Mercredi 11 février 2015
- Présidence de M. Alain Milon, président -La réunion est ouverte à 10 heures
Remise du rapport de l'IGAS sur l'évaluation de la deuxième année de mise en oeuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale - Audition de M. François Chérèque et de Mme Christine Abrossimov
La commission procède à l'audition de M. François Chérèque et de Mme Christine Abrossimov, faisant suite à la remise du rapport de l'Igas sur l'évaluation de la deuxième année de mise en oeuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale.
M. Alain Milon, président. - Je remercie M. François Chérèque et Mme Christine Abrossimov, auteurs du récent rapport d'évaluation de l'IGAS sur la mise en oeuvre du plan pauvreté, d'avoir accepté notre invitation.
Je voudrais commencer par quelques chiffres pour poser les termes de notre débat.
Notre pays consacre près de 40 % de sa richesse nationale aux dépenses sociales.
Notre système social et fiscal est fortement redistributif. On estimait en 2012 que cette redistribution permettait de réduire de 11 points le taux de pauvreté des personnes vivant au sein d'un ménage avec enfant et de 18 points celui des familles monoparentale.
Pour autant, la pauvreté, c'est-à-dire le fait de vivre avec moins de 60 % du revenu médian, soit 987 euros mensuels, concerne 8,5 millions de personnes dans notre pays, soit près de 14 % de la population. Derrière une stagnation relative du taux global de pauvreté malgré la crise apparaît une montée inquiétante du taux de pauvreté des enfants de moins de 18 ans.
Il m'a paru intéressant, pour notre commission, de pouvoir faire le point sur la mise en oeuvre du plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale lancé il y a deux ans, avec les représentants de l'IGAS qui ont été chargés d'en effectuer l'évaluation.
Ce plan comprenait 69 mesures dans des domaines très différents. Certaines ont déjà fait l'objet de mesures législatives et le Gouvernement a annoncé son intention de présenter en 2015 un texte sur la question du RSA activité et de la prime pour l'emploi, en débat depuis plusieurs années.
Je laisse la parole à nos invités pour un exposé introductif. Ils répondront ensuite à vos questions.
M. François Chérèque, inspecteur général des affaires sociales. - Merci Monsieur le Président. Nous allons vous présenter les éléments principaux du rapport de l'IGAS sur l'évaluation de la deuxième année de mise en oeuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Ce rapport répond à la volonté du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, ainsi qu'aux attentes du monde associatif, d'obtenir le suivi de la mise en oeuvre de ce plan. A ce titre, la présentation de notre rapport au Premier ministre doit amorcer une série de consultations avec les acteurs mobilisés dans la lutte contre la pauvreté et les différents membres du Comité national de lutte contre l'exclusion, afin d'assurer une adaptation annuelle des dispositions du plan.
J'en viens au cadre de travail de la mission. L'année dernière, j'avais organisé des réunions dans toutes les régions avec l'ensemble des décideurs locaux et les acteurs mobilisés pour le lancement du plan, soit un total de six mille personnes. Cette année, cette démarche de territorialisation a été confiée à la direction générale de la cohésion sociale et ce changement de rythme a retardé l'animation territoriale.
Le plan concerne sept thèmes autour desquels se déclinent soixante-neuf mesures. Parmi ces dernières, notre rapport en retient tout particulièrement dix-neuf, concernant tout d'abord l'accès aux droits et aux biens essentiels, via la montée en charge des rendez-vous des droits, le dossier simplifié et la fusion du RSA-activité et de la prime pour l'emploi. Le travail et l'emploi constituent le deuxième thème, avec le déploiement de la Garantie-jeunes et la réforme du financement de l'insertion par l'activité économique. L'hébergement et le logement, dont les mesures demeurent les plus délicates à mettre en oeuvre, constituent le deuxième thème. La santé, quatrième thème, avec la généralisation de l'accès aux soins et de la complémentaire santé, ainsi que la santé mentale et la précarité que nous avions déjà, du reste, évoquées l'année dernière. Le cinquième thème, consacré aux familles et à l'enfance, est redevenu d'actualité, avec l'accueil en structures collectives des enfants de moins de trois ans issus des familles pauvres. Derniers thèmes enfin, l'inclusion bancaire et le surendettement, ainsi que la gouvernance des politiques de solidarité, incluant l'avancée des mesures législatives et l'organisation des Etats-généraux du travail social.
La plupart des lois sur lesquelles s'appuie le plan ont été promulguées. Elles incluent des mesures pour le logement, l'inclusion bancaire, les droits sociaux, la consommation, la formation professionnelle, avec la prévention des expulsions notamment, ainsi que les impayés de pensions alimentaires. Plusieurs projets de loi intéressant le plan sont en cours d'examen, comme ceux relatifs à la transition énergétique, à la réforme du droit d'asile, avec des incidences sur l'hébergement d'urgence, ou la santé.
Le Gouvernement a globalement respecté sa feuille de route, s'agissant notamment de la revalorisation au-delà de l'inflation des minima sociaux. Les mesures phares ont été déployées ou sont bien engagées, comme l'instauration des Rendez-vous des droits, le déploiement de la Garantie-jeunes, la réforme du financement de l'insertion par l'activité économique depuis juillet dernier, l'accompagnement global des personnes éloignées de l'emploi ou encore la généralisation de l'accès au compte, la limitation des frais bancaires et la prévention du surendettement. Cependant, la visibilité du plan et la mobilisation des services, sur lesquelles nous avions alerté le Gouvernement en 2014, demeurent, cette année encore, problématique.
Des retards ont également été constatés, en raison notamment d'une mobilisation territoriale tardive, d'un relatif attentisme des conseils généraux suite aux incertitudes sur leur pérennité et de la durée d'établissement des diagnostics partagés à 360 degrés au niveau des territoires. Des chantiers emblématiques ont par ailleurs été modifiés ou demeurent en attente, comme les Etats-généraux du travail social, la mise en oeuvre du dossier simplifié, qui va être abandonné au bénéfice d'un simulateur des droits, et le projet de Points-conseils budget.
Un débat existe sur l'hébergement et le logement, avec une offre de logements sociaux en retrait par rapport aux engagements. Un tel constat vaut également pour l'accueil de places de crèche pour les enfants pauvres, puisque l'objectif d'accueil des enfants de moins de trois ans en structures collectives est de fait retardé. Cependant, le ministre du travail, M. François Rebsamen, a repris cette disposition destinée à faciliter l'accès aux crèches des enfants pour que les parents puissent reprendre une activité professionnelle, dans son plan de lutte contre le chômage de longue durée. Celui-ci devrait répondre aux fortes attentes en matière d'insertion et d'emploi que nous avons soulignées dans notre rapport.
Dans l'introduction de notre rapport, nous avons souhaité faire un point sur le contexte de la pauvreté dans notre pays. Celle-ci connaît une concentration géographique et touche de plus en plus d'enfants, tandis que la solidarité suscite un durcissement de l'opinion à son encontre. Les statistiques dont nous disposons datent cependant de 2012, alors que le plan débute en 2013. Force est de constater que la France dispose d'un amortisseur social important qui explique que, depuis 2008, le taux de pauvreté ne connaisse pas de réelle augmentation. En revanche, la situation de ceux qui se trouvent sous le seuil de pauvreté est devenue plus précaire encore. On constate ainsi une stagnation du taux de pauvreté à 60 % du salaire médian, mais une augmentation de ceux qui se trouvent à 50 %. Les personnes pauvres ne sont pas plus nombreuses, mais elles deviennent plus pauvres !
En outre, la pauvreté des enfants et des familles monoparentales s'accentue : aujourd'hui, quasiment un enfant sur cinq vit dans une famille pauvre. La proportion atteint un sur trois dans les familles monoparentales, voire un sur deux dans certains quartiers. Le Credoc a par ailleurs souligné le durcissement de l'opinion publique face au sentiment d'assistanat lié aux mesures contre la pauvreté, avec un taux d'acceptation de la population de notre système social le plus bas depuis 35 ans. Les Français privilégient ainsi les services aux prestations.
J'en viens à présent aux sept thèmes principaux contenus dans le rapport. S'agissant de l'accès aux droits, plus de cent mille Rendez-vous des droits ont été réalisés par les centres d'allocations familiales en 2014, mais nous ne disposons pas de connaissance précise de l'impact sur les droits effectivement ouverts. L'expérimentation du dossier simplifié n'a pas été concluante, et sa réorientation, sous la forme d'un simulateur des droits, ne peut être pertinente qu'à la condition de simplifier effectivement les droits. Il convient également d'être vigilant quant aux modalités de la fusion du RSA-activité et de la prime pour l'emploi au 1er janvier 2016, et viser la consolidation de l'aide alimentaire grâce à une meilleure coordination des parcours sociaux.
Le deuxième thème concerne l'accès à l'emploi et la Garantie-jeunes qui s'est déployée et concerne, fin 2014, quelque huit mille jeunes sur les dix mille prévus. Le Gouvernement accélère d'ailleurs la mise en oeuvre de ce dispositif qui devrait bénéficier à cinquante mille jeunes en 2015. Les conventions d'accompagnement global des personnes éloignées de l'emploi entre les conseils généraux et Pôle emploi ont enregistré des résultats encourageants, à partir d'une expérimentation conduite en région Franche-Comté. Nous regrettons cependant l'absence d'avancée sur la question de la mobilité des travailleurs modestes, ainsi que le faible accès à l'emploi et à la formation tout autant que le maintien dans l'emploi et le faible niveau de qualification des travailleurs handicapés. Les propositions formulées par l'Igas sur ce sujet n'ont malheureusement pas été, pour l'heure, reprises. Il importe également de bien cibler les personnes qui seront au premier chef concernées par la réforme du financement de l'insertion par l'activité économique.
J'en viens à présent au thème conjoint de l'hébergement et du logement. Le Gouvernement a tenu ses engagements en matière d'ouverture des hébergements d'urgence et d'accueil des demandeurs d'asile dont le flux constant nourrit une demande soutenue. A ceux-ci s'ajoute l'ensemble des immigrants déboutés de leur demande d'asile, qui sont à la fois non expulsables du fait de leur situation familiale et non éligibles au logement social ; ces personnes bénéficient de nuitées hôtelières sans accompagnement social. Une telle situation de blocage motive, selon nous, l'adoption d'un plan d'urgence destiné à faire baisser le nombre de nuitées hôtelières et à privilégier l'intermédiation associative. D'ailleurs, les mesures récemment annoncées par Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, nous paraissent aller dans le bon sens.
Le point critique de cette thématique demeure, comme par le passé, la construction de logements sociaux qui reste en-deçà des objectifs annoncés, et ce, en dépit des leviers d'intervention déjà déployés. Certaines dispositions de la loi Alur permettent d'améliorer la situation, même s'il faut regretter que le mécanisme de garantie universelle des loyers (GUL) n'ait pas été retenu et que ses décrets d'application n'aient pas permis le déploiement des observatoires des loyers et l'encadrement de ces derniers sur l'ensemble des zones tendues. En outre, des points de vigilance demeurent, puisque la plupart des actions restent incitatives et reposent sur le levier fiscal ou les subventions. Les diagnostics à 360 degrés sont en attente de généralisation et la pression croissante de la demande de logement, notamment en Ile-de-France, nuit à l'effectivité du droit au logement opposable (Dalo). À cet égard, les chiffres sont édifiants : depuis l'instauration de ce droit en 2007, sur les cinq cent mille demandes enregistrées, quatre-cent-cinquante mille ont été honorées et sur les cinquante mille personnes en attente de logement, quarante mille se trouvent en Ile-de-France.
S'agissant du thème de la santé, l'augmentation des plafonds de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) a permis d'élargir le nombre de bénéficiaires de 9,1 %, soit cinq cent mille personnes. La prochaine loi de santé demeure le principal point de vigilance pour cette thématique, avec le lien entre maladie mentale et l'accès aux soins, ainsi que la généralisation des assurances complémentaires santé. Le taux de non-recours demeure important, s'agissant notamment de l'ACS, et nous appuyons la proposition émise par Mme la sénatrice Aline Archimbaud, dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée sur l'accès aux soins des plus démunis, visant à instaurer l'automaticité du bénéfice de l'ACS aux personnes en grande précarité.
Les accueils collectifs et les accès aux crèches me paraissent l'élément essentiel de la thématique « familles et enfance », avec une attention particulière portée à l'aide sociale à l'enfance et à la situation des mineurs étrangers.
Je ne reviendrai pas sur l'inclusion bancaire et le surendettement. Sur la gouvernance enfin, de nombreux points positifs sont à relever, parmi lesquels le développement par le comité Agile des expérimentations initialement conduites avec les conseils généraux de la Meurthe-et-Moselle, du Nord, du Val d'Oise et du Rhône, et qui associent désormais près d'une dizaine de départements.
Ainsi, la mission d'évaluation 2014 porte l'accent sur cinq sujets majeurs afin de permettre une adaptation plus efficace du plan. Il s'agit ainsi de mettre en oeuvre un plan d'aide destiné aux familles pauvres, particulièrement les familles monoparentales, et qui dépasse la simple revalorisation des minima sociaux en proposant un réel dispositif d'accompagnement vers l'emploi. S'agissant de la création d'une prime d'activité par fusion du RSA-activité et de la prime pour l'emploi, la mission maintient son alerte concernant l'impact sur le taux de recours, sur la couverture des populations, notamment les jeunes, en privilégiant la logique d'incitation à la reprise d'un travail. Elle rappelle également la nécessité de développer un plan d'urgence d'accès à l'hébergement et au logement, afin de résorber l'utilisation excessive de nuitées hôtelières, en particulier par l'intermédiation locative et en prenant en compte la situation des personnes déboutées du droit d'asile. La mission souligne enfin l'importance, d'une part, de rendre automatique l'accès à la CMU-C et à l'ACS pour les personnes percevant les minima sociaux et, d'autre part, de préciser le calendrier définitif des États-généraux du travail social et le contour des sujets qui y seront traités. Je vous remercie de votre attention.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Monsieur l'inspecteur général, votre rapport s'avère très complet et accorde la place qui leur revient aux sujets sensibles qui nous occupent. La première recommandation du rapport vise l'instauration d'un plan d'aide aux familles comprenant l'accompagnement renforcé vers l'emploi des parents. A quelles mesures concrètes la mise en oeuvre de ce plan devrait-elle donner lieu ? Que pensez-vous des dispositifs concrets d'insertion en entreprise, à l'instar de la préparation opérationnelle à l'emploi ou de la formation directe par les entreprises des demandeurs d'emplois. S'agissant de la réforme des dispositifs de soutien à l'activité, quel schéma recommandez-vous de favoriser ? Si le dispositif actuel n'est pas suffisamment incitatif financièrement, un ciblage plus précis à financements constants ne fera-t-il pas des perdants ? Par ailleurs, les prestations familiales ne sont-elles pas trop nombreuses et trop complexes ? Quelles pistes de simplification pourriez-vous envisager dans une logique davantage d'accès aux droits plutôt que d'un Rendez-vous des droits ? De nombreuses familles et personnes pauvres méconnaissent manifestement leurs droits et la pauvreté naît aussi de cette ignorance. Cependant, ce plan n'a pas non plus été chiffré, pas plus que sa mise en oeuvre d'ailleurs ! Pensez-vous que des moyens supplémentaires devraient être mobilisés pour sa mise en oeuvre ou devrions-nous plutôt évaluer l'efficience des dispositifs existants ? S'agissant enfin du logement, l'objectif fixé de 150 000 logements par an est loin d'avoir été globalement atteint, et de fortes disparités suivant les régions subsistent. Auriez-vous des préconisations particulières dans ce domaine qui vont au-delà du foncier trop souvent allégué comme motif pour ne pas débloquer la situation ? J'ai d'ailleurs apprécié que vous souligniez l'abandon de la garantie universelle des loyers en faveur de laquelle j'ai toujours plaidé et qui favorise notamment la mobilité des jeunes travailleurs. Celle-ci a été abandonnée en rase campagne, alors que le Sénat s'en était emparé, toutes commissions confondues, pour formuler une proposition pertinente et constructive.
Mme Isabelle Debré. - Je m'adresse à vous non seulement en qualité d'inspecteur général des affaires sociales, mais aussi comme président de Terra nova et d'ancien secrétaire général de la CFDT. Que pensez-vous de la situation de ce boulanger, implanté dans les Landes, qui se voit contraint de fermer sa boulangerie ouverte depuis trois ans et demi tous les jours, tout en respectant les horaires de ses employés auxquels il accordait deux jours de congés hebdomadaires. Cette fermeture devrait se solder par la mise au chômage de deux personnes et un sérieux manque à gagner. Que pensez-vous d'une telle situation ?
M. Jean-Noël Cardoux. - Merci de ce rapport très complet sur les problèmes d'inclusion sociale, qui me paraît passer essentiellement par l'emploi. Ces dernières années ont été marquées par un certain nombre de rendez-vous manqués, à l'instar des textes que vous avez évoqués dans votre présentation et contre lesquels nous avions lancé des mises en garde. Le Gouvernement revient d'ailleurs par pragmatisme et efficacité sur les dispositions qu'il a fait voter. En voici quelques-uns : l'Ani et les contrats de générations, le compte pénibilité, les emplois aidés, la formation professionnelle et l'apprentissage, ainsi que la loi Alur. Pour mémoire, vous n'avez pas mentionné une mesure qui induit d'importantes conséquences et qui concerne le cumul Aspa-complément d'activités, inspirée d'une proposition de loi de notre collègue Isabelle Debré, adoptée par le Sénat, et qui a motivé la prise d'un décret, le 22 décembre 2014. À l'aune de cette énumération, ne pensez-vous pas que des démarches en amont auraient permis de mieux préparer les textes relatifs au soutien à l'emploi et de prévenir les tergiversations que nous n'avons que trop constatées par le passé ?
J'ai enfin noté dans vos propos la proposition de fusion du RSA et de la prime pour l'emploi. En raison de son importance, je souhaite que son examen se fasse de concert entre la majorité et l'opposition sénatoriales.
M. François Chérèque. - J'interviens, en effet, en tant qu'inspecteur général des affaires sociales sur le Plan pauvreté présenté par le Gouvernement. S'agissant, d'une part, des familles pauvres, il faut certes valoriser les minimas sociaux, mais sans des actions de service et d'accompagnement, il s'avère impossible de les sortir de la pauvreté. Ainsi, pour les familles, tout particulièrement les familles monoparentales, cette démarche est fondamentale et un plan d'accompagnement vers l'emploi, tel qu'annoncé par le Premier ministre, en est l'une des étapes. D'ailleurs, la mise en place d'une formation en alternance pour adultes en entreprises ne me choque nullement et la réussite de certaines initiatives privées, dans le secteur de la restauration, témoigne de son bien-fondé.
D'autre part, la fusion du RSA avec la prime pour l'emploi doit privilégier l'activité. Valoriser l'un ou l'autre conduit, en effet, à générer des perdants et le choix pour les politiques s'avère cornélien. Il faut instaurer des systèmes d'accompagnement pour éviter que des familles ne soient trop lésées.
L'Igas n'a pas évalué le coût du plan, puisque celui-ci n'a pas été chiffré par le Gouvernement. Si l'on connaît les coûts générés par la revalorisation des minimas sociaux, le montant global représenté par l'ensemble des mesures contenues dans le plan demeure, quant à lui, inconnu.
S'agissant du Dalo, des disparités entre les villes demeurent. Mais il n'est pas normal d'organiser des nuitées hôtelières dans certaines communes qui ne connaissent aucune pression sur le logement. Le système demeure ainsi profondément illogique ! L'intermédiation avec les associations permet de régler bien souvent les situations au niveau local, mais il faut pour cela une réelle volonté politique.
En ce qui concerne le cas particulier des heures d'ouverture des boulangeries, il importe de s'interroger sur les accords entre la chambre des métiers et la préfecture. Il faut ainsi que les professionnels s'adressent à leurs représentants et médiatiser, au niveau national, un problème qui peut se régler à l'échelon territorial me paraît quelque peu inapproprié.
M. Jean-Marie Morisset. - En tant que rapporteur du budget pour le logement, je m'interroge sur le bien-fondé de votre propos lorsque vous déclarez que les montants accordés à l'hébergement d'urgence continuent à croître. Or, les crédits de 2015 s'avèrent inférieurs au réalisé de 2013 et les associations nous font constamment part du contraste entre le plan annoncé et les réalisations sur le terrain. À quel niveau s'élèvent les crédits supplémentaires évoqués par le ministre ? En outre, concernant la gouvernance, parmi les onze mesures, celle qui vise à donner un second souffle au service d'accueil et d'orientation a retenu mon attention. Lorsqu'on auditionne la directrice générale de la cohésion sociale, on comprend que ce sujet pâtit d'un certain immobilisme. Quel est votre point de vue sur cette question ?
M. Jean-Pierre Godefroy. - Vous nous avez évoqué la pauvreté des enfants ainsi que le durcissement de l'opinion publique à l'encontre des personnes pauvres. Comment pensez-vous possible d'inverser, au niveau local, cette tendance dans l'esprit de nos concitoyens ?
Mme Laurence Cohen. - J'ai été intéressée par la constatation que les Français privilégient les services aux prestations qui recoupe, selon moi, la confusion entre solidarité et assistanat. Cette préférence ne peut, à mon sens, que bénéficier au service public et notamment aux services publics de proximité qui souffrent de dotations constamment en baisse. Par ailleurs, les femmes seules en situation de pauvreté, qu'elles soient salariées ou retraités, ne bénéficient pas de l'égalité de traitement avec les hommes, quand bien même les textes en disposent. Comment faire pour qu'il soit mis fin, une fois pour toutes, à cette inégalité?
Enfin, s'agissant de l'hébergement d'urgence et, plus généralement, du logement social, certaines villes refusent de construire des logements sociaux en payant des pénalités conformément à la loi SRU. De ce fait, les villes qui en construisent sont pénalisées, du fait de l'appel des populations défavorisées que leurs programmes de construction suscitent. Comment encourager par ailleurs les maires bâtisseurs et leur permettre d'augmenter les hébergements d'urgence dont pourraient bénéficier notamment les femmes en situation difficile ?
Mme Élisabeth Doineau. - La mise en oeuvre du plan de lutte contre la pauvreté a dû pâtir de l'élaboration de la réforme territoriale et surtout de l'annonce de la suppression des départements auxquels incombe principalement l'action sociale. Je salue également votre implication sur l'ensemble des territoires. Dans la nouvelle configuration territoriale, les régions s'occuperaient davantage de l'emploi. Quel est votre avis sur cette nouvelle compétence ? Dans les départements, le nombre de bénéficiaires du RSA et celui des enfants confiés à des structures d'accueil ont augmenté. De plus en plus de femmes seules sollicitent l'aide des départements en matière d'énergie et le nombre de dossiers de surendettement explose. Afin de répondre à ces nouvelles demandes, les départements se sont organisés pour proposer de nouvelles offres de services. Or, la mobilisation constante des services pour l'élaboration de pactes et de schémas ne permet pas de répondre aux besoins exprimés sur le terrain. Les départements doivent ainsi se mobiliser sans cesse, tout en devant faire face à la baisse de leurs moyens.
M. Philippe Mouiller. - Je suis frappé à la fois par la diversité et la complexité des outils mobilisés pour la lutte contre la pauvreté, et par l'absence de résultats probants. La profusion des intervenants et des programmes de ce secteur me paraît conduire à une dispersion de l'action publique, et les avancées ne sont pas à la hauteur des engagements. Le rapport qui nous a été présenté se veut d'évaluation mais celle-ci est-elle adossée à des données financières ? S'agissant de la fusion de la prime pour l'emploi et du RSA, le calendrier en a certes été fixé, mais des outils de concertation entre les différents acteurs concernés ont-ils été mis en oeuvre ?
M. François Chérèque. - S'agissant de l'hébergement-logement, les crédits initiaux ont sans doute évolué à la baisse mais les dépenses réalisées sont bien en augmentation en 2014. Voilà vingt ans que le financement de l'hébergement-logement est sous-évalué en loi de finances initiale et appelle un financement complémentaire en cours d'année.
Les services intégrés de l'accueil et de l'orientation (Siao) instaurés par la loi Alur viennent de débuter et il est par conséquent trop tôt pour en évaluer le fonctionnement.
L'opinion publique est sensible aux crises économiques et, en de telles périodes, les Français font généralement preuve d'une générosité accrue. Les analyses du Credoc montrent cependant un revirement caractéristique peu après la crise de 2008, avec un essoufflement des sentiments de solidarité. Le discours politique sur la stigmatisation pèse de manière évidente, même s'il ne repose sur aucun fait. L'opinion privilégie l'accompagnement des personnes en situation de pauvreté à l'assistanat et aux minimas sociaux. S'agissant des services publics, on peut citer la création de cent mille nouvelles places de crèches et d'accueil des jeunes enfants. Le problème réside dans l'accès des familles qui en ont le plus besoin à ces nouveaux services. Les municipalités privilégient souvent les actifs pour l'attribution de ces places, ce qui ne favorise pas le retour à l'emploi.
La question de l'égalité salariale est distincte, me semble-t-il, des constats que nous effectuons sur la pauvreté. Nous parlons ici de femmes seules, qui vivent avec leurs enfants en-dessous du seuil de pauvreté, et qui n'ont pas de travail ou une activité très partielle, bien en-deçà de vingt-quatre heures hebdomadaires. Il s'agit de personnes qui n'ont même pas accès à un emploi à temps plein.
Le rôle de l'État en matière d'hébergement d'urgence, lorsque les municipalités ne respectent pas leurs obligations, doit être interrogé. Cette situation est analogue à celle de l'emploi des personnes en situation de handicap que des employeurs refusent d'embaucher, quitte à payer une amende substantielle. C'est un choix du législateur.
Les remontées du terrain, que ce soient les élus ou les associations, font état de la grande complexité soulignée par plusieurs d'entre vous. Il faut en effet simplifier et privilégier une logique de complémentarité entre les intervenants.
Le Gouvernement ne nous a pas transmis de chiffrage financier du plan et c'est la raison pour laquelle notre rapport ne traite pas et aspect du dossier. Par ailleurs, notre mission, dont le rôle se limite à l'évaluation du plan, n'est pas associée à la préparation, par le Gouvernement, de la fusion entre le RSA-activité et la prime pour l'emploi.
Mme Colette Giudicelli. - La construction de logements sociaux se heurte à un nombre croissant de difficultés. Dans la ville de Menton où je vis, la municipalité impose aux promoteurs privés une amende de 80 000 euros par logement social non construit, ce qui, en retour, abonde le budget de la commune qui peut alors faire l'acquisition de terrains. Cependant, quand bien même les maires bâtisseurs souhaiteraient développer le logement social, ils se heurtent à la profusion de règlementations, comme celles qui visent la préservation de la faune et de la flore, et qui allongent les délais de construction de manière insensée.
Mme Aline Archimbaud. - Je ferai trois remarques. D'une part, s'agissant du non-recours au droit, j'ai remis au Premier Ministre, M. Jean-Marc Ayrault, un rapport sur l'accès aux soins des personnes les plus démunies et formulé quarante propositions, dont sept de simplification. Au bout d'un an et demi, la connexion que je préconisais du RSA-socle avec la CMU-complémentaire, n'est toujours pas retenue et a même fait l'objet d'un avis défavorable du Gouvernement lorsque je tentais, à plusieurs reprises, de l'introduire sous la forme d'un amendement. Or, il n'y a pas de chiffrage récent du non-recours au droit inscrit dans la loi. Et, d'un point de vue républicain, cette réalité est choquante et contribue à la perte des repères au sein de notre société. Lorsque 30 % des titulaires du RSA-socle, voire 40 % d'entre eux en Ile-de-France, ne peuvent faire aboutir leur dossier CMU-complémentaire, pourquoi ne pas mettre en oeuvre cette mesure de simplification qui permet, en définitive, d'appliquer la loi ? D'un point de vue financier, l'étude sur les gisements d'économies « moins de maladie » réalisée par le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) et rendue publique en octobre 2013, a démontré que les personnes en situation de précarité et bénéficiaires de la CMU-complémentaire étaient, sur un an, moins malades que celles qui n'étaient pas affiliées, occasionnant une économie par personne de l'ordre de 400 euros pour la collectivité. Financièrement, il est erroné de considérer l'accès aux droits comme une source de dépense. Avez-vous des informations sur la poursuite de l'étude du SGMAP dont les expérimentations dans ce domaine semblent malheureusement avoir été arrêtées ?
S'agissant de la situation des jeunes, notamment dans le département de Seine-Saint-Denis, si le mécanisme de Garantie-jeunes fonctionne, la question du logement pose problème. À cet égard, de nombreux jeunes demeurent sans domicile fixe. Aussi, ne serait-il pas intéressant d'évaluer le coût du non-recours financier ?
M. Michel Forissier. - Monsieur l'inspecteur général, vous avez tout à fait raison de conférer une importance capitale à l'inclusion des plus jeunes dans notre société. A l'occasion de mes divers mandats locaux, j'ai pu mesurer les incohérences auxquelles les élus devaient faire face dans un contexte incertain. On comprend pourquoi beaucoup de nos collègues ont plaidé en faveur de la suppression de la clause de compétence générale qui peut conduire, sur un territoire donné, à la dispersion de l'argent public. L'inclusion sociale par le travail et le logement me paraît un sujet essentiel. Je figure parmi les maires qui ont triplé leurs objectifs de construction de logements sociaux. Il nous a été possible d'accompagner les équipements et services publics, puisque les municipalités disposaient alors de marges de manoeuvre budgétaires. Désormais, les collectivités n'en ont plus les moyens. Par ailleurs, une incohérence demeure puisqu'une politique de la ville satisfaisante allie le renouvellement urbain avec l'accompagnement des habitants. L'humain est manifestement absent des politiques publiques et l'augmentation de moyens est nécessaire si l'on veut réellement améliorer la situation de nos banlieues.
Mme Anne Emery-Dumas. - Votre mission concernait l'évaluation des mesures mises en oeuvre dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Celle-ci s'étend-elle à l'évolution des critères permettant d'identifier la pauvreté dans les territoires ? Au regard des travaux conduits par notre collègue M. Alain Bertrand sur l'hyper-ruralité qui ont permis d'identifier des poches de grande pauvreté dans ces territoires, comment allez-vous prendre en compte cette réalité dans la mise en oeuvre de l'aide aux familles pauvres ?
Mme Catherine Génisson. - Avez-vous des propositions, étayées sur des données chiffrées, concernant la garde d'enfants et la mobilité des femmes, chefs de famille monoparentale ?
M. François Chérèque.- Je ne reviendrai pas sur la question de l'urbanisme qui demeure fort complexe mais ne relève pas de notre compétence. S'agissant de l'accès aux droits, nous avons repris la préconisation mentionnée dans le rapport de Mme Archimbaud et relative à l'inscription automatique à la CMU-C des bénéficiaires du RSA. Les moindres dépenses liées au non-accès aux droits ont été chiffrées par l'Observatoire national de la pauvreté et des exclusions sociales à six milliards d'euros en 2013, dont 30 % pour le RSA-activité et 30 % pour la CMU-C. En revanche, le coût différé du non-accès aux droits n'a pas été chiffré. L'avantage d'un meilleur accès aux soins est évident : si l'accès à la santé se solde, la première année, par des dépenses supplémentaires, celles-ci sont lissées et s'atténuent les années suivantes.
Les missions locales assurent leur mission auprès des jeunes qui ont remis en cause leur pratique professionnelle, mais elles n'ont pas vocation à s'occuper de l'accès au logement. Un problème de prise en charge global se pose donc.
Placer l'humain au coeur de la politique de la ville est également essentiel, tant celle-ci s'est longtemps cantonnée à la rénovation des bâtiments sans réellement s'occuper des personnes qui y vivent. Je partage cette idée à titre personnel.
Je constate que depuis plusieurs décennies de multiples plans ont été lancés pour les jeunes, les femmes ou les quartiers difficiles. Et les personnes situées au croisement de tous ces plans sont ainsi celles qui se trouvent le plus souvent en situation de pauvreté. Donc il faut interroger l'efficacité et la coordination de ces plans.
Notre rapport de l'an passé rappelait que les territoires ruraux, isolés et pauvres n'avaient pas été suffisamment pris en compte. Mais le plan d'aide aux familles pauvres ne se limite pas à celles qui se trouvent en milieu urbain. D'ailleurs, l'Insee est capable d'identifier les zones rurales les plus pauvres. Il faut adapter la politique de soutien à cette nouvelle carte.
Sur les gardes d'enfants, les dispositions prévues dans le plan devraient être appliquées. Certes, certaines collectivités, comme Grenoble ou la Loire-Atlantique, ont proposé des solutions innovantes, en assurant l'accès des enfants à des structures collectives et en organisant, pour les classes moyennes également, une prise en charge globale. Sur la mobilité, des études ont été réalisées et leurs résultats doivent être analysés.
Mme Pascale Gruny. - La fin programmée des départements ne vous inquiète-t-elle pas, à partir du moment où des services de proximité sont maintenus grâce aux communes et aux intercommunalités ? Sur les gardes d'enfants, les mères chefs de famille monoparentale ne peuvent accepter que des contrats à temps partiel, voire très partiel, afin d'éviter que leurs enfants, scolarisés au collège, ne soient laissés à eux-mêmes et tombent dans la délinquance. Par ailleurs, la France bénéficie-t-elle du fond européen à destination des jeunes qui est abondé à hauteur de six milliards d'euros ?
M. Olivier Cadic. - On ne peut que constater l'étendue du plan que vous nous présentez, ainsi que les valeurs humanistes qui l'animent. Cependant, quel est l'impact de ces mesures sur le taux de pauvreté ? Avez-vous des exemples d'autres pays dont le taux de pauvreté a baissé, vérifiant ainsi l'efficience des politiques publiques ayant une telle ambition ? D'ailleurs, quel est l'objectif du taux de pauvreté à l'horizon de 2017 pour la France et quel serait alors l'évolution de notre classement dans l'Union européenne ?
Mme Corinne Imbert. - J'avais participé aux travaux que vous aviez conduits dans la région Poitou-Charentes l'an passé. J'aurai deux questions. La première concerne l'aide sociale à l'enfance et la protection des mineurs étrangers isolés qui sont de plus en plus accueillis par les départements. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette question qui implique notamment un partenariat avec l'éducation nationale. Ma seconde question porte sur le logement et les effets pervers des logements « basse consommation » construits en zone tendue. En effet, les bailleurs sociaux répercutent sur les loyers le surcoût de la construction, ce qui évince d'emblée les personnes isolées bénéficiaires du RSA qui devraient en être les principaux bénéficiaires. C'est là une situation paradoxale et insoutenable !
Mme Agnès Canayer. - S'agissant de la Garantie-jeunes, celle-ci me paraît un bon dispositif qui permet une prise en charge globale. Mais on constate un doublon entre la Garantie-jeunes et l'initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ). Le soutien aux familles pauvres pâtit du foisonnement des dispositifs et des intervenants. Et je souscris aux propos de notre collègue s'agissant des loyers pratiqués dans des logements neufs par les bailleurs sociaux qui sont inaccessibles pour les plus démunis, tandis que le parc social existant demeure extrêmement vétuste.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - On constate en effet une grande précarisation en milieu rural dont la mobilité est l'un des problèmes récurrents. D'ailleurs, les associations qui sont à même de prêter des véhicules connaissent elles-mêmes de grandes difficultés et je ne vois pas, à l'avenir, d'amélioration possible pour ce tissu associatif qui assure la mobilité des personnes. Par ailleurs, disposons-nous d'une évaluation de l'évolution du nombre de personnes qui, bien que travaillant, demeurent en dessous du seuil de pauvreté ?
M. François Chérèque. - Le plan a été élaboré à partir du rapport présenté par M. Michel Dinet, ancien président du conseil général de Meurthe-et-Moselle, qui préconisait la simplification des schémas territoriaux. Une telle démarche me paraît avoir de l'avenir ; le principe étant que le chef de file sur un thème donné passe une forme de contrats avec les autres acteurs complémentaires. L'expérimentation, à laquelle d'ailleurs M. Michel Dinet avait participé, a donné lieu à un vaste débat qui concernait notamment la clause de compétence générale, mais aussi la coordination des compétences des différents échelons.
Sur la garde périscolaire, je partage votre avis. Une circulaire destinée aux préfets a d'ailleurs été adressée le 20 janvier dernier. Mais la complexité demeure car l'État, le département, les communes, ainsi que l'éducation nationale, y participent ! Quel est donc le chef de file ? Il va bien falloir l'identifier et suivre la mise en oeuvre des schémas territoriaux sur la parentalité.
La France est le premier pays qui a formulé un projet destiné à être financé par le Fond européen de la jeunesse qui finance à la fois la Garantie-jeunes et abonde, à hauteur de 18 millions d'euros, le budget de l'Agence du service civique. La difficulté réside avant tout dans l'extrême complexité du montage des dossiers, à laquelle s'ajoutent d'ailleurs les problèmes suscités par la répartition territoriale qui peuvent parfois conduire à des demandes concomitantes de financement dans un même territoire. Cependant, la Garantie-jeunes bénéficie d'un financement fléché.
L'annexe du rapport contient une centaine de pages consacrées aux indicateurs élaborés en partenariat avec la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) pour suivre les effets de chacune des mesures. Ceux-ci ne sont pas tous renseignés, puisque nous ne disposons, pour le moment, que des chiffres de 2013. Un suivi réel de l'évolution du taux de pauvreté et de l'effet des mesures est ainsi assuré. Ces indicateurs devraient également être territorialisés à compter de l'année prochaine, ce qui accroîtra notre visibilité. Mais il importe que cette démarche soit suivie dans le temps.
Les objectifs pour 2017 ne figurent pas dans notre plan. D'ailleurs, le Gouvernement devait présenter aux instances européennes un rapport qui ne semble pas encore finalisé. La notion de taux de pauvreté est toutefois à manier avec précaution. En effet, la Grande-Bretagne connaît depuis ces dernières années une baisse de son taux de pauvreté, non en raison d'une amélioration des conditions de vie des plus démunis, mais plutôt du fait de l'abaissement du salaire médian qui entraîne une diminution mécanique du seuil de pauvreté. D'ailleurs, la France a connu elle aussi une baisse de son taux de pauvreté de l'ordre de 0,1 % tandis que le salaire médian baissait de 0,5 %. La baisse statistique du nombre de personnes pauvres ne reflète nullement l'amélioration générale des conditions de vie !
Sur les mineurs étrangers, le Conseil d'État vient d'avaliser une partie de la circulaire de Mme Christiane Taubira et de demander au Gouvernement d'examiner avec le Parlement la question de la répartition des mineurs sur l'ensemble du territoire.
Notre rapport de l'an passé évoquait également la survalorisation des loyers des logements sociaux neufs. C'est manifestement une anomalie contreproductive ! Le plan contient néanmoins l'engagement du Gouvernement d'une augmentation du nombre de construction de logements sociaux et très sociaux, mais leur répartition sur l'ensemble du territoire national n'est pas précisée.
Je terminerai enfin sur la situation en milieu rural sur laquelle notre rapport de 2014 s'était également penché. Les personnes isolées et pauvres en milieu rural souffrent ainsi d'une précarisation accrue, en matière notamment de mobilité et d'accès au droit. D'ailleurs, la Poste réfléchit actuellement à convertir ses 17 000 points de contact en maisons de service public, quitte à y placer des simulateurs des droits. D'ailleurs, les volontaires du service civique pourraient aider au fonctionnement de ces simulateurs destinés, notamment en milieu rural, à des personnes peu enclines à l'utilisation des nouvelles technologies. Des actions sont ainsi possibles. Le Premier Ministre, dans sa première lettre de mission, avait d'ailleurs insisté sur la situation des « zones rurales isolées ».
Mme Françoise Gatel. - Je souhaiterai rebondir sur la misère constatée en campagne, qui va bien au-delà de la pauvreté que nous avons évoquée. La désespérance dans les campagnes nourrit d'ailleurs la contestation des institutions politiques et une forme d'isolement moral qui frappe un nombre croissant de nos compatriotes. En outre, la mobilité au sein du parc social me paraît un sujet essentiel, bien que peu abordé. Certes, il importe de garder en son sein des personnes susceptibles d'en sortir, afin de préserver la pérennité financière des bailleurs sociaux et de contribuer à une certaine forme de mixité sociale. Si le logement social est fait pour aider les personnes en répondant à un impératif de solidarité, ne faudrait-il pas ajuster la taille de l'appartement à la situation familiale des personnes bénéficiaires ?
M. François Chérèque. - Je ne peux qu'aller dans le même sens.
M. Alain Milon, président. - Je vous remercie de votre intervention qui nous a permis d'appréhender tous les volets de la lutte contre la pauvreté.
Nomination de rapporteurs
La commission nomme MM. Michel Amiel et Gérard Dériot comme rapporteurs sur la proposition de loi n° 2512 (AN - XIVe législature) créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
La réunion est levée à 11 h 50