Mercredi 24 juin 2015
- Présidence de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente -La réunion est ouverte à 13 h 35.
Audition de M. Marc Dandelot, président de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Nous recevons Marc Dandelot, président de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada), qui a été instituée par la loi du 17 juillet 1978, sur une initiative de la commission des lois du Sénat, avant que l'ordonnance du 6 juin 2005 lui confère le statut d'autorité administrative indépendante (AAI). Avec pour mission initiale de veiller à l'application du droit général d'accès aux documents administratifs, la Cada a vu sa compétence s'étendre à plus d'une vingtaine de régimes autonomes de communication, ainsi qu'aux archives publiques, depuis 2005. L'année dernière, le Sénat avait autorisé la création d'une mission commune d'information sur l'accès aux documents administratifs et aux données publiques, dont le président était Jean-Jacques Hyest, et la rapporteure Corinne Bouchoux, d'ailleurs membre titulaire de la Cada.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Marc Dandelot prête serment.
M. Marc Dandelot, président de la Cada. - J'exerce mes fonctions de président depuis le 18 décembre 2014, et Christelle Guichard qui m'accompagne exerce celles de secrétaire générale depuis le 13 mars 2015. La concomitance de nos prises de fonction est purement fortuite.
La Cada est une institution connue. Elle a pour mission, depuis 1978, de veiller à la liberté d'accès aux documents administratifs, notion vaste et composite qui recouvre les documents produits ou détenus par les services publics, auxquels s'ajoutent désormais les fichiers électroniques qui deviennent des documents dès lors qu'on en extrait les données par un procédé simple. Elle a acquis le statut d'autorité indépendante en 2005, avec l'attribution d'un pouvoir de sanction. Nous étions alors la quinzième AAI : l'eau a coulé sous les ponts.
De ses origines de commission administrative, la Cada a gardé son profil administratif et financier, caractérisé par un train de vie modeste, avec 88 000 euros de budget pour le titre 3 en 2015, et une absence de personnel contractuel. La Cada délivre des avis aux personnes privées et des conseils aux personnes publiques qui la sollicitent, et cela toujours sur des questions de droit. La loi affirme un principe, la communication est la règle, mais elle doit s'appliquer en tenant compte d'une diversité d'intérêts protégés, tels que le secret de la vie privé, par exemple. Quant à la réutilisation des informations publiques, elle soulève davantage d'enjeux économiques et patrimoniaux qui ont conduit à lui réserver un régime juridique plus restrictif.
Dans son office d'autorité administrative, la Cada suit une procédure similaire à une procédure juridictionnelle, le formalisme en moins. Ce n'est pas pour rien que j'ai recruté une ancienne greffière en chef du tribunal administratif de Caen comme secrétaire générale. La Cada est saisie de demandes dont il faut apprécier la recevabilité, avant de les soumettre à l'instruction du secrétariat général qui effectue un travail important de mise en état. Ce secrétariat dispose de treize ETP (équivalents temps plein). Le dossier est ensuite traité par l'un des dix rapporteurs, puis présenté par l'un des deux rapporteurs généraux à une réunion du collège qui siège une fois tous les quinze jours, dans une salle du Conseil d'État.
La loi prévoit que les avis seront rendus dans un délai d'un mois. La commission est saisie de 10 000 demandes par an, dont la moitié sont retenues pour faire l'objet d'une instruction. Elle rend tous les quinze jours plus de 250 avis et conseils, ce qui revient à plus de 5 000 par an. Ce rythme est très lourd compte tenu des délais courts qui nous sont imposés. La majorité de nos interventions est constituée par des avis. Les conseils sont particulièrement utiles aux collectivités territoriales ou aux petites structures comme les hôpitaux. Les missions de la Cada ont été étendues par des lois spéciales en matière d'archives ou d'environnement, et par l'ordonnance du 6 juin 2005 qui a instauré un nouveau régime de réutilisation des informations publiques. L'expérience montre que les lois spéciales posent des problèmes de champ d'application.
En quarante ans, l'objectif de prévention du contentieux qui avait inspiré la création de la Cada a été parfaitement atteint. Le volume du contentieux dont sont saisies les juridictions administratives en matière d'application de la loi de 1978 est remarquablement faible. Preuve en est que dans notre rapport pour 2014, nous n'avons recensé pour cette année que quatre arrêts du Conseil d'État sur la communication des documents administratifs. Les avis de la Cada sont spontanément suivis dans 80 % des cas, car ils sont la plupart du temps confirmés au contentieux.
Autre acquis de notre expérience, nous avons fait largement admettre par les acteurs publics concernés les principes régissant les données publiques, et cela grâce au travail considérable de nos 1 600 personnes responsables de l'accès au sein des administrations (Prada). Des foyers de résistance persistent, par ignorance ou par mauvaise volonté. Ils donnent lieu à des refus injustifiés que nous tentons de limiter, en faisant mieux connaître notre doctrine, qui doit servir de jurisprudence. Pour cela, nous avons rendu nos avis publics - ce que les textes ne prévoyaient pas - en pratiquant l'anonymisation nécessaire, bref, nous avons été pionniers de l'open data sur la communication des documents administratifs.
Enfin, nous avons fait du droit de la communication des documents administratifs le ressort d'autres évolutions sociétales, comme les novations récentes en matière de transparence de la vie publique, et, surtout, l'open data qui représente un enjeu économique important dans la nouvelle société numérique.
En 2015, deux échéances législatives importantes se profilent. La transposition de la directive sur la réutilisation des informations du secteur public (ISP) du 26 juin 2013 devrait redéfinir le régime de réutilisation des informations publiques. Nous nous y sommes beaucoup préparés. Un projet de loi devrait être présenté en juillet. L'open data a déjà inspiré plusieurs réformes législatives dans des domaines particuliers : publicité des données de santé, dispositions du projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la république (NOTRe) pour les collectivités territoriales, celles sur les transports dans le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Le projet de loi Numérique devrait élargir le champ de la diffusion publique en y incluant les fameuses données d'intérêt général. Ces évolutions législatives constitueront certainement pour la Cada la réforme la plus importante depuis 2005. C'est une perspective stimulante. Nous devons réfléchir aux moyens d'y faire face.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Je vous remercie pour cet exposé clair et complet.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Quel intérêt la Cada a-t-elle à avoir le statut d'AAI ?
M. Marc Dandelot. - C'était inhérent à la reconnaissance de son pouvoir de sanction. Cela étant, nous n'avons été saisis en dix ans que de trois demandes de sanction. C'est le signe d'un succès plutôt que d'un échec. Ce statut a assis l'autorité morale de notre instance : alors que rien n'oblige à les respecter, ses avis sont presque toujours suivis.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - La composition de votre collège obéit à des règles précises. Reflète-t-elle une diversité suffisante ?
M. Marc Dandelot. - Notre collège est vraiment collégial. De vrais débats y ont cours. C'est une très grande richesse que d'y trouver des experts, mais aussi des profils plus généralistes. J'apprécie la contribution active de la sénatrice et du député titulaires. Le président du Sénat nous a d'ailleurs demandé si nous pouvions siéger un autre jour que le jeudi, journée où se tient la séance publique et la présence de Mme Bouchoux est tellement importante que nous trouverons une solution. Nous comptons également des représentants de la Cnil et l'administration des archives, des magistrats de la Cour des comptes et de l'ordre judiciaire, des experts de la concurrence : la composition de notre collège est très adaptée à nos missions.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Les rapporteurs auxquels vous recourez sont presque tous issus des mêmes corps, notamment ceux des membres du collège. Comment les recrutez-vous ?
M. Marc Dandelot. - Les rapporteurs et les rapporteurs généraux doivent avoir une expertise très pointue en droit public. Il faut qu'ils soient capables de travailler vite sur une quantité de dossiers. En général, nous recrutons les rapporteurs dans les juridictions administratives. Les rapporteurs généraux sont issus d'une élite des tribunaux administratifs ou du Conseil d'État.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Lorsqu'un de vos avis est contesté, le recours se fait devant la juridiction administrative. Est-il souvent réformé ?
M. Marc Dandelot. - Les rapporteurs issus des juridictions administratives ne siègent évidemment pas, dans ce cas. Il nous arrive d'être réformés, quand le dossier sur lequel nous avions statué ne contenait pas toutes les données présentées à la juridiction. De manière générale, les avis de la Cada sont rarement infirmés par la juridiction.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Le contraire eût été étonnant vu l'origine des élites que vous recrutez.
M. Marc Dandelot. - C'est fait pour cela.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Je ne vous le fais pas dire. Dépendre des services du Premier ministre pour le fonctionnement vous pose-t-il un problème d'indépendance ?
M. Marc Dandelot. - Pas du tout. Depuis six mois que je préside cette institution, je n'ai jamais eu de problème de ce côté-là.
M. Jean-Yves Leconte. - Même en matière de budget, sur la réserve de précaution, par exemple ?
M. Marc Dandelot. - Je n'ai eu absolument aucun problème de ce côté.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Un certain nombre de rapporteurs siègent dans d'autres AAI, comme la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) ou l'Autorité de la concurrence. Qu'en pensez-vous ?
M. Marc Dandelot. - La loi a prévu que ces ponts existent. Les membres du collège sont nommés sur proposition des instances que vous avez mentionnées, conformément au texte qui institue la Cada.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Qu'en pensez-vous ?
M. Marc Dandelot. - Cela ne me pose aucun problème.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Même quand cela correspond à une nomenklatura composée de personnes de même origine ? Ne voyez rien de péjoratif dans ce mot.
M. Marc Dandelot. - Non, je ne crois pas. La loi que nous appliquons est assez détaillée. Les personnes qui siègent dans notre collège le font en toute indépendance. Ils ne représentent pas leur institution d'origine, et ils votent dans leur âme et conscience.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Je n'en doute pas. Ce qui me gêne, c'est que tout se fait dans un « entre soi » de quelques petites centaines de personnes, alors qu'il n'y a pas moins de 42 AAI.
M. Marc Dandelot. - Les personnalités qui représentent la Cnil dans notre collège contribuent à nourrir le dialogue entre nos deux institutions. Une autre AAI qui formule des propositions, c'est l'Autorité de la concurrence. Les experts en matière d'archives sont proposés par la direction générale des patrimoines qui n'est pas une AAI.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Si les AAI sont complémentaires, comme vous le dites, verriez-vous un inconvénient à ce que la Cada fusionne avec la Cnil, par exemple ?
M. Marc Dandelot. - Il faut être ouvert sur cette question. Tout le monde reconnaît que cette fusion n'est pas un enjeu budgétaire. Si l'on regarde le reste du monde, le partage entre les pays qui ont une pluralité d'institutions et ceux qui n'en ont qu'une est à peu près égal. En France, la dualité des institutions s'explique par la dualité des lois. La Cada a pour finalité la transparence et l'accès aux données publiques, tandis que la Cnil vise la protection des données personnelles. Nos deux institutions ont parfois à se prononcer sur les mêmes questions, et c'est leur constant dialogue qui garantit le bon fonctionnement de ce modèle dual. Cela n'empêche pas d'envisager une fusion, à condition toutefois de refondre les deux lois car un simple rattachement d'une autorité à l'autre ne marcherait pas. Il s'agit de savoir quelle portée nous accordons à la protection des données personnelles dans le dispositif juridique de transparence des données publiques. Il appartient au législateur de décider du côté où doit être placé le curseur. La publicité des rémunérations des professionnels de santé qui a été prévue par la loi, puis ramenée au contentieux offre un bon exemple du délicat équilibre à construire.
M. Jean-Yves Leconte. - Comment expliquez-vous l'évolution du nombre des saisines et la persistance de foyers de résistance ?
M. Marc Dandelot. - Trop de saisines tiennent encore à un refus injustifié des collectivités locales. Je ne saurais dire s'il s'agit d'une méconnaissance des règles ou d'une volonté de ne pas appliquer la loi. D'autres problèmes concernent certaines caisses d'assurance maladie. Dans la mesure où nous n'avons pas de pouvoir réglementaire, notre seul recours est d'avoir une communication forte pour mieux faire connaître les règles aux administrations. Nous en discutons en interne. Nous devons privilégier les sujets où les règles ne sont pas suffisamment appliquées. Sur les 5 000 saisines que nous avons recensées, 1 000 à 2 000 sont injustifiées.
M. Pierre-Yves Collombat. - Pour avoir été membre titulaire avant Corinne Bouchoux, j'ai expérimenté de près le fonctionnement de la Cada. J'y ai beaucoup appris. J'ai été extrêmement surpris de demandes concernant certaines collectivités territoriales ou quelques organismes médicaux. Il y a manifestement un problème de culture.
N'étant pas juriste, j'ai trouvé vos raisonnements souvent trop juridiques à mon goût. N'avez-vous pas tendance à reprendre les jurisprudences plutôt que de les remettre en cause ? La Cada a toujours veillé à préserver le caractère personnel des données, alors que l'obligation de transparence favorise le voyeurisme. Comment éviter cette dérive ?
M. Marc Dandelot. - Après quarante ans d'existence, la Cada s'est constituée un socle de doctrine. Au risque de paraître conservateur, je crois que la force de la jurisprudence est dans sa stabilité. À titre d'exemple, la Cada a décidé de limiter les recours aux personnes privées, à l'exclusion des personnes publiques. Quoique ce ne soit pas dans les textes, cela traduit l'esprit de la loi. La force de nos avis vient de ce que nous répondons toujours en droit et pas en opportunité. Et quand il y a matière à communiquer, nous n'hésitons pas. Pour reprendre l'exemple, même si les communes ne sont pas autorisées à saisir la Cada, il nous est arrivé de recevoir certaines de leurs saisines, par exemple parce qu'elles concernaient leur domaine privé - notre interprétation est toujours justifiée en droit.
Il revient au législateur de traiter au cas par cas le partage entre les données privées et les informations publiques. En revanche, nous avons ouvert un chantier de réflexion pour définir ce qui reste couvert par la vie privée dans le domaine professionnel. En effet, on considère en général que les données à caractère personnel ne relèvent plus de la vie privée dès lors qu'elles entrent dans le domaine professionnel. Or, elles sont verrouillées quand il s'agit de la réutilisation des données publiques. Une loi générale sur la diffusion des données publiques contribuerait à débloquer la situation.
La Cnil nous a posé la question de savoir si le droit à la communication s'étendait aux extensions téléphoniques des agents publics ou se limitait au numéro du standard. Pour éviter le harcèlement de certains agents, nous avons estimé que ce droit se limitait à un numéro de téléphone général par service public. Cette appréciation, dont l'on peut discuter, est justifiée en droit et par des raisons d'opportunité.
M. Jean-Louis Tourenne. - Vous êtes sollicités par des personnes privées, mais aussi par des collectivités territoriales, car la transparence a ses limites (action sociale, projets d'architectes...). Comment faire face à la généralisation de l'instrumentalisation de la justice ? Certains particuliers harcèlent les collectivités territoriales pour obtenir des renseignements, parvenant ainsi à bloquer le fonctionnement de l'administration. Comment éviter ce phénomène de détournement ?
Les auditions auxquelles j'ai assisté ont montré la consanguinité des AAI. Votre justification est légitime : il faut des experts pour se prononcer de manière pertinente. Pourtant, si l'on suivait cette logique jusqu'au bout, tous les sénateurs devraient avoir une formation juridique. À toujours rester entre gens qui ont le même schéma de pensée, ne risque-t-on pas de scléroser les décisions ? Il manque du sang neuf pour faire progresser l'institution.
M. Marc Dandelot. - L'équilibre entre communication et confidentialité est défini par l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 qui énumère des secrets protégés. Toutes les exceptions aux règles de communication sont fixées par la loi.
M. Jean-Louis Tourenne. - Cela risque d'augmenter les sollicitations, car les collectivités locales doivent se poser la question de la légalité, à chaque fois qu'elles communiquent un renseignement.
M. Marc Dandelot. - Les demandes de communication se font document par document. Nous nous faisons souvent communiquer ceux-ci pour donner notre avis. Que la législation élargisse beaucoup l'obligation de diffusion spontanée, et les collectivités auront à déterminer comment elles doivent occulter certains éléments, ce qui est long et coûteux - nous avons fait valoir cette préoccupation auprès du Gouvernement dans le cadre des travaux préparatoires sur le projet de loi Numérique.. Cependant le projet de loi NOTRe oblige les collectivités de plus de 2 500 habitants à pratiquer l'open data : des simplifications seront nécessaires.
La personne qui exerce un droit n'instrumentalise pas la justice. En revanche, les abus doivent être traités comme tels. Nous qualifions régulièrement certaines demandes d'abusives parce qu'elles sont répétitives. Peut-être pourrions-nous être un peu plus sévères à cet égard - c'est le chemin que nous prenons.
La préoccupation des élus locaux est souvent exprimée dans notre collège. Nous ne pouvons pas empêcher qu'une personne demande une grande quantité de documents entrant dans le cadre du droit à la communication ; en revanche, il est possible de lui demander de les consulter sur place, sous certains délais et d'en payer l'éventuelle reproduction. La communication de documents représente une contrainte qui n'est pas mince.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Y a-t-il de la résistance au niveau des services de l'État ?
M. Marc Dandelot. - Un petit peu, et l'on sait traiter. Lorsque certains ministères ont tendance à refuser la communication, nous pouvons faire venir leur représentant en début de séance lors de la réunion du collège et l'interroger.
M. Jacques Mézard, rapporteur. -J'ai eu une expérience dans ma collectivité locale : je vous ai saisi, vous m'avez donné satisfaction, le tribunal administratif également, mais pas le Conseil d'État. Qu'y pouvez-vous ?
M. Marc Dandelot. - Rien, si le Conseil d'État a jugé. Il arrive cependant que dans la dialectique avec le Conseil d'État, la Cada finisse par gagner.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Vous êtes le seul à pouvoir y arriver...
M. Marc Dandelot. - Parce que la culture de la Cada imprègne le Conseil d'État : nous démentir sur une question de droit est un enjeu pour lui. La motivation de notre avis pèse. Ne désespérez pas en cas de résistance... Une collectivité locale ne peut nous saisir ? Un membre du conseil municipal peut le faire à titre personnel puisque toute personne peut demander communication de tout document à toute administration.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Nous nous exagérions le poids du Conseil d'État, vous venez de nous rassurer : c'est l'AAI qui a du poids sur le Conseil d'État.
M. Marc Dandelot. - C'est réciproque, à travers des individus.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Consanguinité ?
M. Marc Dandelot. - Filiation, plutôt, ou essaimage, même s'il y a parmi nos rapporteurs moins d'auditeurs que par le passé, probablement parce que ce travail est harassant. Je veille pourtant à ce que la Cada reste attractive et, quand je reçois une nouvelle promotion d'auditeurs au Conseil d'État, je ne manque pas de leur rappeler qu'ils peuvent y diversifier leur expérience du droit administratif. Plutôt que de consanguinité malsaine, je parlerai d'intérêt bien compris.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Plus ce travail est harassant et plus j'admire la capacité des membres des hautes juridictions à siéger dans autant de structures avec autant de compétence et de talent. Si nous avons besoin d'élite, ne retrouve-t-on pas un même moule ? Les liens qui se tissent sont évidents, ce qui n'implique nulle critique sur l'intégrité de ces personnes. Comment ferez-vous quand nous en serons à une centaine d'AAI ?
M. Marc Dandelot. - Qui peut mieux prévenir des recours contentieux que des experts du contentieux ? Faire un autre choix nous exposerait à des annulations plus fréquentes.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - J'entends bien. Pourquoi pas des avocats ?
M. Marc Dandelot. - Nous n'avons jamais eu de candidat.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - En avez-vous recherché ?
M. Marc Dandelot. - Je prends note de l'idée et je la soumettrai au collège.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. - Des avocats, mais pourquoi pas aussi des membres éminents de collectivités locales ? Dans ma ville de 20 000 habitants, le service juridique se compose de deux personnes ; le directeur, qui est votre référent, passe beaucoup de temps à ces affaires.
M. Marc Dandelot. - J'en parlerai au collège. Il est nécessaire qu'un rapporteur soit pointu, et qu'il soit jeune, pour des raisons de niveau de rémunération. Quant au collège, sa composition est fixée par la loi. Le représentant des collectivités locales au sein de notre collège n'est d'ailleurs pas le seul à exprimer leur point de vue.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, présidente. -Je vous remercie d'avoir joué le jeu tout au long de cette audition passionnante.
La réunion est levée à 15 h 50.