Mercredi 27 mai 2015
- Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, Président -La réunion est ouverte à 9 h 45
La nouvelle croissance chinoise et ses conséquences - Table ronde
La commission organise une table ronde sur la nouvelle croissance chinoise et ses conséquences :
- M. Alain Mérieux, président de la Fondation Mérieux ;
- M. Emmanuel Lenain, directeur d'Asie et d'Océanie au ministère des affaires étrangères et du développement international.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Nous poursuivons aujourd'hui notre cycle d'auditions sur l'un des thèmes de travail que nous avons choisi pour cette année : la nouvelle croissance chinoise et ses conséquences, notamment pour la France. Après les professeurs François Godement et Jean-Luc Domenach, que nous avons entendus en février, nous recevons aujourd'hui deux « praticiens » :
- Alain Mérieux, président de la Fondation et de l'Institut Mérieux. Lorsque Xi Jinping a effectué une visite d'État en France il y a un an, le Président chinois a commencé son séjour par Lyon, notamment pour visiter les laboratoires bioMérieux, spécialistes du diagnostic médical, et vous avez d'ailleurs évoqué à cette occasion une « visite amicale et familiale ». Je crois qu'on peut donc dire, sans commettre d'erreur, que votre expérience de la Chine est tout à fait exceptionnelle... ;
- nous recevons également Emmanuel Lenain, qui a quitté il y a quelques jours seulement son poste de Consul général de France à Shanghai, après un peu plus de quatre années sur place, pour rejoindre le poste de directeur d'Asie et d'Océanie au ministère des affaires étrangères.
Depuis les réformes lancées par Deng Xiaoping à la fin des années 1970, la Chine a connu une croissance phénoménale, tout à fait inédite dans notre histoire, au moins récente, en termes de volumes et de durée.
Pour autant, la Chine a certainement atteint un point dans son développement qui nécessite de mettre en oeuvre une nouvelle stratégie, ce que les autorités du pays ont d'ailleurs décidé, notamment dans le cadre du 12e Plan.
Le groupe de travail que nous avons mis en place souhaite mieux comprendre la situation actuelle de l'économie chinoise, les modalités et la réalité de la « réorientation » annoncée par les dirigeants du pays, ainsi que les opportunités que cette situation crée pour la France.
M. Alain Mérieux, président de la Fondation Mérieux. - Ma première visite en Chine a eu lieu en 1978 et, à l'époque, je m'exprimais devant des scientifiques plutôt âgés car les universités ressentaient encore la période des Gardes rouges qui les avaient vidées de leurs étudiants. Puis je me suis régulièrement rendu dans ce pays, notamment lorsque j'étais vice-président du conseil régional de Rhône-Alpes. J'étais d'ailleurs à Shanghai durant les événements de Tiananmen et nous avons souhaité conserver, durant cette période difficile, les liens que nous avions tissés au fil des années. Ces différents séjours m'ont permis de rencontrer plusieurs personnalités qui ont exercé par la suite des responsabilités importantes ; ce fut par exemple le cas avec Zhu Rongji qui a été maire de Shanghai puis Premier ministre et c'est le cas en ce moment même avec Xi Jinping que j'ai rencontré bien avant qu'il ne devienne Président. Malgré certaines hostilités en France, je me suis également occupé du comité France - Chine sur les maladies infectieuses émergentes, qui a vu le jour à la suite de l'épidémie de SRAS, période que le Président Raffarin connaît particulièrement bien.
La Chine peut surprendre par sa force, voire sa brutalité, mais le pays est également très affectif et attaché au souvenir du passé : les références régulières au sac du Palais d'été nous montrent que les Chinois n'oublient jamais un événement. De même, la famille est un élément essentiel de la société.
L'économie s'est développée de manière extraordinaire, à partir d'une situation quasi-moyenâgeuse. Avec une croissance très forte, la Chine a retrouvé une place dans le monde mais la véritable question est de savoir combien de temps le parti unique peut-il persister dans ce contexte. De ce point de vue, la campagne anti-corruption qui a été lancée est vitale pour le pays.
La Chine s'est beaucoup rapprochée de la France ; elle a par exemple beaucoup apprécié, je dirais même admiré, l'attitude française au Mali. Souvenons-nous que le Mali est l'un des premiers pays au monde à avoir reconnu la République populaire de Chine. Cette lune de miel entre nos deux pays n'empêche pas le nationalisme et la protection des industries nationales en Chine (comme en France d'ailleurs), notamment dans des secteurs stratégiques comme la santé. Pour autant, même dans ces secteurs, il semble possible que la Chine et la France travaillent ensemble dans des pays tiers, par exemple en Afrique et nous préparons d'ailleurs un projet d'accord en ce sens avec l'Académie chinoise de médecine.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Les autorités chinoises ont annoncé des montants très importants d'investissements à l'étranger : environ 500 milliards de dollars dans les cinq ans à venir.
M. Alain Mérieux. - Les Chinois n'investissent quelque part que s'ils sont bien accueillis. Ils veulent investir mais pas en heurtant les opinions publiques ou les sensibilités nationales.
M. Emmanuel Lenain, directeur d'Asie et d'Océanie au ministère des affaires étrangères et du développement international. - En ce qui concerne le contexte macroéconomique, la Chine connaît certes un ralentissement mais le phénomène apparaît contrôlé. Je dirais même qu'il est logique après une telle période - unique dans notre histoire - de croissance très forte et ininterrompue durant plus de trente ans. Je me range donc plutôt parmi les optimistes.
Nous sommes à la fin d'un cycle de rattrapage lancé à la fin des années 1970 par les réformes de Deng Xiaoping : durant cette période, la Chine a mené sa révolution industrielle, elle s'est urbanisée et elle a introduit avec succès les nouvelles technologies. Aujourd'hui, elle s'oriente vers une économie plus innovante, une économie de la connaissance, avec par exemple des investissements massifs dans la recherche qui représentent plus de 3 % du PIB. Des laboratoires géants ont été créés et il existe des centres de recherche et développement de niveau mondial. L'un des résultats est que la Chine dépose environ la moitié des brevets dans le monde, même si tous ne correspondent pas nécessairement à des inventions.
Les moteurs traditionnels de la croissance s'épuisent. Le modèle a ainsi atteint ses limites en matière d'environnement, secteur où les revendications de la population sont très pressantes. En matière démographique, la politique de l'enfant unique mise en place en 1979 a eu des résultats évidents mais entraîne aussi des conséquences importantes sur le long terme qu'il est difficile d'inverser. Cette politique, sans être complètement abandonnée, connaît et connaîtra, à n'en pas douter, de plus en plus d'exceptions ou d'adaptations. Par ailleurs, l'endettement reste globalement soutenable mais celui des collectivités locales, qui représente environ 30 % du PIB, a surpris beaucoup d'observateurs par son niveau car elles n'ont pas le droit de s'endetter directement et ont mis en place divers véhicules pour ce faire. Longtemps, les responsables locaux étaient jugés sur le seul critère de l'évolution de la croissance sur leur territoire, ce qui les a incités à investir massivement, en particulier dans les infrastructures ; aujourd'hui, le niveau d'endettement constitue un frein significatif aux nouveaux investissements au niveau des collectivités.
Face à ces évolutions, les autorités chinoises ont décidé de reconfigurer le modèle économique, avec un modèle « plus normal », davantage assis sur la consommation intérieure et générant une croissance certes moins vigoureuse mais plus soutenable, tant en interne qu'en externe vis-à-vis du reste du monde. Cette réorientation s'est opérée au travers d'une politique de distribution massive de pouvoir d'achat. Les résultats sont là : avec une progression des revenus hors inflation de 7 %, la consommation devrait progresser de 11 %. Le ralentissement actuel peut également s'expliquer, pour partie, par la campagne d'austérité et de lutte contre la corruption qui se diffuse dans toute l'économie car les décideurs prennent désormais plus de précautions qu'auparavant.
Les autorités ont fixé un objectif de croissance d' « environ 7 % » pour 2015 et ce taux devrait se stabiliser autour de 5-6 % à la fin de la décennie, ce qui reste tout à fait enviable. Mais la véritable préoccupation des autorités reste le niveau de l'emploi. Le pays demeure rural puisque seulement un peu plus de la moitié de la population vit en ville contre plus des trois quarts dans les pays développés. L'urbanisation va continuer ce qui pose la question de la création d'emplois dans les villes.
La Chine connaît des situations très hétérogènes selon les régions. Des villes côtières hérissées de tours ultramodernes aux campagnes de l'Ouest, ce sont plusieurs pays, voire plusieurs époques qui coexistent. Le salaire de base varie de 1 à 4 entre les grandes villes côtières et les provinces de l'intérieur.
Dans ce cadre général, les opportunités sont très importantes pour les entreprises françaises. Même si la croissance a ralenti, sa base est plus large et la croissance en valeur est aujourd'hui le double de ce qu'elle était au début des années 2000 quand le taux de croissance dépassait les 10 %. Selon le FMI, l'économie chinoise a procuré environ 30 % de la croissance mondiale en 2014.
Avec la formation d'une classe moyenne de bientôt 500 millions de personnes dotée d'un grand appétit de consommation, la Chine est arrivée à un stade de son développement économique qui correspond mieux aux points forts de l'économie française, notamment les produits de grande consommation et de luxe. Au-delà des grands contrats, l'appui public se concentre de plus en plus sur les PME et les secteurs en fort développement comme l'agroalimentaire, la ville durable ou la santé.
L'enjeu du tourisme est considérable. Les Chinois représentent déjà la première dépense par personne en France ; nous en accueillons 2 millions et avons pour objectif d'atteindre 5 millions. Nous avons modernisé notre dispositif de délivrance des visas ; nous devons continuer ces efforts et développer en même temps une véritable politique d'accueil avec une hôtellerie, une signalétique et des méthodes de paiement adaptées.
Plus de 1 200 entreprises françaises, dont toutes celles du CAC 40, sont présentes en Chine avec, dans de nombreux cas, des capacités de production destinées au marché chinois. Le stock d'investissement français en Chine atteint ainsi 18 milliards d'euros ; parallèlement, les investissements chinois en France ne s'élèvent qu'à 5 ou 6 milliards. Nous avons donc de bonnes perspectives pour les années à venir et devons mettre en place une politique d'accueil des investissements et une politique de partenariat entre la France et la Chine, par exemple dans certains pays tiers.
M. Christian Cambon. - Il existe un paradoxe entre, d'une part, la qualité de la relation entre la France et la Chine et, d'autre part, les chiffres que vous évoquez, qui ne correspondent pas aux ambitions. La présence des entreprises chinoises en France est bien moindre qu'en Allemagne ou qu'au Royaume-Uni, qui est en tête des pays destinataires d'investissements chinois. Au-delà des incantations, un effort structurel ne doit-il pas être réalisé par les régions pour accueillir les entreprises chinoises ? Au Royaume-Uni, les collectivités ont, par exemple, mis en place des services entièrement consacrés à l'accueil des investissements chinois.
Les grandes entreprises ne devraient-elles pas développer des dispositifs de « cocooning » afin d'aider les PME à investir en Chine et faire en sorte que les chiffres soient à la hauteur de nos ambitions ?
Mme Hélène Conway-Mouret. - Un changement de ton est perceptible dans le discours des dirigeants politiques chinois. La Chine assume désormais ouvertement sa place et ses aspirations au niveau mondial. Elle revendique certains territoires maritimes, ce qui suscite l'inquiétude de ses voisins. Quelles sont les conséquences de cette évolution sur la politique étrangère de la Chine et notamment sur sa relation avec le Japon ?
La croissance chinoise repose sur une consommation énergétique importante. L'opinion publique fait pression sur les autorités, qui lui répondent avec des objectifs assez ambitieux, comme en témoigne l'accord signé avec les États-Unis et les objectifs de la Chine pour la COP21. Les objectifs affichés sont-ils réalistes ?
La communauté française en Chine semble être en diminution. Des difficultés de renouvellement des visas nous ont été rapportées. Le climat des affaires en Chine se durcit-il, notamment pour les PME ?
M. Henri de Raincourt. - La croissance chinoise a longtemps reposé sur des exportations massives. Elle profite aujourd'hui aussi de l'augmentation de la consommation et de l'élévation du niveau de vie. Cette reconfiguration aura probablement des conséquences politiques. Mon intuition est que la Chine ne pourra pas faire coexister indéfiniment une politique économique audacieuse et un système politique fermé.
M. André Trillard. - Comment le Parti communiste chinois se renouvelle-t-il ? Quelle est l'ampleur de l'entrée des jeunes dans le Parti ?
Qu'en est-il des opérations menées par la Chine sur le taux de change du yuan vis-à-vis des autres monnaies ? Quel est le rôle de la politique monétaire dans la politique économique chinoise ?
M. Hubert Falco. - J'observe que nous sommes très sollicités, en tant qu'élus territoriaux, par des villes chinoises qui souhaitent développer des échanges avec des collectivités françaises. Par ailleurs, y-a-t-il une ouverture possible pour la France en Chine, en matière d'armement ?
M. Alain Mérieux. - Je confirme, tout d'abord, l'intérêt des Chinois pour les questions de santé publique, s'agissant notamment des conséquences de l'urbanisation de 300 millions de Chinois au cours de la prochaine décennie.
L'hostilité vis-à-vis du Japon est profonde et viscérale, pour des raisons historiques. Des tensions sont à craindre, tôt ou tard.
En tant que premier vice-président du conseil régional de Rhône-Alpes, j'ai entretenu des liens de coopération avec la ville de Shanghai. J'ai alors observé les moyens mis en oeuvre, pour le même type de coopération, par le Land de Bade-Wurtemberg. Les Allemands développent une politique très active, très organisée et systématique, tant au niveau local que fédéral. Cette politique est mise en oeuvre par des professionnels, ce qui n'est pas le cas en France. Les régions doivent développer leur expertise afin d'aider les PME qui n'ont pas les moyens de se déplacer à l'étranger.
La Chine, qui pourrait représenter demain la moitié du marché nucléaire mondial, représente un débouché important pour notre industrie dans ce secteur. L'accroissement de la pollution l'y incite fortement. La France peut également trouver des débouchés chinois dans les secteurs du traitement des eaux, de l'urbanisme, des transports en commun ou encore de la santé et de la sécurité alimentaire. Dans le domaine de la santé, la Chine est plus ouverte qu'elle ne l'a été et reconnaît désormais l'existence de maladies infectieuses telles que le SIDA ou la tuberculose.
M. Emmanuel Lenain. - Le Parti communiste chinois se renouvelle beaucoup. Il compte 83 millions de membres. Depuis une vingtaine d'années, ce Parti est ouvert à toutes les nouvelles élites économiques et culturelles. Il constitue la colonne vertébrale du pays.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - L'histoire de la Chine est paradoxale. C'est un pays qui, contrairement à une Europe qui cherche toujours le dépassement dialectique, ne veut pas choisir : les Chinois sont ainsi à la fois le premier pollueur et le premier producteur d'énergie renouvelable, en particulier dans le secteur photovoltaïque. De même, la centralisation y est extrême, à travers le Parti communiste qui compte 83 millions de membres, mais il existe également une décentralisation très avancée. Toute la force de ce pays est d'essayer de tout faire tenir ensemble. Ainsi, contrairement à nous, les Chinois ne considèrent pas qu'il y ait une contradiction entre économie libérale et centralisation politique.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet de l'impact de la corruption sur la situation économique et sociale chinoise ? Patrick Artus estime que la croissance réelle est plus proche de 1 % que des 7 % officiels, notamment du fait d'une crise de la consommation alimentée par la bulle immobilière et par la crise sociale dans les campagnes. Qu'en pensez-vous ? Enfin, en Afrique, les relations entre la France et la Chine vont-elles continuer à se caractériser par une certaine complémentarité ou bien la Chine ne va-t-elle pas devenir dominante sur ce continent, au détriment de nos intérêts ?
M. Robert del Picchia. - Les Russes souhaitent s'ouvrir économiquement vers la Chine, ne serait-ce que pour contrarier les Américains qui se sont réorientés vers l'Asie et les Européens qui leur imposent des sanctions économiques. Compte-tenu également du fait que les Chinois investissent en Sibérie, comment considérer ces relations russo-chinoises ?
M. Jacques Legendre. - La connaissance du français se développe-t-elle en Chine ou ce pays est-il plutôt en train de basculer dans le « tout-anglais » ? Par ailleurs, quel est l'état des études de langue chinoise en France ?
M. Joël Guerriau. - Vous avez évoqué l'opportunité que constituent les 7 % de croissance chinoise, ce pays assurant un tiers de la croissance mondiale. 20 milliards de marchandises françaises entrent annuellement en Chine. Celle-ci n'est toutefois pas seulement un immense consommateur, c'est aussi un concurrent pour les entreprises du reste du monde. Ainsi, les échanges de la Chine avec l'Afrique n'ont fait que croître au cours des dernières années. La Chine devient un modèle pour ce continent qui profite de ses produits à bas coût et tourne ainsi le dos à ses partenaires historiques. Que pensez-vous de ces évolutions ?
M. Antoine Karam. - Il y a une forte présence des outre-mer français en Chine, notamment de la Polynésie dont le statut politico-administratif lui permet d'avoir un bureau à Shanghai. Il existe également des relations très fortes entre la Chine et la Réunion ainsi que la Guyane. D'ailleurs, les premiers Chinois sont arrivés en Guyane au début du 19e siècle pour y faire de l'orpaillage, puis du commerce de proximité. Ils se sont enfin développés, dans de très bonnes conditions, dans la grande distribution, le BTP et l'immobilier. A partir de la Guyane, les Chinois se sont implantés au Surinam où ils ont construit ponts, routes et autres équipements structurants, puis au Guyana. En tant que président de la région Guyane, j'ai eu l'occasion de signer en 2007, avec la très dynamique province du Zhejiang, une convention portant sur la pêche et les échanges culturels. Ainsi, en Amérique du Sud, nous ne sommes pas inquiets de l'expansion économique chinoise car il existe une très bonne intégration entre la population chinoise et la population guyanaise, déjà forte de son pluralisme culturel. Nous souhaitons renforcer encore ces relations, notamment dans le domaine de la pêche, compte tenu de la richesse extrême de notre plateau halieutique.
M. Xavier Pintat. - Quelle est la part de la consommation intérieure dans la production de richesses de la Chine ? Peut-elle prendre le relais des exportations ?
M. Alain Mérieux. - Il est naturel que la Russie développe ses relations avec la Chine dans le contexte de ses différents avec les Etats-Unis. Au passage, je voudrais signaler à propos de l'Iran, qui a été évoqué précédemment, que j'ai été frappé par la grande soif de travailler à nouveau avec les Français qui anime ce pays.
Nos grandes écoles jouent indéniablement la carte de la Chine : Polytechnique accueille 70 étudiants chinois, l'école de management de Lyon va ouvrir une filiale à Shanghai, les écoles centrales ont participé à la création d'une école centrale à Pékin. Certains de mes jeunes collaborateurs parlent le chinois, ce qui était impensable autrefois. Ces liens universitaires sont très importants car ils créent des relations pour cinquante ans. Certains de ces étudiants chinois en France deviendront en effet des dirigeants d'entreprises ou des responsables politiques et ils auront acquis la connaissance et le goût de la France. Les démarches entreprises par le ministère des affaires étrangères pour faciliter l'obtention des visas sont donc extrêmement positives.
M. Emmanuel Lenain. - Depuis que la Chine a réémergé, c'est-à-dire depuis une trentaine d'années, elle a eu un impact sur le monde somme toute peu déstabilisateur si on le rapporte à sa puissance retrouvée. Un historien britannique a reconstitué les chiffres de l'économie mondiale depuis le début de notre ère et a établi que, si l'on excepte une parenthèse qui va de la guerre de l'opium à la fin de l'époque maoïste, la Chine a toujours représenté 30 % environ de la richesse mondiale, sans pour autant constituer un facteur de déstabilisation de l'ordre mondial. Toutefois, compte tenu de l'interdépendance économique actuelle, la situation n'est pas comparable.
Mme Hélène Conway-Mouret. - L'inquiétude du Vietnam concernant les revendications maritimes de la Chine est aujourd'hui bien réelle !
M. Emmanuel Lenain. - La communauté française en Chine est en légère diminution, ce qui constitue un phénomène nouveau. A Shanghai, la croissance de cette communauté était ces dernières années de 20 % à 30 % par an ; elle est désormais stabilisée. Cette situation s'explique par trois facteurs principaux : les inquiétudes des Français face à la dégradation de l'environnement et aux problèmes de sécurité alimentaire, dont ils craignent les effets pour leurs familles ; le fait que les entreprises en Chine ont tendance à se « siniser » car elles trouvent sur place les talents dont elles ont besoin ; enfin, il est de plus en plus difficile pour les jeunes d'obtenir des visas, une nouvelle loi ayant durci les conditions d'entrée en Chine afin de préserver l'emploi des jeunes Chinois. Ce dernier point constitue pour nous un sujet de forte préoccupation. Nous menons actuellement une négociation devant aboutir à l'obtention de 1 000 visas pour des stagiaires chinois en France et 1 000 visas pour des stagiaires français en Chine.
En ce qui concerne l'économie, plusieurs éléments convergent pour penser que la croissance s'élève à environ 6 % ou 7 %. Dans le passé, les autorités ont parfois eu tendance à la minorer. Il existe certes des surcapacités dans certains secteurs, notamment la production d'acier ou encore l'immobilier puisqu'il y a de nombreux logements vacants. Toutefois, les risques que présentent ces « bulles » doivent être relativisés par l'existence d'importantes réserves de change.
Nous sommes très attachés à la francophonie. Les étudiants chinois constituent, grâce à l'ensemble des accords que nous avons développés dans ce domaine, le groupe d'étudiants étrangers le plus nombreux en France (plus de 35 000). Le français est très enseigné en Chine mais il reste beaucoup à faire. Il existe 15 alliances françaises. Il est indispensable de dégager des ressources au plus vite pour en ouvrir d'autres dans toutes ces villes qui comptent plusieurs millions d'habitants. Il y a actuellement une soif d'étranger en Chine mais la fenêtre ne restera pas toujours ouverte. Sur la durée, pour les relations franco-chinoises, pour le rayonnement de notre pays, il n'y a pas de meilleur investissement.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Cette présence de la langue française est particulièrement impressionnante dans le domaine de la santé. Il y a plus de scientifiques qui parlent français dans ce secteur en Chine que dans bien des pays de la francophonie. Il y a à Wuhan un service d'urgences bilingue. Les universités françaises ont fait un travail considérable pour accueillir les étudiants en médecine chinois.
M. Alain Mérieux. - Il existe quatre universités médicales francophones en Chine !
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - J'ai lu attentivement le dernier ouvrage du Président Xi Jinping. Le premier enseignement que l'on peut tirer de ses discours, c'est que si le parti communiste doit certes être rénové, il continuera à contrôler et à gouverner la société. Les discussions existent au sein du parti mais sa loi continuera à s'appliquer en dehors. Ensuite, l'Asie et le développement du pôle asiatique, y compris le voisinage coréen et japonais, au sein d'un monde multipolaire, reste l'horizon de la Chine car il faut éviter le face-à-face avec les Etats-Unis dans le Pacifique. Il en résulte d'ailleurs une forte « demande d'Europe » de la part de la Chine afin d'équilibrer la pression américaine. Enfin, le principe du développement économique réside dans l'innovation, et non dans le « low cost ». Pour les Chinois, la liberté est une liberté de créer, de chercher, de développer de nouveaux produits. Ils ont une très forte croyance dans la science et le progrès.
Nomination de rapporteurs
La commission nomme rapporteurs :
- Mme Gisèle Jourda sur le projet de loi n° 792 (2013-2014) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Géorgie relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels ;
- Mme Nathalie Goulet sur le projet de loi n° 2705 (AN-XIVe législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique sur l'indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France, non couvertes par des programmes français (sous réserve de sa transmission).
La réunion est levée à 11 h 21.
- Présidence conjointe de M. Christian Cambon, vice-président puis M. Daniel Reiner, vice-président et de M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire -
La réunion est ouverte à 15 heures
Audition de Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, représentante spéciale pour la conférence Paris Climat 2015 (COP21)
La commission auditionne Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, représentante spéciale pour la conférence Paris Climat 2015 (COP21).
M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. -Pour cette audition commune aux commissions des affaires étrangères et du développement durable et au groupe de travail relatif aux négociations internationales sur le climat et l'environnement, nous sommes très heureux de vous accueillir, Madame l'ambassadrice, à près de 200 jours de la conférence de Paris, dont nul ne connaît les enjeux mieux que vous.
Le Sénat se mobilise dans la perspective de la conférence Paris Climat 2015, conscient de l'importance de l'enjeu climatique pour la France, pour la planète et surtout pour l'humanité, comme l'a souligné Nicolas Hulot lors de sa récente audition devant nos deux commissions.
Les effets du dérèglement climatique sont déjà sensibles à travers la montée du niveau des océans, l'érosion des côtes, dont nous allons constater les effets lors d'un prochain déplacement en Gironde, ou encore la plus grande fréquence des événements climatiques extrêmes.
C'est pourquoi le Sénat a engagé une série d'actions de sensibilisation, que le président Gérard Larcher présentera demain à la presse. La semaine dernière, nous avons tenu un colloque sur la position des religions à l'égard du réchauffement climatique. Nous nous entretenons du sujet avec les représentants des parlements étrangers que nous recevons régulièrement, ainsi nous avons récemment rencontré des parlementaires canadiens et des staffers américains. Nous participons également à la mobilisation des territoires, dont le Sénat est le représentant et qui jouent un rôle important dans la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, nous préparons activement la journée de l'union interparlementaire (UIP) au cours de laquelle nous accueillerons des parlementaires du monde entier le 6 décembre au Sénat. À cette occasion, une résolution pour laquelle j'ai été nommé rapporteur sera présentée ; nous souhaiterions qu'elle soit incluse dans les actes finaux de la conférence Paris Climat.
En effet, les parlementaires ont trop souvent le sentiment d'être quelque peu tenus à l'écart des grandes négociations. Nous savons que cela ne résulte pas de votre volonté, car vous avez souligné leur apport, leur pouvoir de faire pression sur les gouvernements, par exemple sur les contributions individuelles. Or, à ce jour, seuls dix pays ont fourni leur contribution nationale en vue de la conférence, alors que la date butoir était fixée à la fin mars.
Que pouvez-vous nous dire sur les chances d'un accord sérieux à Paris ? Le processus peut-il s'accélérer ? La prochaine conférence préparatoire des parties se tiendra à Bonn à partir du 3 juin prochain. Qu'en sera-t-il ?
Nicolas Hulot a évoqué une « course contre la montre ». Où en est-on ? En quoi pouvons-nous, parlementaires, être utiles, et auprès de quels pays devons-nous agir en priorité pour contribuer à la réussite de cette conférence ?
M. Christian Cambon, vice-président de la commission des affaires étrangères. - Je vous souhaite à mon tour, au nom du président de la commission des affaires étrangères, Jean-Pierre Raffarin, la bienvenue et vous remercie d'accepter de nous rencontrer, sachant votre agenda particulièrement chargé.
Comme l'a dit M. le président Maurey, le Sénat prend toute sa part dans la préparation de la conférence de Paris. La conférence de Copenhague, en 2009, avait donné des résultats en demi-teinte. Les pays en voie de développement avaient publié une déclaration qui posait des questions dérangeantes aux pays développés.
Dans quelle mesure avons-nous avancé depuis ? Avons-nous pris conscience des enjeux que représentent pour les pays pauvres le maintien d'un climat supportable et le soutien au développement ?
Signe supplémentaire de notre mobilisation, la commission des affaires étrangères a créé un groupe de travail sur les conséquences géopolitiques du changement climatique dans les espaces maritimes, animé par M. Cédric Perrin et Mme Leila Aïchi. Ce groupe travaille notamment sur la montée des eaux et la situation de l'Arctique.
Nicolas Hulot nous a fait part de ses craintes quant à l'insuffisance des contributions nationales à la conférence ; faut-il y voir un retard administratif ou un signe plus préoccupant ?
Autre question, non moins importante : comment assurer la mobilisation des sociétés civiles au niveau mondial, avec les sacrifices que cela implique, pour que cet accord ne reste pas lettre morte ?
Enfin, en tant que présidente du conseil d'administration de l'Agence française pour le développement (AFD), vous êtes une interlocutrice privilégiée de ces pays en voie de développement, dont la sensibilité sur la question du changement climatique diffère souvent de la nôtre. Comment progresse la préparation de la conférence dans ces pays ?
Nous mesurons l'immensité de la tâche et votre engagement personnel pour le succès de cette conférence.
Mme Laurence Tubiana. - Je vous remercie de votre invitation. Ayant souvent l'impression, telle une garagiste, d'avoir les mains dans le cambouis, cette audition représente une occasion idéale de prendre du recul et de tracer le chemin qui reste à parcourir, 200 jours avant l'étape finale.
Vous avez pu entendre le Président de la République et le ministre des Affaires étrangères souligner que la conférence de Paris devait constituer un véritable tournant. Les négociations sur le climat ont commencé en 1992 - cela peut paraître long, mais elles sont plus complexes que les négociations internationales sur le commerce, qui, elles, ont duré de 1948 à 1994.
Nous souhaitons une évolution des politiques publiques nationales et des modèles de développement car, pour prendre ce tournant, il faut mettre en place des économies sobres en carbone, par la diminution de l'utilisation de ressources fossiles, ou la neutralisation des émissions dans l'atmosphère.
Il convient, par conséquent, de favoriser une convergence des anticipations des gouvernements, mais aussi des acteurs économiques et des collectivités locales. Pour passer sous la barre des deux degrés par rapport à l'ère pré-industrielle, nous devons leur faire partager l'ambition d'un changement de modèle, d'un profond découplage entre la consommation des ressources fossiles et la croissance économique. En somme, au lendemain de la clôture de la conférence, le 12 décembre, nous voudrions voir les journaux annoncer l'émergence inévitable d'une économie sobre en carbone.
Vous m'interrogez à juste titre sur la préparation des accords. Notre action se décline en quatre volets.
Le premier est la conclusion de l'accord lui-même, pour laquelle la France a reçu un mandat.
Le deuxième est constitué par les contributions nationales. La conférence est organisée selon un système dit « par le bas » reposant sur des engagements volontaires des pays en matière de réduction des émissions.
Le troisième concerne la mobilisation financière. Il faut modifier la réponse du système financier aux besoins d'investissements afin de relever le défi de la transition vers une nouvelle économie.
Enfin, le quatrième est l'engagement des acteurs non gouvernementaux. Notre ambition est de favoriser l'émergence d'un « effet croyance ». Beaucoup d'entreprises sont désormais convaincues que l'économie sobre en carbone représente l'avenir, et que les ressources fossiles constituent un investissement risqué. Quant aux acteurs locaux, nous avons à coeur de montrer qu'un grand nombre d'autorités territoriales, dont les décisions sont importantes pour le climat, voient un avenir dans la ville durable.
Oui, nous voulons que l'alliance pour le climat repose sur un travail juridique ; sur les engagements nationaux ; sur les réponses du système financier ; et sur la mobilisation des acteurs non gouvernementaux.
Avec ces quatre objectifs à l'esprit, nous allons engager une diplomatie à 360 degrés, en travaillant avec les gouvernements et tous ceux qui, au niveau national, construisent les politiques énergétiques, avec les acteurs du système financier, avec les organismes non gouvernementaux, en les incitant à s'engager de manière compréhensible et vérifiable.
Nous sommes aidés dans cette entreprise par une mobilisation sans précédent de notre exceptionnel réseau diplomatique. Dans chaque ambassade, un correspondant est en relation avec les négociateurs, les collectivités locales et les industriels.
Où en sommes-nous ? Certes, nous n'avons reçu que dix contributions - 37 en comptant chacun des membres de l'UE. Néanmoins, je n'y vois pas un motif d'inquiétude. Le 31 mars n'était pas une date impérative, la véritable échéance se présentera en octobre.
L'exercice est complexe. J'ai échangé récemment avec la secrétaire exécutive de la commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes, Alicia Bárcena, qui m'a confirmé la prise de conscience des enjeux climatiques sur son continent. Néanmoins, il y a loin de la volonté d'agir aux modalités concrètes, entre l'utilisation des politiques fiscales, la définition d'objectifs chiffrés de réduction des émissions, etc. Un grand nombre de pays ne se sont encore jamais livrés à cet exercice.
L'horizon 2025-2030 paraît particulièrement lointain. Cette échéance appelle le déploiement, dans chaque pays, de politiques de protection des industries, de l'agriculture, des forêts... Partout, ces enjeux nourrissent des débats intenses. Les gouvernements prennent conscience des démarches concrètes qu'implique leur mobilisation. Il est naturel que ce processus prenne du temps. Des arbitrages complexes doivent être rendus sur des données telles que le taux de croissance espéré.
Je suis convaincue qu'à l'arrivée, la quasi-totalité des pays émetteurs de gaz à effet de serre présenteront une contribution. Nous recevrons un afflux de contributions dans les prochaines semaines, et une nouvelle vague durant l'été. Il est néanmoins exact de dire que, comme l'a souligné Nicolas Hulot, ces contributions ne répondront pas à la question de la trajectoire à suivre pour limiter la hausse des températures à 2°C à l'horizon 2050.
L'enjeu de la conférence de Paris sera précisément de revenir vers une trajectoire compatible avec cet objectif, à travers une baisse de 50 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre entre 2000 et 2050.
Nous sommes à l'orée d'une grande transformation. Beaucoup de pays en voie de développement commencent à s'engager à des baisses absolues de leurs émissions. C'est le cas aussi de la Chine. Encore faut-il que ces réductions interviennent suffisamment vite. Il est difficile d'attendre des propositions concrètes à brève échéance, mais la volonté est là. Nous en saurons davantage à la fin juin.
Venons-en aux principaux points de la négociation. Comment allons-nous la conduire ?
En premier lieu, le 30 novembre prochain, la France succèdera au Pérou à la présidence de la conférence des parties. Jusqu'à cette date, nous travaillons en étroite collaboration avec la présidence péruvienne, très écoutée et respectée par les pays en voie de développement, ce qui nous prémunit contre le syndrome européocentriste dont avait souffert la présidence danoise. Cette association étroite avec le Pérou fait partie du capital politique que nous accumulons pour le succès de la conférence de Paris.
En deuxième lieu, nous organisons des réunions informelles afin de faire le point sur les divergences et de rapprocher les points de vue. Les dernières ont eu lieu en mars à Lima et à Paris en mai. D'autres suivront en juillet et en septembre. Ces rencontres ont lieu à différents niveaux : négociateurs, ambassadeurs ou ministres. La réunion de Petersberg, conclue il y a dix jours à Berlin par la chancelière Merkel et le président Hollande, a mis en évidence une volonté commune de faire aboutir la conférence de Paris.
Nous entrons cependant dans une phase difficile. Quatre points politiques demeurent non résolus.
Le premier est celui de l'objectif concret. Le repère des 2°C a été fixé à titre d'approximation à Copenhague en 2009 pour éviter un engagement sur des chiffres absolus pour 2050 et une traduction en termes de concentration des émissions. On a pour ainsi dire contourné l'obstacle. L'objectif exact est une fourchette comprise entre 1,5°C et moins 2°C, ce qui fait place aux revendications des petites îles et des pays africains.
Un autre objectif possible est un niveau zéro d'émissions nettes, d'ici à la fin du siècle, ou encore une baisse de 60 % des émissions mondiales par rapport à 2010. Il existe donc plusieurs propositions, mais aucune n'a recueilli de consensus pour le moment.
Le deuxième problème touche aux objectifs en termes de concentration des gaz à effet de serre. Les pays développés se déclarent prêts à réduire ces concentrations de 80 % à 95 % d'ici à 2050, mais il est politiquement difficile d'afficher des objectifs chiffrés. Cela donne la mesure du chemin à parcourir pour les autres, pays en voie de développement, et autres pays émetteurs comme la Chine et l'Inde.
Dans ce contexte, une solution peut consister à viser un pic d'émissions aussi précoce que possible. Une autre, proposée par la France, inciterait chaque pays à décrire un scénario d'évolution économique compatible avec l'objectif d'un réchauffement contenu à 2°C en 2050.
La troisième difficulté a trait aux financements. À Copenhague, les pays développés se sont engagés sur des transferts publics et privés du Nord vers le Sud de l'ordre de 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020. D'après la Banque mondiale, les transferts publics s'élèveraient à 37 milliards par an. Il est plus difficile d'évaluer les financements privés. Il nous paraît plus opportun d'obtenir de chaque pays des trajectoires vraisemblables de croissance des financements publics et privés d'ici à 2020, et une évaluation des ressources à consacrer à l'adaptation au changement climatique.
Si les contributions se révèlent insuffisantes, comment les réviser à la hausse ? Nous allons nous battre pour instaurer des cycles. La Chine résiste tout particulièrement au principe d'une révision régulière des accords. Enfin, il faut prendre en compte le système de mesure des progrès. Il existe un accord sur les mécanismes de vérification, mais la nature de ces mécanismes et le degré d'ingérence qu'ils impliquent restent à déterminer.
Le dernier problème est celui de l'uniformité de la règle. Devons-nous l'imposer à tous ou accepter des différences de nature et de degré ? Nous avons près de six mois pour faire aboutir le processus. Les négociations formelles commencent à la fin de la semaine. Le Président et le ministre des Affaires étrangères ont souligné la nécessité de mettre en place les éléments du paquet politique au plus tard au mois d'octobre. Plusieurs jalons nous y conduisent : le G7 de juin, l'assemblée générale de l'ONU, où le Président Hollande et Ban Ki-Moon tiendront une réunion des chefs d'État sur le sujet, et la réunion de Lima sur la thématique financière avant le G20 du mois d'octobre.
En parallèle, une série de conférences et d'actions sur diverses thématiques seront conduites auprès des entreprises, des collectivités locales et des acteurs financiers. Ces temps forts, qui font partie de l'agenda de la négociation, sont destinés à produire un momentum politique.
Je ne vous ai pas répondu sur la situation des pays africains. Ceux-ci sont davantage engagés et coordonnés qu'auparavant. Le Sénégal, l'Éthiopie, le Kenya, l'Afrique du Sud, la République centrafricaine préparent activement des contributions qui arriveront au cours de l'été. Leur agenda est dominé par l'adaptation au changement climatique et l'engagement en faveur des énergies propres. Les pays africains expriment également des attentes fortes sur la réponse financière des pays développés. La forêt constitue un enjeu particulièrement important, ainsi que l'adaptation de l'agriculture au changement climatique.
M. Jérôme Bignon, président du groupe de travail sur les négociations internationales sur le climat et l'environnement. - Je vous remercie pour ces propos rassurants, qui contrastent avec ceux que vous avez pu tenir dernièrement dans la presse.
Ma première question porte sur le dialogue de Petersberg, lancé par l'Allemagne en 2010 après la conférence de Copenhague, dans lequel 35 pays sont impliqués. En quoi ce processus se distingue-t-il du reste des négociations ?
Deuxième remarque : le prince Albert de Monaco a désigné l'océan comme le grand absent des négociations. Vous avez présidé l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) avec détermination ; pouvez-vous me dire pourquoi l'océan n'a pas été inclus dans les discussions ? Les gaz à effet de serre semblent avoir été considérés comme une donnée principalement terrestre.
Enfin, je me suis laissé dire que certains acteurs comme la Chine travaillaient, pour reprendre l'expression anglaise, derrière le rideau. Publiquement, ils mettent en avant les difficultés qu'ils rencontrent en tant que pays émergents et, plus discrètement, ils mettent en place des stratégies industrielles et technologiques ambitieuses. Il en résulte une certaine ambiguïté. Cette question est-elle abordée dans les discussions ?
Mme Leila Aïchi. - Étant d'un naturel optimiste, je me montrerai néanmoins plus réservée dans ce cas. Nous avons entendu de nombreux scientifiques qui se sont montrés particulièrement alarmistes, prévoyant un réchauffement compris plutôt entre 4°C et 6°C à l'horizon 2050. Quid de ce delta avec l'objectif affiché de 2°C, qui n'est pas une hypothèse mais bien un constat unanime ?
Après cette remarque liminaire, je vous soumets quatre questions et remarques.
Considérez-vous le récent accord entre les États-Unis et la Chine, qui représentent à eux deux 42 % des émissions mondiales de CO2, comme une opportunité ou au contraire une menace pour les négociations ?
Vous avez évoqué la mobilisation des acteurs de la société, en particulier des entreprises. Or huit des dix premières entreprises mondiales ont une activité directement liée aux énergies fossiles. La COP 21 n'entre certes pas dans leur business plan, comment agir sur ces entreprises ?
Le fonds vert pour le climat et les aides aux pays en développement sont grevés par une ambiguïté terminologique. Les bailleurs considèrent que l'aide qu'ils apportent implique un droit de regard sur son utilisation. De leur côté, les pays destinataires se voient comme des victimes de la sur-consommation du Nord. Dans cette perspective, l'aide n'est que le remboursement d'une dette et n'emporte aucun droit de regard. Travaillez-vous sur ces notions, afin d'éviter des interprétations divergentes qui bloqueraient les négociations ?
Enfin, la perspective d'un réchauffement de 4°C entraînerait des déplacements de populations très importants, créant une nouvelle catégorie que l'on hésite à appeler déplacés environnementaux, réfugiés environnementaux ou réfugiés climatiques. Il me semble que la France, régulièrement interpellée sur le sujet au cours de nos auditions, doit s'en saisir tant qu'elle exerce une certaine influence au niveau mondial.
M. Christian Cambon, vice-président de la commission des affaires étrangères. - En mars dernier, la conférence de l'ONU sur la prévention des catastrophes n'a débouché sur aucun objectif chiffré. Comment dépasser les belles déclarations pour élaborer des chiffrages précis ?
Mme Laurence Tubiana. - Le dialogue de Petersberg est un moyen de clarifier les points politiques que les négociateurs n'arrivent pas à trancher dans le cadre multilatéral habituel. Comparable à une réunion ministérielle informelle, il sert à avancer et à résoudre les divergences au niveau politique, les négociations multilatérales étant l'oeuvre de juristes.
Le dialogue de Petersberg est la première véritable discussion ministérielle réunissant un panel représentatif de pays depuis le début de l'année. La chancelière s'y est impliquée et a laissé beaucoup de place à la France
Les océans sont les principaux puits de carbone, et jouent à ce titre un rôle capital dans l'écosystème mondial. Un grand nombre de pays demandent que ce thème soit traité. Les forêts peuvent être abordées par deux angles : en les protégeant, on préserve leur capacité à stocker le carbone et on les régénère. Comment freiner l'acidification des océans, et éviter d'en faire une variable d'ajustement, avec les conséquences afférentes pour la faune et la flore ? Incontestablement, la question est importante, mais par quel biais l'attaquer ? Le principal enjeu consiste à réduire les émissions mondiales ; on peut également envisager d'accroître les capacités d'absorption d'autres puits de carbone comme les sols, grâce à l'agriculture, à la fertilisation et à une meilleure gestion des forêts.
Il demeure que pour le moment, les océans sont abordés en tant que milieu impacté par le changement climatique, et non en tant que solution. Il est contre-productif de placer cette thématique dans tous les points de la négociation, comme certains le souhaiteraient. Le sujet sera mentionné, mais il est exclu de fixer des objectifs chiffrés.
Ayant décidé de réduire sa consommation de charbon, la Chine est le premier investisseur en matière d'énergies renouvelables. À l'instar de notre débat sur le nucléaire, certains hauts responsables chinois défendent la technologie liée au charbon, tandis que d'autres dénoncent la pollution.
Depuis 2010, la Chine parie sur une économie bas-carbone : c'est un changement fondamental. Les négociateurs chinois souhaitent que l'accord de Paris crédibilise l'engagement international d'aller vers une économie décarbonée. En revanche, ils veulent conserver leur libre choix en la matière. Le treizième plan quinquennal (2016-2021) sera très intéressant, à cet égard, puisqu'il comportera des mesures précises, qui seront annoncées dès le mois d'août. En Chine, le débat politique porte essentiellement sur le taux de croissance pour les quinze prochaines années. Presque tous les instituts de recherche, y compris chinois, estiment que les émissions chinoises vont diminuer à partir de 2025, mais la Chine ne veut pas s'engager trop ouvertement en ce sens, car cela impliquerait une réduction du taux de croissance. Tant que le découplage entre taux de croissance et consommation d'énergie ne sera pas prouvé, le sujet restera tabou en Chine. En France, dans le débat sur la transition énergétique, certains politiques ont dénoncé de même le sacrifice de notre économie au nom de la réduction par deux de notre consommation énergétique à l'horizon 2050.
Les conclusions des climatologues français et des experts du GIEC se fondent sur les prévisions actuelles qui estiment que la température mondiale augmentera de près de 4 degrés d'ici la fin du siècle. L'objectif de l'accord est d'accentuer les efforts à l'avenir, car les technologies deviennent matures, coûtent de moins en moins cher et emportent l'adhésion du plus grand nombre. Les accords de Paris devront dresser le constat de la situation, fixer les objectifs et déterminer les étapes intermédiaires. Les moyens mis en oeuvre tant en matière d'investissements, de recherche que de développement seront déterminants.
L'accord entre les États-Unis et la Chine est essentiel et il sera sans doute suivi d'une autre déclaration importante en septembre, lorsque le président chinois se rendra à Washington. Cet accord a déstabilisé le groupe des pays en développement. Pour la première fois, la Chine reconnaissait publiquement qu'elle allait réduire ses émissions. Il faudra néanmoins que cet accord ne se fasse pas a minima.
Certes, les dix plus grandes entreprises mondiales dépendent pour beaucoup de l'énergie fossile, mais nous devons leur faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'une solution d'avenir. D'ailleurs, certaines d'entre elles commencent à comptabiliser le risque carbone pour prendre en compte la dévalorisation de leurs actifs. Quelques fonds d'investissements se désengagent du secteur fossile. Le signal du risque économique se manifeste donc. De grandes entreprises, comme Total, commencent d'ailleurs à s'orienter vers les énergies renouvelables et Shell investit dans la capture du carbone.
Les pays pétroliers et les grandes entreprises qui vivent de l'énergie fossile n'ont bien sûr pas intérêt à ce que l'accord soit contraignant, mais s'ils estiment cette évolution inévitable, ils reverront leurs scénarios futurs. L'accord de Paris repose sur la gestion des anticipations : cette grande bataille, perdue à Copenhague, doit être gagnée à Paris.
Ne nous faisons pas d'illusion sur ce que sont les accords multilatéraux : seuls les accords commerciaux, qui prévoient des sanctions, ont un réel impact. Un tribunal du climat ne naîtra pas des accords de Paris. En revanche, le succès sera au rendez-vous si les gouvernements craignent les impacts du changement climatique. En cinq ans, les mentalités ont évolué, ce qui permettra sans doute de parvenir à un accord à Paris. Ainsi, trois rapports de l'académie des sciences chinoise ont été publiés, mesurant les dégâts du changement climatique. Divers pays, dont le Mexique, la Chine ou l'Afrique du Sud, disposent désormais d'outils mesurant les impacts du changement climatique, et ils mettent en place des mesures incitatives comme des quotas carbone ou des aides fiscales aux énergies renouvelables.
Nous sommes à la fois dans l'aide et dans la compensation. Les pays en développement demandent aux pays développés de les aider, et les financements sud-sud s'accroissent. Le fonds vert pour le climat a instauré une gouvernance bipartite : ceux qui financent n'ont pas plus de droits que ceux qui perçoivent les aides.
L'accord comporte un nouveau chapitre intitulé « règlement des pertes et dommages » lié à l'impact du changement climatique sur les pays qui demandent des compensations. Nous essayons d'être solidaires à l'égard de ces pays, sans qu'il soit question de compensation, terme qui serait inacceptable par les pays développés. Les responsabilités passées ne sont pas niées, mais il ne peut s'agir d'une véritable dette. En outre, les grands pays nouvellement émetteurs comme la Chine demandent à ce que le passé soit pris en compte.
Vous m'avez interrogée sur les déplacés climatiques : soyons sans illusion, l'accord de Paris ne leur accordera pas de statut particulier, d'autant que l'immigration est un sujet particulièrement conflictuel en ce moment. Voyez par exemple la situation au Japon, en Chine, en Birmanie. Le sujet, pourtant, est réel et mérite d'être abordé : les petites iles s'interrogent sur leur devenir lorsque leurs territoires seront submergés. En revanche, la négociation traite des droits humains et la France, comme d'autres pays, soutient cette initiative. Peut-être sera-t-il possible de renforcer le statut des victimes en y incluant les déplacés ?
Le pessimisme de certaines de mes interviews a pour but d'accélérer le rythme de la négociation. Néanmoins, celles-ci restent extrêmement difficiles.
M. Rémy Pointereau, vice-président de la commission du développement durable. - Merci pour vos réponses très précises.
M. Alain Fouché. - Dans une petite commune, l'auteur de la pollution d'un ruisseau se retrouve devant un tribunal correctionnel. Rien de tel pour l'océan arctique qui est très fragile et convoité pour son pétrole. Conscient du problème, Total fait extraire et acheminer le pétrole par des bateaux pétroliers russes. La conférence de Paris va-t-elle se préoccuper de cette question ?
Mme Évelyne Didier. - Quelle place pour la France en tant que puissance invitante de la conférence de Paris ?
La responsabilité historique sera-t-elle un point « dur » de la conférence, comme mes contacts en Amérique latine m'inclinent à le penser ?
A-t-on une idée précise des émissions de chaque pays et les efforts qui leur sont demandés sont-ils proportionnés ?
Les pays du G7 vont-ils faire une déclaration commune pour crédibiliser la conférence ?
Recense-t-on les déplacés climatiques ?
Enfin, j'ai le sentiment que le Canada et l'Australie n'évoluent guère...
Mme Fabienne Keller. - Avec mon collègue Yvon Collin, nous revenons du Sénégal où nous avons contrôlé l'utilisation des aides climatiques de l'AFD. Comment se répartissent les aides en faveur du développement et celles pour le climat dans les pays les moins avancés ? Sur place, ce sont les premières qui importent.
Les prix des énergies fossiles et du marché du carbone se sont effondrés : quel mauvais signal !
On parle beaucoup des financements innovants, même si le fonds vert a beaucoup déçu. Peut-on espérer des avancées sur la taxation des transports aériens et maritimes, ces derniers n'étant soumis à aucune taxe ?
Envisage-t-on une inclusion carbone aux frontières, qui est OMC-compatible ?
M. Didier Mandelli. - Vous avez déclaré dans un journal dominical qu'un accord a minima n'était pas envisageable. Est-ce vraiment le cas ? Vous avez également affirmé que le succès se mesurerait au nombre de ministres sur la photo. Est-ce que ce sera le seul indicateur de réussite de la conférence ?
M. Ronan Dantec. - La parole de la société civile et des acteurs non-étatiques est de plus en plus forte, même si elle n'aura pas d'impact direct sur l'accord, qui résultera d'une négociation entre États.
La multiplication des crises internationales - Ukraine, Syrie, Yémen - est-elle de nature à gripper les accords sur le climat ou à les favoriser ? Ces accords sont avant tout économiques, mais l'Europe n'a pas inclus le climat dans ses négociations de libre-échange avec le Canada et les États-Unis. La technostructure européenne qui négocie ce traité prend-elle en compte cette dimension ?
Mme Laurence Tubiana. - Seuls quelques accords régionaux prévoient des sanctions à l'égard des pollueurs. Malheureusement, pour des raisons politiques, nous n'avons pu imposer à l'Arctique le statut de bien public mondial, comme ce fut le cas pour l'Antarctique. On ne pourra pas punir ceux qui exploitent le pétrole en Arctique mais ces exploitations étant très coûteuses et risquées - d'où l'absence de Total - il est possible d'espérer le retrait de ces groupes qui iront gagner de l'argent ailleurs. La pression de l'opinion publique et des scientifiques est indispensable pour arrêter cette exploitation, d'autant que la renégociation du traité de l'Arctique a confirmé la propriété du sous-sol à certains États qui pourront continuer à le ravager en toute impunité.
En tant que présidente de la conférence de Paris, la France doit trouver le ton juste, savoir écouter, sans arrogance, tout en gardant le cap pour répondre aux questions posées. Les États souverains devront néanmoins être entendus et encouragés à être plus entreprenants.
La responsabilité historique pose un problème majeur : elle doit être reconnue mais ne pas occulter le fait que des pays en développement sont devenus de très gros pollueurs. La Chine est ainsi le premier émetteur mondial. Il est donc difficile de ne prendre en compte que le passé alors que les pays vont s'engager pour les vingt prochaines années. Pour trouver une formule juste, il faut qu'elle soit acceptable. Comment se développer en ayant très peu d'émissions ?
Le G7 fera probablement une déclaration significative, notamment grâce à l'Allemagne.
Les Nations Unies s'occupent des réfugiés climatiques mais nous sommes loin d'un statut.
Le Canada reste fermé, mais certaines de ses provinces, comme l'Ontario, le Québec ou la Colombie britannique, sont extrêmement volontaires. En Alberta, pays des sables bitumineux, le nouveau gouvernement a déclaré qu'il veut une politique environnementale forte. En Australie, le mouvement est identique : le gouvernement s'oppose à toute politique climatique alors que beaucoup d'Australiens sont préoccupés par l'avenir de la grande barrière de corail et par les vagues de chaleur qui sont parmi les plus fortes du monde. Cela bouge partout, dans le bon sens, mais il ne faut pas que le soufflé retombe.
Oui, Madame Keller, il est vrai que les pays les moins avancés évoquent davantage le financement du développement que le climat, mais il est souvent difficile de distinguer les deux, sauf pour l'éducation et la santé.
De nombreux pays vont instaurer un prix du carbone. Quant aux financements innovants, la taxe sur les transactions financières va enfin produire ses effets. Les compagnies aériennes se sont engagées à compenser leurs émissions. Il est en revanche difficile d'instaurer une taxe sur le transport maritime, qui affecterait les pays en développement : le blocage est total.
Plus les pays mèneront une politique climatique active, plus les questions du prix du carbone et de la taxation aux frontières se poseront. Les conflits commerciaux risquent donc de se multiplier devant l'OMC dans les prochaines années, en raison des politiques divergentes qui seront menées en la matière. La taxe sur les billets d'avion fonctionne, même si peu de pays ont adhéré, les compagnies aériennes peuvent-elles faire quelque chose de leur côté ? Ces questions demeurent sur la table pour les semaines qui viennent.
Nous nous battrons contre des accords a minima et le succès ne se mesurera pas qu'à la photo.
Oui, Monsieur Dantec, beaucoup d'acteurs civils demandent à leurs gouvernements d'aller plus loin et plus vite. Leur rôle doit être encouragé.
La Californie, huitième économie mondiale, envisage son futur comme totalement décarboné. Qui ne voudrait lui ressembler ?
Enfin, je ne sais si les conflits actuels vont favoriser ou empêcher les accords de Paris. Quel seront les rôles de la Russie, de l'Arabie Saoudite ? Les signaux qu'ils envoient sont contradictoires. L'activisme politique de la France est plutôt un atout.
Le traité de libre-échange transatlantique aura-t-il un impact sur les politiques climatiques ? De nombreuses ONG posent la question depuis plusieurs semaines et j'ai présenté à M. Fabius des suggestions à ce propos. Les négociations s'accélèrent car l'administration Obama veut parvenir à un accord avant son départ. Il semble en tout cas que les deux soient liés, puisque les effets de ces accords ont des répercussions directes sur les politiques intérieures de chaque pays.
Le rôle des parlementaires est essentiel : ils doivent encourager les gouvernements, constituer le relais de l'opinion publique mais aussi des expériences étrangères couronnées de succès et surveiller le respect des engagements pris.
M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères. - Merci pour votre expression raisonnablement optimiste et pour la qualité et la précision de vos réponses.
M. Rémy Pointereau, vice-président de la commission du développement durable. - Merci, Madame l'ambassadrice, et bon courage pour vos négociations.
La réunion est levée à 16 heures 50.