Mardi 31 mars 2015
- Présidence de Mme Marie-France Beaufils, vice-présidente -Désignation d'un rapporteur
La réunion est ouverte à 9 h 34.
La commission nomme M. Éric Doligé rapporteur sur le projet de loi n° 366 (2014-2015) modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer.
Projet de décret d'avance relatif à plusieurs dépenses urgentes - Communication
Puis la commission entend une communication de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de décret d'avance, relatif à plusieurs dépenses urgentes, transmis pour avis à la commission, en application de l'article 13 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
Mme Marie-France Beaufils, présidente. - Nous sommes saisis d'un projet de décret d'avance qui nous a été notifié le 24 mars dernier.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Notre avis porte sur la régularité du décret au regard des articles 12 et 13 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF). Les critères organiques sont au nombre de quatre : l'urgence, le gage des ouvertures par des annulations de même montants et le respect de plafonds tant pour les ouvertures (qui doivent être inférieures à 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale) que pour les annulations (qui ne doivent pas dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours).
Ce décret d'avance a essentiellement pour objet de financer des dispositifs relatifs à la sécurité intérieure du pays, suite aux attentats de janvier : les crédits ouverts iront principalement à la justice, à la police et à la défense. Le critère d'urgence semble globalement respecté ; j'émettrai cependant certaines réserves, notamment sur les crédits de personnel. Les ouvertures sont bien gagées par des annulations et les plafonds fixés par la LOLF sont respectés : les premières sont inférieures à 1 % des crédits prévus par la loi de finances initiale, les secondes à 1,5 % des crédits des lois de finances afférentes à l'année en cours.
La somme des ouvertures s'élève à 401,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 308,3 millions d'euros en crédits de paiement : en autorisations d'engagement et crédits de paiement, 247,3 millions d'euros vont à la lutte contre le terrorisme et au maintien de la sécurité intérieure, 61 millions d'euros au service civique. S'y ajoutent 92,3 millions d'euros en autorisations d'engagement pour le maintien en condition opérationnelle des avions de la sécurité civile.
Si, au total, six missions sont bénéficiaires des ouvertures de crédits. Celles-ci sont particulièrement concentrées sur les missions « Justice », « Sécurités » et « Sport, jeunesse et vie associative » qui voient, sur leur périmètre, plus de crédits ouverts qu'annulés par le projet de décret d'avance. Par comparaison aux crédits fixés par la loi de finances initiale, les ouvertures sont particulièrement importantes pour les programmes « Jeunesse et vie associative » (les crédits ouverts par décret d'avance représentent 25,7 % des crédits ouverts en loi de finances initiale) et « Sécurité civile » (40,7 %) ; elles sont significatives pour la police nationale (6,6 %) ainsi que pour la conduite et le pilotage de la politique de la justice (7,2 %). L'importance relative de ces ouvertures explique que l'on cherche à cerner, le plus précisément possible, dans quelle mesure elles sont justifiées par l'urgence.
Les crédits ouverts par le décret d'avance sont financés exclusivement par des annulations : tous les budgets ont été mis à contribution. Concernant les crédits hors titre 2, on a par exemple rogné, tant en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement, 86,6 millions d'euros sur la mission « Recherche et enseignement supérieur », 24,8 millions d'euros sur la mission « Écologie » et 23 millions d'euros sur la mission « Travail et emploi » - ces trois missions étant les plus importantes contributrices aux annulations de crédits. Les annulations de crédits de titre 2 sont, quant à elle, concentrées sur la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Les annulations sont en général faibles en proportion des crédits ouverts en loi de finances initiales. Il s'agit en quelque sorte d'une logique de taxation interministérielle. Le Haut Conseil des finances publiques a toutefois été lourdement ponctionné : ses crédits diminuent de 44 %...
M. Michel Bouvard. - C'est peut-être parce qu'il pense mal ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - En dehors de ce cas particulier, nous sommes en présence d'une logique purement budgétaire de rabot : la ponction est générale mais modérée.
Au-delà de ces constatations numériques, le point sans doute le plus important de notre travail consiste à nous assurer que le critère de l'urgence est bien respecté. Nous avons adressé un questionnaire très précis au Gouvernement. Nous lui avons en particulier demandé s'il était nécessaire d'ouvrir fin mars des crédits de personnel. Nous avons également souhaité connaître la proportion de postes de titulaires et de contractuels. Au vu des réponses qui nous ont été transmises, on peut s'interroger quant à l'interprétation extensive, ou du moins variable, du critère de l'urgence. Des exemples passés nous montrent en effet que les conditions de recours au décret d'avance varient, sans que les raisons n'en soient très claires. Nous avions par exemple été saisis en septembre 2013 d'un décret d'avance visant à financer le surcroît de dépenses lié au plan de lutte contre la pauvreté annoncé en janvier : les crédits du programme avaient été jugés suffisants pour couvrir les besoins dans un premier temps et retarder l'ouverture de crédits supplémentaires. De la même façon, alors que le ministère du budget nous a indiqué qu'il fallait ouvrir dès maintenant les lignes budgétaires pour que les recrutements puissent être lancés sans mettre en péril la soutenabilité des programmes concernés, des recrutements ont cependant eu lieu en 2014 dans l'éducation nationale, bien que l'insuffisance des crédits de personnel ait nécessité une ouverture de crédits en fin de l'année, s'élevant à près de 300 millions d'euros. Le Gouvernement ne paraît donc pas disposer d'une doctrine claire sur le sujet.
Eu égard aux besoins de la sécurité intérieure, je vous propose cependant un avis favorable, nuancé par quelques réserves rappelant au Gouvernement les critères de la LOLF : le décret d'avance ne doit pas devenir une facilité de gestion au prétexte qu'il est plus aisé à mettre en oeuvre qu'un collectif budgétaire, donnant lieu à un débat du Parlement - certains pourraient d'ailleurs penser que le fait de présenter un décret d'avance s'explique en partie par la volonté d'éviter un collectif budgétaire... Il est de notre devoir, me semble-t-il, pour éviter à l'avenir toute interprétation extensive de l'urgence, de formuler ces réserves.
Si celles-ci ne suffisent cependant pas à infléchir le caractère favorable de notre avis, c'est que, d'une part, les critères de régularité quantitatifs de la LOLF sont respectés et que, d'autre part, dans le cas d'espèce, l'ouverture des crédits peut se justifier au nom de la bonne administration et d'une gestion efficace des ressources humaines : les responsables de la lutte contre le terrorisme et les personnels qui la mettent en oeuvre auront une meilleure visibilité sur les moyens dont ils disposeront. D'une certaine manière, l'urgence du contexte de sécurité intérieure justifie une interprétation un peu extensive du critère d'urgence budgétaire.
M. Dominique de Legge. - Le décret est justifié par le plan de lutte contre le terrorisme, dans lequel la défense est engagée - pourquoi le décret ne contient-t-il rien à son sujet ? La moindre déflation des effectifs nécessite incontestablement et, de façon urgente, un financement. Que pense le rapporteur général de cette anomalie ?
M. André Gattolin. - Si le fait de rendre un avis favorable concernant l'accroissement des moyens de la sécurité intérieure va de soi, nous aurions aimé bénéficier d'une explication de texte plus approfondie. Le Gouvernement souhaite manifestement prolonger la surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre en certains points sensibles du territoire, parce que la menace n'est pas suspendue. Soit. Mais comment compte-t-il déployer les sommes demandées entre nouveaux emplois et primes pour les heures supplémentaires ? Cette logique se limite-t-elle à l'année en cours ou prévaudra-t-elle à plus long terme ?
Les ministères ponctionnés sont principalement celui de l'enseignement supérieur et de la recherche et celui de l'écologie, qui vient de connaître trois années de baisse de ses crédits. Les programmes « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture », « Prévention des risques », « Météorologie » voient leurs crédits réduits - le rapporteur spécial avait pourtant montré combien les moyens de Météo France étaient limités ; or ils concernent eux aussi la sécurité publique.
Des crédits iront au service civique volontaire. C'est une bonne mesure, mais nous aimerions savoir à quels ministères ils seront affectés. Peut-être à ceux qui sont le plus durement ponctionnés ?
M. Vincent Delahaye. - Si nous sommes tous d'accord pour renforcer la lutte contre le terrorisme, je note que les ouvertures de crédits concernent essentiellement des créations de postes, sans que l'on sache sur quoi portent les annulations. Les nouveaux postes dans certains domaines devraient être compensés par la suppression d'autres, ailleurs. C'est en tout cas la règle que nous appliquons dans nos collectivités territoriales. Or il ne semble pas que ce soit la logique suivie ici. Il nous manque aussi une vision d'ensemble : nous assistons depuis plusieurs années à de fortes réductions des effectifs militaires. Si le Gouvernement change son fusil d'épaule, quelle est, au juste, la cohérence de sa politique ? Et que se passerait-il si nous donnions un avis défavorable à ce décret ?
M. Michel Bouvard. - Il est arrivé que le Gouvernement modifie des décrets d'avance à la suite d'observations des commissions parlementaires. La pratique de la LOLF est un immense progrès par rapport à l'absence antérieure de procédure d'association du Parlement, et il est essentiel que le Sénat effectue un travail précis sur les projets de décret d'avance qui lui sont transmis.
Je dois m'avouer surpris par l'ouverture de 92 millions d'euros en autorisations d'engagement au titre de la sécurité civile. Découvre-t-on vraiment, trois mois après le début de l'exercice budgétaire, ce problème de maintien en condition opérationnelle de la flotte de la sécurité civile ? Ces avions n'ont-ils pourtant pas tous un programme de vol et de révision ?
Quant aux annulations prévues par le projet de décret d'avance, si les explications données par le Gouvernement paraissent, dans l'ensemble, recevables, certains points posent question, en particulier le prélèvement sur la Cour des comptes et sur le Haut Conseil des finances publiques. La Cour des comptes était exempte de la réserve de précaution. J'avais proposé cette disposition il y a quelques années, alors que Philippe Séguin était premier président, afin de la mettre à l'abri d'éventuelles mesures de rétorsion. Si certains de ses rapports sont préparés sur commande du Gouvernement et du Parlement, le Cour des comptes doit rester totalement libre de son champ d'action : il faut pour cela que des mesures budgétaires ne viennent pas entraver ses capacités. Je me demande donc si cette réfaction de crédits s'est faite en accord avec le premier président. Si tel n'est pas le cas, cela remet en cause la situation d'exception que le Parlement avait décidée, interdisant d'appliquer à la Cour des comptes des mesures de régulation budgétaire.
Des économies, à hauteur de 24 millions d'euros, sont prévues sur la gestion fiscale et financière de l'État et du service public local, ainsi que sur les concours financiers aux collectivités locales. Comment trouve-t-on ainsi, soudainement, des économies qui n'avaient pas été identifiées ?
Quant aux annulations portant sur le programme « Patrimoines » de la mission « Culture », elles sont légitimes si ce programme présente des réserves de trésorerie que l'on peut annuler, mais le rapport de motivation indique que les annulations portent sur des crédits « qui ne seront pas consommés ». Qu'en sait-on, au mois de mars ? Il est vrai que les vieilles pierres ne manifestent pas...
M. Philippe Dominati. - J'observe, en tant que rapporteur spécial de la mission « Sécurités », que 51 millions d'euros sont affectés à de nouveaux matériels, notamment des voitures. J'avais souligné le ratio disproportionné, dans cette mission, entre frais de personnel et de matériel. Il est heureux que le Gouvernement en ait finalement tenu compte. Sur tous les bancs de l'hémicycle, nous constations que le maintien du parc automobile supposait la commande de 4 000 véhicules par an, alors que le budget n'en prévoyait que 2 700. Le décret d'avance prévoit le recrutement de personnel spécialisé : nous manquons en particulier de linguistes et d'informaticiens. Quelles sont les informations dont nous disposons à ce sujet ?
M. Alain Houpert. - Je salue la qualité du travail du rapporteur général et du Sénat. Dans la conjoncture actuelle, ce qui nous anime doit être l'intérêt du pays et non l'intérêt particulier ; le rapport est véritablement transpartisan et les critiques, constructives.
M. Michel Bouvard. - Je propose un amendement au sixième point de l'avis. La récidive du Gouvernement sur l'usage de la dotation « Dépenses accidentelles et imprévisibles » appelle une plus grande sévérité.
Mme Marie-France Beaufils, présidente. - Je m'interroge moi aussi sur les arguments invoqués à l'appui des annulations de crédits. Il est souvent indiqué que l'on a jugé possible une meilleure maîtrise de la dépense, alors que nous sommes en mars. Pourquoi n'a-t-elle pas été anticipée ? Ne s'agit-il pas en réalité de coupes claires dans le budget ? Je suis inquiète, comme André Gattolin, pour certains ministères. Nous devrons demander au Gouvernement, à l'avenir, d'alimenter davantage son rapport de motivation : celui-ci est un peu léger dans ses informations.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Concernant les annulations, il est clair que lorsque le Gouvernement justifie, en mars, des annulations de crédits au motif qu'ils ne seront pas dépensés, cela signifie tout simplement qu'ils ne pourront pas être dépensés puisqu'ils seront annulés par Bercy. La logique est exclusivement budgétaire. Tout le monde est mis à contribution pour financer les ouvertures de crédits.
Au sujet des moyens accordés à la défense, celle-ci bénéficiera, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, selon les informations qui nous ont été transmises, de 250 postes supplémentaires sur la période 2015-2017, essentiellement dans le renseignement. Pour le reste, il s'agit de redéploiements de crédits, à hauteur de 150 millions d'euros, à la faveur notamment de la baisse du prix du carburant.
M. Dominique de Legge. - Nous ne sommes pas obligés d'y croire...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le prix du pétrole est moins élevé que cela n'était prévu, c'est une réalité.
Les créations de postes sont, en effet, bien plus nombreuses que les suppressions. Les annulations portent plutôt sur des crédits d'investissement. La date des élections est également invoquée : les régionales étant désormais prévues en décembre, les remboursements de frais seront, en partie, reportés sur 2016.
Les autorisations d'engagement pour le maintien en condition opérationnelle des avions de la sécurité civile tiennent au fait qu'un marché a été déclaré infructueux. L'appel d'offres a été allongé de cinq à sept ans.
M. Michel Bouvard. - Je ne suis pas convaincu...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Concernant le Haut Conseil des finances publiques, sa dotation s'élève à environ 840 000 euros par an ; il semblerait désormais que la moitié sera suffisante. Quant à la Cour des comptes, ses ressources humaines sont censées avoir coûté moins que prévu, sans que l'on sache si cela est volontaire ou contraint. Pour l'ensemble des juridictions financières, les informations qui nous ont été transmises justifient les annulations par « une prévision plus favorable qu'en loi de finances initiale des besoins de financement de la masse salariale ». Ce genre de tournure évasive n'est pas rare dans la prose qui nous a été adressée.
M. Jacques Chiron. - Le premier président de la Cour des comptes nous avait effectivement dit, lors de son audition, qu'il faisait des économies. Les résultats sont là.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Concernant les annulations sur le programme « Patrimoines » de la mission « Culture », le domaine de Versailles et le Centre Pompidou sont mis à contribution : ils devront, j'imagine, développer leurs ressources propres. Une autre partie des annulations sur cette même mission est liée à l'annulation de la « réserve Sauvadet », visant à financer la titularisation des contractuels.
Sur la mission « Sécurités », il est certain que l'on aurait pu évaluer plus tôt les dépenses de véhicules...
Alain Houpert a raison : nous émettons un avis équilibré. Dans le contexte, nous ne saurions rejeter des mesures en faveur de la sécurité ; rien n'interdit cependant au Parlement de jouer tout son rôle et d'émettre des réserves.
Quant aux remarques d'André Gattolin, je ne peux que remarquer que, lorsque la quête passe partout, il n'est pas étonnant que l'écologie ne soit pas épargnée.
M. André Gattolin. - Ce qui se répète chaque année !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Pour répondre à Vincent Delahaye, notre avis est uniquement consultatif : aucune conséquence directe n'est prévue s'il est défavorable ; mais nous avons la possibilité de ratifier, ou non, les ouvertures et annulations de crédits lors du vote de la prochaine loi de finances rectificative.
Au surplus, le Conseil d'État examinera cet après-midi le projet de décret accompagné des avis de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Michel Bouvard. - Je propose un amendement au point 6 sur les annulations touchant la dotation « Dépenses accidentelles et imprévisibles ». Voilà des années que nous tentons de remettre cette dotation budgétaire dans les clous, en vain. Elle ne doit pas être détournée de son objet : tous Gouvernements confondus, il y a en permanence des tentatives pour élargir les dépenses pouvant être financées par annulation sur cette dotation.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je modifierai la rédaction, en écrivant que cette opération conduit à un nouvel élargissement des finalités de ce programme, qui n'apparaît pas conforme à son objet.
M. François Marc. - Je soutiens l'avis favorable et j'apprécie que notre rapporteur général ait précisé aux points 11 à 13 les circonstances exceptionnelles qui entourent ce décret d'avance et le caractère particulier de ces ouvertures de crédits. Oui la lutte contre le terrorisme nous oblige, oui il est bon de donner de la visibilité à nos administrations et d'avoir une gestion efficace de nos ressources humaines ; et oui, les conditions de régularité sont réunies.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - C'est en effet l'essentiel, mais il importe de mettre le Gouvernement en garde contre la tentation de faire passer, sans débat, un mini-collectif budgétaire.
Mme Marie-France Beaufils, présidente. - Je voudrais à mon tour expliquer mon vote. Vous connaissez notre désaccord sur ces crédits par décrets d'avance, toujours pris aux dépens de crédits déjà votés en loi de finances. Nous aurions pu trouver d'autres ressources pour couvrir les dépenses nécessaires à la lutte contre le terrorisme. Je voterai contre l'avis favorable proposé par le rapporteur général.
La commission donne acte de sa communication au rapporteur général et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information ; elle adopte l'avis sur le projet de décret d'avance.
L'avis est ainsi rédigé :
La commission des finances,
Vu les articles 13, 14 et 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 ;
Vu le projet de décret d'avance notifié le 24 mars 2015, portant ouverture et annulation de 401 128 893 euros en autorisations d'engagement et 308 305 664 euros en crédits de paiement, le rapport de motivation qui l'accompagne et les réponses du secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, au questionnaire du rapporteur général ;
1. Constate que le projet de décret d'avance a pour objet de permettre le financement d'un plan de lutte contre le terrorisme, suite aux attentats intervenus sur le sol français en janvier, ainsi que celui d'un nombre accru de contrats de service civique et du maintien en condition opérationnelle des avions de la sécurité civile ;
2. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet sont gagées par des annulations de même montant ;
3. Relève que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet de décret d'avance n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l'année et que les annulations n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours ;
4. Estime que l'urgence à ouvrir les crédits est avérée pour les crédits ouverts au titre du financement des contrats de service civique, au regard de la nécessité pour l'Agence du service civique d'adopter un budget rectificatif lui permettant de délivrer des agréments à de nouveaux opérateurs d'accueil dans des délais compatibles avec l'atteinte de la cible fixée par le Gouvernement ;
5. Considère que l'urgence est également manifeste pour les ouvertures d'autorisations d'engagement relatives au maintien en condition opérationnelle des avions de la sécurité civile, leur disponibilité étant nécessaire à la notification du marché ; son périmètre a en effet été élargi et sa durée, allongée, par rapport à un premier appel d'offres déclaré infructueux en octobre 2014 et qui avait servi de référence à la budgétisation initiale ;
6. Observe que les dépenses engagées grâce aux annulations d'autorisations d'engagement portant sur la dotation « Dépenses accidentelles et imprévisibles » ne correspondent pas aux emplois prévus dans l'annexe jointe au projet de loi de finances pour 2015 ; que cette opération conduit à un nouvel élargissement des finalités de cette dotation qui devient, de fait, une forme de réserve de précaution interministérielle d'autorisations d'engagement et, ainsi, n'est pas conforme à son objet ;
7. Relève que la mise en place du plan de lutte contre le terrorisme prévu par le Gouvernement rend nécessaires, de par son ampleur, des ouvertures de crédits supplémentaires avant la fin de l'exercice ;
8. Estime que, si l'objet de ces dépenses justifie leur engagement rapide par les services gestionnaires, la nécessité budgétaire d'ouvrir des crédits additionnels dès le mois de mars n'apparaît pas manifeste, dès lors que les dotations des programmes intéressés auraient pu permettre de couvrir les dépenses envisagées pendant plusieurs mois ; qu'en particulier, l'ouverture de crédits de personnel ne paraît pas dès aujourd'hui indispensable, notamment pour les programmes 152 « Gendarmerie nationale » et 176 « Police nationale » pour lesquels le dégel de crédits de titre 2 sur la réserve de précaution serait suffisant pour couvrir les besoins nouveaux ;
9. Observe que la doctrine du Gouvernement concernant le calendrier de présentation d'un décret d'avance en cas de décisions, y compris de recrutements, entraînant des dépenses supplémentaires conduisant à l'insoutenabilité de l'exécution du programme considéré, ne semble pas, au vu des exercices antérieurs et en particulier celui de 2014, fermement établie ;
10. Émet par conséquent des réserves quant au respect du critère d'urgence concernant certaines ouvertures de crédits au titre de la lutte contre le terrorisme ;
11. Observe cependant que les programmes concernés sont déjà fortement sollicités par les exigences de la lutte contre le terrorisme, qui se traduisent par des actes de gestion pouvant, en l'absence d'ouvertures de crédits supplémentaires, fragiliser la conduite des autres actions ;
12. Estime qu'en donnant de la visibilité, tant aux gestionnaires de ces programmes qu'aux personnels en charge de cette mission, sur les moyens complémentaires qui y seront consacrés, l'ouverture de crédits rapide permise par le recours au décret d'avance contribue, en l'espèce, à une bonne administration et à une gestion efficace des ressources humaines ;
13. Constate que les conditions de régularité du recours au décret d'avance prévues par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 précitée sont donc réunies ;
14. Émet, sous le bénéfice de ces observations, un avis favorable au présent projet de décret d'avance.
La réunion est levée à 10 h 26.
Mercredi 1er avril 2015
- Présidence de Mme Marie-France Beaufils, vice-présidente -Soutiens à la filière forêt-bois - Audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes de Mme Évelyne Ratte, présidente de la septième chambre de la Cour des comptes, M. Hervé Durand, directeur général adjoint des politiques agricoles, agroalimentaires et des territoires au ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt, M. Pascal Dupuis, chef du service climat et efficacité énergétique à la direction générale de l'énergie et du climat au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et M. Pierre Angot, sous-directeur de la chimie, des matériaux et des éco-industries au ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique
La réunion est ouverte à 10 h00.
Mme Marie-France Beaufils, présidente. - L'audition de ce jour fait suite à la demande de notre commission, à la Cour des comptes, d'une enquête portant sur les soutiens à la filière forêt-bois. Il est en effet utile de se demander si la France retire tous les bénéfices économiques qu'elle pourrait en attendre. On peut observer que le déficit commercial de la filière forêt-bois représente environ six milliards d'euros par an et illustre un déplacement de la valeur ajoutée vers les marchés étrangers. Cela doit conduire à nous interroger sur la structuration de cette filière stratégique de l'amont à l'aval et sur l'efficacité des nombreux dispositifs publics de soutien. L'enquête de la Cour des comptes dont les résultats nous seront présentés dans quelques instants constitue un travail utile pour nos collègues Alain Houpert et Yannick Botrel, en leur qualité de rapporteurs spéciaux de la mission « Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales ». Pour présenter cette étude et réagir à son contenu, nous avons le plaisir d'accueillir :
- Evelyne Ratte, présidente de la septième chambre de la Cour des comptes, accompagnée de Michèle Pappalardo, conseillère maître et Sandrine Rocard, conseillère référendaire ;
- Hervé Durand, directeur général adjoint des politiques agricoles, agroalimentaires et des territoires au ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt ;
- Pierre Angot, sous-directeur de la chimie, des matériaux et des éco-industries au ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique ;
- et enfin Pascal Dupuis, chef du service climat et efficacité énergétique au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Mme Évelyne Ratte, présidente de la septième chambre à la Cour des comptes. - Il me revient, en tant que présidente de la septième chambre de vous présenter les constats et les recommandations issus de cette enquête sur les soutiens à la filière forêt-bois, qui a été menée dans le cadre d'une formation inter-chambres associant la deuxième et la septième chambre de la Cour. Je suis entourée pour ce faire de Sandrine Rocard, conseillère référendaire à la septième chambre, rapporteure générale de la formation inter-chambres, et de Michèle Pappalardo, conseillère maître à la deuxième chambre, contre-rapporteure de l'enquête. Les quatre objectifs de cette enquête, tels qu'ils ont été définis en février 2014 avec les sénateurs Yannick Botrel et Joël Bourdin, sont les suivants :
- présenter pour la période 2006-2013 les enjeux et les difficultés des principales composantes de la filière : la forêt, les scieries, les industries du bois, le bois énergie ;
- recenser et quantifier les soutiens publics directs et indirects qui sont apportés ;
- évaluer la contribution de ces soutiens à l'atteinte des objectifs qui sont assignés à la filière ;
- analyser la gouvernance de la filière, en ce qu'elle facilite ou non la cohérence et l'efficacité des différents soutiens.
Il se trouve que la filière forêt-bois a déjà fait l'objet de nombreux rapports émanant de parlementaires, d'organismes d'inspection, de personnalités ou d'institutions diverses, souvent demandés par les pouvoirs publics. Nous avons donc décidé d'une méthode pour apporter quelque chose de nouveau. L'originalité des travaux que nous présentons tient d'abord au point d'entrée choisi : celui des soutiens publics à la filière, dont l'estimation financière est en soi un apport. L'enquête a notamment permis de quantifier et d'analyser les aides apportées non seulement par l'État mais aussi par les collectivités territoriales, auparavant méconnues, grâce à une enquête spécifique menée auprès de l'ensemble des régions métropolitaines et de vingt-deux départements. Nous nous sommes appuyés également sur des entretiens auprès des parties prenantes de la filière, mais aussi sur les contrôles récents de sept organismes - Centre national de la propriété forestière, institut technologique Forêt cellulose bois-construction ameublement (FCBA), Comité national pour le développement du bois (CNDB), France Bois Forêt (FBF) - ou de politiques publiques dans le domaine forêt-bois, ce qui a permis d'affiner le diagnostic des difficultés de la filière et de formuler des recommandations opérationnelles.
Le contrôle de l'Office national des forêts (ONF), établissement public à caractère industriel et commercial chargé de gérer les forêts publiques, c'est-à-dire celles de l'État (10 %) et celles des collectivités territoriales (15 %), a été mené en parallèle. Il a fait l'objet d'un rapport particulier de la Cour, rendu public fin novembre 2014, et que votre commission a souhaité annexer au rapport d'enquête. Cet établissement est par conséquent peu abordé dans le rapport présenté aujourd'hui, si ce n'est pour évaluer le soutien financier qui lui est apporté par l'État et pour évoquer son rôle important dans la filière. Les forêts publiques gérées par l'ONF, qui représentent un quart des forêts françaises, sont en effet à l'origine de 40 % des bois vendus en France. La Cour a souligné, à cet égard, dans son rapport particulier, la nécessité pour l'ONF de respecter les objectifs de production de bois qui lui sont fixés par la tutelle. Pour le reste, ce rapport particulier constate les difficultés de cet établissement à trouver un équilibre économique et propose des pistes d'économies de dépenses ou de mobilisation de recettes dans les différents segments de son activité. Sont évoqués à ce titre la réduction de ses coûts de gestion notamment pour les forêts des collectivités, l'amélioration de sa politique commerciale, un recentrage sur les activités concurrentielles les plus rentables, un meilleur financement des missions de service public qu'il assure. La Cour a identifié par ailleurs des pistes d'économies en matière de ressources humaines, de recherche, de formation, de participations dans diverses filiales. Mais l'ONF ne constituait pas l'objet principal du rapport que je vais présenter maintenant.
Il est nécessaire tout d'abord de se représenter ce qu'est la filière forêt-bois : c'est une filière complexe, hétérogène et qui doit faire face à de multiples enjeux.
Le premier maillon de la filière est la forêt. La forêt française est composée aux trois quarts de forêts privées et d'un quart de forêts publiques, qui doivent faire face tout à la fois, à travers ce qu'on appelle la « gestion durable », à des enjeux économiques, écologiques et énergétiques. Dans sa fonction économique de premier maillon de la filière, la forêt française présente de nombreux handicaps - morcellement de la propriété forestière privée, difficultés à « sortir le bois de la forêt » etc. - qui expliquent sa sous-exploitation. La moitié seulement de la production biologique a été prélevée annuellement depuis une dizaine d'années. Sa composition, avec deux tiers de feuillus, ne correspond pas à la demande actuelle des marchés du bois les plus porteurs comme celui de la construction. La forêt est par ailleurs source d'une grande biodiversité. Elle contribue à la lutte contre l'effet de serre en tant que puits de carbone. Elle apporte enfin une contribution majeure à l'atteinte des objectifs de la France en matière d'énergie renouvelable grâce à l'usage du bois comme combustible.
L'aval industriel de la filière est hétérogène. On y distingue :
- la première transformation du bois, c'est-à-dire, schématiquement, les scieries, maillon central de la filière ;
- la seconde transformation du bois, constituée par les industries qui produisent des meubles, des charpentes et menuiseries, des parquets, du papier-carton ou encore de l'emballage.
À l'exception de quelques industries de niche, cet aval industriel est vulnérable, en perte de vitesse et il présente un déficit commercial structurel.
La filière bois énergie, qui repose sur l'utilisation du bois comme combustible pour fournir de la chaleur ou de l'électricité, connaît, à l'inverse, un fort développement.
Notre rapport s'organise de la manière suivante :
Le premier chapitre recense l'ensemble des soutiens publics qui sont apportés aux différents maillons de la filière. Le deuxième chapitre présente l'organisation et le pilotage de la filière, dans leurs composantes aussi bien publique qu'interprofessionnelle, au niveau national comme au niveau local, afin d'analyser les conséquences de cette gouvernance sur la cohérence des soutiens. Après ces approches transversales de la filière (financement et organisation) le rapport tente d'apprécier dans les deux chapitres suivants la contribution des soutiens à l'atteinte des objectifs assignés à la filière :
- d'une part dans les activités amont, soit les soutiens dirigés vers la forêt privée, c'est-à-dire les aides d'origine budgétaire, les mesures fiscales et l'action du Centre national de la propriété forestière en faveur des propriétaires forestiers privés ;
- d'autre part dans les activités aval, en examinant les aides à l'investissement pour les industries de première et seconde transformation du bois et les soutiens aux filières bois énergie, bois-construction et au secteur de l'ameublement.
Voici nos principaux constats et recommandations.
Premier constat : les soutiens publics aux différents maillons de la filière sont nombreux, d'origine et de nature très différentes, et atteignent environ 910 millions d'euros par an ces dernières années.
L'État, à travers les dépenses budgétaires, fiscales, les recettes fiscales fléchées et les financements d'établissements publics apporte 84 % de ces soutiens, le bois énergie bénéficiant de 36 % de ces soutiens étatiques. Les collectivités territoriales sont la deuxième source de financement, avec 9 % des soutiens totaux, mais leurs apports sont plus significatifs pour l'aval de la filière : développement économique de l'aval de la filière, scieries comprises, et animation de la filière au niveau local. Les fonds européens (5 %) et les fonds d'origine interprofessionnelle (2 %) constituent un financement d'appoint pour la filière.
La filière bénéficie aussi de l'action et de l'appui d'établissements publics et de centres techniques industriels, dont les budgets sont en partie financés dans ce cadre. On peut citer à ce titre : l'Office national des forêts (ONF) et le Centre national de la propriété forestière (CNPF), chargé de conseiller les propriétaires forestiers.
On observe un empilement des soutiens d'origine et de nature très diverses, sans lien entre eux et sans hiérarchisation des priorités de financement.
Le deuxième constat c'est que la gouvernance actuelle de la filière, faible et éclatée, ne permet pas d'apporter une cohérence à ces soutiens dispersés, que ce soit la gouvernance publique ou la gouvernance interprofessionnelle.
Du côté de la gouvernance publique, la collaboration interministérielle est peu aboutie et fait écho à la multiplicité des enjeux de la filière. La filière est placée de fait sous l'égide de cinq ministères qui ont insuffisamment collaboré entre eux ces dernières années. Elle a pâti de l'absence d'une instance de concertation, de stratégie et de décision. La démarche de filière mise en place en 2014 est positive, mais force est de constater qu'elle n'a pas évité l'écueil d'une partition entre l'amont forestier et l'aval industriel de la filière. C'est ainsi que des travaux sont menés, en suivant des calendriers non harmonisés, par deux instances différentes : le comité stratégique de filière « industries du bois » au sein du conseil national de l'industrie d'une part et le conseil supérieur de la forêt et du bois présidé par le ministre de l'agriculture, d'autre part. Ce point mérite toutefois une actualisation, car depuis le moment où nous avons déposé le rapport, un contrat de filière a été signé le 16 décembre 2014 par les trois ministères historiquement compétents, auxquels ont été associés le ministère chargé du logement, l'association des régions de France et certaines organisations professionnelles de la filière. Mais, dans cet ensemble, on note l'absence du maillon central que constituent les scieries, représentées par la Fédération nationale du bois (FNB), ces dernières estimant que le contrat est susceptible d'aggraver leurs difficultés. Plus généralement, la cohérence des orientations de ce contrat de filière, qui doit être soumis au conseil supérieur de la forêt et du bois pour avis, alors même qu'il a déjà été signé, avec celles du futur plan national forêt-bois que ce conseil supérieur devra élaborer, reste un point de vigilance majeur. Par ailleurs, une meilleure articulation entre les politiques et les soutiens mis en oeuvre au plan national, d'une part, et par les régions et départements, d'autre part, reste à établir. L'État, au niveau déconcentré, et les régions et départements ont un rôle majeur à jouer dans l'animation et le financement de la filière dans les territoires.
Du côté de la gouvernance interprofessionnelle, nous avons vu que les professionnels de la filière forêt-bois offrent eux aussi un front divisé. Ces instances sont en effet multiples ; la place des interprofessions régionales au sein du paysage interprofessionnel n'est pas arrêtée. La Cour a constaté que l'action de l'interprofession France Bois Forêt (FBF), regroupant la forêt et la première transformation du bois, pouvait être améliorée : la politique de guichet menée actuellement doit évoluer vers une démarche plus stratégique au bénéfice de la filière. Des outils communs aux professionnels de la filière font défaut. Le Comité national pour le développement du bois, chargé notamment de la communication sur le bois, devrait être repris en main par les professionnels pour en faire un outil utile pour la filière. L'observatoire économique de la filière, projet confié au départ à FBF, doit se mettre en place avec les pouvoirs publics.
Au terme de ces constats la Cour fait cinq recommandations pour améliorer la gouvernance de la filière. Il s'agit de créer un cadre de discussion interministérielle pérenne pour le pilotage de la stratégie de soutien à la filière ; de confier aux comités régionaux de la filière et du bois la responsabilité de l'animation et du financement de la filière au niveau local ; de confier intégralement au centre national de la propriété forestière la mission de développement forestier pour les forêts privées et d'en décharger les chambres d'agriculture ; et, enfin, de fusionner FBF, France Bois Industries Entreprises et le CODIFAB dans un organisme interprofessionnel unique, doté d'un contrat d'objectifs avec l'État et dont l'action territoriale s'articule avec celle des interprofessions régionales.
Notre troisième constat réside dans l'inadaptation des soutiens dirigés vers l'amont aux objectifs de valorisation économique de la forêt.
La dimension économique de la gestion forestière est insuffisamment développée dans la forêt privée. L'État met en oeuvre trois soutiens principaux en sa faveur : les dépenses budgétaires, les dépenses fiscales, le soutien au centre national de la propriété forestière. Tous se révèlent inadaptés pour obtenir les résultats escomptés en termes de desserte par les voieries forestières, d'investissement forestier, de regroupement foncier, technique et économique et, in fine, de récolte du bois au bénéfice de l'ensemble de la filière. Le levier budgétaire semble inopérant, faute de crédits suffisants. Les perspectives de financement de l'investissement forestier et du développement économique de la filière, qui reposent sur la création en 2014 d'un nouveau fonds stratégique forêt-bois faiblement doté et dont le périmètre d'intervention et le pilotage restent à définir, sont incertaines. En loi de finances pour 2015, le fonds est aussi peu doté qu'en 2014.
Les mesures fiscales en faveur des propriétaires forestiers, favorisent une approche patrimoniale plutôt qu'économique de la forêt. Une partie de l'effort fiscal est dispersée sur de nombreux dispositifs, dont l'efficacité n'est souvent pas démontrée au regard des objectifs qui sont visés. Les dépenses fiscales sont dominées par deux exonérations de type patrimonial, qui consistent à exonérer 75 % de la valeur des forêts pour le calcul de l'ISF d'une part et des droits de mutation à titre gratuit d'autre part. Ces mesures fiscales anciennes, les plus coûteuses du dispositif fiscal sont déconnectées objectifs de la politique forestière. Les conditions de gestion durable de la forêt qui sont posées ne sont, de plus, pas opérationnelles et en tout état de cause, leur respect n'est pas contrôlé.
Le Centre national de la propriété forestière (CNPF), dont le pilotage interne et par l'État est peu directif, n'est pas en mesure d'évaluer l'efficacité de ses missions de conseil et d'appui technique auprès des propriétaires forestiers privés. Le CNPF argue que la forte dégradation de la situation économique de la production forestière et la suppression des aides publiques relatives à l'amélioration forestière incitent la majorité des propriétaires forestiers à renoncer à investir et à gérer au minimum leurs forêts, ce qui est une manière de reconnaître un échec.
Face à ces constats, la Cour fait deux recommandations visant à faire évoluer le cadre des soutiens à l'amont forestier : d'une part, la suppression des mesures fiscales patrimoniales, au profit des mesures encourageant directement l'investissement en forêt ; d'autre part le renforcement de la tutelle du CNPF, pour que ce dernier définisse et mette en oeuvre au niveau local des priorités d'action, notamment la vérification de l'application des documents de gestion durable.
Le quatrième constat, c'est que les soutiens à l'aval de la filière sont dispersés et non coordonnés. Certes, les aides à l'investissement pour les scieries et les industries du bois ont eu un effet positif, en encourageant les banques à financer les investissements indispensables à la modernisation de l'appareil productif. Ces investissements n'ont cependant pas été à la hauteur des enjeux de compétitivité et de structuration auxquels la filière était confrontée, en raison principalement de la fragilité de la plupart des entreprises et des handicaps structurels et techniques de la filière. Ces soutiens doivent être régulièrement évalués et adaptés aux objectifs qui leur sont assignés en termes de développement des industries de la filière. De ce point de vue, une stratégie de développement reste à définir pour le secteur de l'ameublement, qui est le segment qui contribue significativement au déficit du commerce extérieur de la filière.
Les soutiens apportés à l'utilisation du bois dans la construction restent modestes, malgré leur croissance. Leur impact est toujours limité par des obstacles d'ordre culturel chez les prescripteurs et par des facteurs d'ordre technique, faute d'une réglementation adaptée à l'usage du bois. Les plans d'action adoptés fin 2013 font à juste titre du bois de construction un des vecteurs stratégiques de développement économique de la filière. L'effort de soutien des pouvoirs publics à ce secteur devra être constant et pérenne pour que les objectifs dans ce domaine soient atteints.
Enfin, les mesures de soutien au bois énergie, nombreuses et qui représentent plus du cinquième des soutiens financiers à la filière, ont fait la preuve de leur efficacité, même si les objectifs poursuivis en matière de développement du bois énergie sont encore loin d'être atteints. Toutefois, leur mise en oeuvre doit être accompagnée d'une veille continue et organisée au niveau de l'amont comme de l'aval de la filière sur les conflits d'usage et les tensions qui peuvent être créées au niveau de la ressource forestière.
Les deux recommandations formulées par la Cour concernant les soutiens à l'aval de la filière visent à limiter ces conflits d'usage globalement et localement : d'une part, en évaluant régulièrement et de façon concertée la ressource en bois et les besoins qualitatifs et quantitatifs des industries du bois, d'autre part en privilégiant dans les appels à projets les unités de production de chaleur ou de cogénération d'une taille adaptée à la capacité d'approvisionnement des bassins forestiers.
En conclusion, la France dispose, avec la quatrième forêt d'Europe, d'un potentiel économique majeur mais cette filière souffre d'un sous-investissement chronique qui se traduit notamment par un déficit commercial important. Ce n'est pas faute de soutiens publics qui quantitativement sont importants avec près d'un milliard d'euros par an. Ce qui manque c'est une organisation administrative et interprofessionnelle cohérente, un pilotage plus ferme et un engagement politique fort et durable sur des objectifs clairs et partagés. Si ces conditions sont réunies, la filière sera alors en capacité de répondre correctement à la demande finale, en particulier, en bois construction et en bois énergie, à faire face à la concurrence et à conquérir de nouvelles parts de marchés en France et au niveau international. L'aval de la filière doit pour cela gagner en compétitivité : maîtriser la disponibilité, la régularité et le coût de ses approvisionnements en bois et adopter une stratégie industrielle créatrice de valeur ajoutée.
M. Hervé Durand, directeur général adjoint des politiques agricoles, agroalimentaires et des territoires au ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt. - Je salue tout d'abord le travail de la Cour des comptes qui revêt, en particulier, un grand intérêt parce qu'il offre une vision d'ensemble des soutiens financiers apportés à la filière forêt-bois.
Le secteur du bois énergie bénéficie, par le biais du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, de plus du tiers des dépenses de l'État au profit de la filière. Je souligne en particulier l'importance des soutiens de l'ADEME issus du fonds chaleur, relevant du programme 174 « Énergie, climat et après mines ».
Pour notre part, 90 % des crédits du programme 149 « Forêt » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ont été destinés aux opérateurs de l'État en 2013, dont près de 60 % pour l'Office national des forêts (ONF). Le reste des moyens se concentre sur les aides à la reconstitution des forêts en Aquitaine suite à la « tempête Klaus » de 2009, la marge dégagée sur le programme, qui se limite à une dizaine de millions d'euros, étant affectée à la desserte forestière, à la lutte contre le risque d'incendie et à la restauration des terrains en montagne.
L'enquête dont nous discutons ce matin s'inscrit dans la continuité de nombreux constats ayant été réalisés par la Cour des comptes dans le cadre de contrôles conduits ces dernières années, portant notamment sur l'institut technologique forêt cellulose bois-construction ameublement (FCBA), le comité national pour le développement du bois, l'interprofession France Bois Forêt (FBF), le centre national de la propriété forestière (CNPF) et l'ONF. Certaines des recommandations de la Cour des comptes ont été prises en compte lors de la préparation de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, mais également pour la rédaction du Plan national d'action pour l'avenir des industries de transformation du bois présenté le 17 octobre 2014 au conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois. Je tiens également à signaler la mise en place du comité stratégique de la filière bois qui a, depuis, produit un contrat de filière signé, le 16 décembre dernier, par les ministres concernés et le président de l'Association des régions de France.
L'enquête de la Cour des comptes prévoyait initialement dix-sept recommandations qui ont, sous le bénéfice de nos échanges, été réduites à neuf. Nous partageons d'ailleurs globalement les appréciations portées par la Cour des comptes, à quelques nuances près que je vous préciserai volontiers dans la suite de l'audition.
M. Pierre Angot, sous-directeur de la chimie, des matériaux et des éco-industries au ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique. - Nous saluons également le travail mené par la Cour des comptes et souscrivons aux observations et conclusions.
La participation financière du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique est relativement faible comparée à celle des autres et elle n'est généralement pas dédiée à la filière, en particulier lorsqu'il s'agit de fonds uniques interministériels. Les contributions sont toutefois spécifiques lorsqu'elles soutiennent les centres techniques dans le cadre de la recherche et développement en faveur de la filière. Notre ministère a surtout un rôle d'animation et d'expertise plutôt que de financement.
Nous travaillons de façon relativement étroite avec le ministère chargé de l'agriculture afin d'articuler l'amont et l'aval de la filière. Ainsi, nous avons constaté une difficulté concernant les scieries qui, bien qu'encore nombreuses, n'atteignent pas le même degré de modernisation que dans d'autres pays.
S'agissant du contrat de filière, un travail important a été mené s'agissant de l'approvisionnement, alors que des tensions existent régulièrement en la matière. Ainsi, 30 millions d'euros ont été fléchés en faveur de la remobilisation du bois et le fonds stratégique pour la filière bois a été réévalué de 40 millions d'euros, avec 25 millions d'euros issus de soutiens publics et le reste provenant de contributions privées.
M. Pascal Dupuis, chef du service climat et efficacité énergétique à la direction générale de l'énergie et du climat au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. - Nous saluons à notre tour la qualité de l'enquête de la Cour des comptes dont nous partageons le constat ainsi que le sens global de l'ensemble des recommandations.
La forêt est importante pour l'énergie mais avant tout essentielle pour le climat, en tant que « pompe à carbone ». Chaque année, la forêt s'accroît de 120 millions de mètres cubes, dont seule la moitié est exploitée, ce qui est regrettable puisque cela signifie que la pompe s'engorge et qu'il serait possible d'en faire un meilleur usage du point de vue du changement climatique.
Dans le contexte d'une forêt sous exploitée, risquant ainsi d'être fragilisée, et d'une élévation des températures et d'un changement climatique inéluctables, l'arbre est susceptible de moins bien résister aux intempéries et aux parasites qui, pour leur part, s'adaptent vite au changement. C'est pourquoi l'exploitation pleine et entière de la forêt est importante en ce qu'elle permet de pallier ce risque, au moins pour partie.
Concernant l'énergie, des objectifs ambitieux ont été fixés en termes de développement des énergies renouvelables, la biomasse, et plus spécifiquement le bois énergie, occupant ainsi une place importante. L'objectif 2020 appelle ainsi la mobilisation de 20 millions de mètres cubes de bois supplémentaires par an. Cette politique bénéficie ainsi de soutiens financiers, notamment par le biais du fonds chaleur, avec 200 millions d'euros consacrés à la biomasse, dont 100 millions d'euros pour le seul bois énergie. Par ailleurs, les appels d'offres au titre de la contribution au service public d'électricité constatée par la commission de régulation de l'énergie, dits « appels d'offre CRE », effectués pour le développement de la cogénération électrique, représentent environ 50 millions d'euros par an entre 2006 et 2013. Ce chiffre a probablement doublé depuis, sous l'effet du développement de nouvelles installations et de la baisse du prix de l'électricité. Nous sommes bien conscients que cela constitue une pression importante sur la filière et nous prenons soin de prévenir les conflits d'usage. La ressource étant rare, les usages « chaleur » ou « cogénération » - c'est-à-dire la production simultanée de chaleur et d'électricité - sont privilégiés et doivent continuer de l'être.
Il est vrai que l'exploitation d'une parcelle de bois n'a que très rarement de sens si elle n'est destinée qu'à la production d'énergie, elle doit produire à la fois du bois d'oeuvre, du bois industrie et du bois énergie. Les conflits d'usage existent le plus souvent entre le bois d'industrie et le bois énergie et sont gérés, notamment par l'instauration, dans chaque région, des « cellules biomasse » qui donnent un avis sur chaque projet, qu'il s'agisse d'une chaufferie ou d'une installation de production électrique et de chaleur. Ces avis ont progressivement pris davantage de poids puisqu'alors qu'ils étaient auparavant facultatifs, ils sont devenus obligatoires dans le cadre du fonds chaleur et vont probablement l'être également pour les projets de cogénération électrique ou « appels d'offres CRE ».
Nous partageons également la préconisation de la Cour des comptes de voir le bois se développer dans la construction puisque, d'une part, un mètre cube de bois stocké correspond à une tonne de dioxyde de carbone évité. Actuellement, environ 10 millions de tonnes de bois sont stockés par an et ce chiffre pourrait être beaucoup plus important, en fonction des normes techniques. D'autre part, le bois peut ensuite être récupéré.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - Mettez dix personnes autour d'une table pour parler de la forêt, il y aura autant d'avis différents. La forêt, terre de légendes, est obscure et j'espère qu'à la fin de cette réunion elle sera percée de rais de lumière.
La Cour des comptes estime que les soutiens à la filière se sont empilés sans lien entre eux et sans hiérarchisation des priorités de financement, du fait d'une gouvernance non unifiée. Cela conduit à un phénomène de saupoudrage des soutiens publics, diversifiés et parfois incohérents. Ne faudrait-il pas, comme le préconise la Cour des comptes, un lieu unique de concertation et de décision interministérielle, garant de l'efficacité des mesures de soutien et réunissant tous les acteurs de la filière ? La Cour des comptes estime que les soutiens financiers à la filière forêt-bois s'élèvent tout de même à 910 millions d'euros par an.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - J'ai une pensée amicale à destination de notre ancien collègue Joël Bourdin avec qui j'avais lancé cette enquête auprès de la Cour des comptes.
Quelle que soit la forme de pilotage retenu, celle-ci devra favoriser l'intégration de la filière et garantir un dialogue entre l'amont et l'aval, il faudra donc se poser la question de la bonne articulation entre les deux niveaux. Quelle stratégie de mise en cohérence de la filière proposez-vous ? Comment favoriser une concertation fondée sur l'évaluation, d'une part, de la ressource en bois disponible et, d'autre part, des besoins quantitatifs et qualitatifs des industries du bois ?
Nous savons qu'il faut régulariser les approvisionnements de l'aval, par exemple en déclinant une telle démarche dans les territoires, par massif forestier. Il me paraît nécessaire que des objectifs précis soient fixés pour chacune des parties prenantes, de l'amont jusqu'à l'aval. Seule une stratégie hiérarchisant les priorités et recourant à une évaluation continue des ressources disponibles conduira à un pilotage efficace de la filière. Une telle évolution suppose la mise en place d'un observatoire économique de la filière, par l'État et/ou par les acteurs privés. Où en est-on d'un tel observatoire ? Une approche définitionnelle fine de la filière bois et de ses sous-filières est nécessaire. À court terme, comment garantir la cohérence entre le contrat de filière issu du Comité stratégique de filière et le programme national de la forêt et du bois issu du Conseil supérieur du bois ?
Par ailleurs, la filière forêt-bois contribue chaque année au déficit de la balance commerciale française, à hauteur d'environ 10 %, soit six milliards d'euros, et la contribution à ce solde déficitaire résulte essentiellement de l'aval. Comment limiter les exportations de bois brut afin de relocaliser la valeur ajoutée de la filière en France ? Il semble qu'il n'existe pas, à ce stade, de réflexion aboutie sur la question de la balance commerciale de la filière. C'est sans doute pour cela que le Premier ministre a récemment confié à notre collègue député Christian Franqueville une mission sur l'exportation des grumes et l'état de la balance commerciale de la filière forêt-bois. Un professionnel m'a indiqué que le coût de la certification à l'export s'élèverait à 17 euros par mètre cube en Allemagne contre un euro par mètre cube en France, soit un moindre coût qui encourage l'exportation de bois brut. Que pensez-vous de renchérir le coût de l'export par une nouvelle contribution ou par des certifications plus chères ?
M. Alain Houpert. - Monsieur Angot, l'enquête montre que les dispositifs en faveur de l'aval - à l'exception donc du bois énergie - doivent être renforcés. Le bois d'oeuvre, en particulier le secteur de l'ameublement, qui contribue significativement au déficit du commerce extérieur de la filière, doivent être encouragés. Quelles sont vos propositions en faveur de l'ameublement ?
Monsieur Dupuis, Comment limiter les éventuels effets de concurrence qui résulte des nombreux encouragements au bois énergie, en particulier sur les plans d'approvisionnement en bois des autres secteurs industriels ? Comment adapter, au niveau national comme local, les soutiens aux ressources des bassins forestiers ? Par exemple, le soutien à la production d'électricité par appel à projets ne devrait-il pas privilégier les unités de production de chaleur ou de cogénération d'une taille adaptée à la capacité d'approvisionnement des bassins forestiers ?
Enfin, Monsieur Durand, les exonérations au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et des droits de mutation seraient largement déconnectées de l'objectif de valorisation économique des forêts. Le régime des droits de mutation à titre gratuit conserve un effet anti-morcellement bienvenu. Qu'en pensent la Cour des comptes et le ministère de l'agriculture ? Quel est l'avis des ministères s'agissant de l'éventuelle suppression de l'exonération d'ISF ? Je considère pour ma part que ce serait une nouvelle révocation de l'édit de Nantes. Cela concernerait selon la Cour des comptes moins de 1 % des propriétaires forestiers, pour des surfaces représentant, au total, seulement 8 % de la forêt privée française.
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - Je félicite la Cour des comptes pour la qualité de ce rapport. Toutefois, je m'étonne de la disparition du fonds stratégique pour la filière dans la loi de finances pour 2015. Par ailleurs, de nombreux propriétaires ignorent la délimitation précise de leurs parcelles. Un aménagement foncier à la charge des conseils départementaux vous semble-t-il envisageable pour remédier à cette difficulté ? Enfin, je m'interroge sur la place des chasseurs au regard de notre politique forestière.
Mme Marie-France Beaufils, présidente. - Il est parfois plus intéressant de mettre des chasseurs dans la forêt que d'exploiter la forêt elle-même.
M. Hervé Durand. - Sur les questions concernant la gouvernance, il est important de garder à l'esprit que la forêt est au centre d'une pluralité d'enjeux, ce qui nécessite inévitablement d'associer de nombreux acteurs. À cet égard, le contrat de filière, qui sera intégré dans le programme national de la forêt et du bois, constitue une étape décisive pour le secteur de la forêt au sens large. En outre, le conseil supérieur de la forêt sera particulièrement attentif à la représentation de l'ensemble des acteurs. Ces initiatives constituent de réelles avancées.
Concernant l'association des collectivités territoriales, nous avons tenu à associer les régions dans le cadre de l'élaboration des contrats de filière. Aujourd'hui, les collectivités territoriales sont engagées à nos côtés pour décliner ce contrat. Il faut désormais formaliser cette coopération au niveau régional. Une révision de nos comités régionaux est en cours, ce qui devrait permettre d'apporter une réponse aux remarques de la Cour des comptes.
Concernant la fusion des interprofessions, il convient de rappeler qu'il s'agit de structures de droit privé dont il faut respecter le statut. Il leur revient de s'organiser.
Sur l'impôt de solidarité sur la fortune, si le nombre de propriétaires bénéficiant du dispositif fiscal est faible, il représente une part substantielle des bois qui sont mis sur le marché, dans un secteur qui présente une faible rentabilité. Il est cependant nécessaire d'exiger des contreparties en vérifiant que les plans simples de gestion sont correctement élaborés et respectés.
Enfin, il est indispensable de disposer d'indicateurs économiques fiables et performants. Un travail ministériel est en cours pour améliorer les outils de veille et de connaissance. Des progrès importants sont attendus d'ici la fin de l'année.
M. Pierre Angot. - Je partage ce qui vient d'être dit sur la veille économique. Toutefois, la « biodiversité » de la profession rend particulièrement complexe la mise en place d'un observatoire efficace.
Concernant l'ameublement, il s'agit d'une industrie sinistrée du point de vue français. D'après un rapport réalisé en 2012, sur un marché national d'environ 7 milliards d'euros, 6,8 milliards d'euros correspondent à des importations, contre seulement 2,5 milliards d'euros d'exportations. La difficulté de sortir du bois de façon industrielle et l'importance des feuillus dans nos forêts expliquent ces difficultés. Le plan bois, qui cible les constructions qui intègrent des éléments meublants en bois, devrait permettre d'encourager le développement de ce secteur.
M. Pascal Dupuis. - La volonté de mettre en cohérence de la gouvernance est légitime. Il est toutefois nécessaire de tenir compte de la prégnance des enjeux sectoriels.
Concernant les conflits d'usage, les « cellules biomasse » constituent un premier exemple de bonne gouvernance. Il s'agit d'une structure assez souple regroupant en région les services en charge de l'énergie, de l'industrie, de l'agriculture et de la forêt, ainsi que l'ADEME. Les professionnels sont également associés. L'avis de ces cellules, qui était au départ simplement consultatif, est devenu conforme dans le cadre du fonds chaleur. Nous proposons désormais d'étendre la procédure d'avis conforme aux projets de cogénération.
L'évaluation en continue de la filière est extrêmement importante. L'ADEME finance des études visant à évaluer les volumes additionnels disponibles et nécessaires. Nous contribuons par ailleurs à la structuration de l'observatoire de la biomasse.
Pour ce qui est de l'objectif consistant à privilégier les approvisionnements locaux, je rappelle que le fonds chaleur vise essentiellement les projets de chaufferie. Par ailleurs, le prochain appel d'offre pour des installations de cogénération sera d'une taille plus limité, visera des projets plus petits et prendra en compte le critère de localisation de l'approvisionnement.
M. Michel Bouvard. - Au-delà de ce rapport, qui me semble satisfaisant, le problème réside dans la mise en oeuvre très lente des mesures, qui n'a d'égale que le rythme de croissance des arbres. Par ailleurs, l'écart entre la théorie et la pratique est particulièrement important. Certaines interventions entendues ce matin me font penser aux « villages Potemkine » : les services de l'État déclarent encourager la forêt de production, alors que sur le terrain les maires ne disposent d'aucune marge de manoeuvre. À titre d'illustration, neuf mois sont nécessaires pour monter un groupement forestier familial.
Concernant le rapport, je tiens à faire cinq observations.
Premièrement, le service « restauration des terrains en montagne » doit être sorti des politiques en faveur de la forêt. Il s'agit d'une politique de protection des risques naturels qui ne doit pas subir les coupes budgétaires imposées à l'ONF.
Deuxièmement, je me félicite de la recommandation de la Cour des comptes sur les conflits d'usage et de la mise en place des procédures d'avis conforme. Je constate néanmoins que près de dix ans ont été nécessaires pour convaincre l'administration que le développement des chaufferies sans accroissement de la ressource constitue un vrai problème. De nombreux établissements industriels ont été mis en difficulté et ont renoncé à des investissements en France car une partie de la ressource dont ils bénéficiaient était brulé dans des chaufferies.
Troisièmement, une remise en cause du statut de l'ONF me semble inévitable, compte tenu notamment des performances de la société forestière de la Caisse des dépôts et consignations.
Quatrièmement, je tiens à rappeler que les politiques européennes ont beaucoup varié dans le temps, notamment lorsque les interventions en faveur de la forêt ont été considérées comme des distorsions de concurrence. Aujourd'hui, le Fonds européen de développement régional aide de nouveau le secteur. Il faut désormais que les documents d'orientation dans les régions désignent la forêt de production comme une véritable priorité et que les moyens nécessaires lui soient attribués par le biais de dispositifs adaptés.
Enfin, il est impératif d'expliquer aux directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) que la forêt a non seulement une fonction de protection mais également une fonction de production. Les pratiques observées sur le terrain sont orthogonales par rapport aux discours tenus à Paris.
M. Éric Doligé. - Je suis d'accord avec mon collègue Bouvard et je me permets d'intervenir pour illustrer nos échanges concernant les conflits d'usage. Le département du Loiret dispose de la première forêt domaniale de France. Je constate que nous exportons beaucoup de bois brut vers l'étranger et qu'une part significative de la production de meubles est délocalisée vers les pays nordiques, ce qui pose de nombreux problèmes tant en matière d'activité économique que d'environnement. Le premier producteur de panneaux solaires est confronté à des difficultés d'approvisionnement considérables. Le manque de vision interministérielle est très pénalisant, surtout avec le développement du bois énergie : toutes les mesures qui sont prises pour permettre d'augmenter la production des chaufferies à bois ont des conséquences sur la production de produits transformés, telles les plaquettes. Je vois le cas d'une entreprise qui est obligée de parcourir 500 à 600 kilomètres tous les jours pour récupérer du bois, ce qui est totalement aberrant. Dans un tel contexte, leurs prochains investissements pourraient être réalisés à l'extérieur du territoire national.
Par ailleurs, de nombreux problèmes persistent concernant la substitution des hectares de bois détruits. Pour un hectare détruit, les collectivités territoriales sont parfois contraintes de rendre jusqu'à cinq hectares, souvent pris sur des terres agricoles.
L'ONF a également indiqué vouloir fermer certaines routes forestières du département si nous n'apportons pas des financements pour entretenir la forêt. Il est inacceptable de demander aux collectivités territoriales de se substituer à l'office.
Enfin, il demeure particulièrement difficile d'identifier les bons interlocuteurs au sein des différents ministères lorsque nous sommes sollicités par des entrepreneurs. On ne sait pas nous-mêmes à qui s'adresser. Les délais sont donc très longs pour avoir des retours. Cette situation est particulièrement destructrice du point de vue économique.
M. Marc Laménie. - Cette enquête est très dense : on y apprend beaucoup de choses. Dans le rapport, il est rappelé qu'une multiplicité d'instances interviennent, dont certaines ne se réunissent jamais. À l'heure où l'on nous parle de simplification, certaines des recommandations formulées par la Cour des comptes concernant l'empilement de ces structures devraient certainement être suivies. Le coût des opérateurs, en particulier de l'ONF, est-il considéré comme exorbitant ? Pourrait-il être réduit ? Ces opérateurs doivent avant tout être efficaces pour soutenir le développement des entreprises de la filière bois, qui est peut-être sous-exploitée.
M. Claude Raynal. - La filière bois a de tous temps été considérée comme importante, en particulier dans les territoires ruraux. Mais elle est aujourd'hui totalement sous-utilisée. À la lecture de ce rapport, on apprend à la fois beaucoup et pas grand-chose. Je citerai à cet égard la conclusion du rapport : « Cette situation est d'autant plus regrettable que le diagnostic sur les faiblesses et les atouts et de cette filière est largement partagé, depuis de nombreuses années, par les parties prenantes et la plupart des observateurs ». J'ai démarré ma vie professionnelle il y a trente ans à l'agence française pour la maîtrise de l'énergie. Je pense qu'un rapport qui aurait été écrit il y a trente ans décrirait de la même façon les forces et les faiblesses de la filière bois, avec des formulations identiques. Par exemple : « Malgré ses faiblesses, la filière bois représente une production de richesse qu'il convient de préserver et de développer ». C'était déjà ce que l'on disait il y a trente ans !
M. Gérard Longuet. - Et ce sera encore vrai dans trente ans !
M. Claude Raynal. - Il y a là un aveu d'échec collectif terrible. Les ministères saluent le rapport mais j'aurais aimé savoir ce qui sera fait dans l'avenir. Malheureusement, je n'ai pas senti d'allant positif dans les propos tenus.
Je ne rejoins pas la Cour des comptes s'agissant des recommandations. Conformément à son rôle, elle fait des propositions s'adressant aux administrations afin qu'elles améliorent tel ou tel aspect. Ne faudrait-il pas plutôt reconstruire cette filière totalement « à l'envers » ? C'est-à-dire sans partir des structures existantes mais en partant des objectifs fixés. Une fois cette étape atteinte, il conviendrait d'analyser si nos structures permettent de les atteindre, et, ensuite seulement, de remettre en cause ces structures. Nous sommes face à un véritable échec : on ne produit pas les bonnes essences de bois, pas au bon endroit... Ne faudrait-il pas recadrer les relations avec les propriétaires privés ? Sans les priver de leur droit de propriété, ne faut-il pas aller plus loin que ce qui existe aujourd'hui ? Pendant trente ans, on a démoli la filière industrielle - tout le monde est responsable et au premier chef les acteurs économiques de la filière - et la forêt est de plus en plus inexploitée. Je m'interroge donc : ne doit-on pas redéfinir une stratégie et ensuite la mettre en oeuvre, sans tenir compte de l'existant ?
M. Roger Karoutchi. - Ce n'est pas dans les Hauts-de-Seine que les problèmes de la filière bois sont les plus sensibles, puisque nous n'avons qu'une seule forêt. Mais je partage le constat de Claude Raynal. J'ai le souvenir, lorsque j'étais député européen, en 1998, d'un débat sur les aides à la forêt et à la filière bois en France. Dix-sept ans après, j'entends les mêmes propos concernant le manque de coordination, la nécessité de transformer le bois brut et d'éviter d'importer alors même que nous avons l'un des plus grands domaines forestiers... J'entends encore le commissaire européen français de l'époque essayant de défendre tant qu'il pouvait le Gouvernement français. J'ai l'impression que, sur cette filière, les mêmes remarques sont formulées, les mêmes problèmes sont identifiés mais il ne se passe quasiment rien. Je félicite la Cour des comptes pour ses travaux mais il ne s'agit certainement pas du premier rapport sur la filière bois qui dresse ce constat. Soit on a délibérément voulu abandonner cette filière, soit il existe un problème au niveau gouvernemental, droite et gauche confondus. Y a-t-il une damnation de la filière bois en France ?
M. François Patriat. - Tout le monde partage la conception selon laquelle la forêt a un rôle social, environnemental et économique important. Aujourd'hui, le prix de la forêt, tout comme celui des terres agricoles au demeurant, augmente régulièrement car on y voit un potentiel d'avenir. De surcroît, nous sommes, dans ce domaine, un pays sous-développé : beaucoup de pays viennent ponctionner nos ressources, les transforment et nous les renvoient ensuite - un peu comme nous avons fait nous-mêmes à l'égard d'autres pays sous-développés à d'autres époques.
Dans le même temps, on constate des blocages à cause de certains conflits d'usage, déjà évoqués par Éric Doligé. J'ai le souvenir d'un très bon projet étranger d'implantation d'une scierie en Bourgogne. Celui-ci devait créer environ 300 emplois dans un endroit difficile de la Nièvre. Après deux années d'étude, à cause de je ne sais quel crapaud ou libellule, le projet a finalement dû être abandonné. Je me souviens également avoir participé, peu de temps avant sa mort, à un déjeuner avec Antoine Veil qui expliquait que, face à la diagonale aride de la France, il fallait sept ou huit implantations industrielles majeures de transformation du bois. Or, à chaque fois, les services du ministère de l'environnement se sont opposés à ces installations, comme dans le cas du projet d'une grande usine à Sardy-lès-Épiry dans la Nièvre, à cause d'une espèce de crapaud ou de libellule. 300 emplois étaient en jeu tout de même.
Certaines des recommandations de la Cour des comptes me paraissent un peu anodines : organiser une concertation entre l'amont et l'aval de la filière, privilégier les appels à projets etc., j'entends bien. En revanche, une proposition m'a un peu choqué : vous dîtes qu'il faudrait supprimer l'avantage fiscal sur les forêts au titre de l'ISF, cela me paraîtrait mettre gravement en péril la filière en décourageant les investisseurs.
M. Gérard Longuet. - Il faut supprimer l'ISF tout court !
M. François Patriat. - On n'insiste pas assez sur la régénération de la forêt. On considère que la forêt pousse toute seule. Or il y a un formidable besoin de replanter la forêt mais il n'y a pas d'accompagnement.
La conclusion du rapport évoque l'instauration d'une gouvernance unifiée, associant l'ensemble des parties, prenant en compte l'amont et l'aval, l'État et la région. J'attends donc que l'on fasse des propositions concrètes afin de savoir qu'est-ce qu'une gouvernance unifiée et quelle forme prendrait un financement unifié.
M. Francis Delattre. - J'ai appris à connaître la filière bois en gérant un système de chaufferie au niveau local, qui a permis d'économiser 35 % sur les charges de copropriétés et de logements sociaux de 10 000 logements. La ressource utilisée pour cette installation a deux origines : d'une part, les emballages des supermarchés, et d'autre part, les têtes de chêne des forêts domaniales. Lorsque le système fonctionne en réseau, il n'y a aucun problème pour s'alimenter correctement. Il y a aujourd'hui un véritable marché, même pour les bois de qualité moyenne. Nous avons d'ailleurs conclu des contrats de production de longue durée avec certains propriétaires, y compris pour des bois qui se renouvellent rapidement.
Ma deuxième remarque porte sur les avantages fiscaux en matière d'impôt sur la fortune et de droits de mutation à titre gratuit. Certains critiquent le fait que les propriétaires privés ne joueraient pas le jeu du plan de gestion attaché à ces exploitations. Le problème est qu'il n'y a pas toujours de marché, sinon les propriétaires joueraient le jeu. Il est vrai qu'il peut y avoir certains abus si ces forêts ne produisent jamais rien. En revanche, pour les forêts exploitables, je considère qu'il faut conserver des incitations fiscales.
M. Jean-Claude Requier. - Tout d'abord, en tant qu'élu du Lot, je souhaite rappeler le succès du fonds chaleur, tandis que la production d'électricité à partir de biomasse patine.
Deuxièmement, la Cour des comptes note la gouvernance éclatée. C'est un peu à l'image de la forêt française : dispersée, morcelée et mal exploitée. Nous souffrons de deux maux : l'indivision - on ne sait plus à qui appartient les parcelles, personne ne s'y retrouve - et les tempêtes. Personne ne s'occupe des bois, sauf là où il y a des cèpes, dans ce cas bien sûr tout le monde est propriétaire de ces parcelles ! Je souhaiterais poser une question à la présidente Evelyne Ratte. Vous avez indiqué que les contrats passés avec l'État risquent d'aggraver les difficultés des scieries. Pourriez-vous préciser ce point ?
M. Antoine Lefèvre. - Je me réjouis tout d'abord de retrouver la présidente Evelyne Ratte, qui, lorsqu'elle était préfète de l'Aisne, a pu découvrir les qualités de notre forêt, en particulier celle de Saint-Gobain.
La principale difficulté identifiée dans le rapport est la gouvernance dispersée, aussi bien pour la filière publique que pour la filière privée. La politique de guichet a également été évoquée. Comment peut-on mettre fin à cette politique dans un délai raisonnable ? Concernant les avantages fiscaux, on voit bien l'intérêt de supprimer progressivement les mesures patrimoniales au profit de mesures aux effets économiques. Mais quels seraient les effets collatéraux et sur quelle période envisager cette suppression progressive ?
M. Gérard Longuet. - Nous oublions que la forêt est nécessairement conflictuelle : les propriétaires n'ont pas les mêmes intérêts que les utilisateurs, qui eux-mêmes sont souvent en conflit entre eux, que ce soient les chasseurs, les forestiers, les grands scieurs, les petits scieurs... Nous avons, à l'égard de la forêt, des attitudes extrêmement ambiguës car la forêt est souvent le résultat de l'échec de l'agriculture. Il y a du bois lorsque l'on ne peut pas produire autre chose à plus forte valeur ajoutée.
Je craignais un certain angélisme sur la gouvernance. D'autant plus que le système est d'une complexité effrayante. Chaque situation est profondément différente, y compris à l'intérieur d'une région. Ajoutons à cela qu'il y a un allié objectif de l'inertie en forêt : c'est le temps. En effet, le bois se bonifie généralement avec le temps.
En annexe du rapport, la Cour des comptes affiche comme priorité l'utilisation de la forêt au plan industriel, c'est-à-dire comme produisant une matière première prévisible en quantité, en prix et en qualité. Ce choix s'oppose aux comportements des administrations, en particulier des DREAL, mais aussi des associations. Ceux qui souhaitent que la forêt ne soit pas utilisée sont quantitativement plus nombreux et politiquement plus puissants que ceux qui veulent l'exploiter. Il faudrait pourtant faire dominer cette priorité. Certains propriétaires privés sont puissants mais ils ne s'intéressent pas à la condition économique de l'aval, ce qui explique le problème des exportations de bois brut évoquées par Alain Houpert.
En Lorraine, si l'industrie du meuble s'est totalement effondrée ces trente dernières années, ceci est dû à des erreurs de marketing mais aussi à la réalité des coûts salariaux et des coûts d'approvisionnement élevés en raison de l'insécurité de l'approvisionnement.
Le seul voeu que je forme est que cette priorité domine, au moins du côté de la politique publique destinée à la filière car il n'y a pas de véritable politique publique tant qu'il y a plusieurs priorités contradictoires. La forêt est d'abord un outil économique, un lieu de production, que l'État doit soutenir sur l'ensemble de la chaîne.
Mme Marie-France Beaufils, présidente. - Les services de l'État ont été fortement sollicités pour démontrer la cohérence entre l'action des différents ministères : il sera donc intéressant d'entendre vos réactions, avant de laisser le mot de la fin à la présidente Ratte.
M. Hervé Durand. - En tant qu'ancien directeur départemental de l'Île-de-France et ancien directeur régional d'Aquitaine, je peux dire que l'État est, certes, interpellé, mais il faut avoir conscience qu'au plan local, une conciliation est nécessaire avec les différents partenaires, qui ne partagent pas tous, loin s'en fait la même vision.
Il faut rester optimiste. La forêt constitue une ressource stratégique. Notre priorité est de mobiliser les bois - l'ONF s'acquitte d'ailleurs plutôt bien de cet engagement, sans qu'il soit forcément possible d'en dire autant pour tous les acteurs du secteur privé.
Il faut se féliciter de l'activation de l'usage du bois comme source d'énergie, usage ancien qui atteint aujourd'hui des proportions importantes. Il y a certes eu des tensions locales quant aux priorités à retenir, afin d'ordonner les différents usages du bois, mais le travail s'est fait en associant les collectivités territoriales - c'était tout le sens de la « cellule biomasse » - ainsi que les autorités préfectorales. Cet attrait pour le créneau bois énergie fait partie des bonnes nouvelles, et on voit sur le terrain se développer de nombreux projets. Avec l'observatoire de la biomasse, il s'agit de se doter d'une vision juste de l'ensemble de la ressource disponible et de la façon de la mobiliser. Plusieurs façons d'utiliser la ressource coexistent : on travaille aujourd'hui sur les essences, dont certaines peuvent s'inscrire dans des circuits courts, utiles pour le créneau bois énergie, on travaille également à l'amélioration du cycle de production.
On parle beaucoup des scieries, mais il faut aussi parler des usages et des créneaux disponibles, ainsi que de la façon dont les valoriser. Le bois construction reste évidemment un sujet. Par rapport aux essences produites dans le nord de l'Europe, nous rencontrons des problèmes de certification, d'agrément. Il s'agit de capter de la valeur, de mettre en phase le bois construction avec les projets de développement urbain sur les territoires, mais aussi de lever les hypothèques qui existent : le référencement de la grande distribution, la certification.
Mobiliser les bois, c'est donc non seulement servir le mieux possibles les créneaux d'usage disponibles, mais aussi mener une bataille pour parvenir à dégager des créneaux de valeur permettant de ramener plus de valeur aux propriétaires forestiers, condition indispensable à une gestion efficace de la forêt.
Quant à la stratégie du Gouvernement, si elle peut être perçue comme complexe, je confirme que c'est bien le Conseil supérieur de la forêt et du bois qui, dans notre analyse et dans notre esprit, est la structure interministérielle en charge de ces questions.
Mme Marie-France Beaufils, présidente. - Plusieurs collègues ont souligné le peu de changements intervenus dans la filière ces trente dernières années. Partagez-vous ce point de vue ? Percevez-vous des évolutions en cours ?
M. Hervé Durand. - Je souhaiterais d'abord insister sur le fait que le contrat de filière présente l'amorce d'une vision articulée entre l'amont et l'aval. Le Fonds stratégique bois, alimenté en particulier par la taxe sur les défrichements, permettra de dégager d'importantes marges de manoeuvre supplémentaires. Ce qui est en cours au titre de notre plan national forêt-bois est, pour nous, un enjeu crucial : on va déboucher sur la ré-articulation du contrat de filière et la définition de nouvelles orientations par rapport aux nouveaux moyens budgétaires. Les choses avancent. Du point de vue des différentes structures qui interviennent dans le domaine de la forêt, je pense que les travaux de la Cour des comptes relèvent un certain nombre de pistes intéressantes : le rôle des interprofessions, reconnues au niveau européen et qui devraient voir leur rôle renforcé, le centre national de la propriété forestière (CNPF) - la Cour des comptes propose, dans une de ses recommandations, que la tutelle soit renforcée - l'ONF, qui remplit des missions diverses et importantes, au-delà de la mobilisation des bois et de l'exploitation des forêts : la multitude de tâches à laquelle l'établissement est confronté doit être prise en compte.
Il ne faut pas perdre de vue que la forêt reste avant tout un enjeu économique : sans oublier pour autant ses composantes environnementales, il me semble important d'aller vers une gestion de la forêt qui soit celle d'un secteur économique.
Mme Marie-France Beaufils, présidente. - Je pense qu'il serait particulièrement intéressant pour nous d'entendre Pascal Dupuis quant aux antagonismes, observés par certains de nos collègues, entre les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et les exploitants des forêts.
M. Pascal Dupuis. - Je représente ici le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, mais mes compétences sont davantage centrées sur les questions énergétiques. Il me sera donc difficile de répondre, sur le fond, aux questions relatives aux enjeux écologiques.
En matière de forêt, les intérêts sont divers et pas toujours faciles à concilier. Les DREAL ont une tâche difficile à réaliser. Il me serait difficile de porter un jugement sur le travail de mes collègues en région. Ils me semblent porter un intérêt certain aux questions du climat et du bois énergie.
Je voudrais revenir sur le fait que les choses bougent : les objectifs de long terme que nous nous sommes fixés, vers 2008-2009, en matière d'énergies renouvelables et de développement du bois énergie, prévoient un accroissement très fort de la part des énergies renouvelables, dont la moitié serait portée par la biomasse sous toutes ses formes et principalement par le bois. Il ne s'agit certes pas de la démarche coordonnée que chacun ici appelle de ses voeux, mais l'initiative est bonne à prendre et constitue une opportunité pour le redémarrage de la filière. Qu'il y ait eu des contre-références, c'est certain : il faut que l'on s'en instruise et que l'on progresse. Mais encore une fois, nous commençons à sentir un mouvement dans la filière. Beaucoup de moyens sont investis sur le bois énergie, qui est aujourd'hui la partie la plus dynamique de la filière. En effet, 1,2 milliard d'euros sont dédiés, sur cinq ans, aux projets du fonds chaleur dont 50 % des initiatives concernent la forêt. Je voudrais également préciser que les objectifs fixés sont à vingt et trente ans, ce qui permet d'engager un effort inscrit dans la durée.
Sur la coordination, il est certain qu'il existe des usages conflictuels sur la ressource : il est vrai qu'en matière de cueillette, c'est le premier qui est présent qui pourra bénéficier des ressources du bois.
Nous avons également une thématique sur les prix : le prix du bois énergie doit être proche et de préférence inférieur à celui du bois industrie et du bois d'oeuvre. Comme le bois industrie n'est pas très cher en ce moment, il y a un sujet de fixation des prix pour que puissent continuer à coexister ces deux usages du bois, avec une certaine priorité au bois destiné à l'industrie. Nous appliquons une méthode concertée, avec la « cellule biomasse » par exemple. La concertation est cependant appelée à laisser la place, devant la montée en puissance des enjeux économiques, à une régulation économique.
M. Alain Houpert. - Comme disait le grand Buffon, « la forêt, c'est la nature cultivée ». Il est vrai qu'existe une sorte de schizophrénie entre la ressource et la transformation. Nous connaissons bien, François Patriat et moi-même, la Côte d'Or, où il y a deux grands massifs. Les chenus sont envoyés en Chine pour y être transformés et reviennent sous forme de parquet. Nous avons aussi le premier massif européen de Douglas, hérité de la crise industrielle du XIXe siècle, celui du Morvan. Autrefois, le bois partait en Belgique, en Allemagne, tandis qu'il reste désormais sur place : l'entreprise belge Fruitier s'est installée, ainsi que des industriels allemands, ce qui a permis de créer 150 emplois. Cet exemple montre que des évolutions sont possibles et que des solutions existent. Après avoir entendu la Cour des comptes, je pense qu'il faut opérer un rapprochement le plus étroit possible entre les différentes organisations professionnelles d'amont et d'aval. Ne faudrait-il pas également ouvrir une réflexion s'agissant du champ des cotisations volontaires obligatoires (CVO) et de la taxe affectée au CODIFAB ?
Je voudrais adresser une question à Hervé Durand concernant l'offre de bois. L'offre de bois de la forêt publique et des forestiers privés est éloignée de la demande. La composition de la production française de bois (60 % de feuillus, 40 % de résineux) offre peu de débouchés parce que la majorité de nos espèces d'arbres ne correspondent pas à la demande des marchés les plus porteurs, comme celui de la construction. Alors que cette inadaptation représente un facteur considérable de sous-exploitation, comment faire évoluer la composition des forêts françaises et donc la production biologique de bois ? Comment accroître la part des résineux en tenant compte du sous-sol de nos forêts ?
M. Yannick Botrel. - La filière bois énergie, nous l'avons bien entendu à travers les réactions de mes collègues sénateurs, est organisée différemment selon les territoires. Des conflits d'usage entre la filière bois énergie et les industriels ont été mis en exergue dans certains endroits. Je me retrouve dans la réaction de Francis Delattre. En Bretagne, un important bocage subsiste. Jusqu'à récemment, le bois abattu pour assurer l'entretien des forêts était fréquemment brûlé en bout de parcelle. Aujourd'hui au contraire, il est valorisé, tâche dont s'acquittent notamment des collectivités publiques. J'ai rencontré des scieurs qui ont intégré la filière bois énergie à leur parcours industriel et qui valorisent désormais les déchets de site. L'exploitation forestière produit en effet beaucoup de déchets : le bois d'oeuvre va aux usages qui lui sont réservés, mais les pieds et toutes les coupes restaient souvent, là aussi, à l'abandon. Pour ce qui me concerne, je considère que dans cette région, la filière bois énergie est un bon complément à l'activité forestière.
Par ailleurs, je voudrais en savoir plus sur le renouvellement de la forêt, sujet de premier plan qui concerne l'intégralité des acteurs de la filière de la forêt-bois. Dans les démarches effectuées pour préparer cette matinée de travail, j'ai rencontré des scieurs en Bretagne dont la production sert pour une large part à la fabrication d'emballages et de conditionnements légers en bois. Ils m'expliquaient que, selon eux, la suppression du « Fonds forestier national » a été préjudiciable à la filière, en ce sens qu'elle aurait pénalisé le reboisement. Ils me disent, de façon très claire, que le repeuplement en peupliers est aujourd'hui insuffisant et mettra en difficulté la sous-filière bois emballage à moyen voire à court terme. Quelles incitations sont prévues pour faciliter le reboisement ?
Enfin, la question de l'innovation dans le domaine du bois n'est que très peu abordée par les rapports consacrés à la filière, qu'il s'agisse de celui de la Cour des comptes, du rapport interministériel dit « Attali » de 2013 ou encore du rapport de contrôle de notre collègue député Jean-Yves Collet, qui abordent cette question sans pour autant beaucoup la développer. Pourtant, cinq pôles de compétitivité travaillent de près ou de loin en France sur le bois, ce qui devrait dégager des perspectives économiques nouvelles pour la filière française. Quels objectifs stratégiques sont associés à ces pôles de compétitivités ? Y a-t-il une réflexion en la matière ? Ne faudrait-il pas également s'intéresser à la montée en gamme voire à la production de luxe, qui a profité à d'autres secteurs industriels français ? Pensez-vous que cet axe d'amélioration pourrait profiter à nos industries du secteur du bois ?
M. Pierre Angot. - Je voudrais d'abord réagir quant aux différentes visions qu'on peut avoir de la forêt : forêt patrimoniale, ou forêt comme outil de production. Lors de la vente d'une parcelle forestière, je me suis intéressé au prix de la forêt. J'ai trouvé un document de la SAFER évoquant un « modèle hédoniste », là où on aurait pu s'attendre à voir des calculs de valeur actualisée nette. Cette anecdote me semble bien révélatrice...
Sur les problèmes dans l'industrie, des tensions très importantes sont apparues l'année dernière sur le marché du bois, et les industriels ont tendance à attribuer leur apparition à la filière bois énergie. Il est aussi important de renouveler le bois, d'anticiper les besoins : c'est l'intérêt de l'observatoire dont on parlait tout à l'heure.
Il est vrai que des problèmes existent sur les déchets. Un sénateur a fait valoir que la France est proche d'un modèle d'économie du tiers-monde en ce qui concerne le bois : l'industrie du papier souffre, en effet, que les déchets de fabrication du bois aillent à l'export.
Le ministère de l'économie dispose d'une expertise centrée sur les questions de transformation : il faut stimuler la transformation du bois, mais sans couper notre réflexion de l'amont, au risque de voir encore augmenter le phénomène d'import. Il s'agit donc de comprendre quels sont les besoins de l'amont, et de quelle façon profiter de l'offre de bois en France pour apporter une valeur ajoutée significative à l'industrie du bois française. Dans le plan bois construction, un axe de travail majeur concerne la qualité du design, tout à la fois pour la construction à proprement parler et pour les ameublements meublants.
Sur ces bois atypiques du point de vue du marché que sont les feuillus, il faut aussi réfléchir aux normes techniques pour qu'ils puissent entrer sur le marché, notamment s'agissant de la sécurité incendie.
M. Hervé Durand. - Je rejoins tout à fait notre collègue. Concernant l'innovation dans le domaine du bois, un pôle de compétitivité comme Xylofutur travaille sur les propriétés mécaniques du pin maritime, sa résistance, afin de comprendre comment il pourrait être utilisé dans le domaine de la construction. L'innovation consiste à travailler avec les essences disponibles sur notre territoire pour mieux servir les industriels de la construction et mieux cerner la compétitivité comparée de nos forêts pour les industriels. A la vérité, sur les bois de construction, la concurrence vient du nord : les producteurs de bois là-bas sont plus compétitifs et répondent immédiatement aux cahiers de charges des industriels.
La première bataille à mener est celle de la valorisation de la forêt car elle conditionne tout : l'organisation de la filière en amont et en aval, le renouvellement de la forêt... L'enjeu aujourd'hui est donc de mobiliser la forêt, qui ne l'est pas assez. Il faut cerner les créneaux d'usage qui ont le plus de valeur. Aujourd'hui, les niveaux de valorisation sont faibles, ce qui induit que nous restions dans des horizons de rentabilité peu satisfaisants.
La question des différentes essences est importante et même lourde. Plusieurs enjeux coexistent : celui de notre préparation au changement climatique et celui du maintien de la diversité qui existe actuellement. Toutefois, pour planter de nouvelles essences, encore faut-il déjà exploiter celles qui existent déjà. Un problème majeur auquel nous faisons face est par exemple celui de l'exploitation des feuillus.
Mme Évelyne Ratte - Je remercie l'ensemble des sénateurs pour leurs observations et leur avis plutôt positif sur notre enquête. Il est toujours intéressant d'avoir un éclairage issu « du terrain ».
En réponse à Gérard Longuet, je dirais que c'est la première fois que la Cour des comptes effectue une synthèse sur ce sujet, même si de nombreux rapports, assez anciens, ont pu déjà être réalisés. Nous avons décidé d'aller plus loin et de nous demander s'il existait une politique publique dédiée à cette filière, l'une de nos premières préoccupations ayant dès lors été de vérifier si des objectifs explicites lui étaient assignés. Ceux-ci sont contenus dans le concept de développement durable, qui a pour première priorité le développement économique. Cet objectif s'articule également avec des enjeux environnementaux et sociaux, en particulier l'emploi.
Dès lors, notre ambition a notamment été, même si le sénateur Claude Raynal n'en a pas paru convaincu, de réinterroger les dispositifs fiscaux au regard de cet objectif de développement économique, en rencontrant des difficultés puisque les services compétents disposent de très peu d'études à ce sujet. Nous avons même réalisé nous-mêmes une évaluation de la dépense fiscale concernant l'exonération d'ISF, laquelle s'avère d'ailleurs moins importante qu'indiqué jusqu'à présent. À la suite de cet important travail d'analyse, nous sommes arrivés à la conclusion qu'une extinction progressive de cette fiscalité serait souhaitable. S'agissant en particulier des droits de mutations à titre gratuit, nous sommes prudents en prévoyant une suppression par étape qui permettrait d'en évaluer l'impact au fur et à mesure et de revenir éventuellement sur les effets pervers constatés.
Sur les onze mesures fiscales, nous considérons que deux d'entre elles coûtent très cher et que les sommes concernées pourraient utilement être redéployées vers des dispositifs de soutien plus efficaces à destination de cette filière.
Dans cette enquête, la Cour des comptes ne s'est pas intéressée spécifiquement à la question de la place de la chasse vis-à-vis de la forêt. De nombreux travaux ont été menés précédemment, en particulier des contrôles sur la gestion des fédérations de chasseurs, dans le cadre desquels apparaissait plutôt la problématique des relations entre la chasse et l'agriculture.
De même, nous n'avons pas formulé de proposition concernant la connaissance des parcelles de forêt, qui constitue un sujet spécifique et complexe qui aurait certainement nécessité que nous prenions l'attache du ministère de la justice et du ministère des finances.
Je partage les observations de Michel Bouvard, que je remercie pour sa lecture très précise de l'enquête, lorsqu'il relève le fait que le domaine de la forêt de protection, en particulier la restauration des terrains en montagne (RTM), devrait être sorti du champ des politiques en faveur de la forêt.
Pour conclure, près d'un milliard d'euros consacrés chaque année par le budget de l'État aux soutiens à la filière forêt-bois, ce n'est pas rien, et je ne m'attendais d'ailleurs pas nécessairement à cette somme au début de l'enquête. Cela vaut la peine qu'une meilleure organisation se développe, que des priorités soient clairement définies pour que ce milliard d'euros soit utilisé de la façon la plus efficace possible.
Mme Marie-France Beaufils, présidente. - Je remercie l'ensemble des intervenants pour cette audition « pour suite à donner » très intéressante, d'autant que l'enquête est publiée alors que le bois constitue une ressource énergétique appelée à se développer et qu'il revêt ainsi un intérêt économique nouveau.
Par ailleurs, la Cour des comptes ouvre des pistes de réflexion en matière fiscale qui mériteront d'être étudiées d'ici au prochain projet de loi de finances.
La commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte rendu de la présente réunion en annexe à un rapport d'information de MM. Alain Houpert et Yannick Botrel.
La réunion est levée à 12 h 05.