h 05.
Loi de finances pour 2016 - Désignation de rapporteurs pour avis
La commission procède à la désignation de ses rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2016. Ils peuvent participer, avec voix consultative, aux travaux de la commission des finances, en application de l'article 18, alinéa 4, du Règlement du Sénat.
Ont été désignés :
Mission Action extérieure de l'État
M. Louis Duvernois
Mission Culture
Patrimoines : M. Philippe Nachbar
Création : M. David Assouline
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture : M. Jean-Claude Luche
Mission Enseignement scolaire
Enseignement scolaire : M. Jean-Claude Carle
Enseignement technique agricole : Mme Françoise Férat
Mission Médias, livre et industries culturelles
Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public : M. Jean-Pierre Leleux
Audiovisuel extérieur : Mme Claudine Lepage
Presse : M. Patrick Abate
Livre et industries culturelles : Mme Colette Mélot
Mission Recherche et enseignement supérieur
Recherche : Mme Dominique Gillot
Enseignement supérieur : M. Jacques Grosperrin
Mission sport, jeunesse et vie associative
Sport : M. Jean-Jacques Lozach
Jeunesse et vie associative : M. Jacques-Bernard Magner
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous rappelle qu'aux termes de l'article 18, alinéa 4, du Règlement du Sénat, ils « participent de droit, avec voix consultative, aux travaux de la commission des finances, pendant l'examen des articles de lois ou des crédits qui ressortissent à sa compétence ».
Table ronde sur la situation des sportifs de haut niveau
La commission organise une table ronde sur la situation des sportifs de haut niveau. Sont entendus :
- MM. Franck Leclerc, directeur, et Jean-François Reymond, secrétaire général de la fédération nationale des associations et syndicats de sportifs (FNASS) ;
- M. Jean-Luc Cherrier, responsable du suivi socio-professionnel de la fédération française de tennis de table (FFTT) ;
- MM. José Ruiz, président, et Thibaud Dagorne, administrateur exécutif, de la fédération des entraîneurs professionnels.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le Sénat examinera prochainement une proposition de loi de l'Assemblée nationale visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale. Les mesures proposées reprennent en grande partie les préconisations du rapport de M. Jean-Pierre Karaquillo, que nous avions entendu le 17 avril dernier.
Elles visent d'abord à réduire la précarité des sportifs de haut niveau, notamment en les faisant bénéficier d'une couverture sociale pour les accidents du travail et les maladies professionnelles en lien avec leur pratique sportive ; tout en obligeant les fédérations à compléter ce dispositif à travers la souscription obligatoire d'un contrat d'assurance.
Elles contribuent également à améliorer l'insertion professionnelle des sportifs de haut niveau et professionnels en rénovant le dispositif de convention d'insertion professionnelle et en donnant de nouvelles responsabilités aux fédérations et aux clubs professionnels dans le domaine de la formation et de la réinsertion professionnelles.
Enfin, elles créent un contrat de travail à durée déterminée propre au sport professionnel et sécurisent le statut des sportifs indépendants.
Adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture le 8 juin dernier, cette proposition de loi répond à un réel besoin compte tenu de la précarité inacceptable de nombreux sportifs de haut niveau.
Notre commission l'aborde donc avec un regard bienveillant et le souci sincère d'offrir aux sportifs de haut niveau des conditions matérielles et sociales acceptables ainsi que l'opportunité de s'assurer, à l'issue de leur carrière sportive, une intégration sociale satisfaisante. La commission examinera donc toutes les dispositions proposées avec attention afin, le cas échéant, de les compléter ou de les corriger.
Au préalable, il importe d'écouter ce que le milieu professionnel a à dire. Nous accueillons ainsi aujourd'hui M. Franck Leclerc, directeur de la fédération nationale des associations et syndicats de sportifs ainsi que M. Jean-François Reymond, son secrétaire général, M. Jean-Luc Cherrier, responsable du suivi socio-professionnel à la fédération française de tennis de table et M. José Ruiz, président de la fédération des entraîneurs professionnels, accompagné de M. Thibaud Dagorne, administrateur exécutif.
M. Franck Leclerc, directeur de la fédération nationale des associations et syndicats de sportifs. - Je vous remercie de nous recevoir. Notre fédération s'est créée il y a une vingtaine d'années avec l'objectif d'unir sous une même bannière l'ensemble des sportifs professionnels via leurs associations et syndicats, afin de traiter de problématiques transversales. Nous avons participé à l'élaboration de la convention collective nationale née il y a dix ans, et sommes partie prenante, depuis, à sa négociation. Notre représentativité est reconnue et nous avons toute légitimité pour parler au nom des sportifs salariés.
On ne saurait assimiler sportifs de haut niveau et sportifs professionnels, les premiers ne bénéficiant pas de toutes les garanties liées au contrat de travail. Or, ce texte, qui vise à améliorer la condition du sportif, verse, hélas, dans le mélange des genres. Oui, il est nécessaire de sécuriser la situation du sportif de haut niveau, mais à quoi bon créer un contrat à durée déterminée (CDD) spécifique pour le sportif professionnel ? Cela ne présente à nos yeux aucun intérêt et je suis prêt à m'en expliquer. En matière de reconversion professionnelle, en revanche, les besoins des sportifs de haut niveau et des sportifs professionnels convergent et nous regrettons la timidité des initiatives parlementaires. D'autant que la réforme en cours de la formation professionnelle rend plus difficile l'accès aux fonds de formation pour les sportifs professionnels. Nous souhaitons donc attirer l'attention sur l'exigence de formation en vue de la reconversion. Les sportifs, qui donnent tout à leur discipline, doivent, à un moment, se reconvertir. Il faut leur en donner les moyens. Or, il manque encore à ce texte, au-delà des grands principes, des propositions concrètes en ce sens. Ce que l'on appelle, dans notre jargon, les « mises à l'écart systématiques », témoignent d'un traitement mercantile des individus, que l'on utilise sans leur donner les moyens de rebondir, alors même que les carrières sportives professionnelles sont très courtes. C'est une réalité que le législateur ne saurait ignorer. De même, si le contrat à durée déterminée d'usage, qui ne peut être rompu unilatéralement, devait être remplacé par le contrat à durée déterminée spécifique que ce texte entend mettre en place, il serait bon de préciser quelles dispositions s'imposent en cas de rupture de contrat. C'est une question d'équité entre employeurs et salariés : en cas de rupture, ce n'est pas une simple indemnité, laissée à l'appréciation du club, voire du juge, qui devrait être servie, mais bien la somme restant due jusqu'au terme du contrat. La loi doit servir le sport et les sportifs dans leur ensemble, et non une discipline sportive particulière. Nous y serons attentifs, sachant les dérives parfois atterrantes auxquelles donne lieu le mercato des transferts de joueurs.
M. Jean-François Reymond, secrétaire général de la fédération nationale des associations et syndicats de sportifs. - Si M. Karaquillo vous a alerté, durant son audition, sur le fait que tous les sportifs risquaient de demander la requalification de leur contrat en contrat à durée indéterminée, je puis d'emblée vous rassurer : tel ne sera pas le cas. Les sportifs ne souhaitent nullement être indéfiniment liés à un club ; leur carrière est très courte, et ils souhaitent la valoriser le mieux possible. Les requalifications auxquelles ont été contraints certains clubs font suite à la non-exécution du contrat. Quand un joueur n'a pas été payé pendant six mois, on peut comprendre qu'il engage une procédure contre son club pour toucher son dû et qu'il demande, parce que son contrat est mal rédigé, comme cela est bien souvent le cas, une requalification en CDI. J'ajoute que lorsqu'un entraîneur comme Michel Padovani a enchaîné durant treize ans des contrats à durée déterminée sur différents postes, il n'est pas illégitime qu'il demande une requalification. C'est d'ailleurs une situation qui n'est pas propre au monde du sport : on a vu dans d'autres secteurs, comme La Poste, des salariés qui enchaînaient des CDD demander des requalifications en CDI.
Autre souci, la formation des dirigeants. C'est un point qui manque à ce texte. Songez qu'un club de quartier peut se retrouver, en l'espace de cinq à six ans, au plus haut niveau. Il faut former ses dirigeants qui méconnaissent souvent le droit du travail. Je puis vous citer l'exemple d'un contrat sur lequel le président de club s'est contenté d'inscrire « annulé » au stylo rouge. Telle est la réalité des pratiques.
Dernier souci, enfin : il convient de bien faire la différence entre sportifs professionnels et sportifs de haut niveau. Les premiers bénéficient, du fait de leur contrat de travail, d'une sécurité et d'un droit à la formation professionnelle dont ne jouissent pas les seconds, qui font pourtant beaucoup pour notre pays, qu'ils représentent dans les compétitions internationales : il serait légitime de leur donner un statut. En revanche, nous nous interrogeons sur la mise en place, pour les sportifs professionnels, d'un CDD spécifique qui n'apporte aucune valeur ajoutée, sachant que le vrai sujet de préoccupation est celui de la formation professionnelle, que le texte n'aborde pas, tout étant renvoyé au décret.
M. Jean-Luc Cherrier, responsable du suivi socio-professionnel à la fédération française de tennis de table. - Notre directeur technique national, mieux au fait que moi des dispositions de ce texte, est malheureusement retenu à Nantes. Je m'en tiendrai à vous faire part des difficultés rencontrées par les sportifs que j'ai mission d'accompagner. Dans le tennis de table, seuls les joueurs les plus âgés sont passés professionnels. Les jeunes ne le sont pas, comme dans toute discipline olympique. Et chez les professionnels, le contrat ne porte que sur quelques milliers d'euros par mois ; on est loin des sommes en jeu dans les sports collectifs. Le but d'une fédération olympique est de décrocher des médailles dans les championnats. Cela étant, depuis la retraite sportive de Jean-Philippe Gatien, nous n'avons plus de potentiel olympique avéré, et les sportifs de tennis de table évoluent plutôt dans les compétitions continentales.
Dans cette discipline, les joueurs arrivent à un niveau professionnel à l'âge de 18 ou 19 ans, ce qui leur laisse le temps de passer le bac, que la plupart ont en poche. Ce n'est qu'ensuite que surviennent les difficultés. M. Karaquillo l'a souligné dans son rapport : il existe des freins internes à l'entrée dans le monde professionnel, au terme d'une carrière qui se termine vers 30 ou 35 ans. Bien souvent, l'entraîneur dissuade le jeune joueur d'entamer un cycle universitaire, au motif du manque de temps - l'entraînement prend quatre à six heures par jour et au rythme de deux compétitions par semaine, les déplacements sont nombreux. Mon rôle est de faire pression dans l'autre sens. Je reviens du pôle France de Nantes, centre d'entraînement pour jeunes sportifs de haut niveau. Le fait est que pour ceux qui atteignent l'excellence - et c'est un mérite de ce texte que de bien souligner la différence entre excellence et accession à l'excellence - il devient difficile de poursuivre des études. Outre que le cursus se trouve très dilué, et peut s'étendre sur plusieurs années, les jeunes ne sont guère motivés : quand on gagne entre 1 500 et 3 000 euros à dix-huit ans, et que l'on sait que cela va durer jusqu'à 35 ans, on n'entreprend des études que si l'entourage y pousse. Mon rôle est de convaincre ces jeunes de se trouver un projet professionnel, expression que je préfère à celle de « double projet », à mon sens trompeuse, car le premier projet du sportif est de décrocher des médailles, sa vie étudiante est une autre facette : il y a un difficile équilibre à trouver, y compris avec la vie privée. La contrainte de temps est prégnante, il est difficile de s'engager sur des formations longues. De surcroît, les aides sont réservées aux sportifs à la recherche de la très haute excellence. Quand une entreprise ouvre ses portes via une convention d'insertion professionnelle ou un contrat de cession de droit à l'image, elle privilégie évidemment un sportif à potentiel olympique, susceptible de participer aux Jeux de Rio ou de Tokyo. Cette proposition de loi ferait avancer les choses si elle incitait à prendre en compte l'ensemble des sportifs de haut niveau, qu'ils aient atteint l'excellence ou soient en phase d'accession.
M. José Ruiz, président de la fédération des entraîneurs professionnels. - En 2005, les entraîneurs des sports collectifs professionnels ont senti le besoin de se regrouper. Notre fédération rassemble aujourd'hui 1 200 à 1 500 entraîneurs de rugby, football, basket, volleyball ou handball, qui vivent de l'exercice de ce métier. Nous regroupons plusieurs syndicats : l'Union nationale des entraîneurs et cadres techniques du football (Unecatef) ; Tech XV, syndicat des entraîneurs et éducateurs de rugby ; le syndicat des coach de basket (SCB) ; 7Master, le groupement des entraîneurs professionnels de handball et le syndicat des entraîneurs et éducateurs de volleyball. Toutes ces structures, affiliées à la F3C CFDT, sont représentatives. Toutes ont participé à l'élaboration d'un accord collectif sectoriel dans leur discipline. Nous sommes également actifs dans ce qui touche à la convention collective nationale du sport qui, par définition, ne répond pas à tous les problèmes que rencontrent les disciplines : les difficultés d'un joueur de tennis de table ne sont pas les mêmes que celle d'un basketteur ou d'un footballeur. Nous sommes aussi partie prenante à la gouvernance de nos ligues professionnelles, comme membres de leur comité directeur et de leur conseil d'administration.
Nous faisons en sorte que le code du sport soit respecté. Nous veillons ainsi au respect des qualifications, au respect des cahiers des charges par les centres de formation des jeunes athlètes, afin d'éviter les dérives qui viennent d'être évoquées. Nous sommes également attentifs au devenir de la situation contractuelle de nos adhérents.
Cette proposition de loi constitue, pour nous, une avancée incontestable. Elle est le moyen de répondre aux exigences du droit. Contrairement à M. Reymond, nous ne sommes pas persuadés qu'une situation comme celle de M. Padovani justifie une requalification. Le CDD est pour nous une garantie d'équité sportive. Que serait une équipe dont la composition serait susceptible, au cours d'une saison, de changer tous les mois ? Quid d'une équipe première au classement si deux de ses athlètes décident de rejoindre l'équipe adverse ? Ou d'un entraîneur, dont le rôle est celui d'un maître d'oeuvre, qui déclarerait à son président, un mois après l'ouverture de la saison, qu'il part à Barcelone où il gagnera beaucoup plus ? L'enjeu du CDD va au-delà de la seule protection du salarié : il est au fondement de l'équité sportive. Remplacer le CCD d'usage par un CDD spécifique ? Pourquoi pas, mais à une condition : qu'il en soit le frère jumeau, et pas un lointain cousin germain... L'équité des compétitions est à ce prix.
Nous estimons, enfin, que la notion d'activité principale doit être mieux déterminée. En termes de rémunération, être employé à mi-temps dans le domaine du football est tout autre chose que l'être à plein temps dans le domaine du volleyball.
Autre souci, la formation des entraîneurs, oubliée dans ce texte. Or, ils en ont besoin. La formation ne doit pas être une simple faculté des ligues et fédérations, mais une obligation. Et nous souhaiterions être associés.
M. Michel Savin, rapporteur. - Je vous remercie de ces présentations. Il est vrai qu'il est bon de différencier clairement entre sportifs de haut niveau et sportifs professionnels, tant les situations et les enjeux diffèrent dans l'un et l'autre cas. Les sportifs de haut niveau, qui représentent notre pays dans les grandes compétitions, peuvent se trouver dans des situations de grande précarité.
MM. Leclerc et Reymond se sont déclarés hostile au contrat à durée déterminée spécifique. Mais ainsi que nos premières auditions l'ont montré, il s'agit de sécuriser l'emploi des sportifs en même temps que d'assurer l'équité des compétitions. Peut-être conviendrait-il cependant, comme le souhaitent certaines fédérations, de prévoir, plutôt qu'un contrat sur douze mois, un contrat par saison.
Les CDD des sportifs ne sont plus soumis au 1 % formation, ce qui semble poser bien des problèmes aux sportifs qui ne peuvent bénéficier des fonds nécessaires à leur reconversion. Faut-il y revenir et, si l'on peut estimer que 1 % représente beaucoup, à quelle hauteur ?
Nous avons également entendu critiquer les formations mises sur pied par les clubs professionnels, lesquels se contenteraient d'agir a minima pour se conformer à la loi, sans être guidés par aucun projet ni assurer aucun suivi. On nous a ainsi cité l'exemple d'un sportif en formation dans une entreprise dont la seule vertu était d'être voisine de son club, sans que cette formation soit soutenue par aucun projet professionnel. Jugez-vous ces formations satisfaisantes et si non, comment les améliorer ?
On nous a également fait valoir que les entreprises peinaient à signer des contrats à durée indéterminée, car les sportifs de haut niveau doivent souvent s'absenter, ce qui pose des problèmes d'organisation. Un représentant de La Poste nous a ainsi appris que de douze ou treize, de tels contrats avaient été ramenés à trois ou quatre. Comment améliorer les choses ? Faut-il en passer par des contrats de cession de droit à l'image, permettant au sportif de s'engager dans un projet professionnel ?
Telles sont mes principales interrogations sur ce texte dont l'objet est d'éviter la précarité aux sportifs. Leur garantir une couverture sociale est un pas en avant, qui a été salué par un vote à l'unanimité, mais je crois que l'on peut aller plus loin encore.
M. Franck Leclerc. - Prévoir, comme le fait ce texte, un contrat sur douze mois n'a, de fait, pas de sens dès lors que l'activité est liée à la saison sportive qui, dans la majorité des sports collectifs, s'étend du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante. Je suppose que les députés ont voulu parer à des pratiques qui prévalent, hélas, dans certaines disciplines, et qui consistent à utiliser un joueur le temps de la compétition et à le faire prendre en charge, ensuite, par les prestations sociales. De telles pratiques sont inacceptables pour les responsables sportifs et les citoyens que nous sommes. La convention collective du sport, qui prévoit que le contrat de travail doit prendre fin la veille du premier jour de la saison suivante, vise précisément à les prévenir. C'est une meilleure formulation que celle des douze mois.
Au-delà, il n'est pas normal de faire supporter les périodes de congé ou d'entraînement par notre système de solidarité. Dès lors qu'un salarié signe un nouveau contrat avec le même employeur, il devrait rembourser les prestations qui lui ont été servies. Le club devrait aussi être contraint, dans un tel cas, d'établir un contrat rétroactif et de s'acquitter ainsi des charges qu'il a reportées sur la collectivité. Il faut trouver une solution à ces pratiques devenues très prégnantes dans une discipline et qui commencent à se répandre dans d'autres.
J'en viens à la formation professionnelle. Rétablir le 1 % est une solution, mais qui ne suffira pas. Ainsi que l'a souligné Jean-Luc Cherrier, c'est avant la fin du contrat qu'il faut s'intéresser à la reconversion. Le CIF CDD (congé individuel de formation), qui ne peut être utilisé qu'à la fin du contrat, ne permet pas d'engager une reconversion réussie. Cela étant, la formation a besoin de plus de moyens. Il n'est pas bon que les employeurs soient exonérés de cotisation au CIF. C'est, encore une fois, utiliser la mutualisation sans y participer. Vouloir des droits et pas de devoir me paraît choquant.
Il faudrait aller plus loin sur cette question de la formation, en prévoyant des sas obligatoires à des moments clé. Pourquoi pas un bilan de compétences entre 27 et 28 ans, pour mettre en oeuvre un projet de reconversion ? On ne décide pas du moment de sa sortie ; aucun sportif n'est à l'abri d'une blessure qui lui interdira de poursuivre sa carrière. Vous évoquiez les formations des clubs : elles sont presque inexistantes, et il est bon d'engager les sportifs à inclure dans leur contrat un projet de formation. Mais le problème tient aussi aux centres de formation : pour obtenir un agrément, il faut un double projet, sportif et scolaire. Or, ce que veut le jeune par dessus tout, c'est devenir sportif professionnel. Si on lui dit que pour signer son contrat, il faut qu'il mette ses études entre parenthèses, il a vite fait d'abandonner tout projet. Mieux encore, certains clubs savent s'organiser... Je pense à certains club de handball aux résultats mirobolants, où les jeunes, quand ils ont constaté qu'on permettait à leurs deux camarades inscrits en STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives) de s'entraîner avec les pros, ont vite fait d'abandonner leur projet pour les imiter.
Les conventions d'insertion professionnelle (CIP) s'adressent plus particulièrement aux sportifs de haut niveau. Ma femme, ancienne joueuse de rugby, qui en a bénéficié, m'a fait part de son expérience. Elle s'est rendu compte que la plupart des sportifs avaient perdu de vue l'intérêt premier de ce dispositif, qui leur est présenté comme le moyen d'obtenir un statut social plutôt que comme un outil de reconversion. C'est un dévoiement.
M. Thibaut Dagorne, administrateur exécutif de la fédération des entraîneurs professionnels. - Comme la loi réformant la formation professionnelle, ce texte a pour objet de sécuriser la situation des personnes. N'oublions pas que la décision de la Cour de cassation concernant Michel Padovani a fait trembler les clubs professionnels. Cette proposition de loi vise, en même temps qu'à assurer un accompagnement aux sportifs de haut niveau, à sécuriser les accords collectifs. Le CDD d'usage est ouvert au sport professionnel, mais c'est désormais la Cour de cassation qui définit, en somme, ce qu'est le sport professionnel. En 2006, avec la convention collective du sport, les partenaires sociaux avaient pris leurs responsabilités. Hélas, deux décisions de la Cour ont tout remis en cause. Par la première, du 2 avril 2014, elle limite le pouvoir normatif des partenaires sociaux, jugeant qu'une convention collective ne peut déterminer les cas de recours au CDD. Par la seconde, du 17 décembre 2014, elle encadre le recours au CDD d'usage. D'où la nécessité de légiférer.
L'exigence d'équité sportive a été tout à l'heure évoquée : là est bien l'enjeu. Le CDD spécifique que cette proposition de loi entend mettre en place doit porter sur une durée saisonnière, et non pas sur l'année.
Un mot sur la formation professionnelle des entraîneurs. Alors que la carrière d'entraîneur professionnel est désormais une succession de périodes d'activité et de chômage, il existe peu d'outils permettant aux entraîneurs de densifier leurs compétences. Le droit à la formation vaut pour tous les salariés, mais la demande doit être déposée trois mois avant le début de la formation. Or, quand un entraîneur apprend qu'il ne sera pas renouvelé, son premier souci va à rechercher un autre emploi d'entraîneur. Quand enfin il se décide à tenter une formation, il est souvent trop tard.
Les partenaires sociaux avaient considéré que le temps de travail devait se définir aussi en temps de repos, de formation, de reconversion. La loi doit aller dans ce sens. Quant aux garanties collectives, elles ne seront assurées que si le niveau de négociation reste national : les accords d'entreprise ne doivent pas pouvoir déroger à la règle globale. C'est l'unicité de la règle qui concourt à l'équité sportive.
M. Jean-Luc Cherrier. - Je souscris aux propos de Franck Leclerc sur le droit à la formation. Le dispositif des CIP, vieux de 30 ans, mérite d'être dépoussiéré. Ces conventions, qui s'apparentaient à des contrats de cession de droit à l'image, devraient être assorties d'une démarche préalable d'orientation, de façon à s'assurer de l'adéquation entre l'offre de l'entreprise et les capacités futures du sportif.
M. Jean-Jacques Lozach. - Cette proposition de loi vise à sécuriser la situation des sportifs professionnels et des sportifs de haut niveau, souvent marquée par la précarité. C'est la première fois que l'on tente de cerner au plus près un « statut » du sportif de haut niveau, dans un domaine en pleine évolution. Insertion, formation professionnelle, double projet, préparation à la reconversion, protection sociale : quels manques voyez-vous dans les têtes de chapitre ici abordées ? Vous avez évoqué la formation des dirigeants. Estimez-vous que c'est un problème qui relève de la loi ou de la politique interne de chaque formation sportive ?
L'article 6 de la proposition de loi opère une petite révolution, en obligeant les fédérations nationales à s'impliquer et à assurer un suivi socio-professionnel de leurs licenciés. Cela était indispensable pour les sportifs de haut niveau, et il est bon que la loi l'impose. Je n'oublie pas qu'il y a deux ans, nous entendions ici même M. Kastendeuch, président de la FNASS, dont vous êtes ici deux représentants. Il évoquait les faiblesses de la contractualisation et du dialogue social, dans un milieu très hétérogène. « La voix des joueurs n'est pas prise en compte dans les conseils d'administration » déplorait-il. Et Serge Simon, qui l'accompagnait au titre du rugby, de renchérir : « Dans le système sportif français et international, le dialogue social est nul. Son organisation date d'un siècle ». Il ajoutait que le comité directeur de la fédération française de rugby ne comptait qu'un joueur sur treize membres. De même pour le cyclisme.
Une dernière question, enfin : la manière dont sont constituées les listes de sportifs de haut niveau vous paraît-elle satisfaisante ou mériterait-elle d'être améliorée ?
Mme Corinne Bouchoux. - Puisque M. Leclerc a évoqué son épouse, ancienne joueuse de rugby professionnelle, peut-il nous éclairer sur le nombre de femmes concernées par le sport professionnel ? Quid de la prise en charge de la maternité ? Si la situation des sportifs est précaire, celle des sportives l'est plus encore. Quels enrichissements pourraient être apportés à ce texte pour aller vers plus d'équité ?
M. Claude Kern. - Oui, il convient de distinguer entre sportifs de haut niveau et sportifs professionnels. Sur la reconversion, j'abonde dans le sens de M. Leclerc. Il serait bon de rendre obligatoire l'inscription d'un projet de formation professionnelle dans le contrat. Cette formation pourrait prendre la forme d'un apprentissage, avec les aides aux entreprises qui lui sont attachées. C'est ce que nous avons mis en place en Alsace, où la région s'implique en matière de reconversion et a chargé un ancien footballeur de suivre le sujet.
Je m'interroge sur le rôle des agents de joueurs, personnages souvent sans scrupules, qui se comportent comme s'ils vendaient une simple marchandise. Ne devrait-on pas les contraindre à assurer un suivi socio-professionnel des joueurs qu'ils représentent ?
Mme Françoise Laborde. - Je rejoins Corinne Bouchoux, qui m'a devancée sur la question des femmes.
Le rapport Karaquillo avait retenu toute notre attention, et nous nous réjouissons que nombre de ses préconisations soient ici reprises.
Quelques questions à MM Ruiz et Dagorne : existe-il des liens entre les entraîneurs, que vous représentez, et les agents ? Quelle proportion de femmes au sein de votre structure ? M. Cherrier a évoqué, plutôt qu'un double projet, un projet à plusieurs facettes, dont celle de la vie privée : les femmes sont tout particulièrement concernées.
Mme Christine Prunaud. - Je plaiderai dans le même sens : il est essentiel de sécuriser la situation des femmes.
Ce texte représente pour nous une avancée. Une question à M. Leclerc. Pour vous, le contrat spécifique n'a pas lieu d'être. Vous avez évoqué la mise à l'écart. Pouvez-vous préciser ce qu'il faut entendre par là ?
M. José Ruiz. - La représentation au sein des comités directeurs et des conseils d'administration, monsieur le sénateur Lozach, ne relève pas du dialogue social mais de la gouvernance. Même chose pour les listes de sportifs de haut niveau, qui sont établies par la direction technique nationale. Le double projet, enfin, est placé sous la responsabilité des directeurs techniques nationaux, qui relèvent du ministère : c'est donc l'État qui se charge du contrôle. Les situations sont très différentes selon les sports. Devenir footballeur professionnel, cela suppose des milliers d'heures de travail : là est la formation principale. À laquelle doit venir s'ajouter une formation de reconversion.
Pour avoir été entraîneur d'équipe professionnelle durant plus de douze ans, je puis témoigner que les femmes bénéficient de toutes les avancées enregistrées. L'équipe de France féminine de basket est entrainée par une femme. Dans le football, il y a également des femmes entraîneurs. Je suis un militant de l'égalité. Pour ce qui concerne les joueuses, le dialogue social a fait avancer les choses. Je pense en particulier au basket féminin. Ma femme, comme joueuse professionnelle, gagnait bien sa vie. Il en va de même dans le football, le rugby, le handball. C'est pourquoi je vous invite à renvoyer, dans ce texte, un certain nombre de sujets au dialogue social, qui permet de négocier beaucoup de choses en faveur du sport féminin.
M. Jean-François Reymond. - Une mise à l'écart revient à empêcher un joueur de s'entraîner avec son équipe. Cela a été le cas de Bafé Gomis à l'Olympique lyonnais, obligé de s'entraîner dans un « loft » jusqu'à son transfert. Même cas de figure dans le basket, où un joueur d'origine étrangère était envoyé faire des séances de piste dans la banlieue de Rouen très tôt le matin, sans ses coéquipiers. Il est clair que lorsqu'on interdit à un joueur de s'entraîner avec son équipe, on pénalise sa carrière.
J'ai suivi avec beaucoup d'attention, monsieur le sénateur Lozach, vos travaux sur le dopage. M. Kastendeuch jugeait alors, en effet, que le dialogue social est en berne dans certaines disciplines. Le fait est que dans les ligues professionnelles, les conseils d'administration se préoccupent peu des partenaires sociaux ; seule la négociation des salaires est renvoyée au dialogue social. Dès lors qu'au sein d'une telle enceinte, entraîneurs et joueurs n'ont chacun qu'une voix, les échanges deviennent un peu complexes... Il a fallu des décisions de justice pour engager les fédérations, craignant les coûts de telles procédures, à renouer le dialogue social.
J'en viens au problème de l'indemnisation en cas de rupture de CDD. Pas plus tard que la semaine dernière, le transfert d'un joueur de football dans une équipe anglaise a mis le problème en lumière. Nous plaidons pour que l'indemnisation se fasse sur la base du préjudice subi. Se référer à la valeur du contrat est le moyen de limiter les abus. Car on ne peut pas ignorer que les clubs de football ont fondé leur économie sur le marché des transferts.
La maternité des joueuses ? L'an dernier un jugement a été rendu à la suite du licenciement d'une basketteuse de l'équipe de Nice, remerciée parce qu'elle était enceinte, par sa présidente de club - une femme donc - et médecin de surcroît... La joueuse a été indemnisée à hauteur de 60 000 euros, dont 25 000 euros de dommages et intérêts. On peut beaucoup avancer, en matière de droits des joueuses, grâce à un dialogue social constructif. Tout dépendra de la capacité des sportives à se mobiliser, pour créer des acteurs sectoriels spécifiques. J'espère que Victoria Ravva, qui vient de prendre sa retraite de volleyeuse, prendra l'initiative.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - L'Assemblée nationale a introduit un article nouveau qui traite de la situation spécifique des sportives de haut niveau. Nous entendons aller plus loin encore.
Mme Françoise Cartron. - C'est l'équité sportive, dites-vous, qui guide votre réflexion. Mais n'oublions pas l'équité entre les hommes et les femmes. Pour les sportives de haut niveau, l'inégalité de traitement reste une réalité. Vous appelez les sportives à se prendre en main, en créant leurs structures propres. Mais si les conseils d'administration comptaient plus de sportives, cela ferait aussi avancer les choses.
M. Jean-Claude Luche. - Je relève également qu'il n'y a aucune femme parmi nos invités.
Je ne m'étendrai pas sur le contrat spécifique, question sur laquelle je me sens incompétent. Je m'interroge, en revanche, sur la question des moyens financiers. Quand je vois ce que sont ceux de certaines fédérations, je suis ahuri de constater que des sportifs de haut niveau puissent se retrouver à la rue du jour au lendemain. Quand je vois à quelle hauteur les droits télévisuels sont négociés, je comprends mal qu'une partie n'en soit pas versée à une caisse de garantie. Ce n'est pas tant la mise au placard qui me choque - cela existe dans tous les métiers - que l'absence d'un filet de sécurité. Pourtant, les solutions ne manquent pas. Voyez le montant des transferts : si l'on en affectait ne serait-ce que 1 % à une caisse de garantie, on résoudrait bien des problèmes. Quand les Français sont informés du désordre qui règne dans certaines fédérations, ils ne comprennent pas que des joueurs soient abandonnés à leur sort. Combien de fois n'ai-je pas reçu dans mon bureau de maire un joueur de football cherchant désespérément du travail ? Une caisse de garantie permettrait à ces jeunes, qui font l'honneur de notre pays grâce à un choix de vie très difficile, de se sortir d'affaire.
M. Dominique Bailly. - Je me réjouis, comme nombre de mes collègues, de l'examen de ce texte. Il représente, ainsi que l'a rappelé Jean-Jacques Lozach, l'aboutissement d'un travail de plusieurs années. Il sécurise la situation des sportifs, tant dans les sports collectifs qu'individuels - où les situations peuvent être plus rudes encore.
Il existe, en la matière, un maillon essentiel : la gouvernance des ligues et des fédérations. Si certaines ont su accompagner les évolutions de la société, des blocages demeurent, des conservatismes persistent. Dans quelques semaines, nous examinerons une proposition de loi visant à permettre aux supporters d'intégrer les conseils d'administration des fédérations. Il faut en passer par la loi pour lever certaines difficultés : rien ne bougera sans obligation.
Je forme le voeu que les ligues s'emparent de ce texte pour le faire vivre. Sur la question du contrat, le Sénat saura jouer son rôle. Revenir à un CDD à dix mois, c'est le bon sens. Je pense aussi aux arbitres et aux juges, qui ne font qu'une apparition fugace à l'article premier : ils doivent être pris en compte dans la loi.
M. Christian Manable. - Les arbitres - je fus un temps un des leurs, à modeste niveau - sont en effet oubliés. Ce sont pourtant des acteurs essentiels du monde sportif. Quelle devrait être, selon vous, leur place dans ce texte ?
M. Jacques Grosperrin. - Une question sur l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), qui fait l'admiration des pays étrangers. Il joue un rôle important dans la formation des athlètes de haut niveau. Quels sont vos contacts avec cet organisme ? Comment améliorer les relations que les fédérations entretiennent avec lui ?
Mme Sylvie Robert. - Le temps nous manque pour aborder la question au fond, mais je tiens à relever qu'il reste beaucoup à faire en matière d'accompagnement de la scolarité des jeunes sportifs.
Certains de mes collègues ont évoqué la question des agents sportifs : estimez-vous qu'il faille encadrer ces professions ?
M. Jean-Luc Cherrier. - La fédération française du tennis de table est, bien entendu, en relation avec l'Insep. Les échanges, comme pour toutes les disciplines olympiques, sont quotidiens.
Je reviens à la question des moyens. L'article 6 du texte dispose que les fédérations sportives délégataires assurent, en lien avec l'État, les entreprises et les collectivités territoriales, le suivi socioprofessionnel de leurs licenciés. Mais quid des moyens ? J'indique que sur 1,5 million d'euros que nous recevons de l'État, seuls 45 000 euros sont fléchés pour assurer le suivi de 40 sportifs de haut niveau.
Je partage les inquiétudes de Mme Robert relatives à la scolarité. Il est inadmissible de constater que certains jeunes sont, dès 11 ans, âge à partir duquel on peut entrer sur les listes de haut niveau, obligés d'étudier au Centre national d'enseignement à distance (CNED), par correspondance.
M. Franck Leclerc. - Je reviens sur la question des agents. Au cours d'auditions passées, nous avons toujours plaidé pour qu'ils soient directement rémunérés par les sportifs. Il est tout de même rare, dans notre société, qu'un service soit rémunéré par un tiers. C'est là une spécificité du monde sportif, qui va, bien sûr, dans l'intérêt des clubs. Cependant, les sportifs ont des carrières courtes, et ils connaissent parfaitement les directions techniques dans lesquelles ils évoluent. Ils n'ont nul besoin, en réalité, de passer par les services d'un agent. Et jusqu'où cela ira-t-il ? Faudra-t-il donc qu'ils passent par un agent pour leurs entretiens professionnels ? Pour négocier une augmentation de salaire dans leur entreprise ? C'est absurde ! Et inflationniste. Jean-Michel Aulas reconnaît lui-même que le prix exorbitant touché pour le transfert d'Anthony Martial à Manchester United est lié à l'intervention d'un agent. Je suis totalement opposé à l'intervention de tels intermédiaires, qui ne se justifient guère que pour les compétitions à l'étranger, quand les joueurs ne disposent pas de contacts. Il faudrait, de surcroît, pouvoir tracer les flux financiers attachés à leurs interventions. Mais curieusement, quand on en vient à évoquer ce sujet, plus personne n'est d'accord.
Les moyens financiers ? Les droits aux paris auraient pu offrir une nouvelle source de recettes, mais le monde du sport a négocié un taux de retour dérisoire, à 1 %. Il y aurait pourtant là une manne autrement importante que les 45 000 euros que l'État, comme nous l'a appris Jean-Luc Cherrier, consacre au suivi professionnel des pongistes de haut niveau.
La scolarité des jeunes ? Comme je l'ai dit tout à l'heure, on a vu beaucoup d'entre eux passer, dans nos centres de formation, d'un projet individuel à un STAPS. Nous avons, au sein de nos syndicats, créé des structures d'appui, mais nous avons besoin de l'aide du législateur, pour faire peser davantage d'obligations sur les clubs, mais aussi sur l'éducation nationale et les universités. C'est le gage de parcours de formation réussis.
M. José Ruiz. - De même que les femmes subissent une discrimination dans le sport, les sportifs en général la subissent dans les structures sportives, dont ils sont largement absents.
Les agents mériteraient d'être mieux formés, pour devenir de vrais guides dans la carrière des joueurs, quand ils se contentent aujourd'hui, le plus souvent, de toucher des commissions.
Je conçois, monsieur le sénateur Bailly, la limitation du CDD à dix mois, mais elle peut avoir des effets pervers. Comment, à ce compte, stabiliser les effectifs ? Si la rupture intervient à dix mois, les bons joueurs seront les premiers à partir. Plutôt que pour une diminution du temps du contrat, nous plaidons pour une superposition sur la saison, qui, selon la convention collective, s'étend du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante. Le joueur qui arrive en cours d'année doit bénéficier d'une garantie jusqu'à la fin de la saison.
M. Jean-François Reymond. - S'il existe des placards dans tous les métiers, leur effet n'est pas le même selon que l'on est sportif ou que l'on travaille dans l'administration. Une carrière de sportif est très courte : un placard de six mois peut lui être fatale.
S'agissant du contrat à dix mois, je rejoins José Ruiz. Supposez une équipe de basket avec des contrats à dix mois prenant effet au 1er septembre. En réalité, les joueurs commencent l'entraînement vers le 15 août, à la charge de Pôle emploi, avec un complément en espèces. Imaginez que dans cet intervalle, le médecin déclare un joueur inapte en raison de problèmes cardiaques. Le club pourra rompre le contrat, qui n'aura pas été entamé. Tels sont les problèmes auxquels on se heurte, et qui conduisent les joueurs à engager des procédures judiciaires.
S'agissant de l'Insep, je suis au regret de devoir citer un chiffre. Sur les douze joueurs de l'équipe de France de basket, six ont un bac ou un CAP en poche : ce sont les six qui ne sont pas passés par l'Insep. Quand on veut mener un double projet, il semble qu'il soit préférable de s'orienter vers un centre de formation que vers cet organisme...
J'ajoute qu'en matière de formation, il faut prendre en compte la diversité des profils. Tous les joueurs ne vont pas finir en master 2 de droit du sport à la Sorbonne. Je puis citer l'exemple d'une joueuse qui voulait devenir directrice de crèche, ou d'un autre qui voulait se consacrer à l'élevage de chats. Autant de projets qu'il faut pouvoir accompagner. Cela exige des moyens et un prélèvement sur les paris sportifs pourraient, de fait, y pourvoir.
M. Thibaut Dagorne. - L'article 9 dispose qu'une convention ou un accord collectif national « peut » déterminer les critères à partir desquels l'activité de l'entraîneur professionnel salarié est considérée comme son activité principale. Il faut supprimer ce « peut », pour éviter que les parties au contrat soient libres d'en décider. On voit des mi-temps à 5 000 euros dans le football, à côté de pleins temps à 800 euros dans le volley. Ce n'est pas comparable.
Certes, un salarié peut « prendre acte » d'une exécution déloyale du contrat. Mais quand l'entraîneur d'un club professionnel est démis de ses fonctions en décembre, qu'il saisit les prud'hommes en avril et que la procédure s'engage en juillet, il n'est, pendant ce temps, ni indemnisé par Pôle emploi, ni payé par son club.
Le statut des arbitres ? Nous nous sommes rapprochés d'eux, et avons constaté que leur réponse n'était pas unanime. Il semble difficile de définir un cadre commun.
Un mot, pour finir, sur la question des moyens. Il existe des espaces de mutualisation. C'est ainsi que le sport professionnel finance le sport amateur. Mais là où les choses deviennent plus incertaines, c'est sur la question du fléchage.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie d'avoir, en cette journée nationale du sport scolaire, répondu à notre invitation et vous assure de la détermination du Sénat à enrichir cette proposition de loi.
La réunion est levée à 11 h 55.