- Mercredi 8 avril 2015
- Audition de Mme Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l'environnement du Conseil économique, social et environnemental, et de MM. Allain Bougrain Dubourg et Marc Blanc, rapporteurs de l'avis « Agir pour la biodiversité »
- Nomination d'un rapporteur
- Désignation au conseil de surveillance de la SNCF
Mercredi 8 avril 2015
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -Audition de Mme Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l'environnement du Conseil économique, social et environnemental, et de MM. Allain Bougrain Dubourg et Marc Blanc, rapporteurs de l'avis « Agir pour la biodiversité »
La réunion est ouverte à 09 h 45.
M. Hervé Maurey, président. - Je suis très heureux d'accueillir ce matin Mme Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l'environnement du Conseil économique, social et environnemental (CESE), ainsi que MM. Bougrain Dubourg et Blanc, rapporteurs de l'avis rendu par le CESE sur la biodiversité, sous le titre « Agir pour la biodiversité ». Il est important que nous puissions développer les relations entre le Sénat et le CESE. Nous avons eu plaisir à le faire en commençant nos travaux sur le projet de loi sur la transition énergétique par une audition du CESE. Nous souhaitons aujourd'hui vous entendre sur le projet de loi relatif à la biodiversité, qui devrait être prochainement examiné par le Sénat. Dans votre avis qui date de 2013, vous aviez identifié trois grandes priorités : la nécessité de tenir nos engagements internationaux, la nécessité d'amplifier la mobilisation des acteurs et la nécessité d'améliorer la gouvernance.
Pensez-vous que le projet de loi tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale est conforme à ces objectifs ? Que pensez-vous de l'Agence française pour la biodiversité, qui fait l'objet de nombreux débats, notamment sur son périmètre ? Le texte laisse-t-il suffisamment de place à l'initiative des territoires et des collectivités locales ? L'Assemblée nationale a-t-elle amélioré le texte du point de vue du décalage entre les objectifs et les moyens que vous pointiez dans votre avis ? Comment améliorer encore ce texte ?
Mme Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l'environnement du CESE. - Quelques mots sur le processus avant de laisser la parole aux rapporteurs sur le contenu de l'avis et sur leur appréciation du projet de loi. Je vous remercie de votre écoute car il est très important pour nous de construire une relation suivie avec le Sénat. Nos rôles sont complémentaires. Nous essayons de faire des propositions, mais aussi de construire des convergences entre les positions des différents acteurs, ce qui doit favoriser votre rôle décisionnaire.
La section de l'environnement est une nouvelle formation au sein du Conseil économique, social et environnemental réformé. Nous avons en charge la protection de l'environnement au sens large : la valorisation de l'environnement, le changement climatique, la biodiversité, la transition énergétique, la mer et les océans, les risques environnementaux et la qualité de l'habitat. Nous tâchons de toujours travailler sur ces questions en lien avec les enjeux socio-économiques.
Au-delà de la question de la biodiversité, nous sommes en train de finaliser un avis sur le climat qui portera sur vingt ans de politique climatique en France, notamment sur la partie « atténuation » de ces politiques. Vous êtes d'ailleurs les bienvenus pour participer à la plénière des 27 et 28 avril, si vous le souhaitez. Nous avons précédemment rendu un avis sur la partie « adaptation » des politiques climatiques. La section des affaires européennes et internationales rendra également un avis sur la partie internationale des négociations.
Nous avons plusieurs rendez-vous au CESE dans la perspective de la COP 21 : un colloque le 4 juin, une réunion des CES africains et francophones à Dakar et une réunion des CES européens avec le CES européen afin de porter si possible une résolution commune sur les enjeux climatiques.
Sur la biodiversité, nous avons d'abord rendu un avis sur saisine gouvernementale en 2011, puis en 2013, par anticipation du projet de loi qui n'était pas encore déposé. Cet avis a été adopté de manière assez unanime. La question de la biodiversité n'allait pas de soi au départ en 2011 : les acteurs n'en mesuraient ni la technicité ni le côté stratégique. Nous avons donc fait un travail de pédagogie pour une meilleure appropriation par les différents acteurs.
M. Allain Bougrain Dubourg, rapporteur de l'avis du CESE « Agir pour la biodiversité ». - L'exercice est délicat dans la mesure où notre avis date de 2013. Depuis, le contexte a changé et le projet de loi relatif à la biodiversité a été voté à l'Assemblée nationale. Nous risquons donc d'avoir deux approches. La première - et c'est au titre des travaux du CESE que nous sommes présents - est de rappeler les travaux qui ont été conduits pour établir notre avis. La seconde est de vous livrer notre appréciation, qui ne peut être que personnelle, du projet de loi. Pour ma part je peux parler au titre de quatre associations : France Nature Environnement, Humanité et Biodiversité, la Ligue de la Protection des Oiseaux et la Fondation Nicolas Hulot.
L'avis du CESE date de septembre 2013. L'objectif était de faire connaître les recommandations de la société civile avant que le projet de loi sur la biodiversité ne soit finalisé. Nous avons donc volontairement élaboré un avis court, centré sur trois axes : tenir les engagements internationaux de la France, amplifier la mobilisation des acteurs et améliorer la gouvernance.
La stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) 2001-2020 est un texte public de référence, réalisé dans la concertation, qui intègre les objectifs de Nagoya et construit une gouvernance mobilisatrice avec le Comité national de suivi de la SNB. Mais son originalité est surtout d'inciter l'ensemble des acteurs à y adhérer et à concevoir des plans d'actions. Ce processus innovant doit être dynamisé et gagnerait à inspirer l'élaboration d'autres politiques publiques. Nous avions constaté, en 2011, que les Français étaient très sensibilisés à la perte de la biodiversité, malgré le contexte économique et social. C'est toujours le cas. L'enquête du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) de 2013 en atteste et conforte notre analyse en matière d'éducation au développement durable, qui doit être au coeur de l'action de l'État. Éducation et formation sont en effet de nature à pérenniser dans le temps l'engagement du plus grand nombre d'acteurs.
Le CESE est satisfait de voir que la France entend être un pays exemplaire. Je note en passant que c'est la première fois qu'un Président de la République, lors de son discours de voeux, prononce le mot « biodiversité ». Il y a urgence car en dépit de certaines évolutions positives, les écosystèmes et la biodiversité continuent de se dégrader, comme le rappellent les travaux du Museum d'histoire naturelle ou de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Pour le CESE, cette situation doit conduire la France à mettre davantage en oeuvre ses engagements internationaux dans le cadre de la Convention sur le commerce international des espèces de la faune et de la flore sauvage.
M. Marc Blanc, rapporteur de l'avis du CESE « Agir pour la biodiversité ». -Sur cet objectif de respect des engagements internationaux en faveur de la biodiversité, notre première préconisation est d'animer la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques. Cette dimension n'est pas directement évoquée dans le projet de loi mais entre dans les prérogatives de l'Agence française pour la biodiversité. Notre avis insistait pour que le mandat de la Fondation de la recherche pour la biodiversité soit formalisé, et ses moyens confortés, pour animer le mécanisme national de cette plateforme intergouvernementale (l'IPBES), ainsi que la plateforme européenne pour une stratégie de recherche en biodiversité (l'EPBRS). L'absence de référence à la Fondation de la recherche pour la biodiversité dans le projet de loi nous interpelle.
Notre seconde préconisation est l'application du protocole de Nagoya, en particulier l'accès au partage des bénéfices issus de l'utilisation des ressources génétiques. Sur ce point, l'enjeu consiste à favoriser à la fois un juste retour vers les populations impliquées dans la gestion durable des ressources et un dynamisme de la recherche publique et privée française impliquant les organisations non gouvernementales (ONG) compétentes. L'encadrement juridique du mécanisme d'accès et de partage des avantages (APA) doit être régulé au niveau de l'Union européenne, ce qui semble être le cas dans le projet de loi.
Nous avons distingué deux approches en fonction des territoires : la biodiversité dans l'hexagone et celle dans les départements et territoires d'outre-mer. Nous avons défini deux possibilités pour la métropole : un système de déclaration des collectes ou un système de reconnaissance préalable des structures publiques ou privées, ces dernières devant être en capacité de proposer des avantages au niveau national en échange du libre accès aux ressources génétiques. C'est la première solution qu'a retenue le projet de loi. Nous avons également proposé que tous les fonds issus du partage des ressources génétiques soient concentrés au niveau national et redistribués sous contrôle de l'État. La future Agence française pour la biodiversité devrait assurer cette responsabilité. Pour les collectivités ultra-marines, nous avons recommandé une négociation bilatérale avec chacun des exécutifs et des acteurs locaux sur les modalités d'accès et de partage. Ce partage doit en effet être au service de la biodiversité locale, sans bloquer pour autant la recherche, notamment locale.
M. Allain Bougrain Dubourg. - Le deuxième thème que nous avons retenu est celui de la mobilisation des acteurs. Face à l'érosion de la biodiversité, l'une des clés de la réussite est la mobilisation de l'ensemble de la société. Malgré des progrès, on constate que l'implication n'est pas homogène, comme en témoigne le rythme des adhésions à la SNB. Je le dis clairement : la SNB est une forme d'échec. Certaines régions n'ont pas encore adhéré. L'ensemble des acteurs et des moyens ne sont pas mobilisés et ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les moyens de l'État devraient être consacrés à un véritable dispositif d'intégration interministérielle des enjeux de la biodiversité dans les politiques publiques. Il s'agit davantage d'une dynamisation que de moyens financiers.
L'éducation et la formation au développement durable, thème abordé lors de la Conférence environnementale de 2013, a fait l'objet d'une saisine gouvernementale du CESE. Nous avons formulé des recommandations et en particulier celle de développer une stratégie globale en la matière. Cette éducation doit être favorisée tout au long de la vie. La Charte partenariale relative à l'éducation au développement durable, signée tout récemment par la Fédération des parcs naturels régionaux de France, le ministère de l'écologie et le ministère de l'éducation, va permettre le développement de sorties scolaires dans la nature, ce qui concrétise l'une de nos recommandations.
La mobilisation des acteurs économiques et sociaux doit également être renforcée. La biodiversité devient progressivement une priorité dans les entreprises, mais le niveau d'engagement est encore limité et hétérogène. Nous préconisons de renforcer le dialogue social afin de définir par exemple le contenu d'un « bilan biodiversité », à l'image du « bilan carbone », et les modalités de son application dans les entreprises, ou encore d'élargir la responsabilité des CHSCT à l'environnement.
De même, les acteurs du monde agricole portent une attention à la biodiversité et à ses interactions avec leurs pratiques agricoles. Pour autant, le CESE souhaite que davantage d'entre eux adhèrent à la SNB. Il faut lever ce blocage. L'amélioration de la performance environnementale, objectif du Grenelle de l'environnement, nécessite la mise en place concrète d'outils spécifiques pour aider les agriculteurs à s'orienter vers des pratiques plus respectueuses de l'environnement.
Le projet de loi évoque, à ce stade, très peu la mobilisation des acteurs, alors que l'État doit être exemplaire dans ce domaine.
J'ouvre ici une parenthèse : alors que nous avons évalué le patrimoine culturel français avec un état des lieux périodique, une même synthèse pourrait être faite pour notre patrimoine national naturel, avec tous les trois ou quatre ans, des indicateurs pour savoir s'il est bien géré.
M. Marc Blanc. - La politique d'urbanisme est un autre outil majeur. La fragmentation et l'artificialisation des terres et des habitats ont un impact important. Nous sommes satisfaits de ce point de vue que la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové organise le transfert de la compétence en matière de plan local d'urbanisme aux communautés de communes et d'agglomération. Nous considérons néanmoins que ces transferts de compétence devront être organisés progressivement et en concertation avec les acteurs locaux.
Nous proposons de compléter le principe « éviter - réduire - compenser » par le principe de reconquête ou de requalification. Pour cela, une concertation doit s'engager avec l'ensemble des acteurs pour en définir les conditions.
Sur le sujet de la compensation, nous recommandons une approche graduée, qui part de l'idée que cette dernière doit intervenir en dernier ressort. De plus, elle doit se faire en surface, apportant des équivalences écologiques, chaque fois que possible. Dans les cas où elle serait contreproductive, il faut envisager de la « monétariser » - les fonds pourraient être recueillis par la future agence française pour la biodiversité. Dans tous les cas, un dispositif de suivi et de bilan de la compensation écologique doit être mis en place.
Ce principe « éviter - réduire - compenser » est inscrit dans le projet de loi, tout comme le principe de solidarité écologique. Nous pensons qu'il faut aller plus loin, notamment sur les questions de reconquête ou de compensation, au moins en termes d'expérimentation.
On peut noter qu'en 2014, la promotion du patrimoine naturel a été effective, avec la décision du Conseil des ministres du 3 septembre, qui a retenu le thème « patrimoine culturel, patrimoine naturel » pour la 31ème édition des journées européennes du patrimoine. Néanmoins, elle n'est pas inscrite dans le projet de loi, ce que nous regrettons.
M. Allain Bougrain Dubourg. - Le dernier chapitre de l'avis est dédié à la gouvernance nationale et territoriale. Il comprend notamment la mise en place d'un comité national de la biodiversité (CNB) dédié à la concertation et à la consultation, en lieu et place de deux instances d'expertise scientifique et technique : le comité de suivi de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) et le conseil national de la protection de la nature. Le CNB regroupera plusieurs commissions. Il semble souhaitable que des dispositions permettant de mieux articuler les travaux de ces commissions avec le CESE et le CNTE soient prises. Nous pensons également nécessaire de renforcer les liens entre les conseils nationaux de la mer et des littoraux, de l'eau et des paysages, et le CNB.
Les politiques de préservation et de restauration de la biodiversité ne peuvent se passer d'un ancrage territorial. Il existe beaucoup d'outils, comme l'obligation d'établir un schéma régional de développement durable et d'aménagement du territoire (SRDDAT), mais on constate un manque manifeste de cohérence entre les actions. Si la région semble un échelon pertinent pour assurer le chef de filât de cette coordination entre les instances nationales et locales, cette notion n'apparaît pas dans le projet de loi.
Par ailleurs, le fonds européen de développement régional a fait de la protection de la biodiversité un axe prioritaire. Nous estimons donc qu'il doit figurer dans les contrats de plan État-région (CPER), pour mieux optimiser les moyens humains et financiers.
M. Marc Blanc. - Le deuxième volet du dernier chapitre tend à renforcer le rôle de la SNB dans la gouvernance. La stratégie 2011-2020 est le résultat d'un processus collaboratif, structuré en grandes orientations inspirées des accords de Nagoya.
L'une d'elles consiste à inciter les acteurs à adhérer à la stratégie. On dénombre seulement 436 adhésions en 2015, soit environ 80 de plus qu'en 2013. C'est très insuffisant, notamment en ce qui concerne les régions, vouées à être chefs de file en matière de biodiversité. Aujourd'hui, seules quatre régions - l'Ile-de-France, le Centre, Provence-Alpes-Côte-D'azur et le Nord-Pas-de-Calais - ont adhéré à la SNB. Nous sommes convaincus que l'État doit tout mettre en oeuvre pour inciter les régions à adhérer, et c'est avec satisfaction que l'on constate que l'article 4 du projet de loi conduit les régions à mettre en oeuvre une stratégie régionale pour la biodiversité.
Le dernier volet vise à doter les actions pour la biodiversité d'un outil solide et incontestable. Les travaux du CESE en 2013 se sont appuyés sur ceux de Jean-Marc Michel et Bernard Chevassus-au-Louis, qui avaient dégagé cinq missions initiales pour l'AFB. Le projet de loi y a ajouté le soutien financier, à l'image des aides financières apportées par l'Ademe, et l'exercice du pouvoir de police administrative et judiciaire en ce qui concerne l'eau, les milieux aquatiques, la biodiversité et la pêche. Il s'agit là d'une prérogative sensible, et nous estimons que ce pouvoir de police devrait relever des services déconcentrés de l'État et des opérateurs, plutôt que de l'Agence qui serait alors juge et partie.
L'Assemblée nationale a proposé que l'Agence assure l'accompagnement et le suivi des dispositifs d'accès aux ressources génétiques et de partage juste et équitable des avantages (APA) : nous sommes tout à fait favorables à cette proposition, d'autant que les ressources dégagées doivent être gérées par l'AFB. Les députés ont également précisé les missions de l'Agence en matière de recherche, en insistant sur la nécessité de clarifier les relations entre l'Agence et la fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB).
Enfin, l'Agence pourrait apporter son soutien aux filières de croissance verte et bleue, et en particulier au génie écologique et au biomimétisme.
Dans cette configuration de l'Agence, telle que proposée dans le texte issu de l'Assemblée nationale, trois missions nous semblent faire défaut : l'absence de coordination avec les différents organismes de recherche ; l'absence d'un pouvoir de coordination sur les structures qui ne sont pas rattachées à l'Agence, malgré l'insertion de l'article 11 bis, qui prévoit la remise au Parlement d'un rapport relatif à l'élargissement du périmètre de l'Agence et l'opportunité de la fusionner avec d'autres établissements publics nationaux ; et l'absence de déclinaison de l'action de l'Agence au niveau régional.
Enfin, l'avis ne s'est pas prononcé à l'époque sur l'origine des ressources nécessaires au bon fonctionnement de l'Agence. Il est évident qu'au vu de l'ensemble des missions qui lui sont confiées, l'État devra assurer des moyens cohérents avec les ambitions affichées, sans quoi l'AFB n'aura pas la capacité d'infléchir le déclin de la biodiversité.
M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie pour cet exposé introductif très intéressant. Je donne la parole à Jérôme Bignon, qui pourrait être désigné rapporteur de ce texte.
M. Jérôme Bignon. - Je remercie les trois rapporteurs pour cet exposé d'autant plus intéressant qu'ils ont complété oralement leur avis, paru avant le dépôt du projet de loi, au regard du texte actuel. La commission n'ayant pas encore commencé ses travaux sur ce texte, peut-être faudra-il réentendre les intervenants après les premières auditions, pour clarifier certains points qui nous auront été présentés ?
Concernant les ressources génétiques, vous vous êtes déclarés favorables à un système déclaratif national des collectes. Le texte de l'Assemblée nationale vous paraît-il satisfaisant sur ce point ?
Pensez-vous que les missions assignées à l'Agence française pour la biodiversité (AFB) soient assez précises ? De quels moyens celle-ci a-t-elle besoin pour les mettre en oeuvre ? Pouvez-vous nous préciser ce que vous pensez du périmètre d'action de l'Agence ?
M. Ronan Dantec. - Nous sommes au point crucial d'une course de vitesse : il nous faut construire des politiques publiques cohérentes qui intègrent la préservation de la biodiversité, en particulier la biodiversité banale, dont la perte s'est terriblement accélérée ces dernières années. Il est évident que cette dynamique va nous poser de nombreux problèmes, notamment économiques : on ne survit pas dans un monde où la biodiversité s'écroule !
Le Sénat a pour responsabilité d'améliorer encore la cohérence du texte. Il faut absolument que l'on ne soit pas uniquement le porte-parole des lobbys.
Je pense que la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) est trop intemporelle : il faut des objectifs dans le temps - à cinq ans, qui est la durée d'un mandat local, et à moyen terme. Nous avons besoin d'un suivi scientifique fort de l'état de la biodiversité à la fois en métropole et dans les territoires d'outre-mer.
En ce qui concerne la planification territoriale, nous devons absolument aller au bout du processus. On est resté au milieu du gué : la région est désignée chef de file en matière de biodiversité, mais la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles (TDENS) est toujours versée au département ! Ce n'est pas cohérent.
Par ailleurs, je pense que l'office national des forêts (ONF), aurait dû faire partie de l'AFB, ce qui aurait permis d'avoir un corps unique de police de l'environnement. Les chasseurs s'y sont fermement opposés, mais c'était une erreur. L'Agence a uniquement le pouvoir de police de l'eau : ce n'est, encore une fois, pas cohérent.
Enfin, en ce qui concerne les moyens, il suffirait de peu de choses : que l'État n'utilise pas l'argent destiné à la préservation de l'environnement comme variable d'ajustement des budgets. Si les moyens alloués aux agences de l'eau allaient réellement aux politiques de l'eau, ce serait déjà formidable !
L'enjeu du texte est considérable : la recherche d'un équilibre entre l'activité humaine et la préservation de la biodiversité.
Mme Odette Herviaux. - Je remercie les intervenants pour leur exposé : nous apprécions toujours la grande qualité des travaux du CESE.
Vous déplorez le manque d'adhérents à la SNB, notamment les agriculteurs, qui y sont sous-représentés. Mais cela n'empêche pas le foisonnement d'actions au niveau local ! La recherche est évidemment fondamentale, mais on ne peut pas mettre de côté des approches plus expérimentales. C'est pourquoi je pense que la gouvernance doit être assurée par la région, relais entre une stratégie nationale et les nombreuses initiatives locales.
Je connais bien le fonctionnement de l'agence des aires marines protégées, dont Jérôme Bignon et moi-même sommes membres depuis longtemps. Celle-ci met en cohérence les différentes politiques, regroupe et fédère et tous les acteurs. C'est ce que j'attends de ce projet de loi : organiser les actions, en assurer la cohérence, et éviter la multiplication du nombre de structures.
M. Rémy Pointereau. - Vous avez indiqué que la biodiversité s'était fortement dégradée dernièrement. Pouvez-vous nous indiquer dans quelle mesure et sur quelle période ? Quels sont vos objectifs en matière de reconquête : doit-on revenir 50 ans en arrière, 100 ans, ou plusieurs siècles ?
Concernant le souhait d'adhésions à la SNB, il faudrait une représentation beaucoup plus importante des acteurs locaux, de ceux qui vivent sur le territoire. Les agriculteurs, les chasseurs, en font partie : pourquoi les exclure ou minimiser leur participation ? Les agences environnementales ont préempté l'AFB, c'est dommage...
Je crois plus à l'incitation qu'à la répression. Les servitudes environnementales vont créer de nouvelles contraintes : il faudrait, au contraire, plus de mesures d'encouragement. De même, l'AFB devrait tenir un rôle de conseil, pas de police.
Enfin, je rejoins mes collègues sur les moyens disponibles. Je connais bien l'agence de bassin Loire-Bretagne, et il s'avère que le budget de l'eau est une variable d'ajustement du budget général : ce n'est pas normal ! Les moyens existent, encore faut-il qu'ils puissent être utilisés pour soutenir les politiques publiques pour lesquelles ils ont été alloués...
M. Jean-Jacques Filleul. - Je partage l'avis de mon collègue Rémy Pointereau en ce qui concerne les agences de l'eau.
L'appréhension de la biodiversité par les élus locaux a beaucoup évolué : c'est devenu un objet concret, qui fait l'objet de politiques publiques, et je m'en félicite. Je déplore cependant l'absence de lien entre les actions menées localement et les structures nationales censées coordonner ces initiatives. On constate une forte volonté de chacun de jouer un rôle dans la préservation de la biodiversité : nous avons besoin de relais pour populariser les actions menées.
Il est très important que nous disposions d'un état des lieux du patrimoine naturel.
Vous avez souligné que l'État s'engage de plus en plus, via la SNB, à soutenir des projets innovants, mais ce n'est pas encore assez : que préconisez-vous ?
M. Gérard Miquel. - Merci aux rapporteurs pour l'excellent travail qu'ils nous ont présenté.
Je souhaite insister sur l'importance des actions de proximité dans le maintien de la biodiversité. Certes, la région a un rôle à jouer. Mais la future région « Languedoc-Pyrénées » est plus grande que le Benelux !... Le département me semble donc plus indiqué pour assurer le relai entre la stratégie nationale et les initiatives locales. Je voudrais que le projet de loi prenne réellement en compte ce principe de proximité. Je suis particulièrement inquiet de la déprise agricole, car ce sont les paysans, par leur activité, qui ont façonné les paysages et maintenu la biodiversité. Aujourd'hui, au nom de la biodiversité, il faudrait ne rien toucher...
Possède-t-on une classification des espèces en voie de régression ou de disparition, mais également de prolifération ? Cela serait particulièrement utile, car il ne faut pas protéger au détriment de l'activité économique, qui est elle aussi nécessaire à nos territoires. Il faut trouver un équilibre.
Il est également nécessaire d'avoir un inventaire du patrimoine de l'État, même si nous risquons d'être surpris du résultat. Il y a dans le Lot une base militaire à laquelle personne ne veut toucher, et pour cause : l'État accepte de nous céder gracieusement des centaines d'hectares, mais à charge pour nous de les dépolluer !
Enfin, quel rôle pour les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ? Elles imposent des procédures parfois lentes et des contraintes souvent fortes aux projets : que peuvent-elles apporter à la reconquête de la biodiversité ?
M. Alain Fouché. - Lorsque je présidais mon département, il y a quelques années, j'avais mis en place la taxe sur les permis de construire. Il s'agit d'une petite taxe qui permet une action ciblée pour la protection de la biodiversité et de la nature ; nous avions par exemple procédé à l'acquisition de plans d'eau pour accueillir des espèces d'oiseaux menacées. C'est une taxe de proximité qui doit rester au département.
En ce qui concerne l'éducation à l'environnement durable, si la sensibilisation se fait déjà auprès des enfants, il faudrait aussi s'adresser aux adultes. Comment, selon vous, peut-on éduquer les adultes ?
M. Jean-François Longeot. - Je vous remercie pour vos explications et souhaiterais vous demander un complément d'information. Je rejoins notre collègue Gérard Miquel et pense que plus on est proche du terrain mieux on peut cerner les problèmes. Qu'est-ce qui vous fait affirmer que la mise en place de PLUI sera de nature à moins fragiliser la biodiversité ?
M. Hervé Maurey, président. - Je ne suis pas surpris que vos déclarations sur le PLUI suscitent de telles remarques !
M. Charles Revet. - Je suis pour ma part favorable à la décentralisation, car je crois que c'est sur le terrain que l'on voit le mieux les choses, mais certains domaines qui touchent à la préservation de la biodiversité sont particuliers.
Nous observons la création de structures nouvelles. Vous avez indiqué que seules quatre régions adhèrent à un processus, ce qui est très peu à l'échelle de notre pays, alors que les enjeux sont importants et se situent à l'échelon national et même européen. Or, toutes ces structures nouvelles veulent certes oeuvrer pour la bonne cause, mais il arrive qu'elles se paralysent mutuellement et retardent les projets.
Les enjeux sont si importants que cela justifierait qu'ils relèvent de la responsabilité d'un État déconcentré, tout en continuant d'associer les acteurs de terrain. Qu'en pensez-vous ?
Par ailleurs, vous avez dit que l'inventaire n'était pas fait. Cela m'a rappelé la loi de 2009 sur la modernisation de l'agriculture et de la pêche. J'étais chargé de la partie littoral et pêche et nous avions introduit un article qui imposait à chaque département d'établir un schéma, et donc un inventaire, déterminant les zones à protéger strictement, sans pour autant classer indistinctement l'ensemble du littoral. À ma connaissance, cette disposition n'a toujours pas été appliquée. Il faudrait établir un schéma qui mette en évidence en en faisant l'inventaire les zones qui nécessitent réellement une protection et celles qui peuvent être dédiées à l'activité économique.
Mme Nelly Tocqueville. - En ce qui concerne les politiques d'urbanisme, vous avez évoqué la nécessité de reconquête et de compensation. Le PLUI est indispensable, et l'urbanisation ne doit pas se faire au niveau communal mais territorial. Pour réussir ce défi, nous devons faire preuve de beaucoup de pédagogie auprès des élus de terrain pour qu'ils puissent percevoir l'intérêt d'un PLUI. N'oublions pas que ce sont les intercommunalités qui sont chargées de mettre en oeuvre ces documents d'urbanisme (PLUI, SCoT, PLH...). La politique d'urbanisation de notre territoire est un véritable enjeu, mais il faut aussi tenir compte des petites communes qui le composent et comprendre la volonté des élus de dynamiser les centres-bourgs : c'est un travail de dentelle.
Enfin, pouvez-vous nous dire sous quelle forme est envisagé le retour vers les populations impliquées dans la démarche de la biodiversité, que vous avez évoqué ?
M. Hervé Poher. - L'ancienne taxe départementale pour les espaces naturels sensibles (TDENS), devenue taxe d'aménagement (TA), doit rester aux départements qui font du bon travail. D'ailleurs, si l'on veut des états des lieux complets, il suffit de les demander aux départements.
En ce qui concerne l'Agence française pour la biodiversité (AFB), je trouve profondément anormal que l'Office national des forêts (ONF) n'y soit pas associé.
Pour ce qui est des PLUI, nous devons aujourd'hui raisonner à une échelle au minimum intercommunale sur la biodiversité, sur le développement économique, sur le développement agricole. En tant que président d'intercommunalité, j'ai lancé un des premiers PLUI du Nord-Pas-de-Calais, dans lequel était même intégré un périmètre de protection des espaces agricoles et naturels périurbains (PPEANP), disposition qui donne au département un droit de préemption pour préserver la biodiversité. Cette possibilité existe depuis 2006 et seules onze collectivités territoriales en France l'appliquent : il nous faut, là encore, faire oeuvre de pédagogie.
Mme Natacha Bouchart. - Je rejoins notre collègue Hervé Poher concernant les expérimentations menées en Nord-Pas-de-Calais, qui sont reconnues et mériteraient d'être mises en valeur.
Avec la loi littoral, « un plus un égale zéro » en termes de développement : nous avons trop de contraintes de développement et aucun espace d'échange et de discussion. Une fois que la DREAL est passée, personne - pas plus l'élu local que le national - ne peut intervenir : la DREAL s'octroie des droits qui vont bien au-delà de ses attributions. Nous ne pouvons même pas obtenir les bases scientifiques de leurs résultats et il revient aux collectivités de faire des contre-études, ce qui est regrettable. Il n'est pas normal que cette instance puisse continuer à travailler sans dialoguer et sans rendre de comptes.
Mme Anne-Marie Ducroux. - Je propose au futur rapporteur du projet de loi sur la biodiversité qui sera désigné par le Sénat de venir rencontrer la section de l'environnement du CESE pour échanger. Vous pourrez ainsi constater que nous nous efforçons de travailler dans le consensus, en tenant compte de toutes les sensibilités, et vous pourrez aussi mieux appréhender les nuances.
Je voudrais préciser, pour votre parfaite information, le processus méconnu de l'élaboration de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB). Pour en avoir suivi toutes les étapes, je peux témoigner qu'il est l'exemple même d'une politique co-construite, totalement ouverte à l'ensemble des acteurs. La SNB a été élaborée de manière collective et consensuelle, elle n'est d'ailleurs pas remise en question aujourd'hui et est valable pour plusieurs années. Le ministère de l'écologie fait un effort d'ouverture à la discussion sur ses politiques. C'est à partir d'une précédente version, qui était restée majoritairement dans le giron de l'État, qu'a été élaborée la nouvelle SNB, avec la volonté d'y associer l'ensemble des acteurs pour que chacun soit une part de la solution. L'adoption de ces dispositions s'est déroulée en plusieurs étapes : l'adhésion, puis l'engagement des acteurs qui présentent un plan d'action soumis à un comité. Ce processus très innovant et ouvert est mal connu et a été insuffisamment utilisé : c'est sur ce processus que vous, élus, avez une grande possibilité d'intervention.
Enfin, nous avons eu beaucoup de débats pour déterminer le bon échelon. Il y a aujourd'hui une volonté majoritaire de décentralisation au sein de la section, mais nous avons aussi déterminé qu'un échelon régional est nécessaire pour structurer les actions. Sans remettre en cause le besoin de proximité, il faut aussi s'interroger sur la pertinence d'une juxtaposition d'actions locales qui pourrait devenir contreproductive. Pour plus de cohérence, un échelon intermédiaire entre l'État et le terrain est utile.
M. Allain Bougrain Dubourg. - Madame Bouchart, vous avez évoqué les DREAL : je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut davantage de transparence. Dans mon expérience, les problèmes ne proviennent pas des structures mais des hommes. Certaines DREAL font un travail remarquable grâce à des serviteurs de l'État qui ne défendent pas leur « pré carré ». Une représentation de l'État au niveau régional me paraît nécessaire.
M. Charles Revet. - Il faudrait un patron des DREAL.
M. Hervé Maurey, président. - La DREAL n'a pas le monopole des administrations qui vont au-delà de ce que les textes leur permettent de faire...
M. Allain Bougrain Dubourg. - Monsieur Poher, le département Pas-de-Calais que vous évoquez est admirable. Je suis partagé concernant la TDENS car s'il est vrai que la biodiversité se gère en proximité, au niveau départemental, on sait que cette taxe n'a pas toujours été bien utilisée. Pour l'instant, nous ne savons pas comment ces fonds pourraient être dévolus, en tout ou partie, à l'AFB.
M. Marc Blanc. - Vos interrogations très riches sont le reflet de la complexité du sujet. Les avis du CESE émanent de la recherche d'un consensus, dans le respect de toutes les sensibilités.
Vous avez soulevé la question de la proximité et de l'équilibre à trouver entre respect de la biodiversité et développement économique des territoires. Je suis moi-même issu d'un milieu industriel et cet aspect est donc pour nous important. Les acteurs sont essentiels de ce point de vue, comme nous l'avons indiqué dans notre rapport. Toutes les entreprises ne prennent pas en compte la biodiversité, loin de là, mais un certain nombre d'entre elles le font déjà. Nous avons proposé, avec le bilan biodiversité, d'aller un peu plus loin : les entreprises doivent regarder et appréhender cette question, ce qui implique que les salariés s'y intéressent aussi ; c'est d'ailleurs directement lié à la question de la formation des adultes, qui pourrait se faire dans le cadre professionnel.
Je pense en effet qu'au-delà des grandes campagnes de communication, qui sont nécessaires mais souvent insuffisantes, le coeur de l'action se situe du côté de l'entreprise, et des grandes écoles pour ce qui concerne la formation initiale.
Sur l'aspect proximité, nous partageons votre point de vue : je pense que nous l'avons exprimé à la fois dans notre avis et dans notre présentation. En ce qui concerne les PLU, le niveau intercommunal semble plus approprié pour résoudre ce type de problématique. Dans le même esprit, la région doit être le chef de file : elle n'a pas vocation à tout faire ni à tout organiser, mais doit s'assurer que les différents échelons - département, intercommunalité - agissent de concert. Il vaut mieux éviter que des actions redondantes se multiplient !
Quelques mots aussi sur le partage des ressources génétiques. Les principes sont issus de la convention de Rio de 1992, qui s'était déclinée à l'époque en trois textes : l'un sur la biodiversité, l'autre sur le changement climatique et le dernier sur la lutte contre la désertification.
Si les négociations n'ont pas avancé sur la biodiversité pendant plus de vingt ans, avant d'aboutir finalement à Nagoya, c'est essentiellement à cause des questions d'accès aux ressources génétiques et de partage des bénéfices. Ce point nous semble très important. En effet, la France a la particularité d'avoir des territoires d'outre-mer très riches en biodiversité. Il est possible de retenir un dispositif avec deux volets, l'un déclaratif, l'autre reconnaissant les secteurs publics qui sont déjà parties prenantes dans ce domaine. La version actuelle du projet de loi convient parfaitement au CESE sur ce point.
M. Allain Bougrain Dubourg. - Nous pensons que les budgets doivent remonter au niveau national avant d'être redistribués localement en fonction des plans d'action. Je sais que cela complexifie un peu le système, mais l'objectif est d'éviter que les choses restent cantonnées à un petit périmètre, sans vouloir faire de procès d'intention.
M. Marc Blanc. - Toujours par rapport à la notion de proximité, l'AFB est structurée de telle sorte que l'ensemble des acteurs y sont représentés. Dans la version actuelle du projet de loi, le conseil d'administration est composé de 44 membres, ce qui risque d'être complexe à gérer. Le fait de trop élargir un conseil d'administration peut poser des problèmes. Le comité technique et scientifique peut certes apporter un appui important dans le processus de décision, mais la question de l'efficacité globale de l'AFB doit être examinée de près.
En ce qui concerne la composition même de l'AFB, l'avis du CESE est relativement prudent en raison des différentes sensibilités qui composent notre assemblée. Mais il apparaît clair que l'ONF et l'ONCFS ont vocation à y figurer à terme. Il est d'ailleurs dommage qu'ils n'y figurent pas dès à présent : cela permettrait de mieux prendre en compte la dimension terrestre de la biodiversité, qui est aujourd'hui principalement abordée dans sa composante aquatique.
Les changements font toujours peur, mais c'est une réalité à laquelle nous sommes confrontés. L'Assemblée nationale a prévu un bilan d'ici deux ans, afin de voir comment d'autres structures publiques pourront être associées à l'AFB. C'est une bonne chose, sans doute faudra-t-il évoquer plus précisément les structures potentiellement concernées. Mais nous devons prendre le temps d'expliciter les enjeux et les intérêts de cette structure.
M. Allain Bougrain Dubourg. - Nous regrettons que l'ONCFS ne siège pas au sein de l'AFB. Il n'est pas dans l'intérêt d'une chasse du futur, d'une chasse responsable, de ne pas être partenaire de cette structure. Cette situation isole les chasseurs et ce n'est pas une bonne chose. Les associations ont été étonnées que le président de la République déclare que l'ONCFS ne rentrerait pas dans l'agence, avant même que le rapport des préfigurateurs ne soit remis. À quoi sert le travail des préfigurateurs ?
Monsieur Pointereau, vous souhaitiez en savoir davantage sur la notion de déclin. Malheureusement, nous en avons constamment l'illustration. L'indicateur le plus significatif est sans doute le programme de suivi temporel des oiseaux communs (STOC), conduit par le Muséum national d'histoire naturelle depuis un peu plus de 25 ans. Le CESE travaille avec France stratégies pour déterminer des indicateurs pertinents : nous avons préconisé d'intégrer la qualité de l'air, l'empreinte carbone, la biodiversité, le programme STOC et l'artificialisation des sols. Tout cela pour dire, en résumant, qu'à l'heure où nous parlons, les disparitions concernent une espèce de batraciens sur trois, une espèce de mammifère sur quatre et une espèce d'oiseau sur huit.
Pour autant, nous ne voulons pas revenir à 1853, la biodiversité évolue. Elle est vivante. Je fais partie de ceux qui estiment que lorsque de nouvelles espèces apparaissent, elles ne sont pas à rejeter par principe. Il est vraiment primaire de rejeter une espèce sous prétexte qu'elle n'existait pas avant 1900, alors qu'il peut y avoir des complémentarités et que, de toute façon, on n'y échappera pas. En revanche, nous avons la responsabilité de lutter contre des espèces invasives qui posent de sérieux problèmes actuellement.
En clair, nous voulons Nagoya : stopper la perte de la biodiversité. C'était l'engagement des 190 parties. Le même message a été réitéré à Hyderabad en 2012, car on n'arrive pas à endiguer le déclin. Nous ne souhaitons pas retrouver une France féodale en termes de biodiversité, mais arrêter le déclin. On parle beaucoup des abeilles par exemple : il faut savoir que 30 % de la production agro-alimentaire est fourni par les pollinisateurs. On peut donc facilement apprécier l'impact économique de ce déclin.
Je partage votre avis sur le fait que l'agence assume plutôt des missions de conseil que de police. Elle sera une sorte d' « Ademe pour la biodiversité », qui doit non seulement donner des conseils mais les favoriser par des budgets affectés aux démarches méritoires.
Monsieur Filleul, je partage votre avis sur la nécessité d'établir des liens entre des organismes multiples, et je pense que l'agence va y contribuer énormément. Sans aller jusqu'au guichet unique, elle donnera une véritable lisibilité à l'articulation d'ensemble.
Monsieur Dantec, je n'ai rien à ajouter à vos remarques. Nous partageons les mêmes points de vue.
Madame Herviaux, je rebondis sur votre remarque sur les adhérents à la SNB et les initiatives des agriculteurs : je suis partisan d'un dialogue constructif le plus large possible avec l'ensemble des parties intéressées et concernées. On a lancé une opération avec les agriculteurs sur le thème de la biodiversité dans une trentaine de départements, sur une centaine d'exploitations agricoles, pour faire un état des lieux, des recommandations et un bilan à cinq ans. Mais cela n'a pas eu l'écho espéré, en dépit des efforts déployés sur le terrain. Les exemples de bonne volonté doivent être valorisés ! Si nous travaillons sans problème avec des chasseurs sur certains programmes, cela ne m'empêche pas de m'insurger contre le braconnage de l'ortolan dans les Landes. Si ces groupes de personnes formidables pouvaient adhérer, cela nous donnerait la lisibilité qui nous manque.
M. Marc Blanc. - Un dernier point sur les objectifs de la SNB. Ces objectifs, nous les avons déjà : on décline Nagoya, dans le même esprit que les objectifs fixés à cinq ans dans la loi de transition énergétique. Ce sont les moyens et la volonté de réaliser qui manquent à l'heure actuelle.
En ce qui concerne la multiplicité des structures, je crois que le schéma proposé autour du Comité national de la biodiversité agrège des structures existantes, à l'instar de la commission « trames vertes et bleues » au niveau régional. On s'appuie donc bien sur des structures existantes.
M. Allain Bougrain Dubourg. - Pour terminer, je souhaite juste attirer votre attention sur un amendement concernant les néonicotinoïdes qui a été adopté par l'Assemblée nationale. Cet amendement est fragile et les associations environnementales sont attachées à ce qu'il soit maintenu.
Sur le thème de la compensation, nous trouvons que le texte est un peu trop engagé : il est préférable d'attendre le retour de l'expérimentation qui est actuellement conduite.
Nomination d'un rapporteur
M. Hervé Maurey, président. - Nous allons procéder à la désignation du rapporteur du projet de loi relatif à la biodiversité. J'ai reçu la candidature de Jérôme Bignon Si tout le monde est d'accord, il en est ainsi décidé.
Le Sénat doit également désigner un membre pour siéger au conseil de surveillance de la structure nouvelle SNCF. Je suis candidat à cette fonction, si personne ne s'y oppose. Je vous remercie.
M. Jérôme Bignon. - Je vous remercie pour votre confiance. Nous l'avons entendu ce matin, les questions de biodiversité sont extrêmement complexes, avec de forts enjeux et des points de vue souvent divergents.
J'aborde donc ce projet de loi sur un sujet qui me passionne avec humilité. Dans la continuité des travaux précédents de la commission, il va falloir que nous avancions dans un climat d'ouverture afin de trouver de bonnes solutions à ces questions fondamentales pour notre avenir. Il ne faut jamais oublier aussi que l'homme reste l'élément fondamental de la biodiversité ; Hubert Reeves a d'ailleurs suggéré de rester vigilants à ce qu'il ne fasse pas partie des espèces susceptibles de disparaître.
Le calendrier des travaux risque d'être très contraint. Si l'on part de l'hypothèse d'un examen en séance publique au moins de juillet, cela ne laisse que peu de temps. J'ai vu le fantastique travail d'écoute et d'audition effectué par Louis Nègre sur la loi de transition énergétique. Je souhaiterais conduire mes travaux dans le même état d'esprit, en associant tous ceux qui le souhaitent aux auditions. Nous devons effectuer ce travail collectivement, je n'en serai que la cheville ouvrière.
M. Hervé Maurey, président. - Nous effectuerons quelques auditions dans le cadre de la commission, à l'instar de ce que nous avions fait pour la transition énergétique. Je pense notamment aux préfigurateurs de l'agence de la biodiversité ou à la ministre, mais cela ne retire rien à vos propos sur la nécessité d'un travail approfondi.
La commission nomme M. Jérôme Bignon rapporteur du projet de loi n° 359 (2014-2015) pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Désignation au conseil de surveillance de la SNCF
La commission désigne M. Hervé Maurey pour siéger au conseil de surveillance de la SNCF.
La réunion est levée à 11 h 40.